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 So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph

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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyDim 14 Avr 2019 - 17:50



So you better have something damn worthy to say

@Joseph Keegan & Juliana Rhodes



Première nuit officielle dans cet appartement que nous avons choisi ensemble. Il y a des cartons partout, le matelas a été posé à même le sol car nous avons fini de tout apporter tellement tard que nous n’avons pas eu le courage de faire du montage hier soir, j’ai les courbatures d’une fille qui a fait un marathon après quatre semaines sans courir et pourtant je crois que j’ai passé l’une des meilleures nuits de toute mon existence. Je l’ai tant attendu ce moment que je pensais qu’il ne viendrait jamais. La lumière du jour commence à s’infiltrer par la fenêtre  dont nous n’avons pas pris la peine de fermer les volets avant de nous coucher. Un mouvement à mes côtés m’indique qu’Alfie ne dort plus non plus et je me tourne vers lui pour lui faire face, enroulant mes jambes autour des siennes pour le retenir prisonnier – même si dans les faits, il lui aurait certainement suffit d’une pichenette pour me dégager – « Tu restes coincé avec moi, tu ne peux plus bouger. » L’âge moyen pour prononcer cette phrase se situe certainement aux alentours des cinq ou six ans mais j’avoue que je n’en ai rien à faire. Je suis sur mon petit nuage et aucune vanne douteuse que ne manquera pas d’envoyer Alfie au cours de la journée ou problème que nous ne décèlerons certainement dans notre tout nouvel appartement ne pourra venir me faire redescendre. Ma main libre vient coiffer ses cheveux ébouriffés alors que je ne peux m’empêcher de noter que notre chambre a l’air d’avoir été ravagée par un ouragan. « Tu crois que si on ignore les cartons, ils vont en avoir marre et se ranger tout seuls ? » Quoi que je ne suis pas sûre que je supporterais d’échapper à une journée où j’ai enfin le droit d’exprimer toute ma maniaquerie et ma psychorigidité. En réalité, j’ai presque hâte de me mettre à la tâche même si chaque muscle de mon corps semble s’opposer fermement à cet élan d’enthousiasme.

Le vibreur de mon téléphone vient me ramener soudainement à la réalité. Je suis bien allongée sur ce même matelas mais le reste du lit a été monté depuis longtemps et les cartons ont disparu. Mon sourire béat s’estompe lui aussi alors que je me reconnecte avec la réalité, oubliant progressivement le souvenir que je me remémorais. J’attrape le fauteur de trouble qui a osé me sortir de mes pensées et constate avec lassitude qu’Alfie a encore trop de choses à faire pour pouvoir être à la maison ce soir. Tad par-ci, Joey par-là, je ne devrais sans doute pas avoir cette réaction mais j’avoue que ça me gonfle. En plus, contrairement à la plupart des femmes, je ne peux pas vraiment me dire que puisque ce sont des hommes je n’ai pas grand-chose à craindre. Mais bon, la confiance est la base du couple et blablabla donc je le laisse vivre sa vie – pour l’instant – et quand j’en aurais vraiment marre, j’aviserais. Cela étant, est-ce que j’ai envie de lui répondre : « Tu fais chier, Alfie » ? La réponse est oui. Est-ce que je vais le faire ? Non. Je vais me contenter de sortir de ce lit et d’aller montrer au monde entier que je suis une femme forte et indépendante qui n’a pas besoin de son mec pour passer une bonne soirée. Je pourrais demander à Leo s’il a prévu de sortir ce soir, ou à Asher, ou encore demander à mes frères et sœurs s’ils ne veulent pas faire un truc en famille ? J’ai des tonnes de possibilités, je n’ai pas du tout besoin de lui. Après un « ok, amuse-toi bien » qui transpire la lâcheté, je me décide à me délester des vêtements de travail que je porte encore sur le dos pour adopter une tenue plus adaptée à une sortie et franchis le seuil de la chambre pour aller ajuster mon maquillage dans la salle de bain.

Je passe devant notre colocataire du moment, que je n’ai d’ailleurs pas entendu rentrer, non sans le saluer avec tout l’enthousiasme dont je suis capable de faire preuve. « Salut Joseph ! » Je ralentis le pas pour jeter un coup d’œil au livre qu’il tient entre ses mains, certainement emprunté à la bibliothèque du salon dont je prends soin comme d’un bébé. « Oh, My absolute darling, excellent choix, tu me diras ce que tu en as pensé ? » Je n’en oublie pas pour autant mon objectif final, à savoir la salle de bain mais alors que je m’apprête à en franchir le seuil, une idée bien plus attrayante que toutes celles que j’ai pu avoir auparavant me frappe. Joseph est là. Je suis là. Alfie est loin. Si j’ai accepté sans broncher la venue de l’ex-taulard dans notre quotidien, c’est aussi parce que je me suis dit que ça me permettrait d’en apprendre davantage sur le passé si secret de mon petit-ami, chose dont je n’ai pas vraiment eu l’occasion. Jusqu’à maintenant. Je n’ai pas besoin de beaucoup réfléchir pour me décider et je fais demi-tour, rejoignant l’ami d’enfance d’Alfie avec un grand sourire aux lèvres. « Tu restes ici ce soir ? » Pitié dis oui, pitié dis oui, pitié dis oui. « Je me disais… Ça fait un moment que tu es là, et on n’a jamais vraiment pris la peine d’apprendre à se connaitre toi et moi, en plus j’ai obtenu le premier prix de préparatrice de mojitos en 2017, ce serait dommage que tu n’aies pas l’occasion d’admirer mes talents. » Ce qui signifie grosso modo que j’ai l’immense chance d’être capable de verser du rhum, du sucre, de l’eau gazeuse et des feuilles de menthe dans un verre. Quel talent. « Si tu refuses, je te révèle la fin du livre. » Ce qui s’apparente pour une fan de lecture telle que moi à la plus grande menace qu’on puisse proférer, mais je doute que ça ait le même effet sur notre invité.


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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyLun 15 Avr 2019 - 19:17


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Juliana & Joseph

Le plafond est en bas, le sol le surplombe, les murs tournent autour de son corps évaché dans le canapé depuis bientôt une heure complète. Lorsque la tête de Joseph est plongée dans un bouquin, il oublie complètement le temps et l’espace, il se retrouve seul à seul avec les personnages du roman qu’il dévore une page à la fois. Cette fois-ci, il a emprunté le livre My absolute darling sans savoir dans quelle aventure il se lançait. Dès lorsqu’il a compris qu’il ne s’agissait pas là d’une histoire d’amour mais bien d’une histoire sordide et glauque entre un père et sa fille, son intérêt a… étrangement changé. Une sorte de grimace étirait les traits de son visage depuis que le garçon avait compris qu’il n’allait pas être emporté par des émotions positives. Pourtant, il continuait à lire, comme si un flingue était posé sur sa tempe et comme si rien au monde n’arriverait à le détacher de son occupation. Le son de pas dans le salon ne le tire pas de sa concentration, comme s’il avait oublié qu’il n’était pas chez lui et qu’il squattait le canapé de son meilleur ami depuis plusieurs jours. C’est plutôt la voix de Juliana, la copine d’Alfie, qui le ramène à la réalité. Il ne lève toutefois pas les yeux, bien trop préoccupé par l’action décrite par les mots du roman. Il émet une sorte de « uh ! » pour répondre à sa salutation tandis que ses pieds la guident vers la salle de bain. Il remarque, du coin de l’œil, que son ombre ne disparait pas il et croise enfin son regard en clignant des paupières, ajustant sa vision bien trop fixe depuis le début de la soirée.  « Oh, My absolute darling, excellent choix, tu me diras ce que tu en as pensé ? » Comme s’il avait oublié que quiconque assez près pourrait lire le titre de son roman, il observe la page couverture en constatant que, effectivement, il lit bel et bien ce bouquin. Il redresse légèrement son dos en sentant un certain vertige le traverser alors qu’il constate sa position assez délicate. « Ouais. » Il aimerait bien avoir le courage d’être plus réceptif à sa présence mais Alfie a fixé une règle qu’il a si peur de transgresser. Il se connait : il n’arrive pas toujours à contenir ses pensées dans le fond de sa gorge et la crainte de laisser s’échapper une connerie l’empêche d’adresser réellement la parole à Juliana qui, pourtant, semble une très bonne personne. Un soupir s’échappe de ses lèvres lorsque la jeune femme reprend sa route et il replonge immédiatement ses yeux entre les pages du roman avant d’être interrompu une seconde fois. « Tu restes ici ce soir ? »  Machinalement, son regard se pose sur l’horloge et il y lit l’heure. Il ne serait effectivement pas trop tard pour passer la soirée ailleurs. Pourtant, il n’en a pas envie. Il vient à peine de se débarrasser d’une migraine qui le martèle depuis le début de l’après-midi. Il s’imagine très mal courir entre les bars de Brisbane. Il n’est plus aussi jeune : il a besoin de plus de temps de récupération entre ses escapades nocturnes. C’est d’un ton détaché que Joseph répond : « Ouais, pas trop envie d’bouger, pourquoi ? » Il croise de nouveau son regard, les lèvres pincées, puis il pose enfin son bouquin après y avoir glissé un signet improvisé : un mouchoir neuf qui commence dangereusement à s’effriter. De façon futée, elle lui propose une petite beuverie probablement inoffensive et un léger sourire tenté soulève la commissure de ses lèvres tandis qu’il réfléchit réellement à son offre. Elle le menace faussement de lui révéler la fin du bouquin s’il refuse sa proposition et un ricanement amusé gonfle sa poitrine. Elle a de l’humour, c’est un grand atout. Joseph ne risque pas de s’ennuyer. Enfin, il se redresse complètement mais garde ses deux fesses sur le canapé, les coudes posés sur les genoux. « Préparatrice de mojitos, c’est ça ? » Il glousse, glisse ses doigts dans sa chevelure ébouriffée pour la ramener vers l’arrière et hausse finalement les épaules. Il n’a rien à perdre. Comme elle l’a dit, elle a simplement envie de faire connaissance. Alors, il lui fait confiance. Si Alfie aime cette femme, ce n’est pas pour rien. Sa poitrine doit renfermer un cœur aussi gros que le sien. « Pourquoi pas, après tout. J’pourrai malheureusement pas juger de ton talent, j’me souviens pas la dernière fois où j’ai bu un mojito. » Enfin, il se relève, ne manque pas d’étirer ses muscles si peu utilisés dans la dernière heure et contourne son sac posé sur le sol, à côté du canapé. Il suit son hôtesse en évitant d’enfoncer ses mains dans les poches de la veste qu’il porte toujours chez Alfie pour cacher les marques traîtresses qui parsèment son avant-bras. Il le déteste, d’ailleurs, ce vêtement, puisqu’il l’étouffe constamment dans la chaleur australienne. « Alors, t’as envie d’parler d’quoi ? » Il l’observe préparer les deux consommations et continue : « S’te plaît, m’demande pas j’fais quoi dans la vie, c’est pas intéressant. » Il soutient son regard parce qu’il s’interdit de l’observer plus en profondeur. C’est bien la première fois que quelque chose l’empêche d’admirer la beauté d’une femme et, il ne peut pas mentir : Alfie a d’excellents goûts en cette matière.  

   
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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyMar 16 Avr 2019 - 16:18



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@Joseph Keegan & Juliana Rhodes



Avoir une conversation avec Joseph semble être totalement impossible et pourtant ses réponses laconiques construites en monosyllabes ne suffisent pas à m’arrêter. Je sais ce que je veux et je sais pourquoi je le veux, peu importe que je doive batailler pour l’obtenir, ça ne me parait pas insurmontable. La soirée ne fait que commencer et avec un peu d’alcool dans le sang et quelques questions bien tournées, je suis certaine que je devrais réussir à faire de cette soirée autre chose qu’un interrogatoire de police face à un suspect braqué. Outre les informations que je souhaite obtenir de Joseph, j’ai réellement envie d’en apprendre davantage sur lui. Il dort dans notre salon depuis un moment maintenant et apparemment il est bien parti pour y rester encore plusieurs mois, si ça ne se compte pas en années – chose que je commence sincèrement à redouter – autant que cette cohabitation devienne plus agréable. J’imagine qu’en hissant le drapeau blanc, je devrais réussir à rendre l’atmosphère de l’appartement plus amicale. Je ne sais pas pourquoi, depuis son arrivée ici, j’ai toujours eu la sensation que Joseph me redoutait ou plutôt qu’il craignait ce que je pourrais dire ou faire. J’ai du mal à comprendre pourquoi, je n’ai pas l’impression de lui avoir offert un mauvais accueil, au contraire, je me suis rangée très rapidement du côté d’Alfie – même si je n’en avais pas spécialement envie, il faut le reconnaitre – alors je ne comprends pas vraiment ce qui lui fait peur. Il se dit sans doute que j’ai plus de chance que son ami d’enfance d’en avoir marre de sa présence et donc de le mettre à la porte. J’admets que je n’ai pas spécialement envie de le voir s’éterniser ici, mais je ne pourrais pas le mettre à la porte sans avoir honte de mon attitude. J’aime me dire que je n’ai pas encore fait assez d’erreur pour devoir éviter l’image que me renverrait un miroir, alors autant ne pas commencer maintenant. Cette soirée est donc l’occasion de mettre aussi les choses au clair mais je ne suis pas du tout certaine d’en être capable sans avoir bu quelques verres au préalable.

