Nous pouvons apprendre tellement des chiens car eux sont dans le présent. Ils n'ont pas l'esprit dans le passé, ne ressassent pas le passé et n'appréhende pas le futur. Ils n'ont pas cette notion du temps comme nous les humains, n'ont pas ces problèmes relationnels ou de savoir ce qu'ils veulent faire de leur vie, non. Ils sont juste là, heureux de pouvoir courir et d'être en bonne compagnie avec les personnes qu'ils aiment et ignorent simplement ceux qu'ils n'aiment pas. Moana, elle, fait parti de ces êtres vivant qui ne m'ont jamais déçus. Peu importe ce qui se passait dans ma vie, elle a toujours été là, près de moi, m'apportant du soutient et du réconfort, quand j'en avais besoin. Toujours joyeuse, toujours pleine d'entrain, elle est sans doute ce que j'ai de plus précieux sans ma vie.

Sauf que parfois, elle m'emmerde. Comme aujourd'hui alors que ne m'écoute absolument pas. Elle ne fait que courir partout, est super compliqué à gérer, tire sur sa laisse et m'épuise, tout simplement. En temps normal je l'aurais laissé lâcher un peu d'énergie en l'emmenant dans le parc, mais aujourd'hui, pour une raison obscure les chiens sont obligés d'être tenus en laisse et ça ne plaît pas à Moana.

Profitant de ma seule seconde d’inattention, elle finit par tirer un peu trop fort et s'échappe, tout simplement.  « C'est pas vrai putain ...MOANA !» hurlais-je à travers le parc alors que je commence à courir après elle, continuer de crier son nom et vociférant plusieurs insultes.  « MOANA SALE CHIENNE ! » reprenais-je lorsque, hors d'haleine, je déboule sur la pelouse où l'animal est entrain de jouer avec une jeune fille  «Je vais te tuer ... » grognais-je entre mes dents alors que je m'avance vers le petit duo  « Moana arrête tes conneries, tout de suite ! Et revient là ! Allez, dépêche toi ! Au pied» en croisant le regard de l'animal, je lui fais les gros yeux  « Moana ...» mon ton est bien plus menaçant  « Tu viens là, maintenant » je désigne mon pied, tout en faisant face à la chienne et à la jeune fille.

@heïana Brook

Le soleil brillait, les oiseaux chantaient, l'herbe des parcs était plus verte que jamais, Heïana s'était levée d'aussi bon poil que sa petite soeur... Et pourquoi ne pas en profiter pour s'accorder une petite promenade en ville? "Un pique-nique?" avait même proposé Moana avec gourmandise, ce qu'avait aussitôt approuvé son aînée. Ni une ni deux, une partie de la matinée avait été passée à préparer le repas: des wraps fourrés à plein de bonnes choses comme du fromage à tartiner, de la tomate, de la salade, des petits oignons frits, du concombre, de l'avocat, et même de l'ananas ; mais aussi des jus de légumes pressés maison, et des cookies aux grosses pépites de chocolat. De quoi se faire un bon déjeuner bien équilibré, bien rassasiant et gourmand; la belle vie! Ce fut donc d'un bon pas et de très bonne humeur que les deux Brook étaient parties arpenter Brisbane à la recherche d'un parc. Quoi de mieux que Logan City pour ça? Et bien sûr, quitte à avoir la journée devant elles, les tahitiennes étaient parties à pied, histoire de changer un peu du train-train quotidien. Ce fut donc au bout de trois bons quarts d'heure qu'elles posèrent leurs sacs à dos remplis de victuailles pour festoyer dans ce petit coin de verdure.

Moana et Heïana s'assirent avec plaisir, mais n'avaient pas encore tout à fait faim. Qu'importe, elles avaient de quoi discuter, et aussi de quoi jouer! Elles avaient prévu quelques jeux de cartes et des livres, bref, de quoi passer une journée entière dans ce petit écrin de verdure. "Tahiti me manque" avoua la plus jeune alors qu'elle remportait une manche de bataille contre sa maman-soeur. "Moi aussi" soupira Heïana. Même si toutes deux appréciaient largement leur train de vie à Brisbane, leur nouvelle liberté dans cette immense ville, les opportunités qui s'y créaient, les liens qui s'y établissaient, elles étaient toujours un peu mélancoliques envers leur île de coeur. Tahiti était vraiment le paradis sur terre. Finalement, la sage-femme se leva pour rejoindre les toilettes avant qu'elles ne décident à se mettre à déjeuner, laissant sa cadette avec leurs affaires.

Ce qui se passa ensuite, jamais Heïana n'aurait pu l'imaginer. Alors qu'elle revenait des W.C., un éclat de voix masculin assez vindicateur la surprit, et les paroles employées encore plus, faisant accélérer le pas à la jeune femme de vingt-cinq ans lorsqu'elle réalisa à qui elles étaient adressées. « Moana arrête tes conneries, tout de suite ! Et reviens là ! Allez, dépêche toi ! Au pied. Moana... Tu viens là, maintenant ». La Tahitienne n'en revenait pas: de quel droit cet homme, dans le dos duquel elle arrivait, osait ainsi parler à sa petite soeur? Le connaissait-elle, d'ailleurs? Vu le ton employé et le tutoiement, apparemment, pourtant il ne disait rien à Heïana, même de dos. Son instinct de maman-soeur-poule ressortant, elle arriva bien vite à hauteur de celui-ci et se mit à ses côtés, l'apostrophant sans méchanceté mais sa voix dénotant sa surprise et une attente certaine d'explications de la part de l'homme, qui semblait en plus avoir dans ses âges, maintenant qu'elle pouvait voir son visage:

"Je peux savoir ce qui vous prend de parler ainsi à ma soeur?"

