Il n'avait pas été travaillé ce matin, choisissant de suivre Sam dans ses aventures à l'institut. Comme d'habitude, Timothy était ressorti d'un quart d'heure en compagnie de sa mère complètement chamboulé. C'était à se demander comment il pouvait encore supporter cela, l'idée même de croiser son regard après tout ce qu'elle lui avait fait subir jusqu'à ses treize ans. Elle n'y était pour rien dans le fond, c'était la maladie qui la rendait complètement incapable de distinguer la réalité de ses fantasmes. Elle s'y était attachée si longtemps à cette idée de Tim en fille qu'elle n'était même plus en mesure de le voir autrement que comme son Esméralda. Cela faisait trente deux ans que le jeune Decastel supportait cela, même s'il était parti de chez sa mère depuis vingt ans déjà, il n'était pas complètement remis de ce chamboulement identitaire d'envergure. C'était avec cette sensation de mal être au fond des entrailles qu'il était entré dans son cimetière, en début d'après midi. Il avait bien besoin de cet instant de calme, s'attendant certainement à trouver le cimetière vide en plein milieu de semaine. Cela tombait bien, Timothy préférait ces moments là, où il n'avait rien d'autre à faire qu'à entretenir les allées sans organiser de funérailles à venir ou renseigner des familles sur les conditions de mise en terre. Il adorait parler aux gens, c'était un être infiniment sociable et positif, qui avait besoin de la présence des autres pour s'épanouir mais après un début de journée comme le sien, il envisageait plus simplement le repos de sa solitude. Il aurait, ainsi, tout le loisir de repenser à cette nouvelle confrontation avec sa génitrice, se demandant si un jour il pourrait passer à autre chose ou juste lui pardonner. Ce n'était pas quelque chose de facile à réaliser après cet abandon dès sa naissance pour une figure fictive féminine mais apparemment, le rejet était une constante dans son existence puisque son père l'avait abandonné quelques années plus tard. Timothy s'en remettait toujours, en apparence, parce qu'il n'arrivait pas à en vouloir aux autres pour leur piètres choix. Il essayait toujours de se mettre à leur place, de comprendre ce qui avait pu les amener sur un chemin si tortueux et puis, il acceptait avant de passer à la suite même s'il devait en souffrir. C'était ce qui était arrivé avec Alex, une amie qu'il n'avait pas revu depuis dix ans déjà et qu'il ne s'attendait pas à revoir au bout de l'allée vingt deux. Pourtant, il ne mit pas plus de deux secondes à réaliser que c'était elle: il l'avait bien trop observée il y a quelques années pour se tromper sur l'identité de la jeune femme. Il fut un temps, ils étaient tout le temps fourrés ensemble, Timothy écoutant ses récits en s'empêchant de rêver qu'il pourrait être un jour à la hauteur d'un Caleb ou un autre de ses petits amis. De l'eau avait coulé sous les ponts depuis, et heureusement, puisqu'il s'approcha avant de se poster doucement à côté d'elle, se mettant à parler presque tout bas. "Rachel, hein? Je savais pas que tu revenais nous voir, Alex." Il aurait pu lui indiquer que son silence dix ans auparavant avait été dévastateur pour son coeur pur mais Tim n'était pas ainsi. A la place, il se tourna vers elle avec un fin sourire sur les lèvres, comme s'il ne l'avait quittée que la veille.

Tout dans sa vie semblait s'écrouler petit à petit. Son retour à Brisbane prenait des allures de catastrophe et elle se laissait peu à peu sombrer dans ses anciens démons. Sauf que la drogue et les médicaments avaient été remplacé par l'alcool et la cigarette dont la consommation avait monté en flèche. Et ce n'était pas son récent tête à tête avec Caleb qui allait aider l'Anglaise à se sentir mieux, bien au contraire. Et pourtant, elle avait réussi à réinvestir sa vie dans cette ville qu'elle avait toujours aimé. Elle avait trouvé un appartement qu'elle avait aménagé à son goût, elle avait trouvé un boulot dans lequel elle pouvait s'épanouir, mais les semaines passaient et plus elle semblait réaliser que revenir à Brisbane était peut être une mauvaise idée finalement. Trop de mal avait été fait, trop de choses avaient changé et elle n'arrivait même pas à assumer ses actes face à ceux qu'elle avait pu blesser. Elle se comportait encore comme une lâche et même son père, pourtant à plusieurs milliers de kilomètres arrivait encore à la perturber. Échec cuisant sur toute la ligne pour l'Anglaise.

Elle était incapable d'expliquer son choix, son geste, son départ. Elle était revenue à Brisbane pour aller de l'avant, mais pour ça elle devait se replonger dans son passé. Choix étonnant, mais elle devait revenir ici pour tenter d'accepter son choix et se pardonner ses erreurs. Pouvoir tourner une page pour en écrire une nouvelle. Mais aussi pour soulager la culpabilité qu'elle ressentait depuis plusieurs années. Mais pour ça, elle devait assumer, elle devait réussir à faire face à ceux qu'elle avait blessé et sa rencontre avec Caleb lui montrait qu'elle en était encore incapable. Trop lâche, trop peur de la réaction de ceux qui furent ses proches à l'époque. Elle n'arrivait pas à avouer ses erreurs, à montrer ses failles. Elle devait faire preuve d’honnêteté, de sincérité mais devant le regard des gens qu'elle avait blessé, elle n'y arrivait pas.

Le sport l'avait toujours un peu soulagée, aidée à évacuer la tension, mais pourtant ces derniers temps plus rien ne semblait apaiser son esprit bien trop torturé. Ses retrouvailles avec Caleb l'avaient totalement chamboulé et elle se laissait submerger par tout ses souvenirs. Ce jour là,  Alex avait prit ses écouteurs, son portable et était parti courir, loin, longtemps. Elle devait évacuer toute la tension négative, toute la haine qu'elle avait en elle, toute la culpabilité qu'elle ressentait. Elle voulait fatiguer son corps pour ne plus ressentir que la douleur physique, douleurs de ses muscles qu'elle aurait trop malmené. Mais elle courait encore et encore, plus vite, s'infligeant  des douleurs physiques, et une difficulté à respirer. Nouvel élément dans sa vie, sans doute du à sa trop grande consommation de cigarettes. Mais pourtant, elle avait toujours mal, elle avait toujours envie de boire pour oublier, envie de se laisser attirer par l'appel de la drogue qui se refaisait pressant. Elle avait plus que besoin de quelqu'un avec qui parler, quelqu'un a qui se confier, quelqu'un qui ne la jugerait pas, quelqu'un qui pourrait la comprendre, comprendre sa vie et à qui elle n'aurait aucune crainte à parler. Et la seule personne à qui elle voulait parler, était morte. Elle réalisait sur l'instant qu'elle n'avait jamais été sur sa tombe depuis que Stephen lui avait annoncé et pourtant Alex avait fait ses petites recherches pour découvrir ou son amie avait été enterrée. Alors, sans même prendre la peine de rentrer se changer pour enfiler une tenue appropriée, elle s'était dirigée en courant vers le cimetière. Sans idée particulière, sans savoir si cela lui apporterait un tant soit peu de soulagement, ou si ce serait pire. Mais l'autre alternative qui l'attendait, elle l'avait déjà testé plus d'une fois, et l'alcool n'avait pas réussi à lui apporter le soulagement qu'elle espérait.

Après plusieurs minutes à s'époumoner, elle était arrivée au cimetière et devant toutes ces tombes, trop identiques, elle s'était désespérée à l'idée de trouver la bonne. Elle regardait les pierres tombales, les unes après les autres, calculant inconsciemment l'âge de la personne décédée. Mauvaise idée Alex ! Plus déprimant, c'est difficile à trouver. Trop de personnes mortes trop tôt. Trop de chemins brisés trop tôt... Et après de longues minutes à lire trop de noms, trop de ''à notre mère'', ''à notre fille'', ''à notre frère'', elle avait fini par trouver celle qu'elle était venue voir. ''Rachel.'' Et pendant de longues minutes, elle était restée debout, figée devant cette pierre tombale, incapable de prononcer le moindre mot. Incapable de ressentir la moindre émotion. Elle lisait son prénom encore et encore mais elle ne réalisait pas que son amie était là, pour toujours. Il faut bien avouer que l'Anglaise n'avait jamais été très croyante, au grand désespoir de son père qui à défaut de partager les valeurs religieuses, aimaient se faire passer pour un bon chrétien aux yeux des autres. Alex ne croyait pas en la vie éternelle, pour elle, la mort c'était la mort, la fin. Et devant la tombe de son amie, elle réalisait qu'elle ne pouvait pas trouver du réconfort ici. Qu'elle ne pouvait pas trouver du réconfort devant un cercueil contenant le corps de son amie qui se décomposait un peu plus chaque jour. C'était une pensée bien trop morbide même pour elle, une pensée qu'elle avait du mal à assumer mais qui l'empêchait de ressentir d'autres émotions. Elle était morte, juste morte et parler à une morte ne l'aiderait pas à trouver une solution à ses problèmes ou un quelconque réconfort. Elle se rendait compte, début devant la pierre tombale, que venir au cimetière avait été une belle erreur qui n'avait fait que renforcer encore un peu plus son envie de boire pour oublier. Et sur cette pensée, Alex s'était maudit d'être aussi pathétique et faible. Comment pouvait-elle se comporter avec si peu de respect et d'empathie devant la tombe de son amie ? Elle secouait la tête agacée par ses propres pensées. Se demandant si quelque chose pouvait encore sauver cette journée totalement merdique. Ce fut à ce moment qu'une voix résonna dans ses oreilles. Un chuchotement léger mais doux qu'elle avait de suite reconnu. "Rachel, hein? Je savais pas que tu revenais nous voir, Alex."  Elle s'était retournée, d'abord hésitante. Troublée par sa présence. Craignant aussi de rencontrer son regard et d'y voir de la colère ou pire de la peine. Elle n'aurait pas pu gérer plus de culpabilité. Elle n'aurait pas pu faire face au regard triste, blessé de Tim, par sa faute. Mais quand elle s'était enfin retrouvée face à lui, ce fut son sourire qu'elle remarqua en premier lieu. Ce sourire si caractéristique qui avait toujours ont le don d'égayer les journées d'Alex à l'époque. Timothy était là devant elle, sourire aux lèvres. Il n'y avait pas de reproche dans sa voix, pas de reproche dans ses yeux. Il était juste là devant elle et c'était tout ce dont elle avait besoin. ''Tim !'' Elle s'était exclamée avec un peu trop d'entrain, sans doute. Mais elle s'était déjà contrôlée pour ne pas sauter dans ses bras alors le ton de sa voix avait trahit ses émotions avec un peu trop de force. Comme ça lui faisait du bien de revoir quelqu'un de son passé qui ne semblait pas vouloir des réponses ou lui en vouloir tout simplement. Comme ça lui faisait du bien de retrouver Timothy tout simplement. ''Oui Rachel, c'est dur à encaisser. Sa mort.'' Ses derniers mots étaient presque inaudibles, soufflés avec une douleur palpable. Ils étaient venu casser ce moment de retrouvaille illuminé par le sourire de Tim.

''Comment vas-tu ?'' Alex s'était toujours inquiétée pour lui. S'inquiéter et se moquer de lui, voilà ce qu'elle faisait la plupart du temps avec Tim. Sa vie, son parcours, et son caractère, faisait de lui quelqu'un d'ultra attachant mais aussi quelqu'un que l'on souhaitait protéger des mauvaises choses de ce monde. Et pourtant, elle l'avait aussi abandonné comme ça, comme les autres. Sans nouvelles, sans explications, elle l'avait quitté connaissant pourtant tout de lui et de sa vie et du mal que sa décision pourrait lui faire. Elle ne l'avait pas épargné, et pourtant elle avait eu envie de lui expliquer, de lui révéler son secret, l'un des seuls qu'elle n'ait jamais partagé avec lui. Mais elle n'avait pas pu, elle n'avait tout simplement pas voulu lui faire porter le poids de sa décision, lui imposer un secret qui n'était pas le sien. Lui imposer de devoir mentir pour elle. Alors, elle l'avait juste abandonné à contre cœur, espérant qu'il puisse construire sa vie loin d'elle et de ses secrets. Elle le retrouvait des années après, toujours le même regard, toujours le même sourire et ça lui faisait un bien incroyable, de voir que certaines choses ne changeaient pas. ''Ça me fait vraiment plaisir de te voir.''

