The most important thing in the world is family and love
Je pourrais en dire tellement à Caleb, lui avouer que si, au contraire, ils peuvent me forcer à travailler pour eux parce qu’ils peuvent ruiner ma scolarité en parlant du trafic de drogue, de la prostitution, de la liste de mes clients, et de toutes les actions illégales que j’ai pu effectuer sous leur ordre, certes, mais en mon âme et conscience néanmoins. Je ne peux pas blâmer mon frère de se montrer aussi naïf, après tout, je suis sûre que beaucoup de danseuses qui ne sont vraiment qu’exclusivement des danseuses peuvent se permettre de quitter facilement leur emploi pour en trouver un autre, mais ce n’est pas mon cas parce que je ne suis pas que stripteaseuse et ça, je me suis bien gardée de le lui avouer. Je sais que je devrais peut-être, parce qu’il pourrait m’aider si je voulais m’en sortir, bien qu’il me ferait certainement une leçon de morale plus violente que toutes celles que j’ai pu recevoir dans ma vie, mais le problème, c’est que je ne suis même pas certaine d’en avoir envie. La vie que je mène est peut-être décousue, compliquée et difficile à gérer par moment, mais je me suis faite à ce quotidien atypique qui rythme mes journées d’une bien étrange manière. Je crois que je me sentirais un peu vide si je n’avais pas mes études universitaires ou mon boulot pour me faire vibrer. Evidemment, dès qu’un problème survient, je tiens des propos beaucoup moins positifs que ceux-là, parce que tomber sur un homme violent et sans scrupule me rappelle que je suis considérée comme un objet ou m’endormir sur mes révisions d’examen à quatre heures du matin parce que j’ai dû bosser la veille et réviser seulement après le travail passé m’oblige à penser à quel point ma scolarité aurait pu être facile si je m’y étais exclusivement consacrée. Personne ne devrait avoir envie de se prostituer, la plupart des femmes qui le font sont poussées par un quotidien désastreux et une incapacité de gérer les choses autrement, certaines de mes collègues sont squelettiques parce qu’elles ne mangent pas à leur faim, d’autres compensent les mauvais traitements reçus par une consommation de drogue qui les mènera certainement six pieds sous terre bien avant l’heure. Finalement, j’ai une position bien plus enviable que la majorité des employés du club dans lequel je travaille et pourtant je reste là, de mon plein gré, parce que j’ai l’impression que ce travail – quand on oublie ses très nombreux inconvénients – me fait vibrer. Aucun doute, je dois être sacrément dérangée. Pourtant, si je décidais de m’en sortir et de quitter tout ça, j’aurais déjà un plan tout tracé, me réfugier chez mon frère pour éponger mes dettes, reprendre ma vie en main, tout faire pour sortir de tout ça. Sa proposition me touche énormément mais en l’état actuel des choses, il est évident que je ne peux pas accepter. « Tu peux me laisser y réfléchir ? » Je ne veux pas lui donner un non définitif alors que cette proposition pourrait tout changer, je dois prendre en compte ce nouveau paramètre avant de décider de la manière dont je vais mener ma vie.
