Il tournait en rond depuis une bonne heure déjà. En vérité, Wren ne s'était jamais senti à l'aise dans ce genre de rôle, une raison basique qu'il avait toujours poussé à fuir la notion même de rendez-vous. Enfin, est-ce que ce mot avait été utilisé à un mot donné? Étrangement, il ne semblait plus avoir le moindre souvenir de l'instant fatidique où tout avait basculé lors de sa rencontre avec Maze Crawley. Peut être que ledit moment avait déjà été annoncé dès les prémisses et dans ces cas là, il n'y avait pas eu grand chose à faire pour Doherty. Néanmoins, bien des jours plus tard, il était plus que conscient de la décision qu'il avait prise en acceptant de passer un moment supplémentaire avec la jeune femme. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour réaliser que sa curiosité avait été piquée au vif au fil des conversations: la belle Crawley avait de nombreuses singularités qui avaient tapé dans l'oeil de Wren. Déjà, elle avait cette capacité à rire de tout et surtout, de provoquer un sourire chez le jeune homme, ce qui devait constituer un miracle d'envergure vu à quel point le suédois semblait peu enclin à manifester une quelconque joie au quotidien. Il considérait qu'il n'était pas fait pour le bonheur, une manière bien particulière pour signifier qu'il fuyait le bonheur comme la peste depuis tellement d'années qu'il en avait même oublié ce que c'était de vivre. Dans tous les cas, le jeune pompier s'était habitué à son style de vie sans saveur ni envergure. Au moins, il n'était déçu de rien puisqu'il ne prenait aucune décision, jamais. La simplicité avait ses avantages évidemment: il n'était jamais blessé par autrui étant donné qu'il ne laissait personne entrer dans sa vie depuis de nombreuses années. Il aurait peut être secrètement aimé que l'affaire continue de la sorte mais Wren n'était pas plus invincible que le reste de l'humanité. Il y avait eu cette rencontre avec Maze, ce grain de folie qui l'avait conquis et qui l'avait joyeusement poussé à répondre oui à la question de la jolie brune. Alors, il en était là, à attendre l'heure dite pour quitter sa garde et se préparer pour se rendre au restaurant où ils avaient fixé leur heure de retrouvailles. Ce qui était en train de se passer ces derniers jours, Wren n'aurait pas été capable de l'énoncer, lui même n'y comprenant pas grand chose au bout du compte. Tout ce dont il avait conscience, c'était qu'il n'avait pas franchement envie de retourner en arrière, pas même de fuir, même si on avait bel et bien la sensation qu'il était comme un gamin effrayé par un gros orage au dessus de son crâne.

Wren était encore cet enfant justement, surtout dans les situations où il n'était pas tout à fait maître de ses actes et ses conséquences. Lors de sa rencontre avec Maze, c'était justement ce qui lui était arrivé, la jeune femme avait dicté le moindre événement en mettant presque le feu à son appartement et le jeune Doherty n'avait pu qu'agir en laissant son cerveau de côté. Il n'avait pas eu de regrets à ce sujet, considérant que se laisser porter par son instinct l'avait amené à l'endroit précis où il devait être. Bien vite, la sonnerie de la fin de sa garde retentit et il laissa tomber sa partie de black-jack pour se diriger vers les vestiaires et se changer. Personne ne fit de commentaires en le voyant sortir plus apprêté qu'habituellement. Wren n'était pas le genre de garçons à se prendre la tête et son style vestimentaire le montrait la plupart du temps. Il sortait dans les bars en étant complètement détendu et c'était certainement ce qui attirait chez lui, ce côté nonchalant et toujours maître du moindre mot, du moindre geste. Avec Maze, il montrait tout autre chose, se sentant libre de prendre un nouveau départ inespéré. Lorsqu'il arriva au restaurant, pile à l'heure, il prit tout de même le temps de se fumer une cigarette avant de pénétrer dans la bâtisse et s'asseoir à la table qui devait être la leur pour la soirée. Il n'eut pas à attendre énormément de temps avant d'apercevoir la silhouette de Maze dans l'entrée. Son regard s'illumina discrètement en la regardant s'approcher. "Mince, moi qui pensais passer la soirée avec Krang... T'as mis mon cerveau en error 404, va pas falloir que ça devienne une habitude, Maze Crawley." Une manière typiquement wrenienne de souligner qu'elle était jolie ou alors, qu'il était toujours aussi idiot que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, dans tous les cas, une combinaison qui semblait gagnante.

"On se détend et on prend une décision Crawley !" Cela faisait 15 bonnes minutes que Maze se prenait la tête à se choisir une tenue pour la soirée. Les 3/4 de son placard étaient maintenant échoués sur son lit tandis que le quart restant se battait en duel à travers sa chambre, sur ses fauteuils ou même carrément à même le sol. Elle lâcha un soupir las et désespéré. Se parler seule à voix haute ne changeait rien au problème, en revanche cela lui donnait bel et bien l'impression de devenir complètement cinglée. Elle n'avait jamais été du genre à se prendre la tête au sujet d'une tenue. Au contraire, cela lui arrivait souvent d'attraper la première chose qui lui tombait sous la main. Alors pourquoi était-ce différent aujourd'hui ? Rien n'avait été classique ni même normal dans sa rencontre avec Wren. Tenter de mettre le feu à son appartement pour attirer l'attention d'un bel inconnu, ça, elle n'y avait jamais songé. Quel était le pourcentage de chances pour qu'un pompier passe par là pile au moment où son repas menaçait dangereusement de la réduire en cendres -ainsi que l'immeuble et l'intégralité de ses voisins par la même occasion- ? Et quelles étaient les probabilités pour que leur discussion, qui avait commencé par des reproches et des éclats de voix, se termine en une invitation à dîner ? Aux yeux de Maze, cette journée paraissait toujours aussi irréaliste que magnifique et surprenante. Il lui arrivait sincèrement de se demander si tout cela s'était réellement produit, et elle n'aurait pas été plus étonnée que ça d'arriver au restaurant et de rejoindre une table vide, se rendant compte qu'elle avait imaginé toute cette histoire de A à Z. Mais ça, elle ne le découvrirait que d'ici une heure. En attendant, elle n'avait toujours pas décidé quelle tenue choisir et ce dilemme commençait sérieusement à la stresser. Au comble du désespoir, elle se laissa tomber sur son lit au milieu de tous ses vêtements. L'un d'eux décida d'ailleurs de lui retomber ironiquement sur le visage. En fronçant les sourcils, elle attrapa la robe qui venait d'obscurcir son champ de vision et s'assit sur le bord de son lit. Une robe bordeaux et noire lui arrivant juste au-dessus des genoux: habillée mais sans faire pompeuse pour autant. Le destin décidait-il de lui envoyer un signe après en avoir eu assez de la voir se débattre avec sa propre indécision ? Très bien, c'était la tenue qu'elle allait mettre. Il ne lui restait maintenant plus qu'à se décider sur ses chaussures et sa coiffure...De longues minutes plus tard, Maze arriva enfin devant le restaurant, les cheveux finalement bouclés et lâchés sur ses épaules, et une paire de baskets blanches aux pieds. Elle aimait l'idée de casser l'effet "robe de soirée" avec ces chaussures...et elle aimait encore plus l'idée de ne pas avoir mal aux pieds en rentrant chez elle à la fin de la soirée.
Elle inspira profondément avant d'enfin pénétrer dans le restaurant. Était-elle la première à être arrivé ? Elle balaya la salle du regard et sentit instantanément un nœud se former au creux de son estomac en apercevant Wren déjà installé à la table. Elle n'avait donc résolument pas imaginé leur rencontre et elle se força à avancer vers lui avant que le trac ne parvienne à la faire partir en courant. Leur dernier après-midi s'était tellement bien passé qu'elle craignait de tout gâcher ce soir là, d'une manière ou d'une autre. En arrivant à la hauteur de son rendez-vous, un sourire s'afficha sur son visage en entendant sa remarque. Elle était contente qu'il ait d'une part pris les devants en lançant la conversation, et d'autre part de retrouver l'atmosphère qui les avait entourés lors de leur dernière rencontre. "Désolée Wren...Krang, c'est pas avant le troisième rendez-vous." Elle alla déposer un baiser sur sa joue, non sans prendre quelques précieuses secondes supplémentaires pour le regarder, toujours aussi subjuguée par son regard. Et bien qu'elle songea un instant qu'elle aurait volontiers passé sa soirée à l'observer ainsi sans dire un mot, elle se résolut malgré tout à s'installer à table en face de lui. "Et je dois dire que tu es plutôt élégant également, dans un style tout à fait non-Krangien." Le grand et beau pompier au regard envoutant avait déjà fait son effet en défonçant la porte de son appartement, mais le voir apprêté pour la soirée lui apportait une touche de charme supplémentaire, si tant est que cela soit encore possible. "Au fait..." Sans finir sa phrase, Maze se mit à fouiller dans son sac à la recherche d'un objet bien mystérieux. Quand elle réussit enfin à mettre la main dessus, elle le déposa fièrement sur la table et le fit glisser en direction de Wren. "Juste une solution de repli si jamais la cuisine de ce restaurant laisse à désirer..." L'objet dont elle parlait n'était autre qu'une boîte d'allumettes. Elle eut un sourire en coin à l'intention du jeune homme avant d'ajouter : "Comme tu peux le voir, mon humour ne s'est pas vraiment amélioré depuis la dernière fois..." Elle profita de l'arrivée du serveur pour se commander d'ores et déjà un verre de vin. Elle avait comme l'impression que cette petite dose de courage liquide ne pouvait pas lui faire de mal.

Pour une fois, il n'avait pas franchement hésité. Venir ou non à ce rendez-vous n'était pas devenu un dilemme de toute une fois. Wren se laissait porter par ses envies, une première pour quelqu'un qui se laissait toujours guider par la peur et autres émotions négatives qui l'avaient bien trop souvent caractérisé. À force d'agir en reclus, le jeune Doherty avait fini par croire qu'il finirait seul et perdu au milieu d'une foule de gens heureux, de gens loin d'être lui. Il n'avait pas cette capacité à s'attacher au bonheur, il ne voulait même pas l'essayer à vrai dire. Wren avait le plus souvent besoin d'être seul avec ses pensées, perdu dans les sphères douteuses de son mal être. Et celui là était profond, il fallait dire que le pompier avait eu le temps de l'alimenter avec les années qui passaient inexorablement. Toujours là où il ne fallait pas, à faire les mauvais choix et à attendre que quelqu'un veuille bien réparer ses stupides actes manqués. Jamais rien ne venait, forcément puisque Wren était seul au monde, seul depuis que sa mère l'avait abandonné en cours de route, là, entre deux chemins lointains qui ne portaient aucun sens pour lui. La vie était de toute manière incompréhensible, on avait beau l’écrire  sous son meilleur jour dans tous les plus beaux romans qui occupaient ce monde, personne ne pouvait donner son sens profond et encore moins inviter les plus intrépides lecteurs à sa quête enchanteresse. Au moins, Wren n'avait jamais cru à ce genre de stupidités: jeune, il avait instantanément pris la mesure de ce qu'il n’obtiendrait jamais. La gloire, l'argent, le rêve, voire même l'espoir, tout cela l'avait abandonné avant même qu'il n’ait fait le choix de vivre véritablement. Aujourd'hui, il sautait ce pas là. En se rendant à cet étonnant rendez-vous, Wren acceptait l'idée de ne pas être en contrôle de tout et justement, dans cette situation précise, il ne maîtrisait franchement rien. Maze avait été présenté à ce moment de sa vie où il était enfin prêt à tenter toutes sortes de voyages, avant tout initiatiques. Lui qui ne faisait jamais le moindre effort pour plaire aux gens, voilà qu'il avait essayé d'être un peu élégant, même s'il se sentait plus ou moins ridicule au milieu du restaurant. Bien sûr qu'il ne se voyait pas comme un homme qui pouvait correspondre à l'image du parfait rendez-vous, Wren éteignait des feux ou bien il les allumait, mais il n’accomplissait pas d'autres missions essentielles pour le bien de l'humanité. En aucun cas, il n'était la perfection incarnée, celui qui savait tout gérer d'une main de maître, qui était en mesure de relancer une conversation des plus passionnantes, il n'était rien d'autre qu'un homme qui avait arrêté d’y croire…. Jusqu’à ce qu'il fracasse la porte de l'appartement voisin à celui de sa mère et se retrouve nez à nez avec cette femme de caractère, à l'humour désopilant et clairement unique. Il n'était peut être pas quelqu'un de franchement exceptionnel mais au moins, il avait attiré le regard de quelqu'un qui comptait, quelqu'un qui demandait à le connaître réellement.

Nécessairement, la peur s'installait parce que le jeune pompier n'avait jamais été du genre à laisser entrer les gens dans son cercle. Fuir, c'était tellement plus simple, cela lui demandait beaucoup moins d'efforts pour des résultats qui lui avaient toujours parfaitement convenu. Sa vie était peut être une routine insupportable mais les risques étaient présents seulement en interventions et il ne risquait pas de perdre grand chose s’il agissait comme la tête brûlée qu'il était clairement. Peut être que tout cela changera, à vrai dire, il était déjà en train de changer puisqu'il était arrivé légèrement avant l'heure dite, persuadé que c'était la meilleure tactique pour être parfaitement détendu quand Maze ferait son apparition. Il jouait le garçon détaché, une technique qui lui avait toujours servi, mais à l'intérieur, Wren était clairement moins serein. Il arriva tout de même à lancer la première plaisanterie à la jeune femme, leur remettant en tête directement tout ce qui s’était passé lors de leur première rencontre. Rien n'avait été normal alors il n'était pas question de rendre cet instant barbant avec des questions idiotes et une gêne qui mettrait l'ambiance en l'air dès les premières secondes. Maze avait l'air d'apprécier sa stratégie en tout cas puisqu'elle se lança à corps perdu dans la discussion comme s'ils s'étaient quittés deux heures auparavant, tout au plus. ”Ah mince, je pensais que tu ferais une petite infraction à tes principes en me proposant ça dès le premier rendez-vous, moi qui me pensais si sensationnel, zut, ma déception est immense…” Bien évidemment, le regard qu'il arborait montrait quelque chose de tout à fait différent en vue du sourire qui s’élargissait sur ses traits. Pour sûr que Maze comprendrait son humour plus ou moins idiot, à ce sujet, ils avaient été construits sur le même moule, ce qui était clairement inquiétant pour la sûreté de la planète. Doherty reçut son doux baiser avec une émotion non feinte, acceptant par la même occasion un compliment qui lui seyait bien plus qu’à l’accoutumée, évidemment. ”Je me suis dit que je garderais le costume plus krangien pour quelque chose ď’un peu plus décalé, genre mariage de tortues ninja, tu vois. Mais merci, ça me touche.” Il avait l'air de plaisanter mais c'était une évidence, Wren n'avait juste pas l'habitude de montrer la moindre émotion et pour ce qui était de les exprimer avec des mots, c'était peut être même pire encore. En sachant ce genre de détails, on imaginait bien vite qu'il respectait énormément Maze pour lui offrir ce genre de privilèges malgré la récence de leur rencontre et ses circonstances bien plus tumultueuses encore. Voilà quoi était question d'allumer le feu et la surprise de Wren lors de l'annonce de la jeune femme de transforma en un sourire amusé, il les imaginait déjà en train de mettre le feu à la corbeille de pain pour ajouter un peu de piquant à cette soirée. ”C'est bien que t’y es pensé mais tu savais que j'étais équipé en briquets, non? J'ai déjà une mauvaise influence sur toi si tu te lances dans une carrière de pyromane de restaurants, olala…” C'était lui le symbole de la destruction et cela, Wren en avait parfaitement conscience alors qu'il attrapait cet objet de malheur entre ses doigts pour jouer avec, instinctivement. ”Ouf, il est encore là plutôt! Ça m'aurait brisé le coeur de ne plus côtoyer ton humour décapant, ça fait partie intégrante de ton charme et c'est plus ou moins irrésistible, prends en note d'ailleurs.” Au moins, le jeune homme ne tournait pas autour du pot quand il était question de séduction et autres commentaires de grande importance lors de ce genre d'événements. Le vin arrivait déjà, ce qui incitait peut être Wren à voir plus loin encore. ”T’as rien brûlé en mon absence alors? C'était presque un crève-coeur pour moi tu sais, j'adore cuisiner des pommes de terre pour les accros aux doudounes, chatouilles et autres délires sur canapé… Forcément, ça a été un manque à mon existence de pas être témoin de tes jolies extravagances.” Et jolie, Maze l’était à ses yeux, ces fichus yeux qui se bloquaient sur le visage de la femme en face de lui avec cette intensité qui ferait tomber le commun des mortels dans les pommes. Justement, elle n'était pas commune et Wren commanda plus ou moins n'importe quel plat, pris qu’il était dans cette contemplation d'un autre univers, bien plus majestueux que le sien.  