La lassitude ne l'emportait jamais face à lui. Timothy s'était toujours battu contre ces moments de doute et d'attente. Il souffrait comme tout le monde mais il ne pouvait jamais lâcher l'affaire, ce n'était pas dans sa nature. Après tout, il n'avait pas supporté les délires de sa mère pour perdre face à l'adversité à l'âge adulte, c'était du moins ce qu'il se disait depuis quelques années. A vingt ans, c'était une toute autre histoire, un autre Tim aussi. Il était encore trop enfantin dans sa tête, convaincu qu'on ne pouvait pas l'aimer parce que sa mère lui avait répété qu'il n'était rien, qu'elle aimait Esmeralda et non lui. Au bout de treize années de vie, il avait fini par y croire parce que c'était plus simple ainsi, de laisser sa mère conquérir son coeur et son esprit, le terrasser pour qu'il ne puisse plus jamais se relever. Cette certitude de ne pas être assez l'avait suivi une bonne partie de sa vie et en conséquence, Timothy n'avait jamais pu se laisser aller au bonheur. Timide, de manière même maladive à ses débuts, il était resté dans son coin, réussissant à avoir quelques connaissances au milieu de ce monde trop compliqué pour lui. Il avait fait quelques rencontres mais comme une constante dans sa vie, il était resté un pilier pour les autres, ne comptant par contre que sur lui même pour survivre. Parfois, il laissait son frère entrer dans sa sphère mais les autres ne l'entendaient jamais rarement geindre de son existence et pourtant, il aurait eu des raisons de le faire. Orphelin de père, une mère qui le traitait comme une fille, un frère qui était resté aveugle face à tout cela de nombreuses années, Decastel avait été si seul si longtemps que ce n'était peut être pas si surprenant s'il ne se confiait pas réellement. Il avait réussi à parler de lui quelques fois, aux bonnes personnes et puis, souvent, on l'abandonnait et à nouveau, ce sentiment destructeur envahissait son coeur. Alex avait été une part essentielle à son existence à cette époque, il accourait dès qu'elle avait besoin de lui, même s'il se sentait mal, même s'il ne se sentait pas apte à la tâche... Il était toujours là parce qu'il l'aimait. C'était la première personne qui lui avait fait ressentir ce genre de choses et il ne savait pas vraiment si tout cela avait été renouvelé depuis. Lorsqu'elle était partie, du jour au lendemain, Tim avait été dévasté mais il n'avait rien dit. Rien du tout. Il s'était dirigé comme d'habitude vers le cimetière et il avait suivi le reste de sa journée sans piper mot. Quelque part, au fond de lui, il devait encore espérer qu'elle finirait par faire demi tour, pour lui, même si c'était totalement absurde. Il n'avait été que l'ami, que le confident, celui qui écoutait lorsqu'elle parlait de sa relation avec Caleb, celui qui serrait les dents dans ces moments là mais qui lui prodiguait tout de même des conseils pour gérer sa relation. Il n'était pas spécialiste pourtant, lui qui n'en avait jamais eu, mais il avait toujours eu un instinct pour aider les gens, les guider alors c'était normal qu'il assume ce rôle sans sourciller. Cela n'empêchait pas la douleur de le guetter au moment où il constatait qu'il était de nouveau seul. Les années après le départ d'Alex lui avaient semblé mornes parce qu'il se retrouvait sans but, qu'il avait perdu une amie plus qu'une personne pour qui il avait des sentiments, il était de nouveau orphelin. Puis, il s'était habitué à l'absence, comme toujours et la vie avait repris son cours, les étapes du deuil étant toutes passées. Timothy n'était jamais tombé à genoux, pas une seule fois en dix ans et il pouvait encore sourire de tout cela car le plus terrible dans tout cela, c'était qu'il n'en avait pas voulu à la jeune Clarke. Il avait été triste, nostalgique parfois amer mais jamais en colère. Il s'était toujours dit que la jeune femme devait avoir ses raisons et qu'elle qui expliquerait en temps voulu, même s'il lui fallait des années pour en arriver là. Des années pour revenir vers lui. Et là, quand il ne l'attendait plus, Alex était de nouveau là, à côté de lui. Tim ne pouvait que sourire même si cette sensation semblait futile après une décennie sans se voir ou même se parler mais pour lui, le temps n'avait que peu d'importance. Ce qui comptait, c'était l'exclamation lorsqu'elle prononça son prénom, comme si elle était réellement heureuse de le voir. L'était-elle? Timothy n'en savait rien. Retrouver quelqu'un de son passé était toujours une épreuve, surtout lorsqu'on essayait plus que tout de le fuir. "Mais la mort, c'est pas la fin, Alex. C'est le début d'autre chose. Et puis, elle est encore vivante en toi, en plus." Il trouvait toujours les bons mots pour réconforter les gens autour de lui et ceux-là, Tim savait qu'il lui ferait du bien, surtout vu la manière dont il la regarda après cela, les yeux pétillants d'une joie intense. Il était ce gamin de vingt ans à nouveau, celui qui espérait encore que le monde changerait face à ses yeux innocents. C'était peut être qu'une triste utopie mais Alex était à ses côtés après tout ce temps alors, il avait encore le droit d'y croire. "Oh moi, tu sais, toujours la même chose. Je vais très bien dans mon cimetière. Et toi alors, qu'est-ce que tu deviens? Dix ans, ça fait long sans voir ton sourire..." C'était sa manière de lui dire qu'elle lui avait manqué et qu'il était tout aussi content de la revoir. La preuve, il lui donna un léger coup d'épaule joueur pour signifier qu'il n'avait pas changé, qu'il était encore là pour elle, quoiqu'il puisse se passer désormais. "Si je peux faire quoique ce soit pour toi, tu sais que ce vieux Tim traîne toujours dans le coin." Illui fit un clin d'oeil amusé avant de reposer son regard azur vers la pierre tombale. La vie était courte, c'était un fait mais parfois, elle réservait de belles surprises même dans des moments qu'on pensait terribles, voire douloureux.

"Mais la mort, c'est pas la fin, Alex. C'est le début d'autre chose. Et puis, elle est encore vivante en toi, en plus.'' Putain d'optimiste Tim. Même dans la mort, même dans le truc censé être le plus déprimant du monde, il arrive à trouver les mots, le ton pour rendre le moment moins solennel, moins déprimant, moins maussade. Et puis, il y a son sourire, son regard innocent. Ses yeux bleus brillants, ouvert sur le monde, optimiste, vous faisant croire qu'il existe encore de la beauté dans ce monde de brute. Et le pire c'est que ça marche presque, ça soulage un peu la colère, ce sentiment d'injustice et l’incompréhension de l'Anglaise. La vie est merdique et pourtant Tim réussit avec un sourire, un petit geste, ou une parole, à faire croire qu'il y a de l'espoir partout, pour tout. Le regard d'Alex oscille entre la pierre tombale ou le prénom de Rachel est gravé dans le marbre à jamais et les yeux de Tim, plein de vies. Et elle lui sourit. Un sourire léger, doux qui cache sa nostalgie et sa douleur. Et ce moment lui rappelle l’innocence de Tim, mais aussi sa propre innocence, celle qu'elle avait à l'époque. Sa jeunesse, son sentiment de liberté, son désir de vivre à fond, de profiter de chaque expérience. Elle n'était plus cette fille désormais, la vie était venue lui faire prendre conscience que tout n'était pas qu'amour et joie. Et devant Tim et son regard plein de positivisme, rappelant son passé, elle se demandait ce qu'elle était devenue ? Et elle découvrait aussi ce que lui était devenu. "Oh moi, tu sais, toujours la même chose. Je vais très bien dans mon cimetière. Et toi alors, qu'est-ce que tu deviens? Dix ans, ça fait long sans voir ton sourire..."  Un sourire se dessine sur le visage d'Alex lorsqu'il la bouscule joyeusement. Elle se sent bien avec lui et ça se voit à son sourire, un sourire devenu inhabituelle sur le visage de l'Anglaise. Son sourire, elle l'avait laissé derrière elle à Brisbane quand elle avait prit la décision de partir, de quitter toute sa vie à Brisbane, de les quitter eux. Plus rien ne lui donnait le sourire en Angleterre, plus rien ne méritait son sourire non plus. Sa vie parfaite à Brisbane avait été balayée en quelques mois, et elle s'était retrouvée seule à Londres, avec comme unique occupation, ses études de journalisme dans lequel elle s'était plongée corps et âme pour tenter d'oublier. Elle avait réussi ses études, mais elle n'avait jamais oublié. Elle ne s'était jamais libérée de sa culpabilité. « Ça fait pas encore dix ans Tim. » Non à peine huit ans. Huit longues années, huit années de silence. Alors est-ce réellement important de jouer sur les chiffres, sur les années ? « Si ça peut te rassurer, personne n'a profité de mon sourire, je l'ai réservé pour toi. » Un sourire exagéré sur le visage pour accompagner ses propos. Une façon détournée et ironique de lui avouer qu'elle n'avait pas vraiment de belles choses à lui raconter. « Et puis, j'ai beaucoup bossé mes études, et si le journalisme c'est intéressant, c'est pas la grande éclate. Enfin toujours plus que les cimetières, y'a vraiment que toi qui peut sourire partout tout le temps.»  Il était de ceux là Tim. Ceux dont la vie n'avait été qu'un enchaînement de galères et de misères et qui pourtant vivait chaque jour avec l'envie de sourire au reste du monde. La ou d'autres se seraient écroulés, auraient dis merde à cette vie capricieuse et injuste. Lui il souriait, jusque dans son métier ou il prenait les choses avec philosophie, bienveillance et une pointe d'optimisme même jusque dans la mort. C'était quelque chose qu'Alex avait toujours admiré chez Tim, sa force de caractère qu'il ne soupçonnait même pas, sa joie de vivre et sa manière de voir le bon partout chez tout le monde. Dans son regard, il n'y avait que du bon et il pouvait faire croire à n'importe qui que tout irait bien et on le croyait. Parce qu'il avait ça en lui, le don de voir le bon partout et chez tout le monde. Le don de vous faire penser que vous êtes quelqu'un de bien. "Si je peux faire quoique ce soit pour toi, tu sais que ce vieux Tim traîne toujours dans le coin." Alex ne pensait pas mériter la gentillesse et la bonté de Timothy. Elle n'avait même pas songé à pouvoir regagner son amitié, ne se sentant pas digne de lui. Elle l'avait laissé, alors qu'elle connaissait ses problèmes avec l'abandon. Elle n'avait aucune excuse pour son attitude. Elle avait été une amie horrible mais elle semblait s'en tenir rigueur bien plus que Timothy ne semblait lui en vouloir. Elle le regardait du coin de l’œil, il fixait de ses grands yeux bleus la pierre tombale. C'était un moment spécial. Des retrouvailles avec Tim, devant la tombe de Rachel. C'était une amitié de perdue, et une autre qui se retrouvait. Alex sentait la nostalgie s'emparer du moment, et elle ne voulait pas se laisser gagner par l'émotion. Elle ne ressentait plus l'envie de boire, elle ne ressentait plus le désir de s'enfuir dans l'alcool pour oublier sa vie. Et elle ne voulait pas prendre le risque de laisser ses émotions négatives revenir. « Mais oui, c'est le vieux Tim maintenant. tu as passé le cap de la trentaine toi. » Elle ébouriffait ses cheveux pour le taquiner, pour attirer son attention aussi et détourner son regard de la tombe de Rachel. Il avait eu trente ans. Leurs vingt ans derrière, elle se rendait compte qu'elle avait passé presque toute sa vingtaine loin d'eux. Des seuls qui avaient compté un jour pour elle. « Je suis là pour toi aussi. » Sa remarque était sortie avec un peu trop de sérieux, coupant court à cette petite taquinerie de l'Anglaise sur l'âge de son ami. Elle ne pouvait pas imposer sa présence dans la vie de Tim. Elle savait qu'il faudrait du temps pour retrouver une vraie complicité, elle n'était même pas sur que ce soit réellement possible. Mais par ces quelques mots, elle lui affirmait qu'elle était revenue et qu'elle était là pour lui, s'il acceptait de lui ouvrir les portes de sa vie, s'il acceptait de lui faire confiance à nouveau. « Et à part ton cimetière, tu as des choses à me raconter, genre est-ce que le petit Timi a finit par trouver la personne de sa vie ? » Alex s'était toujours confiée à lui pour toutes ses histoires, pour toutes ses anecdotes, et elle s'était aussi toujours moquée de la timidité de son ami. Huit ans s'étaient passés et elle espérait réellement qu'il avait trouvé le bonheur.

Timothy avait toujours eu cette sensation de ne rien avoir à perdre mais tout à gagner. Son enfance l'avait certainement rendu aussi désespéré qu'on pouvait l'être. Il s'était senti mal pendant si longtemps, bien souvent enfermé dans un placard quelconque en attendant que sa mère quitte la maison. Il se rappelait des marques sur ses bras, du rouge qui perlait sur ses joues après une de ses crises de colère et si, au début, il avait pleuré, assez rapidement, Timothy n'avait plus eu aucune larme à offrir à ce monde. C'était aujourd'hui bien difficile de le terrasser et personne ne l'avait vu pleurer depuis des années. Le seule endroit où il se sentait proche de craquer, c'était bien à l'institut quand il croisait le regard fou de sa mère. Instantanément, des milliers de souvenirs venaient se bousculer dans son esprit et il n'arrivait pas à s'en débarrasser. Le tout s'enchaînait à une vitesse hallucinante et son cerveau menaçait d'exploser, là, au milieu d'un centre pour les gens fous. Peut être que lui aussi méritait sa place dans cet institut: après tout, il avait hérité de la moitié du patrimoine génétique et étant donné qu'il n'avait aucun réel souvenir de son père, il aurait très bien pu être aussi fou qu'elle que Tim n'en aurait jamais rien su. Sa situation était désespérante et les larmes montaient alors qu'il courait jusqu'à l'extérieur, sentant les pas de Sam non loin derrière les siens. Jamais son frère ne s'autorisait à faire le moindre commentaire mais Tim savait ce qu'il avait en tête, il savait qu'il regrettait et qu'il culpabilisait pour cette bonne décennie de souffrances qu'il avait eu à surmonter. Dès qu'il quittait ce lieu maudit, Tim redevenait un ange souriant, un homme agréable et avenant qui ne voyait le mal nulle part. Lorsqu'on avait saccagé le cimetière et qu'il avait passé deux semaines entières à tout nettoyer, faisant des heures supplémentaires non payées pour arriver au bout, Decastel n'avait même pas envisager de porter plainte. Il était juste comme cela, à toujours chercher une raison valable au comportement immonde de ses congénères. C'était plus difficile avec certaines personnes qu'avec d'autres, mais avec Alex, Tim n'avait jamais franchement douté. Il ne savait pas pourquoi elle était partie si abruptement et avec du recul, le jeune homme n'était même pas sûr de vouloir connaître la raison, pas sans que tout cela ne vienne d'elle en tout cas. La seule chose dont il avait conscience, c'était qu'il l'aimait malgré tout. Malgré son départ. Malgré son retour tout aussi silencieux. Il n'avait jamais cessé de la chérir, même si elle se trouvait à l'autre bout du monde, elle avait été son amie et cela, pour Timothy, c'était quelque chose d'éternel. Au moins, la jeune Clarke devait saisir la portée de ce genre de pensées puisqu'elle se trouvait face à la tombe d'une amie justement. Pour le gardien de cimetière, la mort n'était qu'un renouveau après le déluge mais il était certainement le seul à penser ainsi, c'était son métier après tout de sourire dans la mort, sans que personne ne puisse le suivre. Cette fois, pourtant, Alex le suivit et cela lui procura du baume au coeur, ce sourire qui lui avait tant manqué. Il ne put que lui rendre doublement avant de répondre à sa réplique. "Huit, peut être mais pour moi, ça m'a paru comme dix, tu vois. Mon amie loin de moi, pas facile à gérer. Imagine s'il était arrivé quelque chose, j'aurais rien pu faire, terrible. Mais t'es là maintenant, donc..." Timothy s'en fichait pas mal du passé. Ils avaient tant vécu durant toutes ces années, enfin elle certainement plus que lui parce que Decastel n'avait pas bougé d'un iota durant ce laps de temps. Il était là où il avait toujours été, seul dans son cimetière à planter des fleurs et parler à des pierres tombales, un tableau très rafraîchissant pour un garçon de son âge. "Rien que pour moi? Je sais pas si je dois me sentir honoré ou triste... Huit ans sans sourire, c'est long, Alex." Dans d'autres circonstances, dans un autre temps, Tim aurait rougi de ce genre de commentaires mais il était surtout inquiet du bien être de sa jeune amie. "Que veux-tu, il n'y a que les fous dans mon genre pour aimer partager ma vie avec les morts. Le journalisme, hein? Tu rêvais de faire quoi si c'est pas l'éclate?" Il posait cette question en toute innocence, s'autorisant à sourire parce qu'il était effectivement le seul homme de cette planète à apprécier son triste métier. Il voyait des gens pleurer quasi quotidiennement et il passait sa vie à polir des stèles et enterrer des cercueils. On pouvait difficilement pire en termes de glamour mais étonnamment, il avait l'air d'en être heureux, ce qui n'était pas le cas d'Alex dans son travail, apparemment. Ils avaient grandi, même si c'était effrayant de le réaliser huit années plus tard. Timothy était censé être le plus vieux mais ce n'était pas ce qu'il ressentait, se vengeant en jouant avec les cheveux d'Alex aussi. Comme des gamins, ce qu'ils n'étaient plus depuis un moment maintenant. "Merci de me le rappeler, mais je suis heureux de savoir que le cap pour toi va arriver très très vite aussi." Il était loin de paraître son âge malgré son étonnante virilité désormais. Timothy était encore si innocent, si loin des standards de cette société destructrice mais cela, personne ne pouvait le comprendre en dehors des quelques personnes qui avaient connaissance de son passé. "Je t'appellerai au besoin mais je crois que ma vie est assez morne depuis... Ma mère." Il lui sourit plus sereinement, même si c'était toujours difficile de mentionner cette femme à quiconque. L'existence de Timothy, néanmoins, se résumait effectivement à cette période terrible de sa vie. Il n'avait fait que flotter au dessus de lui même depuis qu'il avait quitté l'infâme joug de sa génitrice. "La personne de...? Alex, je sais que des années ont passé mais j'ai pas tellement changé que ça, tu sais. Je resterai toujours le même Tim et pour moi, je crois, il y aura pas grand chose d'autre que ça. Que le cimetière, mon frère mais... Toi, alors? T'as retrouvé l'amour? Vu ton succès à l'époque, je doute que ce soit pas le cas, hein." Decastel dût se mordre la lèvre en prononçant ces mots. Il avait été si jaloux justement parce que tout le monde regardait Alex, surtout lui, mais elle ne lui rendait que la moitié de ses doux regards. Elle avait trouvé Caleb et Tim, lui, était resté sur la touche mais là encore, de l'eau avait coulé sous les ponts. Il souriait à sa camarade, son bras passant au dessus de ses épaules pour la caler contre lui, comme ils le faisaient si souvent à l'époque quand un mauvais moment devait passer pour l'un d'entre eux. Peut être que rien n'avait fondamentalement changé, au fond.

