De nouveau il marque un point. Il est évident que personne ne pense aux poissons affreux qui vivent leur vie à des centaines de mètres de profondeur. Des poissons qui sont sous nos pieds sans même qu'on ne s'en rende compte. En revanche, les requins ont de quoi faire frissonner n'importe qui. Il ne se passe pas une année sans qu'un accident ne soit reporté quelque part sur la planète. Bien sûr, pas à l'échelle des dents de la mer, mais à plus petite échelle. Un surfeur tué par un requin à la Réunion, un nageur qui a échappé de peu à la mort et s'en sort seulement avec un bras en moins en Floride. Tout autour du globe des faits de ce genre sont relatés. Les zones à risques sont connues de tout le monde, la méfiance est au plus haut niveau et pourtant, monsieur tout le monde pourrait se baigner toute sa vie au même endroit sans jamais croiser un seul squale. Cependant, c'est dans les moeurs et les requins font frissonner depuis des années. Itziar n'était pas en reste et serait probablement la première à paniquer si elle voyait un aileron s'approcher d'elle. Ca ne l'empêche cependant pas de profiter de l'océan. "J'avoue ! Le film a forcément eu une influence sur la perception des gens, ce qui est normal, même si maintenant on a des biens meilleurs effets spéciaux et que ça manque de réalisme. Je mentirai si je disais que ça m'avait pas fait réfléchir à deux fois avant de mettre les pieds dans l'eau juste après avoir vu le film, même si clairement, je sais pas trop ce que je risquais à deux mètres de la plage en pleine Méditerranée, mais comme quoi ..." Comme quoi il suffisait de peu pour imaginer des choses aussi insensées qu'impossible. "Puis même on n'a pas besoin des requins pour avoir peur. Prend juste l'exemple des méduses. S'il y en a dans l'eau, il va pas y avoir beaucoup de téméraires pour aller se baigner. Pourtant, en soit à part une bonne décharge est-ce que tu risques grand-chose ?" Elle hausse les épaules, elle n'est pas forcément calée en biologie marine et il y a probablement des espèces de méduses plus dangereuses que d'autres, mais dans l'ensemble, elle se dit que c'est bien moins risqué de se retrouver nez à nez avec une méduse, plutôt qu'avec un requin. Même si, soyons clairs, elle se passe volontiers des deux. "Merci, c'est exactement ce qu'il faut retenir ! Surtout si elle est coriace, je tiens à rester en un seul morceau aussi et j'ai pas particulièrement envie de finir accroupi à pleurer dans un coin parce qu'elle m'en aura fait voir de toutes les couleurs." Répond-elle en riant. Elle plaisante un peu tout de même. Elle en rajoute beaucoup, parce que quand même, elle se dit que la fillette ne peut pas être un tyran non plus (pas trop en tout cas), mais l'idée est là.
"Ah ! J'imagine que c'est flatteur alors !" Lui répond-elle. Ce n'est pas la première fois qu'on l'appelle ainsi, mais en temps ordinaire, c'est plutôt accompagné d'un reproche ou dit de manière péjorative. Ce qui ne semble pas être le cas avec Abel. Ca change, alors elle accepte le compliment, parce que ça je fais de mal à personne et qu'en plus elle lui propose de passer au bar où elle bosse un de ces quatre. Ce qui sous-entend qu'elle lui servira un verre, cadeau de la maison, parce qu'elle est généreuse comme princesse en plus. "C'est le Tomcat juste en face du Canvas. C'est clairement pas aussi branché que le Canvas, mais c'est plutôt sympa et je dis pas ça juste parce que j'y travaille. Sinon tu peux pas louper l'entrée, il y a un énorme graffiti sur la porte. Hésite surtout pas à ramener tes potes, d'autant plus s'ils sont généreux avec les pourboires." Lui répond-elle en souriant avant de s'installer dans la voiture. Elle rit quand il lui demande une note. Elle n'est pas douée pour juger. Notamment parce qu'elle n'est clairement pas au top niveau pour ce qui est du surf. Elle ne tiendrait pas très longtemps dans une compétition, mais aussi pour une raison bien plus évidente. "Tu sais que t'es mon seul et unique élève et que j'ai donc aucun moyen de comparaison ?" lui demande t-elle faisant mine de réfléchir avant d'ajouter. "Mais si t'y tiens vraiment ... Je te donne un 7/10. Tu aurais mérité plus, mais t'étais meilleur que moi lors de ma première fois sur un surf, donc j'suis dégoutée, alors je te mets juste un 7 de jalousie parce que c'est moi la prof et que je fais ce que je veux." Finit elle en plaisantant. Sauf sur le fait qu'il avait été bien meilleur qu'elle, ça ce n'était vraiment pas une plaisanterie et s'il avait commencé le surf bien avant, ce serait probablement lui qui lui donnerait des cours aujourd'hui et non l'inverse.
