« Coucou. C'est John ou Johnny. Il faut que je te voie, c'est urgent. RDV à l'hôtel de Brisbane dans une heure. » Son boss n’allait pas être ravi. Freya allait devoir se carapater plus tôt – beaucoup plus tôt – que son horaire habituelle de fermeture. Elle pourrait culpabiliser mais elle était loin de ce stade là. Freya Doherty culpabilise peu, voire jamais. Et elle n’a aucun scrupule à aller toquer à la porte du bureau de son patron pour lui demander de la remplacer par Phil. Certes, il lui manquait la jolie poitrine qui donne envie aux clients de cracher leurs sous un peu plus à chaque tour (ils pensaient peut-être être impressionnants?) mais il était efficace. Quand on lui demande la raison de son départ précipitée, Freya ment quand une arracheuse de dent en affirmant que c’était une urgence familiale. Son boss explose quand même, pour faire bonne figure. Il lui rabâche qu’elle n’était pas dans un moulin, qu’elle devait faire ses heures, un point c’est tout. Freya attend patiemment que la tempête se calme avant de montrer les crocs. Elle partira même s’il ne le veut pas. Il la vira. Elle le dénoncera. Le visage du boss passe par toutes les couleurs et Doherty sait qu’elle avait gagné en touchant le point sensible. Oui, elle avait signé un contrat de confidentialité. Officiellement, elle travaille dans une boutique de divers objets aussi inutiles qu’indispensables. Il avait même pas été fichu d’être un brin original. Mais non, il ne faut pas attirer l’attention. Et la menace évoquée par la brune (sa couleur naturelle avait repris le dessus au final) eut l’effet escompté. Même si elle sait qu’il y aura un retour de bâton, d’une façon ou d’une autre. Elle se change rapidement avant de prendre son sac et de filer. Ce que son boss pourrait lui faire dans le futur était le cadet de ses soucis. John Williams venait de lui envoyer un message et franchement, rien que ça, c’est inquiétant. Pourquoi il veut la voir, en plus en urgence et surtout à cette heure-ci ? Freya ne se rappelle même pas qu’ils avaient échangé leur numéro de téléphone. Elle devait être encore trop torchée le jour où ça a dû arriver. John l’avait rarement vu dans son état normal – hormis les cinq premières minutes de son arrivée au MacTavish, juste avant qu’elle se mette à les enchaîner. D’ailleurs, que ne fut pas sa surprise quand un des employés lui a affirmé que Williams ne travaillait plus pour eux, il y a quelques semaines de cela. Elle n’aime pas qu’on la perturbe dans ses habitudes, la suédoise. Elle aime quand elle retrouve les personnes, les choses et les évènements là où ils sont sensés se produire.

Alors que John est disparu du MacTavish sans rien dire, ça l’a froissé.
Oui, être vexée est un naturel chez Freya Doherty.

L’unique fille Doherty est ce genre de personnes qui aura cet air ‘je m’en foutiste’ et qui grommellera toujours quand on viendra lui parler mais dans le fond, elle apprécie qu’on remarque sa présence, qu’on pense à elle et qu’on se soucie de ses pensées. Mais ça, plutôt se tirer une balle dans le pied que de l’avouer. C’est pourquoi le message de son ancien barman favori a eut vite fait de l’alerter. C’était inhabituel, hors de la routine familière. Et Freya sent les battements de son coeur qui s’étaient accélérés – peut-être parce qu’elle est en train de pédaler comme une folle sur son vélo dont la roue avant manquerait bien d’être boulonnée comme il se doit. Heureusement, son travail n’est pas loin de l’hôtel (pratique pour le business apparemment). Après avoir attachée son vélo (de toute façon, il n’est pas de première fraîcheur, il y a peu de chance qu’on le lui vole), Freya franchit les portes de l’hôtel, les yeux balayant la pièce du regard. A cette heure ci, c’est le service de nuit et peu de monde occupe l’espace luxueux de l’établissement. La jolie brune ne se laisse pas distraire par un employé lui demandant ce qu’elle souhaite et trace sa route vers le coin bar. Elle sent que c’était là bas qu’il allait l’attendre. Ses boyaux étaient tordus et elle a un mauvais pressentiment sur le sujet de leur rencontre ici. Elle finit par repérer une carrure assise sur un des fauteuils, dos à elle. Freya s’y dirige, pose sa main sur son épaule qui sursaute avant de se retourner. « T'es là... » Il la prit même dans ses bras et Doherty s’inquiète encore plus. Mon Dieu qu’il a un air affreux. Elle était la spécialiste de la déprime et à en juger par les traits de John, il est en plein dedans. Elle le suit sur le sofa tout en jetant un regard sur les mains tremblantes qui couvraient la sienne. « Evidemment que je suis là. Tu m’as foutu une flippe incroyable. Tu disparais du MacTavish et tu réapparais en me convoquant en plein milieu de la nuit avec le mot ‘URGENT’ placardé dans ton message. Ca fout le stress à n’importe qui de sensé, t’sais. » Freya se débarrasse de son sac avant de mettre son unique main libre sur celles de John. « Tu parais moins con les cheveux courts, en tout cas. » C’est son moyen pour détendre l’atmosphère car elle sent que ce n’est pas un meeting anodin.

