J'avoue que je ne m'attendais absolument pas à ce que Charlie m'envoie un message. Et je m'attendais encore moins à ce que je lui réponde aussi froidement. Pourquoi réagissais-je de cette manière ? Est-ce une certaine jalousie qui m'abrite étant donné que je ne sais absolument rien de leur relation ? Sont-ils réellement seulement meilleurs amis ou y-t-il autre chose entre eux ? Quelque chose de plus profond et plus sentimental ? Dans son message, Charlie m'a bien signifié qu'elle ne souhaite pas se mettre entre nous et que le fait qu'elle était là avant de veut rien dire, qu'elle veut simplement le bonheur de Léo. Mais alors pourquoi prenais-je son message comme des menaces ?
Voilà toutes les questions que je me pose lorsque je me retrouve devant la porte du #227 Bayside à 16h comme prévu. Je me demande sincèrement ce que je fais ici et si je ferais pas mieux de repartir. En vrai, j'avais réellement hésité à venir et une heure auparavant je me suis dit que j'enverrais un message à Charlie pour lui dire que je suis malade et annuler notre rendez-vous. Je suis, d'ailleurs, carrément sur le point de me détourner de la porte, lorsque Moana -que j'ai emmené avec moi étant donné que ça concordait parfaitement avec l'heure de sa sortie- se met à aboyer. D'abord contre l'arbre dans le jardin -sans doute a-t-elle vu un écureuil ou un autre animal de ce genre et est entrain de lui dire furieusement d'aller se faire foutre- avant de se tourner vers la porte et aboyer plus fort.
En me tournant à mon tour vers la porte, je vois rapidement la silhouette de Charlie qui arrive. Coup de stress. « Moana tait-toi !» grognais-je sur ma chienne «Tu vas nous ...HEEEY salut Charlie » je me redresse et lève mon regard sur la jeune femme qui apparaît à la porte « ça va ? Désolé du bruit, elle a vu un écureuil et ...je enfin je ferais mieux d'y aller en vrai, je ne pense pas que tu acceptes les chiens chez toi. Quel idiot» je me frappe la tête avec le plat de ma main et roule des yeux « Désolé, bonne journée !» lançais-je alors que je commence à me détourner de la porte dans le but de partir le plus vite possible.
Depuis la rencontre entre Léo, Clément et elle, Charlie ne peut s’empêcher d’y repenser et de retourner le problème dans tous les sens. A vrai dire, c’est l’absence de problème qu’elle ne cesse de retourner, et les proportions démesurées que ça a pris. Cette situation est incompréhensible. Pourquoi est ce qu’elle en veut à Léo de vivre sa vie ? Pourquoi est ce qu’elle en veut à Clément de ne pas seulement être le Banda Aceh boy ? Pourquoi Léo fait celui qui ne comprend rien à rien, et pourquoi Clément est soudain devenu un jeune homme froid et distant ? Trop de questions sans réponses. Elle connaît Léo et elle sait bien qu’il est le seul à ne réellement rien comprendre dans cette histoire, mais pour l’autre homme elle ne peut pas être au chose qu’étonnée. Déçue aussi, inévitablement. Lui qui était si doux, si gentil, si sensible face à elle quelques semaines plus tôt. Voilà qu’il s’amusait à retourner le couteau dans la plaie par message “on s’est revus avec Léo …” qu’il disait. Si son meilleur ami ne passait pas avant tout, Villanelle aurait sûrement balancé son téléphone de l’autre côté de la pièce. Plus rien ne va comme elle l’aurait souhaité et ce n’est pas un garçon qu’elle a interviewé pour l’université qui va y mettre du sien quand même. Jusqu’à ce jour elle ressentait beaucoup d’empathie pour lui, l’étoile montante de la Northlight, le Spiderman australien. Peut être qu’encore une fois elle a mal cerné les gens, mais dans ce cas là Léo serait tout aussi fautif. Or Ivy sait bien choisir son entourage, lui. Elle a donc pris sur elle, refoulé ses propres sentiments dans une case anecdotique. Léo passe avant tout, et s’ils se revoient alors ils devront bien être à nouveau tous les trois, car elle ne compte pas lâcher son monsieur bouclettes au premier obstacle.
Lui donner rendez vous dans sa propre maison n’était cependant pas l’idée du siècle, mais elle s’est dit que ce serait sans doute plus intimiste que n’importe quel bar. Elle n’a pas non plus envie que tout le monde connaisse sa vie personnelle. Et puis, si besoin de cacher un corps il y a, elle n’aura qu’à l’enrouler dans le tapis. Non, je rigole, elle ne ferait pas ça. Tout le monde sait que pour cacher un corps il faut détruire les preuves avant tout.
« Moana tais-toi ! » Charlie ouvre la porte aussitôt, intriguée. Elle ne s’attendait pas à tomber sur Clément, elle n’est pas encore habituée au son de sa voix. Faut dire qu’au Death elle était cachée par la masse et que chez Léo il a rapidement trouvé le moyen soit de se cacher dans sa chambre soit de s’en aller. La rousse ne s’attendait pas non plus à ce qu’il soit accompagné d’un chien, mais cela leur servira à changer de sujet quand ça deviendra trop gênant, c’est sûrement une bonne chose. « Clément arrête, rentrez tous les deux. Les chiens sont les bienvenues bien sûr. » Elle aurait voulu rajouter qu’en plus des chiens elle accepterait Moana, mais le but de cette discussion est d'apaiser les tensions pas de les raviver avec de l’huile. « Tu peux la lâcher, y’a un jardin derrière. Elle sera avec Gnocchi, c’est le chien de ma coloc mais pour le moment je la lui garde, elle va venir récupérer ses affaires bientôt aussi … Enfin bref. » Il n’en a sûrement rien à faire de la vie du berger australien et d’Eleonora. Charlie ne peut s’empêcher de caresser Moana lorsqu’elle franchit le seuil de la porte. « J’ai fait des cookies. En plus d’être moches ils seront sûrement pas bons, mais on dit que c’est l’intention qui compte je crois. » Elle a pas fait exprès de les rater, c’est vraiment quelque chose de pathologique chez elle. « T’es venu jusqu’ici alors rentre. Je te crierai pas dessus cette fois c’est promis. » Être froid avec lui était facile par message, en face ça l’est beaucoup moins lorsqu’elle admire à nouveau son visage d’ange et ses mimiques trahissant son gène. Pourquoi est ce qu’ils ne s’entend pas … ? « Tu peux repartir quand tu veux, je te retiendrai pas. »
Face à Charlie, je perd mes moyens. Que faire ? Quoi dire ? Comment me comporter ? Rester ? Partir ? Parler ? Sourire ? Crier ? Je décide de jouer la carte de maladresse, l'innocent qui n'avait pas pensé que peut-être la jeune femme pourrait ne pas aimer les chiens. Mais c'est sans compter sur Charlie et sa rapidité à me contre dire, expliquant les canidés sont les bienvenus et qu'il y a même un ami pour ma chienne dans le jardin. A cours d'excuses et ne pouvons donc plus faire demi tour, je me résigne à rentrer. Moana a droit à quelques caresses avant que je ne la détache et qu'elle aille inspecter la maison, me laissant seul avec Charlie et le malaise qui s'invite méchamment.