Elle réfléchissait à sa réponse. Huit ans sans sourire c'était long en effet. Et si elle avait sûrement eu des occasions de sourire durant ses années Anglaises, elle ne s'était jamais sentie à sa place, heureuse et épanouie. Et huit ans à tourner en rond, perdue, seule oui c'était long en effet. Et, le plus déprimant dans cette réalité, c'était sans doute de réaliser que les moments ou elle avait été un peu apaisée, un peu sereine, ça n'avait été qu'éphémère. Des moments ou son esprit c'était laissé enivrer par le sourire dessiné sur des petites pilules qui lui conféraient un sentiment de tranquillité artificiel. Mais elle allait bien se garder de parler de tout ça à Tim, du moins ce n'était pas le sujet qu'elle voulait aborder avec lui lors de ces retrouvailles. Elle s'était déjà ridiculisée une fois avec l'un de ses anciens proches, elle voulait assurer les retrouvailles cette fois. Et c'était plutôt bien parti jusqu'à présent. Ils se  retrouvaient après des années et le malaise semblait avoir été vite dissipé, bien aidé par l'attitude toujours avenante de Timothy. Et ils échangeaient déjà sur leur vie, sur leur parcourt. Devant la remarque du Français, elle se rendait compte que ce n'était pas tant son métier qui lui paraissait terne mais bien sa vie. Parce qu'au fond, elle aimait son métier, mais pouvait-elle réellement s'épanouir quand tout autour d'elle semblait s'écrouler doucement mais sûrement depuis plusieurs années ? Et voilà qu'elle repartait dans des questionnements internes, et sur ses doutes à gâcher tout ce à quoi elle touchait. Mais elle regardait Tim, et elle se sentait envahir d'un sentiment inexplicable d'apaisement. Elle jouait avec ses cheveux, il en faisait de même et elle prenait conscience qu'elle n'avait peut-être pas tout gâché finalement. Pas Tim en tout cas. Et entre eux, c'était revenu presque naturellement, taquinerie, moquerie amicale. Comme au moment ou elle s'était moqué de sa trentaine passée et ou il en avait fait de même en lui rappelant qu'elle était à l'aube de ses trente ans. Elle lui avait répondu par une grimace. « M'en fous ! Tu seras toujours plus vieux que moi. » Belle leçon de logique et finesse dans l'analyse de la part de l'Anglaise. Entre eux, les choses redevenaient simples, et la discussion semblait libre, comme si leur amitié n'avait jamais réellement cessé. Et quand Decastel avait évoqué sa mère, Alex avait comprit à ce moment, que malgré toutes ses erreurs, malgré son départ, Tim n'avait jamais perdu confiance en elle. A l'entente de l'évocation de sa mère, L'Anglaise n'avait pu réprimer une grimace. Elle avait toujours pensé avoir une famille horrible, les pires parents possibles et puis elle avait rencontré le Français et avait découvert le pire. A l'époque, Alex avait tenté d'empêcher Tim d'aller voir cette femme, cette folle. Elle avait vu pour la première fois de la douleur dans les yeux de son ami à cause de cette femme. Et après chaque visite dans cet institut, elle le retrouvait chamboulé, fragile, ses yeux si pétillants de vie devenaient plus ternes après quelques minutes avec sa mère et c'était douloureux de sentir la souffrance des émotions et des souvenirs de Tim. Elle aurait aimé qu'il puisse couper toute relation avec celle qui ne lui faisait que du mal, mais c'était sa mère. Alors, malgré ses incompréhensions, Alex avait respecté les décisions de son ami, et elle s'était contentée d'être là pour lui quand il en avait besoin, d'être juste là. Sans paroles, sans mots, parce qu'il n'y avait pas grand à dire. Sauf que la vie était une belle connasse par moment... Et aujourd'hui encore, elle n'avait rien dit, un haussement d'épaule, un regard amical et un léger sourire avait suffit à témoigner ses pensées. "La personne de...? Alex, je sais que des années ont passé mais j'ai pas tellement changé que ça, tu sais. Je resterai toujours le même Tim et pour moi, je crois, il y aura pas grand chose d'autre que ça. Que le cimetière, mon frère mais... Toi, alors? T'as retrouvé l'amour? Vu ton succès à l'époque, je doute que ce soit pas le cas, hein." L'amour ? L'amour, elle l'avait connu, elle savait ce que ça représentait et elle l'avait quitté du jour au lendemain. Et depuis, elle ne s'était plus jamais autorisée à aimer ou à être aimé. Par peur de souffrir, par peur de tout gâcher aussi. Et parfois, elle se mettait à penser qu'elle aurait préféré ne jamais connaître l'amour plutôt que de devoir vivre sans. C'était une pensée bien merdique, surtout qu'Alex ne pouvait s'en prendre qu'à elle même, c'était son choix et uniquement le sien. Ce n'était pas la vie qui l'avait séparé de lui, ce n'était pas le destin, ni même une obligation. Non, juste un putain de choix qu'elle avait fait à vingt-un ans et qu'elle continuait de subir encore et encore. Alors, elle avait eu des aventures. Rarement en étant complètement sobres, et jamais avec présence de sentiments. Elle avait cherché à oublier, à tourner la page de son passé à Brisbane, mais que ce soit les études, les aventures, la drogue, rien n'avait eu d'effets durables et elle se retrouvait à vingt-neuf ans, seule avec la certitude qu'elle n'avait plus le droit au bonheur. « Euh, l'amour ? Désolé je n'aurais rien à te raconter de passionnant, du moins rien de sérieux cette fois. » Elle haussait les épaules pour accompagner sa réponse. Pendant des mois et des mois, il avait été son confident, celui à qui elle confiait ses craintes, ses doutes, ses joies et ses peines. Il avait été son confident au masculin, son référent sur le domaine des hommes. Elle avait rapidement comprit qu'il n'était pas comme le commun des hommes, qu'il était lui et que bien des choses lui échappaient dans le fonctionnement d'une relation mais elle n'avait jamais arrêté de se confier à lui ou de pleurer sur son épaule. C'était devenu leur petit moment et ça donnait souvent des instants hors du temps ou Alex ne ressortait pas forcément avec plus de réponses que de questions, mais avec la sensation d'avoir quelqu'un auprès d'elle qui saurait l'écouter et la soutenir quelque soit son problème. Timothy venait de se rapprocher d'elle et elle se laissait entraîner dans cette étreinte, retrouvant cette sensation de calme et de sérénité calée contre lui. Oubliant un temps ses réflexions sur l'amour perdu et les aventures d'un soir. « Regarde moi ces muscles, tu es devenu un homme Decastel, je suis sûre que tu fais craquer les filles mais que tu es juste bien trop timide pour t'en rendre compte. » Elle avait accompagné sa remarque en touchant le biceps que son ami avait passé autour de ses épaules. Elle lui souriait et elle l'observait aussi. Il avait toujours dans son regard un petit truc enfantin, une lueur d'insouciance dans ses yeux et sur son visage absolument pas marqué par les années passées. Et pourtant elle pouvait sentir que son corps avait changé, que ses muscles s'étaient développés, sûrement du à son travail et pas aux heures passées à la salle de sport. Il était beau Tim, il avait toujours eu cette beauté naturelle, non travaillée, non entretenue. Son visage d'ange, son regard azur, son sourire de tombeur bien malgré lui, et sa timidité débordante qui le faisait rougir à la première occasion. Il avait du charme, mais trop timide, il en était juste pas conscient du pouvoir qu'il pouvait avoir sur les femmes. « Plus sérieusement Timothy, tu es optimiste sur tout absolument tout dans ce monde, mais tu es résigné à l'idée de trouver l'amour ? Et moi qui pensais que tu finirais pas te transformer en tombeur. » Elle le taquinait avec sa dernière remarque. Elle connaissait Tim, une timidité maladive, une maladresse incroyable mais surtout une gentillesse à tout épreuve. Incapable de voir le mal autour de lui, et si Alex était triste de voir que son ami n'avait pas trouvé la femme qu'il méritait à ses cotés, elle était aussi soulagée de voir que personne n'avait réussi à corrompre son âme si pure. Si les hommes pouvaient être des salauds par moment, elle savait aussi que les femmes pouvaient faire souffrir, elle faisait partie de celles-ci ... « Ce monde ne te mérite pas Timothy Decastel. » Un sourire sur les lèvres pour accompagner cette remarque. Mais que cette remarque sonnait fausse dans la bouche de l'Anglaise. Si elle pensait sincèrement que ce monde ne méritait pas Timothy, elle ne le méritait pas non plus et pourtant elle l'avait eu à ses cotés pendant quelques temps sans que cela ne lui pose un quelconque problème de conscience. Elle avait eu la chance de croiser le chemin de Timothy. D'avoir un ami comme lui, et elle l'avait laissé alors elle ne le méritait pas plus que la plupart du reste du monde. Elle le méritait même beaucoup moins. Et pourtant après huit ans sans nouvelle, il était là, debout à ses cotés affectueux, amical, comme si Alex ne lui avait jamais tourné le dos. « Tu es bien plus parfait que la commun des mortels. Ne change jamais. » Elle lui donnait un léger coup de hanche pour le taquiner, pour le bousculer. Elle avait vingt-neuf ans, il en avait désormais trente-deux et pourtant, elle se comportait comme à ses vingt ans avec lui. Et ça lui faisait un bien fou. Parce qu'au fond, pendant quelques minutes, elle avait l'impression d'être jamais partie, elle avait l'impression de n'avoir jamais tout quitté, tout perdu. Il était là lui, juste là, sans remuer le couteau dans la plaie, sans demander d'explication. Il était juste présent et leur relation semblait si limpide, si normale.

