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 (Juliana) We all chained to the rythm

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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptyVen 31 Mai 2019 - 16:38



We all chained to the rythm

@Harvey Hartwell & Juliana Rhodes



Cette réponse n’est absolument pas satisfaite, c’est même tout le contraire. Suis-je réellement la seule à estimer que ce n’est parce qu’une personne se comporte comme une connasse qu’il faut nécessairement adopter la même attitude ? Apparemment oui selon Harvey et s’il compte défendre son ami ou plutôt son ex en utilisant cet argument, il se trompe lourdement. « Là n’est pas la question. » Je rétorque, un peu plus sèchement que je ne l’aurais souhaité. Après tout, il n’y est absolument rien dans cette histoire et j’imagine que s’il tente de rattraper les choses, c’est davantage pour apaiser les éventuelles tensions qui pourraient naitre entre Alfie et moi plus que pour le dédouaner de quoi que ce soit. C’est gentil de sa part, je devrais lui en être reconnaissante mais je n’arrive tout simplement pas à voir les choses sous un jour aussi positif que lui, c’est impossible. J’ai l’impression de découvrir une autre personne alors que j’ai pourtant conscience qu’il est parfaitement normal que le Alfie ayant largement dépassé la barre des trente ans ne soit pas le même que celui de dix-huit ans. J’aimerais réellement me convaincre que je suis ridicule mais je n’arrive pas à être aussi peu touchée que j’aimerais l’être. « Je suis désolée… C’est juste que j’ai toujours considéré que rien ne pouvait justifier l’infidélité… Il y a toujours d’autres solutions, s’il n’était pas bien avec elle, pourquoi il est resté ? Et pourquoi tu as accepté d’être la roue de secours ? » Parce qu’au final, je m’intéresse à l’attitude d’Alfie dans cette situation mais c’est surtout Harvey qui devrait m’inquiéter parce qu’il a accepté de coucher avec lui alors qu’il était en couple et ce sans s’attendre à vivre une vraie histoire, du coup. Je sais bien qu’il ne croit pas en l’amour, nous avons eu des débats assez animés sur le sujet, mais je ne le pensais pas capable de venir s’immiscer au sein d’un couple. Pour moi, Harvey a toujours été le garçon gentil aux belles valeurs qui dissimule sa souffrance sous un faux-air de méchant. Je l’ai toujours considéré comme un nounours au grand cœur brisé par les épreuves de la vie. Et en plus, il élude ma question, choisissant simplement d’affirmer qu’il n’est pas étonnant qu’ils se soient recroisés après toutes ces années. Je veux bien le croire, mais je m’en fiche un peu à dire vrai, j’aimerais surtout être certaine qu’il s’agit bien d’amitié et de rien d’autre. Je sais que je ne devrais pas m’angoisser pour ça, j’ai parfaitement confiance en Alfie mais toute cette histoire ne me plait pas et j’ai peur de l’issue qui pourrait y avoir. « Je le sais, je ne veux juste pas devenir la nouvelle Amelia. » Ce qui parait logique compte tenu de ce que mon copain lui a fait subir mais aussi de l’opinion franchement mauvaise qu’Harvey semble avoir à son sujet. J’ai déjà expérimenté une fois ce que ça faisait d’être cocue et je ne tiens pas du tout à le revivre de nouveau.

Harvey est mon ami, je devrais lui faire confiance, tout comme je devrais continuer à accorder ma confiance à Alfie qui n’a rien fait pour me prouver que je ne pouvais plus la lui donner. Je culpabilise vraiment de me poser toutes ces questions qui ne me sont jamais venues à l’esprit auparavant. J’ai l’impression que toutes ces zones d’ombre que je crois apercevoir sans pour autant en être persuadée commencent à me monter à la tête, c’est affreusement désagréable. Je ne suis plus capable de démêler le vrai du faux ou de me rendre compte de la justesse de mes opinions. « Tu te dévalorises encore, tu ne devrais pas, au contraire, je suis sûre que tu es de bon conseil et que la seule raison pour laquelle tu as vécu des histoires, comme tu dis, c’est parce que tu estimais ne pas être capable d’avoir plus. » A croire qu’il ne se rend pas compte que je le connais, ou en tout cas je crois le connaitre, nous avons passé de longues heures à travailler, certes, mais aussi out autant à débattre, à échanger, à partager nos points de vue et à montrer par ce biais nos différentes personnalités. Je sais qu’Harvey a souffert et qu’il a peur de continuer à souffrir, mais en revanche, je n’ai jamais compris pourquoi il s’obstinait à se faire du mal volontairement en s’empêcher d’aller de l’avant. C’est comme cette histoire de visa d’études, j’ai l’impression qu’il aime se saboter, se mettre des bâtons dans les roues quand les choses tournent trop bien pour lui. J’aimerais tellement que ce retour à Brisbane soit un nouveau départ pour lui et qu’il agisse différemment. La suite de son discours devrait sans doute me rassurer, me prouver que j’ai raison de chercher des réponses mais finalement la confirmation qu’elle me donne est tout autre et me laisse évidemment un goût amer. « Alors j’avais raison, il me ment. » Si j’ai le droit à la vérité, c’est qu’il en existe une et que je ne l’ai pas et ça, c’est évidemment un problème que je vais devoir résoudre. Mais manifestement je ne suis pas la seule à avoir des problèmes. « C’est pour ça que vous êtes brouillés avec ton frère ? Parce que tu ne veux pas aller rendre visite à ta mère ? » Si c’est le cas, alors c’est bien malheureux. Ils ont été unis dans cette épreuve, ils l’ont surmonté ensemble et même si je me doute que ce doit être dur pour Lonnie de voir son grand-frère tourner le dos à leur famille, tout le monde ne peut pas gérer la situation de la même manière et parfois il faut savoir accepter les divergences d’opinion. « Est-ce que tu lui as expliqué pourquoi tu ne souhaitais pas aller la voir ? » Son frère doit être dans une position délicate, à courir entre les deux pour tenter d’opérer un rapprochement qui n’arrivera jamais, ça doit être extrêmement frustrant et difficile à vivre pour lui, mais malgré tout, on ne peut pas forcer le destin. « Et est-ce que tu as pensé à aller le dire toi-même à ta mère ? Peut-être qu’elle l’accepterait plus facilement si c’était toi qui allais lui dire adieu. » Est-ce qu’il en a envie ? Ou est-ce qu’il en est capable ? Je n’en ai aucune idée, je ne fais que suggérer des possibilités sans trop savoir dans quoi je m’embarque. Tout ce que je sais, c’est que Harvey comme Lonnie ont beaucoup souffert de ce drame et mériteraient bien de vivre un peu en paix, pour une fois.


