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 Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey

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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyDim 14 Avr - 16:46



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@Harvey Hartwell & Juliana Rhodes



Assise à mon bureau, j’essaie désespérément de mettre un point final au devoir de géographie que je dois rendre à la première heure demain, devoir malheureusement un peu bâclé, sûrement à cause des nombreuses interruptions dont j’ai été victimes durant toute la rédaction. Dans la pièce d’à côté, j’entends Melchior qui joue avec ses voitures, un peu trop bruyamment. Plusieurs fois, je me suis dit que je devrais aller le voir pour lui demander de la mettre en sourdine mais ses exclamations de joie m’agacent autant qu’elles me font plaisir. Pendant de longs mois, il y a quelques années – mais ces années m’ont parues longues et courtes à la fois – les éclats de rires et les jeux s’étaient enfuis de notre maison alors remplie par le deuil et les larmes. Maintenant, outre le fait que je sois devenue une deuxième maman pour mes frères et sœurs, j’ai également appris à faire preuve d’un peu plus de tolérance envers les éventuels débordements de la maison et à être celle qui s’efface pour laisser un peu plus de place aux autres. Je travaille bien, j’ai de bonnes notes, j’ai déjà prévu d’aller à la fac de la ville pour ne pas m’éloigner de ma maman qui a encore besoin de moi. J’ai un avenir tout tracé et je suis le chemin que je dois suivre. Dis comme ça, ça parait évidemment facile, mais parfois, comme aujourd’hui, le bruit des petites voitures est un peu moins supportable que d’habitude, les rires de Melchior n’arrivent pas à me mettre en joie et les bavardages de Mary, au téléphone avec une copine d’école, commencent sérieusement à me taper sur le système. Je me rends compte que c’est la troisième fois que je relis la même phrase de mon devoir alors je craque, j’empoigne le sac en bandoulière dans lequel je range habituellement mes affaires de cours, enfile une paire de baskets et descends quatre à quatre les marches menant au rez-de-chaussée pour demander à ma mère l’autorisation de sortir de la maison. J’eu bien évidemment droit au sempiternel sermon sur l’heure à laquelle je devais rentrer compte tenu du fait que je devais me lever tôt demain matin, précaution inutile puisque la bibliothèque ne faisait pas nocturne et que je voulais juste faire mes devoirs.

Le trajet en bus allant de la maison familiale à la bibliothèque, je le connais par cœur depuis des années maintenant. Après la mort de mon père, c’est l’endroit où je me suis le plus réfugié quand j’avais besoin de solitude. Encore aujourd’hui, je reste persuadée que mon amour pour les livres a été salvateur pour traverser cette épreuve qui reste encore marquante actuellement. Cependant, avec les tâches à effectuer à la maison, je ne peux pas y passer autant de temps que je le voudrais et c’est avec un réel plaisir que je retrouve mon refuge à chaque fois que l’occasion se présente. C’est d’autant plus vrai que, ces dernières semaines, un invité surprise fait régulièrement son apparition à ma table habituelle. Au début, je n’y prêtais pas vraiment attention, je trouvais simplement que c’était un gars bizarre, un peu perdu, qui squattait là parce qu’il ne devait pas avoir envie de rentrer chez papa et maman. Il avait été facile pour moi de l’associer à un de ces adolescents rebelles préférant fumer des joints avec ses potes en critiquant les valeurs familiales. Mes préjugés avaient fini par s’estomper lorsque nous avons réellement commencé à discuter ensemble. Je ne sais pas comment nous en sommes venus-là, je ne sais même pas qui de nous deux en a pris l’initiative. Tout ce que je sais, c’est que nous sont extrêmement différents tous les deux et que, malgré tout, je prends réellement plaisir à avoir son point de vue et nos échanges sont nettement plus constructifs que ce à quoi j’avais pu m’attendre en l’entendant parler. Alors forcément, lorsque je franchis la porte ce soir-là et découvre Harvey, installé à ce que je considère comme ma table, un large sourire apparait sur mon visage. « C’est cool que tu sois là, je vais enfin pouvoir te filer ma version annotée de Roméo et Juliette et tu ne pourras pas nier que c’est indubitablement la plus belle histoire d’amour jamais écrite. Te sens-tu prêt à me donner raison ? » Mon sac vient s’échouer au pied de la table alors que je prends place en face de lui. J’ai bien peur que le devoir de géographie soit obligé d’attendre un peu.


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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyLun 15 Avr - 7:03



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Je pénètre dans le vieux bâtiment sécurisé et trace directement vers la table, celle la plus éloignée de l’entrée et proche des fenêtres donnant sur l’un des parcs de la ville. J’y balance mon sac complètement destroy et tire une chaise pour poser mes fesses dessus et enfin m’accorder un peu de répit.

La bibliothèque. Ici au moins pas de cris, pas de blagues débiles, pas de joints qui tournent… Juste, du calme. Et c’est tout ce à quoi j’aspire par moment. Le foyer c’est juste invivable, je n’arrive pas à m’y poser hormis pour dormir alors dès que je le peux je me casse. La bibliothèque municipale est devenue mon refuge privilégié. Ici je peux passer des heures le nez enfoui dans les bouquins, sans subir les moqueries des analphabètes qui me servent de potes la plupart du temps. Pas d’attaches, pas de liens : c’est ce que je me répète jour après jour pour éviter de souffrir inutilement.
Et curieusement, alors que je me persuade que c’est ainsi qu’il faut vivre sa vie : en étant un parfait égoïste opportuniste ; le destin semble en avoir décidé autrement en plaçant sur mon chemin Julianna.

Au début, j’évitais soigneusement son regard craignant y trouver du dédain ou de la pitié. Puis, une sorte de rituel s’est instauré lentement entre nous deux. Je m’asseyais à cette table, chaque mercredi après la pause déjeuner et Julianna faisait de même. Au début, nous ne parlions pas et nous nous contentions de nous observer de temps à autres. Puis, lorsque je l’ai vu buter sur une équation pendant plus d’une heure, je n’ai pas résisté à l’aider pour son problème. De là, un accord silencieux a été décidé entre nous et nos langues se sont déliées. Je suis plutôt doué avec les matières scientifiques, je n’ai pas de mal à me projeter et les explications rationnelles me conviennent parfaitement. Par contre, j’ai du mal avec tout ce qui littérature, langue et philosophie. Ma perception fataliste des choses ne m’aide pas à ouvrir mon esprit aux grandes théories humanistes étudiées en cours.

Malgré ça, je suis un dévoreur de livres. J’aime lire, ça me fait énormément de bien. Je m’évade totalement et m’immerge dans les récits, m’abreuvant des mots et des histoires racontées en rêvassant à une autre vie, un autre moi, un autre temps… Je n’emprunte jamais de livre ceci dit, car en-dehors de ces vieux murs, je ne suis qu’un adolescent désabusé comme des dizaines d’autres, colérique et impulsif.

Il y a une magie qui opère entre ces murs. Une magie qui me permet de contenir la rage et la colère. Une magie qui m’aide à respirer et à envisager autre chose qu’un avenir de merde. Une magie qui me pousse à échanger avec ma seule véritable amie.

La voilà d’ailleurs qui arrive, avec son sempiternel sourire qui éclaire son visage de poupée et illumine la pièce par son éclat. Je ne peux que lui sourire en retour, impossible de résister à un éblouissement pareil ! Je la laisse s’installer en face de moi et arque les sourcils alors qu’elle enchaîne directement sur la lecture du moment. Roméo & Juliette, le livre qui promet une histoire d’amour soporifique et qui étonne par ses nombreux rebondissements et sa fatalité qui me plait énormément !

- C’est cool que tu sois là, je vais enfin pouvoir te filer ma version annotée de Roméo et Juliette et tu ne pourras pas nier que c’est indubitablement la plus belle histoire d’amour jamais écrite. Te sens-tu prêt à me donner raison ?

Je souris, amusé par sa détermination à toujours vouloir avoir raison. C’est génial de débattre avec elle, vraiment ! Je croise alors mes bras sur mon torse, l’observe et rétorque simplement

- Mon esprit de contradiction a hâte d’entendre tes arguments, mais il faut que tu saches avant ça que j’ai adoré le bouquin et que, même si je doute qu’elle soit la plus belle, c’est au moins la plus tortueuse et réaliste que j’ai lu.

J’arque les sourcils, un fin sourire sur les lèvres et attends de voir si l’optimisme démesurée de ma camarade va s’attaquer à mon fatalisme bien ancré.



