Elle s’agrippait à lui, comme à une bouée de sauvetage qu'on venait de lui lancer au milieu d'un océan déchaîné. C'était son espoir, inespéré, inattendu. Elle avait tenté de le repousser, dans l'optique de se blesser elle bien plus que lui, mais il était resté. Malgré les horribles choses qu'elle avait pu lui dire, allant jusqu'à ramener les éléments les plus traumatisants de la vie de son ami. Il était resté, et il s'était même montré rassurant et compréhensif. Et désormais elle était dans ses bras et elle semblait si fragile, la tête posé dans le creux de l'épaule musclée de Timothy. Ils étaient deux êtres qui se retrouvaient, deux amis qui s'étaient trouvés, par hasard il y a plusieurs années. Une amitié presque improbable. Mais qui avait prit racine et qui s'était construite sur les bases instables d'une jeunesse qui avaient fragilisés la construction de ces deux jeunes. A l'époque, pour des inconnus, leur relation pouvait être incompréhensible. Pour certains proches aussi. Ils n'avaient presque rien en commun. Elle, la fille à la recherche d'expérience, avide de découverte pour se tester, pour repousser des limites qu'elle n'avait jamais pu explorer avant. La fille à la folie bien trop bridée pendant des années qui avait besoin de s'exprimer, de se découvrir. La fille au caractère bien trempée, chieuse avec ses proches pour se sentir exister. Et, lui, le jeune homme timide, silencieux, réservé à l'extrême, jamais un mot plus haut que l'autre, qui regardait le monde avec des yeux innocents malgré la vie qu'il avait vécu. Ils étaient pas fait pour s'entendre, pas fait pour se comprendre et pourtant. Il avait été l'une des rares personnes à entrer totalement dans l'univers de l'Anglaise. L'un des seules avec lequel, elle s'était autorisée à être elle même, de ses plus grandes fragilités, à ses plus grandes folies. Il avait été témoin de la complexité de la jeune femme et il avait été l'un de ses piliers, avant qu'elle ne rencontre Caleb. D'ailleurs sans lui, elle n'aurait sûrement jamais pu être capable d'aimer quelqu'un, de s'ouvrir à quelqu'un. C'était sa boussole à une époque ou elle vivait dans le brouillard, au plus haut de ses excès. Timothy avait été là, et jamais il ne l'avait jugé. Ils n'étaient pas pareils, ils ne géraient les choses de la même manière, mais finalement, ils avaient les même craintes et c'était leur insécurité, leur manque de confiance et leur besoin d'affection respectif qui les avaient définitivement lié. Et de leurs failles individuelles évidentes, ils avaient réussi à créer un ciment solide entre eux. Parce qu'au fond, ils pansaient leurs plaies à leur manière, mais ensemble et ça fonctionnait. Et ils avaient grandi en peu de temps, se raccrochant à l'autre quand les choses devenaient trop lourdes à porter. Et aujourd'hui, qu'elle ne pouvait plus porter seule le poids de ses erreurs, la culpabilité d'un secret, il était là encore. Il la portait littéralement, l'empêchant de s'écrouler et il la rassurait. Ses paroles couplés à son comportement protecteur, avaient un effet apaisant pour l'Anglaise et elle accueillait ses mots avec soulagement. "Comme avant, oui. Pourquoi ça aurait changé?" Parce que tout avait changé. Toute la vie d'Alex avait changé, à commencer par elle même. Mais elle avait tellement besoin d'entendre ces mots de Tim qu'elle n'avait rien ajouté. Elle se laissait peu à peu aller dans les bras du Français, elle sentait la force qui se dégageait de lui, juste de sa présence, et elle profitait de ce soutien physique et morale pour lâcher prise. La confiance en Tim lui permettait de laisser tomber peu à peu sa protection. Il était là et comme avant, il savait comment réconforter l'Anglaise. "Et je suis là, pour toi. Toujours, tu le sais. Je t'ai pardonné très vite, tu sais, j'ai jamais été très bon pour t'en vouloir de toute façon. J'ai peut être pas compris pourquoi t'étais partie mais j'ai estimé que t'en avais besoin alors, à partir de là, j'ai accepté. Tu m'as manqué, c'est sûr, mais comme tu le dis, c'est nous deux contre le monde, n'est-ce pas? Il nous arrivera plus rien si on est ensemble."   Le pardon, l'acceptation, il venait de lui dire exactement ce dont elle avait besoin et pourtant, il ne savait pas ce qu'elle avait fait, mais il lui avait déjà tout pardonné. Et, elle n'avait besoin que de ça pour le moment. Que quelqu'un soit en mesure de lui pardonner ses mauvais choix, et surtout de savoir qu'elle n'avait plus à être seule. Et elle sentait les bras du Français venir se refermer sur elle, fermant les yeux, elle respirait enfin.  "Et je suis là, pour toi. Toujours, tu le sais. Je t'ai pardonné très vite, tu sais, j'ai jamais été très bon pour t'en vouloir de toute façon. J'ai peut être pas compris pourquoi t'étais partie mais j'ai estimé que t'en avais besoin alors, à partir de là, j'ai accepté. Tu m'as manqué, c'est sûr, mais comme tu le dis, c'est nous deux contre le monde, n'est-ce pas? Il nous arrivera plus rien si on est ensemble." C'était peut être fou, mais ces quelques mots avaient fait exploser les dernières retenues d'Alex, qui pleurait désormais au point de mouiller le tee-shirt de Tim. Elle sanglotait, touchée par la sincérité et l'inquiétude de son ami. Personne, durant huit ans, n'avait semblé se préoccuper d'elle avec autant de sincérité et d’intérêt que ne le faisait Tim à ce moment. Il ne savait rien de ce qu'Alex avait pu faire durant ces huit années, et pourtant il restait fidèle à lui même, fidèle à leur amitié. « Je suis désolé vraiment, désolé d'être partie, désolé de t'avoir laissé. Désolé de revenir comme ça et de déverser ma douleur sur toi. Et, désolé d'être toujours aussi conne. » Elle lâcha un petit rire nerveux, oui elle était conne. A l'époque, elle pouvait mettre ses erreurs sur l'excuse de la jeunesse, maintenant elle savait juste qu'elle n'était pas douée pour faire les bons choix, et elle était arrivée à la conclusion, qu'elle était juste conne. "Je suis désolé moi aussi... De t'avoir perturbé avec ce truc du passé là... Je voulais pas que tu t'en veuilles. En tout cas, j'aurais aimé être avec toi durant ces huit ans. Pour te protéger, pour pas que t'aies aussi mal. Te voir comme ça, ça me fait tellement mal, si tu savais."  Il revenait sur le passé, sur les révélations qu'il lui avait faites et elle le regardait avec sérieux comprenant que même si elle avait besoin de lui, elle ne voulait plus laisser des non-dits entre eux. Elle ne voulait plus jamais être la raison de la tristesse de Tim, plus jamais. « Je sais que tu veux alléger la souffrance de tout le monde, mais je ne veux pas t'accabler avec mes erreurs. Et surtout, je ne veux plus jamais que tu souffres dans ton coin. Tim, je suis sérieuse. Je sais que je t'ai dis que je voulais que tout soit comme avant, mais enfaîte c'est faux. Promets moi de ne pas t'oublier. De ne plus rester en retrait, de ne plus vouloir me protéger à tes dépends. » Elle essayait de lui sourire un peu, mais ses yeux rougis et les larmes sur ses joues, n'aidaient à donner de la crédibilité à son sourire. « Tim, je veux que tu me promettes de vivre ta vie et d'arrêter de rester à regarder le monde vivre sans toi. Tu m'as dis qu'on pouvait être heureux, alors prouve le moi. Sois heureux, tu le mérites plus que n'importe qui. » Elle repensait aux mots de Tim, oui c'était eux contre le monde, mais ils avaient la trentaine, ils ne pouvaient pas vivre en marge du monde et pourtant, c'était si tentant. La dans les bras de Tim, au milieu du cimetière, vivre loin des misères du monde était réellement une idée tentante. Mais si, elle s'était blessée en se confrontant au monde réelle, elle avait été heureuse aussi, avant. Elle avait eu la chance d'être amoureuse et elle souhaitait que son ami puisse connaître le bonheur, le vrai. « Je veux que tu aies l'amour que tu mérites. Je veux que le monde connaisse le Timothy que je connais. Je veux que tu sois heureux, et je sais que je suis pas l'exemple parfait la maintenant, mais le monde peut révéler de belles choses et tu dois t'ouvrir au monde. » Ça lui faisait mal de dire cela, parce qu'à l'heure actuelle, elle était bien plus proche de tout plaquer et d'arrêter de lutter. Mais elle sentait que Tim était là pour elle et qu'il était encore prêt à prendre sur lui toute la douleur de l'Anglaise, qu'il était prêt à sacrifier son bien-être pour elle, juste pour alléger sa peine. Et elle ne pouvait pas devenir un boulet pour lui et même s'il ne lui avouerait jamais, elle ne voulait pas venir ajouter une zone d'ombre dans sa vie. Il avait été là pour elle à l'époque, il s'était mit en retrait pour elle, et il était temps à son tour de prendre soin de Timi. Elle n'avait pas la force actuellement pour être un vrai soutien, mais elle essayait quand même de lui faire comprendre qu'elle était là pour lui maintenant. A sa manière, elle voulait poser les nouvelles bases de leur amitié, de leur complicité.« Tim, je sais que ça fait peur et que tu as été déçu par le passé. Mais tu dois t'autoriser à vivre, pour toi. Tu ne dois pas la laisser gagner, Tim. Si tu continues à passer à coté de ta vie, tu vas regretter un jour. Et les regrets vont finir par avoir raison de toi. Tu es quelqu'un de bien Tim, et tu ne mérites pas de vivre ta vie à moitié. » A sa manière, elle lui signifiait que désormais elle serait là avec lui pour surmonter les épreuves, mais qu'elle ne voulait pas qu'il s'oublie, plus jamais. Elle avait bien trop d'estime pour lui, pour le laisser une nouvelle fois, faire passer les besoins des autres avant les siens. Il était trop altruiste, aussi généreux avec les autres que dur avec lui même. « On va aller de l'avant, s'en sortir, et être heureux. » C'était un sacré pari, auquel elle ne croyait même pas pour elle. Mais ça ne coûtait rien de le dire à voix haute, un moyen de tenter de se convaincre elle et lui ? Un moyen de tourner la page, de redéfinir les lignes de leur amitié et de se tourner vers l'avenir avec un objectif commun : panser ses plais et s'ouvrir au monde, au bonheur. Maintenant qu'ils étaient ensemble, elle savait qu'il y aurait quelqu'un pour la rattraper si elle venait à s'effondrer et elle comptait être là pour Tim dans le cas inverse, le jour ou il oserait se confronter au reste de monde.