Maze n'en était pas à son premier rendez-vous, mais c'était la première fois qu'elle se sentait aussi déstabilisée. Elle avait l'impression de se retrouver à nouveau âgée de 16 ans, angoissant pour tout et n'importe quoi et accordant bien trop d'importance au regard que les autres pouvaient porter sur elle. À 20 ans, elle avait finalement appris à vivre pour elle et non pour les autres. Mais cela ne l'empêchait pas d'être encore préoccupée par ce que ses amis très proches pensaient d'elle. Heureusement, ces amis en question étaient peu nombreux et il ne lui arrivait jamais de prendre en considération l'avis de parfaits inconnus ou de gens qu'elle ne connaissait pas depuis plusieurs années au moins. Enfin toutefois, cela ne lui était jamais arrivé avant l'entrée fracassante de Wren dans son appartement, et dans sa vie par la même occasion. Ce qui était encore plus étrange dans toute cette histoire, c'est qu'elle arrivait à se comporter normalement -enfin si l'on pouvait toutefois qualifier son comportement habituel de "normal"- en la présence du jeune homme. En revanche, elle n'avait cessé d'être anxieuse et préoccupée depuis qu'il était reparti et ce jusqu'à ce moment précis où elle le retrouvait à nouveau. En bonne "Control freak" qu'elle était, elle n'appréciait pas particulièrement de perdre ainsi pieds et de ne plus avoir la sensation de tout maîtriser. Cela ne pouvait cependant pas lui faire de mal ; c'était aussi de jolis imprévus qui rendaient le quotidien plus savoureux. Il suffisait de se laisser porter au gré de ces derniers. Et si, sur ce point là, Maze avait encore de sérieux efforts à faire, la présence de Wren l'aidait une nouvelle fois à lâcher prise. "C'est pas que t'es pas sensationnel, loin de là même. C'est juste que je suis une fille très prude et traditionnelle, comme tu as pu le constater lors de notre dernière rencontre. Et Krang, c'est un sujet particulièrement sensible...donc pas avant le troisième rendez-vous, je suis désolée ça n'est pas négociable." Prude et traditionnelle étaient sans aucun doute les derniers adjectifs que l'on pouvait utiliser pour la décrire. Il ne faisait aucun doute que son sens de l'humour était revenu et qu'elle était parvenue à se décontracter dès que le jeune homme avait ouvert la bouche. Elle venait tout juste d'arriver mais elle était pourtant déjà tout sourire en sa présence et en l'écoutant. "Et bien je suis ravie que tu aies laissé le costume de côté pour te présenter ainsi." Plongée dans le regard de son interlocuteur, l'Anglaise oublia une nouvelle fois de réfléchir avant de parler, de filtrer ses pensées, et c'est le plus naturellement du monde qu'elle déclara : "Mais avec un regard pareil, tu aurais pu porter n'importe quoi, ou même ne rien porter du tout que ça aurait eu le même effet je pense." Bien Maze, continue d'évoquer la potentielle nudité de ton rencard en plein milieu d'un restaurant. C'est du meilleur effet pour paraître raffinée et sophistiquée. En réalisant enfin ce qu'elle venait d'insinuer, elle baissa les yeux et eut un sourire gêné. "Je viens vraiment de dire ça à voix haute ? Et j'ai même pas encore bu mon premier verre de vin...Excuse-moi." Non pas que ce genre de réparties puisse complètement surprendre le jeune homme. Après tout, il avait eu un bon aperçu de ce dont elle était capable quelques jours plus tôt. Il allait vraiment falloir qu'elle fasse quelque chose pour arrêter de dire tout haut ce qui méritait de rester verrouillé au fin fond de ses pensées, pour elle seule.
Réussissant à faire abstraction de sa gêne pour tenter de reprendre la conversation, elle releva finalement les yeux vers Wren et sourit en constatant qu'il accueillait avec humour cette histoire d'allumettes. "Mais le charme des allumettes...ça n'a pas son pareil. Et rassure-toi je ne pense pas avoir besoin d'être influencée de ce côté là. De pyromane d'appartements à pyromane de restaurants, il n'y a qu'un pas !" Elle ne pouvait pas nier qu'elle avait déjà un léger côté pyromane lorsqu'elle prenait plaisir à allumer tout un tas de bougies à travers son appartement. "Merci." Elle resta silencieuse quelques secondes, souriant légèrement, sincèrement touchée par ce compliment et à nouveau complètement perdue dans le regard de Wren. "Mais si mon humour pouvait se faire un peu plus discret par moment, ça m'arrangerait !" Heureusement pour elle, il semblait plutôt bien s'y retrouver au milieu de toutes les remarques irréfléchies et stupides de la jeune femme. Il maîtrisait d'ailleurs comme personne l'art de rebondir sur ce qu'elle disait et ça, peu de personnes en étaient capables. L'Anglaise avait plutôt tendance à laisser ses interlocuteurs cois voire désolés pour elle. L’exubérance, ça n'était pas pour tout le monde. "Non, promis, j'ai réussi à me nourrir sans rien brûler ! Difficile à croire, non ?" Leurs verres de vin venaient d'arriver et Maze se saisit instinctivement du sien pour le faire tourner dans sa main, positivement perturbée par la deuxième partie de la phrase de Wren. Pour une fois, elle semblait chercher et peser ses mots avec soin. "Tu m'as manqué aussi." Ni plus ni moins, ces quelques mots étaient bien lourds de sens pour la jeune femme. Elle s'en rendit elle-même compte en constatant que son rythme cardiaque s'était légèrement emballé lorsqu'elle les avait prononcés.
Elle commanda tout naturellement un plat composé notamment de pommes de terre tout en adressant un sourire en coin à Wren. Une fois le serveur reparti, elle posa ses mains sur la table et se pencha en avant, réduisant quelque peu l'espace qui les séparait, créant ainsi une ambiance plus propice à la confidence. En souriant légèrement et en se plongeant à nouveau dans le regard si envoûtant qui lui faisait face, elle demanda : "Parle-moi de toi Wren. Ta famille, tes amis, ta vie. Je veux tout savoir de toi." Le fait que le jeune homme puisse vouloir garder des informations pour lui et éviter certains sujets ne lui avait absolument pas traversé l'esprit. Elle avait dit cela naturellement, sincèrement curieuse d'en savoir plus sur lui. Il l'intriguait. Il lui plaisait. Et Maze ne demandait qu'à le connaître plus encore.

Il n'était jamais réellement prêt lorsqu'il était question de s'ouvrir aux gens autour de lui. Wren ne manquait jamais d'ignorer les questions qu'on pouvait lui poser ou de détourner la conversation avec des manigances dont lui seul avait le secret. Personne n'avait le droit d'entrer dans son monde, personne n'en valait vraiment la peine et puis, Doherty n'avait pas spécialement envie d'effrayer des individus totalement sains avec ses problèmes d'envergure. Il avait toujours su qu'il n'était pas normal: déjà gamin, Wren n'avait pas eu des préoccupations communes, toujours intéressé par les feux qui menaçaient de tourmenter de doux étés. Il ne jouait pas avec des super héros en figurines, il préférait les détruire. Wren n'avait jamais été un adepte des messages d'espoir, encore moins des grands discours et des gestes grandiloquents. Les paroles, en règle générale, ce n'était pas quelque chose qui lui correspondait. La plupart du temps, il restait mutique et il avait toujours pensé que c'était parfait comme cela. Après tout, il avait conscience que toutes ces histoires n'intéressaient pas les gens: oui, il avait un père cinglé, oui, sa mère avait fini par suivre son chemin et ne parlait plus que pour lui montrer son mépris le plus profond, non, il n'avait plus aucune influence sur son frère et sa soeur. Qu'est-ce que cela pouvait bien faire aux quelques personnes qui avaient encore suffisamment de foi pour tourner autour du jeune Doherty? Pour Wren, c'était devenu banal d'être seul et il avait apprécié cette solitude durant de longues années. A vrai dire, c'était ce qu'il redoutait désormais: que pouvait-il donner à autrui? Etait-il assez bien? Le méritait-il? C'était la question cruciale, cette dernière. Wren n'avait pas la sensation d'être une personne du bon côté de la force -oui, il avait regardé Star Wars et s'assimilait plus comme Dark Vador que Luke Skywalker- et il n'était même pas persuadé que quoique ce fut puisse changer la donne un jour ou l'autre. De toute manière, il ne laissait pas la place à ce genre d'interrogations trop longtemps. Quand une crise identitaire pointait le bout de son nez, Doherty filait dans les bars pour prendre les pires décisions possibles et imaginables. Dès le lendemain matin, il était de retour à ces bonnes vieilles certitudes, celles de ne mériter que sa solitude et il se confortait très bien dans cette allure de bad boy qui lui collait à la peau depuis sa plus tendre adolescence. Cela dit, rien ne pouvait rester aussi définitif et c'était peut être aussi une leçon qu'il aurait dû retenir de son visionnage régulier de la saga légendaire: tout le monde tournait sa veste à un moment donné et ceux qui étaient du mauvais côté pouvait toujours revenir vers la lumière. L'humain n'était pas si duel, il n'y avait pas que le noir et le blanc et c'était bel et bien toutes les nuances entre ces deux extrêmes qui rendaient l'affaire si belle. Wren se voulait monstre alors qu'il n'avait aucun trait de celui-ci la plupart du temps, il voulait jouer avec cette image simplement. Et maintenant, qu'allait-il en faire de tout cela? De son passé, de ses peurs de l'avenir, de toutes ces choses qu'il n'était pas en mesure de maîtriser depuis sa rencontre avec Maze? Le côté rationnel du jeune homme lui aurait vite demandé de prendre ses jambes à son cou et retomber dans ses vieux travers de facilité parce que c'était ce qu'il savait faire de mieux, ce qu'il était persuadé d'aimer parce qu'il n'affrontait jamais la moindre de ses appréhensions. Il s'était toujours contenté de les repousser, espérant n'avoir jamais à payer le prix fort en retour à un moment donné. L'heure était arrivé pourtant, l'heure bénie où Wren devait choisir une route différente. Il s'était présenté au restaurant après tout, sans hésiter sur ses intentions, se contentant d'être simplement là, aussi avenant qu'il avait pu l'être envers la jeune femme lors de leur rencontre. Ce n'était pas la face qu'il montrait le plus fréquemment, même s'il tentait par dessous tout de montrer à Maze qu'il était parfaitement dans le contrôle de la situation. Pourtant, Wren n'allait pas à des rencarts, il jouait avec les gens, faisait vite et bien avant d'effacer l'ardoise pour passer à la suivante, sans jamais se retourner. Il ne pouvait tout de même pas avouer à Crawley qu'il était ce genre d'hommes là, celui dont personne ne voulait à sa table plus de quelques minutes d'affilée.

L'étendue du problème était justement là puisque, pour la première fois de sa vie, Wren avait véritablement envie de montrer autre chose de lui que cette image de monstre qu'il avait passé tant de temps à construire. Il n'avait pas envie d'être le fils d'un pyromane, d'une dépressive, le frère d'un junkie perdu aux yeux du monde et d'une soeur perdue au milieu de tout ce fatras familial. Encore pire, il ne voulait pas se présenter comme il était pourtant, oscillant entre son amour et sa haine des flammes, son mépris pour le monde autant que son admiration envers les gens qui arrivaient à s'assumer complètement. Lui n'était pas ainsi, il n'était pas celui qui changerait le monde avec des belles paroles et un joli costume. Il était le vieux fou en coulisses qui ferait tout basculer vers l'horreur parce que c'était plus simple d'être le vilain de l'histoire que le héros. Au moins, dans cette configuration, on ne pouvait pas tomber plus bas, on ne pouvait pas être adulé puis haï, il n'y avait pas de gradation douloureuse et ça, Wren pouvait le maîtriser à cent pour cent. Ce rendez-vous avec Maze était différent pour lui et il le savait pertinemment depuis la seconde où la jeune femme avait ouvert la porte du restaurant. Il y aurait potentiellement un avant et un après selon la manière dont il se comporterait, les mots qu'il pourrait prononcer et les regards qu'il pourrait faire. Ses yeux, justement, passaient leur temps à s'émerveiller de ce que Maze était. Elle n'avait pas de filtre, continuait sur la lancée qu'ils avaient initié dans l'appartement de la dynamique brune et quelque part, Doherty trouvait que c'était le plus beau trait de caractère qu'elle pouvait lui montrer. Elle semblait n'avoir peur de rien ni de personne vu ce qu'elle lui laissait entendre et qui le fit sourire, plus que jamais dans ces circonstances si particulières. "Et je respecte grandement ton côté prude et traditionnelle bien évidemment, je resterai le plus patient possible pour avoir ce genre de visions exceptionnelles. Le troisième rendez-vous, c'est bien noté dans un coin de mon esprit qu'il y a la possibilité d'en arriver juste là pour passer aux choses un peu plus tortues ninjesques." Il n'y avait rien de conventionnel dans cette espèce de dialogue sans consistance. Heureusement qu'ils n'étaient pas sur écoute en vue du caractère immature dont ils faisaient preuve avec leurs histoires de Krang et autres idioties naïves. Justement, leurs bêtises étaient bien plus profondes qu'elles en avaient l'air et Wren en prenait bien la dimension en entendant la nouvelle tirade de sa partenaire de jeu. Lui même n'était pas tout blanc dans l'affaire vu ce qu'il avait presque sous-entendu juste avant mais c'était le fond de leur relation jusqu'ici. Il n'y avait presque jamais aucune pensée qui n'était pas exposée au grand jour mais celle là, précisément, semblait être du goût de Wren, peut être parce que Maze se sentit gênée instantanément et ne put pas vraiment le cacher face à lui. "Tu crois vraiment? Je sais pas si le restaurant m'aurait accepté nu mais je suis bien ravi de comprendre que toi, t'aurais pas fui tout de suite. Je suppose que j'ai un atout alors si mon regard te fait dire ce genre de choses sans même avoir trop bu." Doherty lui fit un clin d'oeil, il n'était tout de même pas totalement incapable en matière de séduction. Des histoires sans lendemain, il en avait eu bien souvent, même si c'était souvent son côté intouchable et énigmatique qui ramenaient les femmes où il le désirait. Avec Maze, ce n'était pas vraiment ce genre d'atouts qu'il mettait en valeur, laissant son côté bien plus enfantin et drôle prendre le dessus, à son plus grand désarroi parfois en vue de l'affaire de la doudoune la dernière fois. "T'excuse pas, j'attends juste de voir ce que ça va donner après deux ou trois verres, ce sera sûrement à enregistrer. Merde, j'ai oublié mon dictaphone, c'est bien dommage." Bien évidemment, Wren n'avait pas l'intention d'enregistrer quoique ce soit, bien trop concentré sur son envie de profiter de l'instant présent et cette folie qu'il sentait grandir au fond de son âme alors que leur discussion continuait de manière toujours aussi loufoque. "C'est vrai que c'est si facile d'évoluer sur l'échelle de la pyromanie... Ca va devenir un nouveau dicton, ça." Wren cacha son trouble dans son verre de vin, bien trop conscient de cette réalité. Le feu faisait si aisément succomber, même les âmes les plus fortes mais Doherty, lui, résistait encore un minimum. Par contre, il n'avait pas l'air de résister beaucoup au charme de la belle Maze vu l'intensité de ses regards et les mots qui s'échappaient de ses lèvres sans qu'il n'ait eu le temps de les mettre dans l'ordre auparavant. "Je suis pas d'accord avec toi. Laisse le s'exprimer à cent pour cent... Sans ton humour, tu serais pas Maze et le monde serait terne." Bien sûr, il ne la connaissait pas encore suffisamment pour avoir conscience de l'embarras dans lequel son humour la mettait au quotidien mais Wren était persuadé que ce côté d'elle était parfait ainsi. Il l'appréciait ainsi, aussi franche que brute, quand lui n'était qu'apparat et faux semblants. Elle était différente de lui, elle le faisait rêver et Wren adorait cette sensation. "Les coquillettes du monde entier te remercient pour ça." Il se sentait juste invincible en la regardant avec ces yeux là, ne comprenant pas nécessairement comment il avait pu lui manquer. Le vert de ses pupilles avait l'air de vouloir lire dans les pensées de la jeune femme pour en savoir plus, Wren était simplement troublé au moment où il fallait commander les repas. Il mit bien une minute à réaliser la présence du serveur puisqu'il était incapable de relâcher son regard admiratif vers Maze. Pour la peine, il commanda plus ou moins le premier repas venu, ne trouvant pas que c'était l'essentiel à cet instant précis. "Tu veux savoir tout ça? Et t'es sûre à combien de pour cent de pas être déçue de lever le mystère? Je pense que tu t'en doutes un peu mais j'aime pas spécialement parler de moi..." Parce qu'il ne voulait pas avoir mal, ni faire mal, aussi étrange que cela pouvait paraître. "Et c'est le moment d'habitude où je me lève, je prétexte un anévrisme fulgurant et je disparais." Il souriait pourtant. "Tu vois, tu m'fais chier, Maze, excuse mon vocabulaire mais c'est légitime. Je vivais une vie tout à fait paisible entre la caserne, les engueulades avec ma mère, ta voisine en l'occurrence et crois moi, elle est insupportable puis les soirées à me retourner le cerveau pour mieux dormir... Et voilà, je défonce une porte pour une portion de coquillettes oubliée, je tombe sur toi et..." Il s'arrêta, reprenant une dose d'air amplement méritée. "Je perds tout instinct de conservation depuis. Tu me fais rire, tu me fais parler, dire n'importe quoi et crois moi, c'est difficile à accomplir ça, tu me fais juste faire des trucs que je fais jamais et j'hésite pas une seule seconde. Y a juste ce putain de truc chez toi qui me rend dingue, tu vois, ce putain de truc qui me hurle que t'en vaux la peine et c'est compliqué de se sortir de là ensuite. J'en ai même pas envie en fait, pour la première fois de ma vie, j'vais pas partir mais plutôt te dire ce que t'as envie de savoir, dans la mesure du possible, si tant est que t'aies encore envie de creuser après ce monologue qu'a aucun sens... Donc si tu restes malgré tout, je pourrais probablement pas tout te révéler là, Maze, j'en suis désolé..." Wren ne la lâchait pas des yeux, ne sachant même pas s'il avait envie d'en arriver à ce genre de mots, lui qui n'en prononçait aucun habituellement. Il savait juste que son cerveau fonctionnait en boucle parce que Maze en valait la peine, il en était persuadé.