Parfois j'ai des envies de meurtres envers cette chienne. Non pas que ces envies dures longtemps et son régulières, bien au contraire, mais parfois elles sont là. Je pourrais l'engueuler et la priver de sortie ou de jeu comme on punirait une gamine, mais je sais que je n'en ferais jamais rien. Elle a beau me pousser à bout aujourd'hui, dans quelques minutes, lorsqu'elle me rejoindra et me fera ce regard de chien battu qu'elle maîtrise si bien, j'aurais oublier toute ma haine. Toutefois, actuellement, face à Moana qui a décidé de ne pas m'écouter du tout, je ne peux m'empêcher et hausser la voix, l'engueulant proprement.

Mais c'est sans compter sur une voix féminine qui m'interrompt, me demandant, injustement, pourquoi je m'en prends ainsi à sa ...sœur ? Fronçant les sourcils, je pose un regard interrogateur sur la jeune femme, ne comprenant visiblement pas pourquoi elle me parle ainsi.  « Je ...hein ?» demandais-je, bêtement  « Ta sœur … ?» mon regard se pose sur l'autre jeune fille qui me regarde, un air effaré sur le visage  « Je parle à ma chienne» dis-je en désignant l'animal du doigt  «C'est elle Moana » reprenais-je alors que ma chienne s'avance vers moi.

 «Attend ... » mon regard passe de la jeune femme à la fille qui a joué avec l'animal jusqu'alors et vice versa avant de me stoppé sur la plus âgée  « Ta sœur s'appelle Moana ?» demandais-je avant de rigoler doucement  «Woah, je suis désolé, vraiment » reprenais-je, confus, en me passant une main dans les cheveux  « Vraiment » je me tourne vers l'adolescente et hausse discrètement les épaules avec une moue désolée  «J'imagine bien que ça doit être bizarre mais je ...enfin je ne me permettrait jamais de te parler comme ça » assurais-je, alors que je récupère la laisse de ma chienne.

@Heïana Brook

Les poings sur les hanches, Heïana attendit avec impatience de savoir par quel miracle du bon Dieu ce jeune homme se permettait d'apostropher ainsi sa petite soeur. Et cette explication ne tarda pas à arriver. Tout d'abord surpris de se faire interrompre dans sa tirade, l'inconnu passa par une myriade d'émotions. Questionnement, doute, puis compréhension et gêne, confusion. Le tout passa en mille tics d'expression corporelle: froncement de sourcils et position certaine, puis écarquillement des yeux et allers-retours de regards, moue... Le tout était assez drôle à vrai dire, et au fur et à mesure que sa propre pensée cheminait, et donc que les explications se développaient, Heïana comprit tout le comique de situation. Ses propres joues prirent une légère teinte rosée et elle en rit, avec une tête mi-figue mi-raisin sous le regard moqueur de Moana qui semblait trouver très drôle de voir les deux adultes dans un tel quiproquo. Elle répliqua, face aux dernières paroles de l'inconnu, un sourire mutin sur les lèvres: "Pas grave. A vrai dire je jouais tellement bien avec Moana bis que j'avais même pas fait attention à toi."

Heïana se rapprocha de sa sœur pour faire face à leur rencontre du jour, et elle proposa avec enthousiasme: "Veux-tu pique-niquer avec nous? On allait s'y mettre et je pense qu'on a prévu bien trop pour deux." Cette proposition pouvait surprendre à peu près n'importe qui, d'autant plus venant de la part d'une parfaite inconnue, mais les deux Brook fonctionnaient comme cela. Elles étaient sociables, de bon cœur; c'était là leur nature. De plus, la convivialité était un principe beaucoup plus répandu et mis en application dans les îles polynésiennes que dans n'importe quelle autre société. Ce n'est pas pour rien après tout, que l'explorateur Bougainville, après avoir passé quelques temps en ces lieux féeriques, en avait ressorti le "mythe du bon sauvage" largement repris et développé par Rousseau ensuite. La douceur de vivre et notamment par le fait de passer de bons moments en groupe étaient typiques de la Polynésie; le rythme n'était pas le même, le rapport à la nature différent, plus en osmose, et la relation à autrui bien plus libérée de tout carcan social. Oh bien sûr aujourd'hui, les îles étaient aussi modernisées que le reste du monde occidental qui les avait colonisées, entraînant une certaine déperdition de leur mode de vie d'antan; mais certaines habitudes restaient bien ancrées malgré tout.

Moana commença à sortir de leurs sacs à dos les victuailles pour les pique-nique, prenant garde auparavant à ce que le jeune homme tienne bien en laisse son homonyme. Heïana tendit une main joviale à celui-ci: "Je m'appelle Heïana. Pas besoin de te présenter ma cadette, du coup." Suite à quoi elle s'assit, regardant la petite chienne avec affection: "C'est quelle race?"

@Clément Winchester

Comme quoi, une mauvaise communication et sauter sur des conclusions hâtives, peut nous jouer de drôle de tour. Je ne peux que trop bien comprendre le point de vu de la jeune femme qui, pensant que je m'adresse à sa sœur, ne souhaite que protéger cette dernière d'une attaque d'un éventuel pervers narcissique alors que je ne fais qu'engueuler ma chienne. Mais il s'avère qu'elle porte le même prénom que la jeune fille, ce qui peut effectivement prêter à confusion.