Timothy ne se rendait compte de rien, jamais. Sa vie était un long fleuve de non tranquillité mais il vivait avec, sans s'inquiéter plus que cela. S'il avait dû s'arrêter à chaque moment d'incertitude ou de chagrin, le pauvre homme serait déjà mort depuis un moment, il n'aurait probablement même pas passé le stade de l'enfance. Le petit Decastel était vif pourtant, il était mignon, ne pleurait jamais et faisait toujours ses devoirs en temps et en heure. Il était l'enfant parfait en tous points, si on excluait le fait le plus terrible de son histoire... Il n'était pas féminin. Cela resterait le détail le plus rédhibitoire de son existence, celui qui avait qualifié le récit de ce qu'il était et de ce qu'il n'arrivait pas à être, justement. Depuis ces instants douloureux, Tim n'avait jamais réussi à se construire entièrement, comme une unité sans faille, sans doute. Il était resté réservé, souvent dans ses pensées ou caché derrière un journal pour ne pas avoir à supporter le regard des gens et si c'était viable jusqu'à vingt ans, cela l'était moins quand on avait dépassé la trentaine. Decastel devait s'épanouir désormais puisque sa mère n'était plus dans le décor, elle n'était pas là pour lui dire de faire attention à sa jupe ou sa robe. Elle n'était pas là non plus pour faire des commentaires cinglants sur sa coiffure, lui qui ne supportait plus d'avoir les cheveux trop longs de peur qu'on ne lui fasse des plaisanteries sur son côté féminin. Se regarder dans une glace avec une queue de cheval ou avec des couettes, c'était quelque chose qu'il ne pourrait plus jamais faire, triste attitude née d'un passé tortueux, un passé tout bonnement inoubliable. Au bout du compte, Tim ne changeait pas d'un poil: à trente deux ans, il était toujours à traîner dans son cimetière tout seul, sans s'intéresser aux rencontres qu'il pourrait faire s'il faisait plus attention aux gens autour de lui. Pourtant, il avait tous les atouts pour plaire: il était avenant, toujours agréable et serviable, courtois et drôle. Le problème restait sa grande timidité, sa peur de mal faire et son envie de s'enfuir quand ses secrets risquaient d'être dévoilés. Qui pourrait l'aimer s'il confessait qu'il avait dû être une fille pendant treize ans de sa vie? Lui haïssait ce pan de sa vie, il en avait encore des cauchemars quasi quotidiens, des cauchemars qui l'éveillaient en sueur, persuadé que sa mère était dans son appartement et qu'elle venait le ramener à la maison. Il se voyait, mais adulte cette fois, une robe qui tombait de ses épaules musclées, ses yeux bleus vifs qui laissaient des larmes couler. Les larmes de son innocence. Les larmes de toute cette vie qu'il laissait filer parce qu'il était incapable de dire adieu à son passé. Les larmes de ne pas avoir saisi l'occasion de dire aux gens qui partaient qu'il les aimait. Il n'avait pas pu le faire avec Alex dans le temps et si, maintenant, il était bien trop tard, que trop de choses avaient changé en huit années, Tim n'oubliait pas à quel point sa présence comptait pour lui, qu'elle fut près ou loin de lui. Il était loyal à ce point là, jamais dans le jugement mais toujours dans le soutien le plus profond parce qu'il aimait plus que la haine, plus que la vengeance, plus que la mort et les regrets. Il aimait si fort qu'il se perdait parfois en route. "Pfff, sacré argument pour rester dans le déni sur ton âge, va." Il serait toujours plus vieux, c'était indéniable mais son expérience de vie resterait sûrement beaucoup moins riche qu'Alex qui avait tant voyagé, tant appris aussi des erreurs qu'elle avait pu faire. Decastel était bien trop peu téméraire pour tenter ce genre d'aventures, il fuyait dans sa tête plutôt que physiquement, c'était un poil différent. Voilà où il en était, toujours si seul, même si Alex ne le croirait pas, il en était sûr. "Rien de sérieux, ça veut pas dire rien du tout, ça, Alex Clarke." Il s'amusait d'elle, de cette capacité qu'elle avait à minimiser les événements de sa vie. Au moins, elle en vivait justement des événements, bien plus que lui mais là, ce n'était pas bien difficile. Le pauvre Decastel n'avait aucun point de repère, sa vie amoureuse était un fiasco monumental puisqu'il n'avait même pas un bisou d'école primaire à narrer en exemple. Ce n'était pas si important que cela sur le moment puisqu'il serrait Alex contre lui et cela lui fit un bien fou, de la retrouver là, après tant de temps. Forcément, il fallait qu'elle tâte ses muscles et se lance dans une mare de compliments qui fit lever les yeux au ciel à Timothy. "J'étais déjà un homme y a huit ans, tu sais... Mais non, vraiment, je fais pas craquer de filles, l'aspect cimetière, c'est assez rédhibitoire en général mais c'est pas grave." Il rougissait pourtant parce qu'il ne pouvait pas vraiment cacher cet aspect de timidité qu'il avait toujours eu en lui. Quand une fille lui faisait un compliment, il devenait une véritable guimauve et Alex, de toute manière, n'avait jamais été n'importe quelle fille pour lui, c'était donc encore pire, même huit ans plus tard. "Et c'est quoi ta définition de tombeur exactement? Franchement, ça m'intéresse pas d'avoir dix filles par semaine ou quoi... Moi, je veux juste être en compagnie de gens qui m'acceptent comme je suis et si ça doit jamais arriver, c'est pas grave. Je t'ai, toi, de toute façon. Je suis trop romantique pour ce monde, que veux-tu." Il était désespérant plutôt, toujours à croire que tout le monde était gentil et beau. Son optimisme à toute épreuve était touchant, bien évidemment, mais il constituait aussi un risque immense de déceptions pour Tim. Il était encore là, pourtant, à caresser le bras d'Alex,toujours contre lui alors qu'elle continuait son flot de compliments, les joues encore rosies de Decastel qui pointaient le bout de leur nez. Son regard azur se tourna vers le sien quand elle eut fini et il lui sourit avec cette spontanéité que seul un garçon comme lui pouvait avoir. Le sourire de l'infini, de l'éternel affectueux. "Tu veux vraiment que mes chevilles commencent à enfler, c'est ça ton plan? Puis, si je suis si parfait que ça pour ce monde, pourquoi tu m'épouses pas?" Il rougit bien plus largement après cela, se rendant compte de ce qu'il avait dit, idiot qu'il pouvait être dans ce genre de circonstances. "Je dis des bêtises, pardon, j'arrête mes plaisanteries." Il était gêné, se détachant d'Alex, en reprenant son regard nerveux vers la tombe de Rachel, alors qu'il se mordait l'intérieur de la joue. Il ne voulait pas qu'Alex le prenne mal, il ne voulait pas qu'elle l'abandonne encore. C'était tuer son coeur, une nouvelle fois.

"Rien de sérieux, ça veut pas dire rien du tout, ça, Alex Clarke."Son corps blotti dans les bras de son ami, la première fois en huit ans, elle ne se voyait pas aborder ses aventures d'un soir avec lui. Ce n'était pas la conversation qui en elle même posait problème, puisqu'elle n'avait jamais réellement eu de retenu avec lui. Confidences pour confidences, Timothy avait déjà servit d'oreilles attentives et indiscrètes pour Alex. Mais cette fois, c'était un peu différent et Alex avait ses propres réticences à dévoiler ses déboires et dérapages Londoniens. Parce qu'elle avait quand même bien honte de son comportement, de ses choix et de son mode de vie. Médicaments, drogue et sexe, Alex n'était pas la même à Londres, elle n'était plus que l'ombre d'elle même. Et elle repensait à ce qu'elle avait vécu pendant son périple Londonien. Elle se rappelait les mains des hommes sur son corps. Elle se rappelait que des hommes avaient pris possession de son corps. Aucun n’avait eu envie de chercher plus loin avec elle, et c'était exactement ce qu'elle recherchait. Fallait dire qu’elle avait ciblé un type d’homme bien spécifique. Ceux qui disparaissaient avant le petit déjeuner, ceux qui pour le mot sentiment n’avait pas de définition et provoquaient des spasmes d'inquiétudes. Ceux qui n'étaient qu’un amas de muscles, un corps utile sur le moment mais qu’on oublie vite. Parce qu'à Londres, c’était les seuls hommes qu’elle avait laissé entrer dans sa vie ou plutôt dans son lit. Les seuls qui avait pu entrevoir une parcelle d’elle, de son corps. Un corps qu'elle avait tant eu du mal à regarder, à accepter après sa grossesse. Le temps d’une nuit elle s’accordait le droit de se sentir désirée et même si ce n’était pas par des types désirables. Elle les utilisait autant qu’eux l’utilisait mais pas pour les mêmes raisons. La drogue l’aidait, la faisait planer et eux lui donnait l’impression d’être vivante ... D'exister tout simplement. Et dans les bras de Timothy, elle repensait à ses erreurs et la honte grandissait en elle. C'était beaucoup trop à assumer et elle préférait se taire. Parce que même si elle avait admit il y a longtemps que Timothy était bien meilleur qu'elle. Bien meilleur que la plupart des gens sur cette terre, et qu'elle ne pourrait jamais réellement être à la hauteur du niveau de respect et de pureté de son ami. Cette fois, c'était un peu trop dégradant pour elle, et pour des retrouvailles elle avait du mal à trouver le sujet très propice. Alors oui, clairement, elle aurait pu lui raconter ses histoires, il ne s'était pas ''rien passé du tout'' mais avouer à son ami ce qu'elle était devenue elle n'en était pas encore prête. Surtout qu'elle redécouvrait cette sensation si particulière de sérénité qu'elle ressentait à l'époque blottit dans ses bras. Et dans ses bras, elle ne voulait pas se laisser submerger par la nostalgie. Parce que lui, il ne se laissait pas atteindre par la nostalgie, par son passé. Parce que lui, il souriait, tout le temps. Et elle avait envie de sourire aussi, parce qu'il avait ce regard communicatif, ce visage rempli d'émotion positive et qu'il était difficile de ne pas lui rendre son sourire. Alors elle jouait avec lui, profitant de la proximité pour tâter les muscles du monsieur. Le faisant rougir par un flot de compliment, tous très honnête. « J'étais déjà un homme y a huit ans, tu sais » Ce fut à son tour de lever les yeux au ciel et de sourire bêtement. Puis de reprendre l'éloge du Français. Tout en le regardant, amusée de voir qu'elle arrivait toujours à le faire rougir aussi facilement. «Et c'est quoi ta définition de tombeur exactement? Franchement, ça m'intéresse pas d'avoir dix filles par semaine ou quoi... Moi, je veux juste être en compagnie de gens qui m'acceptent comme je suis et si ça doit jamais arriver, c'est pas grave. Je t'ai, toi, de toute façon. Je suis trop romantique pour ce monde, que veux-tu. » Elle le regardait avec beaucoup de tendresse dans les yeux. Elle, serrait contre lui, tâtant ses muscles et lui, lui caressant le bras amicalement, tout semblait si futile à ses cotés. Son optimisme rayonnait au point qu'il aurait pu faire croire à Alex que tout était beau, tout était facile. Il avait tellement d'amour dans le regard, tellement d'amour à distribuer. Les joues rosies, gêné par les compliments, parce qu'il n'avait jamais aimé être le centre de l'attention et ça Alex le savait. Il était si doux, si romantique. Un trop plein d'amour à donner, et une simplicité attendrissante. Oui, clairement, il était trop romantique, pauvre petit Tim, perfection incomprise par le reste du monde. « Dix filles par semaine, tu tapes haut direct toi. Franchement dix filles laisse tomber la galère, imagines dix comme moi, tu finiras par vouloir être seul. » Un petit trait d'humour, avant d’enchaîner sur plus de compliments. Parce que même s'il ne parlait pas de ses doutes, ou même qu'il ne se montrait pas inquiet, Alex se voulait rassurante. Rassurante sur les qualités de son ami, rassurante sur la valeur du garçon. Il était trop bon pour le reste du monde. Un coup de hanche, un sourire amical et une relation qui redevenait rapidement limpide et normale. Et alors qu'elle levait la tête pour le regarder, lui qui était bien plus grand qu'elle, et plus massif désormais. Elle rencontra son regard azur, et son tendre sourire. Et Alex aurait pu mettre au défi quiconque de ne pas sourire en retour, face à cette bouille d'ange. Alors elle souriait aussi, ressentant le bien être simple que ce geste pouvait provoquer. Un sourire, un regard affectueux et Alex se sentait appréciée, elle avait l'impression d'exister et de compter pour quelqu'un et c'était fou, comme ça lui faisait du bien. Elle n'avait pas à se justifier, pas à se culpabiliser. Et quand elle le regardait, elle ne se sentait pas envahie d'une immense honte d'avoir agit comme elle l'avait fait. C'était tellement simple avec lui, il était juste là, devant elle, avec le même regard, le même sourire et les même intentions qu'il y a huit ans. Et c'était une vraie bouffée d'air pour l'Anglaise que de passer du temps avec lui. "Tu veux vraiment que mes chevilles commencent à enfler, c'est ça ton plan? Puis, si je suis si parfait que ça pour ce monde, pourquoi tu m'épouses pas?" Alex avait forcé les sourcils face à la spontanéité de la remarque de son ami. Elle avait toujours connu la maladresse de Timothy, son coté gaffeur. Son inexpérience dans les relations humaines l’entraînant à sortir des phrases parfois lunaires, mais celle là. Alex ne s'y attendait pas. Et visiblement, il s'était surprit lui même à en croire ses joues qui viraient au rouge. Et pendant quelques secondes, elle avait pensé à une plaisanterie de son ami, à une blague comme ils avaient l'habitude de s'en faire à l'époque. Époque ou malgré les maladresses des deux jeunes, ils pouvaient tout se dire, tout se permettre. Parce que leur relation était assez forte, assez claire pour résister à tout. Mais, avec la réaction de Timothy, elle ressentait la gêne du moment, sans réellement comprendre le changement dans l'attitude du Français. "Je dis des bêtises, pardon, j'arrête mes plaisanteries." Il se détacha d'elle et reporta son regard sur la tombe de Rachel. Son sourire avait disparu, et Alex pouvait lire la nervosité sur le visage de Timothy. A l'époque, elle aurait trouvé les mots du tac-o-tac pour détendre l'atmosphère. Elle se serait moquée de Tim, elle aurait joué avec lui de sa gaffe, elle lui aurait fait remarqué ses joues rougies histoire d'augmenter encore son malaise pour quelques secondes, avant d'éclater de rire et de l’entraîner avec elle dans ce fou rire. Mais là, elle se retrouvait bien conne. Elle avait presque l'impression de vivre ce qu'une étrangère devait vivre lorsqu'elle rencontrait pour la première fois Decastel. Elle le regardait songeant à ce qu'il venait de dire, et au malaise que ça avait provoqué chez lui. C'était si inattendu et ça avait jeté un froid entre eux au moment ou il avait rompu le contact entre eux et ou il s'était éloigné, gêné. Il ne la regardait plus alors qu'elle, ne voulant pas perdre le contact avec lui. Ces quelques minutes avec lui, lui avait fait tellement de bien qu'elle ne voulait pas qu'il parte. Elle avait encore besoin de lui, parce qu'il était encore plus efficace qu'un anti-dépresseur, qu'une bouteille d'alcool ou qu'une drogue. Enfin peut être pas, mais il l'apaisait, il la rassurait et elle se sentait bien avec lui. Et il était hors de question qu'elle laisse une phrase gâché ce moment entre eux. « Tu devrais savoir qu'on ne fait pas de demande sans bague, faut vraiment tout t'apprendre. » Elle avait laissé échapper un petit rire, comme pour montrer à Tim qu'elle rigolait aussi et qu'elle prenait ça à la rigolade. Elle s'était avancée vers lui, réduisant la distance qu'il avait mit entre eux et elle avait posé sa tête contre son épaule. Elle faisait face à la tombe de Rachel et comme Tim, son regard fixait la pierre tombale. « Tu savais qu'elle s'était mariée ?» Bon il suffisait de voir le nom inscrit sur la tombe pour le savoir, mais la remarque semblait logique et adaptée à la discussion. « Et qu'elle avait une fille ? Comme quoi, tout est possible. Même pour nous, elle avait réussi Rachel. » Rachel n'était plus là pour le témoigner, mais Alex avait eu un petit retour sur la vie de son amie grâce à Stephen aka le mari et elle semblait avoir réussi sa vie. Professionnelle, familiale et privée. « Tu sais que tu es le premier à me demander en mariage. » Un petit rire s'était échappé de sa bouche en terminant cette phrase. Toujours les yeux fixaient sur la tombe, la tête contre l'épaule de Timothy, elle souriait en réalisant les mots qu'elle venait de prononcer. Sacré Timothy, il n'avait définitivement pas fini de la surprendre et de la faire rire. Mais c'était lui ça non ? Son ami, son confident, son protecteur et protégé. Son Timi.  