Cet élan d’affection soudain eut l’effet de surprendre grandement la jeune femme. John est certes une connaissance, quelqu’un qu’elle respecte et qu’elle apprécie, mais elle ne s’attend pas à autant de gestes physiques à son égard aussi intimes. De toute façon, elle ne devrait pas être surprise ; il l’avait déjà aidé à retenir ses cheveux alors qu’elle avait la tête dans la cuve des toilettes. Mais en général, quand Freya voyait John, elle est alcoolisée et ne répond guère de ses gestes. D’ailleurs, elle lui fait assez confiance pour savoir qu’il se montrera toujours en gentleman et qu’il saura la stopper avant même qu’elle même le fasse (ou pas, parce qu’en général, si elle sait quand elle commence, elle ne sait jamais quand elle finit). Mais le cadre de l’hôtel était différent, le rendez vous inopiné aussi. John a demandé à la voir elle et dans ce lieu. Franchement, Freya sent déjà ses boyaux se retourner. Elle peut imaginer le pire – de toute façon, elle voit toujours le verre à moitié vide qu’à moitié plein, ce n’est pas une surprise. Quand John lui évoque sa longue histoire avec le MacTavish, ou plutôt pourquoi il y travaille plus, Freya arque un sourcil. Franchement, elle se plaint pas de son propre poste. Au moins, la population qui s’y présente est en général plutôt fortunée qui n’ont pas le temps de s’attarder sur une minette de croupière. Après, bien sûr, il y a toujours des porcs prêts à vous mettre la main au cul à la moindre occasion mais ça, son boss n’apprécie pas. ‘La foire aux putes, c’est à côté.’ Ce n’est pas fin, encore moins distingué et carrément outrageant mais au moins, Doherty sait qu’on ne risque pas de devoir porter plainte pour harcèlement sur son lieu de travail. Pour être honnête, elle a d’autres chats à fouetter.

Comme son frère, qui occupe bien trop ses préoccupations au fil du temps.

Freya sourit brièvement sur son retour à propos de sa coupe de cheveux. C’est vrai que c’est différent. Elle l’aimait bien avec les cheveux longs, ceci dit, mais bon, la tignasse, ça repousse. Et puis, c’est sa tête, il fait ce qu’il veut. Elle, elle passe bien du brun au blond tous les quatre matins. Bien sûr, les colorations étaient maison, elle n’a pas les moyens de les faire faire chez un coiffeur. Mais avec le temps, Freya a fini par prendre la main et savoir comment faire. C’est son unique coquetterie, elle qui ne se maquille jamais et qui passe son temps en jean et tee shirt.

Pas le temps, pas l’argent.

Quand John finit par lui expliquer la raison de son absence au MacTavish, Freya pousse un léger cri de victoire tout en tapant ses mains entre elles. « Je le savais ! Je me disais bien que c’était qu’une question de temps avant que ça arrive. » Après tout, le jeune homme a toujours été d’un calme exemplaire, même face aux pires cons qu’il pouvait avoir en face de lui. Combien de fois Freya avait pris position et tenté de le défendre face aux clients qui le prenaient pour leur larbin ? Après tout, elle ne voulait pas qu’il perde son poste et elle, elle était la cliente, elle pouvait donc hurler contre les autres si ça lui chantait, tant qu’elle payait son addition au final. Mais voilà que ce qui devait arriver arriva. Freya n’est ni surprise ni choquée. Par contre, elle ne peut s’empêcher de rire légèrement. « T’as troqué un bar pour un club de striptease ? Et ben, tu parles d’un changement de cadre ! Faudra que je viennes voir ça. » Doherty essaie tant bien que mal de détendre un peu cette atmosphère qu’elle sent tendue, quand bien même l'humour n'est pas sa force. John lui même n’est pas dans son assiette, elle le voit bien. Mais franchement, c’est une ambiance qu’elle n’aime pas et qui la met mal à l’aise. La jeune femme eut même la pensée qu’elle aurait peut-être dû s’abstenir de venir.

Mais elle aurait encore plus stressée si elle n’était pas venue.