Lorsqu’il accepte ma proposition de soirée, les battements de mon cœur s’accélèrent, j’ai la terrible sensation de faire quelque chose que je ne devrais pas mais l’envie d’apprendre ce que je ne sais pas est bien plus forte. Alors je fais taire mes doutes, bien décidée à profiter de cette opportunité qui ne se représentera sans doute pas avant un long moment. « Tout à fait, j’ai dû égarer mon trophée, malheureusement, tu te doutes bien que j’aurais été ravie de t’en apporter la preuve. » N’empêche, celui qui inventerait vraiment le concours de préparation de mojitos serait un génie à mes yeux. Je ne suis pas du tout une adepte des boissons alcoolisées. Je n’en consomme que très rarement et pour des occasions, mais le mojito reste de loin mon cocktail préféré mais aussi le seul que je suis capable de confectionner par moi-même. « T’inquiètes pas, tu n’as pas besoin de point de comparaison, tu te contentes de fermer les yeux, de prendre une gorgée et après tu dis un truc du genre « c’est de loin le meilleur cocktail que j’ai jamais bu », on fait comme ça ? » Je plaisante, ravie de pouvoir alléger l’atmosphère qui n’est pas souvent aussi supportable lorsque nous sommes tous les deux dans cette même pièce. Abuser de l’humour pour tenter de le mettre à l’aise n’est peut-être pas la meilleure solution mais c’est la seule que j’ai un stock. Sur ces bonnes paroles, je me dirige vers la cuisine, approchant un tabouret pour accéder aux plus hauts placards où se trouvent rangées les rares fonds de bouteilles que nous possédons. Les mettre hors de portée directe de tout être humain normalement constitué m’a toujours paru plus raisonnable et notre réserve a toujours été plus que limitée. Je m’attelle directement à la préparation des premiers verres – en espérant que ce ne soient que les premiers, sinon nous n’irons pas bien loin – non sans charger davantage celui qui est destiné à mon invité. Je ne bois pas assez pour avoir une résistance à l’alcool très développée et il serait tout de même dommage que je me retrouve bourrée avant même d’avoir pu poser les questions qui me brûlent les lèvres.

Alors que je termine ma préparation, non sans être désespérée de devoir déranger autant de choses dans la cuisine pour la simple confection de deux petits verres, Joseph lance notre soirée sans plus attendre. Il semble totalement disposé à répondre à mes questions et évidemment, le fait qu’il ne soit pas sur la réserve comme il a pu l’être jusqu’ici avec moi ne peut que me rassurer sur l’issue positive des quelques heures passées en sa compagnie. En revanche, la question n’est pas si simple que ça. De quoi ai-je envie de parler ? De lui ? De son passé ? Du passé qu’il a en commun avec Alfie ? De la raison pour laquelle il est ici ? De tout ce que je devrais savoir mais que je ne sais pas ? J’ai peur de commencer par-là, parce que nous n’avons pas encore bu une seule gorgée et que l’idée de le braquer d’emblée m’angoisse. « De toi. C’est bien comme ça qu’on apprend à connaitre quelqu’un, non ? » Il soutient mon regard et j’en profite pour détailler les traits tirés de son visage. Joseph est plutôt beau garçon, il devait faire tourner les têtes des filles lorsqu’il était adolescent, je me demande comment il a pu en arriver-là, il n’a pas du tout la tête e la petite frappe qui commet des délits mineurs et se retrouve enfermé pour une courte. J’ai vraiment du mal à m’imaginer que sa vie ait pu partir en vrille. Je finis par détourner les yeux pour terminer la préparation de nos verres et ne tarde pas à tendre le sien à Joseph. « A cette soirée. » Je trinque avant de boire la première gorgée, ravie de réaliser que je n’ai pas trop chargé en rhum – en tout cas mon propre verre –. « Tu peux prendre le rhum ? On ne va pas rester debout toute la soirée. » Dis-je alors que je regagne le salon, emportant de quoi remplir de nouveau les verres lorsque ceux-ci seraient vide. Je dépose tout ça sur la table basse en plus de mon propre verre avant de m’asseoir en tailleur à un bout du canapé. « Pourquoi tu es venu jusqu’ici quand tu as été libéré ? » Est-ce que ça a été son premier choix ? Est-ce qu’il s’est fait recaler par ses autres amis avant ? Est-ce qu’Alfie lui avait promis de l’héberger une fois qu’il serait sorti de prison ? Est-ce qu’il est allé le voir en prison ? Ce sont évidemment des questions que je me pose et que j’estime pouvoir me permettre de poser à voix haute sans avoir l’air trop indiscrète. Après tout, il squatte mon canapé, j’estime que j’ai le droit de savoir pourquoi c’est justement ce canapé qu’il avait envie de squatter et pas un autre.


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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyMar 16 Avr 2019 - 20:28


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Juliana & Joseph

Joseph a toujours été de nature très sociale. Il est, la plupart du temps, celui qui engage la conversation avec les inconnus simplement pour ronger l’ennui qui le suit trop souvent. Si, ce soir, il ne semble pas propice à la discussion, c’est bien parce qu’il craint de laisser sa langue trop danser dans sa bouche. Il a la fâcheuse habitude de ne pas penser assez longtemps avant de s’égarer dans ses propres paroles. Il s’en voudrait considérablement s’il trahissait la promesse qu’il a faite à son meilleur ami, celui qui l’héberge sans rien demander en retour malgré la condition boiteuse dans laquelle Joseph se trouve. Il n’a pas posé de questions. Il a simplement tendu sa main à celui qui l’a accompagné pendant plusieurs années, pendant ses hauts et ses bas sans jamais mettre en doute leur amitié. Ils sont unis par le destin, non ?

Que Juliana lui propose un verre d’alcool, ça a le mérite de le surprendre, lui qui en a déjà vues de toutes les couleurs, des situations étonnantes. Il hésite moins longtemps qu’il aurait dû, et, il faut le dire, les arguments amusants de Jules l’emportent dans le délire soudain. Elle prétend avoir obtenu un trophée qu’elle ne trouve malheureusement plus, probablement disparus entre les objets plus inutiles les uns que les autres, qui s’amassent dans un recoin d’une pièce au fur et à mesure que le temps passe. Pour entrer dans le jeu, Joseph fait mine d’observer les alentours à la recherche de ce soi-disant trophée – mais il sait qu’il n’est que le fruit de l’imagination de la jeune femme. Sans plus attendre, même s’il est déjà convaincu de ses talents en mixologie, la jeune femme s’empresse de le rassurer : il n’a pas besoin de connaître le goût de la boisson qu’elle désire lui préparer. Un ricanement gonfle sa poitrine à quelques répétitions et il finit par hocher la tête, posant son pion sur le plateau, entrant dans la partie. « C’est bon, tu m’as convaincu. J’sais déjà que ça sera l’meilleur mojito qu’j’aurai bu d’ma vie. » Une fois arrivé dans la cuisine, ayant suivi les pas de Jules, il prend rapidement le réflexe de s’installer au comptoir tandis que ses yeux observent chacun des mouvements qu’exécute la copine d’Alfie. Il constate la très petite quantité d’alcool qui vieillit lentement dans une armoire et sa tête bascule sur le côté, comme il est intrigué. Ce couple ne consomme pas beaucoup d’alcool, ces bouteilles sont probablement là pour servir les invités, comme lui-même. Il ne peut s’empêcher de remarquer la plus petite quantité de rhum qu’elle verse dans l’un des verres, probablement son verre à elle. Il n’en tire aucune conclusion hâtive : il pense plutôt qu’elle ne consomme pas assez pour se permettre d’en boire autant que lui. Alors, c’est écrit dans son front qu’il peut boire plusieurs verres avant de sentir les premiers effets de la sobriété lui chatouiller le bout des doigts ? Si c’est le cas, il comprend pourquoi aucun employeur ne veut de lui. Il devrait d’ailleurs arrêter de fumer un joint pour se détendre avant une entrevue d’embauche. Il sait qu’il ruine ses chances en transportant une odeur de cannabis mais ça l’amuse : il n’a jamais été de ceux qui vernissent leur image à grands coups de pinceau. « De toi. C’est bien comme ça qu’on apprend à connaitre quelqu’un, non ? » Ses dents se serrent légèrement mais il garde ses lèvres étirées en un sourire incertain. Il porte sa main vers le mojito que Juliana fait glisser sur le comptoir, en sa direction, et il se mord le bout de sa langue pour s’empêcher de dire ce qu’il pense. Ce sont plutôt des mots déguisés qui s’expriment à sa place. « Oh, de moi. Yep, c’est logique. » Le verre frais se presse contre sa paume et sa froideur fait frissonner le garçon. Il replonge ses yeux dans ceux de Juliana lorsqu’elle attend qu’il le lève pour trinquer. Ses paroles se joignent à l’ombre de siennes. « À cette soirée. » Les deux verres claquent, vibrent, et il ne peut s’empêcher de regarder Juliana lorsqu’elle avale une première gorgée, légèrement déstabilisé, comme s’il n’était pas certain de vouloir faire ça. Mais, après s’être secoué les puces, il décide enfin de porter sa consommation à ses lèvres. Le goût du rhum percute rapidement sa langue et il retient une grimace : il n’a jamais été friand de cet alcool. Joseph a toujours eu une préférence marquée pour la vodka, plus froide, plus sèche. Il n’oublie toutefois pas de complimenter ses talents après avoir avalé la première gorgée, concentrée en amertume. « C’est de loin le meilleur cocktail que j’ai jamais bu. » Une lueur de malice traverse ses pupilles juste avant que son hôtesse lui demande d’apporter la bouteille de rhum avec lui, dans le salon. Il acquiesce puis la suit jusqu’au canapé, où il pose ses fesses, à l’opposé de Juliana. Il ne pourrait pas se permettre d’être trop près d’elle. Incapable de se détendre totalement, il garde le dos droit et une seule jambe ramenée vers lui, au contraire de la jeune femme, plus aisée, qui croise ses jambes en tailleur. « Pourquoi tu es venu jusqu’ici quand tu as été libéré ? »   Il se permet une seconde gorgée qui le fait moins grimacer, comme il a déjà découvert la saveur de la boisson. « J’suis pas directement v’nu ici. J’suis libre depuis mai. Ça fait presque un an que j’suis sorti, en fait. J’ai jamais voulu v’nir ici. J’m’interdisais d’déranger Ali, et toi, en fait. J’savais pas qu’il était en couple, alors ça m’a fait un choc d’savoir qu’j’allais m’imposer à deux personnes plutôt qu’une. » En passant ses mains dans ses cheveux, signe de nervosité, il ajoute, l’air hébété : « Et j’pensais pas que j’resterais plus de quelques jours. Désolé pour ça. J’pourrai jamais vous r’mercier assez d’me laisser rester plus longtemps. » Il marque une pause, glousse et fronce les sourcils : « Ça répond pas trop à ta question, en fait. J’suis v’nu vers Alfie parce que j’sais qu’il m’abandonnera jamais. C’t’un mec fidèle envers les gens qu’il aime. » Ses iris claires se redressent et il croise le regard de Juliana, un sourire léger redressant la commissure de ses lèvres. « J’suis sûr que tu l’sais déjà. »


   
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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyJeu 18 Avr 2019 - 8:27



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@Joseph Keegan & Juliana Rhodes



Un large sourire s’étend sur mes lèvres lorsque Joseph capitule définitivement et que je peux m’atteler à la préparation du seul cocktail que je sais réellement confectionner, non sans oublier l’idée qui me reste en tête depuis que je me suis avancée vers Joseph pour lui proposer cette soirée. Evidemment, je m’en veux énormément d’agir de la sorte, il n’est pas dans mes habitudes de me jouer des gens. J’ai l’impression d’être un peu le genre de personne qui met du LSD dans l’alcool des filles en soirée pour obtenir des faveurs sexuelles sans avoir besoin de faire trop d’efforts pour les draguer ou prendre le risque de se faire recaler. C’est horrible et je suis certaine que la culpabilité post-soirée va être intense. Malgré tout, mon désir de savoir ce qu’il y a derrière la présence de Joseph dans cet appartement est plus fort que mon dégoût de moi-même et je ne recule pas. Je n’ai pas oublié l’attitude étrange des deux garçons lorsque je suis entrée dans l’appartement ce fameux soir où Alfie m’a annoncé que Joseph allait rester ici pendant une durée indéterminée, ni le malaise évidemment de mon copain qui a prétendu être angoissé pour le travail. Si sur le moment j’ai fait l’effort de me satisfaire de ces explications un peu bancales, je vois bien qu’Alfie n’est pas dans son état normal et je n’arrive pas vraiment à l’expliquer. Est-ce que le retour de Joseph y est pour quelque chose ? C’est bien ce que j’ai l’intention de découvrir ce soir. Les occasions de nous retrouver seuls ont été très rares, voire totalement inexistantes jusqu’ici, alors je ne peux pas laisser passer cette opportunité parce que mes principes m’empêchent d’aller au bout de mon idée. Evidemment, mes raisons, même si elles me paraissent justifier totalement mon attitude, n’excusent nullement ce que je m’apprête à faire à cet homme dont je ne connais rien et qui aurait peut-être répondu tout simplement à mes questions si j’avais pris la peine de jouer cartes sur tables. Je sais que je suis une horrible personne et que n’importe quel être humain normalement constitué qui se serait retrouvé à ma place serait allé trouver Alfie pour discuter plutôt que d’essayer de mettre en place des stratagèmes pour obtenir quelques éclaircissements. Si c’était si facile, je l’aurais fait depuis longtemps, mais c’est impossible, je n’arrive pas à me confronter à lui, j’ai bien trop peur de ce que je pourrais apprendre. Je ne suis pas prête à entendre des vérités qui pourraient tout chambouler entre nous, j’aime la facilité avec laquelle notre relation s’est construite et les bases solides sur lesquelles elle repose, fragiliser ce parfait équilibre avec des questions me parait tout bonnement inconcevable. Alors je suis désolée Joseph, vraiment sincèrement désolée, mais je n’ai pas l’impression d’avoir d’autre choix que celui d’aller à la pêche aux informations auprès de celui qui – normalement – connait parfaitement Alfie et même probablement mieux que moi.