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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyMar 16 Avr - 9:42



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J’aime cet endroit, si calme, si paisible. La bibliothèque de Brisbane est devenue mon refuge et je sais ce qu’elle représente également pour Harvey même si nous n’avons jamais réellement abordé le sujet. Tout nous oppose et pourtant, entre ces murs, nous parvenons à échanger alors que ce ne serait pas vraiment possible dans notre vie de tous les jours. Je ne sais pas vraiment comment je suis censée considérer sa place dans ma vie, alors je me contente de ne pas trop y réfléchir et de poursuivre le rituel que nous avons mis en place. Il m’aide, je l’aide et nous échangeons sur des sujets divers et variés, apprenant doucement à nous connaitre alors que je n’aurais pas misé ne serait-ce qu’un centime sur nous. Nos différences donnent lieu à des échanges animés et à la rencontre de nos opinions contraires. Il est le garçon désabusé et fataliste, je suis la rêveuse optimiste, autant dire que nous avons de quoi nous contredire et c’est quelque chose qui est loin de me déplaire. Il me fait voir le monde autrement mais sans pour autant me brusquer et me pousser vers des réalités que je ne suis pas prête à voir, pourtant, je suis certaine qu’il le pourrait, il aurait de quoi me faire redescendre sur terre en un claquement de doigts. Je ne sais plus vraiment depuis combien de temps nous nous retrouvons ici, ni combien de temps ça va durer, mais pour le moment, je continue à m’asseoir en face de lui chaque mercredi, parfois plus lorsque – comme aujourd’hui – nos envies d’évasion guident nos pas au même endroit. J’imagine que tout s’arrêtera simplement lorsque l’un de nous deux décidera de ne plus venir, rompant alors l’engagement tacite que nous avons pris lui et moi. Si jamais Harvey ne revenait pas, je n’aurais aucun moyen de le retrouver, parce que je ne connais rien de lui à part son prénom. Je ne sais pas d’où il vient, ce qu’il fait de sa vie, ce qu’il a vécu, qui l’entoure. L’inverse est tout aussi vrai, nous n’abordons pas vraiment tous ces sujets factuels et ça ne nous empêche pas vraiment d’apprendre à nous connaitre en partageant nos idées et nos points de vue. Depuis que je l’ai rencontré, je m’arrange pour avoir toujours une lecture à lui faire partager, profitant de son attrait pour la lecture pour lui faire découvrir les ouvrages qui marquent mon adolescence.

En abordant Roméo et Juliette, je m’apprêtais à déclencher une avalanche de propos négatifs, propos qui seraient certainement justifiés compte tenu du fil conducteur de ce drame pourtant si cher à mes yeux. « Waw… » Dis-je en me penchant au-dessus de la table pour poser brièvement ma main sur son front, jaugeant de la chaleur de celui-ci. « T’as de la fièvre, non ? » Je me rassois à ma place, non sans poursuivre mes taquineries. « Tu te rends compte que tu viens d’admettre que tu pouvais être d’accord avec moi ? » Une grande première, il est amusant que ce soit un drame romantique qui parvienne à nous mettre d’accord alors que tout nous oppose. Je n’aurais pas imaginé un seul instant qu’Harvey puisse faire preuve d’une once de romantisme, ça me parait tout simplement surréaliste. Toutefois, même si je considère évidemment Roméo et Juliette comme un chef-d’œuvre incontournable, j’ai quand même quelques petites choses à redire sur le sujet. « Bon, par contre, pour le réalisme, je me permets d’émettre quelques doutes… » Quand même, il ne faut pas abuser. « Déjà, ils se rencontrent, ils ont le coup de foudre, ils se marient, le tout dans un espace-temps plutôt réduit, c’est un peu louche. » Complètement louche, même. Je doute fort que ça puisse vraiment avoir lieu aussi rapidement, même entre deux personnes qui s’aiment à la folie. « Mais alors la fin, aussi tragique soit-elle, j’ai vraiment du mal à adhérer… Pourquoi Roméo ne s’est pas assuré de la mort de sa femme avant de boire cette potion ? Et comment ça se fait que dix minutes après sa mort, Juliette se retrouve déjà dans le caveau familial ? Je peux comprendre qu’il soit désespéré d’avoir perdu la femme de sa vie… Mais il aurait pu quand même réfléchir un peu, non ? » C’est peut-être aussi qu’en tant que lectrice amoureuse des happy ends, je n’assume pas du tout avoir consommé deux énormes paquets de mouchoirs en espérant vainement que la fin de soit pas aussi horrible que celle annoncée par le terme de « tragédie » employé en parlant de cette œuvre. « Ça me fait penser à Titanic… Ils vivent leur histoire à fond, c’est trop beau, la fin est super triste mais quand on y réfléchit bien, il y avait de la place pour Jack sur cette fichue planche ! » Mon devoir de géographie a été définitivement relégué au second plan, la littérature a toujours eu bien davantage d’attrait à mes yeux que tous les autres devoirs.


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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyMer 17 Avr - 18:13



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Sa réaction ne tarde pas et elle m’arrache un petit rire alors qu’elle appose sa main sur mon front, faisant semblant de prendre ma température. Je lève les yeux au ciel en l’entendant, sa joie de vivre est communicative et ça me fait un bien fou, je ne peux pas le nier. Ici, pas de jugements, on évoque nos études, partage nos opinions sans avoir peur de se déplaire ou se blesser. Je crois que nous sommes assez conscients tous les deux de nos différences. Julianna est l’élève modèle type, celle qui réécrit ses cours au propre pour qu’ils soient parfaitement bien entreposés dans des classeurs aux motifs pré choisis à l’avance suivant les matières. Elle est ordonnée, studieuse et pertinente. Elle se donne clairement les moyens de réussir et c’est fascinant de la voir faire et s’astreindre à cette rigueur qui échappe à la plupart des adolescents de ce lycée.

- Je n’ai rien admis du tout, j’ai simplement dit que j’ai adoré le bouquin et c’est sûrement pour des raisons bien différentes des tiennes !

Je tire la langue alors qu’elle se rassoit face à moi et je m’apprête à écouter ses arguments avec attention. Dès le début, elle me fait sourire en remettant en cause le coup de foudre au premier regard. N’y croit-elle donc pas ? Son éducation catholique doit lui avoir appris à ne pas se précipiter et à bien peser le pour et le contre avant de s’engager. Ça me fait sourire. Je suis bien plus tête brûlée que ça, et j’ai le goût du risque. Mais le mariage, très peu pour moi, merci. Plutôt crever que de mettre une bague à mon doigt.

- L’amour rend aveugle c’est connu pourtant. Roméo n’a vu que son malheur et son désespoir était trop grand pour permettre à ses neurones de connecter. En fin de compte, il s’est centré sur lui avant tout, sur ses propres ressentis, dévastateurs et il a commis l’irréparable. En soi, il est grave con ouais. Et ça, c’est plutôt réaliste non ?

Jules fait le lien avec Titanic et je roule des yeux avant de soupirer profondément. Cette histoire de bateau coulant tout plein d’amour dégoulinant m’a ennuyé à mourir. En plus de trouver l’héroïne insipide, la seule satisfaction que j’ai eu au visionnage a été de pouvoir admirer Leonardo Dicaprio durant plus d’une heure.

- Oui mais il n’y a plus d’histoire si on sauve Jack. Jack doit mourir pour la postérité tu comprends ? Et puis, si ça se trouve Rose était grosse en vérité et elle prenait toute la place sur la planche, qui sait ?

Oui, c’est assez louche et nulle comme explication mais j’aime bien jouer avec les stéréotypes. Je ne comprends pas pourquoi les histoires d’amour en général doivent mettre en scène des jolies filles de bonne famille avec des vauriens. C’est l’histoire d’Aladdin qui se répète inlassablement alors que dans la réalité Aladdin est gay, Jasmine a un faible pour les mecs plus âgés et Jafar est un enculé – ce qui ne change pas pour le coup. C’est drôle que les seuls que je trouve crédibles soient toujours les méchants.

- Quoi qu’il en soit, c’est cette fin tragique qui rend l’histoire d’amour unique. Si ces deux idiots ne s’étaient pas tués, ils auraient fait tout plein de gosses et ça n’auraient pas du tout été intéressants au final. Non il faut reconnaître que l’auteur fait un carton en les butant. C’est génial quoi. Et puis regarde aussi l’importance de la lettre. Roméo n’a jamais eu les explications qui lui auraient bien servis pour le coup. Il y a un mauvais timing dans tout ça, comme quoi le temps peut jouer en notre défaveur. J’pense que c’est d’autant plus vrai avec la technologie actuelle d’ailleurs. Si tu ne reçois pas de messages qui t’avertit qu’il y a une grève de bus, tu te pointes à l’arrêt et tu poireautes un bon moment, de quoi au minimum te choper un rhume de merde. C’était un visionnaire Shakespeare moi je dis.