« Bien évidemment, Johnny, pas du tout ton genre, réplique-t-elle tout en tapotant son genou. Tant qu’y a un mini bar et que c’est toi qui régale, let’s go. » Au moins, il n’y va pas par quatre chemins.

Les nuits sans sommeil, Freya les expérience malgré elle. Ce genre de nuit où vous tournez sans jamais en finir dans vos draps, en repassant dans votre tête l'histoire de votre vie. Souvent les mauvais passages, les chapitres les plus sombres du livre. Ils vous tiennent éveillé, les yeux fixés sur l'horloge où défile le temps d'un sommeil que vous aurez définitivement perdu. Les insomnies, les nuits blanches, les nuits vides, ce sont de véritables tortures. Enfermé dans le noir, vous vous retrouvez seul face à vos doutes, vos peurs, vos mauvais choix, vos démons. Freya a souvent pris l'habitude de ne pas rester aux proies de ses terreurs nocturnes. Elle allume la lumière, elle se lève, elle s’occupe. Elle dessine, elle regarde la télé, elle prend un café (ça aide vachement pour dormir, me direz-vous), elle part faire le tour du quartier. Ne pas rester prisonnière de ses propres tourments, de ses incubes maléfiques. Bien sûr ils ne sont jamais très loin. Mais il faut savoir les tenir à bout de bras, le plus éloigné possible de soi. Freya réussit à les occulter totalement que quand elle pose sa bouche sur un verre d'alcool fort. Le liquide lui monte alors vite à la tête et fait office de morphine dans son cerveau. Tout se calme, tout s'arrête, il n'y a plus que le moment présent qui compte.

John a cette tête de celui qui n'a pas vu Morphée depuis un moment. Les paupières lourdes, les yeux cernés, l'air tendu et visiblement sur le qui-vive. Elle ignore pourquoi il l'a appelé elle, qui n'est qu'une banale cliente de son ancien lieu de travail,et non quelqu'un de plus proche de lui. Peut être qu'il a besoin de s'exprimer sans qu'on le juge et Freya est la personne parfaite pour ce rôle, si c'est le cas de figure. Les changements de coupe de cheveux, ça la connaît aussi. Elle qui passe du foncé au clair avant même votre prochaine respiration. Cette lubie lui est venue alors qu'elle était adolescente. Elle a même essayé les couleurs non naturelles, comme le bleu ou le rose. Cela agaçait prodigieusement son aîné. Mais c'était sa façon à elle de se démarquer de ses frères, de son jumeau surtout, de leur famille et ses fichus gènes. Maintenant, la blondeur lui confère un aspect angélique qu'elle n'est absolument pas mais qu'elle adore aborder. Les gens se soucient d'abord de la couverture, qu'on le veuille ou non. Les mentalités ne changeaient pas et de surcroît, Doherty prend un malin plaisir à détruire l'opinion qu'on peut s'être déjà forgée simplement en la voyant. 

C'est pas un ange, c'est un être déchu qui cherche encore sa place sur cette terre. 
Mais ça, les inconnus ne sont pas censés le savoir.
Même si son comportement parfois outrancier peut laisser apercevoir que non, elle ne vient définitivement pas des cieux.

Une fois dans l’ascenseur, Freya croise les bras tout en se posant contre une des parois de la machine. « T'inquiètes pas, c'est d’jà noté dans ma p’tite cervelle détraquée. » Un léger sourire appuie ses mots. Elle sait ce que c’est de faire un travail qu’on n’aime pas, qui ne sert qu’à arrondir les fins de mois et payer le loyer. La blonde est dans la même situation et ça l’étouffe de plus en plus. Si un jour elle finit par claquer la porte de ce fichu casino, ça ne la surprendrait même pas. « Tant que la main d’oeuvre est gratos. Répond-t-elle alors que John lui enchaîne les mots qu’elle aime entendre.» Cocktails autant qu’elle veut, voilà à quoi doit ressembler son paradis personnel.

Une fois arrivés dans la chambre, John se dirige droit vers le mini bar – bon gars. Freya laisse glisser son sac pour l’accrocher sagement au porte manteau d’entrée. « Y a qu’un lit, c’est normal ? » Il va sûrement lui dire que c’était la seule qui reste. Et évidemment, Doherty ne le croira pas. Mais son ton léger laissait bien entrevoir qu’elle s’en fiche comme de ses dernières chaussettes trouées. Au pire, elle a déjà conduit à vélo un peu éméché, ça ne serait pas la première fois. John revient avec les cocktails dans les mains et la jeune femme eut un visage rayonnant qui se tasse immédiatement quand il se remet à parler. « Tu te souviens de ce fameux soir .. ? Celui où on a trouvé cet homme qui faisait une overdose .. Cette image ne cesse de me hanter depuis quelques jours.. il n'y a qu'à toi que je peux en parler.. » A peine ses lèvres posées sur le bord du verre que Freya s’arrête net. Elle lève les yeux vers lui, juste le temps de le voir liquider son verre en une gorgée. « Attends… Tu m’as fait v’nir pour causer d’ça ? »