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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptySam 1 Juin 2019 - 10:17



→ L’infidélité… Vaste sujet de conversation ! Dans le milieu où je travaille, elle est partout. Je vois des maris infidèles toutes les nuits venir chercher ce qu’ils ne trouvent pas auprès de leurs femmes. L’interdit, la luxure, la domination… Et j’ai entendu tous les discours à ce sujet. Il y a les penauds, ceux qui ont du mal à s’avouer ce qu’ils viennent chercher dans de tels établissements et qui enlèvent leurs alliances avant de s’adonner aux plaisirs de la chair avec de parfaites inconnues. Il y a les vantards, qui pensent que leur queue les mènera au bout du monde et qui ne cessent d’en vanter les mérites ; ceux-là ont un sérieux problème d’égo. Je les qualifie personnellement de pauvres types, ainsi que de gros porcs. Puis, il y a les pommés, en manque d’amour, prêts à payer pour un peu de tendresse. Ce sont sûrement les plus attendrissants, les plus tristes aussi. Et enfin, il y a les pervers, les monstres, toujours insatisfaits, prenant du plaisir dans la domination d’autrui. Ils me font froid dans le dos, eux. Si Jules avait connaissance de tous les monstres qui peuvent se cacher dans les tréfonds d’un homme, elle n’en dormirait pas la nuit.  

– S’il n’était pas bien avec elle, pourquoi il est resté ? Parce qu’il aimait ne pas être bien, justement. Cette descente aux enfers avait le goût du risque et de l’aventure. Trépidante pour quelqu’un qui a reçu une éducation trop restrictive. Il m’est pénible d’avoir cette discussion avec elle pour nos retrouvailles, à croire que nos vies diamétralement opposées aiment se confronter et débattre. Toutefois, j’estime ne pas pouvoir satisfaire la curiosité de mon amie sans porter préjudice à mon autre ami – ce que j’ai de toute façon probablement déjà fait. – Et pourquoi as-tu accepté d’être la roue de secours ? Cette question me laisse perplexe. Je ne me suis jamais considéré comme une roue de secours auprès d’Alfie. J’avais certainement bien plus de sentiments que lui à l’époque mais je n’ai jamais cru que nous deviendrons quoi que ce soit lui et moi. Je ne l’attendais pas sagement au bord de la route, comme un chien la langue pendante, guettant la moindre caresse ou signe d’affection. J’avais du business en cours et bien d’autres préoccupations à l’époque. Et puis quand même bien je l’aurai désiré, je savais que ce genre de relation m’était – et m’est encore – totalement inaccessible.  – Je… Tous les couples ne suivent pas la même logique, Jules… Je ne sais même pas s’ils étaient en couple à proprement dit. Il était très certainement tout autant cocu qu’elle, mais ça n’avait pas d’importance. Non, l’infidélité ne représentait pas un réel problème, le but étant de se faire le plus de mal possible, elle était logique et totalement intégrée dans ce fonctionnement tordu et dérangeant. Je sais que pour Jules cela est inconcevable mais elle n’imagine pas le quart de ce qu’a pu être notre adolescence. – Et je n’étais pas une roue de secours, j’étais juste… son pote. De temps à autres, j’étais un peu plus que ça. Ça n’a jamais réellement compté je crois. Je n’étais qu’une expérience de plus, une autre façon de repousser les limites de la décence…

Mes explications me semblent totalement décousues et nébuleuses. Je crois que je perds davantage Jules que je la rassure et je m’enlise complétement dans mon récit. J’ai l’impression d’avoir un sac de nœud à la place de ma propre cervelle, et rien ne me semble cohérent dans ce que je raconte. Je devrais probablement m’arrêter là, mais j’ai véritablement envie de rassurer Jules alors j’ajoute – Tu sais, on n’a jamais vraiment parlé de ce que je faisais ado mais ce n’était pas tout beau Jules… La vie en foyer c’est la galère et j’ai eu de la chance de ne pas me faire choper par les flics à l’époque pour plus que des faits sans importance. Si j’étais aussi absent en cours, ce n’était pas pour enfiler des perles en-dehors. Et concrètement, les relations de couple étaient le cadet de nos soucis. Je pourrais le dire bien plus crûment, mais j’ai peur de la choquer. Alors j’essaie de lui faire comprendre que notre quotidien était bien loin du sien, comme je le peux. – Je le sais, je ne veux juste pas devenir la nouvelle Amelia. Je lève les yeux au ciel et secoue la tête, avant d’affirmer, sûr de moi  – Je te respecte bien trop pour te faire un coup pareil, Jules. Je n’ai jamais aimé faire du mal consciemment. Quelle ironie alors que je décharge ma colère en tabassant des inconnus dès que je le peux ! Je ne crois pas qu’Alfie voudra me revoir après cette discussion. Car Jules va surement lui parler de moi, de nos retrouvailles et lui demander des comptes ensuite. S’il me recontacte, ce sera sûrement pour m’étrangler. Les souvenirs ont la vie dure, il a déjà tenté plus d’une fois. Je glisse ma main sur ma gorge, l’air absent, en y pensant.

- Tu te dévalorises encore, tu ne devrais pas au contraire, je suis sûre que tu es de bon conseil et que la seule raison pour laquelle tu as vécu des histoires, comme tu dis, c’est parce que tu estimais ne pas être capable d’avoir plus. Le regard fixe et perdu dans le vide, j’accuse ces paroles criantes de vérité qui font écho à ma douleur. Dire que je n’ai jamais aimé serait totalement faux. J’éprouve de manière générale des sentiments assez rapidement. Je fais attention aux personnes que je côtoie, je m’intéresse à eux et bien souvent ils m’émeuvent et me touchent. Il m’est facile d’aimer les autres. C’est moi que je déteste, moi qui m’insupporte. Et je ne sais pas comment venir à bout du dégoût profond que je m’inspire. Je ne réponds pas, car cela ne servirait à rien. Constater mes difficultés ne m’aide pas à les surmonter. J’abandonne. – Alors j’avais raison, il me ment. – Je ne sais pas s’il te ment, mais peut-être qu’il te doit des explications oui. Je n’en sais rien à vrai dire. J’ignore tout de leur façon de fonctionner et Alfie me semble être à l’opposé de Juliana. J’ai réellement du mal à me faire à l’idée qu’ils puissent être ensembles.