Ce rendez-vous n'avait rien de commun et était bien loin de tout ce que l'Anglaise avait connu jusqu'à présent. Elle se sentait partagée entre des dizaines de sentiments contradictoires. Angoissée mais aussi impatiente de savoir comment tout cela allait se dérouler et ce qu'ils allaient se dire. Pleine d'appréhension et pourtant excitée comme une enfant se rendant à son premier jour d'école. Fébrile tout en restant particulièrement déterminée à faire en sorte que tout se déroule au mieux. Rester naturelle était certainement la meilleure des choses à faire, mais Maze ne pouvait s'empêcher d'essayer de tout prévoir, de tenter d'imaginer ce qui allait se passer, les sujets qu'ils pourraient potentiellement évoquer. Elle avait un besoin viscéral de tout contrôler. Pourtant, elle aurait dû savoir que rien ne pouvait se passer normalement entre eux deux, ni comme prévu initialement. Leur rencontre en était le meilleur exemple ; et ce début de conversation venait de le lui rappeler. Tout comme elle venait de se rappeler que c'était cette spontanéité et cette légèreté dont ils étaient capable qui lui faisaient tant apprécier leur dynamique. "Espérons que je m'en souvienne également mais j'ai la curieuse impression que tu ne me laisseras pas oublier ce détail !" Allait-elle devoir se rendre dans les recoins les plus sombres du Web pour se procurer un costume des tortues ninja ? Elle ne put s'empêcher de sourire à cette idée. Si c'était ce qu'il fallait pour un troisième rendez-vous en compagnie de Wren, elle n'hésiterait pas une seconde. Et puis cela lui permettrait de faire d'une pierre deux coups : elle n'avait pas encore son costume pour Halloween. Elle se visualisait également plutôt bien se rendre au travail munie de ce déguisement histoire de faire quelques frayeurs à son équipe. On ne pouvait que respecter davantage encore une personne habillée d'un costume de Krang, pas vrai ?
Retrouvant un semblant de dignité et de courage après la gaffe verbale qu'elle venait de commettre, elle décida de dévoiler bien volontairement cette fois-ci le fond de ses pensées. "Tu as bien plus d'atouts que tu ne le penses Wren." Elle marqua une légère pause avant de froncer les sourcils et d'ajouter : "Et je te serai reconnaissante de ne pas interpréter cette phrase de travers au vu de ce que j'ai sous-entendu quelques secondes auparavant." Il était vrai que sa transition était bien maladroite, mais elle était certaine que le jeune homme avait bel et bien d'autres atouts à faire valoir et c'était pour cette raison qu'elle l'avait invité à ce rendez-vous : parce qu'elle voulait les découvrir. Elle esquissa un nouveau sourire à son intention lorsqu'il évoqua son dictaphone oublié. "Quel dommage en effet. J'ai déjà l'impression d'être dans un état d'ivresse permanent quand je vois ce que je suis capable de sortir alors est-ce que ça peut véritablement être pire après deux ou trois verres ?" Comme pour appuyer ses dires, elle jeta un coup d'oeil à son verre de vin avant de se mettre à rire. "Oui, sans l'ombre d'un doute, ça peut être pire." Tel les Gremlins qu'il ne fallait pas laisser au contact de l'eau, il était préférable de ne pas laisser trop d'alcool à portée de main d'une Maze déjà extatique et sans filtre au naturel. Elle le regarda quelques secondes avec un air interrogateur lorsqu'il évoqua la facilité avec laquelle on pouvait évoluer sur l'échelle de la pyromanie. En tant que pompier, il devait certainement savoir de quoi il parlait. Mais Maze et son empathie légendaire avait eu la sensation qu'autre chose se cachait derrière cette phrase. Se trompait-elle ? Se montrait-elle paranoïaque ? Elle ne releva pas ; il serait toujours temps de revenir sur la question plus tard dans la soirée. À la place, elle lui fit un léger signe de tête, entamant du mieux qu'elle put une petite courbette -et cela restait difficile en étant assise- digne des plus grandes duchesses britanniques ; le tout accompagné d'un nouveau sourire pour le remercier de son compliment concernant son humour. Elle savait pertinemment qu'elle pouvait parfois en faire trop, sans le vouloir, et qu'une grande partie de ses proches étaient capables de supporter ce côté de sa personnalité mais à petites doses seulement...De ce fait, elle était d'autant plus touchée de savoir que Wren semblait plutôt bien s'en accommoder.
Attrapant son verre d'une main, prête à prendre une nouvelle gorgée de vin, l'Anglaise interrompit son geste en plein vol lorsque Wren répondit à sa dernière question. Elle ne s'attendait pas à provoquer cette réaction chez lui, cet élan verbal, ce discours incroyablement spontané qui semblait en dire beaucoup sans pourtant révéler l'essentiel. Elle était littéralement scotchée à ses lèvres, complètement bouche bée, surprise par cette déclaration à coeur ouvert. Depuis le début, ils échangeaient des boutades pleines de sous-entendus, mais aucun d'eux n'avait encore pris la peine d'être véritablement sérieux jusqu'à présent. Plus le jeune homme avançait dans sa tirade, et plus elle sentait son pouls s'accélérer. Son coeur battait à tout rompre, probablement prêt à se faire la malle et s'extirper de sa cage thoracique à tout moment. Elle n'osait rien dire et était de toute manière incapable d'articuler le moindre mot présentement, ne pouvant détacher son regard du sien, accaparée par ce qu'il était en train de lui livrer. Elle le regarda encore un long moment en gardant le silence une fois qu'il eut fini de parler. Sans avoir le temps de réagir, elle sentit sa main tressaillir. Main qui tenait son verre de vin -toujours suspendu dans les airs depuis de longues secondes maintenant- provoquant instantanément la chute du verre et de son contenu sur la table. Forcée de reprendre ses esprits, elle lâcha un "C'est pas vrai..." presque inaudible avant d'adresser un geste au serveur qui se dirigeait vers eux pour lui signifier qu'il pouvait s'arrêter et qu'elle allait se débrouiller. Le verre n'était pas cassé et elle se servit de sa serviette pour éponger le surplus de vin qui n'avait pas encore pénétré dans les fibres de la nappe. Elle agissait machinalement, son cerveau étant définitivement parti en congés et ayant décidé de la laisser se débrouiller toute seule après ce qui venait de se passer. Après sa maladresse, les personnes aux tables autour d'eux s'étaient bien évidemment tournées pour voir ce qu'il se passait et les deux jeunes gens étaient instantanément devenus le centre d'attention du restaurant. Mais ça n'était pas la préoccupation principale de Maze qui semblait faire une totale abstraction de tout ce qui se passait autour d'eux. "Putain, Wren", n'étaient sûrement pas les mots qu'il s'attendait à entendre mais c'était la seule réaction dont elle était capable présentement. Elle prit une profonde inspiration avant de relever les yeux vers lui, cherchant encore ce qu'elle allait dire, ce qu'elle voulait répondre. Mais tout se bousculait tellement dans sa tête qu'il était difficile pour elle de faire le tri et cela se lisait parfaitement dans son regard confus et sérieux. "Je suis hyper touchée, perturbée, troublée...bouleversée...Et visiblement je deviens un vrai dictionnaire à synonymes." Son sens de l'humour semblait refaire son apparition mais son visage restait pourtant lui très sérieux et impassible. "J'ai l'impression que tu as des décennies de choses à me cacher. Je ne sais pas ce que tu as vécu par le passé, comment tu te comportes au quotidien, ni même à quoi peuvent ressembler tes journées ; la seule facette que j'ai vu de toi est celle que tu as bien voulu me laisser entrevoir à l'appartement. J'ignore tout de toi. Tu m'intrigues. Et je meurs d'envie de savoir qui tu es Wren Doherty. J'ai beau faire parfois preuve d'une curiosité maladive, ici ça n'a rien à voir. Je suis irréfutablement attirée par toi alors même que je ne t'ai vu qu'une seule fois et que la première chose que tu aies faite ait été de me blâmer, à juste titre d'ailleurs. Mais ça me suffit à vouloir te découvrir. Ça défie tout entendement ; quelques heures passées avec toi m'ont suffi à faire abstraction de toute logique." Elle marqua une pause, elle-même surprise d'avoir été capable d'aligner spontanément tant de mots à la suite. "Et pourtant je suis une personne incroyablement cartésienne, j'ai besoin de comprendre les choses pour pouvoir fonctionner correctement. Or avec toi c'est peine perdue. Mais si tu me laisses essayer de récupérer ne serait-ce que des bribes d'informations sur toi pour essayer de comprendre tout ça, j'en serai ravie." Elle n'aurait jamais pensé une seule seconde que c'était quand elle arrêtait de réfléchir qu'elle était véritablement capable de livrer ce qu'elle avait sur le coeur, simplement et sincèrement. "Ce que je peux te proposer...c'est une question chacun notre tour. En revanche ne sois pas trop déçu quand tu réaliseras que ma vie est loin d'avoir été mouvementée jusqu'à présent et qu'elle est même plutôt banale." Après tout ce qui venait d'être dit, elle se risqua enfin à lui sourire. "Et si tu m'autorises à commencer...A quel moment est-ce que tu as voulu devenir pompier ? Et sauver la vie de gens ayant pour voisine une piètre cuisinière hystérique ?" Elle avait beau avoir retrouvé son sens de l'humour, l'ambiance était bien différente de tout ce qu'ils avaient connu jusqu'à présent. Avec ce qu'ils venaient de se livrer, le ton était donné.

Wren n'avait aucun point de comparaison, il n'avait clairement été dans ce genre de positions. Depuis toujours, il s'était mis en tête qu'il ne serait jamais un de ces garçons qui courent après les rendez-vous pour trouver le bonheur. Doherty avait même fait tout l'inverse: il s'était éloigné le plus possible de ce concept, se contentant facilement des rencontres hasardeuses, celles qui n'embellissaient pas le quotidien et qu'on oubliait bien vite. C'était un choix de vie qu'il avait fait délibérément, certainement porté par le malheur dont il avait témoin durant toute son enfance. Sa famille n'avait jamais été heureuse et ses parents n'avaient pas eu très envie de montrer à leurs enfants ce qu'était la définition de la joie et du bonheur. A partir de là, comment blâmer Wren de ne pas croire à la beauté de l'amour? Il avait toujours ri quand il entendait parler les gens de leurs histoires à dormir debout. Concevoir qu'une telle chose puisse exister n'avait jamais été dans ses cordes jusqu'ici et il avait tenu tête au monde alentour qui ne faisait que lui rappeler que son attitude le rendait plus malheureux qu'autre chose. C'était une compétence qu'il avait développé ces dernières années, Wren était franchement devenu un spécialiste lorsqu'il était question de se mettre six pieds sous terre. A croire qu'il avait un karma médiocre mais pas uniquement, le jeune homme avait toujours tout fait pour accentuer ses malheurs. Il aurait pu laisser sa mère tranquille, la mettre dans une maison de repos. De la même manière, il aurait pu laisser la police faire son travail et enfermer son frère cadet pour qu'il y rejoigne son cher géniteur. Il aurait même pu faire n'importe quel métier plutôt que celui qu'il avait choisi, être loin du feu l'aurait vraisemblablement rendu plus heureux. A aucun moment Doherty n'avait désiré embrasser le bonheur, il avait à coeur de devenir le plus misérable possible. Alors, c'était la raison même de ses écarts, de toutes ces soirées médiocres où il aurait pu rencontrer quelqu'un à aimer et qui aurait fait l'effort d'en faire de même mais Wren avait toujours tout mis en place pour enfermer son âme loin de ce genre de mondanités. Finalement, il n'était peut être pas aussi fort qu'il ne l'avait présagé durant ces longues années. Wren n'avait pas pu résister à l'appel de Maze, de ce rendez-vous qui avait un goût différent de tout ce qu'il avait pu vivre jusque là. Dans ses rêves les plus fous, le pompier n'aurait jamais pu imaginer une telle rencontre, en tout cas, rien qui ne les aurait amenés là, dans ce restaurant à essayer de découvrir ce qu'ils pouvaient être l'un pour l'autre dans un avenir plus ou moins proche. Il fallait dire que les choses avaient relativement mal commencé, la mauvaise humeur de Wren ayant entraîné une espèce de cataclysme au moment de se retrouver face à face avec la jolie brune. Elle n'avait pas demandé à presque mettre le feu à son appartement mais cela, le pompier n'avait pas été prêt à l'entendre tout de suite. Cela dit, il n'était même plus capable de se rappeler comment l'affaire avait pu tourner aussi bien après quelques minutes de conversation. Tout ce que Wren retenait de cet événement, c'était les rires, les sourires, les regards charmeurs et puis, l'intensité des secondes où son souffle s'était mêlé à celui de Maze. Il n'y avait plus eu aucune trace des prémisses de leur relation à partir de là, de cette colère étrange qui avait déstabilisé Wren alors qu'il se retrouvait aux portes de la salle de bain de la jeune femme. Il n'y avait plus pensé une seule seconde dès l'instant où ses yeux s'étaient perdus dans le regard ébène de cette femme qui avait chamboulé son équilibre personnel. C'était certainement un don qu'elle avait, celui de faire s'envoler tous les beaux principes de Doherty, celui aussi de le rendre complètement fou sans qu'il n'ait eu réellement le temps de s'en rendre compte. C'était bel et bien réel pourtant, puisque le jeune homme n'arrivait déjà plus à avoir des pensées cohérentes depuis son entrée dans ce restaurant.

Le tout avait commencé doucement, ou tout du moins, à leur image avec de multiples sous entendus sur les quelques idioties qu'ils avaient pu raconter le jour de leur rencontre. Apparemment, leur cerveau se rappelait de la moindre bêtise proférée à ce moment là, au grand dam des quelques neurones de Wren qui arrivaient encore à fonctionner correctement. Effectivement, il n'y en avait plus beaucoup qui étaient viables et pour une fois, ce n'était pas à cause des quelconques bus de substances en tous genres, non, c'était l'effet d'avoir quelqu'un comme Maze en face de lui. Il avait envie de se dépasser juste pour être à sa hauteur, même si le tout semblait totalement impossible quand il constatait à quel point cette femme avait une manière d'être qui surpassait tout ce dont avait été témoin Wren au cours de sa jeune existence. Il n'y avait qu'avec elle qu'il pouvait parler de Tortues ninjas et même envisager de faire un rencart sur ce thème précisément. Ils avaient bien fait pire la dernière fois puisqu'ils avaient sous entendu qu'ils vivraient un mariage à la manière de ce vieux dessin animé qui les rapprochait aujourd'hui. Avec Maze, Wren retrouvait cet âme d'enfant, cette mine boudeuse au moment où la belle brune lui répétait qu'il n'y aurait aucun costume de Krang avant le troisième rendez-vous. C'était idiot bien sûr, comme à peu près toutes les choses qu'ils pouvaient se dire lorsqu'ils partaient dans des délires interminables mais c'était ce qui rendait Wren vulnérable justement. Elle l'atteignait. Elle était peut être la seule à le faire. Sans le vouloir, sans même le savoir peut être, Maze arrivait l'impossible, elle laissait Wren pantois, ouvrant une petite porte dans ce coeur d'acier. Il n'était pas du genre à parler, il n'avait même jamais aimé prononcer des phrases comportant plus de dix mois et à ce moment précis, c'était exactement ce qu'il faisait. Il voulait en dire plus, se laisser aller à cette envie totalement dingue de connaître Maze et de la laisser le connaître en retour. Pourtant, il avait des tas de secrets à cacher: il n'avait pas été quelqu'un de fréquentable pendant bien des années et même aujourd'hui, il était chancelant, certains jours en meilleure forme que d'autres, dans tous les cas, toujours à la lutte avec ses sentiments et son envie de tout foutre en l'air. Il ne voulait pas en arriver là avec Crawley, non, il voulait voir ce troisième date, le faire se réitérer même et ne plus jamais revenir en arrière. "Et t'as raison... Je te laisserais pas en paix avec ça. Entre autre." Il y avait tant de moments qui resteraient gravés dans sa mémoire que Wren avait l'impression qu'il allait perdre la tête à un moment donné. Dire qu'il avait été le genre d'hommes à faire table rase de tout, surtout lorsque cela concernait les femmes. Il n'avait jamais eu de très bonnes relations avec elle, le sexe menant tout le reste parce que Doherty n'avait pas envie d'aller plus loin que cela. Il avait conscience de tout cela, de tout ce qu'il avait empêché mais qui, étrangement, l'avait mené jusqu'à Maze ce soir là. Cela ne voulait pas dire qu'il comprenait ce qui lui arrivait pour autant, se retrouvant perdu à la regarder avec insistance. Lorsqu'elle lui parlait, Wren ne pouvait faire que cela, se perdre dans l'océan sombre de ses prunelles jusqu'à en perdre toute pensée logique. "J'avais sûrement conscience de deux ou trois atouts quand même mais si tu m'en découvres d'autres, je suis définitivement preneur." Wren savait qu'il plaisait aux femmes, de par son côté mystérieux, sa taille de géant et ses manières de charmeur qui savait ce qu'il voulait. Ce n'était pourtant pas cet homme là qui se présentait face à Maze depuis le début, il était si différent, si enjoué, si libre au bout du compte. "J'aurais pas osé... Puis, tu peux pas lier ma nudité avec mes atouts à ce stade alors, ça m'a pas traversé l'esprit, Maze." Il avait un sourire espiègle en prononçant ces mots, probablement conscient qu'il pouvait déstabiliser la jeune femme à tout moment. De toute manière, elle le lui rendait bien avec son humour unique et ses airs diversifiées. "Fais gaffe à ce que tu dis, je pourrais avoir envie de te saouler pour mesurer à quel point ça peut être pire. J'aime déjà beaucoup ce niveau de Mazitude et t'es sobre alors..." Alors, il pourrait devenir totalement cinglé, qu'elle soit ivre ou non, et c'était avec cette étrange pensée en tête que Wren commença à perdre pied. La peur avait peut être été le déclencheur de son monologue face à la jeune femme mais c'était surtout sa présence qui avait montré la faiblesse du jeune pompier. Maze avait réussi ce coup de maître parce qu'elle lui prouvait qu'elle avait envie d'en savoir plus sur lui, de continuer sur leur lancée alors que Doherty n'avait jamais rien eu à montrer qui en vaille la peine. C'était ce qu'il avait voulu lui dire dans ces quelques mots, mélangés avec cette vérité éclatante, qu'elle lui plaisait. Oui, Maze lui plaisait et pas comme ces multiples femmes qui avaient pu profiter de son corps dans des soirées jamais réitérées mais comme une femme qui était capable de lui soutirer ce genre de mots, lui qui n'était pas bavard pour un sou. Cet exploit, c'était elle et Wren avait peur qu'elle coupe court à tout cela, en quittant les lieux parce qu'il n'était même plus en mesure d'être cohérent. D'ailleurs, il resta là, le souffle plus ou moins coupé par l'absence de réactions de sa partenaire. Son verre de vin en l'air, Maze n'avait pas l'air d'être en mesure d'assimiler les quelques informations que Wren avait essayées de lui transmettre. Ils en étaient donc là, à se regarder, à attendre que le destin les débloque de cet étrange instant, porté par les murmures des tables alentour. La brune en fit tomber son verre et tout le monde tourna la tête vers eux, laissant Wren pris au dépourvu alors qu'il tentait de leur sourire, avec un résultat plus hasardeux qu'autre chose. Pour autant, il trouva la force d'attendre encore, peut être parce que Maze empêcha le serveur d'intervenir et la main de Wren accompagna la sienne dans le nettoyage du carnage qu'il avait plus ou moins provoqué avec son discours. Il ne dit rien au moment où il entendit son "putain", de la même valeur que son propre "tu me fais chier" de quelques secondes auparavant. A croire qu'ils étaient très éloquents dans la constitution de phrases depuis le début de la soirée. "Comme ça, je pourrais t'appeler Synonymo, c'est juste parfait..." Et c'était la seule chose qu'il sembla capable de prononcer en attendant la suite, un rire gêné gagnant ses cordes vocales. Il n'avait aucune idée de ce que Maze allait bien pouvoir faire ou dire, certainement parce que la moitié du restaurant attendait un dénouement de leur côté. Mais tout cela, Wren ne le voyait pas, incroyablement concentré sur les mots de la femme en face de lui. Pour la première fois de sa vie, il savait ce qu'il désirait et cette réalité était des plus étonnantes pour quelqu'un d'aussi apeuré par les signes d'attachement. Il était satisfait de la réponse de Maze, en témoigna le regard qu'il lui fit, évoluant au fil de la conversation. Celui-ci lui indiquait l'exception que Maze était à ces yeux verts d'eau, cette pointe d'espoir et de beauté qui avait toujours manqué à la noirceur de son âme. "Ravi de voir qu'on est sur la même longueur d'ondes. J'y comprends pas grand chose non plus, j'étais pas spécialement prêt à en arriver là avec toi, surtout après avoir été un type très désagréable pour entrer chez toi par effraction et t'engueuler pour une poêle cramée. Alors, je peux pas t'en vouloir de perdre ton côté cartésien... Je crois qu'on défie toute logique depuis le début mais peut être que c'est une bonne chose, non? C'est peut être le signe que tout cela est voué à devenir quelque chose de... Différent. Fort. Je sais pas." Non, il n'en savait rien et justement, Wren n'avait pas envie de se poser la question à ce moment précis. Il hochait juste la tête face à la proposition de Maze, c'était certainement ce qu'il y avait de mieux à faire s'ils voulaient se découvrir tout en conservant le contrôle d'eux mêmes. "Hum, parce que bien sûr, Maze Crawley est une femme parfaitement banale, elle adore juste parler de Tortues Ninjas, jouer à Just Dance et si mes souvenirs sont bons, elle est très douée dans le port de doudounes sur autrui... C'est très banal, ça, c'est sûr." Il lui fit un clin d'oeil, persuadé qu'il n'y avait personne de plus extraordinaire au monde que cette femme, celle qui lui posait une question qui ne put que le garder silencieux quelques instants. Wren n'avait jamais réfléchi au sens de ses choix, encore moins ceux qui relevaient du domaine professionnel. Il en profita pour servir un nouveau verre de vin à la jeune femme, non sans lui sourire parce qu'ils avaient créé un sacré bordel dans le restaurant. "Je crois que je l'ai jamais voulu, pour être honnête. Je suis tombé là dedans, très jeune et j'ai jamais réfléchi à mes choix de carrière. Je sais juste que je veux plus jamais voir quelqu'un brûler et souffrir à cause de choix destructeurs d'autres personnes.... Ca doit être ça la raison, ouais, mais ça a pas beaucoup de sens, si? Je veux dire, des gens meurent tous les jours et on y peut rien alors pourquoi se croire plus fort que la mort, hein? Je suis juste un type comme les autres et parfois, on peut juste rien faire pour empêcher les gens de souffrir. Parfois, c'est même de notre faute s'ils sont comme ça..." Il ne voulait pas voir le destin d'autres individus mourir à cause de son père, surtout. Non, Wren ne voulait plus voir le regard de sa mère dans les yeux d'autres personnes qui n'avaient rien demandé au départ. "Si c'est à mon tour alors... Je voulais avant tout savoir ce qui t'avait mené jusque là, ce soir. Je veux dire, ça fait deux fois qu'on se voit et deux fois que je me dis que t'es une femme avec un caractère exceptionnel. J'ai cru que t'allais m'arracher la tête dans ta salle de bains et quelques minutes plus tard, j'ai cru mourir de rire de ce qui s'échappe de tes lèvres. Alors, dis moi ce que t'as vécu pour être aussi drôle et en même temps, aussi piquante parce que c'est ce que j'aime chez toi, j'en ai peur. Tu peux bien sûr me faire un résumé, je suis persuadé que ce sera très banal, encore une fois." C'était ce qui avait retenu son attention, outre son regard ébène et ses traits enjôleurs et c'était ce qui poussait Wren à perdre ses yeux dans les siens, avec cette expression charmante sur le visage. L'incontrôlable était là, au fond de lui et Doherty ne désirait rien de plus que s'y perdre, définitivement.