Elle ne veut pas en parler. Elle veut oublier, bordel. Comment John peut lui lâcher ça, comme ça ? Franchement, à la lecture de son message, elle ne s’est pas attendue à ça ! Elle qui avait songé qu’un pacte secret les unit, celui de ne jamais en parler, à personne et jusqu’à la fin des temps. Freya n’aime pas qu’on lui remue le couteau dans la plaie et là, la conversation déviait vers un sujet qu’elle ne veut pas aborder. Alors elle fit ce qu’elle fait de mieux ; boire et gueuler. Alors elle but à son tour cul sec son verre, sans saveur puisque John vient de lui couper le palais. « P’tain, Williams, c’est pas possible, tu peux pas m’dire de rappliquer pour ça ! J’croyais qu’on en en parlait pas ? P’tain d’merde, il va m’falloir de l’alcool plus fort qu’ça. » Oublier les cocktails, il lui faut du liquide dur et pur. Elle peut partir, elle le sait, mais John lui fait presque pitié. De toute façon, est-ce qu’elle serait venue s’il lui avait écrit le sujet dans son message ? Certainement pas. Se dirigeant alors vers le mini bar, Freya prit la première bouteille qui lui tombe sur la main – du gin. Parfois. Fort et robuste, plus que deux verres et elle pourra tenir cette conversation sans pester.

Peut-être.

Il avait l'alcool mauvais. C'était certainement ce qu'avait dû se dire ce pauvre Dustin lorsqu'ils étaient encore tous les deux au lycée. Au lieu d'assumer ses activités illégales, ce cher Doherty, soupçonné par le proviseur avait vite fait de cacher les drogues dans la poche de son vieux pote pour mieux le dénoncer... Oupsy. Ce fameux intello avait dû abandonner l'idée d'aller à Harvard par sa faute mais au moins, il n'était pas allé en prison. Wren, lui s'était bien marré en voyant le principal attraper son camarade par le pull pour le coller avec brutalité dans son bureau. Oupsy deuxième édition.. Il aurait mieux fait de rester sobre à ce moment là pour ne pas devenir le meilleur Joker de la saga. Oui, le narcissique, pervers mais merveilleux Joker. Il ne lisait pas beaucoup en général mais Wren avait dévoré la collection de comics mettant en scène ce vilain si machiavélique qu'il avait fini par en adopter les mimiques lorsqu'il tâchait de faire un deal avec un gang sacrément effrayant. Il aurait pu faire brûler un hôpital aussi, comme ce justicier incompris mais Wren essayait de rester une personne à peu près respectable. Enfin, le Joker aussi était quelqu'un de respectable à ses yeux, menteur à souhait mais d'une vive intelligence qu'il se sortait de toutes les situations... Un peu comme Wren ce soir là. Il s'était incrusté au bar de l'hôtel, enchaînant les bons whisky en pensant à @Maze Crawley, il regrettait déjà son attitude. Ce n'était tout de même pas sa faute si des emmerdes tombaient tout le temps sur les Doherty, oui, il pensait à @Freya Doherty et ses problèmes récurrents. Ils en avaient tous cela dit, lui le pompier accro aux flammes, incapable de se tenir quand des @Kane Williamson apparaissaient comme le mec parfait par excellence. Cela dit, les femmes aimaient les bad boys, @Deborah Brody aurait pu témoigner. Il aurait dû l'inviter pour cette charmante beuverie ou @John Williams tiens, il était souvent d'une grande aide dans ce genre de soirées. Wren espérait simplement en pas finir dans le coma, ce serait dommage de voir débarquer @Lene Adams pour un bouche à bouche, à moins que @Jaylen Daxson prenne sa place. Weird. Il aurait dû aller au cinéma, retrouver @Clément Winchester pour un autre chef d'oeuvre plutôt que de mettre sa tête dans la bouteille de tequila et se faire passer pour un serveur dans les chambres de l'établissement. Cela dit, il aurait pu faire pire, il aurait pu se prendre deux ou trois rails en compagnie de @Charlie Villanelle et @Léo Ivywreath aurait certainement dû intervenir avant que la catastrophe ne se réitère. Ah que @Gabriel Carnahan et sa sagesse lui manquait à cet instant, alors qu'il toquait à une porte au hasard, à la recherche d'un mini bar plein. Il s'autorisa à ouvrir avec le pass des gens de service, oui, qu'il avait volé subtilement. Il ne fit pas spécialement attention à la scène sous ses yeux, courant vers le mini bar pour y dégoter des petites bouteilles alcoolisées. Son butin sous le bras, il s'apprêtait à partir avant de regarder les deux personnes en présence. "Freya, ma sis'! Euh John?" Confus, très confus et il n'aimait pas spécialement l'idée, se relevant en chancelant pour s'arrêter vers les deux énergumènes. "Si tu touches à ma frangine, Williams, je te fais remonter tes testicules jusqu'à ton nez, c'est compris?" La colère était bien présente mais elle ne dura pas alors qu'il se mit à sourire à sa soeur. "Désolé, j'ai bu trop de tek paf, je repars en prince, je t'aime soeurette. On se voit demain?" Un sourire doux aux lèvres, Wren s'extirpa de la pièce à pas doux... Il allait certainement finir la soirée avec deux grammes d'alcool dans le sang au bout d'un couloir. Mais c'était bien, ouais, c'était bien alors qu'il refermait la porte derrière lui.

