In this house of broken hearts, we made our love out of sstacks of cards. And yes, we tried, to hold on tight 'cause we knew our love was hard to find. And our paper houses reach the stars, 'til we break and scatter worlds apart. Yeah, I paid the price and own the scars. Why did we climb and fall so far ?
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→ D’heureux souvenirs… J’esquisse un léger sourire alors que mon regard va et vient entre les tombes au loin, pour finir par observer une petite abeille en train de butiner l’une des fleurs que Timothy a plantées ici, dans cette partie où personne ne gît encore. Petit parterre de lumière au beau milieu d’un hectare de désespoir. Et je souffle la fumée de ma cigarette alors que je repense à l’Irlande et aux rares fois où je me suis senti libre. Il y a des sensations que je n’oublierai pas. Celle de l’eau gelée qui lèche mon corps et le pétrifie au petit matin après un plongeon inopiné. Le goût de la bière qui me rend joyeux et me fait chanter et danser au beau milieu de Temple Bar, gagné par l’euphorie et la foule bruyante. Le souvenir de ces guitares, de ces chants du pays, entraînants et des pieds qui virevoltent, des robes qui se soulèvent et des chaussures qui claquent au sol. Les traditions irlandaises, les rues pavées et les immenses bâtiments, austères, impérieux. La pluie aussi. Surtout la pluie, qui tombe tous les jours là-bas, parfois sans relâche et sans éclaircie. La pluie qui soulève les odeurs de la ville et la fait baigner dans une humidité continue. L’Irlande a été douce avec moi par bien des égards. Mais mes souvenirs sont entachés de drames, de violences, de coups et d’insultes. De cris, d’injonctions, de sueurs et de transpirations. De désespoir, d’alcools, de perdition… Je passe une main sur mon visage comme pour chasser tout ça et revenir à l’instant présent. Je grimace à cause de la migraine, cherche la bouteille qui est pourtant terminée et souffle. Je n’en ai jamais assez, jamais assez pour oublier. – Ouais, j’en ai quelques-uns. Fugaces, futiles, ils ne font que me rappeler ma misérable existence et mon échec. C’est de la torture, un vrai supplice de savoir que le bonheur était près, qu’on a pu le toucher, l’effleurer mais pas le saisir. Et la conversation dévie sur Lonnie, sur nos problèmes évidents de communication et me voilà qui soupire à nouveau. – J’en sais rien, j’ai grave merdé avec lui tu sais. Dès que papa a levé la main sur lui, je l’ai abandonné et je me suis renfermé sur moi-même. Je n’ai pas su géré le traumatisme infligé par le paternel et je n’ai été d’aucun secours à mon petit-frère. J’aurai dû le protéger, j’aurai dû me jeter devant lui. Je n’ai rien fait. J’ai assisté, impuissant, à ses corrections en attendant mon tour et en priant pour que notre père me frappe plus fort encore, comme si cela pouvait me permettre de rattraper mes manquements envers lui. Foutaises. Conneries de lâche. Et Timothy parle d’être optimiste, ce qui me fait pouffer dans ma barbe. Combien de fois ai-je voulu lâcher l’affaire ? Arrêter de me battre, sombrer une bonne fois pour toute ? Le fait est que le corps ne semble pas être programmé pour mourir, il y a quelque chose en nous qui lutte constamment en dépit de notre volonté à lâcher prise, un réflexe de survie, quelque chose qui nous ne contrôlons absolument pas et qui fous en l’air nos plans d’illuminés, en quête d’endormissement éternel. – Peut-être qu’on aime ça souffrir finalement. Peut-être que nos familles nous ont habitué trop jeunes à la souffrance et qu’on ne sait pas vivre autrement. Peut-être qu’on ne sait pas faire autrement, ouais. Et que la souffrance c’est la vie, aussi bêtement que ça. Alors on la cherche, on se l’inflige et on pense connement qu’ainsi, on est en vie, sans nous rendre compte qu’on court à notre perte. Et sur ces belles paroles, pleines d’optimiste, je demande à Tim s’il a quelqu’un dans sa vie, quelqu’un qui peut lui donner l’envie d’être meilleur. ‘Je suis cassé, je ne suis pas normal’… Voilà un bien triste constat. Je secoue la tête et tire sur ma clope comme un forcené, avant de sourire bêtement – Non, personne. Et c’est mieux comme ça, j’suis pas normal non plus, le pauvre mec s’arracherait les cheveux avec moi. Ça me semble évident, non ? Je lâche un énième soupire et tourne mon visage vers mon ami, désolé de lui infliger ce spectacle désolant aujourd'hui. - J'suis désolé, j'suis pas de super compagnie et j'suis nul pour remonter l'moral des gens. A chier, carrément. C'est déprimant ici, je trouve. Tu fais un taf bizarre. Si t'as envie de sortir un de ces soirs, faut pas que t'hésite, j't'emmenerai dans un pub, boire une guinness. ça te tente ?