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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyVen 19 Avr - 8:19



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Evidemment, parvenir à un accord aurait été trop beau et Harvey se hâte, bien évidemment, de rectifier ses propos ce qui ne manque pas de me faire plaisir. J’aime que l’on puisse défendre notre point de vue, il aurait été presque triste que j’obtienne un simple « oui, tu as raison » en guise de réponse. Je crois que nous sommes évidemment tous les deux d’accord pour dire que Shakespeare est un incontournable mais nous avons, encore une fois, une analyse bien différente de l’ouvrage que j’ai choisi d’aborder aujourd’hui. Il n’est pas étonnant que la vision de l’amour que peut avoir Harvey diffère complètement de la mienne. Je sais que, n’ayant jamais été amoureuse, avoir une opinion sur la question n’est peut-être pas très légitime car je dois sacrément manquer de réalisme mais si on se permettait de s’intéresser seulement à ce que l’on connait, on ne sortirait jamais de sa zone de confort. « Les hommes ne sont pas très futés, je te l’accorde, mais quand il s’agit de mettre fin à ses jours, tu réfléchis quand même un minimum… » Son désespoir, je peux totalement l’entendre, j’ai vu ma mère dépérir lorsque mon père lui a été arraché, j’ai ressenti sa souffrance, j’ai vu ses larmes couler. Malgré tout, je trouve que s’ôter la vie pour mettre fin à cette douleur est un acte purement égoïste et irréfléchi. Je ne crois pas que ma mère ait eu un seul instant l’idée d’agir de la sorte même si, ce jour-là, une partie d’elle-même est partie avec mon père. Après, j’imagine que c’est différent puisque mes parents avaient déjà des enfants, mais même sans en avoir, la douleur, ça se combat, se tuer n’est pas la solution. « Pendant tout le livre, Roméo montre qu’il est un homme droit, intègre, prêt à se battre pour celle qu’il aime et prêt à surmonter tous les obstacles pour qu’au final, dans les dernières pages, il montre enfin qu’il n’est en réalité qu’un gros lâche. » J’admets que j’ai un peu perdu le respect que je pouvais avoir pour lui dans les derniers instants mais Juliette n’a pas forcément été meilleure que lui sur ce coup-là, mais j’estime que Roméo reste l’instigateur de cette fin pourrie qui ne m’a pas permis de profiter d’une happy end bien méritée. J’ai bien conscience que cette issue tragique est sûrement ce qui rend cette histoire d’amour aussi spéciale, mais ce n’est pas pour autant que je l’apprécie. Elle donne une morale relativement douteuse à tout lecteur qui peut être en droit de se demander quel est l’intérêt de s’ouvrir à l’amour si c’est pour passer par autant de difficultés sans que le moindre signe d’amélioration soit visible et ce jusqu’au drame final. J’imagine que si on demandait à Roméo et Juliette s’ils auraient préféré ne jamais se croiser, ils diraient que non mais j’ai un peu de mal à comprendre un tel raisonnement.

La théorie sur le Titanic énoncée par Harvey ne peut que me faire rire ce qui m’attire le regard courroucé de la bibliothécaire à qui je lance un petit signe d’excuse. « Bah justement ! Si elle prenait toute la place, elle aurait été plus vite entrainée vers le fond, il aurait donc été plus logique que ce soit Jack qui s’en sorte et elle qui meurt. » Bon, pour mon happy end, ça aurait été un peu raté, mais j’avoue qu’à choisir, je préfère largement voir Jack s’en sortir plutôt que Rose-la-niaise dont le personnage a si peur de saveur que je n’ai jamais réussi à éprouver la moindre pitié pour elle. « J’aurais été triste de ne pas avoir mon ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants mais s’il fallait vraiment choisir, j’aurais préféré mater Jack à l’écran un peu plus longtemps. » Est-ce que ce film aurait été aussi niais si l’héroïne avait en fait été un héros ? Je n’en suis pas sûre, le point de vue masculin aurait peut-être été sensiblement différent. D’ailleurs, en racontant son histoire, Rose prouve bien qu’en une petite croisière relativement courte, elle a réussi à se faire des films incroyables sur l’avenir de leur histoire d’amour. « Mais j’imagine que s’ils avaient été un peu moins bêtes et qu’ils s’étaient accrochés à deux sur cette planche, j’aurais pu subir une désillusion encore pire lorsque Jack lui aurait dit c’était sympa ces vacances mais toi et moi, c’était que pour le fun, hein ?, donc ce n’est pas si mal… Peut-être qu’en fait c’était tout l’objectif du film ? Montrer comment une femme est capable d’idéaliser une histoire d’amour alors qu’elle vient à peine de commencer. » Ce n’est peut-être pas le cas de toutes les femmes, mais c’est vrai que j’ai tendance à imaginer quelque chose de merveilleux – ce qui n’étonne personne –. Je me suis toujours dit que je rencontrerais directement l’homme de ma vie et j’ai même planifié le déroulé de cette belle histoire d’amour, de la tenue que je mettrais au premier rencard jusqu’à la couleur des murs dans la chambre de notre cinquième enfant. Je sais à quel âge je voudrais me marier, celui auquel j’aurais mon premier enfant, l’endroit où je voudrais partir en voyage de noces… Bref, j’ai une vision de ma vie future déjà toute prête et à laquelle je n’ai pas la moindre envie de déroger. « Tu es donc en train de dire que ce chef-d’œuvre repose tout simplement sur une épidémie de peste ? Il a oublié de préciser que le porteur du message avait vécu pour le restant de ses jours avec la mort de deux personnes sur sa conscience, que ça l’avait rendu alcoolique et que ça l’avait amené à violer une femme dans un bar qui avait donné naissance à un enfant déséquilibré devenu tueur en série à l’âge adulte… C’est ça l’effet papillon ? » Ce serait vraiment triste si la vie se déroulait vraiment de cette façon. « Du coup, Shakespeare serait le véritable précurseur de la théorie du chaos. » Comme quoi, nous sommes évidemment d’accord sur le fait que cet homme était un génie et un visionnaire, j’ai juste un peu de mal avec la fin qu’il a imposé aux deux héros si innocents qui me donnaient une telle confiance en l’avenir et en l’amour. « Le fait que tu parviennes à comparer la mort de deux amoureux à une attente trop longue à un arrêt de bus prouve à quel point tu es sans cœur, Harvey. » Dis-je, incapable de m’empêcher de le taquiner sur sa vision des choses peut-être un poil dénuée de sentiments. Cependant, dire que ça me surprend serait mentir, j’ai bien compris depuis le temps que les démons intérieurs de mon ami étaient nombreux, je n’ai juste jamais insisté sur ce point et je n’ai aucunement l’intention de le faire un jour.


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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptySam 20 Avr - 15:55



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Un léger sourire sur le visage, j’écoute Juliana déplorer l’imbécilité de Roméo. Le prince charmant n’existe pas, c’est ce que je retiens de cette histoire sordide. Roméo n’est au final qu’un lâche et un foutu égoïste, qui sans Juliette sur qui il exerce une certaine domination, n’a plus de but et de raison de vivre. En bref, c’est un imbécile dépendant d’une nana qu’il vient à peine de rencontrer. Je lève les mains en signe de reddition car nous avons fini par tomber d’accord et déclare

- Les masques tombent à la fin du livre. Tu as cru lire une histoire à l’eau de rose où les amants survivront à toutes les épreuves par la force de leur amour, et Shakespeare détruit tous les espoirs qu’il a lui-même fait naître tout au long de son œuvre. Inégalable, ça c’est du talent !


Je ris - faiblement pour ne pas nous faire virer de la bibliothèque – faisant preuve d’une grande insensibilité sur le sujet. Je n’avouerai jamais que j’ai été moi aussi déçu de cette fin horrible et que j’aurai aimé voir Juliette et Roméo vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants. Mais l’œuvre ne m’aurait pas autant marqué alors. C’est le fatalisme de l’histoire qui m’a convaincu finalement, et je ne peux pas m’empêcher de comparer l’œuvre à la vie en général. Les gens font des choses totalement stupides par amour. Des choses irresponsables. Des choses irréparables. Mon regard s’est assombri, le fil de mes pensées noires m’a happé, et c’est le Titanic qui m’en sort. ‘Tout est en train de couler mec !’ Je redouble de cynisme, ce qui ne surprend pas vraiment ma camarade et je pouffe en l’entendant s’insurger de la survie de Rose au lieu de celle de Jack.

- Tu vois, lui c’était un vrai bon gars. Il s’est sacrifié pour une grosse ! Mais je te rejoins sur le plaisir des yeux, il est carrément bandant Léo ! Et clairement, c’était une amourette de vacances. Elle l’aurait quitté, elle se rappelle juste de lui parce qu’il s’est sacrifié, c’est tout.

Je lève les yeux au ciel, croise les bras sur mon torse. L’allusion sur ma sexualité m’a échappé sans que je n’y fasse attention. C’est souvent comme ça avec Juliana, je n’ai pas de filtre et je me confie avec un naturel déconcertant – moi qui suis d’ordinaire froid et renfermé. Cette nana se faufile sans difficulté entre les mailles de mon épaisse armure contre le monde. Et je ne peux m’empêcher de la trouver fascinante quand elle exploite successivement les théories de l’effet papillon et du chaos, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’elle attribue trop de mérite à Shakespeare. Bien trop pour un seul homme ! A moins qu’il n’en ait jamais été un… Je pars un peu trop loin là, alors je reviens  à la conversation et  roule des yeux quand elle me pique sur mon manque de compassion.

- Pour ma défense, les grèves de bus c’est grave relou.

Entre le lycée et le foyer, il y a une grosse heure de marche et sous la pluie ce n’est pas le top. Les grèves de bus me font souvent râler, c’est un sujet assez épineux pour moi. Et ça excuse un bon nombre de mes retards ou absences injustifiés aussi. Il faut savoir être opportuniste dans la vie.  Je me rapproche de la table, pose mes avant-bras dessus et avance mon visage vers Juliana en lui demandant, curieux

- Tu ne vas pas me dire que tu crois sérieusement aux histoires comme Cendrillon ou la Belle au bois dormant, hein ? Le prince charmant, c’est une belle connerie inventée pour que les femmes apprennent à se taire et à s’acquitter des tâches ménagères sans rechigner. Regarde Cendrillon elle chante même en balayant. Elle est contente l’idiote ! Et croire que tout tes problèmes vont se résoudre parce qu’un pseudo beau-gosse t’embrasse – sans ton consentement, c’est limite quand même.