Très rapidement, je m'excuse et explique la situation, ce qui fait doucement rire les deux filles. La plus jeune affirme que ce n'est pas grave car elle s'amusait bien avec l'animal, la plus grande me propose de les joindre pour un pique nique. Je l'observe quelques instants, essayant de savoir si elle ne me pose la question que par pure politesse car elle n'a rien d'autre à dire, mais je ne lit que de la sincérité dans son regard et fini par sourire en hochant la tête  «Ben écoute, c'est proposé si gentiment » dis-je en souriant avant d'attraper la main qu'elle me tend  «Clément » me présentais-je à mon tour avant de me tourner vers la jeune fille  « Et ouais, non, plus besoin de présentation» reprenais-je en rigolant doucement avant de baisser mon regard sur ma chienne  « Un stafford shire Bull terrier. Elle fait partie de la race des pitbull et ils sont considéré comme étant super dangereux» j'incline légèrement la tête sur le côté  «la seule chose qui risque avec elle c'est que t'as des chances de mourir d'un trop plein d'amour» haussais-je les épaules avant de m'installer sur le sol, Moana s'allongeant à mes côtés, bien plus tranquille.

 « Moana et Heïana...» reprenais-je doucement, réfléchissant  « Vous venez de Tahiti ou quelque chose comme ça ?» voulais-je savoir  « Je demande parce que je me suis inspiré des prénoms polynésiens pour choisir son nom à elle» j'hausse les épaules  «J'ai grandit en nouvelle Zélande et l'héritage maori y est très fort. Et comme c'est la même base que Tahiti ...  » je me tais les épaules et hausse les épaules d'un air entendu.

@Heïana Brook

"Race pitbull? Oh, alors tu as dû passer un permis pour avoir accès à ce genre de chien?" Demanda Moana humaine avec intérêt, alors que sa copine canidée se posait aux côtés de son maître. L'adolescente avait toujours été assez proche des animaux; son aînée aussi, même si elle ne voyait pas d'urgence à un adopter un pour l'instant. Cela viendrait peut-être un jour. "En tout cas, elle est vraiment mignonne." commenta Heïana avec un petit sourire conquis. Se mettant à genoux, elle sortit de son propre sac à dos ce qu'il restait pour préparer le repas. Sa cadette avait déjà disposé au sol une nappe bleue océan sur le sol et avait sorti le jus de légumes maison, une gourde d'eau, ainsi que l'ensemble des couverts; heureusement qu'elles prévoyaient toujours un peu de rab! Le tout avec des matériaux qui seraient lavés et réutilisés par la suite bien sûr. Pas de jetable chez les soeurs Brook! "Oui en effet! Nous sommes franco-australiennes. Nous avons grandi en partie à Brisbane et avons vécu les sept dernières années à Tahiti" répondit Heïana avec un sourire appréciateur.

La sage-femme sortit donc tout le reste: wraps végétariens, cookies aux pépites de chocolat et un petit plus auquel elle avait pensé à la dernière minute: le reste du chili con carne de la veille, avec du riz. Le tout à chaque fois rangé dans des bocaux ou enveloppés dans des Be'Wrap. Alors que son aînée déballait le tout, Moana présenta le menu à leur invité: "On a fait un jus de légumes aux poivrons, tomates, carottes, basilic et chèvre frais; il y a aussi des wraps avec plein de bonnes choses dedans, la composition dépend desquels, ce sera surprise pour toi du coup. Il y a aussi un reste de chili con carne avec du riz, et en dessert, des cookies!".

L'adolescente ne se fit pas prier plus longtemps et se servit un petit bol de chili-riz, attendant cependant que chacun se serve avant de commencer à manger. Heïana prit pour sa part un wrap à la salade, oignons frits, avocat et ananas, se servant également un verre de jus de légumes. Lorsque tout le monde eut dans les mains ce qu'il convoitait, un joyeux "Bon appétit!" commun résonna, et les convives se mirent à manger avec enthousiasme. Il ne fallut cependant pas bien longtemps avant que la plus âgée lève les yeux au ciel: "Moana, prends ton temps pour manger! Tu viens de salir ton débardeur blanc avec ton chili..." "Roooh ça va c'est bon! Je le nettoierai en rentrant voilà tout." "Que tu dis jeune fille, la sauce tomate ça tâche." Moana leva à son tour les yeux au ciel, dans une parfaite mimique caricaturale de sa grande soeur, puis secoua une main en arrière du style 'eh bien tant pis', continuant de manger avec appétit. "Tu vis à Brisbane depuis longtemps?" demanda Heïana à Clément, s'essuyant les lèvres après les avoir imbibées de jus de légumes.

@Clément Winchester

 « Ouais, exactement» dis-je lorsque Heïana me demande si j'ai du faire un permis pour posséder un pitbull  « enfin, lorsque l'inspecteur à vu Momo et qu'il s'est retrouvé avec de la bave plein le visage tant elle était heureuse de lui communiquer sa joie, il a pas hésité longtemps avant de nous accorder ce permis» expliquais-je, amusé avant de m'installer au sol, à côté de ma chienne qui s'allonge à mes côtés, très attentive à ce que les jeunes filles sont entrain de déballer.  « C'est comment Tahiti ?» demandais-je en relevant mon sur la jeune femme, avant d'observer sa sœur et arquer un sourcil sous la surprise.

Effectivement, Heïana n'a pas tort lorsqu'elle dit qu'elles prévoient toujours trop : wrap divers et variés, reste du chili con carne de la veille, jus de légumes et cookie.  « Eh ben dis donc … c'est vachement healthy tout ça» je rigole doucement  «Pour moi pique nique c'est bières et paquet de chips » haussais-je les épaules  « Mais ça me semble pas mal tout ça !» je me penche en avant et attrape un des wrap.

Tandis que je mord dedans et j'apprécie sincèrement le goût assez original, j'assiste à une dispute entre les deux filles et je ne peux m'empêcher de remarquer que Heïana semble agir comme étant une mère avec sa petite sœur. Pourquoi ? Y a-t-il des raisons ? Je suis rapidement sorti de mes pensées par une question de la plus âgé  « je...hm...» bafouillais-je en me passant une main sur la bouche  «4 ans... ouais, 4 ans. C'est pas beaucoup, mais assez pour me sentir Australien » rigolais-je doucement, haussant les épaules.  «En tout cas ces wrap sont vraiment bon ! » dis-je en prenant une autre bouchée, alors que Moana lâche un petit gémissement envieux, que je décide d'ignorer.