Fort heureusement, la jolie rousse ne laisse pas le silence s'installer trop longtemps et, bien que maladroitement, elle se met à parler, expliquant qu'elle a fait des cookies dégueulasse et pas beau mais que c'est l'intention qui compte -ce pour quoi je ne suis pas d'accord mais je décide de ne pas la contre dire- avant de me promettre de ne pas me crier dessus mais qu'elle ne me retiendra pas pour autant.
Je l'observe quelques instants puis soupire doucement et me passe une main dans les cheveux «Ecoute, je suis désolé. Je sais pas pourquoi mes messages étaient aussi froid et rude et … bref, t'as rien fait de mal. » j'hausse les épaules «Ce … c'est juste que ...je sais pas, j'ai sincèrement l'impression que tu m'en veux réellement d'avoir couché avec Léo » je pince les lèvres, m'adossant contre le mur et croisant les bras « Tu le dis toi-même : t'étais là avant. Et même si ça ne te donne pas le droit de décider sur la vie de Léo, je comprend totalement que ce n'est pas facile que cette situation n'est pas facile» je baisse le regard, m'intéressant aux petites imperfections du planché « Bien plus que tu le pense, en vrai» je soupire et relève mon regard sur Charlie, grimaçant légèrement, moue désolée sur le visage « J'ai pas envie qu'on vienne à se détester, mais je ...je crois que le malaise vient surtout du fait que je t'ai tout raconté la dernière fois ...» je ne précise pas de quoi je parle car Charlie n'est pas idiote, elle sait très bien que je réfère à l'interview au DBD lors de notre première rencontre.
Si Charlie avait pu pousser un soupir de soulagement, elle l’aurait fait. Il n’est pas venu ici pour la bagarre et elle commence à reconnaître le Clément qu’elle a connu. Tout se passe bien finalement ... aussi bien que cela puisse se passer en tout cas. Les deux étudiants ne sont pas prêts à devenir les meilleurs amis du monde (son Léo occupant déjà la place de toute façon), mais ils ne sont plus prêts à se sauter à la gorge non plus. La situation reste très complexe, tout comme leur relation. Lui aussi lui avoue qu’il ne comprend pas ses réactions. Au moins, ils sont deux paumés. Ca ne l’avance pas de savoir ça, mais être dans la merde à deux c’est toujours rassurant. Entre deux mots elle le laisse entrer pour de vrai, lui montre les sièges sur lesquels s’asseoir face au comptoir de la cuisine. Elle l’aurait bien invité à se poser sur le canapé, comme elle le fait toujours avec tout le monde, mais le dernier souvenir de Clément associé à un canapé lui donne encore quelques frissons. Elle n’est pas encore prête pour ça, ni à s’assoir sur celui de Léo pour une bonne dizaine d’années. La rousse vient se placer face à lui, les fesses posées sur le plan de travail. Toujours la distance de sécurité, juste au cas où.
Elle aime ce petit homme de tout son coeur, mais entre l’amour et la haine tout le monde sait qu’il n’y a qu’un pas. « Je t’en veux pas pour ça Clément, j’aurais pas le droit de t’en vouloir pour ça. » C’est parti. Elle va s’embrouiller dans ses explications parce qu’elle même ne sait pas vraiment ce qu’elle ressent, encore moins ce qu’elle doit dire ou peut dire. Un seul mot de travers et Clément pourrait la prendre pour une homophobe, ce qui serait le comble dans toute cette histoire. « Bien plus que tu le penses, en vrai. » La rousse soupire. Non, elle n’a pas la force de se battre avec lui. Pas encore, pas ce soir ni aucun autre. Le problème, c’est qu’il a raison. Charlie aimerait accueillir ce nouvel homme à bras ouvert mais elle ne le peut pas, elle était là avant et elle a toujours été là pour Léo quand Banda Aceh boy se morfondait sur son sort. Léo et Charlie étaient là l’un pour l’autre alors que personne ne connaissait encore l’existence de Winchester. Alors oui, elle est plus légitime. « Cherche pas les emmerdes non plus Clément. » Quand on parle de Léo elle perd tous ses moyens, tous ses idéaux aussi. L’autre étudiant passe avant tout, et c’est une nouvelle fois ce qu’elle se répète pour se calmer, posant (jetant) la boîte de cookies sur le bar dans un fracas. « Ca n’a rien à voir avec ce que tu m’as raconté. Tu m’as fait confiance et je te remercie pour ça. Léo ne sait rien de mon travail, encore moins des histoires qu’on m’a raconté. Il ne se doute de rien et c’est pour ça qu’il continue de croire qu’on a couché ensemble. » Elle rigole. Quelle folle idée. « S’il apprend cette histoire un jour ce sera de par ta bouche. Alors non, ça n’a rien à voir avec ça. » Ses paroles semblent dures mais sa voix ne l’est pas. Elle n’arrive même pas à soutenir le regard du jeune homme, appréhendant ce qui va suivre. « Je pensais pas dire ça un jour, mais le problème c’est pas toi. C’est moi. » On dirait vraiment qu’elle va rompre avec Clément alors qu’ils n’ont pas un seul semblant de relation stable. Techniquement, ils ne sont rien l’un pour l’autre, mais Charlie aimerait vraiment être son amie et ce depuis le premier jour. Il y a seulement eu quelques complications à l’achèvement de ce projet. « Tu m’as fait confiance, alors je crois que c’est à mon tour de faire pareil. » Son coeur lui crie de se taire, de ne rien dire, de ne pas poser des mots sur tout ce qu’elle ressent parce qu’après elle ne pourra plus revenir en arrière. Ce qui est dit est gravé dans le temps, dans les esprits. Cela ne saurait être redit, refait. On est pas dans 1984 bordel. « Si t’as envie de rester innocent encore quelques temps, c’est le moment de le dire. » Parce que sinon elle va vraiment se lancer dans un monologue la mettant à nue. Le pire dans cette histoire, c’est que tout ce qu’elle souhaite lui dire ne fera qu’empirer leur relation, mais au moins il saura à quoi s’attendre.