Il la connaissait par coeur, en tout cas, c'était ce que Tim avait toujours pensé. Ils s'étaient rencontrés alors qu'ils entraient tout juste dans le monde des adultes, un monde de vices et d'indécisions constantes. Rien n'avait été simple mais Tim avait vu Alex grandir, s'épanouir, trouver l'amour... Puis partir, loin, sans espoir de retour. Il n'avait pas compris son geste, s'en était inquiété durant des mois et il en était arrivé à la conclusion que la jeune Clarke avait dû avoir ses raisons pour agir de la sorte. C'était pour cette raison qu'il ne la mitraillait pas de questions, Timothy n'avait jamais été ainsi de toute manière: il attendait toujours que les gens viennent à lui plutôt que l'inverse. Il était hors de question de la brusquer, surtout pas alors qu'il venait de la retrouver, huit ans plus tard. Alex avait sûrement dû vivre des moments difficiles, Decastel le lisait aisément dans son regard, elle ne paraissait pas si sereine mais qui l'était au fond? Timothy était le premier concerné par les faux semblants, par cet optimisme toujours présent mais mis à rude épreuve par les obstacles qu'il avait dû franchir dans sa jeune vie. Lorsqu'il avait rencontré Alex, il était peut être encore plus timide que ce qu'il pouvait montrer aujourd'hui: à l'époque, il habitait encore avec son frère aîné, visitant sa mère quasi toutes les semaines, ce qui le rendait fou et très réservé. Il observait les gens, c'était à peu près tout ce qu'il faisait parce que tenir une conversation s'avérait plus compliqué que ce qu'il aurait pensé. Avec Alex pourtant, il n'avait pas eu ce problème. Tim s'était tout de suite sent à l'aise avec la jeune femme, peut être parce qu'elle avait vécu elle aussi des troubles familiaux d'envergure alors, il lui avait fait confiance sans sourciller. Qu'en était-il de tout ce qu'ils avaient traversé désormais? Decastel savait bien qu'Alex lui cachait huit ans de sa vie mais il n'allait pas lui tirer les vers du nez, il se contenterait d'attendre, c'était ce qu'il savait faire de mieux. Attendre. Après tout, c'était le choix qu'il avait fait alors qu'ils étaient si jeunes: Tim avait attendu qu'Alex fut prête pour lui mais le moment n'était jamais arrivé puisque Caleb avait débarqué dans sa vie et tout espoir s'était alors évanoui pour lui. Ce n'était pas pour autant qu'il avait arrêté de l'aimer, même après son départ de Brisbane, il avait continué. Pendant longtemps. Trop longtemps pour que ce fut totalement sain mais au moins, il était devenu ami avec Caleb, un comble en vue de la jalousie qu'il avait ressenti pendant des moi le concernant. Décidément, Tim était bien trop gentil pour survivre au sein de ce monde cruel mais il faisait tout de même de son mieux pour se forger une carapace de protection. Là dessus, il s'était amélioré en huit ans, s'enfermant dans son cimetière sans rien attendre de l'humanité mais offrant tous les sourires qu'il pouvait toute fois parce qu'il était ainsi. Qu'il n'avait jamais changé. Cela se voyait étant donné le comportement qu'il avait avec Alex, la serrant contre lui comme si aucune minute ne s'était écoulé depuis leur dernière rencontre. Comme si c'était hier. Tant de choses avaient changé pourtant: même s'il peinait à le croire, Timothy lui même avait grandi. S'il était un homme huit années auparavant, il avait pris les marques plus vivement désormais, à force de gérer des travaux physiques au cimetière. Il n'était pas intéressé plus que cela par la superficialité des relations, là dessus au moins, il ne changeait pas réellement. "C'était pour exagérer le cliché, bien évidemment. J'en veux toujours qu'une moi de toute façon. Et arrête tes bêtises, je te supporte sans souci moi." Forcément, Timothy l'avait toujours vu comme la femme ultime avant qu'elle ne s'en aille de l'autre côté du globe. Il avait fini par relativiser, certainement parce qu'il était trop jeune pour comprendre à cette époque. L'amour n'avait pas de sens, c'était vrai mais il y avait tout de même une constante: celui-ci n'avait pas lieu d'exister si on n'était pas honnête envers ses sentiments pour l'autre personne. Decastel n'avait rien dit alors rien de tout cela n'avait compté au final. A force de rester dans son coin, d'attendre et de regretter en bout de course, la vie finissait par passer et c'était ce qui était arrivé avec Alex. Aujourd'hui, tout était différent, Timothy ne ressentait plus le besoin de vivre par procuration la vie d'Alex. Il essayait de faire son petit bonhomme de chemin, plus difficilement qu'elle pour sûr en vue de son extrême réserve mais il n'était peut être pas encore tout à fait une cause perdue. Du moins, cela aurait pu être vrai avant qu'il ne dérape totalement face à Alex. Pourquoi lui poser cette question? Pourquoi cette douleur lancinante qui s'incrustait dans le creux de sa poitrine? Il se retrouvait dix ans en arrière, à l'attendre, à l'entendre lui répéter à quel point il était un garçon génial mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'on le choisissait face à d'autres. Decastel se sentit tout de suite mal et ne put que s'écarter d'Alex, le regard happé par la pierre tombale face à lui, silencieux. Les paroles de la jeune femme atteignirent ses oreilles mais il ne pouvait pas vraiment lui répondre, pas tout de suite en tout cas. Elle lui parla de Rachel, de la vie qu'elle s'était construite avant son décès, des choses qu'eux étaient loin d'avoir accompli et Tim, lui, restait là, bras ballants, tremblotant de honte. Changerait-il un jour? Il tenta de sourire, mais le tout sonnait faux. Il était peut être le premier à avoir osé dire de tels mots à Alex, mais il était surtout le dernier à être désiré par elle alors, c'était un crève coeur venu directement du passé. Il fallait qu'il parle, qu'il se reprenne, qu'il s'explique, qu'il soit un homme. Enfin, un homme et plus le gamin apeuré de tout mais surtout du mal qu'on pouvait lui faire en retour. "C'est pas ce que je voulais dire, Alex. Tu te doutes que si je demandais quelqu'un en mariage, je ferais quelque chose de plus... Élaboré, disons. C'est juste que... Tu m'as souvent dit à quel point le monde me méritait pas, que j'étais un garçon génial et tout ce qui va avec... Et... Pourtant, personne veut de moi. Les filles choisissent pas les hommes comme moi: elles préfèrent aller souffrir avec quelqu'un qui leur ment, qui les blesse, qui fait pas attention à elles et j'essaye de comprendre pourquoi y a cette logique... Mais j'y arrive pas. Désolé, en tout cas, je voulais pas que tu croies que je voulais te mettre mal à l'aise en disant quelque chose comme ça. Je sais que tu me vois pas comme ça... Je suis pas Caleb." Il n'avait pas un discours des plus fluides mais son émotion se lisait dans le coin de ses yeux. Timothy évacua bien vite les larmes qui menaçaient de faire leur apparition. C'était des années de combat pour se faire remarquer, des années à attendre dans son coin, des années à espérer qu'on puisse l'aimer malgré sa différence... Des années à s'évertuer à rester une bonne personne, souriante et chaleureuse mais ce n'était pas si facile que cela en avait l'air. Loin de là, même.

Alex écoutait Tim se livrer avec une sincérité touchante. Elle avait eu envie de le rassurer, et de lui redire qu'il était génial, parce qu'il l'était réellement. Alex n'avait jamais douté de la bonté du garçon. Mais elle n'avait rien dit, laissant la parole à Timothy qui semblait en avoir gros sur le cœur. C'était dur de voir Timothy ainsi, se livrer aussi brutalement. ''Personne veut de moi.'' Cette phrase était douloureuse à entendre pour l'Anglaise qui connaissait la vie de Timothy. Sa vie, et son histoire, avec à la base, une mère qui n'avait pas voulu de lui, pas voulu de l'homme qu'il était. Et c'était d'autant plus compliqué de rester face à lui à ne rien dire, à ne rien faire. Mais elle sentait qu'elle devait le laisser finir, qu'elle devait le laisser s'exprimer lui qui s'était souvent caché derrière un sourire de façade, préférant taire ses problèmes et ses souffrances. S'il ressentait le besoin de parler aujourd'hui, c'était que ça devait être important, assez important pour qu'il ose et elle devait respecter cette prise de risque. Il dressait le portrait d’un monde bien triste mais si réaliste. Et Alex n’avait pas échappé à ce constat désespérant. Même si Tim ne le savait pas, elle aussi avait fait partie de ces femmes qui ne s’intéressent qu’aux mauvais gars même si pour elle c’était un choix volontaire. Parce qu’elle ne pouvait pas se tourner vers les bons au risque de les blesser comme elle l’avait fait avec Caleb. Parce qu’il était le seul qui avait compté, le seul qu’elle avait aimé. Et Caleb ne répondait pas au portait fait par Timothy, des hommes auxquelles les femmes s’intéressaient. Caleb était bon, Caleb était romantique, Caleb était attentionné. Et c’était finalement ce qu’Alex avait aimé chez lui. Et Alex l'avait aimé, lui et pas un autre, pas un de ces gars dont parlait Timothy. Parce qu'elle n'aurait pas pu aimer quelqu'un d'autres, quelqu'un de différent. Et Alex, essayait de comprendre ou voulait en venir Timothy avec ce constat, et pourquoi il lui disait ça à elle alors qu'elle avait prouvé par le passé qu'elle n'était pas ce genre de fille, celle qu'elle était devenue plus tard à Londres … Elle avait aimé Caleb pour tout un tas de qualités. Des qualités que possédait aussi Tim. Parce qu'au fond, ils n'étaient pas si différents que ça les deux hommes aux yeux d'Alex. Attentionnés tout les deux. Souriants tout les deux. Compréhensifs, doux, optimiste, sincère, rassurant. Caleb était sans doute un peu plus sociable que Tim, mais ils avaient bien plus de points communs que de différences. « Je ne t’ai jamais demandé d’être Caleb. » c’était la première réactions d’Alex. Une réponse du tac-o-tac, sans réfléchir réellement à la portée des propos de Timothy. Elle n'avait pas comprit comment le prénom de son ex avait finit par arriver dans cette conversation. Mais une chose était sûre pour Alex, à l'époque elle avait eu besoin des deux dans sa vie pour être heureuse. Elle tentait de comprendre, de se remémorer leur discussion et comment des retrouvailles aussi bonnes, ils en étaient arrivés à ce moment. Huit ans d'absence, de silence n'avait pas eu raison de leur relation, et Timothy n'avait pas semblé lui en tenir rigueur puisqu'il avait lui dans les premières minutes. Souriant, tactile, rassurant. Mais une phrase, une petite phrase avait réussi à mettre une distance plus prononcée et plus franche que les huit ans d'absence. Et ce fut quand elle avait remarqué les émotions sur le visage de Timothy, la tristesse qu’il tentait de dissimuler qu’elle avait comprit qu’il y avait plus qu’une simple constatation triste du monde dans les propos du Français. Et Alex cherchait à comprendre comment la situation avait pu lui échapper à ce point. Comment elle avait pu être la cause de la tristesse qu'elle lisait dans les yeux de son ami. Comment, elle pouvait être la cause des larmes qu'elle devinait au coin des yeux bleus de Timothy.  C'était bien la dernière chose qu'elle voulait, faire du mal à Timothy et pourtant, elle venait de le mettre, de façon involontaire, dans un état de fragilité au point d'en faire perdre son sourire à l'éternel optimiste. Alors, elle essayait de se creuser la tête, vraiment, pour comprendre ce qu'elle avait dit ou fait pour en arriver à ce moment si gênant pour les deux. ''Je sais que tu me vois pas comme ça...'' Elle tentait de mettre les choses en ordre dans sa tête, de trouver un sens à tout cela mais elle avait peur de comprendre les paroles de Tim, peur de comprendre ce qu’il essayait de lui dire. Alors elle restait silencieuse à penser à leur passé. Et là elle prenait conscience peu à peu. Ne pouvant continuer à nier une évidence, qu'elle s'était pourtant toujours refusé à voir.  Et l'Anglaise se rappelait les crises de jalousies de Caleb. Ses disputes avec celui qui partageait sa vie à cause de Timothy. Son ami, son confident. Des crises qu'elle ne comprenait pas et les mots de Caleb qui prenait un tout autre sens, maintenant qu'elle ouvrait les yeux. Et, finalement c’était elle qui avait été aveugle, incapable de comprendre les signes. Incapable de voir la vérité, ou d'accepter l'évidence. Et dire qu’elle avait tant de fois taquiné le Français sur son incapacité à voir les femmes qui s’intéressaient à lui. Quel paradoxe! « Putain » un mot lâché bien malgré elle quand elle prenait conscience de la douleur qu’elle avait dû causer à son ami. Encore un qu’elle avait blessé et ce bien avant de partir finalement. C’était donc ça l’histoire de sa vie ? Blesser les gens auxquels elle tenait le plus ? Elle se détacha de lui, honteuse. Et la rencontre qui l’avait apaisé quelques minutes devenait source d’une nouvelle culpabilité à ajouter à un paquet d’autre. « Je suis désolé, je ne sais pas quoi te dire, je suis sincèrement désolé. » elle se confondait en excuses, honteuse. Elle aurait aimé disparaître, ne pas avoir à assumer tout cette culpabilité, parce que ça commençait à en faire beaucoup, beaucoup trop. Et pourtant, elle ne bougeait pas. Elle avait toujours été plus sociable que Tim, mais dans la gestion de ses émotions et des situations tendues, elle n'avait jamais été très douée l'Anglaise. Et cette situation était particulièrement compliquée à gérer, elle ne voulait pas faire de mal à Timothy, jamais et pourtant elle l'avait fait alors c'était quasi certain qu'elle réussirait encore à le blesser au moment ou elle choisirait enfin d'ouvrir la bouche et d'assumer cette situation. « Je ne savais pas Tim, je n'avais pas compris. » Sa réaction était minable, du moins elle se trouvait pathétique complètement incapable de trouver une réponse à donner à Timothy. Il avait été honnête avec elle, il s'était livré comme rarement et elle restait complètement stoïque. Elle devait se reprendre et elle tentait de se le répéter pour trouver la force, elle le devait à Timothy, elle devait assumer, être adulte, être forte, être honnête. Elle lui devait bien ça, parce qu'il avait toujours été là pour elle, et maintenant elle prenait conscience de tout ce que ça avait du entraîner comme souffrance pour le Français. Alors elle devait se faire violence, arrêter de se morfondre intérieurement sur ses propres faiblesses et s'ouvrir aux autres, à lui. Parce qu'il ne méritait pas ça, il ne méritait pas la façon dont elle l'avait traité toutes ces années. Alors elle souffla un bon coup, et à l'image de son ami quelques secondes plus tôt, elle se lança dans une tirade décousue. « Je suis désolé de n'avoir pas compris à l'époque, je suis désolé de t'avoir fait souffrir vraiment, je ne le voulais pas. Si tu savais comme je m'en veux. Mais je continues à penser que tu es quelqu'un de formidable Tim et qu'une femme aurait énormément de chance de t'avoir dans sa vie. Mais tu dois montrer qui tu es aux autres et ce que tu ressens au reste du monde. Tu mérites plus que quiconque d'être heureux, mais tu dois te donner les moyens de l'être aussi. Tim, tu ne peux pas vivre constamment en pensant aux autres, penses à toi aussi. Tu ne peux pas vivre en attendant que le monde vienne à toi. Les gens t'apprécieront si tu leur montre le Tim que je connais. Moi, j'ai eu la chance de t'avoir auprès de moi et je suis partie, parce que je suis comme les hommes dont tu parlais, je blesse les gens. Je ne voulais pas te blesser, mais je l'ai fais. Je suis désolé. » Elle avait prit sur elle et elle s'était livrée, maladroitement, mais avec sincérité, évitant tout de même le regard de son ami. Elle jouait avec ses mains pour tenter de canaliser son stress grandissant. La situation avait tellement dérapé qu'elle se demandait encore jusqu’où elle pouvait dégringoler.  « J'aurais pu t'aimer Tim, tu comptais tellement pour moi. » Elle avait murmuré ces mots pour elle même, presque inaudibles, sans vraiment savoir pourquoi elle avait prononcé cette phrase mais elle le pensait sincèrement. Elle aurait pu l'aimer si les circonstances avaient été différentes, s'il avait osé avouer son amour avant qu'elle ne rencontre Caleb. Elle le savait qu'elle aurait pu tomber amoureuse du Français. Mais c'était désormais une histoire ancienne, une histoire d'amour ratée et une amitié qui s'effritait. « Je crois que je vais te laisser travailler Tim, je ne veux pas que ma présence te dérange ou te blesse. » Elle avait regardé Tim, elle voulut déposer un baiser sur sa joue mais après ce qu'elle venait de comprendre, elle n'osa pas. Ne trouvant pas le geste très adapté à la situation. Elle ne voulait pas rester dans les parages, elle ne voulait pas obliger son ami à supporter sa présence qui semblait le mettre mal à l'aise. C'était donc ça qui allait les éloigner ? L'évocation des sentiments d'antan ? Putain de vérité qui venait encore tout gâcher. Cette fois c'était elle qui retenait ses larmes, luttant contre la peur de perdre un autre de ses anciens proches. Devant la tombe de Rachel, elle avait peur de vivre une nouvelle rupture amicale, cette fois avec son Timi. Et alors qu'elle prenait conscience de tout cela, elle s'était penché vers lui et avait déposé un baiser sur la joue rougie de Timothy et elle lui avait glissé quelques mots dans l'oreille. « Je serais toujours là pour toi, si tu as besoin. » Elle s'était retournée fermant les yeux pour cacher la souffrance et ses émotions. Elle avait souvent pleurer devant lui, mais cette fois, elle ne pouvait pas lui montrer son malaise.  

