Love spend time with you

@John Williams

NOW IS THE WINTER OF OUR DISCONTENT — En fin de compte, l’image de bad boy qu’essaye d’entretenir John est une véritable supercherie. En quelques jours, les masques tombent. Il se dévoile à elle, dans son passé et sa maladie, et maintenant dans ses pêchés mignons. Au bar il ne doit pas se vanter souvent de collectionner les livres pour enfants, ça fait pas vraiment grand méchant loup. Si cet aveux avait été fait dans d’autres circonstances, elle en aurait rigolé et ce serait gentiment moqué de lui. Or dans le cas présent, cela ne fait que lui faire lever les yeux au ciel. « Euh … Bah tu le vois bien non !? » C’est définitivement le phrase de trop. Elle redescend de ses genoux et perd son sourire. S’il ne se décide pas à mieux la traiter elle ne fera pas des efforts éternellement seule. Ne comprenant pas sa réaction, une nouvelle fois, elle a envie de tout laisser tomber, une nouvelle fois. Elle se raccroche sans doute à des espoirs qui ne mènent à rien. En fait, c’en est certain même, mais elle n’arrive pas à s’en rendre compte trop aveuglée par ce qui ressemble à l’amour. Toute personne sensé aurait compris que leur histoire ne mène à rien. Charlie est tout sauf sensée. Elle est toujours dans l’excès, ne sachant doser sa vie, préférant régler les problèmes des autres au lieu des siens.
Elle se relève en trombe, prenant son ordinateur dans les mains. « Mais bon sang, tu fais de la boxe si ça te fait plaisir, mais là, ce que je vois sur ton corps, me dis pas que c’est de la boxe traditionnelle. Y’a un truc louche avec ton pote. » Des combats de boxe … Ca sent l’illégalité à plein nez, Charlie sait ce dont elle parle. John ne fait pas de la boxe en salle, il fait clairement de la merde. Elle retourne poser son mac dans la chambre, en profitant pour littéralement souffler tout l’air de ses poumons, exaspérée. Trifouillant dans sa penderie, elle enfile un nouveau pull au hasard, trop énervée d’elle même d’avoir oublié l’autre sur le canapé. Pour l’effet dramatique, elle a besoin de revenir tout habillée. Pour sa conscience personnelle, elle veut aussi être habillée. « Y’a d’autres moyens d’être heureux et de se défouler sans mettre sa vie en danger. » Maintenant qu’elle n’a plus rien à tenir, elle s’énerve avec ses mains, faisant des gestes alambiqués. Tout ceci n’a aucun sens. Rien n’en a. « S’il te plait, ne fais plus ça. Ou fais le en club, comme tout le monde. Essaye le bobsleigh, j’en sais rien moi. » On monte à 150km/h en bobsleigh, ça pourrait peut être calmer ses ardeurs.