« Cervelle détraquée ou pas, je t'aime bien quand même ! » Freya ignore si c’est parce que le jeune homme est sous le coup d’une émotion quelconque mais elle prit le compliment tel quel, sans concession ni arrière pensée. C’est sympa de sa part, et faut l’avouer qu’on se le montrait peu avec elle, surtout ces derniers temps. Freya doit sûrement être en manque d’affection pour ne pas relever ou lancer une vanne piquante. Après tout, chaque jour, chaque rencontre se transforme en bataille, ces jours-ci. Alors un peu de repos et de positivité, ça fait du bien au moral. Et à l’égo aussi, faut bien l’avouer. « T'as pas peur de dormir à côté de moi ? » Pour ça, par contre, Doherty ne put se taire. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres alors qu’elle parcourt la chambre des yeux tout en se dirigeant vers le lit. Rien que cette chambre, elle devait faire la taille de l’appartement qu’elle et son jumeau partagent. C’est limite révoltant de voir autant d’opulence mais il faut bien ce qu’il faut pour attirer et courtiser les touristes, il faut supposer. « Pardon .. Je ne savais pas qui appeler d'autres… » Doherty a l’impression d’avoir un grand enfant tout recroquevillé devant elle. Freya semble l’inspirer puisqu’il se lève à son tour pour aller se recharger en batterie. Décidément, quand elle est partie pour le travail ce soir, elle n’a pas songé un instant que sa nuit allait être chamboulée à ce point. La vie est vraiment comme une boite de chocolat. On ne sait jamais d’avance sur quoi on va tomber.

« Tu me pardonne de ne pas t'avoir dit pour le MacTavish ? T'es la bienvenue au club, tes consos seront toujours gratuites ! » Le club ? Freya grimace. « Club comme dans Confidential Club ? C’est là qu'tu taffes ? » De toute façon, ce n’est pas comme s’il y a plusieurs boites de striptease à Brisbane. Ce n’est pas le genre de la ville, ce n’est pas Las Vegas, ici. Le Confidential Club, elle le connaît plus que bien, finalement. Une gorgée dans son gosier pour éviter de penser au bâtard qui l’a racheté. Elle préfère ne pas penser à ce salopard qui se trouve être le patron actuel de John. D’ailleurs, elle ne dit rien, vaut mieux pas. Ce genre de truc, ça ne ferait que rouvrir de vieilles rancoeurs qui ne sont jamais vraiment parties de toute façon. Si John travaille là-bas, ça serait encore the cherry on the top. Une poisse au cul qu’elle se trimbale comme un boulet de canon, prisonnière de ses propres erreurs qui devaient rester dans le passé. Mais non, le boulet lui revient comme un boomerang, et en plein dans la gueule, en plus. Freya se mit à marcher dans la pièce tout en secouant la tête. « T’sais quoi, jm’en branle du MacTavish. Pourquoi tu m’as appelé pour ça ? T’as b’soin de soulager ta conscience ? Parce que moi, j’le vis très bien. Y a juste à- » Elle s’interrompit alors que la porte de la chambre s’ouvre. Doherty s’apprête à envoyer bouler la personne qui débarque comme ça, sans prévenir, avant de subir un mutisme soudain. Son frère, l’aîné pour être précis, est en train de foutre la tête dans leur mini bar et fit remarque de leur présence qu’une fois quelques bouteilles sous les bras. « Freya, ma sis'! Euh John? » First, Freya eut envie de lui dire de refoutre tout ça à sa place parce que, merde quoi, qu’il aille en piquer ailleurs ! Then, franchement, elle regarde sa bouteille d’un œil inquiet avant de reposer son regard sur Wren. Non, il est bien là, ce n’est pas une illusion. « Si tu touches à ma frangine, Williams, je te fais remonter tes testicules jusqu'à ton nez, c'est compris? » Freya lève les yeux au ciel, clairement désespérée. « Désolé, j'ai bu trop de tek paf, je repars en prince, je t'aime soeurette. On se voit demain? » Un simple geste de la main pour le saluer, sa cadette n’eut pas le temps de répondre que son frère s’éclipsait avec toute la sobriété qu’il est encore capable. « P’tin qu’c’est gênant. » Freya passe la main sur son visage.