Fort heureusement que je fais face à Charlie cette fois-ci et que nous ne communiquons pas par messages. Sinon, dieu que j'aurais mal prit ses paroles ! Je les aurais prise comme une attaque personnelle tant elles sont sèches et tranchantes. Mais, étant donné que la communication n'est pas seulement orale, j'arrive bien plus facilement à ne rien prendre personnellement. Sa gestuelle est incertaine, son ton tranquille et calme, son regard fuyant, tout pour prouver qu'elle n'est, elle non plus, pas tout à fait à l'aise.
Toutefois, ses paroles n'ont que très peu de sens pour moi en vrai. Pourquoi ce côté aggressif ? Pourquoi me demande-t-elle de ne pas chercher les emmerde ? Qu'est-ce que j'ai fait ou dit pour qu'elle formule cette semaine ? Je fronce légèrement les sourcils et l'observe en inclinant légèrement la tête sur le côté «Qu'est-ce que … ? Pourquoi tu dis ça... ? » demandais-je avec incompréhension. Que je ne comprenne pas les sous entendus ou que je ne sache pas lire entre les lignes est bien connu. Ainsi je préfère donc demander directement ce qui se passe histoire de ne pas faire de spéculations inutiles.
Au final, elle me rassure sincèrement en me disant que jamais elle ne révélerait mon secret à qui que ce soit, que si Léo l'apprenne un jour ce sera de ma bouche et non de la sienne. J'hoche doucement la tête avec compréhension, la gratifiant d'un sourire rassuré puis soupire discrètement. Ok, et maintenant ? On fait quoi ? On reste là ? Je tente une dégustation de ces fameux cookies dégueulasses ?
Finalement, c'est encore une fois Charlie qui sauve la situation, me disant que 'c'est de sa faute et non la mienne'. On dirait qu'elle va rompre avec moi ce qui est totalement incompréhensible. C'est quoi cette histoire de confiance ? Et de moi étant innocent ? Fronçant légèrement les sourcils, je fini par hocher la tête comme si c'était la chose naturelle et normale à faire. [color=darkblue] «Je ne pense pas être aussi innocent que tu ne le penses /color] innocent dans quel sens ? Dans son histoire avec Léo ? Dans la vie en général ? « Mais exprime toi plus clairement, je comprend rien à ce que tu dis...» avouais-je finalement avec un demi sourire sur les lèvres pour essayer de dédramatiser mes paroles.
Qui ne dit mot consent. Même si Clément a parlé en réalité, il n’a pas dit non non plus alors le diction devrait s’appliquer. De toute façon il est sûrement trop tard pour reculer, Charlie lui a déjà teasé quelque chose de gros. Sans doute en a-t-elle trop fait, parce que l’histoire qu’elle veut lui raconter ne parle que d’elle et de Léo, lui n’en aura sûrement rien à faire. Sans doute aurait-elle dû garder ça pour elle, peut être pour quelques temps de plus ou encore mieux, pour toujours. La rouquine se sent bête avant même de commencer, parce qu’elle sait déjà que ça va être compliqué … comme si toute cette histoire ne l’était pas assez. Elle rigole finalement une ultime fois face à la tête décomposée que lui offre Clément. « Je comprends rien à ce que je dis non plus, c’est bien ça le problème. »
Une grande inspiration plus tard, Charlie se dit qu’il est temps pour lui de tout connaître. S’il veut rester agrippé à Léo il ne sera pas seul dans les parages, il doit savoir dans quoi il s’aventure. « On s’est rencontrés il y a deux ans, la veille de mes vingt ans. Il venait d’arriver à Brisbane, il était déjà ce garçon extraordinaire qu’il est encore aujourd’hui et ça a tout de suite collé entre nous. On s’est revus le jour d’après et tous ceux qui ont suivis. On s’est promis bien des choses, notamment de rester les deux mousquetaires à jamais. Et d’être amis de tout sauf d’ikea. » Pitié, faites qu’il comprenne ce “qu’ami d’ikea” veut dire, Charlie ne veut pas recommencer cette partie de l’histoire. Elle a le sourire aux lèvres en repensant à tous ces souvenirs, et sa voix reste encore sûre d’elle pour le moment. « Et on a couché ensemble, cette nuit là et bien d’autres ensuite. » Elle marque une pause, incertaine de l’effet qu’a cette révélation sur Clément, se demandant même si c’est réellement une révélation. « On a toujours été beaucoup de choses tous les deux, mais jamais un couple. Chacun faisait ce qu’il voulait, allait voir qui il voulait, et ça ne posait jamais aucun problème. » Bon, avec la Emmy ce n’était pas l’amour fou ceci dit. Mais Charlie n’avait pas prévu de la tuer encore. « Sauf que ces gens là allaient et venaient dans nos vies, rien n’a jamais été vraiment sérieux. Il y avait toujours nous deux face au reste du monde ... jusqu’à ce que je sois en couple, et que toi tu arrives. » Cette fois ci, sa voix commence réellement à se briser. Le décor est très largement posé, elle va devoir expliquer tous les tenants et les aboutissants. « Désolée de raconter ma vie, c’était pas prévu. Mais je pense qu’au final ça concerne Léo … et toi, par la même occasion. » Parler de John est sûrement la pire chose à faire en ce moment, mais elle doit faire un effort. « Je suis en couple depuis quelques mois, avec le fameux John dont t’as déjà entendu le nom. Je pensais qu’il était l’amour de ma vie, il voulait juste me baiser. Bref, la routine. » Comme quoi leur relation peut être résumée assez rapidement au final. « Léo ne l’aime pas et ne lui a jamais fait confiance ; il avait raison. Ma relation avec cet homme a jeté un froid entre nous. On s’est promis de rester qui on était, mais avec cet homme dans ma vie on n’allait plus pouvoir … s’amuser. Ca parait anodin, enfantin, tout ce que tu