- C’est pour ça que vous êtes brouillés avec ton frère ? Parce que tu ne veux pas aller rendre visite à ta mère ?  Est-ce que tu lui as expliqué pourquoi tu ne souhaitais pas aller la voir ? Et est-ce que tu as pensé à aller le dire toi-même à ta mère ? Peut-être qu’elle l’accepterait plus facilement si c’était toi qui allait lui dire adieu. Toutes ces questions me replongent dans les traumatismes du passé. La blessure lancinante dans ma poitrine s’éveille douloureusement. De mon point de vue, rien n’est simple. Aller dire à ma mère que je ne veux plus la voir relève de l’illogisme le plus complet, et je n’ai pas encore déterminé si je ne voulais réellement plus la voir. Lui rendre visite en prison, c’est au-delà de mes forces, je suis terrorisé à l’idée de me rendre devant l’édifice austère à nouveau. Pourtant, je l’ai promis à Lonnie… Ce ne sera pas la première promesse que je ne tiens pas. Je me déteste tellement. Mes indécisions et mes peurs me font échouer constamment. Je retombe dans mes travers et je tourne en rond. Je ne suis qu’un gamin fuyant, tendant le bâton pour se faire battre. La violence est rassurante quand on ne connait qu’elle. Hésitant à rallumer une nouvelle clope, je m’abstiens toutefois et j’inspire longuement avant de répondre en éludant la plupart des questions – Pour ça et pour d’autres raisons. Je n’ai pas été le grand-frère idéal, il n’a jamais vraiment pu se reposer sur moi tu sais et… je l’ai abandonné lui-aussi il y a dix ans alors il a de sacrés bonnes raisons de m’en vouloir. Je n’ai pas envie de lister tous mes manquements à son égard, aussi j’espère que Jules n’insistera pas. Je me redresse légèrement, glisse ma main dans mes cheveux et me mords les joues avant d’ajouter – Et je ne sais pas si je dois aller la voir ou non… J’en sais rien. Je la déteste. Je lui en veux. Elle est responsable. Coupable. C’est ce que je me répète depuis toujours, depuis le jour où à la sortie de l’école, ce sont des agents des services sociaux qui sont venus me récupérer. Je n’ai jamais remis les pieds à la maison, considérée comme une ‘scène de crime’. Il aura fallu attendre la fin de l’enquête pour retrouver nos effets personnels, nos vêtements, nos jouets… Cette période et tous les traumatismes qui l’accompagnent me font toujours aussi mal que lorsque je les ai vécues. Les doigts tremblants, je finis par attraper une nouvelle cigarette qui glisse entre mes doigts et que j’observe, pour me concentrer sur autre chose que le tumulte qui bouillonne en moi.




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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptyDim 2 Juin 2019 - 9:48



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@Harvey Hartwell & Juliana Rhodes



Je ne comprends plus rien à ce que me raconte Harvey parce que ce qu’il tente de m’expliquer me dépasse totalement, si j’ai accepté que le monde et les gens ne puissent pas être tout noir ou tout blanc, j’admets que j’ai beaucoup de mal avec le concept du couple qui n’en est pas un et de ces histoires d’amitié qui dévient sur de l’amour à court terme. Pourquoi les choses ne peuvent pas être simples et fluides ? Lorsque j’étais petite, je m’étais persuadée que c’était comme ça que la vie devait se dérouler, on rencontrait quelqu’un qui devait son âme-sœur, on l’épousait, on fondait une famille et on vivait heureux pour le restant de nos jours. Je me rends compte chaque jour davantage qu’en réalité, la vie est beaucoup plus compliquée que ça et j’aurais aimé que la mienne échappe à tout ça, et celle d’Harvey aussi, si possible. Il en a déjà trop bavé, son adolescence a été extrêmement difficile et j’ai assisté de loin et impuissante aux combats qui se livraient chez lui. J’ai eu mal pour lui, parce que je ne pouvais pas ôter sa souffrance ou même l’alléger. Je n’ai pas le droit de lui en vouloir parce qu’il a été mêlé au passé de celui qui partage ma vie, je ne peux pas juger ses actions et je m’en veux d’avoir transformé nos joyeuses retrouvailles en ce moment pénible pour lui comme pour moi. « Je vois. » J’affirme, alors que je ne vois pas du tout, au contraire. Je ne comprends pas comment ils pouvaient se satisfaire de cette relation, comment Alfie pouvait accepter d’être en couple avec une fille pour la tromper et être trompé par elle. A quoi ça sert dans ce cas ? Sur quoi reposent les basent de la relation ? J’ai l’impression que ses agissements étaient à des millénaires des principes et des valeurs qu’il m’a toujours semblé avoir, comme si c’était une autre vie alors qu’il s’agit simplement d’une époque différente. Et là-dedans, Harvey est venu se greffer, je ne sais pas trop comment, je ne sais pas trop pourquoi. Lui-même semble l’ignorer d’ailleurs. Il était son ami, très bien, mais alors pourquoi coucher avec lui ? S’il ne se montrait pas aussi sérieux, j’aurais sincèrement l’impression qu’il me fait une mauvaise blague. « Tu couches souvent avec tes potes ? » Est-ce qu’il essaie de minimiser ou est-ce vraiment leur manière d’exprimer leur amitié ? Une chose est sûre, je déteste l’idée qu’il se soit passé quelque chose entre eux. Bien sûr, je ne peux ne vouloir ni à l’un, ni à l’autre, c’est du passé, mais parce qu’Harvey vient de revenir à Brisbane, j’ai peur que le passé ressurgisse. « Je suis désolée que tu aies eu à vivre tout ça. » Et je le pense sincèrement. Si son explication n’a rien de rassurant concernant les actes qu’il a pu commettre en compagnie d’Alfie des années auparavant, j’ai conscience que j’ai atteint une limite et qu’insister me desservirait plus qu’autre chose. Je l’ai mis dans une situation inconfortable et je me déteste pour ça. Il me respecte trop pour trahir mes confiances, ça devrait certainement me suffire, mais je crois qu’il m’en faudra plus pour que je parvienne à éviter tout ça.