L’arrivée de notre cousine nous sauve clairement d’une discussion sur le soleil de ces trois derniers jours et la couleur de la nouvelle voiture de la voisine d’en face. J’adore Caleb, vraiment, mais depuis l’annonce de mon métier et ses drames personnels, nous n’arrivons plus vraiment à communiquer. J’ai essayé d’être là pour lui, et ça a marché pendant un temps mais quand il a recommencé à aller mieux, nous nous sommes éloignés petit à petit pour reprendre nos quotidiens incompatibles. Cette pensée suffit à me nouer l’estomac. Je ne veux tellement pas perdre mon frère, il est si important pour moi, j’étais persuadée que quelles que soient nos différences, nous pourrions les surmonter et conserver la complicité de notre enfance. Je ne peux que constater aujourd’hui que c’est loin d’être le cas et cette idée me désespère. Je crois qu’il est aussi mal que moi, c’est en tout cas ce que m’ont laissé penser ses tentatives pour renouer la communication – sans grand succès – et les mots durs qu’il emploie parfois pour qualifier ma profession. Il veut provoquer cet électrochoc qui m’éloignera de ce monde qu’il n’arrive pas à me comprendre et me rapprochera de ma famille mais ce n’est pas possible. Alors forcément, chaque échange est devenu extrêmement bizarre, mon frère me semble désormais loin et inaccessible, alors je reste en surface, sans chercher à creuser davantage alors que j’en meurs d’envie. Je ne sais pas de quoi est faite sa vie, désormais, qui il voit, comment il se sent, comment il encaisse la mort de LV, tout ce que je sais c’est qu’il a l’air moins mal et je me contente de ça. La pétillante Romy suffit à effacer les blancs qui auraient pu survenir même si son histoire de tensiomètre provoque pour Caleb et moi une inquiétude que nous ne nous attendions pas à avoir. « Oh… Je vois. Il aurait pu nous en parler, quand même. » Je ne devrais pas m’en offusquer, entre mon père et moi, toute communication a été rompue depuis des mois, mais le fait que Caleb l’ignore est déjà plus étonnant. Toutefois, j’imagine que c’est plutôt bon signe, ça veut dire que ce n’est pas grave, ce n’est pas comme si toute la famille devait être alertée à chaque fois que l’un de ses membres avait un rhume. « J’imagine que ça lui est sorti de la tête puisque c’était un petit incident sans importance. » Je me ravise finalement, réflexion faite. J’espère que mon père est loin d’avoir de gros ennuis de santé. Nos relations sont tellement tendues en ce moment que je ne pourrais pas être là pour lui en cas de coup dur et cette idée me terrifie. Heureusement, Romy change de sujet, racontant sa vie sans manquer de nous faire remarquer que nous n’avons pas pris la peine de nous intéresser. Un point pour elle. « Mais quelle drama queen. » Sachant qu’elle a vécu chez moi jusqu’à ce qu’elle trouve comment rebondir, j’estime pouvoir me vanter de ne pas ignorer où elle en est dans sa vie à ce moment-là, raison pour laquelle je m’abstiens de poser des questions pour lesquelles j’ai déjà les réponses. La seule chose qui m’échappe, c’est son histoire avec celui qu’elle a voulu fuir en s’invitant chez moi. « Ça se passe bien pour le moment ? Vous vous entendez bien ? » C’est le plus important, il faut que ça matche pour que Romy puisse envisager de poursuivre cette cohabitation sur le long terme.
“The most important thing in the world is family and love.”
J’ai l’impression d’être un inconnu dans la vie de Primrose et croyez-moi quand je vous dis que ça m’attriste énormément. On est frère et sœur, on est censés se connaître par cœur se voir souvent, toujours savoir quoi dire en présence de l’autre. Et mon Dieu si vous saviez à quel point elle et moi on est l’opposé de tout ça. Et je pense que la conversation qu’on a depuis que nous sommes tous les deux arrivés chez nos parents est la preuve pour appuyer mes dires. Sérieusement, on dirait qu’on est deux vieilles connaissances qui se reparlent pour la première fois depuis des années. On fait pitié. C’est triste à voir. Cependant quelque chose d’intéressant ressort tout de même de notre discussion si passionnante. Sans trop me souvenir comment on en est arrivés là on parle de potentiellement vivre ensemble et me voilà que je lui propose d’occuper la chambre vide de mon loft. Et honnêtement, l’image de Prim et moi partageant un foyer ne me déplaît pas du tout. Je pense que c’est le meilleur moyen de renouer les contacts. Vivre avec l’autre au quotidien nous pousserait à avoir certaines conversations que nous n’avons pas le courage d’avoir réellement. Ça pourrait également nous permettre de nous redécouvrir un peu, de passer à nouveau plus de temps ensemble. Moi je ne demande que ça. Même si je m’y prends très certainement mal avec elle, Primrose compte beaucoup pour moi. Je ne lui montre pas beaucoup. Peut-être tout simplement parce que je ne suis en règle générale pas très doué pour montrer mes sentiments. Et pour le coup je ne suis pas comme ça avec elle mais avec tout le monde. J’aimerais pouvoir dire que j’ai envie de découvrir son monde, son travail et ce qu’elle y fait…mais ce n’est absolument pas vrai. De toute façon pas très compliqué de savoir ce qu’elle fait au boulot. Elle danse à moitié nue devant des hommes en manque d’amour et de sexe. Devant des vieux porcs qui fantasment sur le corps de ma petite sœur. Et c’est exactement ça qui me rend fou. Je déteste cette image. Elle mérite tellement mieux. Elle est capable de plus. Je le sais et je suis sûr qu’au fond d’elle, elle le sait aussi. « Tu peux me laisser y réfléchir ? » Ce n’est pas une décision à prendre à la légère et de toute manière je ne m’attendais pas à une réponse définitive de sa part immédiatement. Je me contente d’hocher la tête. Bien sûr, elle me répondra quand elle le voudra. Après tout cette chambre est vide et elle le restera encore pendant bien longtemps. Voire pour toujours qui sait, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve.