J’ai un faible – léger – pour les Disney. Pas ma faute, j’ai grandi en même temps que ce monstre du cinéma enflait - et il n’a toujours pas fini de s’étendre celui-là, en reprenant toutes les grosses franchises du moment !


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Dernière édition par Harvey Hartwell le Dim 21 Avr - 18:21, édité 1 fois
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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyDim 21 Avr - 18:04



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Harvey est dur avec les héros du livre et j’imagine qu’il l’est tout autant avec la vision qu’il a du monde dans lequel nous vivons et des personnes qui le composent. Je ne suis pas d’accord avec lui, évidemment, mais ce n’est pas pour autant que je ne trouve pas son point de vue intéressant et il a de bons arguments pour le défendre. Je ne suis pas sûre que l’objectif de Shakespeare ait été de détruire les espoirs de qui que ce soit, tout comme je ne suis pas sûre, si on parle du monde en général, qu’il soit nécessaire de ne placer aucun espoir en l’être humain car même si notre espèce est douée pour faire n’importe quoi, il reste encore une poignée de personnes qui vaut la peine d’être soutenue et épaulée. C’est en tout cas de cette manière que je vois les choses. « Ou peut-être, qu’en tuant les deux amoureux ensemble, il veut faire passer un message en nous faisant comprendre que l’amour est plus fort que la mort ? Parce qu’après tout, on est libre de tout imaginer pour la suite, peut-être que Roméo et Juliette ont ensuite la possibilité de vivre leur parfaite idylle au paradis où ils se retrouvent. » Bon, ok, je pars un peu trop loin, mais j’ai tendance à imaginer une suite à tous les livres que je lis dont la fin ne me convient pas. C’est une sorte de conclusion alternative ou de suite à la conclusion. Dans le cas de Roméo et Juliette, il est forcément difficile d’écrire cette fin parce que les héros sont morts et rebondir sur une tragédie telle que celle-ci est forcément complexe mais mon idée n’est pas si farfelue, après tout, à partir du moment où on croit au paradis et si on estime que le suicide n’est pas un acte qui nous empêche de nous y retrouver, ce dont je doute.

Roméo et Juliette n’est pas notre seul sujet de désaccord, Titanic ne trouve pas vraiment grâce aux yeux de Harvey non plus, mais pour le coup, je dois dire que j’ai du ml à le considérer comme un véritable chef-d’œuvre compte tenu de la fin légèrement tirée par les cheveux. Certes, les mauvaises langues diraient que je n’assume pas – encore une fois – la tristesse du final, et c’est sûrement vrai mais au-delà de cette réalité, je trouve vraiment qu’il y a un manque de réalise assez évident. Je ne manque pas d’en faire part à mon ami qui a – évidemment – une explication toute trouvée à cela. « Mais pas du tout, tu as tout faux ! » Je m’exclame, à voix basse cette fois, ne souhaitant pas me faire virer de cet endroit que j’aime plus que tout et où j’ai l’habitude de venir bien trop souvent. « Enfin, sauf pour Léo qui est vraiment trop beau. » Désolée, je n’utiliserais pas le terme bandant, déjà parce que je ne vois pas comment ça s’appliquerait à moi, mais aussi parce que ce n’est pas le style de mot dont se compose mon vocabulaire. « Mais par contre, ce n’est pas elle qui l’aurait quitté c’est lui, quand tu l’entends en parler, même toutes ces années après, elle le considérait vraiment comme l’homme de sa vie. Alors certes, le sacrifice rend l’image qu’elle se fait de lui largement idéalisée, mais on sait tous que les filles sont les plus sérieuses dans les relations amoureuses alors que les hommes ont nettement plus de mal à s’engager. » Préjugés ? A peine. Mais ce n’est pas de ma faute si les exemples que j’ai autour de moi vont la plupart du temps dans mon sens et me font clairement douter de la gente masculine. Heureusement qu’ils ont des femmes matures et responsables à leurs côtés pour leur remettre les idées en place de temps en temps car ils sont nombreux à en avoir besoin.

Je lève bien évidemment les yeux au ciel, ne relevant pas le fait que les grèves de bus sont « grave relou », car même si je sais que c’est un fait véridique, je continue à penser que la comparaison est tout à fait inappropriée. Mais évidemment, nous n’en restons pas là et je ne sais plus trop bien si c’est la littérature qui fait débat à présent ou nos vies personnelles. L’un comme l’autre, ça ne me dérange pas de poursuivre cette conversation, j’ai assez confiance en Harvey pour pouvoir lui dévoiler mes pensées et envies. D’ailleurs, ça me fait même bien du bien de pouvoir vraiment m’ouvrir à quelqu’un qui ne me connait pas vraiment, ne fait pas partie de mon entourage proche et que j’apprends à connaitre dans un cadre totalement différent de mon quotidien. En plus, contrairement à la plupart des personnes que je côtoie, il ignore tout de mon passé, du décès de mon père et de toutes les galères par lesquelles ma famille est passée après coup ce qui me permet de ne pas remettre le sujet sur la table ou en tout cas de ne pas lire la pitié dans ses yeux. « Bien sûr que si j’y crois, pourquoi je n’y croirais pas ? Et pourquoi toi, tu n’y crois pas ? Est-ce que tu as des preuves de ce que tu avances ? » Non, aucune, bien évidemment, les femmes destinées à réaliser les tâches ménagères, c’était vrai quelques années auparavant mais heureusement aujourd’hui, la société a un peu évolué et il aurait dû le faire lui aussi. « Tu vois, ta réaction, c’est celle de quelqu’un qui a envie d’y croire mais qui ne le fait pas parce qu’il a trop peur d’être déçu. Et en un sens, tu as raison, c’est clair que repousser tous les gens autour de toi, c’est le meilleur moyen de te prouver que les personnes bien n’existent pas. » C’est un raisonnement qui se tient mais évidemment un raisonnement avec lequel je suis loin d’être d’accord. « Moi je fais l’inverse, je considère qu’il y a du bien en chacun jusqu’à ce que la personne que j’ai en face de moi me prouve le contraire. » Enfin, ça c’est dans un cadre général, vu que je n’ai jamais eu à expérimenter les relations amoureuses. Mais j’imagine que j’agirais pareil, jusque-là ça m’a plutôt bien réussi. « Et Cendrillon balaye en chantant parce qu’elle se fait trop chier, je ne pense pas qu’elle nage dans le bonheur. » Désolée Harvey, tu ne me feras pas descendre de mon nuage rose.


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Lorsque Jules se met à exposer l’idée d’un éventuel message profond sur l’amour plus fort que la mort, je la regarde avec la bouche ouverte incapable de discerner si elle est sérieuse ou si elle se fiche de moi. La vérité, c’est que je n’ai reçu aucun enseignement biblique et l’unique certitude que j’ai de la mort, c’est que mon corps entrera en décomposition pour pourrir et revenir à la terre, aussi banalement que ça. Pour ajouter à ma vision déjà glauque de la vie, celle de la mort est tout simplement vide, le néant absolu. Un peu perturbé par cette alternative à laquelle je n’avais absolument pas songé, je finis par fermer la bouche et hausse les épaules en concluant presque brusquement

- Ouais. Ou tout simplement que l’amour c’est de la merde.

Quel argument extraordinaire ! Je n’ai pas fait un grand effort, je l’admets, mais cela ne la choquera pas. Car ce n’est pas la première fois que je laisse suggérer que selon moi, l’amour est un sentiment troublant et dangereux, vicieux même. C’est le genre de chose qui vous fait vous sentir bien, un peu surhumain, heureux et vivant. Il vous donne l’illusion que la vie vaut la peine d’être vécue rien que pour ces moments futiles de bonheur. Et puis, cruellement, tout se casse la gueule d’un coup. L’incompréhension, le manque de soutien, la routine et les sentiments négatifs s’accumulent, emprisonnent l’amour et font saigner les cœurs… Jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent. Net.

Une décharge. Un doigt qui se presse sur la détente. Et il n’y a plus rien.

Mes pensées sombres envahissent ma tête et j’ai du mal à cacher l’accablement qui pèse sur mes épaules. Jules ne sait pas, je ne lui ai jamais dit. Et bien que l’histoire ait fait le tour de Brisbane il y a quelques années, elle n’est pas du genre à prêter attention aux ragots. Je chasse mes pensées qui ne mènent à rien. A rien, à part faire mal à en crever.

J’arque un sourcil lorsque Jules me sort un ÉNORME préjugé. Non, pas elle. Elle n’a pas osé ? Je souris, franchement amusée par sa répartie et lève les yeux au ciel avant de lui répondre.