Je m’enfonce encore davantage lorsque nous évoquons son frère. J’ai loupé dix ans, une éternité et si je me souviens parfaitement de l’attachement que portait Harvey à son frère alors que nous en parlions à la bibliothèque, je suis passée à côté de plein de choses qu’il ne semble pas avoir besoin de partager avec moi. J’aurais dû éviter ce terrain glissant, ne pas le pousser à en parler davantage, respecter son silence et il a fallu que j’insiste. Je m’en veux, je l’ai habitué à mieux, je ne veux pas être cette fille qui le juge, je veux rester l’amie prête à l’épauler quels que soient ses choix. J’ignore ce qui l’a éloigné de Lonnie, l’amour qu’il portait à son frère m’a toujours émerveillé, j’ai été bluffée pendant des années par la tendresse avec laquelle il mentionnait son nom. Il aurait donné sa vie pour lui, j’en suis absolument convaincue et j’étais vraiment persuadée que rien ni personne ne pourrait les séparer. Mais il était un adolescent difficile à l’époque et Lonnie n’était encore qu’un enfant, ils ont chacun grandi et évolué depuis, que ce soit ensemble et séparément. Je crois que je ne peux plus vraiment comprendre le lien qui les unit à présent, je sais simplement qu’Harvey souffre de tout ça et que ce ne sont pas mes piètres tentatives pour l’aider à trouver des solutions qu’il a sûrement déjà envisagées qui arrangeront les choses. Et encore une fois, il a eu une vision de lui-même très pessimiste, il donne l’impression de n’avoir rien fait de bien, de n’avoir jamais été à la hauteur, de ne pas mériter l’amour de son frère et ça me brise le cœur. « Tu es son grand-frère Harvey, tu es irremplaçable à ses yeux, peu importe les erreurs que tu as commises, ce n’est rien en comparaison du lien qui vous unit. » Je veux qu’il comprenne à quel point il est important, il fait partie de sa famille, il a été là pour lui lorsque le drame s’est produit. Peut-être que Lonnie est en colère, pour une raison que je ne peux pas vraiment comprendre parce que je n’ai jamais vécu cette situation, et que je ne peux même pas ne serait-ce qu’imaginer l’horreur qu’ils ont traversé. Malgré tout, je crois sincèrement que leur amour peut tout surmonter, parce que Harvey m’a prouvé à de nombreuses reprises que son frère était l’élément central de sa vie et que même si dix ans se sont écoulés, je veux croire que c’est toujours le cas. « J’aimerais pouvoir t’aider. » Mais je ne le peux pas, comme d’habitude, parce que personne ne peut prendre les décisions à sa place et que je n’ai pas les cartes en main pour pouvoir analyser la position délicate dans laquelle il se trouve. « Tout ce que je sais, c’est que tu ne devrais pas avoir à te forcer si tu n’en as pas envie. » Je pense que personne ne peut prétendre comprendre la relation existant entre Harvey et sa mère. « Si tu as des choses à dire mais que tu ne veux pas te confronter à elle, est-ce que tu as déjà pensé à lui écrire ? » Sûrement une idée encore plus stupide que celles que j’ai pu avoir jusqu’à présent, mais j’ai tellement envie de réussir à l’aider que j’en oublie de me taire.


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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptyMar 4 Juin 2019 - 5:31



→ Mes explications brumeuses ne l’aident pas à comprendre, et même si Jules m’assure qu’elle ‘voit’ où je veux en venir, je sais pertinemment que ce n’est pas le cas. Et comment pourrait-il en être autrement après tout ? Elle est à cent mille lieux de pouvoir s’imaginer notre quotidien à l’époque, et tant mieux ! Qu’elle se préserve de toutes ces merdes, cette noirceur grouillante de pus qui ne mérite pas qu’on s’y attarde. Notre adolescence n’a été qu’un passage dans nos vies, déterminant certes mais révolu et derrière nous. Je ne suis plus le même qu’à cette époque, quelque chose s’est éteint en moi. J’ai conservé la violence mais elle s’exprime différemment, je ne suis plus constamment en ébullition, même si les braises sont toujours aussi incandescentes. – Tu couches souvent avec tes potes ? A nouveau la question me surprend et m’embarrasse. Je crois que je n’ai jamais cherché à définir ce qu’on était Alfie et moi, et faire cet exercice maintenant, en face de celle qui partage désormais sa vie et qui est mon amie, est très déroutant. Ma tête oscille de droite à gauche alors que je fixe le cendrier sur la table où se tassent mes mégots, et j’essaie de réfléchir à la meilleure façon d’expliquer à Jules la relation étrange qu’Alfie et moi entretenions. Mais je n’y arrive pas, mon cerveau semble être en incapacité de la définir et je bloque sur les mots que je pourrais employer. Je finis par balbutier une réponse peu satisfaisante – Et bien non… Généralement non… Mais, après quelques pilules euphorisantes, quelques joints, pas mal d’alcool… Je ne peux pas dire ça, alors je m’abstiens et soupire – Tu sais les ados, les hormones en ébullition… ça ne veut pas dire grand-chose. Je suis persuadé que Jules n’a aucune envie de s’imaginer Alfie et moi alors je m’arrête là, avec la sensation d’en avoir de toute évidence trop dit. Je me sens honteux d’ailleurs, ces retrouvailles n’auraient jamais dû être ternies par mon passé peu reluisant. N’est-ce pas là le problème de ma vie ? Mon passé gluant et putride, accroché à ma chair, la dévorant lentement jusqu’à la fin… - Je suis désolée que tu aies eu à vivre tout ça… - Et moi je suis désolé pour aujourd’hui. Je ne voulais pas te faire du mal, Jules. Et je le pense, sincèrement. Malgré moi, mes yeux s’embuent et je détourne le regard sur les passants au loin et les voitures qui défilent. Encore une fois, je replonge dans les mêmes travers : à faire du mal malgré moi. J’ai l’impression de tourner en rond, de constamment faire face aux mêmes dysfonctionnements, mêmes échecs. Je déteste celui que je suis, une fichue erreur, rien de plus. Mon père avait raison dans l’fond, je suis né pour foutre la merde.