veux, mais au delà de nous lier physiquement ça nous liait aussi mentalement. » Charlie commence à se perdre dans ses explications, elle ne sait même plus où elle veut en venir. Il y a trop d’informations à condenser en un seul monologue. « Et puis, t’es arrivé. T’es arrivé un jour où j’avais vraiment besoin de mon Léo et je crois que je t’en veux pour ça. Je t’en veux aussi parce que je te connais un peu et je sais que t’es un gars bien, du genre assez bien pour mon meilleur ami. » Léo a toujours préféré les hommes, elle les filles. Ca n’a jamais semblé poser problème, mais peut être que Clément sera mieux pour lui. « Je veux que Léo soit heureux par dessus tout. Si tu veux savoir, quand t’es parti l’autre jour c’est ce que je lui ai dit. Je lui ai ordonné d’être heureux et je suis partie, parce que c’est tout ce qui compte pour moi. Il passe avant tout, et si vous êtes heureux tous les deux (vous avez intérêt), alors je tâcherai de l’être aussi. Même si … même si au fond j’aime réellement Léo. En tant qu’ami, que meilleur ami, qu’amant, que dessinateur officiel, que logeur non officiel, que compagnon de beuverie, que sauveur, … mais surtout en tant que petit ami qu’il ne sera jamais. » Cette fois ci c’est bon, elle lui a tout raconté. Il sait désormais que son intervieweuse est loin de la fille parfaite qu’il aurait pu s’imaginer, qu’elle aurait aussi été très loin d’être capable de supporter toute la douleur de Clément en plus de la sienne. Elle est perfectible elle aussi, il y a beaucoup de travail à faire. « Tu te doutes qu'il n’est pas au courant de cette dernière partie et que j’aimerais que cela reste comme ça. » S’il l’accepte, ils tiendront désormais ce secret à deux. Charlie est désolée de l’avoir mis dans la confidence mais s’il voulait comprendre sa réaction, c’était la seule chose à faire.
Je ne comprend pas Charlie. Autant littéralement que figurativement. Elle a une façon de parler un peu trop mystérieuse. Un peu trop de sous-entendu aussi, j'ai l'impression. Et je déteste ça. Toutefois, elle me fait comprendre que c'est aussi le cas pour elle, qu'elle-même ne me comprends pas réellement ce qui la fait doucement rire. Je lui offre un petit sourire puis hoche légèrement la tête pour lui signifier que je veux bien avoir plus d'explications.
Mais peut-être aurais-je dû me taire. Car ce qui commence comme étant quelque chose d'assez banal, fini par se transformer en un aveu bien plus profond et sincère. Léo et elle se sont rencontré il y a deux ans de ça, que ça a tout de suite matché entre eux et qu'ils sont amis. Mais qu'il ont couché ensemble. J'arque un sourcil et hoche légèrement la tête lorsqu'elle m'avoue que ça ne s'est pas arrêté là, qu'ils ont remit le couvert plusieurs fois encore. Pourtant ils n'ont jamais été en couple, ils faisaient ce qu'ils voulaient et tout se passait pour le mieux. Des gens passaient dans leur vie mais ne restait jamais, jusqu'au jour où Charlie s'est mit en couple avec un certain John qui ne voulait que la baiser -j'avoue avoir un léger sentiment de pitié qui me prend aux tripes lorsqu'elle m'avoue ça- mais que tout ça n'a que fait de jeté un froid entre Léo et elle.
Et puis au final, je suis arrivé. Et elle m'en veut parce que j'étais là au moment où elle avait réellement besoin de son Léo mais aussi parce qu'elle me connaît un peu et que je suis assez bien pour son meilleur ami. Je me demande un instant comment elle peut penser une telle chose étant donné qu'au final elle ne connaît rien de moi, mais je me garde de poser une questions et gâcher ce moment d'aveu. Elle a beau vouloir le bonheur de Léo mais elle m'avoue aussi qu'elle l'aime pour beaucoup de chose et surtout comme le petit ami qu'il ne sera jamais.
Lorsqu'elle se tait, je laisse le silence s'installer entre nous, bien trop surpris et choqué par ce qu'elle vient de m'avouer. Elle vient de dire qu'elle aime Léo, non ? Me mordillant la lèvre inférieure, je baisse le regard et secoue la tête en haussant les épaules «Je ...je sais pas quoi dire Charlie » soufflais-je finalement, déglutissant «Je pouvais pas savoir tout ça, je ...» je soupire et me passe une main sur le visage «Je … je ne suis pas près de me mettre en couple. Du moins, pas dans le vrai sens de couple, tu vois ? »
je prend une profonde inspiration «Ton histoire me faire étrangement pensé à celle que j'ai avec mon meilleur ami. Comme Léo et toi, on s'est rencontré il y a 3 ans, ça a tout de suite matché entre nous malgré nos différences, on s'est embrassé, on a couché ensemble, je l'aime énormément pour tout ce qu'il a à m'offrir » je pince les lèvres « Mais au final il m'a fait comprendre que je ne serais jamais rien de plus que son meilleur ami. J'ai fini par accepter cela » je soupire doucement « Il a été du genre à coucher à droite et à gauche sans jamais se soucier de moi» jusqu'à ce que cette vie de libertin ne lui joue un tour qui le marquera à vie
«Bref. Si tu veux tout savoir, ce que j'ai fait avec Léo, coucher avec lui alors qu'on ne s'était rencontré que quelques heures plus tôt, ce n'est pas dans mes habitudes» assurais-je en levant mon regard sur Charlie «J'avoue que j'adore passer du temps avec lui, il est génial et j'aime beaucoup apprendre à le connaître, mais si sincèrement ça te gêne, je saurais me retenir. » je me pousse du mur et m'avance vers Charlie «J'adore Léo, mais je ne veux absolument pas me mettre entre vous et gâcher ce que vous avez de plus précieux ...» assurais-je en posant une main sur son épaule.