L'Anglaise songea quelques instants à la petite fille qu'elle était. Une passionnée de Disney, bien évidemment, qui avait toujours adoré les contes de fées et les histoires qui finissent bien. En grandissant, tout cela n'avait pas vraiment changé. Elle avait simplement troqué ses films d'animation contre les comédies romantiques les plus niaises pouvant exister. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher ; elle ne résistait pas à l'appel d'une histoire d'amour émouvante qui finissait irrévocablement sur une happy end "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" -quoique la partie concernant les enfants n'était vraiment pas primordiale à ses yeux-. Pourtant, les rencontres opportunes, le coup de foudre, l'âme soeur, le prince charmant...elle n'avait jamais vraiment cru à tout ces items qui restaient à son humble avis de jolis mythes. Rares avaient été ses relations longues et sérieuses jusqu'à présent, et nombre de rencontres avaient été plus que décevantes selon elle. Peut-être était-ce un peu de sa faute ; il était temps qu'elle cesse de bingewatcher The Holiday, Coup de foudre à Notting Hill, Love Actually, Shakespeare in love et autres films donnant une image absolument inatteignable de la gente masculine faisant partie du simple commun des mortels. Si elle se donnait une image de grande pessimiste des relations amoureuses, elle ne pouvait néanmoins pas s'empêcher de garder dans un coin de son esprit le minuscule espoir d'un jour rencontrer quelqu'un digne de ce nom, quelqu'un de vraiment exceptionnel. Et depuis que Wren avait défoncé sa porte tel un chevalier servant quelque peu irrité de prime abord, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait jusqu'à présent plutôt bien joué ce rôle. Il semblait rentrer parfaitement dans ce moule utopique du prince charmant. Et un prince charmant avec un sens de l'humour qui lui plaisait tout particulièrement qui plus est. "Entre autre ?" Elle haussa les sourcil, l'air surpris, avant de se mettre à rire. "Tu as déjà une liste longue comme le bras de choses gênantes que j'ai pu faire ou prononcer à me rappeler régulièrement ?" Au vu de leur première rencontre, il y avait en effet déjà pas mal de matériel à exploiter. Et il aurait eu tord de s'en priver car Maze, de son côté, ne manquerait pas de lui rappeler régulièrement l'entrée fracassante qu'il avait faite chez elle. Évidemment, cela lui avait permis de ne pas écourter sa vie de manière bien prématurée à cause d'une histoire de pâtes brûlées mais ça, elle veillerait à ne pas trop l'ébruiter. Mais elle n'oublierait pas non plus de mentionner ses nombreuses qualités...enfin tout du moins pas au principal intéressé mais à ses amis à elle, ceux dont elle était particulièrement proches. A Greta et à elle seule pour être parfaitement honnête ; il n'y avait qu'avec elle qu'elle partageait des informations concernant sa vie personnelle. "Au risque de te décevoir, je vais les garder jalousement pour moi. Il n'y a rien de plus séduisant qu'un homme qui n'est pas conscient de ses atouts." C'était testé et approuvé, même si les atouts dont Wren avait conscience restaient tout aussi séduisants. Sa taille, son regard, sa stature, ce mystère qu'il dégageait et son incroyable capacité à rebondir et surenchérir à chacune des absurdités qui s'échappait de la bouche de Maze.
Elle ne put retenir un léger sourire en coin en entendant son prénom prononcé par son prince charmant du soir. Elle marqua une légère pause, profitant de l'instant, avant de répondre. Pourtant il s'agissait de son prénom, cela faisait 29 ans qu'elle l'entendait, elle avait eu le temps de s'y habituer. Mais dans la bouche du jeune homme, il lui semblait résonner bien différemment. Un frisson imperceptible la parcourut en même temps qu'une vague de chaleur l'envahit, la faisant se sentir bien. Parfaitement bien. "À ce stade là ?", nouveau haussement de sourcils suivi d'un léger sourire mi-provocateur, mi-amusé. "J'attends donc les stades suivants pour juger." Visiblement, elle s'était plutôt bien remise de son moment de gêne quelques secondes auparavant. Mais l'occasion avait été trop belle pour qu'elle ne rebondisse pas dessus, et elle avait été encouragée par le sourire espiègle que Wren lui avait adressé. "Le niveau de Mazitude...c'est un concept que je vais introduire à mon entourage et à mes collègues, je pense que ça va beaucoup leur plaire...Quoi qu'ils risqueraient de l'utiliser à mauvais escient !" Elle imaginait bien cette expression s'introduire dans le langage courant de son équipe : sur une échelle de 1 à 10, à quel niveau de Mazitude as-tu foiré la négociation avec le client ? Non, à bien y réfléchir, elle allait peut-être éviter de lancer cette idée..."Mais saoule-moi donc Wren, j'ai eu l'occasion de vérifier à de nombreuses reprises que le ridicule ne tuait pas, je ne suis plus à ça près !" Secrètement, elle se demandait également jusqu'à quel niveau de Mazitude elle pouvait monter en présence de Wren. Considérant tout ce qu'elle avait accompli lors de leur première rencontre et ce sans avoir bu une seule goutte d'alcool, elle ne doutait pas un seul instant que ce niveau pouvait atteindre des sommets ce soir-là. Était-elle censée s'en inquiéter ? Ce qui était certain, c'est qu'elle allait définitivement avoir besoin de quelques verres de vin pour continuer la soirée. D'une part car le contenu du sien gisait maintenant tristement sur la nappe de leur table, et d'autre part pour s'assurer qu'elle n'allait pas chercher à trop réfléchir et se poser des milliers de questions après les déclarations qu'ils venaient tout deux de se faire. Elle se sentait à la fois galvanisée par tout ce qui venait de se dérouler mais aussi parfaitement angoissée. Elle n'avait jamais eu peur jusque là de gâcher l'une de ses relations amoureuses car elle n'y avait jamais véritablement accordé d'importance, se disant simplement qu'il arriverait ce qui devait arriver. Et si elle pouvait appliquer la même maxime à cette relation naissante avec Wren, elle n'avait pour autant pas envie de tout prendre au pied levé. Elle était engagée dans un véritable conflit intérieur, souhaitant d'une part garder le contrôle sur ce qu'il se passait pour être certaine de ne pas tout gâcher, mais voulant d'autre part laisser les choses se dérouler simplement et spontanément. Son cerveau l'incitait à rester mesurée et à se renseigner le plus possible sur le jeune homme alors que son corps était emporté par le magnétisme qu'il dégageait et lui hurlait de se jeter à son cou afin de l'embrasser suite au discours qu'il venait de faire. Mais cela n'eut certainement pas été la meilleure des choses à faire au beau milieu d'un restaurant bondé, alors qu'elle avait qui plus est déjà attiré l'attention de plusieurs personnes autour d'eux en renversant son verre. Son cerveau gagnait donc cette manche pour le moment ; mais jusqu'à quand ? L'ambivalence de ses sentiments et le trouble qu'elle ressentait pouvaient facilement se lire dans ses yeux. Pourtant elle ne se démontait pas, encouragée par les propos de Wren qui semblait tout aussi perturbé qu'elle par cette situation, mais également déterminé à voir tout ce que cela pouvait donner. "Peut-être oui...j'espère...je ne sais pas. Je ne sais plus rien honnêtement. Mon cerveau se met en pause quand je suis avec toi, et ça n'est pas des plus pratiques pour tout t'avouer. J'ai juste envie de voir où tout cela va nous mener, en essayant de me poser le moins de questions possibles. Je trouve que ça nous a incroyablement réussi jusqu'à présent et ça serait dommage de s'arrêter en si bon chemin. Et cette idée de défier toute logique me plait beaucoup." Et c'était effectivement ce qu'ils faisaient depuis le début et ce qu'elle allait s'appliquer à poursuivre.  
Elle eut un sourire gêné en entendant la description très fidèle que Wren venait de faire d'elle, avant de finalement prendre un air faussement surpris. "Tu veux dire que ce n'est pas le genre de choses que Madame tout le monde fait au quotidien ?! Je suis déçue." Il était certain que si le monde était davantage peuplé de Wren Doherty et de Maze Crawley, il serait bien plus fun d'y vivre.
Elle accueillit bien volontiers le nouveau verre de vin qu'il lui servit en lui lançant un regard qui signifiait "Promis, celui-ci j'éviterai de le renverser". Elle ne tenait pas à ce qu'ils se fassent jeter du restaurant à cause de ses maladresses à répétition, cela aurait été bien dommage étant donné tout ce qu'ils avaient encore à partager. Elle écouta avec attention l'histoire de Wren, en hochant régulièrement la tête sans même s'en rendre compte, captivée par ce qu'il lui expliquait. "Si, au contraire, ça fait totalement sens. T'as un métier incroyablement difficile, prenant et indispensable. Finalement t'es un peu comme....Superman ? Et je trouve que t'as plutôt bien botté les fesses de la faucheuse en venant me sauver d'une mort certaine et complètement stupide. J'ai donc eu la version Superman la dernière fois, et j'ai maintenant la version Clark Kent devant moi ce soir ?" Que serait Maze sans une réflexion pop culture placée ici et là ? C'était probablement sa marque de fabrique, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Son entourage savait pertinemment qu'il ne fallait plus l'approcher dans les jours qui suivaient son bingewatching annuel de l'intégrale de Friends, au risque de tenir une conversation entière uniquement construite à base de répliques cultes des personnages. Mais cette fois-ci, elle trouvait que cette référence était plus qu'appropriée pour la comparaison. Wren était un justicier en uniforme qui sauvait des vies lorsqu'il était en service, et il redevenait un homme lambda -et pourtant loin d'être comme tout le monde- et parfaitement charmant en dehors de ses horaires de travail. Rien n'aurait pu davantage réjouir Maze que de dîner avec cet incroyable et unique Clark Kent. Elle ne pouvait pas se départir de son sourire à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Encore moins quand il s'agissait de lui dire que non seulement il avait bien cerné sa personnalité à la fois mordante et drôle, mais qu'en plus c'était ce côté qu'il aimait chez elle. L'envie de se lever et de réduire la distance qui les séparait n'était décidément jamais bien loin dans son esprit. "Pour commencer, je pense que j'étais en effet à deux doigts de t'arracher la tête. Après, j'ai dû calmer mon ego et ma mauvaise foi deux secondes parce qu'il me manquait une porte et des talents de bricoleur afin que mon appartement ne soit plus à la vue du premier venu. Et compte tenu de ce qu'on vit actuellement, je suis plutôt contente d'avoir su mettre mon mauvais caractère de côté..." Elle lui lança un sourire qui pouvait facilement se traduire par "Et dieu sait que ça n'était pas chose aisée pour moi." En effet, Maze n'était pas du genre à se contenir et elle laissait bien souvent son mauvais caractère s'exprimer si c'était ce dont elle avait besoin pour relâcher la pression et passer ses nerfs. "Pour ce qui est de la suite de notre rencontre, je dois t'avouer que je ne comprends toujours pas très bien ce qu'il s'est passé. Tout ce que je sais, c'est que tu y es pour beaucoup. Ça n'aurait pas pu se passer comme ça avec une quelconque autre personne." Elle marqua une légère pause pour appuyer la sincérité de ses propos, sans lâcher un seul instant son regard. "Concernant la dose de piquant et le côté drôle, je pense que découvrir qu'on est diabétique à l'âge de 20 ans joue énormément. Quand on t'annonce que tu as une "maladie"...Soit dit en passant, je déteste ce mot ; je ne me sens absolument pas malade. Bref, quand on te dit que tu as quelque chose d'actuellement incurable mais qui se traite au quotidien, tu as de quoi devenir quelque peu acerbe mais tu apprends aussi très vite à relativiser." Elle se souvenait parfaitement de l'annonce de son diagnostic. Elle avait été tout d'abord choquée, ne comprenant pas exactement tout ce que cela impliquait. Elle avait ensuite passé une bonne heure à pleurer toutes les larmes de son corps et c'était le seul instant d’apitoiement qu'elle s'était accordé. Une fois cette heure difficile passée, sa décision de ne jamais se laisser mettre au tapis par son diabète était prise et elle n'était plus jamais revenue en arrière. Évidemment, elle avait eu des moments assez compliqués à ses débuts. Encore aujourd'hui, il lui était difficile d'observer ses amis manger le plus simplement du monde une glace en plein été sans réaliser tout ce que cela impliquait de son côté pour qu'elle puisse en faire autant. Elle avait parfois l'impression qu'elle ne pouvait plus se permettre d'être insouciante, mais son côté combattif ne la quittait pourtant jamais. A cet aspect de sa personnalité s'était très vite ajoutée une bonne dose d'humour qui était la preuve qu'elle préférait relativiser les choses. Sa blague favorite étant qu'elle avait fait un deal avec Dieu, et que maintenant qu'elle était diabétique ils s'étaient tout les deux mis d'accord pour que plus aucune merde ne lui tombe jamais sur le dos. Cela signifiait donc immortalités non négociables pour tous ses proches par la même occasion; il fallait qu'elle passe le mot ! "Il y a mieux qu'être diabétique dans la vie...mais il y a aussi largement pire. Ça résume plutôt bien ce côté ambivalent de ma personnalité que tu évoquais. Et qui, je l'avoue cette fois-ci, est plutôt loin d'être banal." Elle lui adressa un sourire bienveillant en espérant qu'il ne se sente pas gêné par sa réponse. Elle n'évoquait pas souvent son diabète en public car la dernière des choses qu'elle souhaitait était de se faire plaindre. Néanmoins elle se sentait suffisamment à l'aise ce soir là pour en discuter avec Wren.
Elle fit mine de réfléchir intensément à la question suivante ; elle en avait des dizaines qu'elle souhaitait lui poser et elle avait du mal à se décider. "Tout à l'heure, tu disais que ta mère était...insupportable ? J'en déduis donc que tes relations avec elle ne sont pas particulièrement au beau fixe ?" Elle se pinça les lèvres en une légère grimace, espérant ne pas être trop intrusive avec cette question. Elle ne lui en tiendrait pas rigueur s'il ne souhaitait pas s'étendre sur le sujet, mais elle restait perdue dans son regard et suspendue à ses lèvres, désireuse de découvrir qui était Wren Doherty.

Maintenant ou jamais. C'était le genre d'expressions qu'il avait employées des dizaines de fois par le passé, toujours prêt à se lancer des défis impossibles juste pour vérifier qu'il était bel et bien capable de se dépasser. C'était maintenant ou jamais pour s'essayer à un avenir professionnel, se retrouvant pompier alors que rien n'aurait dû l'amener jusque là et certainement pas son histoire familiale. C'était maintenant ou jamais pour profiter de sa jeunesse et ne rien regretter, tout à fait le genre de devises qui l'avaient amené à se mettre la tête à l'envers jusqu'à des heures indécentes, espérant secrètement qu'il ne se rappellerait de rien, plus par honte qu'autre chose. C'était maintenant ou jamais d'arrêter de souffrir à cause du reste des Doherty, le dernier principe qu'il essayait de mettre en place mais qui ne fonctionnait guère au final. Wren n'était pas capable d'arrêter la spirale, de réparer les erreurs passées et remettre sur pied une mère qui ne demandait qu'à mourir. Finalement, il n'y avait qu'un seul domaine de sa vie où Wren n'avait jamais essayé d'appliquer cette devise peut être stupide, sa vie sentimentale. C'était maintenant ou jamais de s'ouvrir à quelqu'un d'autre, d'accepter ses failles et apprendre à connaître une personne qui le respecterait suffisamment pour qu'il puisse se montrer vulnérable. C'était le moment ou jamais d'aimer suffisamment quelqu'un pour ne plus avoir peur de rien, pas même de souffrir, ce qui l'avait toujours effrayé jusqu'ici. Bien sûr, Wren n'était pas encore tout à fait au point sur le concept, bien trop amer de tous les abandons enchaînés qu'il avait dû voir passer sous ses yeux innocents mais il y avait tout de même quelque chose qui était en train de changer chez lui, inconsciemment. En regardant Maze, le pompier avait conscience qu'elle était en train de réaliser un tour de force d'envergure parce qu'il n'avait pas essayé de prendre ses jambes à son cou, encore moins de l'éloigner en se montrant désagréable... Non, bien au contraire, Wren faisait tout ce qui était en son possible pour se rapprocher de la jeune femme. Certes, c'était toujours un peu maladroit parce qu'il n'était pas certain d'utiliser les bonnes formules ou de lui offrir les meilleures mimiques mais il était aussi naturel qu'il le pouvait. Pas la peine de se cacher derrière son masque habituel ou de feinter des manières de rustre pour faire opérer un demi tour violent à la belle Crawley, il tentait l'aventure parce que, peut être, qu'il était question d'un maintenant ou jamais. Là. Sans qu'il n'y prenne garde. Sans qu'il n'en comprenne le sens depuis sa rencontre étonnante avec Maze. Qui aurait pu imaginer cela en les regardant interagir la première fois, surtout lors des toutes premières minutes? S'il y avait eu un quelconque témoin à ce moment là, celui-ci aurai vite fait de crier au monde entier que ces deux sales caractères étaient en passe de se détester... Pas le moins du monde, au final. Ils avaient ri, ils avaient raconté des bêtises et puis, quelque part, ils avaient appris à se connaître sans avoir eu besoin d'en dire des tonnes. Il suffisait de capter les signes, de voir le matériel qui jonchait les pièces de vie de Maze pour comprendre qu'elle était diabétique. De la même manière, il suffisait de lire les expressions du visage de Wren pour comprendre qu'il n'était pas un habitué de la sincérité et des paroles futiles. Il n'y avait eu qu'avec elle que Doherty s'était ouvert, par bribes d'abord, par tous ces gestes élégants qu'il avait pu avoir envers elle au moment de réparer sa porte ou de lui préparer un petit plat pour qu'elle ne tombe pas dans les pommes. Puis, il y avait eu ce rapprochement instinctif, cette sensation de ne plus pouvoir contrôler les événements au moment où Maze s'était rapprochée de lui avec cette histoire de doudounes. Tous deux l'avaient vite oubliée lorsqu'ils s'étaient retrouvés proches l'un de l'autre, faisant face de nouveau à ce maintenant ou jamais. Car, oui, c'était maintenant ou jamais pour sentir cette douce sensation de symbiose avec quelqu'un d'autre. C'était maintenant ou jamais pour accepter le fait que Maze était peut être la femme exceptionnelle qu'il n'avait jamais osé rencontrer jusque là et surtout, c'était le moment, le seul et unique moment où il pouvait franchir cette barrière pour entrer dans son monde, à elle.

