Du sexe.
Ce n’est toujours que du sexe.

Mais pour Freya, c’est toujours plus que ça. C’est une connexion spéciale, un moment intime. On offre son corps à l’autre, on lui laisse voir une facette que peu ne peuvent voir. Doherty s’accroche toujours à ces minutes, comme elle s’accroche aux bras musclés de son partenaire d’un soir. Car même remplie de liqueur alcoolisé, la demoiselle sait que cette relation n’ira pas plus loin.

Et ce n’est pas son genre de faire ça.
Ce n’est pas son genre d’avoir des relations d’un soir.

Pas qu’elle n’en a jamais eu l’occasion. Elle a un physique banal mais qui attire des regards. Des bons comme des mauvais. On lui a déjà fait comprendre qu’elle n’a qu’à sourire et se laisser faire parce que dès qu’elle ouvre la bouche, dès qu’elle déverse son ironie et ses paroles amères, elle devenait plus immonde qu’une ogresse.

On n’aime pas son caractère, on ne supporte pas qu’elle l’ouvre.
Passez votre chemin, Freya n’a pas de temps à perdre avec les cons.

Mais pour le peu que c’est arrivé, Doherty finit toujours par s’en vouloir. Parce que la connexion n’est pas là, parce que c’est gênant, parce que ce n’est que du cul et elle, elle aime faire l’amour avec des sentiments, avec ce cœur qui bat plus que de raison. Elle a beau être une grande gueule, faire un doigt d’honneur de façon quotidienne au monde entier, elle n’en reste pas moins avec des envies et des espoirs.

Et l’espoir de trouver la tendresse tant espérée respire en elle.

Freya se laisse gérer par John. Les vêtements tombent, leurs peaux se touchent enfin, leurs mains explorent. Ils finissent sur le lit, accueillant et témoin privilégié de leurs ébats. C’est primaire, presque bestial. Ils cherchent à se réconforter, à oublier, à mettre ces instants dans des parenthèses pour pouvoir respirer un peu. Freya exulte, laissant sa peau absorber chaque baiser de John. En étoile de mer, elle regarde le plafond tout en se mordillant la lèvre.

Elle est en train de faire une connerie.
Mais mon dieu qu’elle s’en fout.
Elle réfléchira demain.

Pour l’instant, John se met sur elle, captant toute son attention. Elle s’enroule autour de lui, les bras et les jambes, pieds et mains liés pour ne pas le laisser partir. Freya sent sa lèvre rougir furieusement alors qu’elle retient son souffle. Il arrive en elle. Elle ne sait pas si elle est préparée (flashnews: elle ne l’est jamais).

Ce n’est qu’une formalité, ce n’est rien, ils auront tout oublier demain.
Ce n’est qu’un passage à vide, une mauvaise décision de plus dans la liste déjà bien remplie.

Freya attrape ses lèvres et lâche un cri de surprise alors qu’il se met à bouger. Doucement puis prenant de la vitesse. Le gouffre est proche, l’alcool lui fait amplifier les sensations. Elle ferme les yeux ; mauvaise idée. Elle s’imagine des personnes qui ne sont pas John et ce n’est pas juste. Ce n’est pas juste pour lui, qui n’a rien avoir avec tout ça. Ce n’est pas juste pour elle, qui ne peut pas s’empêcher de voir d’autres hommes, ceux qui l’ont fait souffrir.

Alors elle s’accroche à lui, jusqu’au bout, ne lâchant pas prise et finissant par plonger son regard dans le sien. Une de ses mains finit par lui caresser son biceps et elle est presque émerveillée du nouveau point de vue qu’elle a de son ancien barmaid. Il n’a jamais été aussi proche. Il aurait pu. Mais il s’est toujours montré galant.

Jusqu’à ce soir.

« Lâche prise, Johnny. » Comme si elle a besoin de le rassurer. Ou peut-être qu'elle a besoin de se rassurer elle. Cerveau embrouillé, sa capacité à réfléchir est sur veille. La seule chose dont elle est certaine, c'est qu'elle n’est pas fragile. She can handle it. She’s not a fucking doll. C’mon, man, don’t hold back.

« Ça va ? »

Quelle question banale.
Une bien trop vaste question.

Une question que Freya voudrait répondre positivement mais quelque chose l’en empêche. Un blocage, une cassure, un truc, quelque chose lui met un frein dans son fort intérieur. Elle ne peut pas répondre favorablement à John. Parce qu’elle ignore si elle va bien. Elle a la tête qui tourne, elle a la bouche pâteuse, sa nuit reste floue et elle a mal partout. Physiquement comme mentalement. Comme si elle a parcouru deux fois la terre en même pas douze heures.