Lorsque Joseph goûte mon cocktail et me complimente, comme je lui ai gentiment demandé quelques instants plus tôt, je ne peux pas m’empêcher de rire. Ça avait presque l’air naturel. « Oooooh, je suis tellement touchée. » Je découvre qu’il peut être amusant, chose que j’ignorais jusqu’ici tant il semblait déployer une énergie folle pour ne pas aligner quatre mots à la suite lorsque je lui adressais la parole. Je crois que je commence à entrevoir pourquoi Joseph est l’ami d’Alfie à ce moment-là, mais par comprendre j’ai du mal à saisir quel est l’intérêt pour lui de rester constamment sur la réserve en ma présence. Après tout, en vivant chez moi, il a plutôt tout intérêt à faire en sorte que je l’apprécie pour que la cohabitation se déroule bien ? Décidément, il y a beaucoup trop de choses que je ne saisis pas dans cette histoire. Malheureusement, je ne peux pas directement lui poser toutes les questions qui me brûlent les lèvres. Nos verres sont encore quasiment pleins alors que nous rejoignons le canapé du salon sur lequel je m’installe confortablement et je prends le parti de commencer doucement, histoire de ne pas le braquer directement. Contre toute attente, j’en apprends bien plus avec ma première interrogation que j’aurais pu l’imaginer. « C’est marrant, je n’ai jamais pensé que mon avis avait réellement de l’importance à tes yeux. » C’est la vérité, lors de notre première rencontre, j’ai eu vraiment la sensation que tout ce qui comptait pour lui c’est qu’Alfie soit heureux de l’accueillir et que j’étais un simple dommage collatéral. « Ne t’excuse pas, t’as juste besoin de temps pour rebondir et nous, on est heureux de pouvoir te filer un coup de main. » Et sur le moment, je pense sincèrement parce que son attitude me touche et me donne envie de l’épauler pour la première fois depuis qu’il est arrivé chez nous. Si j’ai accepté cette cohabitation à contrecœur en imaginant que la présence de Joseph allait forcément compliquer le quotidien, je ne peux pas ignorer quelqu’un dans le besoin et le laisser de côté alors que j’ai les moyens de rendre sa vie plus facile. En plus – et c’est triste à dire –, finalement c’est peut-être sa présence qui empêche que l’atmosphère de l’appartement soit extrêmement pesante en ce moment. « Tu ne savais vraiment pas que j’existais ? Tu veux dire que vous n’étiez plus du tout en contact pendant ton incarcération ? » Parce que c’est quand même ça, l’information importante de tout ce que Joseph vient de me dire, j’ai du mal à croire que des amis aussi proches aient coupé tout contact pendant toutes ces années même en sachant qu’il était en prison. D’ailleurs, c’est justement parce qu’il était en prison que je me serais attendue à ce qu’Alfie lui apporte son soutien, il a le cœur sur la main. Et puis, du coup, compte tenu de leur amitié très forte, j’ai aussi un peu du mal à comprendre pourquoi je n’ai pas entendu parler de Joseph auparavant. Je suis un peu perdue mais Joseph arrive encore à me sortir du sérieux de mes réflexions pour m’arracher un sourire. « Oui, je le sais. » C’est pour ça et des milliers d’autres raisons que je suis tombée amoureuse de lui, je ne risque pas de l’oublier.


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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyDim 28 Avr 2019 - 23:27


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Étonnamment, cette femme a le don de rendre son invité à l’aise. Même si les pensées de Joseph se bousculent, s’insultent entre elles, lui martèlent le crâne d’avertissements qui méritent d’être rappelés, le jeune homme commence lentement à céder à la tentation d’entretenir une simple discussion banale, sans retenue et sans laisser la peur d’échapper une information qui ne devrait pas être révélée le contrôler. Cet alcool, même s’il ne plaît pas particulièrement à ses pauvres papilles gustatives qui hurlent de leur offrir de la Vodka, commence à glisser plus facilement le long de sa gorge sans laisser d’amertume sur son chemin. Il se détend progressivement sans toutefois arriver à décambrer l’entièreté de ses muscles : son dos est encore droit, dressé, mais c’est peut-être parce qu’il souhaite faire bonne impression même si seule sa façon de parler trahit ses manières parfois maladroites. Il n’est pas un gentleman, et il ne l’a jamais été. Juliana l’a probablement remarqué dès le moment où elle a posé ses yeux sur sa carrure courbée, ses cheveux en bataille, ses bras qui ne savent jamais où se placer. Il est un enfant dans le corps d’un adulte, cette information n’échappe à personne. « C’est marrant, je n’ai jamais pensé que mon avis avait réellement de l’importance à tes yeux. » Le visage du garçon s’étire en une expression mélangeant l’étonnement et l’amusement. Il pose machinalement le revers de sa main sur ses lèvres pour s’empêcher de trop dévoiler sa réaction et il se contente de râcler la gorge pour camoufler sa surprise. Évidemment que son avis a de l’importance. Depuis la seconde où Alfie a révélé la présence d’une femme dans sa vie, son avis comptait. Il ne l’avait pas encore rencontrée et il savait déjà qu’il allait devoir se plier à ses désirs si, malheureusement pour lui, elle n’avait pas envie d’un clochard dans son canapé. Pourtant, sa réaction a été positive alors qu’il posait littéralement le pied dans leur vie privée. Ce petit entretien privé qu’elle a eu avec Alfie a probablement influencé son avis quant à la question de laisser un inconnu s’approprier son salon. D’ailleurs, jusqu’à ce jour, Joseph ne comprenait toujours pas pourquoi son ami lui prêtait une telle main forte : il ne lui devait absolument rien. « J’me serais pas permis d’rester si t’avais pas envie d’me voir tous les jours. » Au moins, jusqu’à présent, le squatteur de canapé n’a pas eu besoin de mentir. Ça le rassure, en quelques sortes : l’honnêteté a toujours fait partie de ses valeurs, même s’il lui arrivait quelques fois de dévier les règlements pour ne blesser personne. Un simple mensonge blanc, ce n’est pas grave. « Ne t’excuse pas, t’as juste besoin de temps pour rebondir et nous, on est heureux de pouvoir te filer un coup de main. » Du temps pour rebondir. Il se répète ces quelques mots, comme pour en chercher le sens. Ce n’est pas la première personne qui lui parle de rebond. Pourtant, il n’a jamais eu l’impression de tomber dans un trou. Ou, peut-être n’a-t-il jamais eu l’impression de se trouver au sommet de la montagne. Il esquisse un sourire légèrement forcé, parce qu’il ne croit pas au sens de ses paroles. Certes, Joseph côtoyait la rue avant qu’Alfie n’accepte de l’héberger mais il n’a pas l’impression que c’est en trouvant un appartement ou n’importe quelle sorte de logement qu’il « bondira ». Cela fait longtemps qu’il n’accorde plus d’importance au principe de la possession. Il a perdu la moindre trace d’intimité qu’il lui restait en prison. Ce qu’il lui faut, c’est quelque chose pour illuminer ses journées. « Tu ne savais vraiment pas que j’existais ? Tu veux dire que vous n’étiez plus du tout en contact pendant ton incarcération ? »  Voilà que la question est déjà plus personnelle. Elle aborde pour la première fois le sujet de la relation amicale qu’il entretient avec Alfie. Il avale une gorgée de whiskey en détournant les yeux, faisant danser sa langue dans sa bouche avant de la laisser d’exprimer. « Pas… Pas réellement non. Il m’a envoyé un cadeau, une fois, mais il n’est jamais v’nu m’voir. J’lui en veux pas, personne n’a envie d’mettre le pied dans une prison, même si ce n’est que pour saluer un détenu. C’est un endroit qui fait peur. » Il réfléchit un moment, se posant réellement la question. Peut-être que son ami était bien trop occupé pour venir le voir. Il n’a pour autant jamais douté de la solidité de leur lien. « Si tu veux savoir pourquoi il n’est jamais venu, tu devras lui poser la question à lui. J’connais pas entièrement sa vie. Mais c’est un type occupé, à c’qu’il parait. Il a toujours été comme ça. Il est partout à la fois. Du moins, il était comme ça avant. J’ai l’impression qu’il est plus stable. » Il sourit en coin : « Et j’suis certain qu’il a changé quand t’es entrée dans sa vie, j’me trompe ? Il ne pouvait plus courir de pays en pays avec des pansements. » Il l’interroge du regard pendant un court moment, jusqu’à ce qu’il remarque le ballon rouge ambulant dans son angle de vue. Odie ! Joseph ne peut retenir sa joie qui se traduit par un large sourire sur ses lèvres. Ce n’est que lorsque Juliana se tourne vers le reptile pour comprendre ce qu’il se passe qu’il lance : « Désolé, réflexe ! J’aime trop les animaux. » Voilà un bon moyen de dévier la discussion. Il sait qu’il doit éviter à tout prix de parler trop longtemps de lui et Alfie en tant que duo. Après avoir bu une énième gorgée de mojito, il sent la chaleur monter en vagues dans son corps et il comprend que l’alcool commence à envahir son sang. Il dézippe sa veste sans pour autant la retirer afin de faire circuler un peu d’air ventilé entre les couches de ses vêtements. « T’aimes bien, toi ? » Il se sent de nouveau en maternelle, à engager des discussions complètement superficielles et si… inoffensives. Pourtant, il ne trouve pas de meilleur moyen pour éviter de se lancer dans la discussion tabou.              

   
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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyJeu 2 Mai 2019 - 14:56



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A l’origine, cette soirée devait avoir lieu pour que je puisse cuisiner Joseph et en apprendre davantage sur le secret que les deux amis me cachent et finalement, en discutant de sujets qui pourraient sembler sans importance, je suis doucement en train de changer d’avis sur lui et je le vois un peu moins comme le type sans-gêne qui s’est imposé chez moi sans le moindre scrupule. Pourtant, il m’avait vraiment fait mauvaise impression quand je l’ai rencontré, j’avais la sensation d’être soit transparente, soit que ma présence était tout sauf désirée. J’ai bien conscience qu’il ne s’attendait pas spécialement à me voir, ce que j’ai un peu de mal à comprendre, d’ailleurs, mais de là à me traiter comme une sorte d’extra-terrestre, c’est peut-être un peu excessif. Finalement, il est presque surprenant qu’il ait accepté le verre que je lui proposais, mais c’est une bonne chose car même si cette soirée ne me permet pas d’atteindre le but recherché, j’aurais au moins réussi à le voir différemment. Bien sûr, j’espère quand même que je réussirais à en apprendre davantage mais j’ai conscience que cette mission peut s’avérer vraiment compliquée parce que si tous les deux ont réussi à garder le silence jusqu’ici, j’imagine que ce n’est pas parce qu’ils meurent d’envie que j’en apprenne davantage sur le lien qui les unit. En plus, il est tout à fait envisageable que je n’apprenne rien pour la bonne et simple raison que je me fais des films et qu’il n’y a juste rien à dire de particulier. Cependant, j’en doute, parce que leur attitude lors du premier diner que nous avons partagé était vraiment trop bizarre pour que ça ne cache pas quelque chose que je n’ai pas su percevoir à ce moment-là. « Dire que j’ai envie de te voir tous les jours, serait peut-être un poil excessif. » Je souris, plaisantant gentiment sur les termes qu’il vient de choisir, sachant pertinemment qu’il commence à connaitre mon sens de l’humour parfois discutable et qu’il ne s’offusquera probablement pas de mon commentaire. « Mais c’est bien que tu sois là. » Parce qu’il est mieux chez nous qu’errant dans les rues de Brisbane, parce que ça fait plaisir à Alfie de retrouver son ami et parce que j’ai vraiment envie qu’il réussisse à retrouver un sens à sa vie. J’ignore tout de ce garçon, mais j’ai du mal à le voir comme un criminel, il me fait plutôt l’effet d’un petit enfant un peu perdu qui a du mal à ne pas céder à ses envies et qui n’a personne pour réussir à l’aider à les canaliser. J’observe tout ça de loin, parce que je sais que je n’ai pas à m’immiscer dans sa vie, mais je trouve toujours dommage de voir des gens gâcher leur potentiel comme il le fait.