L’arrivée surprise de notre cousine vient immédiatement détendre l’atmosphère. Et heureusement parce qu’on en avait très sérieusement besoin. Elle arrive en reprochant à Prim de ne pas avoir tenu au courant nos parents de sa rupture avec Joey, cette conversation ne dura que quelques minutes avant que la blonde n’enchaîne sur autre chose. Elle nous dit qu’elle était normalement simplement venue pour donner un tensiomètre à notre père. Et Prim et moi avons exactement la même réaction. Depuis quand notre père a besoin d’un tensiomètre ? Il est malade ? C’est pour ça qu’ils ont organisé ce repas de famille aujourd’hui ? Pour nous annoncer qu’il avait une maladie grave ? Genre quoi un cancer ? Je lance un regard à ma sœur en fronçant les sourcils. "Oh, vous savez c'est rien de grave. Ma mère fait de l'hypertension et votre père avait fait une petite chute la dernière fois. C'est plus préventif qu'autre chose" Je me tourne pour regarder un instant mon père qui était en cuisine avec ma mère. Ils sont ensemble depuis si longtemps et pourtant ils sont toujours l’air aussi amoureux. Ça c’est le vrai amour, celui qui vend du rêve. En entendant la voix de Primrose, je me retourne pour me retrouver à nouveau face aux filles. « Oh… Je vois. Il aurait pu nous en parler, quand même. J’imagine que ça lui est sorti de la tête puisque c’était un petit incident sans importance. » Je peux tout à fait comprendre qu’elle se sente un peu déçue du silence de notre père sur cet incident. C’est pourquoi j’essaie de la rassurer comme je le peux. « Si c’était quelque chose de plus important il nous en aurait parlé t’inquiètes pas. » Honnêtement le médical moi j’y connais vraiment rien, mas si ce n’est qu’une petite chute de tension ce n’est pas bien grave non ? Tant que ce n’est pas trop fréquent ça doit être quelque chose de bénin. Je suppose du moins. C’est dans ce genre de moment que l’on peut tout de même voir que je prends encore mon rôle de grand frère à cœur. J’essaie toujours d’avoir les mots nécessaires pour rassurer Primrose. Au fils de notre conversation je finis par lâcher à ma cousine que je me serais bien passé de sa présence, ce qui est complètement faux d’ailleurs. Et pour se venger de mes paroles elle attrape un torchon qu’elle me lance en pleine face. Et je dis, comme un gamin. Mais il n’y a pas vraiment d’âge pour s’amuser. « Désolé j’ai envie te faire chier aujourd’hui. Va falloir me supporter. » Dis-je à l’attention de Romy en la regardant d’un air si sérieux que ça pourrait être en être flippant. Et je lui relance à mon tour le torchon. Et c’est de nouveau au tour de notre cousine à prendre la parole. "Moi aussi je suis contente de vous voir. Et puisque vous le demandez si gentiment je vais super bien. J'ai pris une colocation avec une connaissance du boulot dans Fortitude Valley.. vous vous entendriez super bien, faudrait que tu passes nous voir à l'occasion." Au début de sa prise de parole, elle me faisait doucement rire. Parce que oui elle n’a pas tort. Elle est là depuis maintenant presque dix minutes et on ne lui a pas demandé une seule fois comment elle allait. On est clairement nuls, elle n’a pas tort. Et la fin de sa phrase me concerne apparemment puisqu’elle me regarde avec insistance. « Vous vous entendriez super bien, faudrait que tu passes nous voir à l’occasion. » Je ne vois pas vraiment ce qu’elle peut bien vouloir dire par-là. Je regarde ma sœur un court instant pour poser à nouveau mon regard sur ma cousine. « De quoi ? Pourquoi tu me dis ça ? Pourquoi je m’entendrais bien avec ta colloc ? » Que des questions un peu bêtes en soit parce que je pense avoir plutôt bien compris ce qu’elle essayait de me dire. Je joue nerveusement avec mes doigts en espérant qu’elle passe vite à autre chose et je compte même sur ma sœur pour changer de sujet. Ce qu’elle fait à moitié parce qu’elle lui demande si Romy s’entend bien avec cette fameuse fille. Bon, j’espère maintenant que Romy décidera d’ignorer mes questions. Je ne t’en voudrais pas, promis.