- Mais elle l’idéalisait carrément trop son Jack. Enfin t’as raison, c’est sûrement lui qui l’aurait quitté et tu sais pourquoi ? Parce qu’elle l’aurait emprisonné dans une jolie cage dorée en lui demandant d’être le bon mari qu’elle a toujours rêvé d’avoir. Sauf que Jack c’est pas un mari le mec, Jack il est trop libre pour ça, Jack c’est un aventurier, il a besoin de se sentir vivant tu vois ? Rose ne lui aurait pas suffi, non, c’est sûr…

Je souris en exposant ma façon de voir les choses, tout en sachant que cela risque de l’agacer un peu. Certains diront que les hommes manquent de maturité, moi je pense juste qu’ils veulent vivre intensément. Pas tous, bien évidemment. Mais les rêveurs, les idéalistes… Les meilleurs quoi. Ceux qui ont encore l’espoir pour les guider sur leur route.

Je crois que j’ai réussi à faire ressortir le caractère légèrement tempétueux de Jules et je m’en amuse. A vrai dire, je ne saurais dire pourquoi mais j’aime la voir comme ça, défendre ses arguments à tout prix, s’emporter sur des sujets de sociétés, des divergences d’opinions. Elle assume ses opinions et c’est tout à son honneur, vraiment. Seulement, dans son discours, une phrase me percute de plein fouet et m’enlève le sourire flottant que j’arborais jusqu’à présent. « Tu vois, ta réaction c’est celle de quelqu’un qui a envie d’y croire mais qui ne le fait pas parce qu’il a trop peur d’être déçu. Et en un sens, tu as raison, c’est clair que repousser tous les gens autour de toi, c’est le meilleur moyen de te prouver que les personnes bien n’existent pas. » Je serre les dents malgré moi, piqué par cette vérité qui me crève le cœur. Je ne sais pas si je rejette les gens par peur d’être déçu ou par crainte de leur faire du mal. Dans les deux cas, je les repousse de toute façon car je n’ai pas la force de faire autrement.

- Et si c’était l’inverse ? Si c’était toi qui n’étais pas bien tout simplement ? Ne serait-ce pas rendre service aux autres que les éviter ?



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Bien sûr que non, l’amour ce n’est pas de la merde ! L’amour, c’est beau, l’amour peut tout surmonter pour que deux êtres puissent vivre ensemble et heureux pour le restant de leurs jours. C’est en tout cas ce que je pense, c’est l’exemple que m’a donné mon schéma familial et c’est aussi l’exemple que j’aimerais pouvoir donner à mes futurs enfants plus tard. C’est pour cette raison et bien d’autres que je ne peux pas laisser Harvey prononcer des horreurs aussi énormes sans réagir. Il nage peut-être en pleine désillusion mais, fort heureusement pour moi, ce n’est pas mon cas et je suis prête à discuter avec lui pendant de longues heures pour lui faire entendre mon point de vue qui me parait être le seul acceptable dans ce cas de figure. « Si l’amour était si nul que ça, comment tu expliques que tout le monde passe son temps à le chercher ? Et comment tu expliques qu’autant de personnes vivent en couple ? Se marient ? Ont des enfants ? Fondent une famille ou encore passent quatre-vingts pour cent de leur vie à deux ? » Je vois l’amour comme quelque chose de magique. Je sais qu’un jour je rencontrerais ma moitié et que ce jour-là, je n’aurais plus peur de rien car je saurais que je peux avoir totalement confiance en lui et qu’il ne me laissera jamais tomber. « L’amour, ça nous rend plus fort, parce qu’on ne pense plus seulement à nous mais également à la personne que l’on aime. Je ne parle pas seulement de tomber amoureux, c’est également vrai pour l’amour envers son enfant ou envers ses proches. Sans amour, on serait tous centrés sur nous-mêmes et nos propres émotions, tu imagines ? Ce serait une véritable catastrophe. » Les hommes feraient preuve d’un tel égoïsme que les conflits se multiplieraient et que l’honnêteté et la confiance n’existeraient plus dans notre société. Je me demande vraiment ce qui peut pousser Harvey à avoir un sentiment aussi négatif à ce sujet. Peut-être que, comme moi, il n’a jamais connu de relation amoureuse et c’est pour cette raison qu’il s’imagine quelque chose de vraiment nul ? Ou alors, il est déjà tombé amoureux mais l’absence de réciprocité lui a fait énormément de mal et c’est pour cela qu’il se protège autant désormais ? Bien évidemment, ce n’est pas une question que je peux me permettre de poser et je me garde donc de le faire. Toutefois, je ne vais pas lui donner raison, ça non, je tiens bien trop à l’image idéalisée que j’ai de l’amour pour le laisser la détruire de cette façon sans même réagir.

Titanic. Une belle invention pourrie sur fond de romance un peu trop idéalisée pour être honnête et un drame pour faire en sorte qu’il ne soit pas relégué au rang de comédie romantique bateau comme beaucoup de films dans ce style. Notre désamour mutuel pour ce film aurait certainement dû nous mettre d’accord, mais même là, nous ne parvenons pas à trouver un terrain d’entente. « Mais pas du tout ! C’est une image qu’il se donne, parce que c’est beaucoup plus viril pour un homme de prétendre aspirer à une vie trépidante et pleine d’aventure. Au fond, Jack aurait peut-être été heureux s’il avait ouvert son cœur à Rose et s’était contenté d’une relation stable, ou leur amour mutuel suffisait à les faire nager dans le bonheur. » Il y a des couples qui y parviennent, ils sont peu nombreux, certes, mais ils existent, j’en ai la certitude. Mes parents sont, encore une fois, le premier exemple qui me vient en tête. J’ai passé onze ans à voir leur couple évoluer dans un quotidien qui semblait sans nuage, je ne peux pas imaginer vivre une autre vie que la leur à l’avenir. « Sauf que, même s’il n’était pas mort, ça n’aurait jamais eu lieu parce que les gens préfèrent suivre les dictats imposés par la société plutôt que leur cœur. Ça aurait été vachement plus facile de repousser Rose devant les potes pour se la jouer mec cool alors qu’en réalité, elle lui offrait enfin la stabilité dont il avait tant besoin. » Oui, parce que dans ma tête de fille simple aux rêves que l’on pourrait qualifier de banals, j’estime que la stabilité est ce à quoi tout le monde aspire pour le futur. Jack peut vouloir jouer les Indiana Jones autant qu’il veut, je doute fortement que ce soit réellement ce à quoi il aspire pour le futur et je suis bien décidée à le faire entendre à Harvey. Mon énième commentaire efface le sourire sur les lèvres d’Harvey et je me déteste d’avoir abordé un sujet un peu plus personnel sans savoir dans quoi je m’embarquais, mais heureusement, il rebondit malgré tout, mais sa remarque me laisse sans voix pendant quelques instants, alors que je réfléchis à la manière dont je perçois ses propos. Lorsque je reprends la parole, pourtant, mon ton est toujours assuré, j’ai confiance en mon propre jugement et je suis persuadée qu’Harvey est loin d’être aussi mauvais qu’il ne le pense. « Si tu es assez lucide pour te rendre compte que tu ferais mieux d’éviter les gens pour ne pas leur faire du mal, alors c’est que tu es quelqu’un de bien. Les mauvaises personnes n’ont pas de scrupules. » Et ça, j’en suis persuadée, je ne vois pas les tueurs en série se dirent qu’ils vont rester enfermés chez eux pour éviter d’aller tuer de pauvres innocents qui ne leur ont rien fait. Au contraire, ils se délectent des souffrances d’autrui. « Et puis, il faut faire la différence entre ne pas être bien et ne pas aller bien, la distinction est importante. Quand on ne va pas bien, on a tendance à repousser tout le monde, même les personnes qui pourraient nous aider à aller mieux. » Rien ne me dit que c’est son cas, mais j’ai vécu ça après la mort de mon père, ce désir de me rouler en boule dans un coin et d’attendre que le temps passe sans voir personne ou bouger d’un millimètre. Ce n’est pas la solution.


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Et la voilà partie dans une explication bonifiée de l’amour. Je croise à nouveau les bras sur mon torse, m’affale un peu plus sur la chaise en l’écoutant et je l’observe. Ses petits yeux pétillent quand elle parle car elle croit réellement à ce qu’elle me raconte. Elle n’a absolument rien à voir avec les filles du foyer, qui jurent à longueur de journées et ne parlent que de cul, cherchant à être les plus vulgaires possibles. En même temps, ces filles-là elles n’ont pas vécu des trucs très glamour, et l’amour se résume à une bonne partie de baise. Je n’exagère même pas.  Jules vit dans un petit cocon doré, surprotégée et totalement ignorante de ce à quoi elle échappe ainsi. Et tant mieux pour elle. Il faut bien des gens pour y croire, non ? Ce sont eux qui portent le monde après tout. Je dodeline de la tête, peu convaincu par son discours très optimiste.

- Hmm, je ne sais pas. J’ai du mal à comprendre que certains fassent des enfants pour ensuite les martyriser, leur écraser des cigarettes dessus, leur taper sur la gueule, les violer ou les foutre dehors. C’est ça que je trouve égoïste moi. Et si tu les interroges, ces personnes disent aimer leurs enfants, alors… Pour moi, l’amour c’est de la merde.

Je n’ai pas mâché mes mots, je l’admets. Mais c’est mon quotidien au foyer, d’entendre toutes ces histoires horribles, tous ces sévices avoués à demi-mots.  ‘Mon père et mes frères m’ont violés’, ‘ Ma mère passe son temps à se shooter, elle ne s’occupe pas du bébé, j’ai dû voler des couches au supermarché et du lait’, ‘Je me suis battue avec mes parents’, ‘Ils m’ont foutus dehors parce que j’avais un piercing’… J’ai tout un tas d’anecdotes sordides en réserve. Je crains ceci dit que ce soit trop pour Jules, ou même qu’elle refuse de me croire.

