FEATURING @Abel White & Heïana Brook Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't. Please Boy. Help me.
C'est bon Heï', je suis prête ! Clama une voix claire à travers la maison Brook, au numéro 22 à Toowong. Je le suis bientôt aussi ! Répondit la plus mûre des deux tonalités. Dans sa chambre, face à sa coiffeuse, Heïana, assise, s'observait. Habillée plutôt simplement - un pantalon blanc prêt du corps, une chemise rayée verticalement blanche et noire aux manches trois-quart, des talons allant de paire - elle observait sa gorge. Voilà un peu plus d'une semaine que sa mésaventure au Candy avait eu lieu, et la preuve de cette soirée catastrophique était toujours à vif sur sa peau. En effet, la main qui l'avait maintenue en l'étranglant avait laissé une belle trace, toujours présente et même assez rouge; pas étonnant que la Tahitienne avait suffoqué sur le moment. Limite, elle se considérait chanceuse de ne pas avoir perdu des neurones ou des connexions synaptiques par manque d'air. Elle passa quelques doigts sur la trace, y posa sa main, puis la retira d'un coup, comme brûlée. Grimaçante, elle laissa échapper un soupir de dépit; elle avait beau le nier devant Moana, l'épisode l'avait plus marqué qu'elle ne l'aurait voulu. Elle qui était habituellement forte comme un roc se sentait fragile comme un nouveau-né depuis cette soirée. Oh, d'apparence, rien n'avait changé; mais en son for intérieur, elle était fébrile. Elle prit un des colliers traînant là, une très fine chaînette en or avec au bout une petite médaille représentant la Vierge Marie, bijou reçu à sa naissance et adapté en taille au fur et à mesure de sa croissance, et l'attacha autour de son cou. Sa chemise était ouverte aux deux premiers boutons, ses cheveux détachés ; bon, la marque ne se verrait pas de loin, mais quiconque y prêterait un peu trop attention... Enfin, elle n'allait pas se camoufler non plus. Une petite application de mascara sur ses cils, déjà assez longs de base ; une touche de rouge-à-lèvres de teinte assez neutre, juste de quoi mettre en valeur sa bouche. Elle terminait juste sa préparation avec un filet de parfum que Moana débarquait dans sa chambre. Alleeez quoi on va être en retard ! couina la jeune fille avec impatience. Mais non, arrête de t'exciter pour rien, répliqua la plus âgée avec un petit rire, tout en se levant.
Le jour était important pour la Polynésienne de dix-sept ans; après avoir candidaté à la fac de Brisbane pour intégrer la filière droit, elle avait rendez-vous avec le directeur pédagogique pour discuter de son entrée. Les demoiselles ignoraient s'il s'agissait là de la procédure classique ou non; mais le dossier, et donc le baccalauréat français de Moana, devait expliquer cette envie de la part de l'administration de la rencontrer. Sans doute voulaient-ils vérifier qu'elle avait le niveau linguistique - bien que sa double nationalité soit indiquée - et scolaire adapté aux études qu'elle ambitionnait. La sage-femme, pour sa part, n'en doutait pas un instant; voilà près d'un mois que la cadette s'était plongée dans de fastidieux manuels pour être sûre de mettre toutes les chances de son côté. Autant Heïana la rabrouait souvent sur les tâches ménagères, sur son comportement et autres joyeusetés, autant elle ne pouvait pas se plaindre de l'implication et de la maturité de la mineure vis-à-vis de ses études. En tout cas, Moana ne pouvait s'empêcher d'avoir une certaine dose de stress pour ce rendez-vous, et pour cette raison, sa soeur aînée avait décidé de l'accompagner jusqu'à l'université. Après tout, elle pourrait bien se poser quelque part là-bas en l'attendant, et c'était à ses yeux la moindre des choses qu'elle pouvait faire pour la future étudiante.
Les derniers préparatifs faits, les deux Brook quittèrent leur maison et partirent en direction de l'école universitaire. L'avantage, pour l'une comme pour l'autre, était la localisation de leur résidence. A quinze-vingt minutes à pieds de l'hôpital pour l'une, et à dix minutes pour l'autre. Que demander de plus ? Rien, en fait. Moana portait avec elle son dossier scolaire avec tous les renseignements nécessaires; pour sa part, Heïana n'avait que son sac à main, mis en bandoulière sur l'épaule. Autant dire qu'elles arrivèrent très rapidement à l'université de Queensland; l'une comme l'autre connaissaient déjà le chemin pour y aller, chacune l'ayant visité. L'adolescente pour les études qu'elle comptait y suivre, l'adulte car elle y avait donné des cours de danse. D'ailleurs, elle avait hâte de revoir Yoko ! Il faudrait qu'elle lui envoie un SMS, à l'occasion. Elles entrèrent dans le hall principal.
Allez, va. Tout va bien se passer, dit Heïana à sa petite soeur, l'encourageant d'un doux sourire. Prenant toute sa volonté à deux mains, la plus jeune partit en direction du bureau directorial de la filière Droit. La brune regarda sa petite frisée préférée partir, et quand elle fut trop loin pour la distinguer, elle se détourna pour trouver des machines à café. Celles-ci ne furent pas difficiles à trouver, une partie du hall servant à la détente des étudiants. Sous les regards curieux de certains, dont l'âge devait être similaire au sien voire même supérieur, la jolie Polynésienne s'avança jusqu'à l'un des automates. Choix rapidement fait en faveur d'un café noisette, elle glissa quelques pièces de monnaies et sélectionna la boisson chaude désirée. Bon, il ne lui restait plus qu'à attendre que le rendez-vous de Moana se passe... Pourvu qu'elle soit prise! Mais il n'y avait aucune raison que ce ne soit pas le cas, après tout.
I need a hero I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!