Est-ce qu’elle a dormi ? Est-ce qu’elle s’est assoupie ? Elle n’en sait rien. Freya est allongée dans le lit depuis une demi heure, sans bouger, les yeux vides regardant le plafond. John allait se vexer si elle ne lui réagit pas. Parce que les hommes ne réagissent jamais très bien quand une femme reste silencieuse après une nuit aussi mouvementée que la leur.

Mais c’est bien là tout le souci.
Quelle belle et magnifique connerie qu’elle vient de commettre.

Ce n’est pas John le problème. C’est elle-même.
Même si franchement, en ayant réservé une chambre d’hôtel, est-ce que la tournure des événements est si surprenante que ça ? Purée et son frère était apparu dans cette même chambre, en plus, non ? Freya passe la main sur son visage. Si jamais Wren vient à lui en parler, elle niera. Oui, voilà, c’est un bon plan. Nier jusqu’à réellement s’assurer que tout ça n’est jamais arrivé. Un déni total de cette soirée parce qu’elle ne fait pas ça, habituellement.

Du sexe pour du sexe, ce n’est pas son truc, à Freya.
Et même si elle apprécie John, elle ne peut s’empêcher de ressentir cette honte dans son bide.

Est-ce qu’ils avaient au moins pris leurs précautions ? Putain elle ne s’en rappelle pas. Allez, ma vieille, remember. Rassemble tes souvenirs, essaie de leur donner du sens, une raison. Tu essayeras sûrement de te justifier, de prétendre que tu n’étais pas toi même (elle ne l’était pas vraiment). Mais tu étais quand même consentante, et plusieurs fois de suite. Merde. Fais chier.

Et la question de John reste toujours en suspens.

Freya se relève brutalement. Fuck. Mauvaise idée. Tout tangue, tout bouge, le coeur se lève et tu n’as pas d’autre choix que de courir. Se précipiter maladroitement vers la salle de bains pour vomir. Peut-être elle espère pouvoir aussi gerber sa honte, cette putain de dégoût qu’elle a envers elle-même.

Encore une fois, ce n’est pas John le problème mais elle.
Cette brève aventure lui pose un cas de conscience.
(Parce qu’il t’arrive d’en avoir?)

Tire la chasse d’eau, rince toi la bouche. Le reflet du miroir renvoie un image dont elle n’est guère plus fière. Visiblement, elle n’a pas assez dormi et elle a définitivement trop picolé. Encore. Elle soupire tout en essuyant sa bouche avant de retourner dans la pièce principale. John toujours dans le lit, et toujours en attente d’un retour de sa part.

« Faut que j’y aille. » C’est tout ce qu’elle trouve à dire. Parce qu’elle se sent mal à l’aise. Elle a besoin d’une douche. Et de dormir. Au moins vingt quatre heures pour oublier. Alors Freya cherche ses vêtements, les réunit sur son corps un par un, le plus rapidement qu’elle peut. Elle cherche à s’enfuir d’ici, comme si cette pièce a été le lieu d’une scène de crime au lieu d’acte entre deux adultes consentants.

Ça n’est jamais arrivé, d’accord. Jamais.

Il est vexé. Ou blasé, Freya ne sait pas trop. Elle n’est pas vraiment en état de pouvoir mettre le doigt sur les bons termes. Ni sur les bonnes décisions, visiblement. Elle s’est laissée emporter sans réfléchir. Pas qu’il y aura des conséquences à en pleurer mais c’est intérieur. C’est elle avec sa conscience, elle qui doit faire face à sa stupidité. Ils se connaissent depuis un moment, maintenant. Évidemment que bourrée plusieurs fois, Freya dût lui faire du rentre dedans. Mais c’était un jeu. Ce n’était pas sérieuse, elle n’est pas comme ça. On lui a souvent reproché d’être une charmeuse, surtout sans qu’elle le veuille.

Parce que Freya ne se tape pas des mecs différents tous les quatre matins.
Elle a beaucoup de vices, beaucoup de défauts mais pas celui-là.

« Je te ramène. T'as trop bu et c'est un peu une habitude entre nous non ?! » Freya lève la tête vers lui, le sourcil braqué. « Ouais mais t’hab, t’es sobre comme le cul d’un nouveau né. On peut pas dire qu’tu l’sois vraiment, si ? » Puis elle regarde les draps sans dessus dessous. « A part si l’activité physique t’a rendu toute ta contenance. » Freya a l’humour et le charme même quand elle ne le veut pas, souvent quand il ne le faut pas. Putain de gènes, aussi.

Ses pas empruntent le même trajet que ceux de John. La descente de l’ascenseur est lourde et heureusement qu’il y a des rampes pour se tenir. Freya se dit qu’ils auraient mieux fait d’emprunter les escaliers. Le mouvement quand on a son tronc rempli d’alcool, ce n’est définitivement toujours pas une bonne idée. Fermer les yeux, ouvrir les yeux, rien à faire. Heureusement pour tout le monde dans l’habitacle, et le personnel, Freya réussit à se contenir.