La conversation a dévié sur Jack et Rose… Céline Dion et sa voix divine me revient en mémoire et m’arrache un sourire amusé. Je suis étonné, une nouvelle fois, de l’interprétation de Jules et j’en ris carrément.

- Donc si je résume, tu penses qu’un mec qui refuse de se poser, c’est uniquement pour se la jouer devant ses potes ou parce qu’il a trop de fierté ? Mais tu sais, le mariage ne convient pas à tout le monde ! Je serais curieux de savoir ce que tu penses des unions libres par exemple, ou même de la polygamie tiens ! Tu sais que ça existe hein ? Ainsi que les clubs d’échangiste. Et les gays ! Tiens, tu penses quoi des gays hein ?

J’affiche un grand sourire, adorant tout simplement la provoquer, mais il est vrai que son avis m’intéresse malgré tout, car même s’il diffère généralement du mien, il n’en est pas moins pertinent. Et je suis un mec ouvert, il m’est tout à fait acceptable que d’autres aient des opinions différentes de la mienne.

« Les mauvaises personnes n’ont pas de scrupules. » J’apporterais une nuance à cette pensée. Je crois que celles qui n’ont pas de scrupules sont des tyrans, mais être une mauvaise personne ne dépend pas uniquement de soi parfois. Certains actes seront jugés odieux par des personnes, tandis qu’ils seront applaudis par d’autres. Encore une fois, on ne peut pas satisfaire tout le monde.

- Ce n’est pas toujours facile d’accepter l’aide d’autrui tu sais. Je nuancerai un peu plus ton argumentation. Je pense que même la personne la plus bienveillante au monde est capable de faire énormément de mal, sans forcément le vouloir. Parfois, la vie elle-même joue en notre défaveur. Un peu comme si tu cédais ta place dans le bus à une vieille, et que quelques instants après, un accident fait qu’elle meurt parce qu’elle était simplement au mauvais endroit. Tu vois ce que je veux dire ?

Ouais, j’ai un problème avec les bus. Je sais.


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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyMar 23 Avr - 4:54



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Alors c’est ça son secret ? Il a été martyrisé pendant l’enfance ? Ou a-t-il juste ce besoin de voir toujours le côté négatif avant de voir le positif ? Parce qu’heureusement, il existe encore des familles aimantes capables d’accueillir un enfant dans des conditions saines et en lui donnant tout l’amour dont il mérite. Bien sûr, je ne compte pas lui poser directement cette question, parce que nous ne sommes pas assez proches pour ça mais aussi parce que je suis nulle pour réagir au malheur des autres, comme j’ai été nulle pour réagir à l’épreuve que la vie a mise sur mon chemin. « Peut-être que ces personnes aiment réellement leurs enfants mais n’ont pas les moyens de les rendre heureux ? Aimer ne veut pas forcément dire faire les choses bien, parfois l’amour ne suffit pas. » Et quand il s’agit de ses enfants, il doit être difficile de se rendre compte qu’on ne peut pas leur offrir une belle vie parce qu’effectivement on les aime et on ne veut pas les lâcher. « Tu vois les femmes qui décident d’abandonner leur enfant à la naissance ? La plupart du temps, c’est vraiment un acte d’amour et ça demande vraiment de faire preuve de courage, je ne pense pas que j’en serais capable. » Certes, dans de nombreux cas, c’est parce que ces femmes n’ont pas été capable de faire preuve d’un peu de jugeote qu’elles se retrouvent dans cette situation, difficile donc d’avoir pitié de la situation dans laquelle elle se trouve. J’ai également toujours eu du mal avec les familles qui ont tellement de mal à gérer leur progéniture que les enfants sont placés en foyer parce que le cadre dans lequel ils vivent ne permet plus à assurer leur sécurité. Et à côté de ça, il y a des gens qui galèrent à avoir un enfant alors que leur situation leur permettrait de lui offrir une vie de rêve en plus de cet amour inconditionnel qu’on tous les parents envers les enfants. A dire vrai, je comprends le point de vue d’Harvey sur la question, il y a de sacrées injustices dans le monde, mais si on commençait à voir seulement cet aspect-là de la vie et pas tout le positif, je ne vois pas comment on pourrait être heureux. Je crois même que je serais tellement rongée par la colère que ça ferait de moi une toute autre personne.

La question que me pose Harvey devrait certainement me faire réfléchir mais j’ai simplement envie de lui répondre un grand « oui ». Il est évident que chaque être humain aspire à être dans une relation stable et à avoir une vie posée, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. C’est dans l’ordre des choses pour assurer le cycle de la vie, la nature nous a programmé de cette façon. Enfin, peut-être pas totalement, il est vrai que certaines personnes choisissent volontairement de ne pas avoir d’enfant, de se consacrer à leur carrière professionnelle ou d’aimer une personne du même sexe. Je ne devrais sans doute pas me paraitre de telles généralités mais ce besoin de stabilité me parait être quelque chose de tellement évident que je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est forcément quelque chose d’universel. « Ce n’est pas forcément le cas de tout le monde, mais je suis persuadée que c’était le cas de Jack, sinon pourquoi il aurait fait miroiter à Rose la relation parfaite qu’il aurait pu lui offrir ? » Je n’ai rien contre le fait que les hommes ou même les femmes puissent préférer autre chose qu’une vie de couple bien rangée, mais dans ce cas-là, mieux vaut ne pas se lancer du tout dans quelque chose qu’on ne pourra pas assumer derrière. « Je respecte les choix de chacun, ce n’est pas pour autant que je les approuve ou que je ferais les mêmes, mais chacun est libre de faire ce qu’il pense être bon pour lui du moment que ça n’a pas d’incidence négative sur les autres. » L’église nous apprend à faire preuve de tolérance envers autrui, on ne peut pas espérer que le monde soit rempli de personnes qui fassent toutes exactement les mêmes choix en entrant dans un cadre prédéfini. En plus, que le monde entier ait les mêmes idées et le même point de vue surtout, supprimerait toute possibilité de débat, d’échange, de partage de compétences et de tout un tas d’autres choses essentielles à une société. Evidemment, je ne mettrais jamais les pieds dans un club échangiste, je ne partagerais pas l’amour de ma vie avec une autre femme et je ne serais jamais en couple avec une femme, mais ce n’est pas pour autant que je suis obligée d’être contre ces pratiques. « Tu vois, toi, apparemment, tu fantasmes sur les bus et pourtant j’accepte de continuer à te parler. » Je plaisante, pour alléger un peu le ton de la conversation qui devient légèrement trop sérieuse. « Bien sûr qu’on peut faire du mal à quelqu’un sans en avoir l’intention, mais il est plus facile de réparer ses erreurs ou d’obtenir le pardon quand on le mérite réellement que lorsque l’acte était volontaire. Et si la vieille dame dans le bus est morte parce que tu lui as laissé ta place, c’est parce que son heure était venue et pas la tienne, c’est le signe que tu as encore des choses à accomplir dans la vie. » Mais encore une fois, je suis certaine que nos opinions vont sacrément diverger sur le sujet. Cependant, ce n’est pas pour autant que je n’apprécie pas ce débat. Harvey m’aide à m’ouvrir davantage, à ne pas être aussi naïve que je peux l’être parfois et c’est appréciable. Je me demande souvent si la mort de mon père ne m’a pas poussé à considérer le monde qui m’entoure comme un conte de fée géant pour me préserver de ce qui pourrait me faire du mal. Ce n’est pas la solution, un jour, il faudra que j’accepte que la souffrance est omniprésente et que je ne pourrais pas toujours y échapper.


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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyMar 23 Avr - 16:47



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Plus j’écoute Jules parler, plus je me rends compte qu’elle vit dans le monde des bisounours. Ses propos me hérissent les poils et je dois faire preuve de beaucoup de sang-froid pour ne pas lui sauter à la gorge en hurlant qu’elle ne sait pas de quoi elle parle. Parce qu’il est évident qu’elle ne sait pas… Je baisse le regard sur la table et fixe un point invisible devant moi. Je ne sais pas comment lui expliquer, je ne sais pas si je dois le faire, je suis un peu perdu par tout ce qu’elle avance aujourd’hui. Tout cela me brusque un peu trop et mon masque d’impassibilité s’ébranle.

- Y’a aussi la solution de ne pas faire de gosses si tu te sens incapable de les élever dans de bonnes conditions. C’est égoïste de ruiner la vie d’un être qui n’a rien demandé à la base. Je suis incapable d’adhérer à ton point de vue, Jules. Pour moi l’amour c’est néfaste, ça fait faire des trucs stupides et ça finit toujours par des larmes.