Dans les couloirs aux murs sales et sombres de l’université, je trace vers la sortie entouré de ma bande de potes qui se sont lancés dans un débat débile qui m’échappe totalement : DC Comis versus Marvel, les films. Je suis en train de siffler ma canette de Red Bull tranquillement, pour me redonner un peu de peps car je ne suis pas prêt de me poser aujourd’hui. J’enchaîne avec un photo shoot aujourd’hui, puis je passe enregistrer au studio de Fitzgerald avant de bosser sur mes derniers cours et la fameuse plaidoirie de Paul Lombard. En bref, j’ai trop peu d’heures de sommeil pour tout ce que j’ai à faire alors, il me faut du dopant. Un coup de coude dans les cotes me fait geindre et je pousse mon pote avec violence contre le mur. – Personne ne fera mieux que Nolan avec ses Batmans c’est tout. Y’a même pas à argumenter en fait ! Tout l’reste c’est d’la merde ! Le vent de révolte ne tarde pas et je me marre en les voyant s’enflammer pour leurs super-héros préférés. Faut dire que je me fiche pas mal de tout ça pour ma part, la dernière fois que j’ai été au cinéma je n’ai pas résisté et j’ai dormi. Si je me pose, je dors. Je ne peux pas rester inactif, même pour regarder un film. Sac sur l’épaule, on sort enfin dehors et j’allume automatiquement une cigarette tout en faisant défiler les messages de mon téléphone. J’en envoie un à Jess, lui réclamant une énième photo de Mo’ pour me donner un peu de baume au cœur. Vivement ce weekend… J’ai hâte de la voir dimanche, même si c’est chez les beaux-parents détestables et aigris. Quelques minutes plus tard, la photo que je reçois m’arrache un sourire ému et je range mon téléphone, satisfait. – Faut que je passe à l’administration, pour le stage, tu devais pas y aller toi aussi Babybel ? Oh putain le stage ! Je jette ma clope dans le cendrier en répondant – Bordel si ! J’ai zappé de remplir les docs’, faut que j’en demande d’autres. Parce que bien évidemment, j’ai dû les perdre. Le problème quand on multiplie les activités pour éviter soigneusement l’ennui et la solitude, c’est qu’on s’éparpille. Je suis complètement éparpillé et désordonné comme type. J’ai plusieurs cabinets de ville en vue pour mes futurs stages, mais j’attends aussi énormément de la conférence à venir dans la semaine avec Jameson Winters. Vu sa réputation, elle peut être très intéressante à côtoyer. J’accompagne alors Riley pour récupérer les documents nécessaires. Avec mon plus beau sourire, je demande pour la énième fois les mêmes documents à la secrétaire fatigué et plus du tout convaincue par mon jeu de petit charmeur. Lorsque je les ai en ma possession, je délaisse mon pote pour profiter des deux heures libres de ma journée sans aucune idée derrière la tête. Je pourrais aller voir Anderson, l’observer travailler… Mauvaise idée.
Avançant dans le couloir, je fronce les sourcils lorsque j’aperçois un joli minois devant la machine à café. Un si joli visage ne s’oublie pas ! Et c’est avec un grand sourire que je m’avance vers elle, par derrière, et pour la surprendre lâche un – BOUH ! J’éclate de rire en le voyant sursauter, son café à la main et je la salue plus normalement par la suite – Heïana, ça fait plaisir de te voir ! Qu’est-ce que tu fais là ? Oh attends ! C’est ta sœur, tu l’accompagnes pour un truc ? J’observe le misérable gobelet de café qui provient des machines, infect en plus d’être inefficace. – Mais si t’as un peu de temps devant toi, faut absolument que je sauve tes papilles et t’offre un véritable café plutôt que ce truc dégueulasse et franchement immonde qui ne mérite pas du tout cette appellation. Donne-le moi, ça va à la poubelle ce truc… Laisse-moi t’offrir un vrai café, qui a du goût ! Les petits établissements sont nombreux à deux pas de la fac, et si elle doit attendre sa sœur, autant le faire dans un endroit agréable plutôt qu’en plein couloir désertique et fréquenté uniquement par des ados ou des jeunes majeurs préoccupés.
FEATURING @Abel White & Heïana Brook Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't. Please Boy. Help me.
Heïana réfléchissait, alors que le café coulait dans son gobelet. Elle avait envie de voir un film, d'aller se poser dans un ciné depuis quelques jours. Cela faisait longtemps après tout. Mais qu'aller voir ? Une nouvelle sortie, une rediffusion ? La jeune femme devait bien avouer que s'il y avait bien une super-héroïne qui faisait battre son petit coeur à la chamade lorsqu'elle la voyait à l'écran, c'était bien La Veuve Noire des Avengers. Au point même qu'elle lisait, de temps à autres, des fanfictions sur elle ! Et le reste de la troupe bien évidemment, car rares étaient les récits portant uniquement sur la flamboyante espionne russe. La Tahitienne admirait énormément ce personnage, déjà pour sa force de caractère, son petit côté malicieux lorsqu'elle se laissait aller, mais aussi et surtout pour sa capacité à surmonter les épreuves qu'elle avait vécu. Ce sans parler de ses incroyables compétences physiques, notamment en combat rapproché, qui faisait d'elle un membre à part entière des Avengers alors qu'elle était sans aucun doute la plus ... "normale" du lot, si on peut le dire ainsi. Vivement qu'un film sur son parcours sorte ! Des rumeurs couraient, depuis plusieurs années déjà, sur une potentielle annonce des studios Marvel... Rien qu'à cette idée, la sage-femme croisait les doigts. Mais bref, ce n'était de toute façon pas à l'affiche actuellement, donc pas de quoi cogiter trop longtemps. Oups, le café ne coulait plus. Heïana se pencha pour prendre son gobelet, avant que des étudiants ne s'impatientent de son manque de réaction, puis elle se décala de quelques mètres pour ne pas bloquer le passage. Elle regarda autour d'elle, rêveuse; que cette fac était grande ! Rien à voir avec l'école de sages-femmes qu'elle avait connu à Tahiti. En même temps, Brisbane comptait dix fois plus d'habitants que les îles de Polynésie, alors forcément... Pensive, la jeune femme but une, puis deux gorgées de son petit café. Beurk. Pas top. Enfin, on pouvait craindre pire comme salle d'attente.