Lorsque le sujet dévie sur ses années de prison et la présence d’Alfie dans cette histoire, je prête une oreille attentive à son récit, cherchant à capter chaque détail qui pourrait m’orienter sur une faille ou quelque chose que j’ignore. J’ai rapidement de quoi m’étonner puisque j’apprends qu’il a envoyé un cadeau à Joseph. Je ne sais pas du tout pendant combien de temps il est resté en prison du coup je ne peux pas vraiment dire si c’est un problème de ne pas avoir été mise dans la confidence. Je reste tout de même étonnée de ne pas avoir entendu parler de Joseph une seule fois en trois ans. « Ce ne sont pas les prisons qui me font peur, ce sont les gens, c’est beaucoup plus facile de s’imaginer que ce sont les mauvaises personnes qui vont en prison et pas que ce sont des personnes bien qui ont juste fait des erreurs ou même qui parfois, ne le méritent pas du tout. » Parce que vivre dans un monde où on peut tout bêtement penser que tout est soit tout noir, soit tout blanc est simple et facile à accepter. J’ai toujours eu peur d’être capable de m’attacher aux détenus en mettant les pieds dans une prison, c’est pour ça que je n’ai jamais voulu être cette bénévole qui écrit et lit aux personnes ayant écopées de plusieurs mois ou années d’enfermement. Bien entendu, mes propos ne sont pas dirigés directement contre Joseph et je n’ai pas du tout réalisé qu’il pourrait mal prendre ce que je viens de dire. Comme d’habitude, l’alcool, même au bout de quelques gorgées, a cet effet désinhibant qui supprime malgré moi les filtres que j’aurais sans doute imposés à mon esprit en temps normal. Je ne peux retenir une expression étonnée lorsque Joseph aborde une plus grande stabilité dans la vie d’Alfie mais je m’abstiens de tout commentaire, désireuse d’éviter un terrain glissant alors que nos verres n’ont pas encore été vidés un assez grand nombre de fois pour que je sois certaine que Joseph est assez alcoolisé pour devenir plus bavard. Mais finalement, lorsqu’il enchaine sur l’impact de mon entrée dans la vie d’Alfie, je regrette de ne pas l’avoir coupé en lui posant davantage de questions. Il touche, probablement sans le savoir, un point sensible. Je sais que je ne peux pas laisser son interrogation sans réponse parce que répondre à ses questions est probablement le moins que je puisse faire et que mon esprit, légèrement embrumé, ne me permettra pas d’éluder si facilement. « Il voyageait moins au tout début, mais il a repris après. » J’admets sans aucune joie, appréciant difficilement ce retour dans un passé pas si lointain qui est encore si difficile à encaisser aujourd’hui. « Maintenant, il a totalement arrêté. » A cause de moi. Si je ne veux pas vraiment en parler c’est parce que je déteste devoir me souvenir que je suis la coupable dans cette histoire et que c’est moi qui lui ai coupé les ailes parce que je ne pouvais pas voler avec lui. Joseph a tort lorsqu’il prétend qu’il ne pouvait plus le faire, il en était totalement capable, je lui ai imposé ma volonté, voilà la vérité. « Tu as voyagé, toi aussi ? » Encore une de ces questions anodines destinée à m’en apprendre davantage sur le lien l’unissant à Alfie. Qu’ont-ils vécu ensemble ? Qu’est-ce qui les a rapprochés ? Qu’est-ce qui les a éloignés ? Je veux savoir et j’aimerais vraiment pouvoir tout simplement lui demander directement mais il est trop tôt pour ça. Malheureusement pour moi, la traversée du salon d’Odie crée une diversion que Joseph saisit au vol alors que j’avale plusieurs gorgées de mon mojito. Son enthousiasme serait presque contagieux si je n’étais pas aussi concentrée sur mon plan initial. « J’ai appris à les aimer. » La vraie réponse aurait sûrement été j’aime Alfie qui justifie mon affection pour les animaux parce que sans lui je n’aurais probablement jamais envisagé de m’entourer de toutes ces petites bestioles, mais je dois reconnaitre que je m’y attache, un peu malgré moi. « Normalement, le prochain c’est un alpaga, mais j’essaie de faire comprendre à Alfie qu’il va se sentir un peu à l’étroit sur le balcon. » Je sais que je ne lui enlèverais pas facilement cette idée de la tête, mais je tiens bon, pour le moment, bien décidée à échapper à cet envahisseur bien plus imposant que les précédents. « Tu en as déjà adopté, des animaux ? » Retournons dans le passé, s’il-te-plait, c’est ça qui m’intéresse


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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyMar 7 Mai 2019 - 0:38


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S’il ne savait pas que Juliana n’était pas au courant pour le passé tumultueux de son petit ami, Joseph ne se douterait pas une seule seconde que ses intentions, en lui offrant de l’alcool, étaient d’en apprendre davantage sur Alfie. Il se serait même senti honoré de capter l’attention d’une femme respectable tellement il en a côtoyé peu. Mais, malgré toutes ces questions personnelles qu’elle lui posait, il savait que son intérêt n’était pas là où il devrait l’être. Toutefois, Joseph essaye quand même de se convaincre que la prison ne l’a pas transformé en homme très peu intéressant qui ne mérite pas de raconter sa vie. Il en aurait, des choses, à dire. Il en a vu de toutes les couleurs, il a passé des journées merveilleuses comme des moments qu’il préférerait oublier et, la plus grande corrélation dans tous les événements qui se sont passés dans sa vie est qu’il ne peut pas en parler. Alors il péguait dans la boue, n’avance pas vraiment, mais contourne l’essentiel des questions en les renvoyant rapidement à Juliana. Il en a l’habitude : il a juré sur sa vie de ne jamais mentionner le gang et, son enfance, il en a tellement honte qu’il n’apporte jamais le sujet sur la table. Avec le temps, il a appris à s’intéresser davantage à son interlocuteur, assez pour faire croitre en lui l’impression que tout le monde a une plus grande valeur que lui. C’est la vérité, du moins, du point de vue de ses parents et de la justice. « Dire que j’ai envie de te voir tous les jours, serait peut-être un poil excessif. » Il esquisse un sourire et balaie l’air du revers de la main. « Tu as compris ce que je voulais dire. » À ses prochains mots, il déglutit et hoche légèrement la tête en portant son verre à ses lèvres pour s’empêcher la parole. Oui, c’est bien qu’il ait un toit au-dessus de la tête pour empêcher les oiseaux de chier en plein milieu de son front, pour se protéger des averses parfois brutales en hiver ou pour éviter d’accumuler ces regards pétrifiants lorsqu’il s’endort sur le banc d’un parc. La vie à la rue l’a toujours effrayé, assez pour l’empêcher de dormir pendant plusieurs jours de suites, jusqu’à sombrer d’épuisement. Il ne pourrait jamais remercier Alfie, et Juliana, de l’accueillir au chaud dans leur appartement sans poser trop de questions sur les raisons de sa situation. « Ce ne sont pas les prisons qui me font peur, ce sont les gens, c’est beaucoup plus facile de s’imaginer que ce sont les mauvaises personnes qui vont en prison et pas que ce sont des personnes bien qui ont juste fait des erreurs ou même qui parfois, ne le méritent pas du tout. »  Pendant un moment, il fait tourner en boucle dans sa tête cette réponse qui le prend par surprise. Il ne s’attendait pas à une telle franchise, mais il n’est pas pour autant vexé. Il sait qu’il n’a pas fait les bons choix dans sa vie et il n’a pas besoin de crier sur tous les toits son innocence. Il n’est pas un homme mauvais. Il n’a jamais souhaité de mal à personne (sauf à cet imbécile qui l’a coupé dans la queue alors qu’il attendait depuis déjà quinze minutes pour commander un stupide plat thaï). Il a seulement défié les lois parce qu’il a appris à lutter contre l’autorité, il a appris à se bâtir une carapace dans laquelle il se replie lorsqu’il regrette des gestes. « Ouais, y’a des mauvaises personnes en prison. Des violeurs, des tueurs, j’en ai vu plusieurs. Mais les vraies bêtes sont les hommes qui se sont pris perpétuité, ou ceux qui vantent les atrocités qu’ils ont faites. Pour les autres… je continue de m’donner espoir en m’disant que j’suis pas le seul qui a emprunté la mauvaise voie. » Il hausse les épaules, sachant pertinemment qu’il vient de mettre la faute de ses actes sur de simples mauvais choix. Il sait qu’il ne ment pas, il sait qu’il n’est pas un virus dans un réseau informatique. Il n’est qu’un câble branché au mauvais endroit. Rapidement, il dévie le sujet vers Juliana pour éviter de la laisser s’enfoncer davantage dans sa vie privée. Étrangement, il sent qu’il a tapé dans un point sensible et cela l’intrigue. Il note le timbre de sa voix plus direct, sérieux, et il interroge la jeune femme du regard tandis qu’elle conclu en affirmant qu’Alfie ne voyage plus du tout depuis qu’elle et lui se fréquentent. « Tu n’avais pas envie d’le suivre ? C'est probablement pas un boulot de bibliothécaire qui aurait pu te coincer ici. À mon souvenir, Alfie vivait pour voyager. J’me souviens ses yeux pleins d’étoiles quand il m’racontait sa dernière aventure. » Enfin, il replie sa jambe, jusqu’à présent étendue, vers lui, se trouvant à son tour en tailleur. Ce n’est pas l’alcool qui le rend plus confortable : c’est plutôt cette impression de ne plus être le centre d’attention. Malheureusement, il fête sa victoire bien trop tôt. « Tu as voyagé, toi aussi ? » Il aimerait voyager, Joseph. À l’instant où il a posé le pied en prison, il s’est senti percuté d’un désir profond de ne plus jamais perdre sa liberté. En visitant d’autres pays, il se délierait des liens qui le retiennent à Brisbane depuis qu’il s’est installé dans cette ville. « Non. » Sa réponse est courte car elle se veut restreignant. Il limite le sujet dans un filet de bornes. Et, comme si le hasard désirait l’aider dans sa quête, Odie fait son apparition dans le salon, attachée à son habituel ballon qui la suit là où elle pose les pattes. « J’ai appris à les aimer. »  Elle a donc fait un sacrifice, de son côté. « Normalement, le prochain c’est un alpaga, mais j’essaie de faire comprendre à Alfie qu’il va se sentir un peu à l’étroit sur le balcon. »  Surpris par cette blague, Joseph plaque le revers de sa main pour empêcher son rire alimenté par l’alcool de s’échapper trop fortement. Il ricane plusieurs secondes, sa poitrine se gonflant et se dégonflant rapidement sans qu’il ne puisse la contrôler, et il retrouve son calme. « T’es marrante, en fait. Les premières blagues que t’as faites m’faisaient très peur mais, ça va, j’ai plus envie d’fuir maintenant. » Finalement libéré de ce fou rire, il soupire fortement, sentant ses membres lourds s’enfoncer dans le canapé. Tandis qu’il pose ses lèvres sur son verre, Juliana lui pose une énième question et, distrait, il ne se rend pas compte qu’il termine sa consommation d’une seule énorme gorgée. « J’avais deux vaches quand j’étais jeune. J’t’assure, j’les laissais pas sur le balcon. Elles avaient un immense champ pour brouter à longueur de journée. » Il marque une pause, les deux yeux posés sur le sol, comme s’ils tentaient de s’accrocher à un souvenir. « Les poules étaient à ma sœur. » Il redresse la tête, croise le regard de Juliana et lui présente son verre vide en souriant de manière innocente. « T’aurais pas d’la vodka, par hasard ? Si tu veux t’amuser avec moi, il faut me saouler avec de la vodka. »                
   
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Dernière édition par Joseph Keegan le Mar 7 Mai 2019 - 15:32, édité 1 fois
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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyMar 7 Mai 2019 - 14:05