Tant d'années ruinées. Tant de moments effacées par peur du lendemain. Timothy regrettait tellement d'instants, tellement de non-dits. Il aurait voulu retourner en arrière pour faire table rase de tout cela, ne plus avoir à se battre constamment contre le paradoxe de ses sentiments. Or, la machine à remonter le temps n'avait pas encore été inventée. Il se retrouvait seul face à ses regrets, lui qui s'était toujours promis de ne jamais repenser aux instants manqués, à toutes ces opportunités qu'il aurait pu avoir mais qu'il avait laissés filer. Avec Alex, il y en avait tellement. Après tout, Decastel avait été une des personnes les plus proches d'elle: présent à chaque instant, il avait toujours su l'écouter, la rassurer, lui narrer de mille et une manières à quel point elle était importante, à quel point elle pouvait changer le monde si elle se révélait être elle-même. Tim avait échoué à cela également puisque la jeune femme avait fini par partir: ses mots n'avaient pas été suffisants et la vie les avait tous rattrapés. Derrière elle, Alex avait laissé deux hommes importants, deux hommes qui l'aimaient, même si elle n'avait jamais réellement su à quel point. Dans le cas de Tim, cet amour pur lui avait permis de lui pardonner à peine avait-elle quitté le territoire australien. Cela avait permis au gardien de cimetière de se rapprocher de Caleb, d'arrêter de l'envier pour une histoire qu'il ne vivrait jamais parce que son amie n'avait jamais eu le moindre sentiment pour lui. Il avait fallu du temps à Timothy pour faire ce deuil-là, mais il y était arrivé par la force des choses, trouvant du réconfort dans sa solitude, se construisant peu à peu autour de nouvelles bases sans que tout le poids de son bonheur ne réside sur les épaules d'une seule et même femme. Avec du recul, le jeune homme se rendait compte que rien dans cette situation n'avait été sain. Il avait tout misé sur Alex, se perdant pour satisfaire ses besoins sans penser aux siens, comme si c'était normal d'autant s'abandonner pour le bonheur d'autrui. Malheureusement, Tim avait toujours agi ainsi, s'inquiétant des autres avant de penser à ses propres envies, se reléguant au second plan quand il aurait dû se mettre au premier justement. Il n'avait pas eu envie de laisser planer le doute face à Alex, pas en plein milieu de leurs retrouvailles, pas après huit années sans avoir la chance de la voir sourire mais les paroles de Tim lui avaient totalement échappé. Ceux-ci la laissèrent pantoises et Tim sentit instantanément une pointe de regret marqué son coeur. Qu'avait-il fait? Pourquoi lui asséner une telle vérité bien des années plus tard? Il était vraiment cruel de lui mettre cette réalité sur le dos alors qu'elle avait à peine posé un pied sur le sol australien. Decastel se sentait mal, il n'osait même plus la regarder, sentant que les réflexions de Clarke l'amenaient peu à peu vers la vérité. Elle allait savoir qu'il l'avait aimé, huit ans trop tard, la révélation s'effectuant au beau milieu d'un cimetière alors qu'elle avait l'air mal en point. Bravo Decastel, quel Don Juan. Il la regardait batailler, se refusant à le comparer à Caleb et Tim ne dit rien, les yeux baissés, les bras ballants. Non, il ne serait jamais le brun qui avait tant fait battre le coeur d'Alex par le passé mais tout cela, c'était de l'histoire ancienne. Il devait lui dire, arrêter l'hémorragie avant qu'il ne fut trop tard. Il ne put rien faire sur l'instant, se sentant capituler face aux plates excuses de son amie. Il tenta d'ouvrir la bouche mais celle-ci se lança dans un monologue comme quoi il méritait le bonheur et de trouver quelqu'un qui l'aimerait à sa juste valeur. A nouveau, les cordes vocales de Timothy ne purent rien dire, bouche bée. Réagir serait une bonne idée après le monologue teintée d'amertume de la jeune femme mais ce ne fut qu'au moment où elle s'apprêtait à prendre congé, prétextant les blessures qu'elle lui infligeait que Decastel se sentit plus éveillé. Elle déposa un baiser sur sa joue et lui tourna le dos, Tim lui attrapant le bras délicatement pour qu'elle se retrouve face à lui à nouveau. Le regard de Tim était plus déterminé maintenant, loin de celui larmoyant qu'il avait eu durant les dernières minutes qui venaient de s'écouler... Il était plus fort que cela, il n'était certainement pas le pleurnichard avec huit ans de retard. Maintenant qu'Alex savait, il était temps qu'il fasse preuve de sincérité. Et qu'il parle, oui, qu'il parle. "Ta présence m'a jamais dérangé et tu m'as jamais blessé, Alex. C'est moi qui suis idiot, j'aurais jamais dû te dire ça... Jamais. Oui, je t'aimais il y a huit ans. Oui, j'ai regretté de pas avoir osé te le dire à cette époque mais c'est du passé tout ça. Je m'en suis remis, promis. J'ai compris que tu aimais Caleb et qu'on était amis, c'est très bien comme ça. Je voulais pas que tu sois aussi mal pour quelque chose qui n'a plus la moindre importance. Si je te l'avais dit il y a huit ans, les choses auraient peut être été différentes mais le destin a décidé que c'était pas écrit ainsi donc... Dis pas de bêtises et reste." Il la regarda avec un sourire qui s'élargissait au fur et à mesure. Oui, Tim avait grandi, il avait réussi à passer à autre chose, à se battre pour que son coeur ne fut pas totalement accaparé par Alex et ce, jusqu'à la fin de son existence. Elle avait aimé Caleb et désormais, il était son ami. Lui devait trouver une autre personne à chérir, cela viendrait peut être ou non, mais ce qui comptait, c'était de converser son amitié si chère à son coeur avec Clarke. Il lui dit d'un regard, attrapant sa main pour la serrer dans la sienne. "Je suis désolé Alex, je voulais pas te bouleverser, crois moi." C'était tout ce qu'il pouvait dire maintenant, en espérant que ce serait suffisant pour qu'elle retrouve un sourire sur son visage. Oui, enterrer le passé et espérer qu'il ne vienne plus jamais les déranger. Eux deux, face au monde.