Par contre, les grandes verrières servant à la fois de fenêtres et de murs à ce hall d'entrée présentaient l'inconvénient de rendre les lieux très chauds au moindre rayon de soleil. D'ailleurs, la plupart des étudiants qui se trouvaient là pour une pause bien méritée étaient en simple tee-shirt. La demoiselle elle-même commençait à ressentir la chaleur; elle porta sa main libre en haut de sa chemise, la posa sur le troisième bouton, puis hésita un instant. On risquait de voir d'autant plus la marque sur sa gorge, qui était jusque-là à peu près dissimulée, mais si elle se faisait aborder, ce serait vite vu... Sauf si son interlocuteur était aveugle comme une taupe. A cette pensée, Heïana stoppa son action pendant quelques secondes; cependant, elle décida que tant pis, de toute façon elle ne connaissait personne ici à part sa propre soeur, alors qu'importe ? Ainsi, le troisième bouton du chemisier sauta, dévoilant un peu plus sa gorge et le haut de sa poitrine.
Toute à ses diverses réflexions, elle n'entendit pas que l'on se glissait derrière elle. BOUH ! s'écria soudainement une voix, juste dans le dos de la pauvre maïeuticienne qui sursauta et laissa échapper un petit cri surpris. Qui donc pouvait bien faire de telles blagues à une inconn... Ah bah non en fait, il s'agissait de n'importe qui sauf d'un étranger, découvrit la demoiselle lorsqu'elle se retourna. Abel ! Mais bien sûr, il lui avait dit qu'il étudiait ici ! Salut Abel ! Le plaisir est pour moi. Un sourire ravi étira les lèvres de la Tahitienne, alors que le jeune père commençait à lui parler à toute vitesse. Tout à fait amusée, elle le laissa faire, répondant simplement à son interrogation sur sa présence en ces lieux : Oui j'accompagne Moana ! Elle a un entretien avec votre directeur de filière. Tu avais eu un rendez-vous toi aussi pour ton entrée à la fac ? Elle opina du chef lorsqu'il lui proposa d'aller boire un coup ailleurs. Cependant, elle vida son mini-gobelet de cette boisson amère et peu ragoûtante d'une traite, déclarant avec aplomb: Pas de gaspillage. D'un rire ravi, elle prit le bras de l'étudiant tatoué et déclara: Je te suis ! Au fait, quoi de neuf depuis les péripéties de Morgane ?
Les deux connaissances se détournèrent des distributeurs automatiques de gourmandises pour prendre la direction de la sortie, faisant un beau demi-tour droite. Stop, murmura soudainement Heïana, freinant des quatre fers d'une force qu'elle n'aurait pas soupçonnée elle-même. Son emprise se resserra de manière instinctive sur le bras d'Abel alors que ses yeux ne lâchaient pas une silhouette, à une vingtaine de mètres, qui s'approchait du coin cafétéria rapide du hall d'entrée. La demoiselle était comme tétanisée, et son teint était incroyablement livide, d'autant plus pour une Tahitienne au teint naturellement caramel. Pas une autre parole ne franchit ses lèvres, ne voulant pas accuser à tort. Pourtant, son instinct profond, primitif, lui hurlait tour à tour soit de fuir, soit de frapper le salaud qui se rapprochait toujours plus d'eux comme elle n'avait jamais tabassé quiconque auparavant. Elle ressemblait très clairement à un animal blessée. Elle ÉTAIT blessée.
I need a hero I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!
→ Je ne m’attendais pas vraiment à tomber aujourd’hui sur la jolie tahitienne au beau milieu de la fac, mais je me souviens très vite de notre conversation – trop rapidement écourtée par une Morgane explosée de fatigue – au café de l’hôpital. Heïana avait mentionné sa sœur, qui rentre cette année à la fac de droit, aussi la voir ici n’est pas si illogique que ça, même si c’est surprenant. Très rapidement, c’est un sourire chaleureux qui s’installe sur ses lèvres et son doux visage rayonne alors que je l’assomme de paroles rapides, un peu trop excité par le Red Bull que je viens de boire. Je réfléchis à mon entrée à la fac et j’hoche la tête – Oui, c’est une sorte d’entretien d’embauche en moins stressant car si t’as payé ton année, il doit t’accepter de toute façon. Il y a très peu de chance pour foirer ce moment, c’est juste une formalité. J’suis sûr que ta sœur s’en sortira très bien ! Elle est sérieuse dans les études ? Je n’ose imaginer le quotidien d’Heïana, entre son propre boulot à l’hôpital et les gardes inévitables de 12h qu’elle doit se farcir de manière récurrente et la prise en charge de sa petite sœur qui entre tout juste à la fac. Elle n’a pourtant aucun cheveu blanc, du moins je n’en vois pas, ce qui relève très certainement du miracle. Quand je vois l’inquiétude qui me ronge les sangs pour Morgane quasiment tous les jours… Je me dis que je vais bientôt devoir me faire une teinture.
Je ris en la voyant avaler son café d’une traite suite à ma proposition d’en trouver un bien meilleur. – Je vois, t’es un brin écolo toi ? Je ne m’en serais pas douté… Je déclare de manière énigmatique et ironique. Il est évident que si, je m’en suis douté. Qui ne l’est pas un peu à l’heure actuelle à part de parfaits inconscients égoïstes ? Même moi je fais désormais attention à ce que je mange, à mes mégots de clopes que je ne jette jamais par terre et j’essaie de ne pas tomber dans le consumérisme qui semble profondément ancré dans la société. Elle accepte ma proposition et nous voilà, bras dessus, bras dessous, en train de quitter le hall bruyant de l’établissement pour nous diriger tranquillement vers un café charmant afin de profiter de nos retrouvailles. – Et bien… Jess est passée à la maison et… elle ne m’a pas vraiment engueulé au final. Je me tords les lèvres en me demandant s’il est bienvenu de me confier à Heïana sur ma relation avec mon ex-femme. Et puis, je me dis que la jeune femme m’a rencontré dans un moment où j’étais particulièrement vulnérable, qu’elle m’a tendu la main et ne m’a pas jugé alors pourquoi le ferait-elle maintenant ? Heïana est le genre de nana à qui on peut tout confier sereinement, alors j’ajoute – Disons que l’animosité entre nous s’est transformé de façon plutôt plaisante. Ce qui n’était très certainement pas la meilleure chose à faire d’ailleurs. Sûrement pas, non. Et j’essaie d’enfouir mes sentiments qui viennent comprimer ma poitrine par moment, je refoule mes émotions préférant les ignorer plutôt que d’y faire tout en sachant que dimanche sera bientôt là… Je soupire en disant – Je crois que ça va foutre grave la merde … Parce qu’il est impossible que Jess et moi on soit de nouveaux ensembles. Impossible.