Non, elle n’a pas honte de son frère. Mais franchement, c’était tellement importun et imprévisible qu’elle aurait préféré qu’il aille se perdre ailleurs.

Debout comme une idiote en plein milieu de la pièce, Freya se tourne vers John, toujours sur le lit. « J’ai perdu l’fil. » Il n’était pas très épais, de toute façon, vu l’alcool qui commence à lui monter à la tête. Elle soupire avant de boire deux puis trois gorgées. Ses membres s’engourdissent à une vitesse qui au final reste toujours assez rapide. Plutôt surprenant pour quelqu’un qui a l’habitude de boire. Puis elle eut une exclamation de surprise tout en levant sa bouteille. « Ah oui ! M'en rappelle. On causait d'ta conscience. T’sais quoi, Johnny ? C’qui est fait est fait. Y a pas à chercher midi à quatorze, ok. Ce pauv’ type, il est mort et on y peut rien. » Ronger par la culpabilité, Freya ? Visiblement non.

Freya hoche la tête par réflexe quand John lui évoque que son nouveau job n’est que pour un temps. C’est ce qu’elle avait dit aussi quand elle a commencé dans ce fichu casino. Elle n’a pas spécialement d’autres ambitions ni d’autres buts dans la vie que de justement en voir le bout le plus loin possible. Avec sa condition, elle peut déjà s’estimer heureuse de pouvoir espérer voir son trentième anniversaire. Elle ne se plaint pas, c’est une simple constatation. Jamais Freya n’a réussi à se projeter dans l’avenir. Quand on lui demandait quel métier elle voulait faire une fois adulte, elle haussait des épaules et passait autre chose. Pas le temps d’y penser, aucune envie d’y réfléchir. Elle ne voit que le bout de son nez, vivre au jour le jour est devenu quotidien. L’avenir, ça lui dit rien. Ca lui fait même peur. Terrifiée de l’inconnu, de ne pas savoir à quoi demain ressemblera. Est-ce qu’elle ira mieux ou est-ce qu’elle ira pire ? Même si ces derniers mois, elle a réussi à stabiliser sa maladie grâce à son traitement, est-ce que les petites pilules bleues suffiront sur la durée ? Freya est prisonnière de son propre corps, de son propre esprit. La maladie vient de son cerveau, quelque chose y tourne pas rond et ça s’est démontré un peu plus au fil des années.
Les cernes de John, elle porte les mêmes. Une spirale dont on ne voit pas la fin car plus le sommeil manque et plus les conneries s’accumulent. C’est un enchaînement imprévisible, une chaîne qu’on ne contrôle pas. Ce qui est d’autant plus frustrant que ça vient de votre propre enveloppe corporel et que vous réalisez que vous ne pouvez rien faire, à part subir et s’incliner. Freya courbe l’échine devant ses pulsions à chaque occasion. Faible, incapable de se résister à elle-même, welcome into my life. C’est pour ça que les questions, Freya les met de côté. Elle ne veut pas s’emmerder avec ce genre de conneries, elle les accumule plutôt bien ces derniers temps.

Et son avenir ? Si déjà elle peut garder un toit sous sa petite cabosse (et celle de son jumeau par la même occasion), ça sera le luxe de sa vie. Alors qu’importe ce qu’elle doit faire pour ne pas un jour atterrir dans la rue. Son frère aîné a déjà assez trimé pour qu’ils aient toujours de quoi vivre, manger, s’habiller quand ils étaient jeunes, ce n’est pas pour tout foutre en l’air maintenant (même si ça semble être l’ambition ultime de Tobias).

« Tsais quoi ? J'avais juste envie de te voir, de passer une soirée avec toi. Jpensais qu'on s'comprenait mais apparemment je me suis trompé. Si tu veux partir vas-y, je ne te retiens pas ! » Freya gère la situation comme une reine, visiblement. Ce sont les mots les plus indolores qu’elle aurait pu sortir au jeune homme qui semble être dans une véritable détresse.

Putain, sérieusement, Doherty, t’en loupes pas une. Faire mal aux autres, les rendre hargneux, c’est la seule fichue chose que tu sais faire dans ta vie ?