"C'est le paradis!" Déclara Heïana avec une petite mine rêveuse, alors que Moana approuvait d'un signe de tête et marqua son assentiment d'un: "C'est la moitié de chez nous quoi. On aime autant Tahiti que Brisbane, alors que les deux sont si différents!". La plus jeune but une gorgée de jus de légume alors que son aînée reprenait, l'air pensive: "Que dire de la Polynésie... C'est très tranquille lorsque l'on vit dans les bons coins. Certains sont plus agités, du fait du tourisme mais... Il n'y a qu'environ 280 000 habitants dans toutes les îles de Tahiti, alors comparé à Brisbane, ce n'est rien!". Moana ricana un peu, ajoutant: "On a été un peu déphasées à notre retour ici. En une immense ville, il y a dix fois la population que l'on trouve sur toutes nos îles!". Heïana s'assit plus confortablement, alors qu'elle venait de terminer de déballer leurs victuailles, et demanda à Clément: "Il y a quelque chose plus en particulier que tu voudrais savoir? Car on pourrait en parler des heures!". Alors que tout le monde mangeait avec appétit, leur nouvelle connaissance sembla un peu surpris du contenu du pique-nique, et le fit remarquer d'ailleurs. Ah oui, effectivement, ils ne semblaient pas avoir la même habitude alimentaire. Après avoir avalé la bouchée de wrap qu'elle dégustait, la plus âgée des deux Brook répondit: "On cuisine beaucoup par nous-mêmes, on trouve ça à la fois plus convivial et plus sain." "Et meilleur pour l'environnement, sur plein de points de vue!" Ajouta Moana d'un air habitué, comme si elle avait bien retenu sa leçon - ce qui n'empêchait en rien qu'elle y croie et qu'elle l'applique de bon coeur bien entendu - qu'elle aurait appris auprès de ses parents.

Tout le monde continua ainsi son repas, les discussions se développant agréablement. Qui aurait pu croire que d'un simple quiproquo, ils en viendraient à passer cet agréable moment ensemble? Probablement personne, et c'est ça qui se trouvait être chouette quand on fait un minimum l'effort de s'ouvrir aux autres. Une des valeurs que leur entourage polynésien leur avait inculqué, lors de leurs nombreuses vacances à Tahiti tout d'abord, puis lors de leur sept ans de vie là-bas. "Alors, que penses-tu de l'Australie?" demanda Moana avec intérêt; du fait de leur vie assez "nomade" et mouvementée entre l'Australie et Tahiti, les deux soeurs étaient des habituées des deux cultures, donc avoir un point de vue externe pouvait toujours être intéressant. Voyant son homonyme gémir de frustration devant leur repas, elle ajouta, sentant son coeur fondre devant sa bouille: "Est-ce-que je peux lui donner un petit peu de riz? Elle serait contente." tandis que la plus âgée regardait sa soeur avec amusement, connaissant son amour des animaux. Heïana, ayant terminé son wrap et son verre de jus de légumes, passa au dessert avec une gourmandise non-dissimulée, et ce fut un cookie qui atterrit bien vite dans sa main. Elle taquina Clément en déclarant: "Pas du tout healthy ça. Plein de beurre, de sucre et de chocolat!"

@Clément Winchester

D'après Heïana et Moana, tahiti c'est le paradis. J'avoue que ne m'y connaît pas vraiment en terme d'îles Française, mais si je devais me référer aux différentes photos que je vois régulièrement passer sur internet, je pense qu'effectivement, Tahiti serait l'endroit auquel je pense le 'paradis' était évoqué. Les deux jeunes femmes ont tôt fait de me vendre leur île comme étant un endroit calme et paisible, avec 10x moins d'habitant qu'à Brisbane sur l'ensemble de leurs îles.  « Ah ouais quand même ...» dis-je, pas mal impressionné par cette information  «C'est effectivement vraiment peu d'habitants comparé à Brisbane » confirmais-je leur paroles dans un rire amusé  «Mais c'est vrai que cette ville est plutôt grande.  » haussais-je les épaules  «Donc je peu totalement comprendre le côte 'surprenant' d'un déménagement ici » je souris doucement  « Même si Brisbane est une ville super agréable en vrai» concluais-je en mordant dans le wrap que j'ai choisi.

J'apprend par la suite que les deux sœurs ont l'habitude de beaucoup cuisiner elles-même, trouvant cela plus conviviale et plus sain ...et bien meilleur pour la nature. J'observe un peu la jeune Moana puis hoche la tête  « C'est bien vrai» lui donnais-je raison  «Malhreusement, cuisiner et faire tout sois-même demande beaucoup trop de temps et souvent les gens -moi inclus- choisissent la voie de la facilité en acheter des truc pré-préparés ce qui fait gagner un temps concidérable » c'est sans doute une excuse que les deux filles ont entendu un très grand nombre de fois, mais c'est la vérité.

Au final, alors que nous mangeons tranquillement, Moana l'animal nous fait comprendre son envie de se joindre à notre repas, ce qui semble fondre le cœur de son homonyme humain qui me demande si elle peut lui donner un peu de riz.  « On va peut-être éviter le riz. Je sais que ce n'est pas mauvais pour les chiens, mais elle a déjà un peu de problème de digestion donc lui donner du riz ne lui rendra pas service» expliquais-je alors j'arrache un bout de mon wrap et que je tend à l'animal. Elle a tôt fait d'engloutir le tout et se redresse pour en réclamer d'avantage. Je rigole doucement et secoue la tête  «Bon, vos wrap sont définitivement approuvé par tout le monde » souriais-je, alors que je retiens Moana d'aller en chopper un encore emballé.  « Non, faut demander gentiment et pas voler» la grondais-je  «ça se fait pas » Comme si elle avait comprit mes consignes, elle s'assoie en face de la plus jeune des sœurs et la regarde, patiemment  «Si ça vous dérange pas de perdre un wrap dans l'estomac d'un glouton, tu peux le lui donner » dis-je en caressant la tête de ma chienne dont la queue frétillante balaie le sol.