- Stop. Stop ? Pourquoi stop ? Hébété, un peu ahuri, j’observe ma camarade avec curiosité en me demandant ce qui lui passe par la tête d’un coup. Cependant, lorsque j’aperçois son visage livide, ses yeux exorbités et son expression affolée, je comprends que quelque chose ne va pas du tout, en effet. En la détaillant ainsi du regard, j’aperçois des marques sur son cou, qui s’apparentent à des marques de strangulation et l’agacement me prend alors aux tripes. Je suis son regard affolé jusqu’à un type plutôt grand, l’air revêche, qui marche d’un pas déterminé vers l’administration. Serrant les dents, je demande à Heïana, contenant difficilement l’énervement qui s’empare de moi. – Qui c’est ? Comme elle ne me réponds pas, je me place devant elle et pose mes mains sur ses épaules. J’ancre mon regard dans le sien en plaçant mon visage à bonne hauteur. – Heïana ? Respire, j’suis là. C’est qui ? C’est lui qui t’as fait ça ? J’effleure du doigt son cou, en grimaçant. Réalisant qu’elle s’est sûrement faite agressé, et il y a peu de temps, mon sang ne fait qu’un tour. Je me sens forcément impliqué.
FEATURING @Abel White & Heïana Brook Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't. Please Boy. Help me.
Les paroles d'Abel étaient un vrai baume au coeur pour la jeune femme. Ainsi, la rencontre avec le directeur pédagogique, un certain monsieur Van Hohenheim (drôle de nom d'ailleurs) était plus une formalité qu'autre chose tant qu'on avait les sous. Et pour le reste, cela se jaugeait à la motivation. Autant dire que Moana n'en manquait pas, alors ce ne serait pas un soucis ! Oh oui, elle est travailleuse naturellement. Et si ça n'avait pas été le cas, je l'aurais poussée ! Pas de feignasse chez les Brook, répondit la brune avec assurance et aplomb, en bonne "mère de famille" qu'elle avait pu devenir, aussi bancale que cela puisse sembler pour son âge. La Tahitienne avait dû grandir bien trop vite, mais elle ne s'en plaignait pas; il s'agissait d'une décision prise en pleine conscience, même si on ne se doute jamais trop des difficultés avant d'y être confronté, et elle ne la regrettait pas. Hors de question d'être séparée de sa cadette, et de la voir partir dans de la famille qui ne les avait que peu connues, ou pire, dans des foyers ! Quand on a la capacité physique, mentale et émotionnelle de faire quelque chose, le reste des prétextes empêchant d'agir n'étaient qu'excuses aux yeux d'Heïana. D'ailleurs, elle considérait que le monde de manière générale se laissait un peu trop aller : avec les progrès de la technologie, la société avait découvert un confort dans lequel elle s'était totalement affalée. Aujourd'hui, chacun réclamait toujours plus, alors qu'il n'y avait pas besoin de tant. Le matériel surpassait l'humain, et ça, c'était insupportable pour la Polynésienne. Pour recevoir, il faut d'abord donner; voilà un principe de vie qu'elle appliquait au mieux possible. La demoiselle jeta son gobelet dans la poubelle des matériaux à recycler ; il était déjà exceptionnel qu'elle ait eu besoin d'un contenant jetable, habituellement elle n'utilisait que sa gourde d'eau, toujours fidèle à son poste, dans son sac à main. Riant aux sous-entendus d'Abel, elle rétorqua: Et tu n'as encore rien vu! Bon, je ne vis pas encore dans une cabane en forêt. Quoi que ça doit être une expérience à tenter. Elle pouffa de rire devant la tête que l'homme tira à sa déclaration, et rajouta: D'ailleurs, je n'oublie pas notre voyage à Tahiti ! En termes de nature, tu seras servi.
Les deux jeunes gens se préparent à aller prendre une bonne boisson, discutant gaiement. Abel commence à raconter à la sage-femme la réaction de sa si redoutée ex-compagne ; la Tahitienne sourit à cette évocation, se rappelant le stress du jeune père lorsqu'il avait amené la prunelle de ses yeux aux urgences. Bien évidemment, il s'en faisait avant tout pour sa progéniture, mais il ne fallait pas éluder le stress provoqué par l'hypothétique réaction de la mère de son enfant. Apparemment, cela s'était bien mieux passé que prévu, car l'étudiant parla de choses plutôt plaisantes. Avec spontanéité, Heïana demanda: des choses plaisantes ? Genre manger ensemble ? Je ne vois pas en quoi ça serait une mauvaise chose ... Bon, après, elle ne connaissait pas le détail de leur relation, loin de là; peut-être ne se supportaient-ils pas au point de se lancer tout et n'importe quoi à la figure, pour la moindre chose arrivant ! Ou alors peut-être Morgane les avait-elle vu faire, et si ce n'était effectivement pas habituel, peut-être interprétait mal les choses... Mais bon, quand même, ça ne pouvait pas être si grave ! La demoiselle aurait été ravie de continuer à parler de tout ça, mais cela n'allait plus être possible.
Non, aucun doute. C'était bien lui. D'ailleurs, Abel ne tarde pas à s'en rendre compte, et fait bien vite le lien entre le regard fixe de la maïeuticienne sur l'inconnu, et la trace virant au violacé qu'elle arborait sur la gorge. A vrai dire, la jeune femme était tellement tétanisée qu'elle n'entendit même pas le tatoué la questionner. Jusqu'au moment où il se posa devant elle, coupant son champ de vision. Heïana frissonne lorsque le jeune père glisse un doigt sur sa gorge; ce n'est pas douloureux, mais la situation est trop brutale pour que ce contact ne la fasse pas réagir. Reprenant contenance, la jeune femme serre les poings. Après la peur et la stupéfaction vient la colère. Bouillonnante dans ses veines tel une vague ravageuse de lave, détruisant tout sur son passage. Elle se mit à trembler assez fortement. Il s'appelle Kyle, énonça-t'elle lentement. Il m'a droguée, et aurait fait plus si personne n'était intervenu à temps. Un torrent d'émotions s'emparait d'elle, alors qu'elle ajoutait : La police n'avait pas encore réussi à le retrouver. Tu m'étonnes, il fait tellement plus propre sur lui là, en costard... Et il est là, juste là ! Alors que l'autre étudiant approchait d'eux pour se rendre vers d'autres salles, ne leur accordant pas un regard, Heïana posa une main sur l'épaule d'Abel, et d'une pression délicate, se décala de lui. Elle n'était pas d'une nature violente, elle était même du genre à prôner que l'agressivité ne résolvait rien. Mais là, son cerveau primitif ne lui hurlait plus qu'une chose: VENGEANCE.