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Peut-on se montrer trop honnête avec quelqu’un ? Il est vrai que j’ai appris à ne pas divulguer mes pensées brutes lorsque ces dernières ne sont pas trop appropriées compte tenu de la conversation en cours mais alors que nous avons commencé à boire, mon cerveau se permet de laisser échapper des informations un peu trop franches que j’aurais sans doute réussi à retenir en temps normal. Joseph n’a pas l’air de s’en offusquer, et j’en suis la première surprise, m’apprêtant presque à m’excuser pour les propos que j’ai tenu lorsqu’il m’aura fait réaliser que j’ai sans doute exprimé un peu trop facilement le fond de ma pensée. Il n’en fait rien et notre conversation devient plus profonde alors que nous abordons un aspect de sa vie auquel je refusais de faire référence parce que je ne voulais surtout pas le mettre mal à l’aise. « Et ça fait quoi alors, d’être un faux criminel parmi les vrais ? » Parce que c’est ce qu’il est, non ? Une erreur de casting parmi tant d’autres, le garçon qui s’est retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, à faire les mauvaises actions. Je ne sais pas quels motifs l’ont conduit en prison, ni combien de temps il y est resté, et je crois que je ne me permettrais jamais de lui poser la question. Pourtant, ce que je lui demande est bien plus intrusif mais l’alcool fait des merveilles quand il s’agit de supprimer des filtres pourtant utiles dans la vie de tous les jours. Pour ce qui est de Joseph, je ne pense pas qu’il ait besoin de boire quoi que ce soit pour mettre les pieds dans le plat et lorsque le sujet du travail d’Alfie est abordé, je sais déjà que la discussion qui va suivre ne va pas me plaire. Pourtant, j’ai vraiment essayé d’écarter calmement mais sûrement cette pente glissante sur laquelle Joseph s’est aventurée mais il fait fi de mon évidente réticence et continue sur sa lancée. Chacune de ses phrases à l’effet d’un coup de massue. Alfie vivait pour voyager Alors en supprimant ses voyages, je lui ai ôté ce qui faisait sa vie ? C’est ce qu’il essaie de me dire ? Est-ce Alfie lui-même qui lui a demandé de me dire ça ? Dans ce cas, il aurait suffi qu’il vienne m’en parler lui-même. Est-ce que je l’aurais accepté ? J’aimerais me dire que oui, bien sûr, mais au fond je sais que ça aurait été très compliqué. Ses yeux plein d’étoiles. Joseph continue sur sa lancée, enfonçant le clou encore et toujours plus profondément alors que la plaie laissée par le choix que j’ai imposé à Alfie ne s’est jamais vraiment refermée. Arrête, je t’en prie, arrête. Voilà ce que mon subconscient me hurle de lui dire, mais je résiste, bien que j’ai conscience de ne pas vraiment parvenir à dissimuler mes émotions. « Ce n’est pas aussi simple que ça. » Je pourrais m’offusquer contre lui pour avoir dénigré délibérément mon travail qu’il n’a même pas été fichu de retenir correctement, mais c’est le sentiment de culpabilité qui domine et l’envie de me justifier prime sur mon ego pourtant mis à mal. « On ne devient pas anthropologue parce qu’on a envie de voyager, c’est une vocation. » Et ce n’est pas la mienne, mais je n’avais pas pour autant le droit de le lui enlever. Joseph semble trouver tout à fait normal que je sois prête à renoncer à ma vie et à mes rêves pour suivre ceux d’Alfie et je devrais sans doute être énervée qu’il voit les choses de cette façon, mais je ne peux pas vraiment parce que c’est ce que j’ai fait, finalement, j’ai poussé mon petit-ami à abandonner ses projets pour ne pas avoir à renoncer aux miens. Je suis un monstre. « Toutes ses aventures l’ont marqué. » J’insiste volontairement sur le terme qu’il a employé et avec lequel je suis en total désaccord. Jouer avec sa vie n’a rien d’une aventure, c’est une tentative de suicide pure et simple et il a bien failli réussir. « Je n’arrive pas à ouvrir une boite de conserve toute seule, je ne pourrais pas faire le dixième de ce qu’il faisait. » Le sourire sans joie qui apparait péniblement sur mon visage ne trompe personne et cette tentative de plaisanterie pour alléger le sérieux du sujet abordé ne me permet pas de me détendre.

Ma piètre tentative pour le pousser à rebondir sur le sujet à son tour et ainsi dévier la conversation n’a pas beaucoup de succès mais bien que la réponse qu’il me donne aurait dû me pousser à abandonner, le désir de dévier la conversation vers lui est nettement plus fort. « Pourquoi ? » Les possibilités sont multiples et sa volonté de ne pas m’en dire plus peut évidemment être un réel obstacle à la poursuite de mon investigation. J’aurais sûrement dû lâcher l’affaire, tenter de rebondir sur quelque chose de différent, détourner la conversation, mais c’était beaucoup trop tentant. C’est finalement l’humour qui vient me sauver la mise grâce à Odie qui, sans le savoir, vient alléger l’atmosphère qui commençait à devenir presque étouffante. Si on m’avait dit que cette tortue aurait une utilité un jour, je ne l’aurais sûrement pas cru. Quoi que, ces derniers temps, je me surprends à la prendre sur mes genoux pour lui raconter ma journée de travail quand personne n’est à la maison, ce qui arrive un peu trop souvent à mon goût. Le fou-rire de Joseph me surprend et me fait sourire, il ne réalise sûrement pas à quel point je suis sérieuse, pourtant c’est réellement le genre de conversation que je peux avoir avec Alfie, le plus normalement du monde. Sans le vouloir, j’ai détendu tout le monde et sa confidence me fait éclater de rire à mon tour, parce que je n’imagine tellement pas pouvoir faire peur à qui que ce soit, ça me parait surréaliste. « Je savais bien que je te faisais flipper. » Il faut dire que se prétendre flic devant un ancien détenu venu demander asile n’était probablement pas la meilleure chose à faire, mais j’essayais vraiment de le mettre à l’aise, aussi étrange que ça puisse paraitre. « De toute façon, je suis adorable, je te jure, t’as aucune raison de t’enfuir. » Enfin, c’est ce que je prétends, la réalité est peut-être toute autre et mes proches se sont bien gardés de me le dire. « Et comme t’es finalement plus sympa que tu en as l’air, je te promets de ne pas t’enfermer à la cave tout de suite. » Non pas qu’il soit dans mes habitudes d’enfermer les gens à la cave, mais j’ai ma réputation de femme effrayante à entretenir alors je fais du mieux que je peux pour avoir l’air un peu impressionnante. Mon mojito descend doucement et malgré le faible dosage d’alcool dans le verre, je prends doucement conscience qu’il vaut mieux que j’évite de le descendre trop vite et surtout d’en avaler quatre comme ça. « Elles s’appelaient comment, tes vaches ? » Information ô combien capitale, il faut bien le reconnaitre. Je ne sais pas comment je suis passée de mon envie de déterrer les secrets du passé à celle de connaitre les prénoms des vaches de compagnie de Joseph. Je crois que j’ai un sérieux problème. « Vous viviez dans une ferme ? » Et il a une sœur, elle non plus je n’en ai jamais entendu parler, mais je suppose qu’Alfie doit la connaitre s’il s’agit réellement d’un vieil ami. Le verre vide de Joseph me surprend puisque, prise par la conversation, je ne l’avais pas vu le finir. Je déplie mes jambes pour me lever, conscience avec ce que vient de me dire Joseph que celui-ci n’est pas dupe quant à la raison de cette petite soirée improvisée. Je suis vraiment une piètre actrice. « Je dois avoir ça, je reviens. » Un bref aller-retour dans la cuisine me permet d’apporter un fond de vodka certainement suffisante pour que n’importe quel adulte lambda finisse en position latérale de sécurité après en avoir absorbé la totalité. « Tu la bois pure ? » La grimace qui se lit sur mon visage prouve une fois de plus que je suis une petite nature et que je n’ai pas du tout l’habitude de ce genre de choses. « Tu m’en voudras pas si je reste aux mojitos, je tiens à conserver ma dignité intacte. » Et je suis une maniaque du contrôle qui ne supporte pas l’idée de lâcher prise, donc dans une situation où je tiens à mener la conversation – ce qui pour le moment est un échec, qu’on se le dise – il est évident que je ne peux pas me permettre de finir complètement déchirée. « Il faut que tu sois saoule pour être capable de t’amuser ? Je te fais vraiment peur, en fait. » Ou alors, il a peur des révélations qui pourraient sortir de sa bouche, ces mêmes révélations dont j’ignore la réelle existence mais que je tiens tellement à obtenir.


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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptySam 11 Mai 2019 - 1:14


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« Et ça fait quoi alors, d’être un faux criminel parmi les vrais ? » Son regard s’obscurcit légèrement sans qu’il ne puisse l’en empêcher. Pendant un moment, il fixe les deux iris foncées de Juliana, comme s’il tentait d’y trouver une réponse à donner. Il ne pense pas que la question a lieu d’être. Il ne pense pas être un faux criminel : il a mérité ce qu’il a obtenu en décidant de contourner les règles pour chercher un semblant de stabilité qu’il l’a aveuglé pendant dix ans. Le regrette-t-il ? Non. Il referait exactement comme il a fait. Il a trouvé des amis, des gens qui n’avaient pas peur d’être qui ils étaient, des gens qui cachaient du courage franc au fond de leur cœur, des gens qui voyaient dans la noirceur et qui captaient que quelque chose a toujours cloché, quelque part. Aux yeux de Joseph, les manthas avaient été une porte ouverte vers la véritable liberté. Pas cette fausse liberté que les télévisions vendent. Personne n’a jamais porté de masque dans le gang : tous se réveillaient le matin avec le visage qu’ils porteraient le reste de la journée. Pas d’artifices, pas de paillettes : juste la vérité. « J’sais pas si on peut me décrire comme un faux criminel… » Il marque une pause, se mordille la lèvre inférieure en réfléchissant aux mots à employer pour ne pas paraître si… différent. « La grande différence entre la prison et la liberté, ce sont les faux visages. Il n’y a que acteurs en ville. Des gens qui prétendent être heureux d’vant les autres pour ne pas ruiner leurs chances d’avoir une promotion au boulot. Parce qu’ils pensent que l’argent vont sécher leurs larmes. J’vais te dire pourquoi j’ai toujours aimé Alfie : il se fiche complètement de l’opinion des autres. On se ressemble sur ce point. Que je sois un vrai, ou un faux criminel, il s’en fiche, j’m’en fiche, et on tourne la page. » Après avoir avalé une gorgée de mojito pour hydrater sa gorge, il souffle en secouant la tête : « J’pense que j’ai divergé du sujet. Mais t’as compris où j’veux en venir. J’me fiche complètement du statut que j’ai. » Sa gorge se noue et il se pince les lèvres car il ne dit pas complètement la vérité. S’il dit ne pas se soucier de l’avis des autres, il est le premier à éviter de demander de l’aide car il a peur de montrer sa faiblesse. Peur de donner raison à son père quand il a dit que jamais il ne deviendrait quelqu’un. Inconfortable dans ce brouhaha de pensées qui le bousculent, il est bien rassuré lorsqu’il peut à son tour poser des questions à Juliana. Il ne ressent pas tout de suite la retenue de la jeune femme quant à ses propos qui ne se veulent pas méprisants. Il ne sait pas ce qu’il se cache derrière la relation d’Alfie et sa copine : comment pourrait-il deviner qu’elle s’en veut de lui avoir cloué les pieds à Brisbane ? Il l’écoute attentivement, s’empêchant même de respirer tellement il sent la tension naissante dans la pièce. Il sent qu’il a dit quelque chose de mal mais il n’arrive pas à comprendre. « Toutes ses aventures l’ont marqué. » Son regard se fait davantage intéressé. Pourquoi insiste-t-elle sur ce mot comme si elle n’en croyait pas la signification ? « Tous les êtres humains sont marqués… C’est la recette même d’un être humain. Je suis certain que toi aussi t’as des cicatrices à quelques part. » Un sourire vain étire ses lèvres l’espace d’une seconde lorsqu’elle précise qu’elle n’arrive pas à ouvrir une boîte de conserve et il secoue la tête en haussant les épaules. « Non, moi non plus j’arriverais pas à faire c’qu’il a fait. Faut pas que tu t’en veuilles d’être incapable de laisser passer les autres avant toi. On est tous un peu égoïstes, au fond. Sauf Alfie. Lui il serait prêt à sauter devant un train pour sauver un cactus en pot. » Il ajoute, en murmurant, comme s’il lui dévoilait un secret : « Et c’est pour ça qu’il a pas hésité à m’laisser votre canapé. »