Il n'y en aurait jamais deux comme Alex, deux qui compteraient autant que le lien qu'il avait toujours partagé avec elle. Certes, elle l'avait quitté durant huit longues années mais Timothy avait vite effacé l'absence pour se concentrer sur tous les moments qu'ils avaient vécu ensemble. Il repensait à ces dizaine de soirées qu'ils avaient passé à parler de tout, mais surtout de rien, à rire aux éclats des aventures de la jeune Clarke. A cette époque, Tim aurait tout fait pour vivre une seconde de plus à ses côtés, pour obtenir son attention et lui offrir tout l'amour dont il était capable. Elle avait fini par partir, même elle et même si son coeur s'en était retrouvé brisé en conséquence, il avait continué sa route parce que la vie était précieuse malgré tout. La souffrance était un processus qui en faisait partie, même si Timothy aurait vaillamment préféré qu'il en fut autrement. Du moins pour Alex. La voir ainsi le cassait en des milliards de morceaux parce qu'elle était si belle lorsqu'elle étalait un sourire sur ses traits si fins. Elle était plus que cela, elle ruisselait la vie, elle respirait tout ce que Timothy avait toujours adoré en ce beau monde. Certes, les choses avaient changé parce qu'ils avaient chacun vécu des événements tragiques de leur côté mais le fond de leur relation n'avait pas été modifié tant que cela, au final. Tim restait cette épaule sur laquelle déverser des pleurs douloureux et il resserrait instinctivement son étreinte autour de la jeune femme. Si seulement il l'avait mieux protégé, si seulement il avait vu le coup venir. Il ne savait pas ce qu'il aurait pu faire de plus et peut être que son impuissance l'aurait tué plus encore que le fait de ne pas avoir su... Après tout, Tim ne pouvait pas réécrire le passé. Il pouvait simplement espérer qu'il ne fut pas encore trop vivace dans l'esprit d'Alex, pour qu'elle puisse retrouver le sourire incessamment sous peu. A vrai dire, il n'osait pas franchement l'interroger sur tout cela. L'heure n'était certainement pas venue alors, il se contentait de la tenir aussi étroitement possible contre lui, dans l'espoir de calmer ses sanglots. Quelque part au milieu de sa peine, elle réussit à lui sourire mais aussi à lui dire qu'elle attendait quelque chose de lui, qu'il choisisse le bonheur lui aussi. Enfin. Il n'était pas certain de pouvoir lui offrir ce cadeau car ce n'était pas lui qui choisissait mais plutôt le destin mais il tenta de hocher la tête, ses yeux brillants de larmes lui aussi. Personne ne lui avait jamais demandé cela, personne n'avait suffisamment attention à lui pour s'inquiéter de ses choix de vie. Alex était différente néanmoins, elle le connaissait mieux que la plupart des qu'il avait côtoyés jusqu'ici et cela, huit ans d'absence ne l'avait pas changé non plus. Elle était encore celle qui faisait attention à ses sourires discrets, à ses mots cachés parce que Tim était encore ce garçon discret qui ne savait pas utiliser les mots comme tant d'autres hommes de son âge. Il n'osait pas, avait tout simplement peur des conséquences mais il ferait tous les efforts du monde pour s'améliorer en la matière, c'était ce qu'Alex désirait après tout, qu'il prenne plus soin de lui, même s'il était peut être trop tard pou cela. "Je ferai mon possible, promis et si t'es là, ce sera plus facile pour moi, c'est certain. Tim sans Alex, c'est pas pareil." Non, l'un sans l'autre, ce n'était pas la même chose, c'était une évidence et le jeune Decastel osa essuyer les restes de larmes qui roulaient le long des joues de Clarke d'un geste délicat. Que tout s'efface, que le bonheur les retrouve à nouveau, voilà ce pour quoi il priait en cet instant. Il ne lâcha pas Alex de ses bras durant de longues minutes alors que la vie continuait d'avancer autour de leurs deux âmes en peine. La suite du chemin, Timothy ne le connaissait pas encore mais il savait que la présence d'Alex l'aiderait à surmonter tout et n'importe quoi. Avec elle, il se sentait comme le roi du monde, le roi d'un univers éternel.