Quelques jours plus tard, il en était là, face à elle, dans ce restaurant bondé parce qu'il avait passé ce cap difficile, celui qui l'avait empêché d'être heureux pendant si longtemps parce qu'il n'était simplement pas prêt pour cela. Les relations physiques étaient une chose aisée pour Wren, elles étaient devenues comme un mécanisme qui ne connaissait aucun dysfonctionnement parce qu'il en avait l'habitude et que les plaisirs de la chair n'avaient plus réellement de mystères à force. Tout ce qui relevait du psychique, du coeur même, c'était une toute autre histoire, une qui commençait à être écrite à ce moment là justement. "Disons que je commence tout doucement à prendre note de tout ce que tu peux dire ou faire de compromettant, le entre autres prendra tout son sens d'ici quelques semaines, je suis sûr." Il fallait avouer que Maze n'était pas la plus adroite et la plupart du temps, les mots échappaient ses lèvres sans qu'elle n'ait pris le temps de véritablement réfléchir aux conséquences. Ce trait d'elle attendrissait Wren, même s'il ne serait pas le premier à le confesser. Après tout, il avait pris l'habitude de paraître insensible à tout ce qui l'entourait, même si c'était clairement moins vrai lorsqu'il était en compagnie de la brune. Maze était peut être la seule femme sur cette planète qui pouvait affirmer qu'il avait un coeur mais personne ne la croirait, assurément. Pourtant, il le montrait en lui lançant un regard amusé alors qu'elle lui annonçait vouloir garder ce qui était plaisant chez lui pour elle. Doherty avait bien conscience de deux ou trois petites choses mais il y avait d'autres parties de lui qu'il ne devait pas connaître assez de son côté. "Dans le pire des cas, je te torturerais pour que tu me dises le moindre de mes atouts... Les chatouilles, ça a l'air de pas mal marcher déjà." Et voilà qu'il remettait sur le tapis les moments qu'ils avaient vécu quelques jours auparavant, se laissant porter par les événements sans prendre garde à tout ce qui pouvait arriver au final... Certainement qu'aucun d'eux n'avait anticipé cette sortie, leur regard se perdant dans celui de l'autre prêt à voir où ce rendez-vous les mènerait. Sur un chemin glissant apparemment vu les sous entendus qui se perdaient ça et là dans la conversation et Wren les avait bien remarqués lorsqu'il était question de sa nudité. "je suis très heureux d'apprendre que ça te traverse l'esprit de me voir nu depuis qu'on s'est rencontrés... Les stades suivants sont partis pour être plaisants, dis moi." Il se mit à rire légèrement, se montrant peut être plus direct pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient. Jusque là, ils avaient peut être tenté de conserver la barrière de la bienséance entre eux, ce qui devait s'avérer difficile pour le pompier qui n'avait pas l'habitude de garder ce qu'il pensait pour lui. Avec Maze, justement, il n'y arrivait pas le moins du monde, se laissant aller à lui narrer des faits qu'il ne pouvait qu'être dit à cette personne précisément. "Ton niveau de Mazitude te jouera des tours si tu le présentes à tout le monde, on risquerait de vouloir profiter de toi après, fais gaffe..." Ce n'était pas lui qui en serait gêné honnêtement, en témoignait le clin d'oeil qu'il lui fit après cela alors que la discussion reprenait de plus belle. "Tu le demandes si gentiment, je vais être obligé d'obéir, mais j'aime ton ridicule dans tous les cas donc il y aura pas de gêne le lendemain, dis toi au moins ça." S'ils enchaînaient les verres de vin, peut être qu'ils perdraient encore plus la maîtrise de la situation, comme si Wren avait eu la sensation d'être maître de quoique ce soit depuis les premiers instants partagés avec Maze. Non, il ne pouvait pas contrôler ce qui se passait dans son esprit et les mots volaient jusqu'aux oreilles de la belle brune, le laissant peut être autant pantois qu'elle de les recevoir. Ces mots, il les avait prononcés et il ne pouvait plus revenir en arrière, heureusement, il n'en avait pas envie. Il sourit à la jeune femme en écoutant sa réponse parce qu'ils étaient partis pour une aventure, s'avouant mutuellement ce qu'ils avaient l'air de ressentir, sans savoir ce qui adviendrait par la suite. "On est sur la même longueur d'ondes alors partons là dessus..." Ils verraient bien plus tard, il était surtout question de construire le présent pour le moment et ils avaient l'air plutôt doués en la matière vu qu'ils partaient de nouveau dans des délires idiots. "Désolé de casser tous tes rêves mais non, tu n'es pas madame tout le monde... T'es mieux." Maze était unique, c'était la pensée que Wren avait à l'esprit en se lançant dans une conversation plus intime où ils essayaient d'apprivoiser l'autre. Le jeu était étrange pour Doherty qui n'avait pas l'habitude de répondre honnêtement lorsqu'on lui demandait ce qu'il avait choisi comme parcours de vie. C'était peut être la première fois qu'il essayait de mettre des mots sur des choix passés et apparemment, ce n'était pas si simple pour lui, se sentant moins à l'aise dans l'exercice. "Moi, Superman? Je crois que je serais pas tellement à l'aise en combinaison moulante, je préfère l'uniforme de la caserne. Pour ce qui est de Clark, j'ai pas les lunettes non plus puis je sais pas si je suis aussi sérieux que lui. Mais, ça voudrait dire que t'es Loïs Lane et ça, c'est marrant!" Il imaginait déjà Maze en super héroïne de l'ombre, elle serait de toute évidence plus à même de gérer l'aventure que lui. Wren était loin de se sentir aussi indispensable au monde, avec ces problèmes lorsqu'il s'agissait de regarder un feu dans les yeux. Il oscillait entre ombre et lumière, ne sachant jamais réellement de quel côté du filet il allait retomber. Crawley ne voyait pas encore tout cela mais Doherty, lui, sentait en elle qu'elle était capable de tout vaincre. C'était ce qui le poussait à la questionner plus avant sur son parcours de vie, pour essayer de comprendre la femme qu'il avait face à lui aujourd'hui. Elle était drôle, pleine d'esprit, maladroite aussi mais avec un caractère de feu... Oui, encore une fois, c'était le feu qui semblait l'attiser. "Je comprends mieux. En fait, t'as tout manigancé pour que je répare ta porte et m'occupe de ton estomac, t'es un sacré cerveau! Moi qui pensais que tu t'étais calmée parce que j'avais un visage d'ange..." Il en faisait ouvertement des tonnes, se doutant bien que ce qui s'était passé entre eux ne pouvait pas s'expliquer en quelques mots à peine. Lui même ne saisissait pas encore toute l'étendue de ce qu'il y avait entre eux, ayant toutefois une idée de ce qui pouvait arriver s'ils continuaient sur ce chemin. "T'as absolument raison de dire que tu n'es pas malade. Tu l'es pas, c'est juste quelque chose avec lequel tu dois vivre et a priori, tu y arrives à merveille alors, le diabète n'a pas à te définir en tant que personne... Enfin, pour moi, c'est pas le plus important en tout cas." Il s'accommodait très bien des difficultés personnelles des uns et des autres, certainement parce qu'il s'était occupé de sa mère pendant si longtemps. Wren le referait probablement pour quelqu'un d'autre si c'était nécessaire mais Maze, elle, n'avait besoin de personne pour vivre et c'était pour cette raison qu'il l'admirait autant. "Très beau portrait de toi, ça explique pas mal de choses sur ta personnalité... Le mystère Maze est en passe d'être résolu, enfin!" En ce qui concernait Wren, c'était une autre histoire même si la jeune femme touchait quelque chose en mentionnant sa relation avec sa mère. C'était quelque chose qui lui faisait plus de mal que de bien alors qu'il avait toujours fait tous les efforts du monde pour lui faire remonter la pente. Pour cette raison principalement, Wren prit le temps de baisser les yeux, collectant ses pensées pour pouvoir répondre correctement à l'interrogation de sa partenaire. "Disons que ma mère est... Malade. Elle l'a pas toujours été et c'est pour ça que je m'accroche encore mais... C'était une suédoise pleine de vie, toujours à raconter des blagues et à courir après ses marmots et puis... Ça a changé. Aujourd'hui, elle est acerbe et déteste le monde entier, c'est plus vraiment ma mère, tu vois mais j'essaye encore de la ramener, à croire que je suis plus optimiste que ce que je pensais." Boire du vin lui permit de faire passer le désespoir qu'il ressentait à ce moment là, tremblotant presque de réaliser qu'il courait après un fantôme depuis plus de dix ans. "Je pourrais te demander comment est ta famille de ton côté, ou ton travail ou que sais-je encore... Mais là, j'ai envie de te poser qu'une question... On se le fait ce Just dance?" Car, forcément, Wren avait prévu le coup en ramenant la console et l'installant dans la pièce voisine du restaurant avec l'aval du propriétaire. Il tendit sa main à Maze avec son plus beau sourire, se montrant peut être comme il ne l'avait plus été depuis son adolescence... Le suédois insouciant, adepte des défis et des parties de franche rigolade, pas gêné pour un sou d'être le centre de l'attention. S'il pouvait l'être ce soir en compagnie de Maze, il considérait qu'il avait tout gagné. Enfin.

Si Maze avait encore du mal à appréhender la situation et à comprendre comment ils en étaient arrivés là aussi rapidement, elle l'acceptait en revanche très bien. Alors qu'il avait davantage eu tendance à lui jouer de mauvais tours ces dernières années, le destin avait enfin l'air de prendre son rôle au sérieux. Il avait fallu pour cela qu'elle manque de mettre le feu à son appartement; mais étant donné le moment qu'elle était en train de vivre, le jeu semblait bel et bien en valoir la chandelle. Cependant, ça n'est pas pour autant qu'elle allait crier victoire trop vite. À force de passer de déceptions en déceptions, Maze avait cessé assez rapidement de se bercer de douces illusions. Il était absolument hors de question qu'elle parle de Wren à qui que ce soit autour d'elle, au risque de vexer irrémédiablement sa mère et Greta, pourtant sa plus fidèle confidente. Mais elle ne voulait pas précipiter les choses. Si tout semblait se dérouler parfaitement et incroyablement rapidement entre eux deux, ça n'était pas une raison suffisante pour en avertir le monde extérieur. Par ailleurs, cela lui donnait l'impression d'être dans une bulle à laquelle seuls Wren et elle avaient accès ; et cela lui plaisait bien. Elle n'avait pas besoin d'inviter qui que ce soit d'autre pour l'instant et tant qu'elle ne serait pas certaine que la dite bulle ne risquait pas d'exploser à tout moment. Mais tout semblait se dérouler sans anicroche depuis le début de leur rencontre. Hormis ce détail d'incendie involontaire et de querelle qui s'en était suivie ; mais qui, au final, leur avait permis de faire connaissance de manière plutôt efficace. Et quand on connaissait Maze, sa mauvaise foi et sa capacité à très vite monter sur ses grands chevaux, la partie n'avait pas été gagnée d'avance. Rien que pour ça, l'Anglaise s'était souvent fait la réflexion qu'elle ne pourrait résolument pas vivre avec quelqu'un de trop passif, qui la laissait hurler à tout va. Non, au contraire, elle avait plutôt besoin d'une personne de la même trempe qu'elle, prête à réagir au quart de tour au besoin et à monter le ton si nécessaire. Il lui fallait parfois au moins cela pour réussir à se calmer, et Wren avait visiblement su s'en accommoder à merveille. "Damn. Va falloir que je commence à essayer de me comporter correctement. Ça ne va clairement pas être chose aisée." Cela s'annonçait même mission impossible. Si le pompier commençait bel et bien à prendre note de toutes les choses compromettantes qu'elle était capable de faire, elle espérait pour lui qu'il avait un cahier suffisamment grand pour cela. Sa spontanéité avait tendance à lui jouer de mauvais tours mais, pour une fois, elle lui était aussi redevable car elle avait l'intime conviction que c'était également grâce à elle qu'elle se trouvait là en compagnie de Wren ce soir. "Hé ! C'est du chantage ça, c'est déloyal. Pour la peine, je mourrai sous les chatouilles plutôt que de révéler quoique ce soit ! Et je suis tenace une fois que j'ai pris une décision." Tenace, elle l'était définitivement. Par exemple, au hasard, quand elle s'était mis en tête de séduire un beau et charmant pompier. Cependant, elle ne se sentait pas pour autant embarquée dans un jeu de séduction ordinaire car elle avait tout le loisir de rester complètement naturelle. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Comment en étaient-ils arrivés à parler de la nudité de Wren ? Maze se félicitait une nouvelle fois de ne pas rougir et de pouvoir ainsi être gênée sans le laisser paraître. Pourtant, il lui était assez difficile de garder bonne contenance compte tenu de la discussion dans laquelle ils s'étaient lancés. "C'est toutes ces doudounes...ça me donne des idées bizarres que veux-tu." Les doudounes bien évidemment. Pas du tout son regard envoutant, son sourire charmeur, ni son attitude qui lui plaisaient depuis le début. Elle se garda bien de rebondir sur les stades suivants qui s'annonçaient donc apparemment plaisants, mais elle ne put retenir un sourire en coin à cette évocation. Qui vivra verra. "Et attends de voir ce que devient mon niveau de Mazitude quand on y ajoute un certain niveau de Wrenitude. Alors là, on atteint des sommets. Et le ridicule a beau ne pas tuer, tu ferais mieux de ne pas m'encourager dans cette voie...d'un autre côté...si tu me dis qu'il n'y aura pas de gêne le lendemain alors..." Elle lui tendit son verre de vin avec un sourire en guise de fin de phrase. Si vraiment il ne craignait pas de finir la soirée avec une Maze complètement ivre, dans ce cas elle n'allait pas se priver. D'autant plus qu'elle avait un verre de vin renversé à faire oublier. Elle n'était pas certaine que ce soit une idée de génie et craignait un peu de ce qui pouvait en résulter. Mais elle tenait par ailleurs plutôt bien l'alcool ; cela ne ferait qu'enlever le peu de barrières qui l'empêchaient encore de dire n'importe quoi. Tant qu'elle ne montait pas sur la table du restaurant pour se mettre à danser frénétiquement, tout devrait bien se passer. Bien que cette perspective soit encore lointaine, les risques que cela se produise augmentaient proportionnellement avec les verres de vin qu'elle buvait.
Mais pour l'instant elle avait encore tous ses esprits, ou tout du moins suffisamment pour apprécier ce que Wren venait de lui dire concernant madame tout le monde. Elle replongea son regard dans le sien, un sourire aux lèvres. Elle semblait à la fois complètement conquise et perturbée par ce qu'il disait depuis le début de la soirée. "Attends de m'avoir côtoyée au quotidien, tu changeras peut-être d'avis...C'est pas à la portée de monsieur tout le monde de réussir à me supporter...mais comme t'as pas non plus l'air de rentrer dans cette catégorie, tu devrais t'en sortir." Et si elle était unique, il l'était au moins tout autant qu'elle. Et c'était aussi ce qu'elle avait cherché à dire en le comparant à Superman. "Je comprends vraiment pas ta réaction en ce qui concerne la combinaison moulante. Je ne vois pas ce qui pourrait décemment être plus confortable que ça ! En ce qui concerne le sérieux, ça me convient parfaitement si tu l'es moins que Clark...Il ne me reste plus qu'à découvrir ta kryptonite maintenant. Histoire d'avoir moi aussi des moyens de répression en cas d'attaque déloyale aux chatouilles." Elle marqua une pause pour lui lancer un regard entendu accompagné d'un sourire en coin. Elle n'allait clairement pas se laisser faire et il était certain qu'elle trouverait à son tour un moyen -probablement déloyal lui aussi- de le battre à ce jeu là. Elle s'en était plutôt bien tirée avec l'effet de surprise qu'elle avait su provoquer la première fois afin de déstabiliser Wren, mais cela risquait malheureusement de ne pas fonctionner une seconde fois. "Et pour Loïs Lane on va avoir un problème. J'ai toujours fantasmé sur ce personnage, notamment depuis Smallville. Y a conflit d'intérêts du coup." True Story, elle devait avouer qu'elle avait toujours eu un faible pour Loïs, peut-être même davantage encore que pour Clark. Mais elle ne pouvait pas décemment dire à Wren qu'il était une parfaite Loïs Lane, si ? Pourtant, venant d'elle, c'eut résolument été un compliment. Ce qui était certain c'est qu'aux yeux de la jeune femme, avec le métier qu'il faisait, il n'avait rien à envier au meilleur des super-héros. Et son physique comme son tempérament semblaient eux-aussi pouvoir rivaliser avec n'importe quel Superman. "Mes plans machiavéliques ont été démasqués, mince...Et moi ? Me faire avoir par un visage d'ange ? Laisse-moi rire." Le ton avait beau être à la rigolade, le regard et le sourire qu'elle adressait en ce moment-même à Wren étaient bien là pour témoigner du fait qu'elle avait en effet été séduite par son visage d'ange et bien d'autres aspects de sa personnalité encore.
Elle était sincèrement touchée par la réaction du pompier face à son récit sur son diabète. Dès lors qu'elle avait délivré cette information, les gens étaient en général beaucoup trop enclins à la considérer comme une personne fragile au lieu de la traiter comme n'importe quel autre individu. Et elle appréciait plus que tout le fait que Wren ne tombe pas dans ces extrêmes. "En revanche, excuse-moi mais je pense que le mystère Maze est bien plus complexe que ça et qu'il va nécessiter plusieurs milliers d'années avant d'être résolu." Il lui arrivait parfois à elle-même de ne pas saisir ses propres réactions. Alors si quelqu'un réussissait un jour à la décrypter, il allait falloir que cette personne lui délivre d'urgence la notice d'utilisation qui ne lui avait pas été livrée au départ.
Et alors que le ton de la conversation était léger depuis le début de la soirée, elle comprit immédiatement qu'elle avait touché une corde sensible en voyant Wren baisser les yeux avant de répondre à sa question. En le découvrant visiblement perturbé et probablement à fleur de peau en racontant son récit ; elle sentit sa main se lever pour aller se poser instinctivement sur celle du jeune homme et y exercer une légère pression pour le réconforter tant bien que mal et lui montrer qu'elle était là pour lui. "Si t'as besoin que je passe lui rendre visite de temps en temps, n'hésite pas. Promis, j'éviterai de lui faire à manger, je prendrai à emporter !" Ça n'était peut-être pas le moment le plus approprié pour blaguer mais c'était le seul moyen qu'elle connaissait pour désamorcer une situation.
Voilà qu'il se lançait maintenant dans des explications qui lui semblaient bien confuses. Alors qu'elle l'observait d'un oeil interrogateur, se demandant où il voulait en venir avec tout ça, elle finit par froncer les sourcils lorsque le sujet de Just dance revint sur le tapis. Était-ce une blague ? Un nouveau clin d'oeil à leur première rencontre ? Mais non ; Wren venait de lui tendre la main et avait l'air parfaitement sérieux dans sa proposition. Elle mit quelques secondes à réagir avant de prendre sa main tout en se levant de sa chaise, plus intriguée que jamais. Elle restait malgré tout une fervente admiratrice des effets de surprise et tout cela lui semblait grandement prometteur. "Mon niveau de Mazitude n'aurait pas un peu déteint sur toi par hasard ?" Peu importait à vrai dire ; elle semblait prête à le suivre jusqu'au bout du monde présentement s'il le lui demandait.