Parler de Lonnie continue de me déchirer le cœur, je suis totalement à côté de la plaque avec lui. J’ai merdé sur toute la ligne, et ce depuis toujours… Depuis ce fameux jour où il est resté à la maison seul avec lui parce qu’il était malade. J’aurai dû savoir que cela n’arrêterait pas mon père. J’aurai dû savoir que cela l’exaspérerait que Lonnie pleure et réclame de l’attention. J’aurai dû le savoir et le prévenir. Faire garder Lo’, ou rester à la maison en prétextant être malade aussi. Maman aurait compris, le front collé pendant cinq minutes sur le radiateur ne trompe pas une mère, mais elle m’aurait laissé faire. Sauf que je n’ai réfléchi à ça. J’avais envie d’aller à l’école, d’échapper au quotidien morose de la maison et je me suis persuadé que tout irait bien pour Lo… ça a été ma toute première erreur, et par la suite il y en a eu bien trop… Encore aujourd’hui, je ne sais pas faire autrement que le décevoir, constamment. Je n’ai rien du grand-frère qu’on admire et sur lequel on se repose, c’est tout le contraire même. Et je me déteste tellement pour ça. – Tu es son grand-frère Harvey, tu es irremplaçable à ses yeux, peu importe les erreurs que tu as commises, ce n’est rien en comparaison du lien qui vous unit. Mon regard se relève et mes yeux bleus larmoyants croisent ceux de mon amie. Est-ce que tout est pardonnable, vraiment ? Est-ce qu’au stade où j’en suis, je peux encore rebondir et faire quelque chose de bien pour lui ? Je ne m’en sens pas capable… - Je ne fais que le décevoir davantage… Je ferme les yeux, souffle doucement alors que les émotions me prennent à la gorge. Lonnie est et sera toujours ma plus grande faiblesse. Tout ce que je ressens vis-à-vis de lui est paradoxal. J’aimerai le soutenir, être un appui dans sa vie, mais je ne comprends pas ses choix, ni sa logique. Pourquoi travailler dans la police ? Devenir flic ? Je voue une aide à tous ces salopards qui ont enfermés notre mère à vie, sans chercher à nous protéger alors que c’est leur putain de devoir. La colère gronde en moi mais je ne peux pas la laisser prendre le dessus. – Je suis loin d’être le grand-frère idéal… Je répète simplement, un peu fatalement, m’accrochant avec force à la piètre image que j’ai de moi, la seule que je n’ai jamais eue, celle par laquelle je me définis toujours. Un raté, un loser, une erreur.

- J’aimerais pouvoir t’aider. Tout ce que je sais, c’est que tu ne devrais pas avoir à te forcer si tu n’en as pas envie. Si tu as des choses à dire mais que tu ne veux pas te confronter à elle, est-ce que tu as déjà pensé à lui écrire ? Les mots de Jules me font étonnamment beaucoup de bien. Je ne me sens pas jugé, ni méprisé. Sa compassion me calme doucement et j’arrive même à lui sourire, chassant les larmes que je n’autorise pas à couler. – Lui écrire ? Tu imagines le désastre alors que j’ai déjà du mal à m’exprimer en temps normal ? Je souris, essaie de donner un ton plus plaisantin à notre discussion. – C’est toi qui a toujours été douée pour ça, écrire… Tu as une plume exceptionnelle, contrairement à la mienne. Je n’ai jamais les bons mots pour décrire les choses… Je fais un clin d’œil silencieux à nos heures de bibliothèque et à nos différences. Si j’ai toujours excellé dans les matières scientifiques, j’étais très loin d’être littéraire. Jules m’a beaucoup aidé et m’a fait découvrir de sacrés ouvrages. – Mais peut-être que je devrais essayer, oui. Ça peut être une solution, pourquoi pas ? A ce stade, tout est envisageable je crois. Tant que je n’aurai pas décidé la façon dont je m’y prendrais, je stagnerais dans cet entre-deux désagréable, cette brume pesante et lourde qui assombrit ma vie déjà peu brillante.


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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptyMar 4 Juin 2019 - 16:47



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Le malaise qui pèse sur cette conversation est palpable et je me sens coupable d’avoir instauré une atmosphère aussi tendue alors que ces retrouvailles auraient dû être joyeuses. J’ai été tellement heureuse lorsque je l’ai aperçu en face de moi alors que je croyais ne plus jamais le revoir et il a fallu que je gâche tout en me montrant curieuse et en posant trop de questions. Je l’ai mis au pied du mur et parce qu’il s’est comporté en ami, il n’a pas voulu me laisser dans l’ignorance. Il avait raison, j’aurais mieux fait de ne pas essayer de savoir, la vérité blesse plus que l’ignorance. Pourtant, je ne devrais pas ressentir de rancœur envers qui que ce soit, le passé est ce qu’il est et je ne faisais pas partie de la vie d’Alfie à cette époque-là, mais malgré tout, je n’arrive pas à être parfaitement sereine lorsque j’entends Harvey me parler de lui tant je ne reconnais pas l’homme que j’aime dans ses propos. J’insiste, bien trop lourdement, creusant encore plus profondément alors que nous sommes déjà allés beaucoup trop loin. Il doit m’en vouloir. Et il aura raison de m’en vouloir, je le mets dans une affreuse position. Il me confirme que non, il ne couche pas avec ses amis ce qui me fait sourire pour la première fois depuis cette affreuse révélation. « Cool. » Parce que ça aurait été difficile de rester pote avec lui si passer par son lit avait été le prix à payer pour y parvenir. De la même manière, je préfère qu’il reste loin de mon petit-ami à présent et si je n’ai rien contre l’idée qu’ils se revoient – bon d’accord, en vérité je n’aime pas du tout ça, mais me voiler la face est quelque chose que je fais très bien – je crois que je préfère m’assurer qu’aucune tension sexuelle ne vienne s’inviter à leurs entrevues. Son explication sur les hormones en ébullition n’est absolument pas convaincante mais je me garde bien de faire le moindre commentaire, cette fois, jugeant que l’état de son moral commence à être assez préoccupant pour que je ne tente pas de l’enfoncer encore davantage. C’est avec un air triste et les larmes aux yeux qu’il s’excuse et je me hâte de rectifier l’erreur qu’il est en train de commettre en se jugeant responsable de ce passé douloureux à encaisser pour moi. « Tu n’as pas à t’en vouloir pour quoi que ce soit, tu n’as rien fait de mal. » J’affirme avec sincérité, consciente que lui faire des reproches pour avoir partagé le lit de quelqu’un que je ne connaissais même pas à ce moment-là serait de la pure folie. Je ne peux pas nier que je suis blessée, mais ce n’est pas par ses actes que je l’ai été, plutôt par tout ce que j’ai perçu derrière cette révélation. « Je ne t’en veux pas du tout. » En revanche, j’ai peur, vraiment peur pour notre amitié. Je viens juste de le retrouver alors que je pensais ne jamais le revoir. Je ne veux pas que ce soit la dernière fois.