Il dévie rapidement la question des voyages en répondant simplement que, non, il n’a jamais voyagé. Voyant que Juliana n’a pas l’intention de le laisser s’échapper avec cette simple négation, il glousse et bascule la tête de droite à gauche : « Parce que ! » J’étais coincé dans un gang. J’ai jamais eu l’argent pour partir. J’ai pas mon passeport. Tant de réponses qui ne peuvent pas être dictées à voix haute ! Lorsque Juliana arrive à le faire rire à gorge déployée, il ne se gêne pas pour la féliciter et pour la rassurer : finalement, elle ne fait pas si peur que ça. Ses yeux s’illuminent comme ceux d’un enfant découvrant une surprise sous son oreiller. « C’est gentil, les caves, c’est poussiéreux. Vous m’aurez entendu éternuer à longueur de journée. » Sans qu’il ne s’y soit attendu, le voilà qu’il révèle une partie de son enfance, celle qu’il essaye de cacher à lui-même. Ce n’est pas si mal : l’alcool lui a simplement fait révéler l’existence de deux vaches probablement enterrées six pieds sous terre depuis le temps. « Cheesecake et milkshake. Original, hein ? » Il ricane, ayant oublié à quel point ces noms à base de produit laitier étaient ridicules. Mais, même si leur nom n’avait rien d’extraordinaire, il les a toujours aimées, ces vaches. « Ouais. Mais j’pense que j’ai toujours été fait pour la ville. » Il ne pourrait pas sortir en boîte et faire la fête jusqu’à s’évanouir de fatigue s’il habitait encore en campagne. Après avoir vidé son verre en un clin d’œil, il quémande une seconde consommation qui serait plus à son goût et la réponse de Juliana le fait sourire. Satisfait, il se redresse sur le canapé en l’observant disparaître dans la cuisine et, quand elle revient accompagnée de la précieuse bouteille de Vodka, il tend immédiatement son verre, impatient. « Yep, pure comme de l’eau de roche. » S’il n’était pas légèrement sous l’influence de l’alcool, il remarquerait probablement qu’il vient de dénaturer la célèbre expression. Lorsque son verre est de nouveau plein, il se replace confortablement dans le canapé en secouant la tête : « Tu fais comme tu veux, mais je t’assure que ma dignité restera intacte elle aussi ! Il me faut plus que ça pour regretter. » Il lui lance un clin d’œil provocateur, oubliant presque qu’il y a certains sujets qui ne doivent pas être évoqués, ce soir. Après avoir posé son verre sur la table basse, il se contorsionne maladroitement pour retirer sa veste qui commençait à l’étouffer. Ses esprits sont bien trop ailleurs. Il ne se souvient pas la réelle utilité de ce vêtement : cacher ses marques à lui. « T’inquiète, je peux m’amuser sans alcool, mais j’ai un humour trop noir pour une fille aussi sage que toi ! Une fois bourré, je fais des blagues de Toto incroyables ! » Il tend le bras vers son verre, le récupère et avale une généreuse gorgée qui réconforte ses pupilles gustatives qui n’attendaient que ce goût horriblement appréciable.  
       
   
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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyDim 12 Mai 2019 - 5:59



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La criminalité, la prison, la justice et tous les termes similaires sont associés à un monde que je ne suis pas en mesure de maitriser parce que je n’arrive pas à accepter l’idée qu’on puisse vouloir faire du mal aux gens que ce soit physiquement ou moralement. Bien sûr, les hommes peuvent faire des erreurs mais pour se retrouver en prison, il faut avoir fait plus qu’une simple petite bêtise qui peut être réparée en demandant pardon. J’ai bien conscience que parfois on peut être emprisonné suite à des affaires de drogue, d’alcool ou autres fait qui n’ont pas une incidence directement néfaste sur autrui et qui sont simplement à l’encontre des lois écrites, mais quand je vois les ravages que peuvent faire ces substances, j’ai du mal à comprendre ce qu’elles ont d’attirant. Je ne suis pas la dernière à bouder un verre, de temps en temps, mais il faut savoir être raisonnable. Cependant, j’entends les explications données par Joseph, même si je ne suis pas en mesure de véritablement la comprendre. Comment peut-il imaginer que tous ceux qui évitent la prison sont des êtres malheureux qui donnent le change en montrant de faux visages ? Parce qu’il faut nécessairement commettre des actes allant à l’encontre des règles de la société pour trouver le bonheur ? Etrangement, à cet instant précis, il me fait penser à Harvey. Ils ont l’air aussi tristes tous les deux et aussi désabusés par le monde qui les entoure. Personne ne se fiche réellement de l’opinion des autres et heureusement d’ailleurs, avoir un tel désintérêt pour autrui serait forcément quelque chose de dangereux, mais est-ce qu’on peut vraiment s’aventurer dans pareil débat ce soir ? Je me détournerais de mon objectif en le faisant et même si je ne suis pas d’accord non plus avec le portait qu’il dépeint d’Alfie à cet instant précis, je n’ai pas l’intention de me mesurer à son ami d’enfance pour tenter de répondre à une question à laquelle le seul le principal intéressé peut répondre. « J’imagine que même si l’opinion des autres t’importe peu, celle que tu as de toi-même a une valeur ? » Parce que s’il se fiche que les gens le voient comme un vrai criminel ou comme un faux criminel, lui-même peut y accorder de l’importance, mais c’est sans doute pousser un peu trop loin l’introspection et je ne suis pas sûre qu’il soit véritablement prêt à discuter de tout cela avec moi. Je m’étais promis de ne pas aborder le sujet de son incarcération et je m’en veux un peu d’en être arrivée là. Malgré tout, ça m’intéresse vraiment, parce qu’au fond, je suis persuadée que Joseph est quelqu’un de bien et je n’arrive pas du tout à imaginer ce qui l’a conduit jusqu’ici. Comment est-il passé de l’église tous les dimanches matin à une cellule ? C’est une question à laquelle je ne pourrais certainement jamais répondre, tout comme je ne pourrais jamais comprendre que les proches d’Alfie envisagent son métier comme une aventure fabuleuse et merveilleuse alors qu’il s’agit d’un combat de chaque instant. « Et qu’est-ce qu’elles apportent ces cicatrices ? » Il n’a pas tort Joseph, j’ai moi-même mes cicatrices, parce que je me suis déjà brûlée avec une casserole trop chaude et que j’ai fait une chute un peu plus violente que les autres dans la cour de l’école étant petite, mais ça n’a rien à voir avec les dangers affrontés par Alfie, ce n’est pas comparable. Et si la tournure que prend la conversation est loin de me plaire, la suite est pire encore et les mots prononcés par le jeune homme résonnent dans ma tête. J’aimerais le contredire mais au fond, je sais qu’il a parfaitement raison, j’ai été égoïste et je le suis encore à présent alors que j’espère que notre vie évoluera dans le sens que je souhaite sans lui avoir demandé au préalable si c’est quelque chose qu’il veut aussi. « La question n’est pas de réussir à faire passer les autres avant soi. » Bien sûr que si, mais il n’y a pas que ça, évidemment, ce sont surtout les risques qu’il prend qui me poussent à agir de la sorte. « C’est de réussir à surmonter la peur de recevoir ce fameux appel qui m’annonce qu’il est mort. » Sans mojito, je crois que je n’aurais jamais réussi à prononcer cette phrase parce que je n’ai jamais vraiment réussi à envisager que ce soit une possibilité, mais ça l’est, je suis terrorisée à l’idée qu’il reparte sur le terrain parce que le dernier accident a été l’accident de trop. « Je n’en suis pas capable. » Et on en revient à ce que Joseph disait tout à l’heure, ça fait de moi une égoïste et j’aimerais sincèrement réussir à agir autrement.

Rebondir sur un sujet plus joyeux est une délivrance mais mon insistance concernant les voyages fait un nouveau flop et j’abandonne l’idée de poser davantage de questions à ce sujet, profitant pleinement de l’intervention d’Odie pour retrouver le sourire et adopter un ton plus joyeux. Je ne pensais pas que cette soirée serait aussi dure et qu’elle me pousserait autant à réfléchir, il faut croire que je me suis trompée. « Mais non, voyons, j’aurais au moins pris la peine de faire le ménage avant de t’y installer, pour qui tu me prends ? » Aire  faussement choqué sur le visage alors que je commence simplement à me dire qu’aménager la cave en un appartement provisoire pour Joseph n’aurait pas été une si mauvaise idée que ça, finalement et que ça nous aurait permis de préserver davantage notre vie de couple. Toutefois, je n’aurais évidemment jamais proposé une telle idée à Alfie, je pense que ça aurait été un motif tout à fait valable pour me faire virer de chez nous. Et sans cette cohabitation, je n’aurais jamais eu connaissance de ces noms de vaches qui me font évidemment éclater de rire. « J’adore. » Je précise, entre deux éclats de rire, imaginant Joseph se balader avec ses deux vaches en leur parlant comme à des camarades à coup de « non Cheesecake, on ne va pas par là aujourd’hui » ou « Milkshake je t’ai déjà dit cent fois de ne pas me regarder avec ses yeux là, tu sais bien que je ne peux rien te refuser ». Je comprends son désir de vivre en ville, malgré tout, parce que la campagne n’est pas adaptée à tout le monde et que je ne me verrais pas y renoncer. J’aime les matins bruyants où tout Brisbane est en effervescence, j’aime devoir slalomer entre toutes les personnes pressées qui tentent d’attraper leur bus à la dernière minute et j’aime me dire que chaque jour, je verrais de nouvelles têtes et je pourrais faire de nouvelles rencontres qui auront peut-être un impact sur celle que je suis et la vision que j’ai du monde. Par contre, j’ai du mal à comprendre comment il est possible qu’il ait rencontré Alfie en étant enfant s’il ne vivait pas à Brisbane. « Quand es-tu arrivé à Brisbane ? Ta famille est venue avec toi ? » Doucement, mais sûrement, j’essaie de retracer le passé, de comprendre comment leurs histoires se sont entremêlées et ce qu’il y a de si spécial pour que j’ai pu percevoir sans aucun mal le malaise de leurs retrouvailles. Beaucoup de détails m’échappent mais également un certain nombre de généralités parce que je n’ai pas vraiment osé poser la question et que je n’ai pas pris la peine d’essayer de connaitre Joseph alors que j’aurais certainement dû. « Pourtant, c’est carrément dégueulasse. » Et surtout très fort, ce qui fait évidemment tout de suite penser qu’en terme de tolérance à l’alcool, je suis tombée sur un adversaire bien plus coriace que moi et que je risque de me faire prendre à mon propre jeu. Pourtant, je sais que je ne reculerais pas, parce que mon envie d’en apprendre plus surpasse les risques que je cours à dépasser le seuil que je m’impose habituellement. « Je n’en doute pas une seule seconde et je préfère également qu’elle le soit. Si on doit cohabiter pendant quelques temps encore, j’aimerais être capable de te regarder dans les yeux. » Ce qui ne sera sans doute pas le cas si j’apprends des détails de sa vie privée qui auraient dû le rester. Mon verre retrouve le chemin de mes lèvres et je termine d’une traite le cocktail que j’ai préparé avant d’attraper les bouteilles pour en composer un nouveau, sans doute un peu plus chargé que le précédent parce que mes idées sont un peu moins claires. « Pourquoi tout le monde se comporte toujours comme ça avec moi ? » Non pas que je ne sois pas une fille sage, je le suis, il n’y a aucun doute à ce sujet, je ne déroge jamais à mes principes, je ne prends pas de risques, ou alors seulement des risques mesurés et j’évite toute nouvelle expérience susceptible de dégénérer car je préfère largement garder le contrôle de mes actes. « Non pas que je ne sois pas sage, mais venant de toi, et de tous les autres d’ailleurs, ça a l’air tellement péjoratif. » Comme si j’étais trop chiante pour supporter qu’ils se comportent de manière totalement naturelle avec moi, chose que je suis évidemment bien loin d’apprécier. « T’as tort, je suis parfaitement capable d’encaisser. » C’est seulement à ce moment que je remarque les marques sur sa peau laissée dénudée alors que sa veste est venue s’échouer sur le canapé. Je détourne le regard rapidement, tâchant de ne pas imaginer ce qui a pu les provoquer. Finalement, je ne suis peut-être pas aussi prête que cela à entendre tout ce qu’il pourrait être capable de révéler.