Le soulagement de Charlie est immense. Elle a enfin posé des mots sur les sentiments qu’elle garde enfouis depuis le premier jour. Il y avait quelques métaphores, quelques périphrases, mais l’intention était là et Clément semble bien avoir compris le but ultime de tout ce monologue. Il semble avoir compris qu’elle aime Léo d’une manière dont lui ne l’aimera jamais, qu’elle le sait et qu’elle ne veut pas que ça change. Maintenant il ne lui reste plus qu’à espérer qu’il gardera son secret comme elle a gardé le sien, parce que sinon sa vie risque de devenir encore plus merdique qu’elle ne l’est actuellement. A l’instant présent elle ne pense pas aux conséquences que pourraient avoir ses paroles, elle s’étonne seulement à sourire, se disant que les rôles ont été échangés depuis leur première rencontre. C’est désormais Clément qui est gêné, qui ne sait plus quoi dire. La vie est faite de surprises. « Du moins, pas dans le vrai sens de couple, tu vois ? » Non, Charlie ne voit pas du tout. Mais est ce que ça vaut vraiment le coup de poser la question, de remuer à nouveau le couteau dans la plaie ? Sûrement pas. Elle lui a déjà dit, il peut être tout ce qu’il veut avec Ivywreath tant que son meilleur ami est heureux. Ils peuvent même devenir acrobates ou cracheurs de feu si ça leur chante.
Elle écoute attentivement l’histoire de Clément, étonnée qu’ils aient finalement tant de points commun. Ils sont faits pour s’entendre même si ce n’est une évidence pour personne. La jeune femme est émue par l’histoire qu’il raconte avec son meilleur, car elle se reconnaît encore plus dans ce qu’il raconte. “Je l’aime énormément pour tout ce qu’il a à m’offrir”, ce sont les mots que Charlie n’aurait pas pensé à prononcer mais qui résument réellement son amitié avec Ivy. Son empathie pour le comédien revient au galop lorsqu’arrive la suite de l’histoire, lorsqu’il lui raconte que lui aussi est à jamais enfermé dans la fameuse friendzone. Cependant leur histoire diffère sur un point et pas des moindres. Certes, Léo couche à droite à gauche ; on se l’accorde. Mais Charlie n’est pas en reste non plus, elle est loin d’être une sainte. Cela ne l’empêche pas de ne pas se soucier de Léo, au contraire ils partagent leurs histoires et leurs anecdotes. Chacun sait que l’autre vit sa vie aussi de son côté, et c’est bien normal. Ils sont humains après tout. « Je suis bien la dernière à pouvoir te juger pour avoir couché avec un gars le jour de votre rencontre. On est au XXIe siècle. » Le monde évolue, les moeurs avec. Il faut arrêter de toujours tout dramatiser, si tout le monde est heureux et consentant alors personne ne devrait avoir son mot à dire. « C’est bien parce que j’adore Léo aussi que je t’ai dit tout ça. Je voulais être franche avec toi comme tu l’as été avec moi, je pense que je te devais bien ça. » Elle ose enfin relever les yeux vers Clément et soutenir son regard, l’observant s’approcher doucement pour d’obscures raisons. La rousse sourit doucement quand elle sent sa main se poser sur son épaule. Ca signifie beaucoup pour elle, bien que cela n'empêche pas toute sa jambe droite de trembler frénétiquement. « Tu te mettras pas entre nous Clément. Je veux juste pas qu’on soit des ennemis, qu’on se cache des trucs, ou je sais pas quoi encore. Léo est de ce que j’ai de plus précieux à l’instant, mais un jour aussi on sera amis aussi j’espère. » Au moins ils auront une sacré anecdote à raconter quand on leur demandera comment ils se sont connus, puis comment ils sont devenus amis.
Charlie et moi avons définitivement bien plus de points communs que ce que j'aurais pu imaginé. Nous partageons tous les deux une relation un peu 'trop poussé' avec nos meilleurs amis et avons tous les deux été déçu à plusieurs reprise. Maintenant que j'en sais d'avantage sur les origines de son amitié avec Léo et tout ce que ça représente pour Charlie, je ne peux plus lui en vouloir. Je ne lui ai jamais voulu, en vrai. J'étais juste un peu jaloux, je pense. Tout comme elle. Comme quoi, une discussion à cœur ouvert peu vraiment aider à briser tous les incompris et aider à évoluer.
Je souris légèrement lorsque la jeune femme me dit qu'elle est bien la dernière personne à vouloir et pouvoir me juger lorsqu'il s'agit de coucher avec quelqu'un le premier soir. Si elle a été franche avec moi sur ce coup, c'est surtout parce qu'elle veut le bonheur de Léo mais aussi par j'ai été franc avec elle la dernière fois. J'avoue que je n'irais pas jusqu'à comparer l'histoire du Tsunami avec ce trio sentimental, mais si ça peut lui permettre de me parler ouvertement, alors j'accepte cette comparaison.
M'approchant ensuite de Charlie, je pose une main sur son épaule, lui assurant que je ne souhaite absolument pas me mettre entre elle et Léo, que c'est réellement la chose que je veux absolument éviter mais qu'en même temps j'ai sincèrement envie de continuer à passer du temps avec le jeune homme. Et au final, la jolie rousse me donne l'autorisation orale, précisant qu'elle n'a absolument aucune envie que nous soyons des ennemis et qu'elle espère que nous pourront être amis un jour.
«C'est impossible qu'on devienne ennemis» assurais-je en me reculant à nouveau « Tu connais trop de chose que tu pourrais utiliser contre moi» dis-je avec un léger sourire «Et pareil pour moi » j'hausse les épaules puis me passe une main dans les cheveux «Bon. Dans tous les cas, si tu préfères que je reprennes mes distances à un moment donné, tu me le dis, ok ? » j'incline légèrement la tête sur le côté « Après tout, tu l'as dit toi-même : tu étais là avant » concluais-je.
Avant qu'un silence pesant ne s'installe, c'est un gros bruit de verre brisé qui nous provient de la cuisine. Sans attendre Charlie, je me précipite vers la pièce adjacente et aperçois Moana entrain de gober les cookie qui étaient placé sur le comptoir. M'approchant, je me jette presque littéralement sur elle et l'oblige à quitter sa place pour la plaquer au sol. Pas méchamment, mais juste pour lui faire comprendre que ce qu'elle vient de faire là, ça ne se fait pas en vrai. « Désolé pour ça ...» dis-je doucement en relâchant ma chienne qui s'échappe dans le salon pour aller se cacher sous la table. « Elle sait vraiment pas se tenir ...» je secoue la tête et me baisse pour commencer à ramasser les différents cookie avant de me figer «tu … t'as mis beaucoup de chocolat dedans ? Tu sais combien t'en as fait ? » parce que si elle en a mangé plus d'un je l'emmène direct chez le véto.