@Heïana Brook

Heïana hocha la tête aux dires de leur compagnon de repas, reprenant: "C'est sûr! On est pas strictes là-dessus à 100%. Il faudrait vraiment moins travailler si on voulait vraiment tout faire nous-mêmes". La jeune femme pensait notamment à certaines préparations culinaires demandant vraiment du temps: faire ses propres linguines, ou son pain et viennoiseries, son beurre de cacahuètes... Cela restait pour les Brook des denrées utilisées toutes les semaines, et mine de rien, prendre le temps de les faire en plus des repas eux-mêmes relevait quasiment de l'impossible dans un quotidien rythmé par le travail et les études. Alors elles essayaient de faire le moins de "casse" possible, se fournissant en priorité dans des magasins en vrac, pour au moins éviter les déchets inutiles. Mais comme 95% des personnes vivant dans des pays modernisés, elles avaient aussi quelques emballages plastiques dans leurs placards bien sûr, notamment en ce qui concernait les chocolats - la grande passion d'Heïana - et quelques petites choses par-ci, par-là. "Mais c'est vrai que l'on considère toutes les deux - et Moana hocha la tête en approbation à ce moment-là - que les Etats, comme les grandes entreprises, comme la population en général, devraient faire plus attention aux questions écologiques: additifs, conservateurs, pesticides, suremballages inutiles et qui ne sont même pas recyclés, finissant dans des décharges à ciel ouvert ou dans la mer... C'est triste, moche et surtout dangereux pour notre futur." "Il paraît même qu'il y a l'équivalent d'un continent de déchets dans l'Océan Pacifique! s'insurgea Moana avec colère, D'ailleurs on le voit bien à Tahiti: de plus en plus, le lagon est encombré de plastiques qui viennent s'échouer sur nos plages. Des récoltes sont régulièrement faites pour le garder en bonne santé et beau mais... Ce n'est pas résoudre le souci de base". Heïana croqua dans un cookie, pensive, et ajouta pour dédramatiser, avec un petit rire gêné: "Désolée si on s'emporte facilement, c'est un sujet sur lequel on est pas mal sensibilisées!"

Les deux jeunes filles regardèrent ensuite avec une pointe d'amusement Moana se faire gronder lorsqu'elle essaya de voler un wrap. C'est qu'elle comprenait super bien les intonations et ordres de son maître! "En voilà une qui est bien élevée" commenta Heïana en regardant avec attention les réactions de la chienne, qui jouait alors à "je-suis-le-chien-le-plus-malheureux-et-le-plus-affamé-au-monde-nourrissez-moi-svp". La plus jeune des deux soeurs déclara: "Ce sera un plaisir de nourrir une bouille comme la sienne!". Avec précaution, elle choisit un des wraps avec le moins de salade et le plus de viande de poulet, bref tout pour plaire à un chien et à son estomac. Le déballant, Moana-l'humaine le déchira en plusieurs parties afin que son homologue canidé ne s'étouffe pas avec, et lui donna tour à tour. Autant dire que cela ne prit pas bien longtemps, la chienne prenant à peine la peine de mordre dans les différents bouts de wraps qu'ils étaient déjà avalés! Heureusement que sa comparse humaine avait eu la présence d'esprit de ne pas tout lui donner d'un coup. Heïana soupira, le ventre plein comme il faut. Quelle sensation de plénitude lorsque l'on termine un repas! A son sens, rien ne pourra jamais le péché de gourmandise, sûrement le plus prononcé chez elle. D'ailleurs... "Si jamais tu connais des bonnes adresses de bar, café ou restaurant sympa, je suis preneuse! Ou même des lieux culturels d'ailleurs. Nous sommes revenues il n'y a pas si longtemps donc il va falloir qu'on reprenne nos marques par ici."

@Clément Winchester

Qui aurait cru qu'un simple malentendu finirait par une proposition chaleureuse de rejoindre deux personnes pour un pique nique ? C'est fou comment le hasard fait bien les choses. Ou est-ce le destin ? Peu importe, je décide de profiter et accepte avec plaisir l'invitation. Très vite, je remarque que les deux filles sont très porté sur l'écologie ce qui force mon respect. J'avoue que personnellement je n'ai pas encore ce reflex éco. Bien évidemment, j'essaie au maximum d'éviter les déchets mais c'est tellement compliqué (et puis avouons le, je n'ai pas le temps et souvent la flemme de me faire à manger moi-même). Je pense que cette rencontre peu m'apporter pas mal à ce niveau là, peut-être que les deux filles ont quelques conseils ?