Si elle avait pu remonter le temps pour se tirer d'une situation délicate comme l'était celle ci, croyez bien qu'elle l'aurait fait. Lorsque Romy avait été missionnée pour amener ce tensiomètre chez son oncle, elle n'avait absolument pas posé de questions quant à son utilisation ; elle aurait peut être du. Pour elle cette chose ne pouvait rien traduire de mal. L'appareil traînait dans les placards de sa mère depuis des années maintenant, mais si toutefois Papa Anderson était atteint d'une maladie alors qu'elle avait tenté de faire comme si tout allait bien auprès de ses cousins, elle ne se le pardonnerait jamais. Tâchant d'être convaincante, la petite blonde arborait un sourire de façade en se disant qu'il fallait absolument qu'elle songe à questionner sa mère sur leurs antécédents familiaux, au cas ou. « Oh… Je vois. Il aurait pu nous en parler, quand même. » à deux doigts dé répondre un : "Mais ça vaaa" qui n'avait que pour seul et unique but de détendre l'atmosphère, Romy fut sauvée par Caleb qui répondait à sa place : « Si c’était quelque chose de plus important il nous en aurait parlé t’inquiètes pas. » Tout à fait oui. Il en aurait parlé. Mais malgré tout elle ne pouvait s'empêcher de croiser les doigts pour contrer le mauvais oeil. « J’imagine que ça lui est sorti de la tête puisque c’était un petit incident sans importance. » Evidemment. Heureusement le sujet de leur conversation déviait vite, et Romy se détendait. Retrouvant ses habitudes dans cette pièce qu'elle connaissait si bien pour l'avoir arpentée maintes et maintes fois étant plus jeune, elle se livrait à un petit speech que Primrose commentait d'un : « Mais quelle drama queen. » qu'elle relevait à peine, se contentant de rejeter d'une façon exagérée l'une de ses mèches de cheveux vers l'arrière pour tenir le rôle. Ce n'était pas tant qu'elle désirait parler d'elle plutôt que de donner des nouvelles qui l'intéressait. Romy était de ce genre là, à donner signe de vie assez régulièrement auprès des personnes dont elle était proche comme c'était le cas avec Caleb et Primrose, ne serait ce que pour éviter les conversations gênantes comme celle qu'elle venait d'avoir avec sa tante. "Comment ça t'es plus avec Josh ?" Ahah. « De quoi ? Pourquoi tu me dis ça ? Pourquoi je m’entendrais bien avec ta colloc ? » Aaaaah. Un large sourire au coin des lèvres, Romy se tournait vers Caleb en plantant ses coudes sur la table pour lui faire face. Si depuis qu'elle avait emménagé avec Isla, son côté rafraîchissant et amusant lui semblait correspondre à son cousin, l'annoncer était une autre paire de manches ... "Parce qu'elle est canon, intelligente, et qu'elle a assez de patience pour supporter un type comme toi." que balançait la blondinette sans préavis, consciente ou presque que ces quelques paroles d'une banalité affligeante auraient pu ne pas passer auprès du brun qu'elle estimait être prêt à tourner la page, mais rien n'était plus sûr maintenant qu'elle avait osé le dire. « Ça se passe bien pour le moment ? Vous vous entendez bien ? » Prim amenait une pause -bienvenue- au dialogue "Tu ne lui as pas fait trop peur, alors j'imagine que ça va." répondit elle en faisant une référence à peine dissimulée à la rencontre entre les deux jeunes femmes que la rousse lui avait contée il y a quelques jours de là, et qui lui avait fait chaud au cœur... dans un sens. Primrose avait bombardé cette pauvre Isla de questions, et cet intérêt manifeste de l'étudiante pour son nouveau chez elle était apprécié. Si Romy avait toujours été la plus expansive des deux, elle n'en restait pas moins cette éternelle fille qui manquait de confiance en elle et qui d'instinct, pensait qu'elle ne suscitait pas la moindre attention.