J’ai l’impression que tous les sujets que l’on aborde ce soir ne sont pas les bons et contribuent à rendre la conversation encore plus lourde et désagréable. Harvey semble sur le point de craquer et j’avance ma main pour la poser sur la sienne dans un geste qui se veut réconfortant, essayant d’occulter le fait que cette même main a parcouru le corps de mon petit-ami quelques années auparavant. Je n’ai pas le droit de penser de cette façon, ce serait affreusement égoïste de penser à ça alors qu’il est évident que mon ami souffre et a besoin d’extérioriser cette souffrance. C’est plus fort que moi, malgré mes efforts, je ne parviens pas totalement à occulter les précédentes révélations. « Tu dis ça parce que vous n’arrivez pas à vous comprendre, mais au moins tu es là et tu essayes, tes efforts finiront par payer un jour. » Les choses n’ont pas vraiment changé finalement, je suis toujours cette éternelle optimiste qui croit que tout peut toujours s’arranger si on y met du sien et si on fait preuve de patience. Je ne peux pas croire que le dialogue soit totalement rompu entre Lonnie et Harvey au point qu’ils ne parviennent plus à se souvenir pourquoi leur lien fraternel est aussi important. Ils ont besoin l’un de l’autre. A une époque, j’avais l’impression que Harvey manquait d’oxygène lorsque Lonnie n’était pas à ses côtés, c’était son petit frère qui lui donnait la force de vivre et j’ai la sensation qu’il est en train de la perdre. Je ne peux pas le laisser se gâcher comme ça et avoir une si piètre opinion de lui-même. « Je t’en prie, ne baisse pas les bras, le grand-frère idéal, il n’existe pas, tout le monde fait des erreurs, tout ce qu’il a besoin de savoir, c’est que tu es là pour lui. » C’est évidemment le cas, parce qu’il a toujours fait passer le bonheur de son frère avant tout le reste, qu’il a toujours été sa raison de vivre. Il a eu besoin de partir, loin, de se sortir de cette ville qui lui rappelait le drame qu’il a vécu, mais qu’il soit revenu à Brisbane n’est pas un hasard et il ne serait pas là, aujourd’hui, s’il n’avait aucun espoir de réconciliation, j’en suis persuadée. Je lâche sa main alors que la conversation dévie sur madame Hartwell, l’une des causes plus ou moins directe de l’attitude défaitiste d’Harvey. Il a manifestement énormément de problèmes à régler et j’aimerais pouvoir l’aider. « Tu dis n’importe quoi. » J’affirme, avec un léger sourire cette fois, me rappelant sans mal de toutes ces heures passées à la bibliothèque à s’épauler mutuellement dans nos domaines de compétences respectifs. « Tu n’as pas besoin d’avoir un prix Nobel de littérature pour exprimer ce que tu ressens, ce qui compte, c’est ce que tu as envie d’exprimer, peu importe la manière dont tu le fais. » Tant pis si son écriture est difficilement lisible ou si la syntaxe ou encore la grammaire ne sont pas parfaites, tout ce qui compte, c’est qu’il arrive à sortir ce qu’il a sur le cœur et qui semble le détruire progressivement.


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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptyMer 5 Juin 2019 - 16:39



→ Je la sens réticente, un peu plus loin de moi et ça me fait mal de réaliser qu’encore une fois, j’arrive à blesser par inadvertance, sans le vouloir, sans même le prévoir. Car honnêtement, combien y avait-il de chances pour que Juliana Rhodes, mon amie de la bibliothèque, soit la compagne actuelle d’Alfie Maslow, mon ex borderline de l’époque ? Je joue de malchance, comme toujours. Et c’est usant à force. Il faut toujours qu’il y ait une ombre au tableau, quelque chose qui ternit tout ce que j’entreprends et qui me ramène, inéluctablement, à mon passé de misère et à ma condition merdique. Aussi je m’excuse, tout comme je m’excusais enfant de simplement respirer car c’est gravé dans mon esprit que je suis une erreur. Tout me le prouve, continuellement. Mes choix, même ceux qui me surprennent comme aujourd’hui. Ai-je seulement été décisionnaire un jour ou est-ce que le destin s’amuse et prend un malin plaisir à me torturer ? C’est lâche de penser ainsi, je sais… C’est placer la faute ailleurs, pour se dédouaner de ses erreurs… Elles sont trop multiples pour que je ne culpabilise pas alors j’essaie de me trouver des excuses. Je n’en ai pas. La souffrance est harassante. Je suffoque. – Tu n’as pas à t’en vouloir pour quoi que ce soit, tu n’as rien fait de mal. Je n’ai rien fait de bien non plus. Je me retrouve là, après dix ans loin de tout, à lui faire face et à créer la discorde au sein de son couple – du simple fait de ma présence, du simple fait de mon passé, du simple fait de mon existence. – Je ne t’en veux pas du tout. Ces mots, prononcés avec sincérité, n’apaisent pas pour autant ma peine. Car si Jules ne m’en tient pas rigueur, moi je constate une nouvelle fois mon impuissance. Je relève toutefois la tête, tente un léger sourire et l’observe en me disant qu’au vu des circonstances, nous ne nous reverrons pas de sitôt. Je ne sais pas ce qu’Alfie lui révélera sur moi après ça, et peu importe au final car je n’ai jamais voulu lui cacher quoi que ce soit à Jules. Je l’ai épargné sur les détails peu glorieux de mon existence, et elle n’avait aucune envie de les savoir par ailleurs. Nos temps en commun étaient accès sur nos études, nos envies et notre avenir. Et je suis heureux de savoir qu’elle a eu le succès espéré. Bibliothécaire, cela lui va comme un gant. Elle est là où elle a toujours aimé être : au milieu des livres, transportée par les histoires des autres… C’est sa façon bien à elle de voyager et de s’ouvrir au monde.