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Le malheur était peut être la seule issue, peut être que Harvey avait raison. Tim n'avait jamais vu les choses ainsi: il avait toujours de quoi rebondir, pouvant compter sur un entourage toujours bien présent pour lui. Certes, Alex et son frère avaient disparu pendant quelques temps, mais il y avait eu Ivan et quelques autres connaissances qui l'avaient aidé à surmonter les épreuves de sa vie au quotidien. Tout ne pouvait pas être tout noir ou tout blanc de toute manière, quoiqu'on en dise, il y avait toujours une lumière au bout du tunnel et lorsqu'on volait trop haut, la chute ne pouvait qu'être brutale. Alors, il avait mieux choisir des teintes grisées et espérer que ce serait suffisant pour avoir une belle vie. Timothy ne l'avait jamais vraiment connue, la belle et grande vie, celle qui avançait à cent à l'heure et qui vous laissait essoufflé en conséquence. Tout était lent autour de lui, des pas des invités du cimetière aux transports en commun qui arrivaient toujours en retard. La vie du jeune Decastel n'était faite que de routines et en entendant les mots d'Harvey, il se disait qu'il y avait potentiellement quelque chose à accomplir et si ce n'était pas à Brisbane, ce pourrait toujours être ailleurs car il y avait toujours un ailleurs. "On peut rêver que de ça, que de bons souvenirs, alors c'est déjà un début... Et pour Lonnie, je suis sûr que t'en as des jolis avec lui aussi, même si vous êtes pas en bons termes maintenant." C'était la seule d'optimisme qui lui restait. Autrement, tout était noyé dans les doutes persistants, cette envie de vivre détruite par les événements traumatisants qu'il avait vécus. Oui, Harvey avait raison, il n'y avait que le malheur qui semblait les transporter et ils retournaient bien vite le chercher. Comme un aimant. Comme une drogue dure. "On peut pas dire que le bonheur par expérience, ça nous connaît alors, il y a sûrement une part de vrai dans ce que tu dis, on est peut être plus attirés par le mauvais... J'espère pas entièrement, cela dit." Comment tiendraient-ils sinon? Timothy n'était pas certain de le vouloir et instinctivement, il porta le fagot allumé à ses lèvres, manquant de s'étouffer avec parce qu'il était Tim et qu'il n'avait jamais rien tenté jusque là. Il se reprit bien vite cela dit, son regard se posant sur son camarade d'infortune. "Bon courage aux personnes qui oseront nous aimer un jour... T'en fais pas pour ça, j'suis apparemment pas meilleur pour ça et pire encore, je sais pas fumer. Si je te dis que j'ai jamais bu de Guinness, je te désespère à quel point? Mais ce sera avec plaisir, bien sûr. Si t'es capable de supporter ma tête en dehors du contexte d'une école ou d'un cimetière parce qu'on est jamais sortis de ce cadre pourri, dis moi." Ils avaient été deux gamins en souffrance, deux gamins perdus et maintenant, ils étaient les mêmes mais en version adultes. Pouvait-on faire plus désespérant qu'eux, vraiment?