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J’essaie de faire abstraction des éventuels problèmes de santé de mon père. Il est inutile d’extrapoler, si jamais il y a un souci, nous en serons informés et puisque Caleb n’a pas l’air inquiet, alors je ne me fais pas de souci non plus. Pour ce qui est des relations que j’entretiens avec ma famille, j’ai tendance à me caler sur mon grand-frère car l’amour des miens pour moi n’est pas au beau fixe ces derniers temps, alors je me dis que si je fais exactement pareil que lui, ils ne peuvent pas trouver des reproches supplémentaires à me faire. Jusqu’ici, ça n’a pas été couronné de succès, mais je garde espoir et me contente d’acquiescer lorsque Caleb me suggère de ne pas m’inquiéter. Dans le pire des cas, je suis sûre que papa tiendra informé son fils chéri qui lui-même me répétera l’information que j’ai loupé. Ce serait triste que la communication soit à ce point-là rompue entre nous, mais compte tenu de l’ambiance actuelle, je ne m’étonne plus de rien. Aujourd’hui, nous avons l’avantage d’avoir la compagnie de Romy ce qui rendra nécessairement cet après-midi moins pourri puisque mes parents n’oseront jamais aborder le sujet de mon métier à table si ma cousine partage notre repas. C’est triste, quand même, de devoir intégrer une tierce de personne dans notre cocon familial – même si Romy fait évidemment partie de cette famille et a une place énorme dans mon cœur – pour que l’ambiance soit un peu meilleure que lorsque nous sommes seulement tous les six, mais j’imagine que je vais devoir m’y faire. « C’est parce qu’il en a marre de se faire victimiser par ses trois sœurs qu’il s’en prend à toi, c’est honteux. » Je le nargue alors qu’il prend un malin plaisir à faire chier ma cousine. Il faut dire que Caleb a toujours été un ange avec Candlynn, Bailee et moi, il est le genre de frère protecteur qui vole à notre secours à chaque fois que nous en avons besoin. Son attitude avec Romy est donc assez drôle à voir, parce qu’il a l’air tout de suite beaucoup moins sérieux que lorsqu’il se sent obligé de veiller sur nous. En temps normal, je ne suis absolument pas jalouse de leur relation, mais alors que les liens qui m’unissent à Caleb n’ont jamais été aussi distendus, j’ai quand même un pincement au cœur en me rendant compte qu’entre eux rien n’a vraiment changé ou alors ils se sont peut-être même encore plus rapprochés. Je vais faire en sorte de l’avoir mon happy end, moi aussi, parce que je ne peux pas perdre mon frère, il est beaucoup trop important pour moi.