Salut, tu te souviens de moi ? Demanda la Tahitienne, ayant stoppé d'un coup l'homme dans sa démarche. ZBAFF !! La gifle partit d'un seul coup, d'un très beau mouvement du bras, résonnant dans le hall d'entrée en un magnifique écho. Si la situation avait été autre, Heïana aurait été fière de cette acoustique. Parce que moi, je me souviens très bien de toi. Énonça-t'elle d'une voix glaciale, qu'elle ne se connaissait pas. Le garçon, ahuri, se tenait la joue en la regardant, et ses pupilles s'écarquillaient petit à petit: il la resituait enfin dans le contexte approprié. Cependant, il ne semblait pas vouloir se laisser faire. Il fronça les sourcils, et son regard devint fou, la même folie qu'avait vu Heïana ce soir-là. En effet, je me souviens. Ma lèvre aussi, désigna-t'il en montrant le morceau qu'il manquait sur la partie inférieure de sa bouche. Comme s'ils n'étaient pas entourés d'autres élèves, il ricana: Je n'avais pas dû assez bien doser le GHB dans ton verre. Tu reviens pour que je finisse le travail, ma petite salope ? La demoiselle sentit sa peur revenir au galop, mais surtout, sa prudence refaire surface: il ne la chopperait pas une deuxième fois. A quelques mètres de là, une étudiante avait un téléphone à l'oreille, attentive à la scène: la police était déjà en route, les terribles mots de Kyle n'ayant échappé à personne.
I need a hero I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!
→ - Oh oui, elle est travailleuse, naturellement ! Et si ça n’avait pas été le cas, je l’aurais poussé ! Pas de feignasse chez les Brook ! Je rigole doucement en l’entendant. – Mais quelle autorité, dites donc ! Avec un gosse comme moi, elle en aurait eu des cheveux blancs Heïana ! Je l’imite en répétant – Pas de feignasse chez les Brook ! Puis, après avoir un peu rit encore, j’ajoute – En tout cas, elle n’a pas choisi un cursus de feignasse, le droit ça ne rigole pas. Et là encore, si elle a besoin de cours ou de ressources, voire même dans ses recherches de stages, de conseils, pense à moi. J’serais ravi de lui rendre service, vraiment. Oui, je suis comme ça moi, toujours à vouloir aider mon prochain. Dans le cas d’Heïana, je ne fais que lui rendre la pareille en réalité car c’est bien elle qui m’a aidé au moment où j’étais totalement désemparé avec Morgane et sa chute. Elle a su trouver les mots pour me réconforter, m’apaiser et m’aider à gérer la situation qui était pourtant critique. Alors, c’est évident que si je peux lui apporter mon aide en retour, je le fais sans aucune hésitation ! Pour l’instant, je lui propose d’aller boire un meilleur café que le truc horripilant qu’elle s’enfile malgré tout. – Et tu n’as encore rien vu ! Bon je ne vis pas encore dans une cabane en forêt. Quoi que ça doit être une expérience à tenter. D’ailleurs, je n’oublie pas notre voyage à Tahiti ! En termes de nature, tu seras servi. Le voyage de Tahiti… C’est vrai qu’elle m’a promis un voyage, et sur le coup j’ai été plutôt surpris, la trouvant bien rapide dans sa proposition à emmener à l’autre bout du monde un mec qu’elle n’a vu qu’une fois dans des circonstances particulières. Mais je commence à comprendre qu’Heïana Brook est loin d’être une fille comme les autres. Elle est vivante, Heïana et avenante. Elle a envie de répandre la joie de vivre tout autour d’elle et de donner, d’apporter aux gens quelque chose, un peu d’espoir, un peu d’envie tout en les responsabilisant, en les amenant à réfléchir, à s’inquiéter sur le monde autour d’eux. C’est une belle personne Heïana, je suis ravi de la compter dans mon entourage. – A vrai dire, ce qui me fait peur c’est le soleil. Je crame toute l’année ici, je n’ai pas ma dose de pluie suffisante tu vois. Et ça fait cliché, je sais mais bordel ! La petite pluie fine qui s’engouffre partout, obligeant votre corps à se presser, se réchauffer, se hâter, elle me manque tant par moment ! Ici c’est crème solaire toute l’année et mon nez a tellement pelé que désormais il arbore une teinte rouge en permanence. Je suis obligé d’user de produits nourrissant tant et plus pour lutter contre les effets du climat australien. C’est épuisant. – Mais j’suis sûr que Morgane elle kifferait y aller. Le seul hic, c’est qu’il faudrait convaincre sa mère de me la laisser pour un voyage. Et c’est mort. Jessian est conciliante, évidemment mais elle ne me fait suffisamment confiance pour ça. Ses parents s’opposeraient très certainement au projet et le feraient capoter d’une façon ou d’une autre. Mauvaise idée, irréalisable. En évoquant Jess, je me confie à Heïana sur la nuit que nous avons passé tous les deux. Elle est la première personne à qui j’en parle et j’avoue me sentir ambivalent vis-à-vis de mon ex-femme à présent. D’un côté, j’ai envie de la revoir et d’effacer tout le passé. Mais d’un autre côté j’ai envie de m’enterrer six pieds sous terre et de ne plus jamais croiser sa route. Je me sens coupable d’une faute que je partage et je ne sais pas trop comment me dépêtrer de ses sentiments-là. – Des choses plaisantes ? Genre manger ensembles ? Je ne vois pas en quoi ça serait une mauvaise chose… Je lève les yeux au ciel aux questions d’Heïana et je pouffe un peu. – Genre coucher ensembles. Et non, Mo’ n’est pas au courant, ça aurait été tellement merdique comme situation à expliquer t’imagine ? Déjà que quand elle a été à l’école, elle a posé pleins de questions du style : pourquoi papa et maman vivent pas ensembles ? Papa t’aime pas Maman ? ça a été assez difficile à lui faire comprendre, alors non… On n’a pas tout foutu en l’air à ce point. Ceci dit, la situation est merdique quand même. J’ai pas pu m’empêcher de lui sauter dessus. Elle était en petite robe de soirée là, et merde. Elle est magnifique Jess, tu sais. Bref, j’ai pas pu et elle m’a pas repoussé. Et maintenant, j’ose à peine lui demander ma photo habituelle de Morgane quoi. J’suis con. Et je déverse, plus que je ne l’aurai pensé. Je déverse brutalement, mes émotions et mes sentiments qui s’écoulent et sortent de moi en vrac. Je ne pensais pas que j’aurai autant besoin d’en parler mais c’est pourtant le cas. Jessian est dans ma tête, toujours un peu dans mon cœur et je revis la nuit depuis samedi, sans arrêt.