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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyMer 22 Mai 2019 - 1:04


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Bien des gens ne comprennent pas comment un homme pourrait avoir envie de se pourrir la vie en consommant des produits toxiques qui n’ont pour effet que de donner l’impression d’être heureux. Joseph ferait partie de cette majorité s’il n’avait pas inhalé cette première ligne qu’Alfie lui avait offert en lui promettant qu’il ne le regretterait pas. Il lui avait fait confiance : ils étaient amis, quand même. Ils s’étaient soutenus depuis toujours, l’un soulevait l’autre lorsqu’il avait besoin d’atteindre le bocal de biscuits caché au-dessus du réfrigérateur. Et puis, comment quelques brins de poussière auraient pu être nocifs ? Juste cette fois, Jo. Essaye, c’est pas grave. Et sa voix résonne encore dans sa tête à chaque fois que ses veines se tendent quand l’aiguille se glisse en elles. Mais, il ne lui en a jamais voulu, incapable de mettre le blâme sur autrui lorsqu’il sait qu’il aurait pu faire un autre choix. « J’imagine que même si l’opinion des autres t’importe peu, celle que tu as de toi-même a une valeur ? »  Un long soupir gonfle ses poumons et il espère que, si cette question le déstabilise autant, c’est parce que l’alcool jongle avec ses neurones, les échappe, les perds dans la foulée. Pourtant, il n’a pas bu assez et il connait ses limites. Il lui faudra bien plus qu’un verre de mojito pour que sa tête se mette à tourner. « Oui, c’est certain. Personne ne me connait réellement, pas même Alfie. Même si le monde entier ne pourra jamais comprendre comment j’fais pour ne pas avoir honte de qui je suis… J’continue à croire que j’suis pas un cas désespéré. » Il marque une pause, son regard dévie un moment vers le bas et il plisse les paupières, pensif. « J’espère, en tout cas. » Pour combler le silence qui suit et pour ne pas laisser Juliana plonger davantage dans ce sujet qu’il déteste aborder, de peur de confronter ses démons, il dévie le sujet vers la relation d’elle et Alfie, touchant un point sensible, contre toute attente. Et cette dernière phrase comptait beaucoup trop de virgules. « Et qu’est-ce qu’elles apportent ces cicatrices ? » Cette fois, la réponse est facile. Il n’a plus aucun doute à ce sujet : « Elles apportent simplement de l’expérience, des connaissances. Elles te rappellent que t’es déjà passé par là et tu te fies à elles pour faire des choix. » Il en savait trop, sur ce sujet. Lorsqu’il a accepté la proposition louche du garçon à peine plus âgé que lui, il s’est fié à toutes ces marques zébrées dans son dos. Celles qui lui rappelaient les mots de son père, ces mots si lourds qu’ils se sont même cicatrisés dans sa tête. Tu ne sers à rien et tu ne deviendras jamais un homme. Alors, il est devenu un criminel. « Une simple brûlure te rappellera toujours de ne pas trop t’approcher d’une flamme, ou d’une poêle dans laquelle l’huile a été versée. » Tandis que les traits de Juliana s’assombrissent, Joseph comprend qu’il effleure une corde sensible, prête à céder. La jeune femme s’en veut pour quelque chose et il ne saurait deviner la source du problème. « La question n’est pas de réussir à faire passer les autres avant soi. C’est de réussir à surmonter la peur de recevoir ce fameux appel qui m’annonce qu’il est mort. » Les traits du garçon se déforment en une interrogation. Jamais il n’a eu peur pour la vie de son ami, et voilà que sa copine admet qu’elle craint l’appel fatal. Il a beau creuser dans sa mémoire infaillible, il n’arrive pas à trouver le moindre indice : à ses yeux, Alfie n’était qu’un voyageur au grand cœur. « J’comprends pas où tu veux en venir. J’ai loupé un chapitre de l’histoire ? » Il aurait très bien pu, n’empêche. Il s’est absenté pendant trois ans.

Maintenant que tout l’intérêt de Joseph est posé sur le petit reptile à la carapace de roc, l’atmosphère s’allège et les plaisanteries reprennent à cœur joie. Juliana mentionne la cave, commentaire qui retrousse le nez du squatteur. Il ne tiendrait pas la poussière. « Mais non, voyons, j’aurais au moins pris la peine de faire le ménage avant de t’y installer, pour qui tu me prends ? »  Il aimerait bien se défendre en affirmant qu’il ne la connait pas vraiment et que c’est la première fois qu’ils discutent pendant plus de trente secondes sans qu’un malaise ne se créer. Mais, il se contente de rire doucement en replaçant ses cheveux vers l’arrière, réflexe qui le suit depuis qu’il a cessé de payer un coiffeur à tous les mois. Le nom de ses vaches révélé, il ne se surprend pas à recevoir le rire de Juliana en plein dans la figure, alors il se joint à elle en haussant les épaules : l’imagination d’un enfant ne s’épuise jamais. Il revoit ses deux vaches, toujours animées de cette même expression neutre tandis que leurs grosses molaires écrasent la pelouse toute la journée. La nostalgie le frappe plus fort qu’il l’aurait espéré et, tandis qu’il flotte dans ses souvenirs, la voix de sa compagne d’un soir chasse les nuages. Ses sourcils se froncent et ses pupilles se cachent derrière un voile étrangement impassible. « J’suis arrivé à Brisbane quand j’étais prêt à vivre seul. Alors, non, ils ne sont pas venus. » Il se mord la lèvre inférieure, n’ayant pas envie de simplement aborder le sujet de sa sœur qui est effectivement venue s’installer en ville quelques années après lui. Plongeant son regard dans le sien, commençant à comprendre le petit jeu auquel elle joue, il marmonne : « Pas la peine de m’demander plus d’informations à ce sujet, j’ai rien d’autre à t’offrir. » Il préfère l’en avertir. Le sujet de ses parents l’irrite énormément, tend ses nerfs. Il ne voudrait pas ruiner l’ambiance en balançant son pied dans la table basse. « Pourtant, c’est carrément dégueulasse. » Incapable de la contredire, il hausse les épaules et s’exclame : « Délicieusement dégueulasse ! » La vodka, il l’a adoptée bien assez vite. Ou, c’est elle qui l’a adopté. Il la rassure en affirmant que même cet alcool fort ne viendra pas à bout de sa dignité. Il en faut bien plus pour qu’il perdre le contrôle. Dégustant les premières gorgées de la boisson claire, il se retient de rire en plaquant le revers de sa main sur sa bouche et il observe Juliana d’un œil malin lorsqu’elle s’interroge quant à l’image de femme sage qu’elle renvoie. « Ce sont tes cheveux trop propres qui font cet effet. Et ton maquillage discret. La première fois que j’t’ai vue, j’pensais que tu allais m’demander d’faire un don pour une association qui vient en aide aux enfants, ou aux chiens errants, j’sais pas. Tu peux toujours encaisser ou j’m’arrête là ? » Il l’interroge du regard, amusé, et bien plus détendu depuis que la chaleur ne l’oppresse plus. Son sourire est plus naturel, comme s’il n’était plus contraint à s’évertuer à afficher ses palettes.        

       
   
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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyVen 24 Mai 2019 - 16:09



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Cette discussion devient bien trop profonde à mon goût et c’est entièrement de ma faute puisque je me suis intéressée d’un peu trop près à l’incarcération de Joseph et à son ressenti durant cette dernière. Il est en droit de mal le prendre mais il n’en fait rien, se contentant de m’expliquer sa vision des choses que je ne partage pas forcément mais que je respecte évidemment. J’ai un peu du mal à cerner le personnage, à dire vrai, il peut être adorable par moment comme super froid à un autre, voire méfiant. Ses changements de comportements sont déstabilisants tout comme certaines de ses réactions alors ça ne me surprend pas vraiment lorsqu’il m’apprend que personne ne le connait vraiment. Je n’aimerais pas être dans sa tête, ça doit être un joyeux bordel là-dedans. En revanche, je suis touchée par son désir de se prouver à lui-même qu’il n’est pas un cas désespéré. J’aimerais pouvoir le contredire, mais autour de lui, c’est le flou artistique et puisque je n’arrive pas à le cerner, je n’ai pas envie de dire quelque chose de potentiellement faux ou que je ne pourrais pas justifier. Pourtant, au fond, je suis vraiment persuadée que c’est quelqu’un de bien, et puis, si ce n’était pas le cas, je suis persuadée qu’Alfie ne lui aurait pas ouvert notre porte, je dois lui faire confiance sur ce coup-là, même si je ne suis pas certaine du tout d’apprécier son ancien ami. Je le laisse changer de sujet, un peu déçue de n’avoir finalement rien appris sur lui, les mots qu’il emploi sont tout juste assez précis pour apporter des réponses à mes questions mais pas assez pour que je puisse aller au-delà. Depuis le début de cette conversation, je crois que je fais du surplace, incapable de comprendre réellement ce qu’il fait là et pourquoi c’est Alfie qu’il est venu trouver lorsqu’il a eu besoin d’un toit. A défaut de pouvoir vraiment lui faire confiance, je crois que je peux considérer que c’est quelqu’un de loyal ce qui lui permet tout de même de remonter un peu dans mon estime, même si je me doute bien qu’il se fiche complètement de l’estime que je peux avoir de lui. Il l’a dit d’ailleurs, l’opinion des autres n’a pas d’importance.

Non seulement je n’apprends pas grand-chose de cette conversation, mais là où j’échoue de manière plus que lamentable, il arrive lentement mais sûrement à tirer sur la corde sensible, sélectionnant pile poil celle que j’aurais aimé qu’il évite. Parler du passé ne me pose pourtant aucun problème habituellement, outre la mort de mon père, je n’ai pas eu d’événement vraiment marquant ou de secret à cacher, si j’ai eu mes hauts et mes bas, comme toute personne normalement constituée, je sais que j’ai eu de la chance, globalement. J’ai vécu dans un milieu qui m’a ouvert plein de possibilités. J’ai pu choisir comment je voulais construire mon avenir là où d’autres auraient été contraints d’adopter une voie qui ne les emballaient pas plus que ça. La liste des sujets que je ne souhaite pas aborder est donc vraiment très courte et c’est pour cette raison que je devrais sûrement en vouloir à Joseph de réussir à viser pile poil l’un d’entre eux et encore pire, l’un des plus récents et donc forcément beaucoup moins facile à appréhender. « C’est peut-être valable pour les humains ça, mais pas pour les chats, c’est con un chat et ça n’apprend pas de ses erreurs. » Dis-je pour alléger l’atmosphère, sans pour autant être dupe. Le sujet des cicatrices ne s’arrête pas là et ce n’est pas un évoquant le cerveau des félins que je vais réussir à m’en tirer comme ça. Le pire, c’est que c’est de ma faute, j’en ai beaucoup trop dit et je me déteste de m’être laissée avoir aussi facilement. « Je pensais que vous en aviez parlé. » Après tout, ils sont censés être super proches, non ? Ca aurait logique qu’il aborde les bons et les mauvais souvenirs, surtout que ce n’est pas comme si cet accident avait eu lieu il y a douze ans. « Vous aimez un peu trop les secrets tous les deux. » Et moi, j’ai beaucoup trop de mal à tenir ma langue, on va dire que ça compense.

On tourne en rond et j’ai l’impression que je n’arriverais jamais à obtenir quoi que ce soit, le prénom des vaches est une chose, mais ça ne me met pas sur une piste, aussi minime soit-elle. Cependant, lorsque j’essaie de retracer un passé qui ne me semble pas dangereux parce qu’à ce moment-là, je pense sincèrement qu’essayer de connaitre son parcours ne risque pas de le mettre dans l’embarras, mais manifestement je me trompe et je reçois un joli rappel à l’ordre. « Ok, ça va, j’ai rien dit, je ne pouvais pas deviner que les vaches et le déménagement c’étaient des sujets tabous. » Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas chez ce mec. A partir du moment où on ne peut pas poser une question à quelqu’un sans craindre de s’embarquer sur une pente glissante, c’est qu’il y a vraiment un problème. En l’occurrence, je commence sérieusement à penser que je ne peux rien dire qui n’empiète sur une partie de sa vie privée qu’il n’a pas l’intention de partager avec moi. Ou alors, je m’y prends super mal. Je n’ai plus qu’à espérer que l’alcool pur soit plus efficace que le mojito que je lui ai servi précédemment. Je peux d’ailleurs me maudire d’avoir opté pour quelque chose d’aussi doux alors que manifestement Joseph n’en est pas à son coup d’essai en matière de soirée alcoolisé. Je n’ai plus qu’à croiser les doigts pour que ça l’incite à se livrer d’avantage parce que pour le moment, les seuls moments où il semble être à peu près à l’aise sont ceux où je me retrouve, malgré moi, au centre de l’attention. Le portrait qu’il dresse de moi est d’ailleurs relativement fidèle et je ne sais pas si je dois bien prendre le fait qu’il l’énonce comme si c’était une critique. « Pour l’association, tu t’es trompé, mais je fais la lecture dans le service pédiatrique de l’hôpital si jamais tu souhaites te joindre à moi, on manque toujours de bénévoles. » Par contre les chiens errants, désolée, ce n’est pas mon domaine, en vivant avec Alfie, j’ai tacitement accepté de devoir vivre un jour avec une animalerie à la maison, j’estime donc que j’en fais assez comme ça. « Tu te débrouilles bien, et t’inquiètes mon ego se porte bien, je te remercie. » Enfin, pour le moment, il a l’air d’avoir encore des tartines de comparaisons destinées  à me faire passer pour la pire coincée à faire, mais bon, je crois que je peux vivre avec. « Mais ce n’est quand même pas très juste, tu as l’air de trop bien me connaitre et moi je n’ai rien le droit de savoir de toi. » La méthode discrète ayant échouée, je pense que je peux passer à la version directe, au pire, il me plante et va se coucher, au mieux, il consent à m’ouvrir une toute petite porte assez minime pour que j’ai la satisfaction de ne pas avoir la tête qui tourne pour rien.