En plus, il a vraisemblablement besoin de moi pour décoder les gens puisque, franchement, ne pas réussir à se rendre compte de la lourdeur de Romy qui essaie de le caser avec sa nouvelle colocataire, il faut être aveugle, sourd et muet. Ma cousine a l’air beaucoup trop contente de pouvoir lui suggérer ce pseudo rencard, comme si Isla était la femme de sa vie… Enfin, LV l’était, je le sais pertinemment, mais elle n’est plus là et il va falloir tôt ou tard qu’il ait ce déclic qui lui permette d’avancer. Je comprends que Romy veuille l’y aider un peu et je lui suis reconnaissante d’essayer même si c’est pour caser mon frère avec Isla. Bon, en réalité, je n’ai rien contre la jeune femme, j’ai vraiment essayé de ne pas l’apprécier mais je n’ai pas réussi autant que je l’aurais voulu, parce qu’en réalité, elle est simple, naturelle, gentille… J’aurais voulu pouvoir sortir Romy des griffes de cette odieuse psychopathe qui essayait de me voler ma cousine et au final, je me retrouve à essayer d’éprouver de la méfiance envers un chaton. Ce n’est pas un franc succès. « Au cas-où tu ne l’aurais pas compris, Romy a déjà prévu votre mariage, donc tu as intérêt à apprécier cette fille. » Je le taquine, sachant pertinemment qu’il ne se sent pas forcément prêt pour une relation mais qu’envisager de sortir avec quelqu’un ne peut pas non plus lui faire du mal, au contraire. « Mais elle a pas tort, elle est canon Isla, je suis sûre qu’elle te plairait. » Et même qu’ils feraient de sacrés beaux bébés. J’espère qu’ils sont roux, les bébés roux sont magnifiques et je serais la tata la plus gaga du monde. Il faudra juste que j’essaie de me réconcilier avec mes parents avant de pouvoir occuper cette place dont je rêve parce que je suis certaine qu’ils feront tout pour empêcher leur fille impure de mettre ses mains sur leurs petits-enfants. Enfin, je m’emballe un peu, il ne l’a jamais rencontrée alors imaginer un mariage et des gamins est sans doute un chouilla prématuré. « Quoi ?! » J’affiche un air outré d’une crédibilité très discutable. « Je ne vois pas pourquoi je lui aurais fait peur, j’ai été adorable. » J’insiste très lourdement sur ce dernier mot comme si ça pouvait aider à lui donner plus de sens et donc à persuader davantage Romy qui a l’air sceptique quant à ma capacité de me montrer sympa avec sa colocataire. « J’ai juste voulu m’assurer que tu étais entre de bonnes mains, mais je t’assure que je ne l’ai pas attaquée. » Bon, peut-être un peu, quand même, mais je me suis trouvée gentille, dans l’ensemble, je l’ai simplement mise en garde quant à mon potentiel agacement s’il devait arriver quelque chose de négatif à Romy, voilà tout, j’estime que c’est parfaitement normal et qu’il s’agit du comportement que toute cousine devrait avoir. « Je ne veux pas que quelqu’un d’autre te fasse du mal. » Je me souviens de l’état de détresse dans lequel j’ai retrouvé ma cousine et, vraiment, je n’ai pas du tout envie de revive ça une deuxième fois. Romy est un bonbon, je ne vois pas comment quelqu’un peut vouloir la blesser volontairement, elle ne mérite pas ça.
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Être le seul garçon de la fratrie Anderson n’a pas été facile tous les jours. Bon, je ne vais pas dire que j’ai vécu un enfer parce que ça serait clairement vous mentir, mais quand mes parents nous ont annoncé à Prim et moi que nous allions avoir un petit frère ou une petite, j’avoue avoir espéré de toutes mes forces que le nouvel arrivant de la famille soit un garçon. Sauf que ça n’a pas été le cas. Nous avions accueilli deux filles en plus. Deux filles. Je me suis retrouvé entouré de filles avec trois sœurs et ma mère. Et il y avait mon père et moi. Alors oui moi je voulais avoir un petit frère à qui j’allais pouvoir apprendre des tas de choses. J’aime mes sœurs, même si je n’ai jamais été proche des jumelles ça ne veut pas dire qu’elles ne comptent pas pour moi. Ce sont les petites dernières, et elles sont aussi fusionnelles que le stéréotype même des jumelles. Et puis il y avait Primrose et moi. Nous étions proches. Voire même très proches. Et puis elle est partie en internat ce qui a commencé à nous éloigner, et ensuite il y a eu cette histoire de strip-teaseuse. Et là, nous nous sommes complètement perdus. Quelques années plus tard il y a eu la mort de LV qui a été un élément déclencheur, nous avions pendant quelques mois retrouvés cette complicité que nous avions avant. Et puis après…plus rien. C’est triste. Elle me manque tellement. Mais je ne sais pas comment lui dire. Alors comme un con je reste muet à ce sujet et je ne dis rien. Comme je sais si bien le faire. « C’est parce qu’il en a marre de se faire victimiser par ses trois sœurs qu’il s’en prend à toi, c’est honteux. » La réponse de ma sœur m’arrache un rire. Victimiser est un bien grand mot, mais je décide de rester dans son jeu. « J’ai grandi entouré de femmes, il y a de quoi me plaindre quand même. » Oui et non parce qu’il y avait quand même mon père, et puis mon enfance n’a absolument pas été un traumatisme pour moi au contraire malgré le manque d’un petit frère j’ai tout de même été heureux moi comme ça. Ce n’est un secret pour personne.