J’évoque Lonnie, je parle de mes manquements à son égard, des difficultés que j’éprouve à raccrocher la relation. Je ne fais que le décevoir, en effet. Nos retrouvailles ont été un moment particulièrement difficile pour moi, je me suis retrouvé dos au mur, prisonnier – et de fait je l’étais – à devoir faire face à sa colère et à ses reproches dans un état proche du coma éthylique. Là encore, soit le hasard fait les choses pour me contrarier, soit c’est le destin qui me joue des tours. J’ai l’impression d’être un pantin, et mon marionnettiste est un sadique. – Tu dis ça parce que vous n’arrivez pas à vous comprendre, mais au moins tu es là et tu essayes, tes efforts finiront par payer un jour. Je ne sais pas, je n’ai pas l’impression de faire des efforts. Il a fallu qu’une garde à vue nous réunisse alors que ça fait trois mois que je suis revenu. Avant cela, je restais enfermé chez moi, dans cet appartement minable jusqu’à ce que la visite d’une strip-teaseuse me fasse réaliser son état déplorable. Sans le savoir, la jolie rose m’a secoué et j’ai décidé de me reprendre un peu en main. Je sors plus, et j’essaie de me trouver des occupations, un but et d’arrêter de me replier sur moi. Ce n’est pas la solution, et même si je n’en ai aucune, au moins je ne me complais plus dans ma solitude. Je caresse le dos de la main douce de Jules avec le pouce, dans un geste tendre et affectueux. Son soutien met du baume sur mon cœur, j’ai la sensation qu’elle m’a toujours vu comme une belle personne. Ça fait du bien de ne pas être considéré comme un monstre ou un pestiféré. Douce accalmie. Un peu de paix. – Je t’en prie, ne baisse pas les bras, le grand-frère idéal, il n’existe pas. Tout le monde fait des erreurs, tout ce qu’il a besoin de savoir, c’est que tu es là pour lui. Le suis-je réellement ? J’ai envie de croire que oui, mais je suis bien placé pour savoir que je fais souvent l’inverse de ce que je veux, ou de ce que je dois faire. Je relâche les épaules et murmure, dans un souffle – Je continuerai d’essayer… Parce que j’essaie, inlassablement, de me racheter une conduite, même si je n’y arrive pas. La souffrance me colle à la peau et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Je crois que je n’en ai pas non plus réellement envie car j’ignore de quoi serait faite mon existence sans souffrance. Les souvenirs de mon enfance innocente et insouciante sont ternis par les coups et les blessures. Par moment, j’entrevois les plages et je ressens cette plénitude qui me fait du bien… Je vais à Gold Coast pour me ressourcer autant que possible, car l’océan m’apaise. Son immensité absorbe mes pensées et vide mon esprit.

Jules me propose d’écrire à ma mère et je lui avoue ne pas y avoir pensé. Lui écrire semble une alternative intéressante, mais je n’ai jamais bien su manier les mots, ni à l’oral, ni à l’écrit. Je ne suis pas doué, et c’est la raison pour laquelle je blesse bien souvent les gens malgré moi. – Tu dis n’importe quoi. Tu n’as pas besoin d’avoir un prix Nobel de littérature pour exprimer ce que tu ressens, ce qui compte, c’est ce que tu as envie d’exprimer, peu importe la manière dont tu le fais. Je souris, amusé par sa franchise et sa façon de me rabrouer gentiment. Jules et son naturel toujours optimiste. Je suis vraiment content de la revoir, même si ces retrouvailles n’ont pas vraiment été celles que j’espérais. Elle arrive néanmoins à insuffler un peu d’espoir en moi. – J’essaierai alors, peut-être que ça marchera. Peut-être pas, mais rien ne me coûte de tenter le coup. Je me redresse sur le petit siège et réalise en sortant mon téléphone portable que l’heure a tourné. – Ton stagiaire est habitué à gérer la boutique seul ou il faut que t’y retourne ? Je connais déjà la réponse. Soucieux malgré tout de garder contact désormais, je lui dis – Tu veux qu’on s’échange nos numéros ? Je ne compte pas vraiment repartir de Brisbane désormais et si… Si t’as besoin, pour quoi que ce soit, n’hésite pas. Même si… Bref. Je ne vais pas au bout de mes pensées, mais elle aura compris. – Il se pourrait que je t’emprunte un livre ou deux par ailleurs. Tu me conseillerais quoi pour voyager un peu ?




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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptyVen 7 Juin 2019 - 11:21



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Je ne sais pas quelle attitude adopter face à Harvey, son évident désarroi me touche et me donne envie de l’épauler, comme je l’aurais fait lorsque nous étions encore des adolescents, mais d’un autre côté, ses précédentes révélations m’empêchent d’être aussi positive et amicale qu’habituellement. Je m’en veux de mon changement d’attitude alors qu’il n’y est pour rien et je m’efforce de ne rien laisser paraitre bien que je sois une piètre comédienne. Il s’agit de ses problèmes maintenant, plus des miens, je devrais être capable de faire abstraction de cette conversation qui m’a tellement chamboulée. Une part de moi arrive à se raisonner, à se dire que c’est du passé et que ça n’a aucune incidence sur notre relation actuelle, l’autre, en revanche, considère qu’il y a trop de zones d’ombre dans cette histoire et que je n’ai peut-être pas tout entendu, encore. Mais même si c’est le cas, je n’ai sans doute pas le droit de juger un passé dont je ne faisais pas partie et sur lequel personne ne peut revenir. Alfie est comme il est aujourd’hui, celui qu’il a été par le passé ne devrait pas m’importer. Si seulement c’était si facile. Finalement Harvey a raison, je n’ai toujours été qu’une utopiste et lorsque je me rends compte que tout n’est pas aussi simple que je l’avais imaginé, je suis incapable de gérer la situation. J’ai l’impression que même les conseils que je lui donne vis-à-vis de son frère ne sont pas suffisants, que même lorsqu’il s’agit de lui redonner de la force et de l’espoir, je ne suis plus suffisante. Pourtant, je me souviens des heures passées à discuter, à lui transmettre un courage que tous les chocs de la vie lui avaient enlevé, à m’assurer qu’il ne baisse pas les bras alors que le monde s’était écroulé autour de lui. J’aimerais redevenir l’adolescente de quinze ans si optimiste qui étais persuadée qu’en unissant la force de tout le monde, déplacer des montagnes serait possible. Je m’efforce, malgré tout, de persuader Harvey qu’il n’est pas minable, contrairement à ce qu’il prétend et que Lonnie aura encore et toujours besoin de son grand-frère pour veiller sur lui. Je ne sais pas si j’y parviens, mais il a l’air décidé à continuer à se battre pour lui et à ne pas baisser les bras. C’est tout ce que je voulais entendre. « Tu y arriveras. » J’affirme, avec sincérité, incapable de concevoir qu’il puisse en être autrement. Les liens qui unissent des frères ne peuvent pas être brisés, c’est impossibles, ils partagent le même sang, le même passé, ils ont tout vécu ensemble, ils se sont soutenus et épaulés lorsque leur vie s’est écroulée. Quels que soient les conflits qui les séparent actuellement, ils en viendront à bout parce qu’ils s’aiment et que l’amour est plus fort que tout. Finalement, l’utopiste que j’étais ne semble plus si loin que ça, à présent.