Alex avait senti la main de Tim venir lui attraper le bras et l'arrêter. Sans aucune force, avec une délicatesse propre à Timothy, il l'avait fait se retourner et l'Anglaise se retrouvait désormais confrontée au regard de Tim. Elle avait hésité à le regarder, ne sachant pas si elle pourrait supporter plus d'émotions. Et puis elle avait fini par plonger son regard dans celui du Français, avec crainte, elle s'était laissée avoir. L'Anglaise, s'était retrouvée, non pas confrontée à de la déception, de la tristesse ou tout autre émotion négative, mais plutôt à un regard déterminé. Il dégageait une force qu'Alex avait rarement vu derrière les yeux bleus du Français. Elle n'avait jamais douté de la force de son ami, mais elle ne s'attendait pas à ce qu'elle se manifeste à ce moment. Alors qu'elle, elle était épuisée et qu'elle imaginait aisément l'allure déplorable qu'elle devait avoir. Lui faisait preuve de force alors que c'était lui qui avait encore été blessé par la journaliste. Et c'était pourtant lui qui se retrouvait encore à s'excuser, pour quelque chose dont il n'était pas responsable et qui l'avait faite souffrir. « Ta présence m'a jamais dérangé et tu m'as jamais blessé, Alex. » Alex savait que c'était faux, elle l'avait blessé à son départ et durant toute leur amitié. Elle n'avait fait que le blesser finalement. « J'ai compris que tu aimais Caleb et qu'on était amis, c'est très bien comme ça. Je voulais pas que tu sois aussi mal pour quelque chose qui n'a plus la moindre importance. » Oui c'était très bien comme ça, et de toute façon il avait raison, plus rien n'avait la moindre importance finalement, puisqu'Alex avait tout gâché. "Je suis désolé Alex, je voulais pas te bouleverser, crois moi." Il souriait, il s'excusait, c'était lui qui souffrait et c'était lui qui s'excusait. Pourquoi fallait-il qu'il soit aussi parfait ? Pourquoi ne pouvait-il pas juste lui crier dessus ? Être méchant ? C'était tout ce qu'elle pensait mériter. Et plus il souriait, plus en se sentait faiblir. Il cassait ses barrières sans s'en rendre compte, il détruisait peu à peu tout ce qu'elle avait construit au fil du temps pour se protéger. Il était gentil avec elle, et elle avait l'impression de le trahir à nouveau. Elle ne méritait pas ses excuses, elle ne méritait pas son sourire, pas après ce qu'elle lui avait fait durant toutes ses années, pas après son départ. Il s'excusait pour quelque chose dont elle était responsable alors qu'elle avait été incapable de s'excuser pour son départ. Elle ne savait pas être une bonne amie, elle ne savait pas être une bonne petite-amie, elle ne savait même pas être une bonne fille. Elle était incapable d'être quelqu'un de bien et la bienveillance de Timothy à son égard lui faisait exploser cette vérité à la figure. « Pourquoi je dois tout gâcher tout le temps ? J'en ai marre Tim, je suis fatiguée de lutter. J'essaye, mais je fais du mal à tout le monde. » Elle repensait à Caleb, à son comportement envers lui lors de leur retrouvaille. Elle se souvint son incapacité à gérer ses émotions face à Stephen, craquant complètement devant un inconnu venu annoncer la mort de sa femme. Elle se rappelait Primrose. Sa façon de lui parler, de la rabaisser, elle ne s'était pas reconnue mais c'était pourtant ce qu'elle était devenue. Et elle finissait presque par regretter que John ait empêché ce type dans la ruelle de la ruer de coups. Parce qu'au fond, elle l'aurait mérité. Et elle regardait Tim, qui lui souriait malgré tout ce qu'elle lui avait fait. Il lui souriait parce qu'il ne voyait que le bon en elle, une bonté qu'elle avait perdu maintenant. Elle avait repoussé la main de Tim, rompant le contact entre eux. « Regarde toi, comment tu peux être aussi gentil avec moi ? Je suis un gâchis ambulant et c'est toi qui t'excuse encore. Je ne mérite pas la gentillesse et ta compassion Tim. Je mérite que tu me détestes, je t'ai abandonné. Comme ton père. » Elle faisait une pause, baissant la tête et essuyant les larmes qui coulaient désormais de ses yeux avec abondance. Elle allait trop loin, encore mais elle ne s'était pas arrêté pour autant. « Je ne t'ai pas aimé. Comme ta mère. Comment tu peux me regarder sans me haïr ? Je sais que tu ne sais pas haïr Tim, mais si tu as le droit de détester quelqu'un, c'est moi. Je mérite que tu me déteste. » Depuis son départ de Brisbane, elle avait fait subir beaucoup de choses à son corps, alcool, médicaments, drogue, sexe, et même étude acharnée à se priver de vivre. Elle avait été dans tout les extrêmes, et elle pensait que ces conduites à risques étaient un moyen pour elle d'oublier sa douleur, sa peine. Mais finalement, elle réalisait peu à peu, que si elle s'était fait endurer tout ça, c'était aussi et surtout pour se punir. Parce qu'au fond, elle se détestait, elle se haïssait pour les choix qu'elle avait fait, pour celle qu'elle était devenue. Et face à Tim, c'était peut être la dernière punition qu'elle pouvait s'infliger. Si elle arrivait à faire en sorte que même Timothy la haïsse alors elle aurait son châtiment ultime. Lui, l'éternel ami, incapable de détester quiconque même une mère violente, folle et destructrice. Si elle réussissait à obtenir la haine de Tim, alors elle aurait finalement eu l'assurance qu'elle avait eu raison de se détester tout ce temps. Parce que si Tim pouvait la haïr alors tout aurait un sens, et elle n'aurait plus à se battre contre elle même. Comme si, c'était la confirmation suprême qu'elle était une personne horrible et qu'elle méritait tout ce qui lui était arrivé. « Alors va s'y dis le. S'il te plaît, dis moi que je mérite ce qu'il m'arrive. » Elle avait bien trop de choses en elle, bien trop de ressentiment qu'elle gardait depuis des années. Seule, à tenter de vaincre ses démons, sans réussites. Et, alors qu'elle s'était sentie bien dans les bras de Tim quelques minutes plus tôt. Sereine pour l'une des premières fois depuis plusieurs années. Elle sabordait sa relation avec son ami. Cette journée était décidément la journée de trop. « Je te mérite pas Tim, crois-moi. Je ne voulais pas tout ça, j'aurais pas du revenir. Je vais vous blesser encore, parce que je ne sais faire que ça. Je suis qu'une putain de lâche, droguée, je suis détruite, je me suis détruite et je veux pas que tu tombes avec moi. » Quelques instants plus tôt, elle plaisantait avec lui, jouait avec ses cheveux, se moquait de ses nouveaux muscles, elle se réappropriait cet homme pour lequel elle avait énormément d'estime et d'affection et désormais elle le poussait à bout. Elle n'en pouvait plus, elle se déchargeait sur lui parce que s'il y avait bien une personne devant lequel elle pouvait se livrer réellement c'était lui. Elle ne pouvait pas avec Caleb sans risquer de lui dévoiler un secret qu'elle n'était pas encore prête à assumer, pas dans son état. Elle ne pouvait pas se confier à Rachel, qui n'était plus avec eux. Il restait Timothy, et de tout ses proches, elle savait qu'il faisait parti de ceux qui l'a connaissait le mieux. Parce qu'ils se connaissaient par cœur. Parce qu'elle avait su s'ouvrir avec lui. Elle lui avait montré qui elle était derrière sa fausse assurance. Elle avait baissé sa garde et lui avait montré sa fragilité émotionnelle et son besoin d'affection. Elle avait partagé ses doutes, ses incertitudes avec lui. Tout ce qu'elle dissimulait lors des soirées grâce à l'alcool. Il avait été le premier à la connaître réellement, à savoir qui était Alexandra Clarke. Le premier face auquel elle s'était autorisée à être elle, sans avoir besoin de se prouver quelque chose. Jeune Anglaise, abîmée par des parents défaillants, à la recherche de sensations, d'émotions dont elle avait été privée dans son enfance. Elle l'avait connu, elle était fêtarde, dévergondée la nuit, une jeune femme normale en somme, mais qui se révélait différente avec lui, la journée. Incertaine, en recherche de repère, d'assurance. Il avait été le premier à la voir ainsi, fragile et sincère, avec toutes ses contradictions liées à cette double facette. Une fragilité qu'elle avait toujours eu, un manque de confiance qu'elle avait développé durant son enfance, et elle avait laissé entrevoir toute sa personnalité à Tim. Elle avait réussi à s'ouvrir à lui, et dans le même temps elle s'était fait une place dans le monde de Timothy. Mutuellement, ils s'étaient ouvert l'un à l'autre. Alors au fond, que l'Anglaise craque devant Timothy n'avait rien d'étonnant, elle lâchait prise tout simplement. Parce qu'elle gardait tout pour elle, parce qu'elle n'en pouvait plus, et parce que Tim était là, le regard posé sur elle. Et elle ne pouvait plus faire semblant. Cette haine d'elle même, ce désir de boire, cette culpabilité, c'était trop, elle ne pouvait plus supporter tout ça, pas toute seule. Et au lieu de demander de l'aide, signe d'une extrême faiblesse qu'elle ne pouvait pas assumer dans son état actuel, elle avait gâché ce moment de retrouvailles avec Timothy. Elle se laissait tomber sur le sol à genoux. Elle ne pleurait plus désormais, mais elle était incapable de regarder Timothy, pas après ce qu'elle venait de dire. Elle venait de lui montrer l'une des pires facettes d'elle même, mais ça faisait si longtemps qu'elle n'avait pas pu se livrer avec autant d'authenticité et de sincérité. C'était elle, elle prenait le risque de se faire détester par son ami, mais elle le faisait avec sincérité et vulnérabilité. « Je suis fatiguée de tout perdre, de tout détruire. C'est trop dur, ça fait trop mal. J'ai peur Tim, peur de celle que je suis. » Et elle avouait pour la première fois à quelqu'un ses peurs la concernant. Parce qu'en huit ans, elle avait fait des choses, elle en avait ressenti des émotions et parfois, quand les choses semblaient encore plus sombres qu'à l'accoutumée, et que les cauchemars venaient la hanter, elle pensait le temps d'un instant, que sa mère avait peut être prit la bonne décision. Elle n'avait pas encore tenter cette option, jamais. « Je ne suis pas forte comme toi, je ne suis pas optimiste comme toi, je ne peux pas tout assumer comme toi. Je veux juste un peu de répit et l'alcool me donne même plus ce répit. Je ne sais plus quoi faire. » Pauvre Timothy, il venait de voir la part la plus sombre d'Alex, cette fragilité, couplée à sa culpabilité et à ses doutes. Elle avait besoin d'aide, et c'était son moyen de demander de l'aide, un moyen bien à elle, restait à voir si leur amitié allait résister aux méchancetés et aux comportements d'Alex ou si elle allait réussir à gâcher l'une des dernières bonnes choses de sa vie.

Tout était allé beaucoup trop vite, lui qui avait passé tant d'années à ronger son frein en silence. Que se passait-il exactement? Il fallait croire qu'il avait énormément changé en huit années, lui le pauvre garçon timide qui ne savait pas prononcer plus de deux mots sans rougir. Cette fois-là, Tim avait dérapé, oui, il avait laissé entendre à Alex tous les sentiments qu'il avait pu avoir envers elle avant qu'elle ne quitte le pays sans rien dire. Decastel ne pouvait pas regretter ses choix d'antan, mais il en avait été blessé, c'était une évidence. Lorsqu'elle était partie, il n'avait pas compris, s'était posé mille questions, s'empêchant presque de respirer des semaines durant. Son existence avait tellement tourné autour de celle d'Alex qu'il s'était simplement retrouvé sans but, perdu, là, au milieu de la foule, à ne pas pouvoir même espérer obtenir des réponses à un moment donné. Elle n'était jamais revenue jusqu'à aujourd'hui et le temps avait fait son oeuvre: si Tim y pensait des dizaines de fois par jour au cours des premières semaines, le phénomène s'était amoindri au fil des mois, jusqu'à ce qu'il finisse par se faire une raison. Tout cela n'était pas arrivé du jour au lendemain, non, Timothy avait dû avancer à pas lents, complètement déboussolé par la perte de son amie, par la seule femme dont il avait été amoureux. Il ne l'était plus aujourd'hui, c'était une certitude qu'il avait eu quelques années auparavant maintenant parce qu'il n'avait jamais pu lui dire, que trop de variables entraient en jeu au sein de leur relation, qu'il s'était également lié d'amitié avec Caleb après son départ... S'il retournait vers ce genre d'émotions, Tim sombrerait, c'était quelque chose dont il était certain et il ne pouvait pas le souhaiter. Non, tout ce qu'il désirait à l'heure actuelle, c'était reconstruire son amitié avec Alex, repartir de zéro, tenter d'effacer ce départ qui les avait tous blessés et continuer comme si rien ne leur était jamais arrivé. Certes, il était utopiste et c'était une évidence qu'ils avaient tous changé en huit ans, mais il ne pouvait pas arrêter d'y croire, c'était tout simplement dans sa nature. Pas dans celle d'Alex, néanmoins. Elle avait bien trop souffert loin de Brisbane pour s'en remettre en un claquement de doigts, Timothy pouvait le lire dans ses yeux si tristes. Il ne savait pas quoi faire pour la consoler maintenant qu'elle connaissait la vérité sur ses sentiments. Que pensait-elle de lui? Allait-elle en rire ou bien en pleurer? Toutes ses questions perturbaient son système endocrinien mais Tim considérait que ce n'était pas le plus important. Non, ce qui le choquait bien plus, c'était la réaction de la jeune Clarke, se sentant fautive et cherchant par tous les moyens à le faire fuir. Tim n'était pas de ceux qui fuguaient, il affrontait et puis, qui serait-il s'il abandonnait une de ses plus fidèles amies au moment où elle avait le plus besoin de lui? Il n'avait déjà pas pu l'aider à l'époque parce qu'elle ne lui avait rien dit, ce n'était pas le moment de réitérer l'expérience en inversant les rôles. Non, Decastel voulait la retenir à tout prix, écoutant ses plaintes et sa requête si spéciale... Qu'il la méprise pour tout ce qu'elle avait fait, comme si Tim était capable de détester qui que ce fut, encore plus une personne qu'il avait tant aimé jusque là. Alex espérait quelque chose de complètement fou si elle pensait Timothy capable de lui tourner le dos, là, maintenant, au beau milieu de son cimetière. Il resta patient, écoutant la moindre parole, sentant son trouble grandir encore et encore, la jeune femme proche de l'implosion. Il ne bougea pas pourtant, il ne jugea pas plus. Il savait tout ce que les hommes étaient en mesure de faire lorsqu'ils souffraient et Alex n'était pas meilleure qu'un autre, cela, il ne pouvait qu'en avoir conscience. Il ne l'aimerait pas moins. Non, jamais. "Tu gâches rien. Et tu luttes pas pour rien, non plus. Tu fais de ton mieux et ce qui me choque le plus, moi, c'est que tu souffres, toi... Les autres, je m'en fous." Oui, c'était cela qui le peinait le plus, qu'Alex puisse avoir mal à ce point et personne à qui parler. Lui était là désormais, même si elle cherchait par dessus tout à le faire partir. Un échec certain avec Decastel. "Dis pas n'importe quoi. Tu m'as pas abandonné comme mon père, t'es partie pour te sauver de toi-même. Tu m'as pas aimé comme je l'aurais voulu, oui, peut être mais tu m'as aimé d'une autre façon. En tout cas, tu m'as pas violenté comme ma mère, t'es pas cette personne Alex. Jamais je pourrai te détester, c'est trop ce que tu me demandes et c'est surtout absurde." Il n'était pas capable de répondre à cela, de lui dire qu'elle avait raison et qu'elle ferait mieux de disparaître de son univers. Tim avait tellement attendu son retour, tellement rêvé de la revoir et lui dire qu'il lui pardonnait pour tout puisqu'elle n'était pas capable de le faire pour elle-même. "Tu mérites juste d'être heureuse." Il ne lui dirait rien d'autre. Jamais. "Je persiste, la seule personne que tu blesses, Alex, c'est toi. Nous, on tombera que si tu tombes, toi. C'est ça le deal quand on aime quelqu'un." Il ne la laisserait pas tomber, voilà ce qu'il était en train de lui dire, même s'il avait bien entendu son récit concernant la drogue. Timothy savait que c'était un échappatoire comme un autre et même s'il n'avait jamais testé d'entrer dans ce monde, il se doutait que s'y retrouver pouvait être mortel sans personne en soutien. Timothy pouvait être cette main tendue vers la lumière, Alex avait juste à la saisir. Puis, tout oublier. "Commence par respirer. Puis, si t'as besoin de relâcher les vannes, vas y, je suis là pour t'écouter, pour te laisser pleurer, te prendre dans mes bras si c'est ce dont tu as besoin... C'est normal d'avoir peur, j'ai peur moi aussi parce que la vie est difficile, que rien n'est jamais acquis et que les gens persistent à se blesser et je suis pas plus fort que toi, c'est faux de croire ça. J'ai trente deux ans et je suis toujours le même qu'il y a dix ans, je stagne, Alex, je suis toujours le petit Timy qui souffre comme un môme alors te compare pas à moi. A d'autres, mais pas à moi. Dis toi qu'on est de nouveau ensemble maintenant et que peut être, o pourra avancer maintenant. A notre rythme, certes, mais le bonheur est jamais loin, crois le." Il s'approcha d'elle, timidement parce qu'il ne désirait pas la brusquer, ses deux mains se posant sur ses épaules, les caressant doucement, attendant qu'elle réagisse à tout son discours. Tim n'avait pas plus de réponses qu'elle mais il espérait être suffisamment éloquent pour lui redonner le sourire. Si ce n'était pas aujourd'hui, au moins dans les semaines à venir parce que la voir souffrir ainsi lui brisait le coeur également. Comme huit années auparavant. Comme toujours avec Alex.