C’est Romy qui reprend la parole et qui nous parle de sa nouvelle colocataire, une certaine Isla. Apparemment les choses ont l’air de se passer plutôt bien entre les deux jeunes femmes selon ses dires. Et elle en vient même à faire des allusions comme quoi je pourrais potentiellement apprécier cette dernière. J’ai bien sûr tout de suite compris ce qu’elle essayait de faire : elle veut me caser avec cette fille. Ou du moins essayer. Parce que rien n’est fait et que je n’ai pas la moindre envie de m’engager dans une relation amoureuse. J’ai encore besoin d’être seul pendant un moment. Mais je ne peux pas lui en vouloir, je sais que ça part d’une bonne intention et qu’elle veut juste m’aider à me relever doucement et à reprendre petit à petit une vie normale. Elle veut juste m’aider à recommencer à profiter de la vie comme n’importe quel homme de trente ans. Romy me regarde un grand sourire aux lèvres avant de me répondre. "Parce qu'elle est canon, intelligente, et qu'elle a assez de patience pour supporter un type comme toi." Ça y est c’est officiel, ma cousine veut me caser avec sa copine. Mon Dieu mais laissez-moi tranquille, j’aime être seul et laissez-moi seul dans mon célibat aussi longtemps que j’en ai besoin s’il vous plaît. Je la regarde un instant, ne sachant pas quoi lui répondre. Très bien, c’est cool pour elle qu’elle soit canon et intelligente. Elle ne devrait pas avoir de mal à se trouver un mec dans ce cas. J’ai presque envie de lui répondre ça. Mais je me tais et je préfère ne rien dire. C’est ma sœur qui parle à ma place. « Au cas-où tu ne l’aurais pas compris, Romy a déjà prévu votre mariage, donc tu as intérêt à apprécier cette fille. » Mon regard se pose alors sur elle. Notre mariage. Non mais là les filles vous allez beaucoup trop loin je vais me marier avec personne moi. Bon je sais que c’est une façon de parler et qu’elle ne pense pas à un vrai mariage. Mais quand même. Prim ajoute même « Mais elle a pas tort, elle est canon Isla, je suis sûre qu’elle te plairait. » Oh non Prim tu vas pas t’y mettre toi aussi. Je suis bien tout seul, laissez-moi vieillir en tranquillité et finir seul avec mes trente chats s’il vous plaît. Merci bien. « C’est bien sympa de votre part mais je suis très bien tout seul. » Ne me forcez pas la main s’il vous plaît, j’ai encore besoin de temps. Encore et toujours. Je ne me vois pas partager ma vie avec une autre femme. Je ne dis pas que je ne le ferais jamais mais juste, pas maintenant. « Et puis j’ai tendance à préférer les blondes qui ne sont pas nées en Australie. » C’est faux. Que les filles soient brunes, blondes, rousses, moi en soit je m’en fiche je n’ai pas réellement de préférence. Mais pour la partie pas Australienne là pour le coup je dis ça sur le ton de la rigolade mais ça me semble assez véridique. J’ai eu deux relations sérieuses dans ma vie, la première avec une Anglaise et la deuxième avec une Française. Je suis forcé de constater que oui j’ai peut-être effectivement un faible pour les femmes qui ne sont pas d’origines Australiennes. Mais c’est juste une constatation assez drôle et ce n’est en aucun cas un critère rédhibitoire pour moi. J’essaie juste de trouver des excuses pour qu’elles me laissent tranquille. De ce que je comprends de la conversation entre Romy et Prim, ma sœur a donc déjà pu rencontrer Isla. Je les écoute dans un premier temps sans broncher et puis je regarde ma sœur pour lui demander. « Tu l’as déjà vue ? Elle est sympa avec notre cousine c’est bon on peut lui faire confiance ? » Je souris. En soit, je connais déjà la réponse et je me doute que si Romy s’est installée avec elle c’est qu’il s’agit d’une personne digne de confiance. Mais j’aimerais avoir l’avis de ma sœur à ce sujet-là.