Puis, coupant court à toutes mes questions internes et mes confessions décousues, Heïana se stoppe et se fige, comme si elle venait de voir un fantôme. Rapidement je fais le lien entre les marques dans son cou et le mec qu’elle fixe férocement et j’essaie de la faire revenir à elle. J’essaie mais elle est ailleurs Heïana, quelque part perdu entre la colère et la peur, le désir de vengeance qui dépasse toutes les autres émotions brutalement. Et alors, elle m’explique en quelques mots la situation. Sa voix est ferme et tremblante à la fois, elle semble déterminée mais bouleversée. Une colère sourde gronde en moi alors que j’apprends qu’elle a été droguée, et qu’elle aurait sûrement été violée sans l’intervention d’autres personnes. J’ai la rage, je dévisage le ‘Kyle’ en question qui se comporte comme n’importe quel étudiant à la fac. Je sens la main d’Heïana me pousser doucement et je m’exécute sans réfléchir, encore sous le choc de sa confidence. Dans quelle soirée était-elle pour se faire droguer ainsi ? Ce n’est pas normal, il faut qu’elle fasse plus attention. Des pervers et des cons, il y en a tellement. Je la vois s’approcher et gifler le type en question. Au moins celle-là il l’aura mérité pour sûr ! Je me rapproche d’Heïana lorsqu’il se met à lui répondre, et sa dernière phrase me fait disjoncter d’un coup. Tu reviens pour que je finisse le travail, ma petite salope. Sans réfléchir davantage, je passe devant Heïana et la repousse légèrement vers l’arrière avant de bloquer Kyle contre le mur derrière lui brutalement et de lui mettre une droite. – Sale bâtard, on devrait castrer les connards dans ton genre ! Bien évidemment, il n’a pas dit son dernier mot ce sale con et il se débat, me repousse. Je m’en prends une à mon tour, mais j’ai la rage qui monte et je vais lui exploser sa sale gueule, c’est sûr. Coup de pied, coup de poing, ça part dans tous les sens. Les insultes fusent, les coups pleuvent et c’est un véritable combat qui prend place dans les couloirs de la fac au moment où la sœur d’Heïana sort du bureau du doyen. Personne n’arrive à nous séparer, la violence des coups est saisissante et cela dura jusqu’à l’arrivée des flics qui calment aussitôt le jeu. Je crache au visage de Kyle, la gueule rétamé, le pif en sang alors qu’un gros bras me passe les menottes. J’vais l’finir en cellule, rien à foutre. Je suis tellement énervé que je n’entends pas Heïana s’adresser aux flics pour expliquer la situation.
FEATURING @Abel White & Heïana Brook Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't. Please Boy. Help me.
Heïana était réellement ravie du soutien que le jeune homme promettait d'être pour sa petite soeur. Avoir un point d'attache, une ancre dans ce nouvel univers qu'est l'université ne serait jamais de refus pour la plus jeune des Brook. La demoiselle rit lorsqu'Abel l'imita dans sa diction, pour se moquer gentiment d'elle. En même temps, il avait raison: autant elle savait être calme, patiente et attentionnée, autant sur certains points, tels que l'application dans les études (quel que soit le domaine que l'on choisisse, elle n'aurait jamais rabaissé Moana si elle avait choisi une filière professionnelle, loin de là) ou encore le respect envers autrui, la sage-femme se montrait particulièrement intransigeante. Eh bien écoute, merci beaucoup pour elle ! Moana n'aura qu'à te donner son numéro lorsqu'elle sortira de son entretien; vous ferez connaissance comme ça. Puis les deux adultes changèrent totalement de conversation, car Heïana avait abordé le sujet Tahiti. Elle remarqua bien qu'un instant, son interlocuteur sembla surpris qu'elle en reparle; peut-être avait-il considéré que les SMS qu'ils avaient échangé sur ce potentiel n'était qu'une blague téléphonique. Absolument pas, la brune était tout ce qu'on est de plus sérieux. Franchement, quel était le souci ? Au niveau du billet d'avion il n'y en avait pas; ça coûtait extrêmement cher, mais vu la richesse que leur avaient laissé leurs parents, qu'Heïana renflouait chaque mois grâce aux nombreux loyers qu'elle percevait des locations qu'avaient mis James et Poehina Brook en place - à Brisbane comme à Papeete - c'était tout sauf un obstacle. Et justement, avec le nombre d'appartements et maisons à disposition, il y avait largement de quoi se loger, sachant que la demoiselle en gardait toujours au moins une de côté pour leur propre usage. La Tahitienne n'en avait pas l'air comme ça, car elle était simple et aimait vivre sans faste - mais dans un confort tout adapté quand même comparé à d'autres, elle le réalisait bien - mais elle était en réalité aisée. Riche. Extrêmement riche. D'autant plus qu'elle ne dépensait que peu. Bref, elle et Moana n'avaient pas à s'en faire pour leur avenir. Pour en revenir au sujet Tahiti, Abel exposa son principal problème: l'accord de la mère. Heïana haussa les épaules et déclara: Envoie-la moi ! J'ai tendance à avoir une bonne influence sur les parents angoissés. Bien évidemment, la référence à Abel lui-même était évidente, et la professionnelle de santé lui envoya un clin d'oeil joueur. Et au pire, elle n'aura qu'à venir en vacances à Tahiti aussi, quitte à ce que vous ne soyez pas dans la même maison, que sais-je. Elle balaya le sujet d'un geste de main, ajoutant: J'ai assez de pieds-à-terre pour vous loger là-bas. En tout cas, la maïeuticienne était réellement sérieuse sur le fait de dialoguer avec la mère de Morgane, si Abel voulait absolument amener sa fille avec lui à Tahiti. En même temps, qui pourrait le lui reprocher ? La destination était à proprement dire paradisiaque, alors aux yeux d'un enfant... Le jeune père pourrait s'amuser à l'habiller comme une vahiné, nager avec elle dans les eaux translucides du lagon, l'amener dans des recoins de la forêt de Tahiti pour découvrir les plus beaux paysages. Non vraiment, il faudrait que cela se fasse. Voilà un beau projet ! La jeune femme rougit un peu lorsqu'Abel lui mit sous les yeux qu'en tant qu'adultes, quand on dit "une façon plutôt plaisante" de résoudre le problème, c'est généralement qu'on couche ensemble. Oups ? Cette éventualité n'était réellement pas apparue aux yeux d'Heïana tant qu'il ne l'avait pas évoquée de manière tangible, explicite. Quelle idiote. Ah oui, là elle comprenait mieux le trouble que cela avait pu mettre entre l'étudiant en droit et son ex.