Les relations humaines n’ont jamais été sa spécialité, à Freya. Alors elle se dandine maladroitement d’un pied sur l’autre tout en vidant la moitié de sa bouteille d’un trait sec. Limite elle s’en veut. Elle le regarde partir s’aérer près d’une des grandes fenêtres ; c’est bien ça, l’air frais peut faire de l’effet. Pour le calmer, pour l’empêcher de s’énerver plus, pour déjà dé-soûler ? Toutes les options sont à prendre.
Ceci dit, elle ne peut s’empêcher d’afficher une expression de dégoût face à cette fichue odeur de cigarette. Pourquoi il faut qu’ils fument tous, bordel ? Ils veulent vraiment finir avec des poumons carbonisés ?
Sentant le vent tourner, Freya se pince la lèvre avant de relâcher les épaules tout en secouant la tête. Non, elle ne va pas partir. Elle est bien trop mélodramatique pour échapper à la scène qui se joue, avec elle dans le rôle d’un des personnages principaux. Doherty est un nid un problème, déjà rien que le nom lui a apporté que des malheurs. On l’associe vite à un des plus grands pyromanes d’Australie et c’en est fini. Le blason familial a été perverti par son géniteur et on ne peut pas compter sur les enfants pour le redorer. Et elle aime trop les embrouilles malgré elle.

Alors ce n’est pas étonnant que son cerveau se met à bouillir. Elle se braque, elle se mure, elle dénit. « C’est quoi ton problème, John ? Tu veux que j’te dises quoi ? » Freya ouvre les bras, sa bouteille à porter de doigts, incompréhension et colère déformant peu à peu son joli visage de femme enfant. « Pour moi, ça reste flou dans ma p’tite cabosse. J’ai… j’ai juste des flashs, des trucs pas nets, je sais pas si c’est la réalité ou pas, elle devait être à la moitié de son niveau de sobriété habituelle à ce moment là. On parle d’une personne morte, pt’in, pas du temps qu’il va faire demain. Tu pensais que j’allais faire quoi, te taper dans l’dos pour t’dire que tout va s’arranger ? » L’air détaché, c’est fini. Après tout, la mort de quelqu’un, qu’on s’en rappelle ou que brièvement, c’est brutal, froid et inattendu.

La seule mort dont elle s’est préparée, c’est la sienne. Par celle des autres.

« J’veux pas en parler, j’veux oublier, j’veux pas qu’on pose de questions, car les questions vont amener des problèmes qui vont amener à des trucs bien plus gros que nous, la prison, son père y est déjà, elle refuse d’y être aussi. La prochaine fois que tu veux passer la soirée avec moi, penses à un autre sujet, for god fucking sake ! » Et pour la bonne mesure, Freya tape dans le verre qu’il a précédemment posé sur le bord du bar pour le faire éclater par terre.

L’alcool la fait trembler de l’intérieur et le sujet ne lui plait pas.
Mais alors pas du tout.

Freya s'est détournée pour boire cul sec quelques gouttes enivrantes de sa bouteille. Que John lui parle de cette soirée, de ce drame nouveau qui s'assemble plus à une illusion qu'à la réalité, c'est une façon de rendre la chose plus réelle. Et Freya ne veut pas de cette mort sur la conscience. Elle veut rester la tête dans le sable, à ignorer le problème jusqu'à ce qu'il s'évapore. Et pourtant, John vient de faire éclater la bulle dans laquelle elle avait trouvé réconfort depuis cet épisode. Alors forcément, ce n'est guère surprenant que la jeune femme se braque, s'énerve et s'adonne à cœur joie aux merveilles du mini bar. Elle est faible comme ça, la Doherty. Une contrariété et c'est double dose de Jack Daniels. Ce n'est pas raisonnable dans sa condition, ni dans son traitement, mais elle n'est pas censée, responsable et encore moins raisonnable. Les Doherty ne sont pas connus pour faire les choses comme la société l'attend, de toute façon.

Imbibée, Freya accueille à bras ouverts Dionysos, le dieu de l'ivresse, le seul à répondre à ses prières et savoir panser ses blessures. Chaque jour est un jour à sa gloire et ce soir en est une nouvelle messe en son honneur. Ça tourbillonne autour d'elle, les lumières de la pièce jouant comme des néons de couleurs diverses et variées. Sa tête se perd, son corps semble ne répondre qu'à lui même.