Je les écoute attentivement, hochant la tête à intervalle régulier prouvant que je les entends et que je suis de leur avis, je mange avec délice les wrap et fini par arquer un sourcil en voyant Moana-l-humaine qui commence à hausser la voix, s'insurgeant du fait qu'il y ait un continent de plastique dans l'océan.  «Je savais pas ça ... » dis-je doucement. En même temps ça fait des années que je ne me suis plus intéressé à l'océan, ce qui s'y trouve et ce qu'il fait (sauf quand ce sont des vagues de 5m de haut qui s'échouent sur les plages du monde). Heïana s'excuse ensuite disant qu'elles s'emportent assez facilement simplement parce que le sujet leur tient tant à cœur  «Ah non mais y a pas de souci » les rassurais-je  «D'ailleurs, si vous avez des conseils pour réduire mes déchets je suis preneur » dis-je avec sincérité  «sachant que je suis un piètre cuisinier et que mon maigre salaire de comédien ne me permet pas d'avoir des dépenses trop extravagantes» je caresse doucement la tête de ma chienne

D'ailleurs celle-ci a tôt fait de faire craquer son homologue humaine que j'autorise à lui donner un wrap. L'animal l'englouti avec une rapidité hallucinante avant de se lécher des babines et s'allonger, soupirant de contentement.  « Il lui en faut pas beaucoup pour être heureuse» rigolais-je de bon cœur en me penchant pour embrasser le museau du canidé alors que Heïana me demande si je connais des restaurants ou des endroits que je pourrais leur recommander  « Les sushi de chez Minami» dis-je sans aucune hésitation  «Ce sont les meilleurs sushi de la ville et tu le sais rapidement pourquoi ! Leurs ingrédients sont toujours frais, pour la plupart local et ils essaient que ce soit Biologique » expliquais-je  « Sinon …. sinon il y a le Death By Decaf', un super endroit où vous pouvez boire les meilleurs cafés de la ville» je réfléchis rapidement  «Le Mctavish qui est un très bon pub irlandais et ...voilà. Bon il y en a encore beaucoup mais ces trois là ce sont mes préférés » expliquais-je en attrapant un cookie  « Vous faites quoi dans la vie sinon ?» demandais-je, observant les deux filles l'une après l'autre.

@Heïana Brook

Avant même de penser à lui donner des astuces, Heïana réagit à l'autre information que venait de leur donner le jeune homme: Oh, tu es comédien? Ça fait longtemps que nous n'avons pas vu de pièce. Tu as bientôt une représentation de prévue? elle sourit, ravie; voilà une sortie à faire de plus. Cependant, le sujet de l'écologie ne tarda pas à ressurgir. Après tout, si elles pouvaient encourager quelqu'un à diminuer son empreinte carbone et à réduire sa consommation de plastiques, les Polynésiennes n'allaient pas s'en priver! Les deux Brook se mirent à cogiter sur la manière de réduire ses déchets, d'être plus écolo en ayant un budget serré. Tu peux acheter ta lessive et produits ménagers en vrac, avec de vieilles bouteilles que tu as d'avance conseilla Moana, avant d'être complétée par sa soeur: C'est un peu plus cher à l'achat mais tu en consommes moins normalement, donc ça revient au même. Bon, première chose; mais elle fut vite complétée: Tu peux acheter ton shampooing et ton gel douche en savons solides; ça aussi ça dure longtemps, ça revient même moins cher que d'utiliser dix mille produits chimiques, ajouta Heïana, reprise ensuite par sa cadette; si tu es du genre à te pomponner un peu, rien de mieux que les produits naturels pour s'entretenir plutôt que les crèmes super chères : huile de coco, d'avocat, d'amande douce, gommage au miel... Pour ton déodorant, au lieu d'utiliser du spray, une pierre d'alun mouillée suffit. Les demoiselles étaient de véritables expertes, de la salle de bain à la cuisine, mais aussi en passant par le côté extérieur! Tu peux aussi refuser, si tu veux, les pailles dans les consommations au bar. C'est toujours ça de moins dans l'océan. ajouta Moana avec un sourire satisfait. Utiliser des torchons à la place de sopalin jetable, ça fait un peu plus de lessive mais l'impact écologique est meilleur ajouta l'aînée des deux, vite reprise par sa petite soeur: Pour l'alimentation plus particulièrement, tu peux utiliser les 'bee wraps' pour emballer tes légumes entamés, tes restes de plat... Tu en trouves dans le commerce, ou tu peux en faire toi-même pour pas bien cher. Adieu l'aluminium! . Et puis, sans parler d'être grand cuisinier, il y a des choses très simples à faire que les gens achètent souvent par flemme: crêpes, pâtes agrémentées de sauce, quiche... constata Heïana. Bref, il existait des centaines d'astuces possibles, à chacun de faire de son mieux en son âme et conscience. Et ce sans parler d'acheter des paquets de riz à sept dollars le kilos en boutique bio! Cependant, alors qu'elles semblaient bien lancées, Heïana sembla réaliser qu'elles étaient en train de noyer Clément sous les informations. Elle leva une main pour stopper sa soeur qui semblait vouloir continuer leur tirade, et déclara: Voilà des petites astuces. Il y en a encore beaucoup! Trier ses déchets correctement, utiliser un composteur... Mais si déjà tu en mets quelques-unes en place, ce sera super. Le moindre petit pas en avant est toujours un progrès, même s'il semble minuscule.

Leur tirade combinée finie, les demoiselles écoutèrent avec attention le jeune homme. Hmm les sushis, un délice! Quoique Moana était surtout friande des brochettes boeuf-fromage, mais c'était souvent proposé en supplément dans les restaurants, vu la popularité du plat. Puis Clément cita deux autres noms, mais ce fut celui du café qui retint le plus l'attention d'Heïana. Le Death Before Decaf'... Le nom lui disait décidément quelque chose. Ah, mais oui, bien sûr! "Il n'y a pas une barmaid qui s'appelle Charlie là-bas?" demanda la franco-australienne, histoire de confirmer ses doutes. Il lui semblait bien qu'il s'agissait du nom que lui avait donné la rouquine qu'elle avait rencontré une nuit, au détour d'une bouteille de Jet 27 et d'un paquet de cookies maison. Elle n'y était pas encore passée mais cela ne saurait tarder! D'autant plus si ce jeune homme le citait comme l'un de ses établissements favoris. Vraiment, un adresse à rajouter à son répertoire et surtout, à aller visiter! Depuis qu'elles étaient revenues à Brisbane, les deux soeurs se gardaient des moments ensemble bien sûr, mais elles profitaient de la bulle de liberté que leur offrait la grande ville. Quoique Moana restait encore bien sous la surveillance de son aînée. "Je veux entrer en fac de droit à la rentrée prochaine" déclara d'ailleurs la plus jeune, ajoutant par elle-même: "Ma soeur est sage-femme, au St Vincent Hospital. Je ne sais pas trop comment elle fait pour supporter les chouinements de bébés et le stress des familles à longueur de temps, mais bon..."