Le “c’est impossible qu’on soit ennemis car chacun peut shutdown l’autre” n’est pas vraiment le meilleur début d’amitié que Charlie ait connu. Ceci dit elle ne crache pas dessus puisqu’il a totalement raison, et aussi parce qu’elle ne veut pas piétiner ce qui commence à naître entre eux. Elle a toujours été amie avec tous ceux qu’elle croisait, devoir forcer le destin pour que ça arrive ne fait pas du tout parti de ses habitudes. Clément est le premier avec qui la relation est si compliquée à mettre en place. Cela ne gêne pas Charlie de détester Maximilien ou Emmy, mais elle ne veut pas avoir à détester son danseur préféré. Tout le monde, sauf lui. Finalement la rousse ne lui répond pas, tout semble évident. Oui elle lui dira si elle veut qu’il back off, … tss, bien sûr que non elle ne le lui dira pas. Léo n’est pas un objet, il n’est pas un oiseau en cage ni une rose sous sa coupelle de verre. Même si son coeur lui criera qu’il veut qu’ils s’éloignent, elle ne leur dira pas. Et si jamais par malheur les mots sortent de sa bouche, tout le monde sait que Clément ne s’éloignera pas. Léo est sa proie et son chasseur en même temps. Ils se sont déjà revus une fois, bien d’autres suivront.
Le verre se fracassant sur le sol sort Charlie de ses pensées et brise le silence pesant qui commençait à s’installer. Les deux jeunes se sont dit ce qu’ils avaient à se dire, maintenant seul l’avenir sait ce qu’il adviendra de leur relation. A peine avaient-ils commencé à ne plus vouloir se lancer de couteaux dans le coeur que Moana n’en fait qu’à elle même et mange les cookies dont Clément n’avait pas voulu. D’abord amusée, la rousse revient rapidement à la raison, lâchant un « Putain. » sonore. Ce n’est pas une salade de quinoa qu’elle a mangé, mais bien du chocolat noir. La chienne s’enfuit la queue entre les jambes, bien consciente qu’elle vient de faire une bêtise, même si elle ne sait pas à quel point elle vient de mettre sa vie en danger. « Non … Non non je sais pas, mais même si elle n’en a pas pris beaucoup ça peut la tuer. Y’a un véto à Bayside, je t’accompagne. » Le grand jeu de Gnocchi était de voler des os et de se les coincer dans l’estomac, alors Charlie est rapidement devenue une fidèle cliente de la clinique vétérinaire. Elle laisse Clément s’occuper de récupérer sa chienne partie se cacher et commence à ouvrir la porte de la maison. La fautive récupérée elle presse le pas pour la clinique, à seulement quelques rues de sa maison. Le trajet ne dure qu’une petite dizaine de minutes mais semble être une éternité. Enfin sur place, les deux se coupent la parole entre eux face à la pauvre secrétaire pour expliquer le problème de Moana. Elle la fait passer en priorité et leur demande de rester dans la salle d’attente, trop excités pour venir dans la salle de consultation. Ils n’ont d’autre choix que de retourner sur des chaises, la convulsion frénétique de la cuisse de Charlie trahissant son inquiétude grandissante. « Ils vont la faire vomir, et au pire ils lui feront un lavage et … et ils lui donneront du charbon actif et voilà ? Hein ? Elle ira bien après. Je voulais pas la tuer, je voulais pas lui faire de mal. » Ses yeux en décomposition se posent sur le visage de Clément. Elle n’a rien voulu de tout ça, elle le jure.
Il est vrai que j'ai connu de meilleurs débuts d'amitié que celui-ci, la menace de pouvoir nuire à l'autre en cas de problème n'est pas ce qu'il y a de plus agréable en terme de confiance. Toutefois, plus je parle avec Charlie et plus je me rend compte qu'on a vraiment de nombreux points communs et je suis persuadé à quasiment 100% qu'on parviendra à devenir de vrais amis et non de simple connaissances qui se crachent dessus sans raisons.
Malheureusement, nous n'avons pas le temps de gérer tout ça que ma chienne décide de se faire entendre. Renversant le plat de cookie, elle commence à les dévorer comme si sa vie en dépendait avant que je ne l'enlève de son butin. Je l'engueule un peu mais suis rapidement pris de panique lorsque je remarque de gueule des cookies. Et Charlie ne fait confirmer mes craintes : c'est chocolat noir qui est a l'intérieur et même si elle n'en a pas mangé beaucoup ça peut quand même la tuer. Ni une ni deux, je rattrape ma chienne et rejoint Charlie à l'extérieur lorsqu'elle me dit qu'elle m'accompagne chez le véto.
Pendant le chemin, Moana semble heureuse et en pleine forme, comme d'habitude, comme si elle ne savait absolument pas ce qui se passait et que ce qu'elle a mangé est d'une extrême dangerosité pour elle. Arrivé chez le docteur animalier, Charlie et moi expliquons le cas de la chienne en parlant en tort et à travers, se coupant la parole l'un l'autre et laissant la pauvre femme a l’accueil dans l'incompréhension la plus totale. Celle-ci fini tout de même par nous comprendre et fait rapidement passer ma chienne en priorité, nous obligeons, nous humains, à rester dans la salle d'attente. Ça me tue ! Être séparé de Moana est vraiment la dernière chose que je supporte, encore plus quand je ne sais pas ce qu'ils vont faire.
C'est pourtant Charlie qui parvient à me rassurer. Elle me dit qu'ils vont la faire vomir puis lui feront un lavage avant de lui donner du charbon actif pour nettoyer son estomac et ses intestins. La détresse dans la voix de la jeune rousse se traduit autant par ses mots que par son ton sincèrement désolé. Je fini par poser une main sur sa cuisse, autant pour essayer de la rassurer que pour stopper les tressautements dans sa jambe qui commencent à me stresser « ça va aller Charlie» la rassurais-je comme je peux malgré ma propre inquiétude « Elle est résistante, tu sais c'est comme les moujingues quand ils tombent malade : ils se plaignent un peu pendant un ou deux jours et le troisième jour c'est comme si rien ne s'était passé» dis-je en souriant doucement « Elle n'a que 4 ans, Moana et est en parfaite santé. Donc y a pas de raisons que ça n'aille pas » non ? Rassure moi Charlie s'il te plait, dis moi que ça ira pour elle, que je ne vais pas perdre ma chienne à cause de ces fucking cookie « Et c'est pas ta faute» dis-je « Elle est trop gourmande pour ton propre bien et ...qui aurait pu penser qu'elle sauterait sur le plan de travail pour attraper les biscuits ? » je secoue la tête « Elle ne le fait jamais chez moi donc bon ...» j'hausse les épaules, lançant de nombreux coup d’œil vers la porte qui donne sur la sale d'auscultation.