Je ne comprends pas vraiment quels sont les sentiments de mon ami envers sa mère, j’ignore s’il la considère désormais comme une simple génitrice ou s’il lui porte encore un amour qui le bouffe parce qu’il essaye de rejeter ce sentiment qu’elle ne mérite certainement pas à ses yeux. Je crois que je ne pourrais faire que des suppositions, il n’a jamais éprouvé le besoin de se livrer à ce sujet, ou en tout cas, pas avec moi et parce que j’ignore ce que ça fait de voir la vie de son père être enlevée par la femme qu’on aime le plus sur terre, je ne peux pas prétendre me mettre à sa place ou avoir une réelle compréhension de la situation. Malheureusement, je n’ai pas l’impression qu’il sache où il en est, lui aussi, il a l’air de lutter entre ses propres sentiments déjà bien désordonnés et incompréhensibles et ceux que les autres voudraient qu’il éprouve. A l’entendre, décevoir les autres et surtout son frère est plutôt important pour lui que de réparer son propre cœur meurtri. J’ai tendance à penser de manière différente, à croire que pour rendre son entourage heureux il faut déjà être bien dans sa vie et dans sa tête. Personne ne peut faire semblant indéfiniment, et aucun de ses proches ne pourra être pleinement heureux en sachant qu’il va mal. Bien entendu, je tais mes arguments qu’il ne m’a pas demandé, je lui ai déjà apporté une idée de solution, c’est suffisant, à lui désormais de mener cette réflexion, il n’a besoin de personne d’autre que de lui-même pour savoir ce qu’il doit faire. La mention de mon stagiaire me fait revenir brusquement à la réalité. « Merde. » Je jette un rapide coup d’œil à ma montre qui indique que j’ai pris la plus longue pause de ma carrière. « Il va croire que tu m’as enlevée, j’espère qu’il a pas encore appelé les flics. » Je me lève de ma chaise alors qu’Harvey demande si on peut s’échanger nos numéros, évoquant brièvement la révélation faite précédemment que j’aurais préféré oublier. Je relève les yeux de mon sac que j’ai attrapé pour plonger mon regard dans le sien. « Je n’ai pas l’intention de laisser cette histoire changer quoi que ce soit entre nous, Harvey. » Et je baisse de nouveau les yeux à la recherche d’un stylo que je finis par attraper pour griffonner mon numéro sur une serviette en papier laissée sur la table. Je la lui tends et sors de mon portefeuille de quoi régler nos consommations, sans lui laisser le temps de protester. « Le seul que j’ai en tête, c’est Sauvage par nature, mais je ne le trouve pas très joyeux, je te le mettrais de côté et je t’en trouverais d’autres pour que tu puisses choisir, passe me voir quand tu auras du temps. » J’espère qu’il le fera. Il a mon numéro, il connait mon lieu de travail, lui seul peut décider – une fois de plus – s’il souhaite rester dans ma vie. « N’hésite pas à m’appeler si tu es coincé avec ta lettre pour ta mère, si je peux t’aider, je le ferais avec plaisir. » Il est temps pour moi de prendre congé et d’aller m’excuser platement auprès de celui qui a dû assurer la gestion de la bibliothèque pendant un laps de temps bien trop long. « A bientôt, Harvey. » Tout en marchant, je sors mon téléphone de ma poche pour écrire un message à Alfie, réagir à chaud n’est sans doute pas la meilleure solution mais j’ai peur de ne plus avoir le courage de le faire si j’attends trop longtemps. Je prends une grande inspiration avant de l’envoyer et lorsque le symbole m’indiquant qu’il a bien été remis à son destinataire apparait, je suis loin, bien loin de me sentir mieux.


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Message(#)(Juliana) We all chained to the rythm  - Page 2 EmptyDim 9 Juin 2019 - 20:38



→ La simple évocation de son stagiaire aura suffi pour que Jules retrouve le dynamisme qui lui est propre. Je la vois s’affairer tout d’un coup, peut-être un peu trop pressée de clore cet échange qui s’est avéré plus difficile que prévu. Ni elle ni moi n’aurions pu le prévoir, le destin décide de réunir de façon étrange les gens parfois. Elle se lève, cherche dans son sac et tous ses petits gestes nerveux et rapides comblent le vide qui s’est installé entre nous et la pauvreté de notre échange qui promettait d’être bien plus riche. Nos retrouvailles n’ont pas eu la saveur espérée et laissent un goût amer dans ma bouche. Restant assis sur ma chaise, j’observe mon amie fuir à la hâte, gribouiller son numéro de téléphone sur un bout de papier que je saisis et garde un instant en main, observant la série de numéros d’un air pensif. Elle me conseille sur un livre, ‘Sauvage par nature’, j’acquiesce sans dire un mot et je cale une cigarette entre mes lèvres alors qu’elle me propose son aide à la hâte. Je souris et agite doucement ma main vers elle alors qu’elle est déjà en train de partir, à petits pas pressés sur le trottoir et je prévois que sa soirée va être longue. Par ma faute. Je soupire et souffle la fumée de ma cigarette, avant de glisser le numéro de téléphone dans la poche intérieure de ma veste. Si on m’avait dit, il y a dix ans, qu’Alfie Maslow et Juliana Rhodes formeraient un couple plus tard, je crois que j’aurai ri durant des heures. Mais la réalité ne me fait absolument pas rire aujourd’hui. Je ne vois pas comment je pourrais prétendre avoir une place dans la vie de l’un ou de l’autre désormais. Me tenir éloigné d’eux me semble bien plus raisonnable. – Vous avez terminé Monsieur ? La serveuse au visage amical m’extirpe de mes pensées et je me redresse en hochant la tête. – Oui, combien j’vous dois ? – La dame a payé vos consommations, c’est tout bon. Ah… Mon regard glisse sur la monnaie posée sur la table et, à nouveau je hoche simplement la tête. – Bon et bien… Dans ce cas, bonne journée. A vous de même ! Déclare-t-elle avec entrain alors que je m’éloigne dans la direction opposée de la bibliothèque. Je vais faire un petit détour avant de retourner au garage, passer à nouveau devant l’établissement ne me dit guère, mes sentiments sont trop exacerbés pour le moment. Mains dans les poches, le regard perdu sur la ville et la vie qui défile tout autour de moi, j’ai l’impression d’être un fantôme du passé qui traîne son histoire, comme un boulet accroché à des fers. Je suis enchainé. Et rien ne semble pouvoir me délivrer. Ressens-tu la même chose, Maman, au fond de toi ? Est-ce que c’est ce qu’on ressent lorsqu’on est privé de liberté ? Je crois que ton sort est plus enviable que le mien, car toi au moins tu n’éprouves pas l’espoir, ce sentiment vil et mesquin qui te fait croire monts et merveilles et te pousse à avancer continuellement, vers la chute inévitable. Je crois que je préférerais être à ta place, Maman, mais je n’ai pas eu le cran de le tuer, moi. Pourtant, j’en ai tellement rêvé… Les rêves s’échappent, les cauchemars prennent forme, ma réalité est teintée de noire quoique je fasse.



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