→ Je l’écoute parler Itziar, de la mer et des monstres qui vivent dans ses eaux et dont on ne connait rien. Fantasmes de l’esprit, psychoses imaginaires, tirer le vrai du faux semble impossible et cela sert bien à ceux dont l’imagination est la principale source de revenus. Les requins, grands prédateurs des eaux troubles, craints par tous aux quatre coins du globe, nous font savoir que si nous décidons de conquérir leur territoire, nous pauvres bipèdes, c’est à nos risques et périls. Néanmoins, lorsqu’elle prononce le mot « méditerranée », je tique et fronce les sourcils en tournant brusquement mon visage vers elle. – T’as été en Europe ? Je l’interroge du regard, Itziar, bien étonné de cette information qui me fait automatiquement la regarder différemment. Elle-aussi, est-elle loin de son pays ? Est-ce que ça lui manque ? Elle poursuit son argumentaire sur les méduses toutefois et je n’ose pas la contredire. Je ne connais absolument pas le sujet à vrai, l’unique chose que je sais de source sûre (c’est-à-dire un épisode de Friends qui m’a fait délirer) c’est qu’il faut faire pipi sur la plaie d’une méduse. – A part pisser sur la plaie, je ne sais pas trop ce qu’il faut faire dans ce cas… Prêt à sortir mon engin à tout moment ? Non, pas vraiment. Je ne suis pas ce genre de mec, ni trop rapide, ni trop lent, simplement mesuré.
La conversation dévie inévitablement sur Morgane, comme toujours et je souris en m’imaginant Itziar prostrée dans un coin en train de déverser toutes les larmes de son corps à cause de Mo’. – Pour votre bien-être à toutes les deux, je te promets de ne jamais te laisser seule en sa compagnie. Ça te va ? Tu veux que je crache par terre en mode : juré craché ? Et je serais tout à fait capable de le faire, éternel gosse qui refuse de grandir. La folie de Londres me manque, mes potes aussi parfois… Souvent en réalité, trop souvent. Je pouvais être le gamin insouciant qui ne manque de rien, le petit con suffisant qui emmerde tout l’monde, la tête à claque qu’on déteste juste à sa façon de respirer… Pourquoi j’aimais ça ? Je ne sais plus très bien… J’avais le sentiment de pouvoir tout faire, de n’avoir aucune limite. Ici, je suis restreint. Y’a l’objectif, et tout ce qui peut m’en détourner me force à rester bien tranquille. Trop tranquille. Bien trop tranquille.
La voiture démarre, Izzie m’indique la route à suivre et très vite, nous voilà engagé sur les voies rapides pour rejoindre le cœur de la ville. Elle dit travailler juste en face du Canvas, un bar branché archi connu de la ville et je souris. J’y ai passé plusieurs soirées en trois ans et, en effet je n’avais jamais remarqué le bar d’en face. En plus si sur la porte se trouve un graffiti, j’ai sûrement pissé dessus. J’évite toutefois de lui donner cette information et je souris, lui assurant alors – J’y ramènerai mes potes ouais. Et t’inquiète, dès qu’ils te verront, ils sauront se montrer généreux. Ils risquent juste d’être très lourds, mais j’imagine que t’en as vu d’autres ? J’en sais rien en fait, mais pour travailler dans un bar de nuit, il faut avoir les tripes bien accrochées non ? Surtout quand on est aussi bon- belle qu’Izzie. Avant de la déposer, je lui demande de me noter sur ma prestation en terme de surf. Et c’est elle qui est très généreuse lorsqu’elle décide de m’accorder un 7/10. Je suis assez surpris, agréablement et je ris un peu. – Alors en réalité, je suis vraiment doué ? Bordel, à part me manger la flotte toutes les dix secondes, je n’ai pas été si exceptionnel que ça Izzie ! T’es une prof trop gentille, n’en fais pas ton métier, ces sales cons d’étudiants vont te bouffer. Je lui fais un clin d’œil et me gare en double file alors que nous sommes arrivés devant le bar où elle travaille. Je mets les warnings et me tourne vers elle. – C’est là où nos routes se séparent, princesse. Tu m’dis si t’as besoin d’un coup d’main pour déménager hein ? T’hésite pas, j’suis ton homme, vraiment. T’as mon numéro de toute façon, non ? T’sais où me joindre. Je prends une clope et me l’allume, soufflant la fumée par la fenêtre ouverte en l’observant. Izzie, la jolie surfeuse de la méditerranée.