Charlie se triture les doigts et se plantes les ongles dans la paume de la main sans même s’en rendre compte. Sa tête se relève avec entrain à chaque fois que la porte s’ouvre dans l’espoir d’avoir des nouvelles du chien de Clément. Elle ne ferait jamais du mal à un animal, ni à un humain, elle veut juste qu’elle aille bien. Elle ne fera plus que des cookies au chocolat blanc, c’est promis. La main de Winchester sur sa cuisse arrête immédiatement son réflexe de stress. Elle a toujours les même gestes quand la panique commence à s'engouffrer : se planter les ongles, et faire tressaillir ses jambes. Charlie ne s’en rend jamais compte puisque dans ces moments là elle est toujours occupée à penser à bien des choses autre que l’image qu’elle dégage au reste du monde. Il lui faut toute la force mentale de son ami (?) pour la rassurer, quand bien même c’est son chien à lui qui est malade. La rousse l’admire pour sa force de caractère, même si elle a encore un peu de mal à l’accepter. Il parle de moujingues, Charlie comprend pas ce que c’est. Ils se sont lancés un pari avec Léo pour l’embrouiller avec des mots compliqués sortis de nulle part, c’est la seule explication plausible. La volonté reste présente, sa voix est assurée (plus que celle de la rousse en tout cas), et elle comprend bien le but de ses paroles. Il veut la rassurer elle, et lui à la fois. « Oui c’est vrai. Y’a pas de raison que ça n’aille pas. Ils sont doués ici de toute façon. » Meaning, en plus de la force de Moana, il y a aussi toute l’expérience des vétérinaires. Combien de chiens leur sont amenés tous les ans après avoir manqué du chocolat, hein ? Ils savent gérer ça, ils peuvent et ils vont le faire. En plus, elle n’a pas dû avoir le temps d’en manger beaucoup, Clément a vite réagi et lui a tout fait recracher. Cela ne peut pas être bien grave. « Je te ferai des cookies au chocolat blanc la prochaine fois. Ou on ira manger en ville, ça sera peut être moins risqué … » Risqué pour l’intoxication alimentaire qu’elle pourrait leur causer, Charlie a un problème avec la cuisson de ses aliments qui finissent tous oubliés sur le feu. L’australienne ne se rend même pas compte qu’elle vient de parler de futures prochaines fois avec lui, parce que désormais ça paraît logique. Il a déjà revu Léo et son meilleur ami parle de lui avec des étoiles dans les yeux, alors c’est logique. Il ne faut juste pas que Moana meurt. Comme pour donner plus d'envergure à ses espoirs, Charlie attrape le bras de Clément pour venir enroule sa main autour avant de poser sa tête sur son épaule. Parce qu'à l'instant il est le seul sur qui elle peut se raccrocher. « Tout ira bien, je te le promets. »
La dernière chose dont j'avais envie, c'est réellement d'être ici, chez ce vétérinaire, assit dans la salle d'attente alors que ma chienne est dans la pièce à côté. Ne pas avoir de contrôle visuel sur elle, ne pas savoir comment elle va ni ce qui se passe ou ce qu'ils lui font, ça me fait sincèrement flipper. Mais je parviens à garder mon calme, d'autant plus que Charlie, elle, semble être sur le point de péter un plomb. Régit par la culpabilité, elle me dit qu'elle ne voulait la tuer, que ce n'était pas intentionnel. Secouant la tête, je lui fait comprendre calmement que Moana est un animal très résistant, qu'elle a l'avantage de la jeunesse et que nous avons agit très rapidement ce qui aidera sans aucune doute à son total rétablissement.
Soupirant, réussissant à se calmer un peu, Charlie confirme que les vétérinaires ici sont très compétant et je confirme ses paroles par un hochement de tête. Elle a raison, je les connais très bien et eux connaissent Moana. Elle n'a jamais été malade mais nous allons régulièrement faire des check up histoire d'être sûr et certain que tout va pour le mieux pour elle. La prise de parole suivante de la jeune femme, me fait doucement sourire « Je ne suis pas certain que le chocolat blanc soit meilleur pour la santé des chiens que le chocolat noir» haussais-je les épaules « Mais oui, allons mangé à l'extérieur la prochaine fois»
Ais-je réellement dit que nous nous reverrons ? Que ce n'est pas la dernière fois que je la vois ? Lorsque Charlie s'approche de moi, enroulant son bras autour du mien pour pouvoir poser sa tête contre mon épaule, je ne peux m'empêcher de sourire, fermant un instant les yeux. « Oui tout ira bien » soufflais-je, essayant sans doute de me rassurer moi-même.
C'est alors que la porte s'ouvre et je me redresse assez brusquement lorsque le vétérinaire s'approche de moi, gâchant magnifiquement ce moment de calme et de proximité avec la jeune femme. « Clément Winchester, c'est bien ça ?» me demande-t-il. «Oui, c'est ça » confirmais-je en retirant ma main de la cuisse de Charlie «suivez moi » je lance un coup d’œil vers la rousse et lui fait comprendre de m'accompagner avant d'emboîter le pas au docteur animalier. «Tout vas bien …. ? » m'inquiétais-je alors que je le rejoins dans la salle.
En m’apercevant, Moana, allongée sur la table, l'air épuisé, dresse les oreilles vers moi et, queue frétillante, m'observe alors que je m'approche directement d'elle. « Nous l'avons faite vomir, fait un lavage et nous lui avons donner quelque chose pour nettoyer ses intestins. Tout va bien » c'est avec un soulagement sans nom que j'accueille ses paroles alors que je chuchote des mots doux à ma chienne tout en la caressant avec douceur. «Toutefois, nous avons découvert, un peu par hasard, une anomalie au niveau de ses mamelles » je me redresse alors que mon cœur semble s'arrêter « Nous avons fait des test et n dirait bien que c'est une tumeur» incapable de dire quoique ce soit, je sens mes mains qui se mettent à trembler alors que ma respiration s'accélère subitement « Du coup on aimerait bien faire d'avantage de test pour savoir si c'est cancérigène ou si c'est bénin » ma main posée sur la tête de ma chienne, je fixe simplement le médecin, sans pouvoir dire quoique ce soit alors que clairement il attend une réponse « Monsieur Winchester ?» l'entendais-je reprendre «Est-ce que vous autorisez une opération ? » Je sais que je devrais répondre, mais mon cerveau à tout simplement cessé de fonctionner, alors que j'ai l'impression que mes jambes vont se dérober sous moi d'une minute à l'autre.