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→ De jolis souvenirs avec Lonnie… Je n’en ai que quelques-uns auxquels je me rattache avec force, craignant de les voir disparaître, ensevelis sous la marée noire de tous les autres. Je nous revois à Gold Coast, après que j’ai emprunté la mobylette de notre voisin en la troquant contre un peu d’argent volé dans le porte-monnaie de ma mère, nous octroyant ainsi quelques heures de pur bonheur, juste à Lonnie et moi. Je me souviens du sourire qui illuminait son visage en découvrant la plage et les vagues ; de la glace qui avait atterrit sur le trottoir, en fondant trop vite ; des cailloux lancés dans l’eau depuis la jetée, et du coucher de soleil admiré depuis la crique, unique, parfait, sensationnel. Un soupire s’échappe de mes lèvres alors que le souvenir me happe totalement et je réponds dans un murmure – Ouais, j’en ai des bons souvenirs… J’en ai… Et je les chéris plus que tout, car ils me rappellent que nous aurions pu être des gamins normaux, que nous aurions pu être heureux… Que nous l’avons été, même si ce bonheur fut de courte durée. En attendant, le malheur nous colle aux basques, et c’est à se demander si finalement ce n’est pas nous qui en est responsables. Peut-être que c’est rassurant et confortable la souffrance à force, vu que c’est un sentiment connu ? Ça ne devrait pas qu’on nous dit, ça ne devrait pas mais si c’est le cas ? Si nous ne savons pas vivre autrement, sommes-nous réellement condamnés ? J’hausse les épaules, je n’ai pas les réponses à toutes mes questions existentielles malheureusement. Bien souvent, je subis plus que je ne vis et je finis par me dire que le destin est un putain de marionnettiste en colère. Je tourne mon regard vers Tim qui s’étouffe avec la clope et pouffe un peu en le voyant faire. N’avait-il jamais fumé avant ? Quand je dis que j’ai une mauvaise influence… Je lève les yeux lorsqu’il m’annonce n’avoir jamais bu de Guinness. Ce n’est pas étonnant, la bière brune ce n’est pas trop le truc des Australiens, ils préfèrent la blonde ici. – Bien sûr que j’en suis capable, t’es con ou quoi ? Et j’serais ravi de t’embarquer dans un pub, faire une partie de fléchette, boire une bonne bière. Une soirée tranquille, sans prise de tête… Et loin de tout ça. Je désigne le cimetière d’un vague geste de la main. Loin de tout ce désespoir, loin de toute cette tristesse… La bière, c’est l’alcool joyeux, l’ivresse drôle qui fait gonfler le ventre. Je tapote l’épaule de Tim et extirpe mon vieux téléphone pourri de ma poche. – Tiens, rentre ton numéro et appelle-toi pour avoir le mien. On se programme ça bientôt si ça t’va ? Calant la clope entre mes lèvres, je me relève difficilement, titube un peu puis arrive à m’équilibrer. Veste sur l’épaule, j’observe mon ami et tente un sourire qui ressemble plus à une grimace qu’autre chose. Retrouvailles inattendues, qui ont réussi à alléger mon cœur meurtri. – Merci Tim… Et ne reste pas trop seul ici… Hésite pas, si t’as besoin de quoi que ce soit.
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Le passé aurait dû rester enterré, comme la multitude de corps non loin d'eux. Pourquoi en parler alors qu'ils étaient censés être libres de leurs souvenirs? Tim se doutait que ce n'était jamais aussi simple que cela. C'était leur identité après tout, ces moments partagés, ces douleurs qui les avaient forgés... Sans eux, il n'y avait pas de Harvey. Pas de Timothy. Juste des cadavres comme ceux qui peuplaient le vieux cimetière où ils se trouvaient. Decastel aurait aimé avoir un discours rassurant envers son ami mais il n'avait aucune réelle réponse à lui apporter. La vérité, il ne connaissait pas grand chose de la vie, il y errait comme tout le monde mais avec encore moins d'expérience que ces gens là. Timothy survivait tout juste et parfois, même, il se retrouvait le bec dans l'eau à attendre qu'on l'achève. C'était bien souvent ainsi lorsqu'il allait rendre visite à sa mère et qu'il ressortait de la pièce avec cette terrible boule au ventre qui mettait bien des jours à disparaître. Il détestait cette sensation, cette mort au creux de son âme qui n'avait jamais l'air de laisser place à la joie tant attendue. Harvey non plus, apparemment, ne ressentait pas ce doux sentiment. Il n'y avait que la solitude qui remportait la bataille au sein de leur vie, mais c'était également ce qui les avait toujours rapprochés, hier comme aujourd'hui. D'ailleurs, Timothy ne put que hocher la tête face à toutes ces paroles, laissant place à un silence profond et réflexif. La fin de l'instant venait peu à peu alors que Tim menaçait de s'étouffer avec une cigarette: un des multiples exemples probants de sa non expérience de la vie. Il réussit à revenir dans la discussion cela dit, les yeux brillants malgré la suffocation alors qu'il s'exécutait en attrapant le téléphone de son ami pour opérer cet échange de numéros. "Marché conclu, on s'appelle dans ce cas. Et Harvey? Prends soin de toi. C'est important. Merci d'être revenu." Il lui fit un clin d'oeil avant de le regarder partir. Harvey avait toujours eu une place importante dans son histoire parce qu'ils s'étaient supportés dans les pires moments qu'ils avaient pu vivre chacun de leur côté et Tim avait toujours été reconnaissant envers lui. Cette fois, ce serait peut être à lui de l'aider. Il l'espérait en tout cas en se relevant pour se remettre au travail, la journée n'était pas encore totalement finie pour lui.