Elle hoche la tête quand il lui demande si elle est allée en Europe. Elle acquiesce avant de préciser un peu. "Je viens d'Europe." Parce que oui, ce n'est pas tout à fait pareil d'avoir visité l'Europe et d'y être née. "Je suis espagnole." ajoute t-elle. Elle a beau être à plus de dix mille kilomètres de chez elle, elle n'en reste pas moins fière de ses origines. Elle était persuadée qu'il savait, mais probablement pas visiblement. Elle n'a généralement pas besoin de le crier sur tous les toits de toute façon. La plupart du temps, il lui suffit simplement d'ouvrir la bouche pour se faire griller. Son accent n'en trompe vraiment pas beaucoup. C'est loin de la complexer ou de la gêner en revanche et elle ne cherche pas spécialement à le faire disparaitre. C'est un peu sa petite touche personnelle, sa manière de se démarquer des autres, de sorte qu'on se souvienne d'elle. Elle se dit que dans un sens, ça la fait un peu sortir du lot et elle aime bien ça. Ce qu'elle aime moins en revanche, ce sont les méduses. Elle s'est fait piquer une fois dans sa vie, quand elle était encore en Espagne et elle s'en souvient comme si c'était hier. Quelque chose qui lui frôle la jambe, puis la décharge électrique qui s'en était suivie. Elle était sortie de l'eau avant que quelqu'un n'ait le temps de dire ouf et elle s'était trouvée bien bête à ne pas vraiment quoi faire pour calmer cette horrible sensation. Elle avait pris son mal en patience. Un de ses amis s'était proposé pour lui pisser dessus, mais elle avait vigoureusement refusé. Elle n'avait même pas réfléchi cinq secondes. Ca avait été un non franc et catégorique. Elle trouvait ça tout bonnement ignoble et était en plus de cela, persuadée qu'il s'agissait d'une légende urbaine. Si elle se laissait pisser dessus, il y avait intérêt que la douleur disparaisse dans la seconde et elle en doutait fortement. Elle avait donc pris son mal en patience, ou presque. "J'y crois même pas à cette astuce, je sais pas s'il y a autre chose à faire qu'attendre." Attendre que ça passe, pleurer si ça fait vraiment trop mal, à la limite, mais l'urine clairement, elle gardait cette solution dans sa manche pour un cas où elle risquerait sa vie.
Elle ne se risquerait probablement pas à garder la fille d'Abel. Pour son bien à elle, comme pour celui de la petite fille visiblement. Elle se dit qu'il y a des gens qui sont vraiment faits pour être parents et d'autres (dont elle) qui se feraient sans aucun doute retirer leurs gamins par les services sociaux si l'idée d'en avoir venait à se concrétiser. Ca viendra avec le temps apparemment, mais elle n'est pas si sûre de ça, elle se plait bien comme ça, sans personne à sa charge. Elle sourit donc en hochant la tête quand Abel de ne jamais la laisser seule en compagnie de Morgane. "Un peu que ça me va ! C'est tout ce que je voulais entendre et t'en fais pas, pas besoin de cracher, je te fais confiance." Sa fille était impliquée dans l'histoire, il n'allait pas lui raconter des cracks et de toute façon, maintenant qu'il avait dit ça, s'il revenait en arrière, elle se déchargeait de toute responsabilité si quelque chose devait arriver à la fillette. Ce n'était pas plus compliqué que ça.
Des mecs lourds, elle en avait vu. Beaucoup. Surtout depuis qu'elle travaillait au bar. Il fallait dire que l'alcool qui coulait à flot n'aidait pas. Qu'après quelques verres, certains se sentaient pousser des ailes et devaient sans aucun doute avoir l'impression d'être des tombeurs. La réalité en était toute autre et ce genre de types n'étaient que des mecs un peu trop lourds, un peu trop bourrés, clairement en train de lui faire perdre son temps alors qu'elle avait bien mieux à faire qu'écouter leurs remarques peu raffinées. Elle avait donc l'habitude, malgré elle. "J'suis sûre qu'ils peuvent pas être si terribles que ça non ? Enfin après je sais pas avec qui tu traînes !" qu'elle lui répond en riant. Elle ne connaissait pas l'entourage du jeune homme, elle ne connaissait pas non plus l'intégralité de sa vie, mais de ce qu'elle voyait, il était cool comme type et elle s'imaginait que ses potes devaient plus ou moins être comme lui. En toute logique, qui se ressemble s'assemble, comme on dit. Elle hausse les épaules, vraiment doué, c'est assez subjectif. Surtout que la seule pour juger de ses performances est Itziar qui, même si elle se débrouille un minimum, a encore beaucoup à apprendre en surf. Un professionnel l'aurait peut-être trouvé minable, lui aurait ri au nez et n'aurait même pas pris la peine de lui donner une note. "Baah de mon point de vue c'était pas mal quoi !" répond-elle en riant avant d'ajouter. "Je sais pas ce que quelqu'un est censé accomplir lors de sa première séance de surf, mais réussir à tenir debout un minimum ça me semble satisfaisant." Elle a l'impression d'avoir fait son job et de lui avoir transmis les bases. Le reste du travail est pour lui et c'est là qu'il va falloir s'accrocher et persévérer s'il veut s'améliorer. Puis ils arrivent devant chez elle. Elle vient d'emménager là, mais elle s'adapte vite et même si elle n'a pas encore déballée toutes ses affaires, elle a déjà bien pris ses marques et bien envahi l'espace. "Merci !" le remercie t-elle. Elle ne sait pas où il habite et elle se dit qu'il a peut-être fait un détour juste pour la ramener. La moindre des choses est donc d'être polie. "Oui t'inquiètes pas, il me reste vraiment pas grand-chose à ramener, mais si besoin, je saurai où te trouver, compte du moi. Puis si tu veux qu'on retourne surfer, fais-moi signe !" finit elle avant de sortir de la voiture, de le saluer d'un geste de la main et d'entrer dans l'immeuble.
Accueil