Je ne suis pas du genre à vouloir pousser les choses. Clairement, Caleb a besoin de temps pour tourner la page LV pour accepter de potentiellement envisager ressortir avec quelqu'un d'autre, mais quelque part, je suis persuadée qu'il ne lui manque plus qu'un coup de pouce du destin pour se décider. Caleb est quelqu'un de bien, il mérite d'aller mieux, de retrouver une femme avec qui partager son quotidien que j'imagine déjà assez rempli, alors s'il ne s'agissait que de lui remettre le pied à l'étrier je me sens capable de le faire. Isla semble être la femme idéale pour lui ; elle est belle, drôle, intelligente. Certes elle a des défauts, mais si j'arrive à m'y accommoder, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas son cas, et puis, ce n'est pas comme si je me persuadais qu'ils allaient terminer leurs vies ensemble. Un petit flirt, ce serait parfait. « Au cas-où tu ne l’aurais pas compris, Romy a déjà prévu votre mariage, donc tu as intérêt à apprécier cette fille. » que commence Prim, et je hoche la tête pour donner mon approbation quant à cette interprétation. « Mais elle a pas tort, elle est canon Isla, je suis sûre qu’elle te plairait. » évidemment que oui, et malgré de vagues protestations telles que : « C’est bien sympa de votre part mais je suis très bien tout seul. Et puis j’ai tendance à préférer les blondes qui ne sont pas nées en Australie. » je me dis que ce ne sont pas des arguments tenant la route face à la détermination sans faille dont je ferais preuve pour leur caser un rencard l'un avec l'autre. Il m'en faut plus pour me décourager, bien que lorsqu'il était question de décourager ... les échos que l'on m'a fait parvenir de la première rencontre entre Isla et Primrose étaient un peu étranges. Quelque part je me réjouis que ma cousine puisse se sentir si impliquée dans ma vie depuis que je navigue en eaux internationales de la galère, mais d'un autre côté cela m'intrigue aussi énormément. De façon générale, je ne suis pas au centre de l'attention, je me fais toute petite. « Quoi ?! Je ne vois pas pourquoi je lui aurais fait peur, j’ai été adorable. » Prim a beau feindre d'être outrée, je sais qu'elle peut se montrer plus têtue qu'un canasson lorsqu'elle a quelque chose en tête. « J’ai juste voulu m’assurer que tu étais entre de bonnes mains, mais je t’assure que je ne l’ai pas attaquée. » Cette fois un rire m'échappe. "Bien sur que tu ne l'as pas attaquée. Et t'es vraiment sûre que tu ne vois pas ?" que je demande avant de me faire interrompre par la voix de ma tante qui résonne dans la pièce. "Les enfants, à table !" Et c'est désormais au tour de mon ventre de manifester sa présence dans un gargouillis audible. « Je ne veux pas que quelqu’un d’autre te fasse du mal. » poursuit ma cousine plus doucement, alors que nous nous relevons pour rejoindre l'autre pièce et -enfin- manger. Je lui répond dans un petit sourire que je veux reconnaissant -et il l'est, Primrose est adorable, et je suis heureuse de la relation que nous avons- puis c'est désormais Caleb qui commentait : « Tu l’as déjà vue ? Elle est sympa avec notre cousine c’est bon on peut lui faire confiance ? » Aaaaah. Il ne peut pas ravir davantage mes oreilles. Sans demander mon reste je me retourne, lui adressant un regard qui en dit long. Isla est parfaite ; il valait mieux qu'il se prépare à une rencontre, et tant qu'il en était question ... une idée germe dans mon esprit. Je la garde pour moi, me contentant d'un clin d’œil avant de m'éclipser de cette pièce pour rejoindre le reste de notre famille.