Pas de dégâts matériel de prévu.

Enfin l’air frais. Freya prend une bonne bouffée, comme si l’oxygène lui a manqué ces dernières heures. Puis elle regarde John, qui se tient les mains dans ses poches, en pause. Ou en attente. Il attend quoi ? Oh, peut-être qu’elle lui dise. Mais quoi ? ‘On remet ça une prochaine fois ?’ Nope, non, définitivement pas. ‘C’était sympa.’ Si elle veut clouer le semblant d’amitié qu’ils avaient, vas-y. Doherty se pince les lèvres tout en se dandinant d’un pied sur l’autre.

« Je… » Oui ? Elle clôt son bec aussi rapidement, son cerveau lui faisant le coup de la panne instantanée. Plus personne n’est là, merci d’attendre vingt quatre pour la réparation. Franchement, elle ne sait juste pas quoi dire. Qu’est-ce qu’on dit dans ce genre de situations, hein ? Il devrait y avoir un manuel pour ça. « J’aurai quand même l’droit à mes cocktails gratos, hein ? »

Voilà. C’est le mieux qu’elle puisse dire malgré son état.
Toujours à en revenir au même sujet, ne pas évoquer la gêne ni la tension.
C’est bien, Doherty, bonne répartie. High five avec toi même.

Avoir des envies de meurtre était fréquent chez le Doherty, mais avec de l'alcool dans le sang, c'était mille fois pire. Wren en devenait purement et simplement insupportable, peut être qu'il avait un poil trop tiré sur la corde ce soir-là. Il aurait dû faire preuve de plus de parcimonie et consommer avec modération, même s'il détestait ce mot. Pour l'heure, il avait vagabondé dans l'hôtel pour se défoncer la face jusqu'à ce que mort s'en suive, comme ça, sans raison apparente. Juste parce qu'il était comme ça et qu'il en avait marre d'être un type bien. Cette mascarade avait bien trop duré si vous vouliez son avis et il avait bien l'intention de faire foirer l'affaire dans les grandes lignes. De ce fait, il était descendu à l'accueil et avait fait chier tout le peuple pendant deux bonnes heures avant de se faire virer par un videur et se retrouver sur le trottoir. Le temps de la méditation avait sonné et sa bouteille de rhum était vide, le désespoir était grand. Pire encore, il avait envie de refaire le portrait à quelqu'un donc, le voilà en train de regarder tous les passants pour déterminer lequel serait un meilleur client pour cet événement. Le hasard faisait bien les choses parfois puisque sa soeur sortit de l'hôtel avec ce cher John et il avait beau être dans un état d'ébriété intense, Wren ne se faisait pas trop d'illusion sur leurs activités dans une chambre. Il se releva et s'approcha des deux jeunes gens en plein moment de gêne. Forcément, Wren se porta à deux centimètres du visage de John, question de principe. "Je t'avais pas dit de pas toucher à ma soeur, Williams? Au pire, tu toucheras plus à personne d'autre, 'pas une grosse perte." Et le con lui balança un coup de pied dans les testicules, bien placé. On avait prévenu qu'un Wren hors de bord n'était pas de bon augure et là, il ne se contrôlait pas vraiment. Pas sûr que venir ici avait été l'idée du siècle et Freya allait le détester. Habituel.

Freya continuait à se dandiner sur ses cannes maladroitement. Elle ne sait pas où se foutre et même si John veut jouer encore son gentleman, il n’empêche qu’elle aurait bien besoin de marcher, tranquille, seule. Les rues n’ont pas l’habitude de lui faire peur (elle aime croire qu’elle fait peur aux rues). Même si un jour, elle finira bien par tomber sur la mauvaise fréquentation, la mauvaise scène, au mauvais endroit au mauvais moment.
Mais pour le coup, elle peut remercier le ciel que ça ne soit pas encore arrivé.

Par contre, elle peut le maudire pour la suite des événements. Dans un éclair de mouvement trop rapide pour ses yeux complètement éberlués, Freya a le temps de voir son frère débouler, marmonner quelque chose et finir son pied là où ça doit faire mal pour John. « Je t'avais pas dit de pas toucher à ma sœur, Williams? Au pire, tu toucheras plus à personne d'autre, 'pas une grosse perte. »

Wait, qu’est-ce qu’il fout encore là, lui ? Visiblement son frère a bien profité du mini bar de l’hôtel et pas que de leur chambre, apparemment. Putain c’est bien sa veine. Quand le karma vous lâche, c’est toute votre vie qui se retrouve dans un drame sans fin. Doherty ne sait même pas où se mettre mais son premier réflexe fut de repousser son frère. « Nan mais ça va pas, Wren ? »
Ils n’ont pas la même corpulence, pas la même taille, et Freya est comme une brindille ivre qui essaie de repousser un gros chêne encore plus mal au point qu’elle. Autant dire, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre.