Wren avait toujours été plus taciturne qu'autre chose: à vrai dire, il détestait parler. Pourquoi faire? Et puis, à qui par dessus le marché? Il n'avait jamais trouvé le monde autour de lui fondamentalement intéressant. Alors, il avait toujours choisi de se recroqueville sur lui même et vivre d'intenses conversations avec lui même. Au moins, dans ce genre de configurations, il ne pouvait pas y avoir de déçu et clairement, Doherty était suffisamment lâche pour préférer cette issue à celle du commun des mortels. Les gens normaux choisissaient toujours la déception plutôt que la solitude, Wren, lui, n'avait jamais pu s'y résoudre totalement. Être tout seul, c'était prendre le moins de risques possibles et tout le monde savait que les Doherty méprisaient la notion même d'attache et d'engagement. Il avait bien essayé quand il était plus jeune et encore un minimum apte à accepter l'intolérance de la majorité de la population mais là encore, il avait été bien obligé d'abandonner la lutte. Le constat était sans appel: les gens ne l'intéressaient pas. Il avait beau les étudier sous tous les angles, surtout quand ils ne le regardaient pas, Wren ne trouvait jamais une once d'intérêt dans leurs problèmes existentiels. Il fallait dire que la vie de ces gens là se résumaient à des soucis d'ordre matériel, quelques désillusions dans leur vie professionnelle et une forte envie de se plaindre pour tout mais surtout pour rien. Wren n'avait jamais eu envie de faire partie de cette culture d'insatisfaits: il avait essayé de comprendre, souvent quand il n'avait rien de mieux à faire, alors qu'il traînait dans les bars et qu'il était encore suffisamment sobre pour se poser tout un tas de questions métaphysiques. Pourquoi vouloir se faire souffrir autant? Après tout, le pompier en avait vu des jeunes filles en fleur courir après un connard fini qui ne portait pas le moindre intérêt envers leur personne. De la même manière, il avait vu des types plus ou moins bien se mettre dans des états catastrophiques dans l'espoir de séduire l'amour de leur vie... Wren, lui, n'avait qu'une seule conclusion à apporter en étant spectateur tout cela: ils n'arriveraient à rien en courant après des fantasmes et des désillusions. C'était cela, pourtant, le propre de l'être humain, fantasmer sur l'impossible, espérer qu'une personne assez folle puisse aimer une autre personne tout aussi mal embarquée dans son existence. Aucun individu ne gagnait jamais réellement à ce jeu bizarre parce que personne n'était parfait pour quelqu'un d'autre, il fallait toujours se battre pour obtenir son dû et lorsqu'il s'agissait de l'amour de sa vie, ce n'était pas toujours évident d'accepter un probable échec. Ce n'était pas pour rien que le taux de divorce était si élevé dans ce bas monde: les gens avaient arrêté de faire des efforts, préférant la simplicité à une quelconque bataille qui n'était pas certaine de fonctionner sur la durée. Wren n'arrivait pas à entrer dans ce moule là, dans ce jeu classique du chat et de la souris, du je t'aime moi non plus et autres variantes qui pouvaient durer des années et se solder avec un coeur brisé. Finalement, il préférait amplement ne pas être considéré comme une personne ayant un coeur, au moins, personne ne venait le chercher et lui conter fleurette en faisant de lui le roi du monde. Il ne décevait personne de cette manière là et il savait bien que c'était mieux ainsi puisque les Doherty étaient un nid à merde incommensurable. Alors, il n'avait pas cherché toutes ces années. Il était resté dans son coin à observer les gens se chercher, s'aimer, se haïr au bout du compte et il s'était bien souvent estimé heureux de n'être que le témoin de cette foire humaine sans valeur quelconque. Pour autant, est-ce qu'il était en mesure de répéter l'opération jusqu'à sa mort? Wren n'était pas prude évidemment, il avait des femmes par ci par là parce que c'était assez simple de séduire quelqu'un d'autre pour une nuit tout au plus mais il ne se sentait pas plus enclin que cela à voir au delà d'une histoire de quelques heures. Les choses n'étaient jamais assez grandioses peut être, ou juste, il avait toujours refusé de rentrer dans cette catégorie de gens désespérants qu'il avait si longtemps regardés lors de ces soirées solitaires. Il était fatigué de ce monde, fatigué de l'amour avant même de l'avoir réellement vécu, pouvait-on être plus cynique qu'un Doherty?

Ce soir là, on le pouvait. Pour une fois, Wren se sentait libéré du fardeau de son existence, enfin en mesure d'accepter la personne qu'il était, ses failles autant que ses qualités. Maze l'y aidait beaucoup pour sûr, étant donné qu'elle était toujours naturelle et qu'elle semblait prête à accepter la moindre de ses imperfections. Il y en avait une belle tonne mais Doherty avait toujours eu du mal à les regarder en face, préférant se concentrer sur ce qui clochait chez autrui plutôt que chez lui. C'était tout de même plus simple de se refuser à l'envie de vivre en prétextant que les gens étaient trop inintéressants et trop lâches pour lui plutôt que l'inverse. Assurément, Wren comprenait qu'il avait fait une erreur en pensant aussi longtemps de la sorte. Il avait rencontré Maze et instantanément, sa conception de la vie s'en retrouvait chamboulée. Elle avait l'air de n'avoir peur de rien, prête à se lancer le moindre défi si cela signifiait qu'elle devait bousculer les limites de tous les gens qui l'entouraient. Wren avait toujours été relativement prudent en comparaison, se suffisant à lui même, se faisant le plus petit possible dans un univers qui ne lui correspondait pas le moins du monde. Et pourtant, ils en étaient là, à discuter comme s'ils s'étaient toujours connus, comme s'il n'y avait jamais eu la moindre barrière entre leurs deux univers. D'ailleurs, Doherty faisait tout son possible pour ignorer tout cela, la réalité de leur existence respective parce que, ce qui comptait réellement, c'était qu'ils s'étaient rencontrés. Certes, tout cela était arrivé dans des circonstances bien étranges mais Wren n'aurait certainement pas voulu qu'il en fut autrement. Maze s'était télescopé avec son univers parfaitement bien rangé et c'était exactement le genre de femmes qui lui fallait pour le remettre à sa place quand il se mettait à déconner et honnêtement, c'était quelque chose de fréquent avec un Doherty. Jamais elle ne le laisserait prendre ses aises et s'asseoir sur ses acquis avec quelqu'un comme elle et justement, faire des efforts, tout oser, c'était toujours ce qui avait manqué à Wren. Ce soir, il révélait une autre partie de sa personne, une qui n'avait pas peur de se dévoiler, de jouer un peu également parce que c'était ce qu'il avait toujours fait devant Maze, lors de leur rencontre et depuis le début de ce rendez-vous hors du commun. Il aimait cela, on pouvait le lire très aisément sur les traits de son visage et son regard vert d'eau si unique. "Tu tiendrais pas deux minutes à te comporter normalement, tu t'ennuierais. Personne veut voir ça, moi le premier." Qu'elle soit comme toutes les autres, ce n'était pas ce que Wren désirait. Il avait passé énormément de temps à observer les gens normaux, jusqu'à être en mesure de planifier la moindre de leurs réactions et il avait détesté cela de A à Z. Non, il préférait largement l'originalité de Maze, ses coups de sang et ses crises de rire quand elle était incapable de retenir une bêtise au bord de ses lèvres. C'était ce qui avait attiré le regard de Wren en premier lieu, c'était aussi ce qui lui avait permis de se rendre à ce rendez-vous aussi sereinement, lui qui n'en avait probablement jamais vécu de sa vie jusqu'ici. "Si on reste tous les deux campés sur notre position, on va pas avancer... Toi, tu vas mourir de chatouilles, moi je vais mourir de te voir mourir... Et au final, on saura pas qui trouve l'autre le plus séduisant ni pourquoi, tristesse." Il souriait néanmoins parce qu'il était persuadé que s'ils devaient en arriver à ce genre d'extrémités, Maze gagnerait sans problème. Il avait beau jouer au dur à cuire et ne rien montrer de ses sentiments au quotidien, tout le monde se doutait plus ou moins que Wren était sensible. Il détestait qu'on le lui rappelle de toute évidence alors, il préférait ronchonner dès qu'on lui laissait entendre qu'on avait compris à quel petit jeu il jouait. Pour sûr, il laisserait Maze victorieuse dans l'affaire, ne trouvant pas le repos éternel de l'entendre lui narrer combien ses atouts étaient excellents. Tant pis, il vivrait avec, du moins au début. "Que ça vienne des doudounes, ok, ça c'est bizarre... Mais l'idée en tant que tel, elle était pas si étrange, si?" Comme si c'était quelque chose de tout à fait normal de se charmer en discutant de sa nudité. Wren n'avait jamais été pudique, c'était un fait indéniable et presque logique quand on avait du sang suédois dans son patrimoine génétique mais tout de même, il aurait pu se montrer plus fermé en entendant Maze parler de lui en rougissant ainsi. Au contraire, il avait l'air parfaitement à l'aise avec l'affaire, relançant le débat avec un sourire taquin, évidemment. "Aucune gêne, je t'assure. Par contre, j'aimerais bien savoir ce que tu entends par Wrenitude, ça consiste en quoi? Non, parce que la Mazitude, je pense voir un peu maintenant mais ça... C'est encore flou, éclaire moi." Il avait une connerie proéminente, sa rencontre avec Crawley lui avait au moins permis de réaliser cela, en plus de tout le reste évidemment. Il avait toujours fait en sorte de paraître sérieux, cynique et insupportable aux yeux des autres mais avec cette femme là, Wren ne pouvait rien faire que de se jeter dans l'arène et espérer que son coeur ne se fasse pas trop broyer sur le chemin. "Non, c'est le moins qu'on peut dire. J'suis pas monsieur tout le monde, c'est trop ennuyant comme concept. Et tu vois, je voudrais pas m'avancer mais je pense que te supporter au quotidien, c'est dans mes cordes, honnêtement." Et c'était la première fois qu'il avait l'air d'accord avec ce genre de propos. D'ailleurs, Wren n'avait jamais prononcé ce genre de discours, toujours prêt à fuir quand on s'approchait de trop près de lui mais avec Maze, tout était une nouveauté, clairement. "Je te laisse chercher par toi même alors... Mais essaye de pas trop me tyranniser au moment où tu découvriras ma kryptonite ou envoie moi une note en amont, au moins. Qui n'a pas fantasmé sur Loïs? Tout le monde sait que c'est elle la héroïne de l'histoire. Sans elle, Clarke, il est rien." C'était peut être pour cette raison qu'il avait toujours eu du mal à aimer Superman, il volait la vedette à la seule personne qui méritait réellement le statut d'héros. C'était le problème dans ce bas monde de tout évidence, les véritables héros de l'histoire se faisaient toujours voler la vedette par des personnes de seconde zone. Wren trouvait tout cela bien trop déprimant mais heureusement, Maze n'en avait pas fini avec les idioties à déballer pour rendre leur rendez-vous ô combien intéressant. "Non, tu te fais avoir par mes techniques de séduction de démon, pardon, je me suis trompé... Enfin, dans les deux cas, ça me convient parfaitement." Il lui fit un clin d'oeil, sachant fort bien que Maze appréciait son physique, certainement tout autant que lui pouvait apprécier le sien. Il avait même complètement abandonné le concept de cligner des yeux depuis qu'elle s'était assise en face de lui en début de soirée. Peut être que s'il la voyait plus de vingt quatre heures d'affilées, Wren ne pourrait même plus fermer les yeux et donc dormir, quelle fin terrible pour lui. Il n'avait pas l'air traumatisé pour autant puisqu'il continuait à s'enfoncer dans le monde magique de Maze Crawley, lui montrant toute l'admiration qu'il pouvait avoir envers elle parce qu'elle se considérait comme une personne lambda malgré la maladie avec laquelle elle devait vivre au quotidien. Chacun était malade à sa façon, Wren n'était pas plus normale qu'elle, même s'il n'avait pas un handicap physique comme elle, cela ne l'empêcherait jamais de la respecter moins et clairement, il ne pourrait jamais avoir pitié d'elle pour cela, bien au contraire. "Tu m'attristes là... Le jour où je mourrai, j'aurais toujours pas compris Maze dans son immensité, comment vais-je survivre maintenant, hein?" Justement, le défi lui plaisait au plus haut point. Il avait envie de creuser cette énigme, de comprendre d'où elle venait, pourquoi elle était ainsi et peut être même l'accompagner pour la suite de ses aventures, aussi folles soient-elles. "Alors, disons que ton idée est louable mais si, vraiment, tu comptes mettre le plan à exécution... Tu m'appelles d'abord que je te prête mon casque et des chaussures de sécu'. Disons que ma mère a cette tendance à lancer des choses à la gueule des gens quand elle est un peu contrariée et je suis pas sûr que je serai très heureux si elle te fait perdre de précieux neurones." C'était une manière comme une autre de lui signifier qu'il tenait à la garder intacte dans sa vie. De toute façon, avec Wren, il ne fallait pas s'attendre à quelque chose de plus éloquent le plus souvent, même si avec Maze justement, il avait fait preuve d'une honnêteté tout à fait exceptionnelle quelques minutes plus tôt lorsqu'il avait mis carte sur table avec elle. Maintenant, il comptait bien profiter du reste de la soirée en conservant le lien qui les avait rapprochés au départ, leur incroyable bêtise. Wren s'était levé, tendant la main à Maze qui accepta sa proposition sans sourciller. Doherty était heureux comme jamais de l'amener jusqu'à l'arrière salle, allumant la console et toisant la jeune femme avec un sourire attendri. "Bon, je sais... Je dois mettre Britney Spears, c'est ça? Tu dois me promettre de pas allumer de caméras, j'ai une réputation de rabat-joie à faire tenir et puis, j'aimerais beaucoup que tu participes à cette humiliation, avec moi." Wren souriait en se rapprochant d'elle, effaçant le périmètre de sécurité de rigueur pour un premier rendez-vous au moment où il lui murmura les derniers mots à ses oreilles, ses mains se posant sur les siennes imperceptiblement. Il tourna la tête pour mettre la musique en marche, regardant l'écran pour voir les premiers pas pointer le bout de leur nez. Il allait avoir très honte en tâchant de reproduire la danse, tant bien que mal, la plupart du temps excédé des "nul" qui apparaissaient à l'écran par intervalles réguliers. Au moment où la dernière note de la chanson suggestive apparut, Wren était sur les rotules, ahanant, assis par terre en regardant Maze avec cette admiration bien présente depuis le début de la soirée. "Je t'avais dit que tu voulais pas voir ça l'autre fois mais maintenant, c'est fait... Et je suis prêt à parier que là, ça y est, j'ai dit définitivement adieu à mon capital séduction, non?" Celui-ci revenait bien souvent dans la conversation décidément mais Wren ne pouvait qu'en sourire, les deux mains à terre pour soutenir son buste, menaçant de s'allonger au sol pour retrouver un semblant de dignité... Comme si c'était possible, désormais.

Cela lui faisait un bien fou de pouvoir se comporter normalement en présence d'un homme, et durant un rendez-vous qui plus est. Maze n'avait pour une fois pas besoin d'essayer de rentrer dans la norme, de ne pas se montrer sous son vrai jour, de peser le poids de chaque mot qui s'apprêtait à franchir la barrière de ses lèvres. Ce soir-là, pour la première fois, elle pouvait se montrer aussi spontanée et délurée qu'elle le voulait, sans risquer de faire partir en courant son prétendant. "Je connais pas mal de personnes qui ne seraient pas d'accord avec toi et qui adoreraient me voir davantage...normale." À commencer par ses boss et son équipe qui, bien qu'ils soient satisfaits de toute l'énergie que Maze déployait au quotidien, ne seraient pas contre un niveau de Mazitude un peu plus maîtrisé. Elle le regarda, un sourire en coin aux lèvres. "En revanche, je ne tiendrais effectivement pas deux minutes." Ni même probablement une. La normalité, c'était un concept très surfait, pas du tout pour elle. Ni même pour Wren qui, visiblement, était déjà au comble du désespoir à l'idée qu'elle puisse succomber à une attaque déloyale par chatouilles. "Quel sort tragique en effet. Mais tout comme mon égo a tendance à me faire refuser l'aide de charmants inconnus pour réparer ma porte, il m'empêchera aussi de déclarer forfait. C'est pas grave, "morte sous les chatouilles", c'est plutôt original comme inscription sur une pierre tombale. J'aime bien." Elle haussa les épaules tout en lui adressant un regard rieur. Il ne faisait aucun doute qu'elle ne lui livrerait jamais ce secret. Et, telle une enfant, plus il cherchait à connaître les fameux traits qu'elle trouvait si attirants chez lui, plus elle avait envie de les garder pour elle. Ce qui relevait beaucoup moins des jeux d'enfants en revanche, c'était le chemin glissant sur lequel ils s'étaient engagés avec leur discussion à base de doudounes et autres sous-entendus défendus aux chastes oreilles. N'ayant pas préparé de réparties pour un tel sujet, Maze était apparue légèrement gênée et avait espéré qu'ils puissent passer discrètement à autre chose. En revanche, il semblait en être tout autrement pour Wren qui se faisait un plaisir d'insister. La Britannique regardait fixement son verre de vin, les lèvres pincées, se demandant comment elle allait se sortir de ce mauvais pas. Visiblement, elle pouvait oublier le passage discret à un autre sujet de conversation. Très bien. Son expression changea du tout au tout ; elle releva la tête pour aller planter son regard dans celui de Wren, plus sûre d'elle que jamais. Toute trace de gêne avait disparu de son visage. Quand on la taquinait, quand on la provoquait aussi ouvertement, il était quasiment impossible pour elle de ne pas répliquer. Elle l'observa ainsi de longues secondes, silencieusement afin de ménager son effet, avant qu'un très léger sourire ne vienne étirer ses lèvres. Les mots qui s'échappèrent de ces dernières furent prononcés d'un ton bien plus posé, plus sensuel mais surtout plus bas qu'auparavant afin d'être certaine qu'ils n'atteignent que les deux oreilles auxquelles ils s'adressaient. "Si tu me demandes de manière détournée si l'idée que tu finisses dans mon lit n'est pas étrange à mes yeux, la réponse est non. Ça ne me parait pas le moins du monde étrange." Elle haussa un sourcil interrogateur, dans l'attente de sa réaction. C'était maintenant à son tour d'afficher un sourire taquin, fière de son retour de bâton. Elle conserva son calme olympien encore quelques secondes, attrapant son verre pour reprendre une gorgée de vin au passage. Et tout en reposant son verre, elle ajouta : "Enfin, ou moi dans le tien soit dit en passant. Je suis pas sectaire." Son regard se fit moins séducteur et beaucoup plus amusé cette fois-ci. Ce qui était certain, c'était qu'elle avait définitivement dit adieu à toute gêne environnante. Et à toute bienséance aussi.
Elle parut réfléchir quelques secondes avant de reprendre la parole, faussement sérieuse et adoptant un ton docte : "Wrenitude. Nom masculin. Capacité extrêmement rare à supporter et surenchérir aux bêtises que profèrent les Maze Crawley de ce bas monde." Nouvelle pause. Elle se pencha légèrement en avant pour se rapprocher de Wren avant de continuer en chuchotant, comme si elle allait lui livrer un secret d'une importance capitale. "Et capacité à les rendre dingues tout en leur faisant complètement tourner la tête." Si rendre des gens dingues pouvait sembler plutôt péjoratif, le ton sur lequel Maze venait de le déclarer ne laissait planer aucun doute sur le fait qu'elle ne l'entendait pas le moins du monde de manière négative. Elle se réinstalla correctement sur sa chaise, l'air satisfaite de sa définition. "Et je suis ravie de savoir que tu n'es pas monsieur tout le monde, et donc par conséquent capable de me gérer." En revanche, il ne semblait pas encore avoir trouvé où était son bouton pause, qui lui permettrait de s'arrêter quelques instants pour reprendre son souffle au milieu de toutes les absurdités qu'elle débitait. Toutefois, ses absurdités étaient de plus en plus entrecoupées de moments de vérité à moitié déguisés par un trait d'humour dont elle ne parvenait pas encore à se défaire. "J'essayerai de penser à la note en amont, promis. Ou à des petits signaux de fumée." Nouveau rappel des propos qu'ils avaient pu échanger lors de leur première rencontre. Maze ne pouvait s'empêcher de penser que les sujets qu'ils abordaient étaient depuis le début assez décousus et parfois complètement dénués de sens, pourtant elle ne s'était jamais sentie autant en phase avec quelqu'un. Il était indéniable qu'il y avait une alchimie entre eux, et ce depuis le moment même où Wren avait défoncé sa porte.
Elle secoua la tête de gauche à droite, comme exaspérée par cette explication concernant ses techniques de séduction de démon, mais le sourire qui ne quittait plus son visage la trahissait et laissait transparaître tout l'amusement qu'elle ressentait ce soir-là. "Ça me convient parfaitement aussi." Elle voulait bien se laisser séduire n'importe quand par des démons comme lui. Fort heureusement pour son coeur, c'était le premier qu'elle croisait dans ce genre là. Et elle était ravie d'être tombée sur lui. D'autant plus que ce démon là était bien loin de la juger au sujet de son diabète. En grande fan de séries qu'elle était, elle sourit en se remémorant une discussion entre deux de ses personnages favoris : - Je ne suis pas normal. - Mec, personne n'est normal. Elle se reconnaissait parfaitement dans cette réplique, encore plus en présence de Wren. Le duo qu'il formait tout deux était bien loin d'une quelconque normalité. Elle se sentait elle-même avec lui qui sortait tant de l'ordinaire et de tous les hommes qu'elle avait côtoyés jusqu'à présent. "De toutes façons il ne te reste pas longtemps à vivre. Rappelle-toi, tu vas mourir de me voir mourir." Elle lui lança un nouveau sourire taquin. "Mais promis, comme j'aimerais quand même bien que tu survives le plus longtemps possible, si je découvre un jour mes secrets de fonctionnement, je te passe la notice d'utilisation." Et synchronisés comme ils étaient, c'était maintenant au tour de Wren de lui prodiguer des conseils pour qu'elle reste en vie. "Restent-ils véritablement des neurones à sauver ? Telle est la question. Mais je note pour le casque. Même si je suis tout à fait disposée à me lancer dans une partie de ping pong endiablée avec elle à l'aide d'objets envoyés à travers la pièce." Mieux valait en rire qu'en pleurer, n'est-ce pas ? Pourtant, cette histoire entre Wren et sa mère continuait de la tracasser. Elle aurait probablement poussé la discussion un peu plus loin pour essayer d'en savoir plus si une surprise ne s'était pas immiscée dans leur soirée entre temps. Et c'était intriguée et sans la moindre idée de ce qui allait se produire qu'elle avait suivi Wren dans un couloir, s'éloignant de la salle principale et des bruits environnants. "Excuse-moi mais...j'ai pas pour habitude de suivre des inconnus dans des couloirs sombres et isolés." Elle exerça une légère pression sur sa main, amusée par la situation. "Non pas que ça me déplaise présentement mais..." ils venaient d'arriver à destination et Maze s'était instantanément tue en entrant dans la salle, regardant Wren se diriger vers la console pour l'allumer, l'air complètement ébahi. L'effet de surprise était définitivement réussi. Il avait réussi à aller plus loin qu'elle encore dans ses délires, parvenant à la laisser sans voix. Maze devait s'avouer vaincue. Conquise et vaincue. A aucun moment elle n'aurait pu imaginer tout cela : comment avait-il fait pour convaincre le patron du restaurant ? A quel moment avait-il emmené la console ? Etait-il arrivé plus tôt ? Comment avait-il fait pour imaginer ce plan ? "Je....Wow." Sous l'effet de la surprise, il lui était difficile d'être plus démonstrative que ça. Elle resta silencieuse encore quelques instants avant d'éclater de rire. "C'est un tour de force que tu viens de réussir là, Wren." Et il lui proposait en prime de danser sur du Britney Spears. La cerise sur le gâteau ; il allait être bien difficile de faire mieux que ce rendez-vous là par la suite. Si Maître Splinter avait débarqué à ce moment précis pour leur livrer une pizza, elle n'en aurait même pas été plus surprise que ça. Alors qu'elle s'apprêtait à se montrer d'une mauvaise foi totale, prête à dégainer son téléphone portable pour filmer cette scène rocambolesque, Wren effaça la distance qui les séparait, ce qui eu pour effet immédiat de stopper tous ses mouvements. Elle se sentait littéralement comme un lapin pris dans les phares d'une voiture, à la différence près que son chasseur à elle était bien loin de provoquer une quelconque peur sur sa proie. Les derniers mots qu'il lui murmura à l'oreille eurent irrévocablement raison d'elle, réveillant en elle un frisson qui parcourut tout son corps. Frisson qu'il lui était impossible de cacher, d'autant plus que les mains de Wren étaient au contact des siennes. Quand il était aussi proche d'elle, tous ses sens étaient en éveil. Elle ferma les yeux et soupira, presque exaspérée de se sentir aussi vulnérable. Puis elle prit une profonde inspiration pour se ressaisir avant de relever son visage et de regarder Wren droit dans les yeux, secouant doucement la tête de gauche à droite, toujours un fin sourire au lèvre mais un air qui signifiait clairement "C'est déloyal." Elle pouvait se montrer aussi forte et maître de ses actes qu'elle le voulait, il avait le pouvoir de la déstabiliser à n'importe quel moment en un battement de cils. Littéralement. La seule chose qui lui restait à faire pour retrouver un peu de contenance et de dignité était maintenant de l'écraser à ce jeu. Et si elle ne se débrouilla pas si mal sur la chorégraphie, elle oublia finalement bien vite l'enjeu pour rire aux éclats à chaque nouveau pas qu'ils loupaient tout deux lamentablement. Et c'est à bout de souffle qu'ils finirent la chanson. Elle alla s'asseoir aux côtés de Wren, souriant comme une enfant qui venait de passer la meilleure soirée de sa vie. Au milieu d'une respiration très saccadée, elle fit mine de réfléchir : "Mh...honnêtement ? Oui. Là je peux plus le nier, ton capital séduction a pris cher." Elle se mit à rire avant de décider de s'allonger par terre et de se servir des cuisses de Wren comme d'un oreiller, ses cheveux tombant en cascade autour de son visage de manière plutôt désordonnée après une telle séance de sport. Elle pensait peut-être pouvoir mieux reprendre son souffle ainsi, ou voulait simplement s'installer confortablement. Elle lui jeta un coup d'oeil avant de fermer les yeux et de déclarer le plus naturellement du monde. "Mais je suis ravie que ton capital séduction en ait pris un coup. Merci." Merci de l'avoir sauvée d'un probable incendie. Merci de l'avoir aidée à réparer sa porte malgré toute la mauvaise volonté dont elle avait fait preuve. Merci pour ce premier rendez-vous exceptionnellement anodin. Merci pour cette surprise inattendue. Merci d'être lui, simplement. Voilà tout ce qui lui passait par l'esprit présentement. "Je me demande bien pourquoi je paye un abonnement à la salle de sport quand je pourrais passer mes soirées à faire ça." S'y tiendrait-elle toute seule, tous les soirs ? Non. En revanche, si Wren parvenait à se libérer tous les soirs de la semaine pour s'adonner à une partie de Just Dance en sa compagnie, là elle était certaine de pouvoir immédiatement et sans regret résilier son abonnement à la salle.