L’amour de mes parents est à l’origine de nos naissances, à mon frère et moi. Et l’amour que nous porte ma mère lui a fait commettre l’irréparable. Maintenant elle séjourne en taule pour toujours et au passage, elle nous a tous brisé. Je suis incapable de regarder Lonnie dans les yeux, encore moins lorsque je le vois espérer qu’elle sortira un jour. Il se fait du mal pour rien, et je n’ai pas réussi à l’éloigner de tout ça, ce climat sordide… J’ai failli à ma mission de grand-frère, pitoyablement. Et c’est une grande honte qui en ressort. De la honte et de la colère. Tellement de colère. J’ai l’impression que tous les coups, toutes les marques que j’ai sur ma peau, se sont inscrits en moi et se sont transformés en pure rage. J’ai du mal à contenir tout ça.

Pourtant, ici, dans cette bibliothèque, ce n’est pas la colère qui m’anime. C’est le désespoir qui me prends à la gorge et me fait mordiller la peau de mon pouce tout en discutant de Titanic. Je souris et réponds, sur un ton amusé

- Il ne lui a rien fait miroiter du tout, elle s’est emballée toute seule. Comme la plupart des meufs avec leur premier mec, fin de ce qu’en disent les potes. Moi je ne sais pas ça.

Je ne suis pas attiré par les filles, je l’ai compris relativement tôt d’ailleurs. Elles ne m’attirent pas car j’ai exactement les mêmes goûts qu’elles. Les mâchoires anguleuses, les épaules carrées, les pectoraux légèrement bombés, les abdominaux saillants et les fesses musclées me font trop d’effet. C’est comme ça, je ne vais pas renier cette partie de moi, mais tout le monde n’est pas tolérant. Alors je garde l’information, ne le révélant qu’à quelques personnes lorsque je le juge nécessaire ou que j’ai tout simplement envie de le dire. Et comme je l’avais prédit, Jules fait preuve de tolérance, ce qui me fait sourire. Je ne connais rien du charabia qu’on lui sort à l’église mais j’apprécie sa droiture et son respect pour tout un chacun.

- Tu vois, toi, apparemment, tu fantasmes sur les bus et pourtant j’accepte de continuer à te parler.

Je ris, un peu trop fort. La bibliothécaire me fait les gros yeux et je lève une main en sa direction pour m’excuser et me reprendre.

- Si tu devais prendre ce satané bus tous les jours pendant 2h, crois-moi, toi aussi tu finirais par faire une fixette. Vivement que j’ai mon permis pour en finir avec cette torture.

Avoir des choses à accomplir dans sa vie, voilà un concept étrange. Pourtant, il me parle. J’ai vraiment l’impression que je dois accomplir des choses, en effet, mais quoi ? Je me tords les lèvres, réfléchis un instant, puis finis par demander

- Tu crois que tout le monde peut maîtriser entièrement sa vie ? J’veux dire… Tu ne crois pas qu’il y a des choses qui nous échappe et sur lesquelles on ne peut pas influencer ? Le destin, ce genre de choses quoi…



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Nos visions du monde sont tellement différentes qu’on pourrait presque aller jusqu’à dire qu’elles sont drastiquement opposées. J’ai du mal à accepter son point de vue parce qu’il est beaucoup trop noir à mon goût. Je préfère voir la beauté du monde et laisser tout le côté sombre en arrière-plan. Lui, au contraire, préfère mettre sur le devant de la scène tout le négatif, laissant le positif dans l’ombre alors que ça pourrait tellement lui apporter. Bien entendu, ce n’est pas pour autant que je ne le laisse pas s’exprimer, au contraire, je veux comprendre ce qui le rend aussi aigri et en colère à un âge aussi jeune. Parce que, même s’il parle sur un ton neutre, j’ai vraiment l’impression qu’il a une haine au fond de lui, c’est indescriptible, inexplicable et peut-être que je me trompe complètement mais c’est réellement ce que je ressens. « Et comment tu peux savoir à l’avance si tu es capable d’élever un enfant ? Quel parent est parfait ? Est-ce que tu connais ne serait-ce qu’une seule personne qui n’a rien à reprocher à ses parents ? » L’être humain est faillible, c’est dans sa nature, il faut être capable de l’accepter si on veut pouvoir passer au-dessus des éventuelles erreurs commises et de leur impact sur nous. Est-ce que j’en veux à ma mère de ne pas nous montrer la version d’elle la plus heureuse possible ? Oui, parfois, parce que j’ai l’impression que notre présence à ses côtés n’est pas suffisante malgré que je fasse – tout comme mes frères et sœurs – tout mon possible pour lui redonner le sourire. Est-ce que j’en veux à mon père de nous avoir abandonnés ? Oui, bien sûr, d’autant plus qu’il m’avait promis de ne pas le faire. « En attendant, s’il n’y avait pas eu d’amour, nous ne serions pas là aujourd’hui et ça serait dommage parce que la vie vaut la peine d’être vécue. » Mes parents ne sont pas parfaits mais ils m’ont donné la vie, à moi de faire en sorte de la construire pour qu’elle soit la plus belle possible. Certes, j’ai bien conscience qu’on ne nait pas tous égaux, je suis tombée dans une belle famille et j’en remercie Dieu chaque jour qui passe, mais malgré tout, je me dis qu’on a tous une vie et qu’il faut en profiter pour faire tout ce dont on a envie même si parfois nos rêves paraissent inaccessibles.

La vision des relations entre hommes et femmes d’Harvey a, elle aussi, de quoi me donner une crise cardiaque. Alors c’est ça ? Il s’imagine que nous sommes toutes complètement cruches au point de nous laisser berner par le premier mec venu sous prétexte qu’il s’agit de notre première relation amoureuse ? Je n’ai jamais ressenti ce sentiment pour personne, mais je me vois mal entrevoir un avenir fabuleux après seulement un café et un sourire. Bon, bien sûr, compte tenu des plans sur la comète que je me fais déjà sur le moment où je rencontrerais l’homme de ma vie, on peut considérer que j’idéalise un petit peu, mais je saurais patienter le temps de confirmer si le garçon qui est à mes côtés est bien le bon. « On ne s’emballe pas, on s’investit, ce n’est pas pareil. » Peut-être qu’on en donne trop tout de suite, par moment, il faut savoir rester sur la réserve, mais comment fait-on pour établir une bonne communication dans ce cas ? Je pars du principe qu’une relation saine est basée sur une certaine transparence et je ne vois pas comment on pourrait l’être si on réprimait nos envies et nos émotions pour tenter de ne pas avoir l’air de trop s’impliquer dans la relation. Comme quoi, l’amour, ça a beau être un sentiment merveilleux, c’est aussi beaucoup trop complexe. « Peut-être que les films, les séries, ou même les livres, ont tendance à nous donner une vision un peu faussée de l’amour ? Ils nous poussent vers un idéal souvent inaccessible qui rend difficile d’accepter les éventuelles faiblesses des personnes que l’on croise dans la vie de tous les jours. » Parce que s’il y a bien quelque chose qui ressort dans le débat qui nous anime, ce sont les préjugés dont nous faisons preuve tous les deux, argumentant à tour de rôle sur la base de concept préconçus qui n’ont pas vraiment été validés mais que nous intégrons comme étant parole de vérité. « Tu sais, pour être parfaitement honnête avec toi, je crois que je considère que l’amour n’est pas une question de sexe, c’est une question de personne. On ne tombe pas amoureux d’un homme parce qu’il est un homme ou d’une femme parce qu’elle est une femme, on tombe amoureux d’une personnalité. Le reste, c’est plus une question d’attirance. » Bien sûr, l’attirance a toute son importance dans une relation de couple, donc forcément j’imagine que si on tombe amoureux d’un homme mais qu’on est exclusivement attiré par les femmes, ça ne peut pas fonctionner, mais sur le principe, j’aime bien me dire que l’amour n’est pas une question de genre, même si ça s’écarte de tous les principes que l’église a pu m’inculquer. Je ris doucement à l’évocation du trajet en bus d’Harvey, pour ne pas provoquer un nouveau courroux de la part de la bibliothécaire qui nous a dans le collimateur à présent. J’apprécie la légèreté que nous partageons l’espace d’un court instant avant que la conversation ne redevienne sérieux et que Harvey me pousse à réfléchir une fois de plus. « Je ne sais pas si je crois au destin, mais je sais qu’on ne peut effectivement pas tout contrôler et crois-moi je trouve ça extrêmement frustrant. » Je suis maniaque et psychorigide, ce sont mes deux principaux défauts et ils impactent très fortement mon quotidien. Cette obsession du contrôle quasi maladive, je la ressens constamment et elle est parfois difficile à maitriser. « Mais je crois aussi que les efforts payent toujours et que lorsqu’on entreprend quelque chose, même si ça aboutit seulement à un échec sur le moment, c’est une pierre de plus à l’édifice que l’on construit pour l’avenir. » Parce que oui, on ne peut pas réussir à tous les coups mais parfois un échec cache simplement une réussite encore plus grande, tout simplement.


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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyVen 26 Avr - 5:25



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Jules soulève une véritable question alors, car effectivement j’ai entendu plein de fois ce fameux diction « on ne naît pas parents, on le devient ». Je ronge mon frein en observant ma camarade, mal à l’aise et désireux de lui faire part de mon histoire sordide à présent. Je passe ma main sur ma nuque et la serre légèrement avant de pouffer lorsqu’elle m’assure avec conviction que la vie vaut la peine d’être vécue.