@Clément Winchester

Lorsque Heïana demande, enjouée, si j'ai bientôt une représentation, je m'en veux sincèrement de grimacer de la sorte. J'ai l'impression que mes prochaines paroles vont sincèrement la décevoir.  « Non...» dis-je doucement, hésitant  « c'est … un peu compliqué en ce moment» j'espère sincèrement que ces explications lui suffiront, qu'elle ne me demandera pas de parler d'avantage de ma vie privé car j'avoue que ce n'est pas un sujet que j'aborde avec plaisir.

Fort heureusement, les deux sœurs s'empressent de me fournir des explications et idées pour réussir à réduire un peu mes déchets. Je les écoutes attentivement, essayant de me remémoré tous leur conseils -qui sont un peu trop nombreux pour mon cerveau, je suppose-, tout en mangeant quelques cookie.  « je vois ...» dis-je, une fois certain qu'elles n'ajouteront rien d'autre et hoche la tête  « Je vais essayé de me rappeler de tout ça et surtout en parler avec mes coloc, voir si on peut instaurer quelques truc ensemble» j'hausse doucement les épaules  «je sais que je pourrais facilement persuadé Sybbie, mais son frère c'est autre chose …  » je soupire légèrement en imaginant déjà Ambroise être totalement contre mes propositions car 'il a des choses plus importantes auxquelles penser'.

Au final, lorsque Heïana me demande si je connais des restaurants ou bars qui peuvent être sympas à visiter, je m'empresse de leur donner trois options : les sushi chez Minami, le DBD et le Mctavish. A la question de Heïana, je grimace légèrement et hoche doucement la tête  « Charlie, ouais» dis-je comme si prononcer ce prénom revenait à avaler de l'acide  «Elle y travaille, effectivement » Mais je ne vais plus jamais y remettre les pieds, reprenais-je pour moi-même. La jeune humaine Moana fini par répondre à ma question suivante, concernant la vie des deux filles. La plus jeune, elle, veut entrer en fac de droit à la rentrée prochaine tandis que la plus âgé est sage femme, exerçant à l'hôpital.

Je rigole doucement à ce qu'elle ajoute et hoche la tête  « Je ne peux que te donner raison» dis-je en finissant mon cookie  « je sais pas non plus comment elle peut supporter ça» j'hausse les épaules  « Mais bon, chacun son truc» je fais un clin d'oeil à la sage femme  «ça fait combien de temps que tu exerces ? Et pis, vous avez quelle âge au fait ? » Et quelles me sortent pas l'éternel 'ça se fait pas de demander l'âge à une femme !'.

@Heïana Brook

Oups. Une gaffe, peut-être? Le ton de Clément était assez évocateur, son hésitation dans le choix de ses mots aussi. Apparemment, Heïana n'était pas prête de le voir évoluer sur scène avec sa troupe. Et clairement, il ne semblait pas vouloir en parler plus que cela. Haussant les épaules avec une certaine nonchalance qui était plus faite de compréhension que de désintérêt, la Tahitienne répliqua dans un sourire: Ce n'est pas grave, on attendra ! Cette simple conclusion leur permit de passer à un sujet qui là, fut honoré de bien plus de discussion: l'écologie, et comment chacun pouvait apporter, à son échelle, sa propre pierre à l'édifice immense que représentait ce défi du XXIe siècle. Moana et Heïana rivalisaient d'astuces, à croire qu'elles vivaient encore ensemble - et en fait, c'était bien le cas - et non chez leurs parents. A vrai dire, James et Poehina Brook n'avaient eu que faire de l'écologie, quoique la seconde était un peu plus sensibilisée sur la nature que le premier. Ils avaient trop vécu dans leurs ambitions démesurées, leurs rêves de grandeur, de richesse consumériste et d’hyper-consommation matérialiste pour n'imaginer ne serait-ce qu'une seconde de se restreindre ou de s'imposer des contraintes en quotidien pour "seule" raison la préservation de la faune et de la flore. L'émergence d'une conscience sur ce sujet avait été du seul fait d'Heïana, qui aimait trop le beau paysage de Tahiti pour se dire qu'un jour, il serait sûrement enseveli par l'océan, et qu'elle n'aurait strictement rien fait pour éviter cela. D'autant plus que, de nature empathique et assez manuelle, la Polynésienne s'était intéressée dès enfant à des initiatives comme les jardins potagers collectifs, la mise en place de ruches sans prise de miel par les humains pour augmenter le nombre d'abeilles, etc. Finalement, Clément déclara qu'il ferait au mieux pour mettre en place quelques-uns de leurs conseils, mais que tout dépendrait de la bonne volonté de ses colocataires. Les deux soeurs opinèrent du chef, compréhensives. Ce n'est pas toujours simple d'amener chacun à faire des efforts, encore plus quand on vit à plusieurs, concéda Heïana au jeune homme.