Love spend time with you

@John Williams

Bien sûr que tu aurais été obligé de donner un certificat, gros bêta. C’est la loi. Cette remarque fait de nouveau lever les yeux de Charlie au ciel tellement elle en est logique. Il devrait être un grand adulte capable de savoir ce qui est bon pour lui et surtout ce qui ne l’est pas. A en juger par ses pratiques, il n’en est rien. Il joue tant avec le feu qu’avec sa vie et ça énerve Charlie au plus haut point. Si jamais il lui arrive malheur elle ne pourra jamais se le pardonner et elle arrivera même à se persuader que c’est de sa faute car elle n’aura pas réussi à le raisonner, pas assez essayé. Au fond ce ne sera que de la faute de John. Il veut faire de la boxe parce que ça rentre dans cette illusion qu’est sa vie. Qu’il mette autant sa vie en danger qu’il le souhaite mais que ça n’implique rien d’autre que lui et sa conscience, ou plutôt ce qu’il en reste.« Fais pas ton mélodrame, t’aurais quand même pu combattre. Et au moins ç’aurait été adapté à ta maladie. »
Si leur pseudo discussion s’était arrêtée là, ils auraient sans doute pu se réconcilier une nouvelle fois. Au minimum, John serait resté et Charlie aurait fait la tête quinze minutes avant de se raviser. Or s’il l’attaque sur son propre terrain, elle ne le lui pardonnera jamais. Elle ne l’a pas jugé sur ses aventures frivoles, elle en attendait autant pour elle et ses penchants. C’est pas un putain de flic.
Elle a rencontré tous ses amis dans des bars ou à des fêtes, ils connaissent tous la Charlie passée 22h. De ce fait personne ne lui a jamais la moral : ils sont tous dans le même bateau de la déchéance, direction le Tartare. (j’exagère ?) Au fond elle sait que ce n’est pas sain, mais c’est ce dont elle a besoin pour être heureuse. Elle ne peut pas tenir cette image de si parfaite jeune femme jours et nuits sans discontinuer, elle a besoin de pauses. L’alcool est une pause, les drogues en sont une autre. Tous deux lui évitent des nuits entières à se morfondre sur son sort en pleurant dans son lit. Ça, et la compagnie. Ce soir en tout cas, ce ne sera pas celle de John. Elle ne peut tolérer qu’il la juge. Elle ne sait même pas comment il sait pour la drogue mais pour le moment cela reste le cadet de leurs soucis. Charlie essaye de nombreuses choses mais elle a toujours su quand s’arrêter et sur qui elle pouvait à peu près compter. Aucun coma éthylique, aucune overdose. De quoi se plaint-il alors ?
Il se lève, trop sûr de lui. La rousse ne le quitte pas du regard, se demandant quel moment serait le plus propice pour lui planter un couteau dans la jugulaire. Il pense encore que Charlie reviendra vers lui comme elle le fait toujours. Ça arrivera sûrement, mais pas aussi tôt qu’il l’imagine. Lorsqu’il tente de lui caresser la joue à nouveau, l’avant bras de la jeune femme se lève instinctivement pour l’en empêcher. La main de John s’arrête à quelques centimètres de sa joue, il ne s’attendait sûrement pas à cette réaction. « Ne me touche pas. »
Elle lutte avec elle même pour ne pas succomber à nouveau à ses paroles. Elle aurait pu, sincèrement, lui pardonner les bleus et les combats sauvages. Si c’est sa manière à lui de se défouler, elle aurait pu l’accepter. Personne n’est parfait. Mais Charlie a toujours cherché à être la femme parfaite, n’ayant pas à recevoir de critiques. Elle s’est toujours cantonnée à ce qu’elle connaissait pour ne jamais commettre d’impairs, ne jamais faire un faux pas. Elle n’a jamais accepté la critique, bien trop sensible pour ça. Les larmes lui montent peu à peu aux yeux, ils deviennent brillants. « Très bien je ne te changerai pas. » Sa voix est froide, insensible. Le regard qu’elle lui lance n’est pas davantage chaleureux « Alors pars. Va-t-en. » Il ne bouge pas, sûrement trop surpris par sa soudaine haine. « Dégage de chez moi ! » finit-elle par crier.

Love spend time with you

@John Williams

MES NUITS SONT BLANCHES, MES IDÉES NOIRES — Le sang monte à la tête de Charlie, l’empêchant d’entendre quoi que ce soit. Malheureusement, les mots sont rapidements décryptables sur les lèvres de John. Il joue avec ses nerfs et cela n’a aucun mal à fonctionner avec elle. Le temps passe au ralenti, il semble enfiler ses chaussures et son manteau aussi vite qu’un gamin de six ans. La rousse reste paralysée, la seule chose dont elle est capable est de rester plantée là où elle est et de l’observer en silence d’un air colérique, lui et son alécopie. Si une comparaison devait être faite, aussi inappropriée soit-elle, la jeune femme pourrait être le Fétiche du toit dans Kirikou. John, à défaut d’être Kirikou, serait plutôt Karaba la sorcière. A l’instant présent, elle le maudit de toute son âme. Il n’avait pas le droit de la juger. Elle lui aurait pardonné tant de choses bien plus graves, mais pas les critiques à son égard.
Sans un mot à l’encontre de l’homme, elle le regarde s’en aller de loin. Il est capable d’ouvrir et de ferme une porte de toute façon, il n’a pas besoin d’elle. Pour le moment, Charlie ne souhaite même plus s’approcher de lui ; alors que quelques minutes plus tôt elle était prête à lui donner son corps. Toute une vie peut changer en un claquement de doigts … Même si, entre nous, sa vie ne peut se résumer à une seule personne et qui plus est un conjoint. Se tenir éloigné de lui évite à Villanelle d’accorder son pardon dans la minute, de céder à un accès de rage et de s’abandonner à une énième crise de larmes. Tout ça en même temps, oui.
Le claquement de la porte lui apporte tant de soulagement que de douleur. Elle est soulagée de savoir John et ses problèmes loin d’elle pour quelques temps, mais de l’autre elle a besoin d’eux pour se sentir vivante et utile. Cette relation, bien que foireuse sur tous les aspects, est éminemment complexe pour qui tente seulement de l’analyser. Ils sont retenus par des liens plus ambigus que l’amour. Charlie tâtonne vers la porte d’entrée, manquant plusieurs fois de tomber en l’espace de cinq mètres, et pose une main sur la poignée. Elle est prête à l’ouvrir à tout moment, à lui crier qu’elle est désolée encore une fois, qu’elle ne pensait pas ce qu’elle disait (encore une fois) ; tout ça pour ne pas le voir partir. Lui semble avoir beaucoup moins de remords, le bruit de la moto démarrant en trombes lui brise le coeur. Sa main en vient à tourner les clés dans la serrure, elle pose son dos contre le bois lisse et se laisse glisser jusqu’au sol. Tête enfouie dans les genoux, les larmes commencent à couler.
Elles ne s'arrêteront plus.