L'insouciance de Wren restait le plus souvent totalement inexistante. C'était le prix à payer quand on naissait Doherty, il n'y avait pas de place pour la naïveté, l'amusement voire tout simplement le bonheur avec un grand B. Wren n'avait pas connu tout cela, ce panel d'émotions, depuis ses quinze ans. On ne pouvait pas dire que cela lui avait manqué puisqu'il avait toujours pris l'habitude de ne penser à rien, encore moins aux quelques regrets parsemés dans un coin de son existence. Ceux-là n'étaient pas nombreux parce que Wren avait toujours eu comme mot d'ordre d'agir comme bon lui semblait, souvent sans réfléchir, mais avant tout sans désirer revenir en arrière une fois que l'affaire était faite. Il avait toujours tenu parole, ne pleurant même pas le jour où on lui avait appris que son père était enfin passé derrière les barreaux ou la fois où on lui avait suggéré que sa mère ne remarcherait jamais toute seule. Non, à la place, Wren regardait les annonceurs de tragédies dans les yeux et il hochait la tête avant de partir pour fumer une énième cigarette, se détruisant les poumons en même temps qu'on lui arrachait le coeur. Il avait toujours dit qu'il préférait ne pas connaître la normalité: ne pas ressentir, c'était quelque chose qui le faisait tenir debout depuis l'adolescence parce que c'était beaucoup plus simple à gérer d'être celui qui ne portait d'intérêt à rien du tout, plutôt qu'être le bon pompier qui avait envie de vérifier que toutes les victimes qu'il avait pu sauver étaient en bonne santé bien des mois plus tard. Doherty se fichait pas mal des gens qui l'entouraient, c'était en tout cas ce qu'il laissait entendre à toutes les personnes qui désiraient laisser leur trace dans sa misérable existence, le jeune homme les virant sans ménagement dès le premier quart d'heure. Cette réalité avait été si douce aux yeux du pompier, si simple et si habituelle, il aurait pu continuer ainsi pour encore un bon siècle, tout cela pour finir par mourir seule, une clope au bec et aucun souvenir heureux dans sa caboche. Cet avenir ne l'avait jamais effrayé, au contraire, Wren avait enregistré le destin Doherty dans sa matrice et il avait vite fait d'accepter son triste et funeste destin. Jusque là, en tout cas, il avait tout fait pour respecter les traditions familiales: se rendre le plus misérable possible, ne s'attacher à personne, vivre de peu de choses et attendre la fin en toute connaissance de cause, la solitude comme meilleure amie. Tout aurait pu se dérouler à merveille si Wren n'avait pas croisé la route de Maze Crawley au détour d'une salle de bain d'un appartement voisin à celui de sa tendre mère, au beau milieu d'un incendie qui menaçait de ruiner un immeuble tout entier. Il n'y avait rien eu de normal dans cette rencontre: certainement pas les premières bribes où la colère avait été maîtresse de leurs débats mais encore moins, l'épilogue où ils s'étaient retrouvés à se donner rendez-vous dans ce restaurant pour apprendre à mieux se connaître. Wren n'avait jamais fait cela. Il n'avait jamais accepté d'être l'homme de la situation, celui qui se donnait corps et âme pour un rendez-vous avec une jeune femme, histoire de faire bonne figure pour gagner quelques points dans un classement fictif de tous ceux qu'elle avait pu fréquenter jusqu'ici. Wren n'était pas un nom sur une liste: il était celui qu'on prenait en cours de route, pour un soir ou deux et on était heureux de le laisser partir après cela parce qu'il s'avérait qu'il n'était pas le garçon le plus volubile ou bavard de la région. Les femmes n'avaient aucun intérêt à s'attacher à lui parce qu'elles voyaient bien que sa part sombre prenait une place trop importante au coeur de son âme et Doherty ne les blâmait pas de leur départ anticipé, de ce fait, bien au contraire, il avait tendance à les encourager. En général, il se montrait expéditif face aux tentatives désespérées dont certaines faisaient preuve pour qu'il s'ouvre à elles. Étrangement, quelques unes de ses conquêtes passées avaient l'air de s'être données comme mission de le percer à jour, être la personne exceptionnelle qui le ferait changer... Un défi bien vain, d'après le jeune Doherty. Personne n'arrivait à le faire changer, personne n'arrivait à le défaire de son objectif d'être le garçon le plus misérable de la terre au moment où on l'inviterait à monter au ciel, ou en enfer pour être encore plus précis sur les appellations. Il était là, cela dit. Il était avec Maze et le pire dans tout cela, c'était qu'il souriait comme au premier jour, comme s'il était de retour dans cet état de grâce qu'il avait pu avoir quand il n'avait encore que douze ans, persuadé que le monde serait toujours généreux envers lui et qu'il serait toujours cet imbécile heureux d'être en vie. Ce soir là, c'était bel et bien le cas, il était heureux d'être en la compagnie de la jeune femme, d'être l'homme un peu fou qu'elle avait choisi pour vivre cet instant unique et hors des sentiers battus.

Il n'y avait pas de place pour la normalité au cours de cette soirée et ce, même si le monde autour d'eux avait l'air d'en être rempli. Eux enchaînaient les moments étranges, après un verre de vin qui avait explosé sur la nappe, les mots prononcés qui présageaient un tout nouveau futur pour le duo... Oui, tout cela ressemblait à un tout nouveau début. Wren n'aurait pas su dire de quoi mais il ne pouvait pas faire autrement que de laisser échapper un sourire spontané en entendant Maze parler. Elle avait toujours les mots pour le désarçonner parce qu'elle était drôle, qu'elle ne réfléchissait jamais avant de parler et que c'était ce naturel déconcertant qui ne pouvait pas laisser Wren de marbre, pas après tout ce qu'il avait traversé pour se retrouver face à elle, plus lui même que jamais. "Ce pas mal de personnes en question a tort, évidemment. Le fait que tu ne tiennes pas deux minutes, c'est ce qui rend le jeu intéressant d'ailleurs. Un jour, j'aimerais te voir essayer d'être normale... Qu'est ce que ça donnerait ça?" Quelque chose loin d'être normal, forcément. Maze était différente. Elle n'essayait même pas de rentrer dans les catégories que cette société créait pour chaque profil d'individus, au contraire, elle faisait son petit bonhomme de chemin sans se considérer comme un pion, ce qui se rapprochait clairement des intentions de Wren. Lui non plus n'avait jamais désiré être classé quelque part, bien plus intéressé par la solitude et la marginalité, des endroits où on lui ficherait la paix avant tout. "La plus belle épitaphe que le monde ait fait, c'est sûr et certain. Toi et ton super ego vivront heureux même jusque dans la mort, c'est franchement superbe. Et t'en fais pas, je viendrais déposer des fleurs de temps en temps." Il lui fit un clin d'oeil, comme si c'était une possibilité que Wren vive plus veux que Maze. Vu le mode de vie qu'il avait adopté ces dernières années, on était loin du compte. Doherty ne se mettait aucune limite, pas dans l'alcool qu'il consommait lors des soirées, encore moins dans le nombre de paquets de cigarettes qu'il consommait dans un mois... Il n'avait jamais su s'arrêter parce qu'il avait besoin de se raccrocher à quelque chose pour se sentir vivant, même si la chose en question était un tube qui s'apparentait à la mort. C'était mieux que rien dans son vocabulaire mais peut être qu'il changerait d'avis après ce rendez-vous parce qu'il se rendrait compte que la tragédie, c'était lui qui l'inventait quand la beauté était présente partout autour de lui ou en tout cas, devant lui ce soir-là. Il ne pouvait pas arrêter de le regarder, ses yeux cérulescents portés par les mots de sa partenaire. Maze jouait avec le feu, l'élément que Wren préférait par dessus-tout alors il était plus que ravi de se lancer dans cette aventure avec lui. Elle avait fait preuve de répartie et Wren attendit qu'elle en termina sur le sujet pour mieux surenchérir, à sa façon. "Dans un lit, t'es sûre? Je pensais que t'aimais l'originalité plus que ça, tu vois... Il y a sûrement d'autres endroits où tu pourrais finir avec moi et ce serait pas le moins du monde étrange, je suis persuadé." Et l'affaire reprenait de plus belle puisque l'un comme l'autre n'étaient jamais prêts à lâcher le morceau. C'était ce qui avait marqué leur dynamique dès les prémisses, Maze refusant de lâcher du terrain face à un Wren piquant qui ne comprenait pas le sens des actes de la jeune femme. Au bout du compte, ils avaient dépassé cette frustration du moment pour laisser parler leurs hormones et c'était apparemment ce qui leur réussissait le mieux. Ils trouvaient un équilibre au milieu de leurs caractère respectif, pourtant si différents mais qui semblaient s'allier si bien, étonnamment. "Tourner la tête, hein? Faudrait dire à ces Wrenitudes de faire gaffe aux effets secondaires quand même, ça a pas l'air agréable." Il avait chuchoté en suivant les mots de Maze, n'indiquant même pas que les effets étaient réciproques lorsqu'un trop grand pourcentage de Mazitude était à ses côtés. Il tenait le coup cela dit parce qu'il l'avait bien voulu, accroché à son regard au moment où elle lui indiqua être ravie de constater qu'il était capable de la suivre et de gérer ses délires quotidiens. Wren n'avait pas besoin de lui répondre, il en était juste persuadé et c'était ce qui était justement écrit dans son regard à ce moment là, aussi simplement que cela. "Voire une mini fusée de détresse fera l'affaire, je prends tout." Il en aurait bien besoin s'il devait survivre au lot de sentiments qui le prenaient ces derniers jours dès qu'il entendait parler de la jeune femme. Ce n'était pas une situation évidente pour un novice comme lui. Wren adorait par dessus tout maîtriser la moindre situation mais cette fois justement, il n'était aux commandes de rien du tout, se laissant porter par l'instant présent, par ses envies et ce qu'il pouvait percevoir chez Maze et qui le poussait à vouloir aller plus loin encore. Jusqu'au bout de leur réalité. "Je te remercie de penser à moi. J'espère que tu dénoueras le mystère avant ta mort et donc la mienne quand même qu'on quitte pas cette planète totalement frustrés... Et je ferais en sorte de te garder en vie si jamais tu croises ma mère pour un tennis de cuisine plutôt que de table. Comme ça, c'est un deal qui fonctionne." Il n'y avait décidément rien de normal dans leurs conversations mais ce n'était pas le clou de la soirée, pas encore, non. Wren avait toujours de la suite dans les idées et de plus, il avait promis à Maze une danse endiablée la dernière fois, une qu'il n'avait pas pu faire et qu'il lui devait dès maintenant. Il se mit à rire en l'entraînant dans l'arrière salle. Evidemment, il fallait qu'elle fasse un trait d'humour caché derrière une angoisse certaine de l'inconnu. "Je crois que tu peux plus me considérer comme un inconnu quand on sait que t'as essayé de me noyer sous les doudounes le jour de notre rencontre... Ravi d'apprendre que ça te déplaise pas, tout de même." Non, elle ne pouvait pas être déçue de la destination vu ce que Wren avait préparé. Il s'en donna à coeur joie sur le moment et il fut heureux de constater que Maze se lança dans l'aventure avec la même hargne que lui. On aurait dit deux gamins qui découvraient les plaisirs de la piste de danse pour la première fois. Pour Doherty, c'était peut être le cas puisqu'il n'était pas le genre de garçons à danser dans les soirées mais plutôt celui qui observait dans un coin avec une cigarette entre les lèvres. Il n'y avait plus de place pour la timidité durant ces trois minutes de chanson qui ne leur laissèrent plus aucune énergie pour tenir debout à son issue. Au sol, Wren lutta corps et âme pour trouver son souffle et son flegme légendaire mais il ne fut pas seul dans ce cas puisqu'il sentit Maze se poster à ses côtés. "Adieu, capital séduction. Tu étais aimé." Si celui-ci était véritablement décédé, Wren ne comprenait pas tellement comment il avait pu réussir à avoir Maze aussi proche de lui à ce moment là. Effectivement, la jeune femme se servit de lui comme d'un coussin après cela et le regard de Wren se posa sur son visage avec une douceur qu'on ne pouvait pas soupçonner dans un corps aussi froid que le sien habituellement. "Et pourquoi es-tu aussi ravi qu'il soit décédé subitement? Sans lui, je vais avoir plus de mal à conclure, même si tu me remercies là, tout de suite." Il lui fit un clin d'oeil espiègle alors que sa main passa dans ses cheveux avec une certaine tendresse, le jeune pompier profitant de cette beauté si éblouissante que Maze possédait. Il n'était pas en mesure de contrôler totalement ses gestes, c'était une évidence puisqu'il passa même sa main tout en douceur sur sa joue, fêtant la fin de son tendre charisme après ce déchaînement sur Britney Spears. "T'as raison, résilie le, tiens. On aura qu'à vivre de Just Dance comme sport quotidien, toi et moi. Ça a franchement de quoi rendre jaloux le reste de l'humanité qui se paye cinquante dollars de cours de muscu' quand on peut faire ça dans l'arrière salle d'un restaurant." Encore une fois, il disait merde à tous ses principes rien qu'en envisageant ce genre d'idées. Maze le rendait fou, il ne savait plus ce qu'il faisait ni ce qu'il disait, en témoignait la manière dont il la regarda après cela, une main se baladant encore dans sa chevelure sombre. "Va falloir que tu fasses quelque chose pour moi, Maze. Maintenant que j'ai plus mon capital séduction à mes côtés, je fais comment pour lutter contre mon envie de t'embrasser? C'est con que je sois plus du tout légitime pour ça sans mon précieux capital, ça risquerait de me tuer, je dois te l'avouer..." Et c'était là, au creux de ses entrailles, comme jamais il n'avait pu le vivre auparavant, cette force venue d'ailleurs qui lui implorait de vibrer au contact de Maze. Juste de devenir fou, de mourir pour retrouver ce si doux contact qu'il avait pu partager lors de leur rencontre, simplement d'arrêter le battement de son coeur dans l'instant si cet acte pouvait lui permettre de retrouver une unique fois ce frisson perdu dans cette caresse contre la joue de la jeune femme, un sourire hébété sur ses traits diaphanes.