Et zut. Deuxième boulette, vu l'intonation de Clément lorsque la sage-femme fit mention de la rouquine travaillant au Death Before Decaf. Décidément, le monde était bien petit, et tout le monde ne semblait pas s'entendre à merveille avec chacun. Oh, la Polynésienne n'avait strictement aucune idée du lien entre Charlie et leur compagnon de déjeuner, mais très clairement, au vu de la brièveté de sa réponse, il ne devait pas être au beau fixe. Surtout, vu la superbe nuit qu'Heïana avait passé avec l'étudiante en Sciences Po', si on la connaissait et qu'on s'entendait bien avec, nul doute que n'importe qui se montrerait bien plus enthousiaste à parler d'elle. Deuxième sujet à éviter, donc. Par contre, s'il y en a bien un qui arriva frontalement, ce fut celui de l'âge. Clément leur posa cette question en toute spontanéité, et autant dire que les Brook n'allaient pas s'en offusquer. Elles étaient bien trop naturelles pour cela. J'ai vingt-cinq ans depuis janvier, et j'exerce depuis à peine deux ans; j'ai dû faire cinq ans d'études pour obtenir mon diplôme, déclara Heïana, précisant par la suite: Mais j'ai toujours été passionnée par la maïeutique, au point que j'étais souvent en stage à la maternité pendant mon adolescence. Moi, j'ai dix-sept ans, majeure dans quelques mois! s'exclama la plus jeune avec entrain, la perspective de devenir indépendante civilement l'enchantant: à elle le droit de vote, le droit de boire, etc!

Soudain, Heïana plissa le nez. Une goutte venait de lui tomber dessus. Plic. Ploc. Plic. Ploc. Elle leva les yeux vers le ciel; alors qu'ils parlaient, de gros nuages noirs, menaçants à souhaits, s'étaient installés au-dessus de Brisbane. Cela sentait l'averse à plein nez, et d'ailleurs, le rythme de descente des perles de pluie croissait crescendo, à un tempo bien plus rapide que la décence l'aurait espéré. "Rangeons vite les affaires!" s'exclama Moana, qui avait une sainte horreur d'être trempée jusqu'aux os.

 «Pas trop longtemps j'espère » déclarais-je lorsque Heïana m'explique sur un ton plutôt enjoué qu'elle attendra ma prochaine représentation.  « Je fais tout pour remonter sur scène. Mais j'ai eu une année 2018 pas mal tourmentée et compliquée en ce qui concerne le théâtre et la danse donc ...le temps guérie les blessures comme on dit, hein» dis-je, presque ironique. Personnellement je pense qu'une grosse blessure émotionnelle ne guérie jamais réellement. Qu'elle fasse moins mal, certes, mais jamais elle ne sera totalement fermée et que souvent il suffit d'un seul grain de sable pour enrayer toute la machine. Ma phobie de l'eau m'a laissé tranquille pendant des années, j'étais même sur le point de me dire que je l'avais surmonté, mais le burn out à fait ressortir mes plus grosses phobies en triplant leur intensités.  «Mais dans tous les cas, je peux vous tenir au courant » dis-je en sortant mon téléphone  «Si tu veux bien me donner ton numéro, évidemment » reprenais-je, rassurant  « T'inquiète pas, je ne suis pas du genre à harcelé ou spammer mais ...on fait pas mal de workshop au théâtre ou même en danse, donc si ça vous intéresse toutes les deux je peux vous tenir au courant» expliquais-je, argumentant pour le fait d'échanger nos numéros.

Par la suite, je sens que je leur fait sincèrement plaisir en leur posant des questions sur l'écologie et comment être plus écolo à notre échelle d'humain. Elles s'enflamment assez facilement et me donnent un tas de conseils. Je leur fait la promesse d'essayer de gérer le tout au moins et que je vais en parler avec mes colocataires, dès fois qu'ils aient, eux, d'autre idées.

La question suivante concerne Charlie et j'avoue que ça ne m'enchante pas des masses. Je ne pensais pas avoir de problème avec la rousse -en vrai, je ne pensais (ou plutôt 'j'espérais') pas la revoir – mais il a fallut qu'elle me découvre chez Léo, mon amant d'un soir qui est en fait son meilleur ami. Et ça ne lui a pas plus. Depuis, je n'ai absolument aucune idée de ce que je suis pour Charlie. Un ami ? Un ennemi ? Une personne à anéantir ? Une menace ? Je pense que Heïana se rend compte que je ne souhaite pas aborder ce sujet car elle saute promptement sur mon changement de conversation. J'apprends ainsi qu'elle a 25 ans depuis janvier et qu'elle exerce son métier depuis 2 ans déjà.  « pas mal !» la félicitais-je, pas mal impressionné par une telle maturité. Moana, elle, a 17 ans et sera majeure dans quelques mois  « C'est cool !» dis-je en souriant avec sincérité.

J'aurais réellement aimé que nous continuons ce pique nique jusque tard dans la soirée, mais la météo ne semble pas être d'accord avec nous. La pluie que nous tombe dessus est encore pas mal douce mais je connais le climat austrlien : une petite pluie ça n'existe pas ici. Ainsi donc, j'aide les jeunes femmes à ranger leur affaire puis attrape la laisse de ma chienne  « Venez, suivez moi, je connais un endroit près d'ici ou on peut facilement se mettre à l'abris» à savoir un café qui accepte les chiens. Ni une ni deux, je prend la direction de cedit café, accélérant réellement le pas jusqu'à me mettre à courir alors que la pluie tombe de plus en plus fortement.

Fort heureusement nous ne sommes pas loin et lorsque je pousse la porte du café, la tenant ouverte pour les deux filles, je pousse un long soupire de soulagement.  «Eh ben ... » soupirais-je en lançant un coup d'oeil vers l'extérieur ou la pluie se transforme rapidement en déluge  «on a eu de la chance » je rigole doucement et ma passe une main dans mes cheveux tandis que Moana se secoue vivement  « Je pense qu'il y en a pour un bon bout de temps, vu les nuages...»

@Heïana Brook