T’as encore cédé à la tentation. Juste un peu. Juste pour profiter de l’instant, pour te dire que c’est seulement sur un coup de tête, que c’est le temps d’une soirée et que vous êtes légèrement éméchés. Pas bourrés. Juste éméchés.
Deux ados qui se tournent autour sans vraiment savoir c’qu’ils veulent vraiment.
Deux ados qui se laissent un peu guider par leur foutues hormones.
Et le quatrième baiser est encore meilleur que les trois précédents. Et puis même si tu sais toujours pas c’que ça veut dire, c’que vous allez devenir après cette soirée, et que d’ici une semaine c’est le début des vacances d’été, bah tu préfères profiter du moment. Pour une fois, tu veux bien te laisser aller. Juste un peu.

C’pour ça que t’es revenue vers lui. Que tu l’as laissé te prendre dans ses bras. Que tu t’es autorisée à glisser tes doigts dans ses cheveux. Pourquoi est-ce qu’il a fallu que ses cheveux soient si doux hein ? Pourquoi est-ce qu’il a fallu que ça tombe sur lui, pourquoi est-ce que t’es venue ce soir à cette foutue soirée ?
Mais tu veux pas imaginer qu’ça aurait pu être une autre qu’il serait en train d’embrasser, tu veux pas imaginer une autre pendue à ses lèvres.

Vos langues sont venues se chercher, timidement, puis une fois habituée l’une à l’autre, c’était comme si tu savais quoi faire exactement. T’as mordillé un peu ses lèvres. T’as baissé les armes, barrière complètement brisée. «Promet-moi...» t’as murmuré un peu «...de pas me mettre le cœur à l’envers.»

Parce que à ce moment précis, tu savais pas encore que t’allais vivre dans la rue, que tu t’battrais pour survivre et pour pas crever bêtement. Parce que à c’moment précis, tu savais pas que t’allais lui faire du mal.

Et t’avais pas prévu de t’attacher aussi.

Tu veux juste profiter du moment. Pas tout gâcher en lui demandant de te faire des promesses.
Mais faut que t’en aies le cœur net. Tu veux savoir si c’est pas juste sur le moment. Si c’est pas l’effet de la fête qui vous fait faire ça. Tu sais pas trop. C’est bien la première fois que ça t’arrives. Qu’un mec te plaît vraiment.
C’pour ça que tu lui demandes presque suppliante de pas te mettre le cœur à l’envers. Tu sais pas si un cœur brisé pourra être de nouveau remis en état de marche. Si quelqu’un réussira à recoller les morceaux. T’as un peu l’impression d’foncer droit dans le mur.
T’as peur aussi, parce que ça ressemble beaucoup à un premier amour qui est en train de naître.

T’es pas habituée.
T’es pas faite pour ça.
Vous êtes pas compatibles.
Deux mondes différents et le tien qui est prêt à accepter la présence de Logan.
Ou inversement.

Tu veux pas faire des plans sur la comète. Tu veux pas trop te poser de questions non plus, tu veux juste... ouais profiter de l’instant. Ses lèvres, tu pourrais facilement en devenir accro.
Son parfum, sa voix, son dos musclé, ses bras qui te serrent tendrement. Ptêt que ça va trop vite.
Ptêt que vous savez pas trop comment vous y prendre, mais vos lèvres se sont déjà apprivoisées, un peu timidement au départ, mais là, c’est parfait.

Et quand il te promet de pas t’mettre le cœur à l’envers, tu peux pas t’empêcher de sourire, encore, pour lui et seulement lui. C’est ça tomber amoureuse ? Et si la chute était douloureuse hein qu’est-ce qui se passera ensuite ?
«Ça veut dire que j’suis prête à te donner mon cœur...» tu t’sens un peu rougir, tu t’sens comme ces ados idiotes et amoureuses dans les séries pour teenagers.
Puis il te demande s’il peut te raccompagner. Où ça, t’as pas vraiment de toit sur la tête et tu veux pas te faire cramer à moitié éméchée par les bonnes sœurs. Alors tu t’agrippes instinctivement à sa veste de sportif. «J’veux bien dormir chez toi. Attention, juste dormir hein, puis de toute façon c’est le week-end, j’ai rien de prévu... Si ça dérange pas tes parents bien sûr.»

Il a de la chance d’avoir une famille.

Pouvoir inviter quelqu’un chez toi, avoir un vrai toit sur la tête, avoir des parents cool, tout ça, pour toi, c’est complètement fini. Tu n’sais même pas qui est ton géniteur en fait. Tu ne l’a jamais su et tu le sauras probablement jamais puisque ta mère alcoolique a mis les voiles. Disparue du jour au lendemain.
Avec l’excuse comme quoi elle était partie seulement pour aller se chercher un paquet de clopes.
Si elle voulait pas t’avoir comme responsabilité, dans ces cas-là, elle aurait mieux fait de pas s’laisser tomber en cloque trop tôt. Ou d’pas se laisser tomber en cloque tout court.

T’as ce petit pincement au cœur. Et si depuis ces dernières années elle avait décidé de refaire sa vie, d’avoir d’autres enfants et qu’au final c’était toi le problème et pas elle ? Et si t’avais été trop turbulente, et si au final elle t’avait abandonnée juste parce que tu étais une gamine insupportable ? Tu ne t’en es jamais vraiment rendue compte et franchement, ne pas connaître la réponse, c’est frustrant...

Pendant le trajet jusqu’à la maison de Logan, t’as pas pu t’empêcher d’te poser des questions.
Jusqu’à c’que tu te sentes en sécurité chez lui. Jusqu’à c’que tu te retrouves dans sa chambre.
Déco typiquement masculine, mais on sent une touche féminine qui vient peut-être de sa mère. Ça t’fait sourire et t’attrapes le tee-shirt qu’il te tend pour que tu sois plus à l’aise pour dormir.
«Merci.» tu t’es sentie encore rougir puis quand il est parti se changer, t’as fait de même, assez rapidement ou trop nerveuse parce que t’es pas prête à c’qu’il te voit en lingerie.

Il revient, en pyjama et torse nu. «Okay, c’est d’la triche t’es trop bien foutu.» ça s’est échappé d’tes lèvres, trop honnête. C’est vrai quoi, il est déjà bien musclé pour son âge. T’as frissonné un peu quand il t’as prise dans ses bras et t’as fermé les yeux quand il t’as embrassée sur le front. T’es bien là. T’es rassurée qu’il ait pas envie d’te sauter dessus. C’est beaucoup trop tôt non ?

Puis vous vous êtes couchés tous les deux. Tu t’es quand même lovée contre lui, la tête sur son épaule, puis vous vous êtes endormis, pour ensuite passer une fin de week-end ensemble, toi à faire la connaissance de ses parents. Tu t’es sentie tout de suite adoptée par la famille. Et ça t’as foutu un peu la trouille.