Alors quand John pose ses lèvres sur les siennes, ça lui semble fugace. Rapide et passager, comme un frôlement que vous n'avez qu'à peine senti. S'il ne se trouvait pas aussi proche d'elle, Freya n'y aurait même pas cru. Parce qu'elle ne s'y attendait pas. John, c'est celui qui la sert à volonté en veillant en même temps qu'elle ne perde pas la boule (comme ce soir). Elle ne sait même pas si c'est un ami, ils ne se connaissent pas tant que ça. Et pourtant. Il vient d'emballer son cœur qui s'élance toujours trop vite, trop fort.
« T'as raison Freya. Ca sert à rien de ressasser le passé. » Innocente gamine, Freya recule de quelques pas après avoir observé les traits du jeune homme en face d'elle. Elle chancelle jusqu'à atteindre une commode derrière elle. « C'était quoi, ça ? » Question qui ne cherche pas réellement de réponse. Une interrogation futile pour faire bonne figure, pour cacher son trouble. Elle pose sa bouteille sur la commode avant de passer les mains sur son visage. Allait-elle se réveiller?

Elle relève la tête et John est toujours planté là, à quelques pas, en attente à une réaction, à quelque chose. Qu'est-ce qu'il attend d'elle? Il ne lui a pas répondu. La blonde reste dans une attente interminable, un flou artistique qui n'a pas de sens. Et pourtant, elle n'a pas d'autre volonté que de retourner vers lui, de se plaquer chaudement contre lui et de goûter de nouveau à ses lèvres, qui mélangent le goût de la cigarette et de l'alcool. Cerveau en veille, bon sens abandonné, repères qui s'évaporent, seul John la retient pour ne pas défaillir ce soir. Freya s'accroche à lui, bras enroulés autour de son cou, comme si elle a peur de tomber dans le gouffre qu'est sa vie. Dans un commun accord et silencieux, Freya le guide vers le lit, le forçant à s'asseoir sur le bord. Sa bouche n'a pas quitté la sienne et elle s'en détache que pour reprendre sa respiration. Elle reste debout entre ses jambes, les mains sur chaque côté de son visage pour maintenir leurs regards connectés. « Alors apprends à oublier, Johnny. »

Et Freya attrape de nouveau ses lèvres, addictives et enivrantes, son esprit ne percutant plus rien d'autre que le moment présent et ce réconfort humain trouvé dans son barmaid favori.

Freya a des défauts. Elle est chieuse, elle n’est jamais satisfaite, elle boit trop, elle râle trop, elle gueule trop fort, elle jure comme un charretier, et en plus, elle est bipolaire. Elle ne contrôle rien, ni sa vie, ni son cœur, ni ses émotions. Elle n’est qu’un pantin de plus pour un destin qui se fout bien de sa tronche. Ils doivent bien rire, là haut, à voir trimer les pauvres petits êtres humains dans leurs tracas quotidiens.
Freya est l’exemple parfait de l’échantillon humain à ne pas reproduire si l’espèce forte de la planète compte survivre.

Mais les coups d’un soir, s’emballer pour quelqu’un le temps d’une nuit, ce n’est pas dans ses habitudes. Avec John, elle a pensé plusieurs fois que la ligne serait franchie, que leurs petites piques mi dragueuses, mi drôles finiraient par avoir raison d’eux. Mais il a toujours été bien trop gentleman pour essayer quoique ce soit et Freya, elle n’est pas intéressée pour les situations éphémères. Elle préfère quand ça dure dans le temps, qu’on montre qu’on peut la supporter, lui donner de l’affection sur le long terme.
Les histoires d’une nuit, ce n’est vraiment pas son domaine.

Et pourtant, Doherty ne réfléchit pas une seconde à se perdre dans l’étreinte de John.

« Je vais essayer pour ce soir. » C’est un murmure, une réponse qui n’attend pas vraiment un retour. Et John n’a pas l’air de vouloir parler, finalement. Elle se laisse complètement emporter par ses bras qui la retiennent contre le mur. Elle est dépassée, sa vision est trouble, elle n’a plus de maintien sur rien. Ni sur sa vie, ni sur sa tête, ni sur son corps. Si John n’était pas présent pour la retenir, elle serait déjà tombée loin, trop loin pour être rattrapée.

Suivant son mouvement, Freya le libère de sa veste qui tombe sans ménagement à leurs pieds avant de passer fébrilement ses doigts sous son tee shirt pour ôter le bout de tissu. Si l’alcool la réchauffe, John l’enflamme. Ses gestes sont instinctives, comme si elle sait quoi faire sans y réfléchir – c’est souvent ce qui arrive quand on boit. Le mode pilote automatique est lancé et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Que ce soit elle ou John.
Ils sont tous les deux des causes désespérées ce soir, juste à la quête d’un réconfort précaire.
Les conséquences, Freya ne s’en soucie pas alors qu’elle attaque la ceinture du jeune homme.

La conscience, ça sera pour demain.
Ce soir, les baisers de John happent toutes ses faiblesses, toutes ses blessures et elle ne répond plus de rien.