Mais ils n'eurent pas le temps de disserter sur le sujet qu'une douloureuse épine vint se loger dans le talon d'Heïana. Elle n'aurait jamais cru recroiser ce salaud ici, à la fac de Brisbane. Là où sa petite soeur allait étudier en plus ! Pas moyen qu'elle se trouve au même endroit que ce danger public, que ce goujat, que cette merde à la face de l'humanité. Oui oui, elle ne mâchait pas ses mots, et autant elle détestait dire du mal des autres, elle pouvait donner des deuxièmes, troisièmes, quatrièmes chances selon les fautes et les erreurs, mais certaines choses n'étaient pas pardonnables. Eh oui, la Tahitienne était rancunière. TRÈS rancunière. Et l'étudiant qui arrivait vers eux, l'air de rien, allait très vite s'en rendre compte. Quelques mots échangés, très bref. Une gifle. Et voilà qu'Abel se mêlait au début de bagarre, étant sans aucun doute bien plus vif que la jeune femme et plus fort dans ses coups aussi. Tout dérapa. Jamais Heïana n'avait voulu cela ! Elle essaya bien à plusieurs reprises de les séparer, mais rien à faire; si elle s'interposait plus, elle se prendrait des coups, peut-être même ceux du tatoué, involontairement. Impuissante, elle regardait le jeune homme se battre, mais prendre autant de coups qu'il en mettait.
Heureusement, ou malheureusement, la police arriva assez vite. Celle-ci ne fit pas dans la dentelle, étant arrivé à quatre gros bras, et ils séparèrent bien vite les deux combattants. Mais voir les menottes être passées aux poignets d'Abel fit réagir la métisse: hors-de-question qu'il finisse au commissariat par sa faute! Moana s'était approchée entre temps. Que s'est-il passé ? Demanda la cadette avec inquiétude. Je te présente Abel, déclara l'aînée en désignant celui qui avait pris sa défense. Il vient de me protéger face à celui qui m'a droguée, l'autre jour. Autant dire que si Heïana n'avait pas son autorité naturelle et exercée sur sa petite soeur, celle-ci se serait vue elle aussi passer les menottes autour des poignets. La sentant bouillonner, la sage-femme l'attrapa par les bras et lui dit: rentre à la maison. Prépare le kit de soins pour Abel. Je vais résoudre la situation. Obéissante mais rebelle, la plus jeune fit ce qu'on lui avait demandé, se permettant cependant de marcher et de peser de tout son poids-plume - malencontreusement bien sûr - sur le pied de celui qui était tenu par un seul flic désormais. Heïana observa les agents qui étaient là, et cibla le plus âgé; elle venait de remarquer qu'il avait fait partie de la brigade étant intervenue lors de l'accident de voiture qu'elle avait subi, sept ans plus tôt. Plus que ça, elle savait qu'il avait bien connu ses parents, qui s'étaient fait connaître par leur générosité comme par leur ambition; si ses souvenirs étaient bon, ils lui avaient financé certaines formations complémentaires pour qu'il monte en grade plus rapidement. Bien, très bien. Ce n'était pas quelque chose qu'elle faisait régulièrement, ni qu'elle appréciait faire, mais là, ça valait le coup. Heïana allait profiter de l'influence de sa famille, de son pouvoir. Elle s'approcha donc sans hésiter. Bonjour ... Capitaine Dan Hooper ? Comment est-ce-que... Oh mais dites, vous ne seriez pas ? Automatiquement, l'oeil alerte du cinquantenaire avait reconnu la jolie franco-australienne, bien qu'il ne l'ait pas vue depuis sept ans. Si, Monsieur. Je suis Heïana Brook; ravie de vous revoir. Un peu vieille école, le capitaine de police retira son béret en signe de respect envers l'orpheline; il avait autant d'estime pour ses parents en raison de ce qu'ils avaient fait pour lui que par leur influence globale sur Brisbane pendant des années, que pour le courage qu'avait affiché Heïana suite à l'enterrement de ses ascendants. Que puis-je faire pour vous, Miss ? Eh bien, je dois vous avouer que cette bagarre a commencé par ma faute. Et là, très honnêtement, elle lui raconta tout. Entre temps d'ailleurs, le Doyen était arrivé, ayant entendu le tapage. Les deux hommes écoutèrent le récit de la Tahitienne. L'agression qu'elle avait subi au Candy Club, sur laquelle la police avait par ailleurs enquêté, prenant la déposition d'Artémis Goldsmith, la sienne, celle des danseuses et de quelques clients. Le fait qu'on ne parvenait pourtant par à retrouver l'agresseur. Comment elle venait de le retrouver ici, par le plus pur des hasards. La gifle qu'elle lui avait administré, sous la colère. Abel qui l'avait défendue. S'il-vous-plaît, ne punissez pas ce jeune homme pour m'avoir protégée d'une seconde agression physique de la part de ce Kyle. Je ne supporterai pas qu'il ait un casier par ma faute. Embarquez juste celui qu'on recherche depuis des semaines. Qui sait s'il n'a pas recommencé entre temps ? Le Doyen l'appuya d'autant plus: Je ne cautionne pas la violence, mais ça ressemblerait presque à de la légitime défense. D'ailleurs, dit-il en se tournant vers Heïana, n'ayez aucun doute que cet étudiant, Kyle Stoner, ne fait déjà plus partie de notre Université. Et il partit donner ses consignes à l'administration. Le capitaine de police fit mine de réfléchir, mais sa décision était déjà toute prise. Faisant signe à ses hommes, il les enjoignit d'emmener le premier agresseur dans une voiture pour le conduire directement au commissariat. Puis il s'approcha d'Abel, et de lui-même défit ses menottes. Vous n'aurez pas besoin de repasser chez nous, Miss; la reconnaissance faciale est avérée après tout. Vous recevrez le compte-rendu d'enquête chez vous par courrier. Il la salua d'un signe de tête respectueux, retira son béret et partit.