Maze fit mine de réfléchir, le regard tourné vers un point lointain et imaginaire, les sourcils froncés. Son jeu d’actrice était impeccable…si ce n’était un peu -beaucoup- surjoué. «Mh…bonne question. Je ne vois honnêtement pas à quoi ça pourrait ressembler, mais ça serait certainement une catastrophe ! » Demander à Maze de ne pas être elle-même, d’agir autrement, c’était s’assurer d’inévitables ennuis. Sans pour autant savoir de quelle manière cela se traduirait précisément, elle était à peu près certaine qu’elle serait encore plus maladroite qu’à l’accoutumée. Et quand on voyait ce qu’elle avait déjà été capable de faire avec son verre de vin quelques minutes plus tôt, on imaginait aisément que le spectacle ne serait pas beau à voir. De toutes manières, il était absolument inenvisageable pour elle d’être autre chose qu’elle-même ; le plus beau et convaincant des discours n’aurait pas pu la faire changer d’avis. Elle se faisait un point d’honneur d’être acceptée par son entourage telle qu’elle était, quitte à ne pas être acceptée du tout. Mais était-ce encore vrai ce soir-là ? N’était-elle pas prête à changer, ne serait-ce que quelques secondes, pour les beaux yeux de Wren ? A bien y réfléchir, il aurait pu lui demander de réaliser la plus folle des actions qu’elle se serait certainement exécutée sur le champ. Elle ne savait pas dans quoi résidait l’attraction et l’attirance qu’elle ressentait pour lui mais elle avait l’intuition que c’était un tout qu’elle ne cessait de découvrir, d’apprivoiser et d’apprécier chaque minute un peu plus. Et le petit sourire amusé mais aussi conquis qu’elle affichait sur son visage à l’évocation de cette histoire d’épitaphe en était la preuve. Elle était ravie que Wren rentre si facilement dans son jeu et que la réciproque soit vraie. Si elle s’était montrée anxieuse à l’idée de se rendre à ce rendez-vous, elle constatait maintenant avec bonheur et soulagement qu’aucun d’eux n’avait perdu la main concernant les répliques qu’ils avaient pu avoir lors de leur rencontre. Aucun malaise, aucune gêne…malgré un sujet qui tendait à déraper de plus en plus. Maze éclata de rire en constatant que Wren avait choisi la surenchère à sa provocation. Elle n’aurait pas parié dessus, mais elle n’était pas déçue. «Excuse-moi, mon originalité a décidé de me faire défaut présentement. Tu peux développer tes idées ? » Elle avait lâchement battu en retraite tout en savonnant un peu plus la planche à Wren afin de bien rendre la pente un peu plus glissante encore. Les yeux rieurs et armée d’un sourire en coin, elle était curieuse de voir quelle suite il allait donner à tout cela. Il était fou de constater à quel point ils étaient tous deux capables d’alterner propos provocateurs et compliments flatteurs. « C’est plus qu’agréable au contraire. Change rien à tes Wrenitudes. Quant à cette histoire de mystère à dénouer, je te promets de faire ce que je peux ! » Mais 29 années en sa compagnie n’avaient pas suffi à ses parents pour la décrypter pleinement et entièrement, alors qui pourrait bien y parvenir ? Son intuition lui soufflait que la personne la plus à-même de réussir cet exploit se situait peut-être en face d’elle à l’instant même. Cette même personne qui était capable de la comprendre, de surenchérir à ses bêtises, de la faire rire mais aussi de la surprendre complètement. A aucun moment elle n’aurait pu imaginer se retrouver à l’arrière salle du restaurant pour faire une partie de Just Dance. Elle commençait sérieusement à songer que tous ces clichés de Prince Charmant qu’elle avait pu observer dans différentes comédies romantiques pouvaient aller se rhabiller. Ajoutons à cela le fait que "faire une partie endiablée de Just Dance" était bien plus original que n’importe quel  "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants". Et cela lui convenait également davantage à ce stade de sa vie. Wren était drôle, envoûtant et incroyablement surprenant. Et par dessus tout, il avait été capable de surmonter sa mauvaise foi. Il ne lui en fallait guère plus pour être impressionnée et conquise. Si elle l’avait connu avant, elle aurait certainement choisi de mettre le feu à son appartement plus tôt…et volontairement cette fois-ci.
Tranquillement allongée pour reprendre son souffle, elle avait opté pour le meilleur des coussins en choisissant de poser sa tête sur les cuisses de Wren. « Oh, tu voulais conclure ? C’est embêtant en effet. » Elle s’amusait beaucoup de cette situation. « Je suis ravie parce que ça me prouve que tu es humain et non un dieu nordique descendu sur Terre pour séduire le commun des mortels…Un peu comme Thor a quitté Asgard pour… » Elle s’arrêta net en réalisant ce dans quoi elle s’engageait et se mit à rire avant de reprendre « On arrête, j’ai déjà fait ma nerd tout à l’heure, ça suffit pour ce soir. »
Elle ferma instinctivement les yeux au moment où Wren fit glisser sa main dans ses cheveux. Elle ne le criait pas sur tous les toits mais elle était extrêmement tactile et réceptive à ce genre de caresses. Il n’y avait rien de plus efficace pour la calmer instantanément, et c’était en général lovée dans les bras d’un homme qui lui caressait doucement le dos qu’elle s’endormait le mieux. A croire qu’elle avait quelques points communs avec les félins, si ce n’est qu’elle ne se mettait pas à ronronner.
Quand elle sentit le contact de la main de Wren sur sa peau, ses muscles se détendirent immédiatement, alors même qu’elle ne s’était pas rendue compte qu’elle était crispée auparavant. Les dernières barrières qui subsistaient venaient littéralement de s’effondrer. Sa respiration était posée et elle se sentait incroyablement bien. Elle n’aurait échangé sa place pour rien au monde. Tout en gardant les yeux fermés, elle répondit le plus naturellement du monde à la proposition de Wren de vivre de Just Dance -bien plus original que de vivre d’amour et d’eau fraîche, il fallait l’avouer- : « It’s a done deal. » Et elle aurait vraiment souhaité que cela puisse être le cas, que toute cette histoire puisse être aussi simple que ça, qu’ils puissent se rendre à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit dans cette arrière salle pour se défouler sur une chanson mythique des années 90 et oublier le quotidien. Elle aurait vraiment donné cher pour qu’ils puissent rester dans leur bulle, si paisible et rassurante, coupée du reste du monde.
En entendant la dernière question de Wren, elle se sentit prise de court face à cette confession spontanée provoquant instantanément une boule au creux de son ventre. Elle mit quelques secondes avant de finalement sourire, ouvrant à peine un œil pour observer Wren avec un air amusé puis se décidant finalement à rouvrir correctement ses deux yeux. Doucement, elle saisit sa main qui était toujours égarée sur sa joue et y déposa un baiser. Puis elle se décida à quitter sa confortable place pour se relever et s’asseoir aux côtés de Wren. Plongeant son regard dans le sien, elle avait enfin repris son sérieux pour déclarer « Je pense que la solution…c’est de ne pas lutter. » Elle rapprocha lentement son visage du sien jusqu’à sentir son souffle contre sa peau et marqua une pause avant d’aller déposer un nouveau baiser au coin de ses lèvres. Elle jouait avec lui et prenait volontairement son temps, faisant glisser ses lèvres jusqu’à l’oreille de Wren tout en effleurant sa peau au passage pour murmurer « Et si on essayait mon capital séduction à moi ? » Elle s’écarta de quelques centimètres pour le regarder une nouvelle fois dans les yeux, un sourire au coin des lèvres. Si Maze donnait l’impression de savoir ce qu’elle faisait, elle n’en menait pourtant pas large et se laissait guider par l’instant présent, ayant une nouvelle fois mis son cerveau en pause pour profiter de la compagnie de Wren. Il avait décidément cette étrange capacité à la faire agir sur le moment, elle qui avait tellement de mal à prendre des décisions en temps normal. Elle profita de cet instant suspendu dans le temps, n’entendant que les battements de son cœur et sa respiration qui s’était faite plus saccadée, comme dans l’attente de ce qui allait se produire. Elle se décida enfin à effacer les quelques centimètres qui séparaient leurs deux visages pour aller déposer ses lèvres sur celles de Wren et se laisser aller entièrement. Si son baiser s’était d’abord montré hésitant, il ne tarda pas à se faire rapidement plus pressant, comme pour rattraper le temps qui s’était écoulé depuis leur dernière rencontre et cette volonté de revivre l’instant qu’ils avaient partagé quelques jours auparavant. Maze qui était tellement dans le contrôle au quotidien avait vraiment la sensation de perdre pied en présence de Wren. Se laisser guider ainsi par ses émotions et ses envies ne lui ressemblait pas, mais elle n’avait aucune intention de riposter et elle était simplement prête à se jeter corps et âme dans cette aventure.

Vivre un moment sans doute et sans attente, c'était quelque chose dont Wren raffolait. Il avait toujours eu peur des incertitudes, c'était ce que son passé avait toujours fini par prouver. Au moment où sa mère était tombée dans la plus terrible des dépressions, le suédois avait peu à peu perdu pied, se retrouvant bien incapable de dire à quel moment elle allait finir par retrouver toute sa tête. Tout cela ne s'était jamais produit et près de dix ans plus tard, le jeune Doherty avait fini par ancrer cette réalité dans son esprit: jamais elle ne reviendrait. Alors, pourquoi s'inquiéter du lendemain, des attentes qu'on pouvait avoir vis-à-vis du destin? Wren avait tout bonnement arrêté de se poser des questions. Il n'attendait rien d'autrui, se contentant de construire sa vie autour de ses propres principes sans s'intéresser à ce que d'autres personnes pouvaient dire de lui. Jusque là, le stratagème avait marché à merveille puisque les jugements hâtifs ne l'avaient jamais écorché et de manière générale, le jeune pompier avait l'air de s'en sortir avec brio. Pourtant, sa vie était plus plate qu'autre chose. En dehors de son travail, Wren n'avait pas grand chose qui laissait penser qu'il était encore une âme vivante. Il se tuait à la tâche, essayant malgré tout de sortir la tête de l'eau entre deux gardes à la caserne et deux moments à supporter les querelles avec sa génitrice. Tenait-il réellement la marée au bout du compte? Rien n'était moins sûr puisqu'il était loin d'être vivant, le suédois. Jusque là, il ne s'en était juste pas tellement rendu compte. Il trouvait sa situation relativement complaisante, perdu entre les soirées arrosées et les histoires sans lendemain. Ne jamais ressentir quoique ce soit, c'était ce qui lui avait permis de tenir sur ses deux jambes après la trahison de son cher père et ce schéma se devait d'être répété jusqu'à l'épuisement total. Ce moment là était peut être en train d'arriver finalement, à près de trente années d'existence. Wren pouvait-il encore feindre d'être un homme glacial et sans émotion? Ce n'était, en tout cas, pas la face qu'il choisissait de montrer à Maze. Au contraire, il entrait en collision avec ses propres principes, juste pour la faire rire, ou simplement sourire. Il n'avait pas envie de paraître glauque ou effacé comme il avait l'habitude de paraître devant autrui. Avec elle, Wren se révélait sous un tout nouveau jour. Il s'extasiait des mots de la jeune femme, entrant dans son jeu avec une facilité déconcertante parce que c'était l'effet Maze Crawley. Le jour de leur rencontre, déjà, elle avait su trouver les mots pour le désarçonner. Le feu qui avait jailli entre leurs deux êtres n'avait fait que se décupler depuis. C'était en tout cas ce qu'on pouvait constater depuis le début de ce rendez-vous. L'alchimie était définitivement présente, les mots mettant en avant les pensées de chacun parce qu'il ne semblait pas possible de faire autrement que de laisser s'échapper ce qu'il y avait dans leurs esprits torturés. Wren n'avait pas été ainsi depuis ses quinze ans, insouciant, prêt à tout pour voir où tout cela le mènerait, sans avoir peur de quoique ce soit, pas même des conséquences. Cela n'avait pas été quelque chose de simple à gérer pour lui toutes ces années, préférant largement se cacher derrière des répliques cinglantes pour éloigner les gens de lui. Avec Maze, il n'essayait même pas de la faire fuir, il voulait au contraire se rapprocher d'elle, tout apprendre de la personne qu'elle était et ce qu'elle avait à offrir au monde. Il était juste happé par son charisme, les bêtises qu'elle débitait sans avoir honte et le sourire qu'elle pouvait lui offrir en conséquence. Il n'y avait pas de place pour le doute ou l'incertitude, Doherty se laissait juste totalement emporter par le flot de ce qu'ils pouvaient être ensemble. Tantôt taquins, tantôt immatures, ils n'avaient pas la notion du temps qui passait autour d'eux. Wren, en tout cas, ne faisait plus spécialement attention au décor, totalement épris du visage qu'il regardait en sourcillant à peine.

Il n'y avait pas un seul sujet tabou et Wren s'en amusait plus qu'ail n'aurait pu l'avouer, souriant à la jeune femme avec espièglerie. Maze n'était pas en reste de son côté puisqu'elle avait l'air de rire de lui, lui lançant un défi à nouveau pour qu'il puisse lui rétorquer encore des mots qui les feraient tomber dans une impasse délicieuse. Forcément, Wren ne put que se mordre la lèvre en faisant semblant de réfléchir à la remarque de Crawley, comme s'il avait besoin de penser à tous les endroits où il trouverait plaisant de se trouver en compagnie de la jolie brune. "Moi qui pensais que tu serais la première à laisser ton imagination divaguer vers de nouveaux horizons, j'en serais presque déçu, Maze... Mais évidemment, je pense que je peux développer. Après tout, la dernière fois, on s'est rencontrés dans une salle de bain et on s'est bien amusés sur un canapé alors, je pense qu'on peut voir plus loin que ça, tu vois... La preuve, on est dans un restaurant à l'heure actuelle." Il lui fit un clin d'oeil joueur avant de retrouver un minimum son sérieux, il n'était pas encore temps de se laisser aller à ce genre de dérives. Ils avaient encore beaucoup de choses à faire au cours de cette soirée, beaucoup de sujets à discuter, Wren laissant son sourire enjoué paraître au coin de ses lippes. Il ne quittait pas des jeux la brune en face de lui, celle qui se perdait dans des élucubrations interminables à grand renfort de Mazitude et Wrenitude. Nécessairement, Doherty la laissa faire, charmé par sa prestation, comme d'habitude. Ils auraient pu en rester là, se perdre encore une heure ou deux dans des discussions intenses mais le corps du pompier avait eu besoin de bouger un peu. Cette chorégraphie endiablée le laissa sur les rotules mais il était quelque peu ravi que ce fut également le cas pour sa partenaire. Ils avaient l'air fins, là, au sol, à attendre que leurs poumons arrivent à nouveau à respirer correctement. Wren était amusé de la situation puisque c'était bel et bien la première fois qu'il osait agir ainsi. C'était clairement dû à la jeune femme en sa compagnie qui prit ses aises sur ses jambes, le regard de Wren glissant sur sa précieuse beauté. "Serais-tu en train de me comparer à un dieu nordique? Si c'est le cas, je pense que j'ai moins à m'en faire quant à ma capacité à conclure, n'est-ce pas?" Il se mit à rire, laissant transparaître ce côté innocent qui lui avait fait tant défaut depuis son adolescence. Dans ces moments là, Wren était beau. Oui, il l'était parce qu'il n'était plus cet homme torturé par un passé douloureux mais l'âme sereine d'un homme qui avait tant à offrir autour de lui. C'était d'ailleurs ce qu'il prouva en faisant passer sa main délicate dans les chevelures ébènes de Maze, transporté dans un monde où ils n'étaient plus que deux. Le tout était instinctif, surtout cette douceur dont il pouvait faire preuve avec elle, ses yeux la regardant avec tendresse alors qu'elle avait fermé les yeux sous ses assauts délicats. Sa main glissa contre sa joue et le monde s'arrêta instantanément: son coeur battait à tout rompre contre sa poitrine et Wren avait la sensation que son souffle se coupait, sans qu'il ne puisse rien y faire. C'était la première fois de sa vie qu'il se sentait aussi démuni face à une sensation au creux de ses entrailles. Il ne dit rien pourtant, tâchant de vivre avec au moment où Maze murmura en réponse qu'elle aimait l'idée de vivre de Just Dance jusqu'à la fin de leur existence. Un fin sourire resta quelques instants sur les lèvres du suédois, l'idée semblant lui plaire tout autant qu'elle. Pourtant, Wren n'avait jamais été un rêveur mais là encore, il n'avait jamais été un homme particulièrement doux et délicat. A croire que tout pouvait changer lorsqu'on rencontrait une personne qui faisait ressortir un pan de votre personnalité jusque là bien dissimulé derrière de durs apparats. Les mots lui échappèrent à nouveau, sa main perdue contre la peau douce de Maze. Il ne contrôlait clairement plus grand chose mais il ne sembla pas le regretter le moins du monde au moment où les yeux de Maze s'ouvrirent pour le regarder. Il ne bougea pas d'un cil de son côté, la laissant attraper sa main doucement pour la porter contre ses lèvres, un geste tendre et unique. Lorsqu'elle finit par se relever pour glisser son visage près du sien, Wren ne put même plus penser décemment à quoique ce soit. Il ne le fit d'ailleurs pas, se contentant de la regarder avec ses yeux verts pénétrants, la laissant se jouer de lui quand elle l'invita à stopper la lutte. Il sentit le souffle lui manquer quand un léger rire se perdit entre ses lèvres, amusé de voir la jeune femme se glisser dans la peau de la plus grande charmeuse de l'histoire. Wren n'aurait pas pu nier qu'elle réussissait son effet vu qu'il tressaillit en sentant ses lèvres sur sa peau, sa respiration mourant en sentant la sienne si proche de lui. Maze était la femme fatale par excellence, celle qui aurait toujours cette victoire sur Doherty. Il ne pourrait probablement jamais résister à sa voix suave qui lui coupait l'herbe sous le pied et ses mots sur la langue. Non, le pompier n'avait aucune réponse à apporter au moment où leur regard se croisa, la suite laissant présager tout ce qui viendrait bouleverser son univers autant que son corps. Effectivement, les lèvres de Maze vinrent bercer les siennes et Wren ne put pas lutter plus que cela, se laissant emporter par la vague d'envie qui l'avait déjà transpercé la première fois qu'il avait vu Crawley. L'hésitation fut bien vite remplacé par un empressement non feint que Wren ne put que faire vivre en posant une main sur la cuisse de Maze pour amener la jeune femme assise sur lui, son corps entrant enfin en contact avec le sien. Les secondes s’égrainèrent sans que le pompier n'ait plus aucun contact avec la réalité: la sienne était devenue la peau de Maze, son souffle, ses lèvres si tentatrices. Pourtant, il dut se détacher de quelques centimètres de ses lippes pour reprendre son souffle si élégamment perdu durant cette collision inévitable. "Ton capital séduction se porte à merveille, je te rassure mais j'en doutais pas une seule seconde de mon côté. J'veux dire, regarde moi ce visage..." Wren fit glisser ses doigts sur sa joue, son pouce mourant contre une de ses lèvres, ses yeux trouvant du réconfort dans chaque trait du visage de la brune. "... Ces yeux noisette et ce sourire angélique, cette peau si douce et ce charme espiègle..." Il continua son voyage dans les cheveux de Maze, faisant passer sa main sur une des épaules de la brune, terminant sa route dans le bas du dos de la jeune femme. "Comment pourrait-on ne pas désirer Maze Crawley?" Le verdict était sans appel, un nouveau sourire marqué sur le visage de Wren quand il fit remonter son regard vers celui ambré de sa compagne, perdu dans les travers de cette relation qui le chamboulait au plus haut point, perdu dans cette sensation de ne plus être maître de lui-même, Maze ayant réussi cet exploit de marquer son âme, indiciblement.