- Et qu’est-ce que tu en sais ? Tu n’es pas encore à l’article de la mort pour faire ce constat-là. Parfois, je me demande vraiment si ça vaut le coup. M’enfin, toutes les personnes que je connais, ou presque, ont eu des parents maltraitants alors non je ne connais personne qui ne leur reproche rien. Peut-être toi, ça je n’en sais rien. Mais tu es la seule personne de mon entourage à voir les choses de cette façon.

Je hausse les épaules, soulignant ainsi nos différences de vies et de point de vue. J’ignore pratiquement tout de Juliana – à part ses notes et ses bulletins scolaires – mais je l’imagine grandir au sein d’une famille catholique aux revenus modestes, aimante et chérie par les siens. Je peux me tromper, évidemment, mais je serais réellement surpris si elle m’apprenait qu’elle vivait dans un HLM et partageait la chambre de ses 5 sœurs. Non, Jules me donne l’air d’avoir eu la vie douce et peu de choses à se soucier sinon de son propre avenir jusqu’à présent.

Et puis, la conversation dérive, un peu comme le Titanic – sans couler toutefois – sur les relations hommes/femmes. C’est un sujet que je ne maîtrise absolument pas et sur lequel j’ai beaucoup d’aprioris compte tenu de ma propre histoire familiale. Je souris à la nuance qu’apporte Jules à mes propos : « s’investir ». Est-ce que cela voudrait dire que les hommes s’investissent moins au cœur du foyer ? Je n’en suis pas persuadé. Chacun son domaine de compétences après tout. Les femmes sont, depuis toujours, orientées vers la tenue du foyer tandis que les hommes, confrontés à l’extérieur et au terrible monde du travail. Bien évidemment, nous sommes au 21ème siècle et donc ce genre de propos être largement critiqués. Le fait est que, les hommes et les femmes ont deux façons bien distinctes de procéder et l’égalité des sexes ne peut pas changer cela.

Lorsque Jules souligne que les médias nous renvoient une image faussée de la réalité, j’acquiesce en hochant la tête, totalement d’accord avec elle. L’amour ce n’est pas facile, je pense même que c’est le sentiment le plus compliqué du monde et c’est pour cela que j’essaie de m’en tenir éloigné. Il me fait peur au fond, car je sais que par amour, on est capable de tout et n’importe quoi. Ou de rien du tout, aussi. Quoiqu’il en soit, l’amour tel qu’il est dépeint dans les séries, les feux de l’amour et tous ces ramassis de conneries, n’est pas l’idéal après lequel je cours. Faut croire que l’être humain a besoin d’être berné pour avancer.

- Tu sais, pour être parfaitement honnête avec toi, je crois que je considère que l’amour n’est pas une question de sexe, c’est une question de personne.

Je souris en l’écoutant. Je suis, on ne peut plus d’accord avec ses dires et je la trouve très sage de dispenser de telles paroles.

- T’es surprenante Jules, et ça va t’étonner mais je suis d’accord avec toi. Je pense aussi que les sentiments amoureux vont au-delà des sexes, et que les médias nous présentent un idéal qui est loin d’être réel. C’est dommage qu’autant de personne y croient ceci dit, du coup ils tombent de haut… Je crois que la seule personne que j’aime, moi, c’est mon petit-frère. Et je ne sais pas comment le lui montrer.

Je fais une petite moue, croise les bras sur mon torse dans une attitude de repli alors que je pense à Lonnie. Ce petit con me manque affreusement. Son sourire surtout, il l’a perdu. Il est au collège en ce moment, et c’est difficile pour lui. Je sais qu’il se fait emmerder, je sais qu’on le regarde de façon étrange car il est un Hartwell et que ce nom a fait fureur dans tous les journaux de la région il y a quelques années. Ça me tue de ne pas réussir à le protéger. Je n’ai jamais réussi. Pourtant, j’en casse des gueules pour tenir les tocards éloignés, mais ça ne suffit pas. Notre croix est lourde à porter.

Jules me parle de destin, de pierre à l’édifice, de construire son avenir… Tout ça me fait rêver mais je ne sais pas si j’ai la force d’entreprendre des études. J’en ai envie, terriblement envie au fond. Et j’ai des notes excellentes. Mon dossier est seulement entaché par mes absences répétitives qui menacent de me faire redoubler.

- Tu as sûrement raison, il faut y croire même si personne ne croit en nous c’est ça ? 

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Message(#)Teenagers are treated like children and expected to act like adults ✿ Harvey EmptyVen 26 Avr - 9:20



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La froideur dont fait preuve Harvey me saisit, je n’ai pas le souvenir de l’avoir déjà vu prendre un sujet aussi à cœur durant l’un de nos débats et si nos visions de la vie sont drastiquement différentes, nous l’avons accepté et aucun propos de l’autre n’a jamais suscité de colère. Pourtant, cette fois, j’ai l’impression qu’il m’en veut de croire que vivre en vaut vraiment la peine et si je ne m’offusque pas qu’il pense évidemment différemment, je ne peux pas nier que je trouve infiniment triste qu’Harvey considère que sa vie n’en vaut pas la peine. J’aimerais tellement le convaincre du contraire, lui prouver que le monde peut être beau, qu’il y a plein de choses à découvrir et tellement de chemins différents parmi lesquels choisir qu’il finira bien par en trouver un qui lui convienne. Malgré tout, avec ses explications, je prends doucement conscience qu’il ne mène pas une vie facile et que le monde qui l’entoure ne lui permet pas d’avoir cette vision positive que j’aimerais tant lui faire partager. « Ce n’est pas quand je serais morte que je pourrais me dire merde, en fait, c’était mieux la vie, alors à défaut d’avoir une preuve contraire, je préfère penser que ma vie en vaut vraiment la peine. » Certes, j’aurais peut-être la chance d’accéder au paradis après ma mort mais lorsque ça arrivera, j’aimerais ne pas avoir de regrets quant à la vie que j’aurais menée. Personne ne sait de quoi demain sera fait, j’ignore combien de temps il me reste à vivre alors je veux profiter du moment présent à fond et anticiper un avenir que j’espère heureux pour ne pas vivre constamment dans les regrets d’un passé qui aurait pu être meilleur que celui auquel j’ai eu droit. « Je comprends que tu sois en colère, parce que ce n’est pas juste que certaines personnes aient à souffrir plus que d’autres et il y a des choses qu’un enfant ne devrait jamais connaitre, mais tu peux passer ta vie à t’insurger contre les inégalités ou alors tu peux essayer de tirer le meilleur de ta situation pour rebondir. » Je suis assez lucide sur le fait que nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne, qu’un gamin des favelas aura sûrement moins de chance de s’en sortir dans la vie qu’un habitant de Brisbane, quelle que soit sa volonté, mais le bonheur tient à si peu de choses. Je veux croire que Dieu a des plans pour chacun de nous et que c’est forcément un avenir rempli de joie qui nous attend tous.

Je ne sais que je n’ai sans doute aucune légitimité à parler d’amour car c’est un sentiment que je n’ai pas vraiment expérimenté si on ne parle pas de l’amour qui nous unit à nos familles ou à nos amis. Malgré tout, je ne peux pas m’empêcher d’avoir un avis sur la question parce que, comme la plupart des gens, j’ai des attentes sur sentiment que j’espère pouvoir ressentir un jour. Je ne suis pas impatiente, je sais que je le vivrais et je n’ai pas besoin que ce soit la semaine prochaine ou même dans les mois à venir, j’aime l’idée que mon prince charmant m’attend quelque part et que notre rencontre soit une véritable évidence. Et pour la première fois depuis un moment, nous parvenons à nous mettre d’accord, Harvey et moi, ce qui ne peut pas me faire plus plaisir. Il joue aux gros durs, mais au fond, il a quand même un cœur qui ne demande qu’à s’exprimer si on lui donne la possibilité de le faire. Il a une énorme carapace, je le sais, je le sens, sûrement parce qu’il veut se protéger même si j’ignore de quoi. « Je crois que les mots valent toutes les démonstrations du monde. » C’est un conseil facile à donner mais pas facile à appliquer, j’ai toujours eu mal à mettre des mots sur mes émotions ou mes sentiments. Je n’arrive pas à exprimer la douleur que je ressens encore lorsque je repense au décès de mon père et même après toutes ces années, c’est un sujet que je me garde bien d’aborder. Malgré tout, si Harvey se demande réellement comment montrer à son frère qu’il l’aime, je pense sincèrement qu’il ferait mieux de le lui dire, tout simplement. « Il s’appelle comment ton frère ? » C’est une question banale et totalement anodine mais qui me permets doucement mais sûrement de me rapprocher de lui, de commencer à le connaitre et d’imaginer quel est son vécu. Son attitude me touche et mon envie de lui tendre la main et de lui prouver qu’il peut faire de belles choses de sa vie grandit de semaine en semaine. « Il faut croire en toi parce que c’est ta vie et tu dois savoir mieux que personne de quoi tu es capable. » Mais évidemment, je doute que l’estime d’Harvey soit à un niveau extrêmement élevé, je crois que je commence à le cerner assez pour pouvoir m’en rendre compte sans qu’il ait besoin de l’exprimer. « Mais pour ce que ça vaut, moi je crois en toi. » Il dégage quelque chose de spécial et je pense qu’il mérite une reconnaissance qu’il n’a jamais vraiment eu jusqu’ici.


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