Freya se tourne ensuite vers John, le visage grimaçant pour lui. « P’tin, Johnny, ça va ? » Non, ça ne doit pas bien aller. Elle est une fille, elle ne peut pas comprendre la douleur que ça peut être. Mais elle a assez vu ses frères et ses copains se batailler pour savoir que ce n’était jamais – jamais – une caresse. « J’suis désolée, il peut être vraiment…, regard furtif sur son frère, qu'un pauvre con. »

Elle met une de ses mains sur l’épaule de John, le visage véritablement soucieux, avant de jeter un regard noir à son aîné. « J’sais pas c’qui me retiens de t’en foutre une, bro. » Parce que clairement, il l’aurait mérité. Sérieusement, il n’a pas à s’en mêler. Elle n’est plus sous sa responsabilité, bordel !

Il en avait strictement rien à branler de toutes ces histoires. Wren avait juste envie de dormir maintenant. Sa tête lui faisait mal et avoir donné un coup de pied à John n'avait aidé en rien son centre de gravité. Le pauvre pompier avait vraiment abusé des substances diverses et variées, il allait en payer le prix. Forcément, sa soeur s'égosillait déjà en le poussant et Wren ne réagissait même pas, pire même, il dégobilla sur les chaussures de sa cadette. Great. Belle opération mais c'était sûrement nécessaire après tout ce qu'il avait ingéré de toxique. "Désolé." Il aurait certainement fait dans le discours élaboré si sa nausée n'était pas encore en train de gagner la bataille. Il réussit néanmoins à tourner son regard vers John, a priori plus ému qu'il ne voulait le montrer. "Je croyais qu'on était potes... Je suis déçu." C'était tout ce qu'il pouvait dire parce qu'il y avait certainement un "brocode" quelque part qui interdisait qu'on touche aux soeurs des copains mais, si c'était le cas, Williams ne l'avait pas lu, pas même feuilleté. Wren en tenait une couche, en tout cas, et il était presque prêt à pleurer. LUI. C'était sûrement trop d'alcool pour un seul homme. "Je vais rentrer, soeurette." A moins qu'il ne se fasse écraser par un véhicule sur le chemin parce qu'il était parti pour y aller à pied. Doherty n'allait probablement pas marcher droit et les fossés étaient plus creux qu'ils en avaient l'air. Plus jamais il ne s'amuserait avec les mini bars des hôtels et plus jamais il ne ferait confiance à un "ami". C'était sûrement mieux ainsi.

Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, Freya décrète. Entre John qui attise Wren et Wren qui limite agit comme un enfant – en plus des premiers des cons, elle en prendrait bien un pour taper sur l’autre. Mais c’est physiquement impossible donc elle se contente de soupirer tout en priant intérieurement le ciel, les étoiles et la lune qui sont leurs témoins que ça ne déborde pas plus que ça.

« Putain, Wren, mais t’en loupes pas une ! » Il est complètement torché, à un niveau visiblement plus avancé qu’elle, et il vient de bousiller ses pompes. Great. Mais quand elle voit la gueule de son aîné, franchement, elle n’a même pas la volonté de l’engueuler plus que ça. Elle est crevée, complètement dépassée par les évènements et John, pauvre John qui se trouve au milieu de ça sans avoir rien demandé à personne.

Freya se tourne vers John avec un air désolé placardé sur son visage. « Il est complètement jeté, excuse-le. Il est vraiment con quand il s’y met. » Elle jette un regard en arrière, regardant son frère marcher – non, se traîner tant bien que mal plutôt – avant de secouer la tête et de reporter son attention sur John. « J’dirai rien si tu dis rien. » Ils n’étaient plus à un secret près de toute façon. « Bon, j’vais le ramener. J’ai pas envie qu’on m’appelle parce qu’il a squatté une piscine qui lui appartient pas. » Le ton est humoristique mais l’inquiétude, elle, est réelle. Visiblement, Freya a été plus raisonnable que Wren, ce soir. « Envoies moi un message quand t’es rentrée, Johnny, ok ? »

Elle lui sourit sincèrement avant de rejoindre son frère. Il fait tellement de zigzags, de toute façon, qu’il n’a pas avancé plus que ça. Freya passe un bras autour de sa taille, grimaçant légèrement face au poids mort qu’il peut être. « Allez big bro, t’as assez fait la fiesta. On rentre à la casa. »