Quand Jessian lui affirme que ce qu’elle évoque est une partie qu’elle préfère oublier, Freya a donc la confirmation de ses doutes. Un monde impitoyable et vraiment pas fait pour elle se cache là dessous. Ceci dit, c’est presque généreux de Jessian de ne penser qu’à la capture d’un moment, de faire ressentir quelque chose. Freya n’a pas vraiment cet attrait dans ses cordes mais elle peut comprendre l’idée. Elle qui passe son temps à vouloir capter tel ou tel moment sur du papier avec son crayon (c’est d’ailleurs ce qui a failli coûter un passage à l’hôpital de sa fille, après tout). Fille qui demande d’une petite voix C’est quoi des piges madame ? Freya écarquille les yeux en se tournant vers Jessian. « Elle vient de m’appeler madame, là. J’vais porter plainte, Reed, je rigole pas. » Elle a l’impression d’être sa pauvre mère folle tout d’un coup. Prends toi dix ans dans la tronche, Doherty, ça te ferra pas de mal. Alors madame Doherty se tourne vers la gamine assise derrière. « Des piges, c’est le nombre de traits qui apparaissent sur le visage à chaque fois que tu souffle ta bougie d’anniversaire. T’en a que quatre là mais imagine à l’âge de ta mère. » Qui est le même que le sien, merci bien. Ah les enfants, une source inépuisable pour vous faire rappeler que vous n’êtes plus de toute jeunesse. Pas que Freya veut y retourner de toute façon.

Les frères et soeurs, c’est toujours toute une histoire ! Freya soupire devant cette phrase bourrée de vérité. Surtout qu’elle connaît la cadette Reed, baby Sky. C’est vrai qu’elle est en tout point différente de son aînée. C’est d’ailleurs étonnant de savoir qu’elles sont dans la même famille. C’est peut-être d’ailleurs pour ça qu’elle a toujours eu de meilleures relations avec Sky. Au moins, la cadette dépasse les codes, ça change. Tu as un garage ou un magasin en particulier pour que je te dépose ou pas du tout ? Tu habites dans ce quartier ? Freya secoue la tête. « J’habite à Fortitude. J’sais qu’y a un garage à Toowong mais j’ai trop la flemme. J’crois qu’il y a de quoi me dépanner dans mon quartier. » Elle tourne son visage pour sourire à Jessian. « J’trouverai bien quelqu’un pour me filer un coup d’main. Enfin, de pédale. »

La route fut plutôt rapide et plaisante – elle a presque oublié ce que c’était d’être dans une voiture, pour être honnête. Elle n’en possède pas et à vrai dire, la dernière fois qu’elle est montée dans une, elle a eu la frousse de sa vie, malgré le professionnalisme de son conducteur. Mais quand même, l’expérience reste dans la gorge. Mais il y a une gamine dans l’habitacle et Jessian n’est pas sur un terrain de course de bolide. « C’est bon, tu peux t’arrêter là. J’habite pas loin. » Elle ôte la ceinture de sécurité tout en secouant la main vers Reed. « Nan, pas la peine de sortir, j’vais réussir à le sortir toute seule. » Puis elle se tourne vers le petit être derrière elles. « Oublie pas que maman te doit une glace, hein. » Freya lui fait un clin d’oeil puis ouvre la portière. « Merci, Reed ! C’est sympa d’voir que finalement, le temps peut réussir aux gens. J’vais en rester choquée pendant un moment, ceci dit. » Doherty sourit puis ferme la porte avant d’aller récupérer son vélo.

Elle s’éloigne ensuite avant de se retourner et de faire un signe de la tête en direction de la voiture.
Décidément, une vraie boite de chocolat est la vie.