La théobromine est la cause de la dangerosité du chocolat pour les chiens, car plus il est noir et plus il en contient. Le chocolat blanc n’en contient quasiment pas, ce qui le rend inoffensif pour nos amis à quatre pattes. Charlie a lut ça un jour, quelque part, elle ne sait plus trop où. Elle aurait aimé étaler sa science devant Clément mais le contexte ne le permet pas, elle n’a pas envie de jouer d’ego avec lui ce soir parce qu’il n’est plus question de leur gueguerre. Sa chienne passe avant tout, et tant pis s’il pense qu’elle est un peu demeurée. Mais finalement, ils avaient tort. Non, tout ne va pas bien, non, tout n’ira pas bien. C’est plus grave que ce qu’ils auraient pu imaginer, les mots du vétérinaires semblent rebondi dans la pièce pour n’en devenir que plus tranchant à chaque minute qui passe. La jeune femme a le regard perdu, fixant un point inexistant, se demandant comment tout a pu si vite dégénérer. Clément se lève aussitôt, elle pensait qu’elle allait rester là le temps qu’il aille auprès de sa chienne, qu’elle allait les laisser un peu seuls après tout le mal qu’elle a causé. Or elle est profondément surprise (touchée ?) quand il lui demande de la suivre, ce qu’elle fait sans un mot, tremblante. Même si elle fait désormais partie intégrante du tableau, elle continue de rester en retrait, assis sur la chaise posée dans le coin de la salle d'auscultation. Elle était là pour elle, elle l’attendait. Les annonces du vétérinaires vont de mal en pis, la tête de la jeune australienne se renferme à chaque fois un peu plus dans ses épaules. Elle pourrait avoir une tumeur. Putain. Pas besoin de sortir de l’école de médecine pour savoir que c’est pas bon. La jeune femme observe les réactions de Clément, comme elle le fait si souvent. Elle voit bien sa main trembler frénétiquement, même s’il ne faut pas être un génie pour observer ça. Elle vient instinctivement à sa rescousse et se place à ses côtés, une main sur le ventre de Moana, l’autre recouvrant doucement sa main à lui pour stopper ses tremblements. Pour lui dire qu’elle est là aussi, et qu’elle sera toujours là pour lui même si elle déteste le voir se rapprocher de Léo. « Dis oui Clément. » Tente-t-elle enfin d’articuler tout en paraissant sûre d’elle. C’est faux, elle ne l’est pas, mais c’est ce que Winchester a besoin de croire. « Ils ont trouvé le problème tôt, Moana ne craint rien. Ils veulent juste s’en assurer. Tout ira bien. »
Jamais, Ô grand jamais, je n'aurais imaginé une seule fois que j'aurais eu affaire à ce genre de nouvelles. En débarquant aujourd'hui chez Charlie, je n'aurais aucunement parié que ma visite se finira chez le vétérinaire afin de sauver Moana d'une intoxication au chocolat. Mais pire encore que cela, ce sont les nouvelles que le vétérinaire m'annoncent : tumeur, possibilité de cancer, opération. Je n'en ai pas besoin de plus pour perdre pied. La dernière fois que j'avais l'impression que mon monde allait s'écrouler c'est lorsqu'Ambroise m'a annoncé sa maladie et ma réaction était bien démesurée. Alors qu'à ce moment là c'est mon côté égocentrique qui est ressorti, aujourd'hui la panique fait que je me taise, que je ne sache pas quoi dire ou comment réagir.
C'est pourtant, et contre toute attente, Charlie qui s'avance vers moi et prend ma main dans la sienne, sans doute autant pour me rassuré que pour contrôler les tremblements incontrôlables de mes doigts. D'une voix douce, elle me dit de dire oui, qu'ils ont découvert cela assez tôt et que Moana ne craint rien. « Exactement» confirme le vétérinaire « Elle n'a que 4 ans, elle a toutes les chances de s'en sortir. C'est une opération banale pour nous, notre chirurgien la gère parfaitement et ...» «J'ai pas les moyens » soufflais-je finalement d'une petite voix «Pardon ? » en relevant mon regard, je vois l'interrogation dans les yeux du vétérinaire, preuve qu'il n'a réellement pas entendu ce que je viens de dire «Je...j'ai pas les moyens de payer une opération » reprenais-je, un peu plus fort, sur un ton empli de désespoir « Je ...» je secoue la tête et déglutit « Je peux pas payer pour ...»
Du coin de l'oeil je vois le vétérinaire qui pose une feuille devant moi «Moana est assurée » explique-t-il « Et j'ai déjà vu avec l'assurance, elle prend ce genre d'opération en charge à 100%» j'écarquille les yeux puis attrape la feuille et lit ce qui y écrit dessus « Je ...je savais pas qu'elle était assurée. Je ...» je relève mon regard sur le vétérinaire qui hausse simplement les épaules «Il faut croire que c'est le cas. Du coup, je programme l'opération ? » je pose mon regard sur Moana qui m'observe, langue pendante et queue frétillante puis hoche la tête «oui. Oui, le plus vite possible » affirmais-je. « Très bien» reprend le docteur « Je vais voir avec le planning et je reviens» dit-il en sortant de la pièce.
Une fois la porte refermé derrière lui, je soupire lourdement et m'appuie contre la table d'auscultation avant de tirer une chaise sur laquelle je me laisse tomber. Reprenant la feuille en main je la lis plus attentivement et secoue doucement la tête «On n'a jamais fait assuré Moana » dis-je à l'attention de Charlie «Je comprends pas d'où il sors ça ... » reprenais-je en désignant la feuille avant d'aller caresser la tête de ma chienne « C'est pas possible » je déglutis, ne sachant sincèrement pas si je dois être heureux, troublé ou inquiet.