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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyVen 31 Mai 2019 - 0:23


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Juliana & Joseph

Joseph le sait et il l’a toujours su : il n’est pas une personne digne de confiance. Il change d’avis aussi rapidement que s’endort un chat confortablement couché au sol, enroulé sur lui-même sur un coussin moelleux. Il cache une grande part de lui et ne révèle que la surface de l’iceberg : il a l’impression de ne pas pouvoir faire autrement. Il a lui-même décidé de choisir une voie qui le mènerait dans un sentier de sable mouvant. Une fois qu’il en est sorti et que le monde réel, la société, les règles et les normes se sont présentés à lui, il s’est simplement refermé dans sa carapace, comme Odie le ferait devant tant de changement. Juliana n’est pas la première qui tente de lui soutirer quelques informations et elle ne sera pas la dernière. Il est un cas mystérieux, Joseph, et beaucoup semblent vouloir le décrypter comme s’ils en tireraient un trophée. Malheureusement pour tous les participants du concours, il sait contrer les coups d’épée : il les boque puis les renvoie à son tour. Justement, il réussi encore une fois parce que le sujet se tourne vers Juliana, qui semble contrariée depuis que son petit ami a été additionné à la discussion. Intrigué, l’ex taulard commence à comprendre qu’il n’est pas le seul à cacher des choses et que même son meilleur ami aurait omis de lui raconter quelques détails de sa vie. Juliana tente d’alléger l’atmosphère en comparant les chats aux Hommes, précisant que ces félins n’apprennent pas de leurs erreurs et Joseph se pince les lèvres en grimaçant, s’empêchant de se moquer de sa maladroite tentative. À vrai dire, il n’avait jamais eu de chat et en connaissait trop peu sur ces animaux pour comprendre la référence. Mais… Bien essayé, Jules ! Malgré tout, Joseph ne lâche pas le fil de la discussion parce qu’il a énormément envie de savoir ce qu’il s’est passé dans le couple pour que la jeune femme s’inquiète autant pour Alfie. Il est comme ça : la petite tortue qui avale toutes les informations mais qui n’en laisse aucune s’échapper. « Je pensais que vous en aviez parlé. » Basculement de tête de droite à gauche, gorgée de vodka, yeux intrigués.  « Vous aimez un peu trop les secrets tous les deux. » Elle a probablement raison. Ce qui lie les deux garçons, c’est leur passé semblable mais, à partir du moment où ils n’étaient plus dans l’obligation de vivre chez leurs parents, ils ont tous les deux emprunté une voie si différente. Alfie est devenu un véritable ange et Joseph a sombré dans la cave du diable, engloutissant mauvais choix après mauvais choix comme une vache broute la pelouse, éternellement. « C’est probablement pour ça qu’on s’comprend. Nos regards s’croisent et on sait tout de suite qu’on a pas envie d’parler. » Il hausse les épaules, n’ayant pas l’intention de lui dérober davantage d’informations. Si Alfie ne lui a rien dit, c’est probablement parce qu’il avait une bonne raison de ne pas le faire. Même si Joseph donne l’impression que lui et son ami sont très proches, ce dernier ne connait qu’une minuscule fraction de sa vie. Dès le moment où il a mis le pied dans un gang, il est devenu un mystère pour tout le monde. Il a fermé mille portes pour en ouvrir une seule. Est-ce qu’il regrette ? Étrangement, non. Il ne s’est jamais senti aussi bien auprès des manthas et tous ces mecs lui manquent terriblement. Il avait enfin une famille qu’il a trop rapidement perdue.

En stoppant Juliana pour une seconde fois, il voit bien qu’elle ne prend pas bien le fait de ne recevoir aucune information de sa part. Malheureusement, Joseph ne peut pas lui assurer que ce n’est pas parce que c’est elle qu’il n’a pas envie de parler. Personne ne sait réellement pour ses parents, seule Deborah s’est assez rapprochée de lui pour toucher les cicatrices dans son dos et obtenir l’histoire de leur origine. « J’avoue que mes sujets tabous ne sont pas les mêmes que tout le monde… » Il marque une pause, le regard amusé, puis il demande après avoir avalé une gorgée : « Sinon, c’est bien la baise avec Alfie ? » Pour parler de sexualité, là, il n’y a aucun problème. Le sexe, c’est universel. Ça ne devrait plus être tabou depuis longtemps. Comme Juliana le demande, Joseph lui offre l’impression qu’il a d’elle. Une femme propre, sage, qui lit des bouquins pour s’instruire et non pour se divertir, et qui récolte de l’argent pour aider le monde. « Pour l’association, tu t’es trompé, mais je fais la lecture dans le service pédiatrique de l’hôpital si jamais tu souhaites te joindre à moi, on manque toujours de bénévoles. »  Il secoue instantanément la tête. Il ne faut pas le mettre avec des enfants, ce type : il les transformerait en démon en leur apprenant tous les jurons qu’il connait. « Je passe pour cette fois, mais je suis sûre que vous trouverez rapidement ! » Il accompagne sa réponse d’un clin d’œil et il sourit fièrement lorsque Juliana admet que la définition qu’il lui a donnée d’elle n’est pas si erronée. « Du coup, ça n’te dérangera pas si j’ajoute que j’ai aussi l’impression que t’es l’genre de fille qui se lave les mains avant et après une fellation ? »  Il ne regrette rien. Oh non. En vidant son verre d’un coup, il tend sa main vers la bouteille pour se servir une autre consommation. « Mais ce n’est quand même pas très juste, tu as l’air de trop bien me connaitre et moi je n’ai rien le droit de savoir de toi. »   Il hausse les épaules, ne pensant pas être un cas si intéressant. Il ne mérite pas qu’un documentaire porte son nom. « J’ai perdu ma première dent à sept ans, arrêté l’école à dix-huit, fumé mon premier joint à dix-neuf et il m’arrive de conduire alors que j’ai pas l’permis. Les deux derniers trucs, gardez-les pour vous madame la policière. » Il n’oublierait jamais cette mauvaise blague qu’elle avait faite le jour de leur rencontre, affirmant être policière alors que lui était fraîchement sorti de prison, comme un petit pain sorti du four.        

   
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Message(#)So you better have something damn worthy to say ✿ Joseph EmptyVen 31 Mai 2019 - 14:21



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@Joseph Keegan & Juliana Rhodes



Si ce sont réellement les secrets qui rapprochent les deux hommes, alors je suis sacrément dans la merde parce que ça signifie que je n’apprendrais vraiment rien ce soir. Si au bout de trois ans, je n’ai pas vraiment réussi à percer le mystère Alfie, alors ce n’est pas en faisant boire un mojito et un peu de vodka à Joseph que je parviendrais à en tirer quoi que ce soit. Certes, je n’ai pas passé trois ans à essayer de découvrir ce que me cachait mon copain pour la simple et bonne raison que j’ignorais totalement qu’il me cachait quelque chose jusqu’à l’attitude bizarre qu’il adopte depuis quelques semaines. Et encore, à certains moments, je me demande encore si ce n’est pas moi qui me fais des films et s’il n’est pas tout simplement submergé de travail et de projets à mener. Après tout, ce ne serait pas si étonnant que ça pour la pile électrique qu’il est depuis toujours – ou en tout cas depuis que je le connais – et peut-être que courir partout est un moyen pour lui de compenser l’absence de sa vie professionnelle atypique qui lui permettait de ne pas se poser plus de quelques mois au même endroit. Je pensais sincèrement que Joseph serait apte à m’apporter des réponses à ces questions, il était le mieux placé pour le savoir, mais plus la soirée avance et plus je me rends compte que celle qui en a trop dit, en l’occurrence, c’est moi et pas l’inverse. « C’est dommage. Parler, parfois, ça évite beaucoup de quiproquos ou de non-dits désagréables. » C’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité, je suis la première à la fermer lorsque j’entends quelque chose qui ne me plait pas pour ne pas provoquer un conflit ou pour ne pas prendre plus de place que je le devrais. En général, quand je me décide enfin à dire ce que j’ai sur le cœur, c’est que j’ai trop longtemps gardé les choses pour moi et il est souvent déjà trop tard. Je n’ai donc aucune leçon à donner à Joseph mais mon envie de le convaincre de s’ouvrir un pue plus est bien supérieure à ma capacité à reconnaitre mes propres erreurs et à ne pas la ramener sur le sujet.

Le pire, c’est que ça ne change rien du tout puisque même quand je suis un peu plus directe, protestant contre les nombreux tabous qui entourent son passé, son présent et sans doute également son futur, il ne perd pas la face, se contentant d’avouer que ses tabous à lui sont loin d’être ceux de tout le monde. Je me demande bien ce qu’il s’est passé dans sa courte vie pour que seuls les prénoms de ses vaches ne soient pas assez secrets pour qu’il puisse en parler. Il est agent secret ? Meurtrier ? Dealer ? Drogué ? Peut-être qu’il a volé l’identité d’un autre qu’il a tué et qu’il n’est pas vraiment Joseph ? Je pars un peu trop loin mais tout ce mystère commence sincèrement à m’intriguer et j’aimerais vraiment en savoir davantage. Je pourrais poser des dizaines de questions, mais je pense que j’obtiendrais dix fois la même réponse et c’est décourageant. Je me console en attrapant mon verre, prenant une grande gorgée que j’avale de travers et recrache à moitié alors que Joseph demande sur la conversation comment est la baise avec Alfie. Je m’étouffe. Je tousse. Le canapé a écopé de jolies taches de rhum comme mes vêtements et mes mains, d’ailleurs. « Je reviens. » Je prononce péniblement entre deux quintes de toux, les larmes aux yeux. J’attrape un verre sur le comptoir de la cuisine pour me servir de l’eau, essayant de ne pas mourir tout de suite, surtout que je ne pense pas assumer le « morte étouffée par un mojito » potentiellement gravé sur ma tombe. Lorsque je reviens au salon, j’ai repris mes esprits si on excepte la tête qui tourne un peu compte tenu de l’overdose de mojito que je suis en train d’infliger à mon pauvre petit corps peu habitué à une telle descente. « Préviens la prochaine fois, il faut me préparer psychologiquement avant de demander des trucs pareils. » En terme d’image de jeune fille prude, je pense que cette fois, je ne pourrais plus jamais le convaincre du contraire. « Est-ce que je dois m’inquiéter pour ton intérêt soudain pour ses performances ? » Non parce qu’il n’est pas libre, merci. Et si en plus ça pouvait m’éviter d’avoir à répondre à la question, ce serait formidable.

Passer de ma vie sexuelle au bénévolat dans le service pédiatrique de l’hôpital de Brisbane a quelque chose de légèrement dérangeant mais puisque la psychanalyse de Joseph est loin d’être complètement absurde, je me dois évidemment de l’en féliciter et même de lui proposer de m’accompagner lors de mes visites hebdomadaires. Le fait qu’il refuse ne m’étonne pas et est même un réel soulagement parce que je ne serais pas trop en confiance si je devais l’avoir à mes côtés. Après tout, rien ne me dit qu’il ne s’est pas retrouvé en prison pour viol d’enfant mais j’ose espérer qu’Alfie ne l’aurait pas accueilli chez nous si ça avait été le cas. Mes félicitations ont l’air de lui aller droit au cœur et malheureusement il les prend pour un encouragement à continuer, profitant du fait que je ne me montre pas susceptible pour creuser un peu plus loin, sans doute même un peu trop. Cette fois, je suis préparée et un peu moins déstabilisée par sa remarque qui parvient même à me faire sourire. « Je me brosse les dents, aussi, l’hygiène est primordiale. » J’ajoute avec beaucoup de sérieux comme si j’avais étudié le sujet à fond. « Alfie est quelqu’un de très tolérant, tu l’as dit toi-même. » Et je meurs de rire intérieurement imaginant tout à fait pouvoir vraiment faire ça un jour, probablement même pour me venger de la présence longue durée de son ami sous notre toit. Comme quoi, ma soirée avec Joseph n’aura pas été vaine, puisqu’elle me permet d’ajouter des idées de torture sur ma propre liste. C’est bien la seule chose qu’il m’apporte d’ailleurs puisque savoir à quel âge il a perdu sa première dent ne me parait pas essentiel à mon bonheur. Je tique légèrement sur l’histoire du joint et de la conduite sans permis, mais beaucoup d’adolescents sont cons et Alfie m’a dit lui-même qu’il avait eu une adolescence un peu compliquée donc j’imagine que fumer un joint de temps en temps en soirée est une bonne idée pour se rebeller contre l’autorité parentale. « C’est parce que t’as fumé des joints que tu t’es retrouvé en prison ? » Je n’aurais jamais posé cette question en temps normal mais puisqu’on vient de parler de mes habitudes de fellation, j’estime que j’ai le droit à mon tour d’aborder ses tabous en laissant tomber la langue de bois, pour une fois.


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