"Tu gâches rien. Et tu luttes pas pour rien, non plus. Tu fais de ton mieux et ce qui me choque le plus, moi, c'est que tu souffres, toi... Les autres, je m'en fous."  Oh que oui elle souffrait, mais cette souffrance c'était aussi ce qui la maintenait un peu en vie. Qui lui rappelait ses erreurs et ce qu'elle avait perdu. S'autoriser à aller mieux, serait comme tirer un trait sur son passé et elle n'était pas prête à le faire. Pas prête à renoncer à eux, à tourner la page de cette vie qu'elle avait vécu à Brisbane. Et pourtant, tourner la page, accepter qu'elle avait fait un choix, ce choix et qu'elle avait perdu depuis longtemps ce qui faisait d'elle, une personne heureuse et bien à Brisbane. Elle avait perdu ses amis, elle avait perdu Tim, elle avait perdu Caleb. Elle seule était responsable de cette déchéance. Elle seule avait tout gâché. Alors, elle souffrait oui, mais c'était ses choix qui la faisait souffrir, et elle n'avait personne à blâmer, personne sur qui jeter sa colère, sa douleur. C'était elle l'unique coupable, elle seule la responsable de la vie qu'elle menait désormais. Et elle devait porter toute seule, le poids de ses choix. Et, ça devenait bien trop dur pour elle seule. Elle avait beau lutter contre sa nature, contre ce que son corps réclamait, contre ce que son esprit lui murmurait, elle n'y arrivait pas. Elle finissait toujours par retomber dans un comportement nocif pour elle, et à faire des choix douteux, pour elle et pour les autres. Elle aurait du, depuis longtemps accepter de laisser derrière elle ses démons, de laisser derrière elle sa vie à Brisbane. Elle aurait du, depuis longtemps, tourner cette page, mais elle en était incapable. Incapable de renoncer à eux, de renoncer à ces souvenirs de sa vie à Brisbane. Incapable d'abandonner l'idée de cette vie Australienne et de ces rares moments ou elle avait eu la sensation de vivre pleinement sa vie. Elle était consciente que revenir ici allait être difficile et qu'elle allait s'infliger des moments de douleurs, mais elle ne pensait pas que ce serait aussi douloureux et qu'elle craquerait aussi vite. Elle continuait de provoquer verbalement Timothy, son ami, déchargeant sa haine d'elle même sur lui, déchargeant toutes ses émotions négatives sur lui parce qu'il était là, parce qu'il était le seul qui semblait capable d'entendre tout ce qu'elle avait à dire. Elle allait loin, trop loin. Mais,  lui restait fidèle aux souvenirs qu'Alex avait de lui. Il restait là, calme et il lui avouait qu'elle n'arriverait pas à obtenir sa haine, que jamais il ne pourrait la détester. Ça faisait au moins une personne sur cette terre qui ne la détesterait jamais.  "Tu mérites juste d'être heureuse. Je persiste, la seule personne que tu blesses, Alex, c'est toi. Nous, on tombera que si tu tombes, toi. C'est ça le deal quand on aime quelqu'un." Mais justement, elle était en train de tomber encore. Elle avait déjà connu cette descente, elle savait jusqu’où elle pouvait aller et elle savait tout le mal qu'elle pouvait faire. Elle savait qu'elle pouvait tomber bas et elle ne voulait pas entraîner Tim ou quiconque avec elle dans sa part d'ombre. Il ne méritait pas ça, ni lui, ni un autre. « Commence par respirer. Puis, si t'as besoin de relâcher les vannes, vas y, je suis là pour t'écouter, pour te laisser pleurer, te prendre dans mes bras si c'est ce dont tu as besoin... » Tim savait toujours la comprendre, il savait toujours ce dont elle avait besoin. Et il était tout ce dont elle avait besoin, là maintenant. Des bras auxquels se raccrocher avant de sombrer. Une épaule sur laquelle pleurer. Elle avait besoin de se sentir vivante, elle ne devait pas penser à la drogue, à l'alcool. Elle devait arrêter ses conneries, mais plus rien ne lui permettait de se sentir vivante et libre. Elle avait besoin qu'on lui rappelle que la vie valait le coup d'être vécu, que le bonheur existait et qu'elle y avait le droit elle aussi. Et c'était exactement ce que Timothy était en train de faire. A genoux, Alex regardait le sol du cimetière. Elle avait entendu les paroles de son ami, elle avait senti toute l'affection qu'il avait à son égards. Et ça lui faisait autant de bien que de mal. Elle ne pensait plus mériter autant de soutien, elle ne pensait plus en valoir la peine. Et Timothy, lui prouvait qu'elle pouvait encore compter aux yeux des autres. Qu'elle pouvait encore compter sur lui. Mais, tout cette affection venait comme un rappel du passé, un rappel douloureux de ce qu'elle avait gâché et surtout de ce qu'elle pouvait encore gâcher. Timothy, son ami, son coup de foudre amical, son alter-égo, il était là encore devant elle, malgré toutes les méchancetés qu'elle venait de lui dire après huit ans de silence, d'absence. Huit ans à l'avoir laissé seul surmonter cette vie de merde. Huit ans de silence, et quand elle revenait dans sa vie, c'était pour lui balancer des trucs horribles. Elle avait tellement besoin de lui, elle avait tellement besoin de quelqu'un qui pourrait l'écouter sans la juger. De quelqu'un qui pourrait être là pour elle, sans honte, sans reproches. Elle avait senti les mains de Tim se poser sur ses épaules doucement. Avec toute la délicatesse qui caractérisait son ami, il avait caressé ses épaules apportant une chaleur dont avait clairement besoin Alex. « On est de nouveau ensemble ? Comme avant ?» répéta-t-elle en relevant doucement la tête. Un air presque enfantin sur le visage, le regard perdu. Il aurait pu facilement l'achever s'il en avait eu l'envie tant l'Anglaise dégageait une fragilité extrême. Elle fixait désormais Timothy, posant l'une de ses mains sur la main de son ami. « Tu penses vraiment qu'on peut être heureux ? Tu es heureux toi ? » Une question idiote, sans aucun doute. Mais c'était lui qui avait dit que le bonheur n'était jamais loin, lui qui lui avait dit qu'elle méritait d'être heureuse. « J'ai besoin de vous, de toi dans ma vie Timy. Je ne sais pas comment vivre loin d'ici, j'ai essayé mais je n'y arrive pas. J'ai besoin de toi dans ma vie. » Elle s'était relevée et elle avait passé ses bras autour du cou du Français, s’agrippant à lui avec force. Elle avait oublié les révélations qu'il lui avait faite quelques minutes plus tôt, elle avait oublié que huit ans plus tôt, le jeune homme avait été amoureux d'elle en secret, elle avait oublié tout ça. « Je suis désolé Tim, je n'aurais jamais du partir. Je pensais que partir m'aiderait à ne pas sombrer, m'aiderait à oublier mes erreurs, mais j'ai rien oublié, j'ai rien géré. Je me suis perdue et je vous ais perdu. Je suis tellement désolé pour ce silence, pour tout. Pardonnes moi. » Elle avait besoin de lui, elle avait besoin de son ami et de cette relation si forte qu'il y avait entre eux à l'époque. « C'est toi et moi contre le monde entier, comme avant ? » Elle avait beau avoir grandi, n'être plus la jeune fille de dix-neuf ans, dans les bras de Tim, elle semblait se laisser aller. Devant la tombe de Rachel, elle venait de voir une éclaircie, une lumière sur ce chemin compliquée de la rédemption. Et cette lumière était incarnée par son ami, son confident, Timothy Decastel. Elle venait dire adieu à Rachel, elle venait dire adieu à une amitié qui avait compté énormément dans sa vie, et elle finissait par retrouver son compère de l'époque. Son soutien, son acolyte, une lueur d'espoir. Il était là avec elle, et il lui prouvait qu'elle pouvait peut être arranger les choses, pas toutes mais une partie. Mais c'était tout ce dont elle avait besoin, là tout de suite. Et c'était résumé en une personne : Timothy.

Il n'y avait pas beaucoup de personnes qui comptaient autant qu'Alex dans sa vie. La jeune femme avait toujours eu une place prépondérante dans son coeur et son esprit, elle était même devenue une part de lui avec le temps. Ils en avaient vécu des moments ensemble huit ans auparavant, des soirées où Tim l'avait regardée s'exprimer et vivre son existence à cent pour cent. Lui était toujours resté plus discret, toujours dans un coin mais jamais sans un sourire ancré à ses lèvres parce qu'il adorait plus que tout la voir heureuse et épanouie. Elle le méritait tant, même si elle ne s'en rendait probablement pas compte, surtout pas en ce moment. Decastel, lui, n'avait pas tellement changé au cours de toutes ces années. Il se retrouvait toujours dans ce rôle de fin protecteur, celui qui donnerait sa chemise et même sa vie toute entière pour rendre heureux les personnes qu'il aimait. Il finirait probablement par le payer car, on le savait bien, les personnes trop sensibles comme lui se faisaient toujours marcher dessus par ceux qui avaient besoin de gagner, d'être au top niveau. Tim n'était pas un de ces ambitieux, il n'avait pas besoin de beaucoup pour vivre. C'était certainement dû au mode de vie contraint qu'il avait eu durant son enfance, avec sa mère qui lui refusait les plaisirs que pouvaient avoir un garçon de son âge, pas un jeu masculin, pas un seul vêtement qui lui convenait... Rien que le noir absolu d'une chambre trop rose à son goût. Qu'il avait haï tous ces instants, ces moindres secondes passées à souffrir en silence mais c'était aussi ce qui l'avait forgé, maladroitement certes mais Timothy n'était pas devenu un mauvais bougre. Il avait juste du mal à extérioriser, trop réservé, trop apeuré des autres pour oser les approcher de trop près. Avec Alex, toutes ces appréhensions s'étaient envolées pour la première fois parce qu'elle était vive et dynamique, qu'elle respirait la folie et qu'il aimait cela, se perdre dans son rire et ses mouvements erratiques. Elle ne se montrait plus ainsi quelques années plus tard, profondément malheureuse et ce constat brisait le coeur de Tim en mille morceaux. Elle avait été sa meilleure amie avant tout, malgré les sentiments, malgré les indécisions et les non-dits, cela n'avait pas grandement changé. L'absence avait été là, oui, mais Timothy ne pouvait pas être rancunier avec une femme qui lui avait tant donné jusqu'ici. Elle ne s'en rendait pas compte à nouveau mais Alex était restée naturelle en sa compagnie, sans juger ce qu'il pouvait vivre et il avait toujours été reconnaissante envers elle pour cela. Alors, ces mots lui faisaient mal. Comment pouvait-elle imaginer qu'il puisse lui en vouloir, voire même la mépriser? Elle n'avait rien fait qui puisse la justifier, si on excluait le fait qu'elle s'était fait du mal, à elle-même. Tim restait donc Tim, à la rassurer, lui dire qu'il ne partirait pas, qu'il resterait bien ancrée sur ses pieds, prêt à recevoir sa peine et la transformer en joie, l'absorber au fond de lui quitte à se blesser. Il avait toujours été ainsi et Alex, plus que quiconque le savait pertinemment. Profondément gentil derrière ses yeux bleutés si dorés, Decastel ne savait pas se mettre en avant, encore moins le désirer. Au fond, la terrible vérité se lisait sur ses traits: il se méprisait plus que d'autres pourraient le faire pour lui. Il ne savait pas qui il était, il ne le saurait peut être jamais et cette haine qu'il avait envers ses propres souvenirs lui donnaient la nausée à intervalles réguliers. Néanmoins, à ce moment précis, ce n'était pas à propos de lui, il s'agissait du bien être d'Alex Clarke, celle qui passait ses bras derrière son cou pour s'accrocher à cet être peut être plus fragile qu'elle dans le fond. "Comme avant, oui. Pourquoi ça aurait changé?" Parce que le monde était cruel peut être, ou simplement parce que les événements étaient plus souvent contre eux qu'avec eux mais Timothy, l'éternel optimiste, avait envie d'y croire.Pour le bien être d'Alex. "Evidemment. Tout le monde mérite d'être heureux. Je sais pas quand ça viendra mais ça viendra, crois moi... Oh, tu sais, moi je me contente de peu donc oui, je crois." Mentir n'était peut être pas la meilleure idée qu'il avait eu mais il le pensait à cet instant. Oui,il était heureux seul dans son cimetière à ne plus rien attendre de la vie parce que c'était mieux que la douleur qu'on lui avait infligé. Voilà sa notion de bonheur après son enfance dévastatrice. "Et je suis là, pour toi. Toujours, tu le sais. Je t'ai pardonné très vite, tu sais, j'ai jamais été très bon pour t'en vouloir de toute façon. J'ai peut être pas compris pourquoi t'étais partie mais j'ai estimé que t'en avais besoin alors, à partir de là, j'ai accepté. Tu m'as manqué, c'est sûr, mais comme tu le dis, c'est nous deux contre le monde, n'est-ce pas? Il nous arrivera plus rien si on est ensemble." Il l'espérait sincèrement alors qu'il venait enlacer Alex délicatement. Elle était là, en chair et en os, il ne rêvait pas et c'était peut être la meilleure nouvelle qu'il avait eu en huit ans. "Je suis désolé moi aussi... De t'avoir perturbé avec ce truc du passé là... Je voulais pas que tu t'en veuilles. En tout cas, j'aurais aimé être avec toi durant ces huit ans. Pour te protéger, pour pas que t'aies aussi mal. Te voir comme ça, ça me fait tellement mal, si tu savais." Et il était si sincère, déglutissant en sentant son mal-être intérieur. Timothy était certainement en train d'essayer d'aspirer les malheurs d'Alex à ce moment là, quitte à se condamner. Tout valait mieux que le désespoir de mademoiselle Clarke, absolument tout.