Une fois qu'il eut disparu, Heïana baissa le menton qu'elle avait gardé bien levé jusque-là, et la dignité presque supérieure qu'elle avait affiché retomba d'un coup. Dieu qu'elle détestait jouer les mondaines. Mais ça leur avait bien servi. Elle se précipita vers Abel, posant une main sur la joue qui n'était pas blessée. En revanche, il semblait avoir une arcade d'ouverte, et la lèvre aussi, sûrement. Mon Dieu Abel ! Tu n'aurais pas dû.. Je... Tu... Elle se perdait dans ce qu'elle voulait dire, voulant lui faire la morale pour s'être battu et mis en danger, mais voulant aussi lui exposer sa gratitude pour l'avoir défendue. Finalement, elle prit la deuxième option. Merci. Je suis tellement désolée ! Elle soupira, soulagée malgré tout que la police ne l'ait pas embarqué. Un peu timide, elle proposa: Ecoute, vu ton état ... Je te propose de venir chez moi, au lieu du café que tu prévoyais. Je vais te soigner, Moana a déjà préparé ce qu'il faut. Et on pourra discuter là-bas. Si tu veux ... ? A cet instant, elle craignait qu'Abel, sous l'effet de la colère, de l'adrénaline, de la déception ou quoi que ce soit, ne l'abandonne, la considérant comme une fille à problèmes. Ce qu'elle n'était pourtant pas.
I need a hero I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!
→ Cela aurait dû être de simples retrouvailles autour d’un café, l’un en face de l’autre assis sur des fauteuils moelleux dégustant un moccacino frappé ou un expresso corsé suivant nos besoins respectifs à l’adresse que je connaissais bien et qui avait jusque-là, toujours fait ses preuves. Nous aurions échangé sur nos vies, je me serais confié sans hésiter sur toutes les questions troubles qui m’habitaient et Heïana aurait trouvé les mots justes pour m’apaiser et m’amener à réfléchir. Mais les choses se déroulent rarement comme on se l’imagine et la situation était rapidement devenue incontrôlable. De simples retrouvailles, nous étions passé par de délicates confidences pour finir par provoquer une bagarre au sein même de l’université, devant le bureau du doyen. Et si je ne m’étais pas encore fait remarqué à Brisbane pour mon tempérament explosif, c’était désormais chose faite – car sans me vanter, j’étais plutôt connu par ici (ma belle gueule m’ouvre des portes que je n’ai pas besoin de pousser en général, appelez ça la chance, moi je me dis que c’est le destin en quelque sorte). Menottes au poignet, la tronche éclatée et le goût du sang dans ma bouche, je me fais embarquer par des gros bras sous les regards médusés des nombreux étudiants qui assistent à la scène de loin. Pour sûr, cette histoire va être relatée dans les journaux et va me faire de la mauvaise pub (mon nouvel agent risque de ne pas apprécier). Toutefois, si c’était à refaire, je réagirai exactement de la même manière car je trouve cela scandaleux et répugnant d’agresser une femme de la sorte. Et lorsque mon regard croise la silhouette du Kyle en question, ça bouillonne en moi et les nerfs me montent instantanément. Je ne lui ai pas suffisamment maravé la gueule. C’est une évidence, il mérite bien pire que ça. Et alors que je m’imagine des châtiments horribles dignes des pires séances de torture aperçues dans les séries ou films, je m’installe sur la banquette à l’arrière d’une voiture de flic, pour que ces derniers m’embarquent au commissariat. Ma nuque repose automatiquement sur le dossier et je souffle longuement tout en essayant de me déboucher une narine pleine de sang pour mieux réussir à respirer. Les sons gutturaux que je provoque moi-même sont arrêtés nets lorsqu’un flic ouvre la portière et me fait redescendre de la voiture – Faudrait savoir ce que vous voulez bordel. Je n’ai jamais eu une grande estime pour les flics de manière générale, même si ce n’est absolument pas justifié. Je pense que tout simplement, cela va avec le packaging bad-boy cheap qui me colle à la peau. On m’enlève les menottes et automatiquement, je viens masser mes poignets douloureux. Ma peau marque tellement vite qu’ils sont rougis et je grimace tout en les frottant et en râlant dans mon coin – Un cran au-dessus et je perdais mes mains, mais tout va bien… Non, je n’exagère absolument pas, voyons. Je relève mon regard perçant vers Heïana à qui le flic lèche clairement les pieds et je fronce les sourcils en me demandant d’où lui vient cette assurance démesurée. Je n’ai plus l’impression d’être face à la gentille sage-femme avec laquelle j’ai fait connaissance il y a peu et ça m’intrigue. Je cligne des yeux, un peu ahuri alors que le mouvement de foule se dissipe et que les voitures de flics se mettent en route. Je n’en reviens pas d’être libre d’ailleurs et je sors une clope à moitié écrasée de ma poche arrière, la glisse entre mes lèvres et l’allume rapidement. La fumée envahit ma bouche et je me relâche automatiquement : ça fait un bien fou ! – Mon Dieu Abel ! Tu n’aurais pas dû. Je… Tu… Merci. Je suis tellement désolée ! J’esquisse un sourire en entendant Heïana se confondre en excuses et je secoue la tête, glissant mon pouce sur ma tempe pour mesurer l’ampleur des dégâts à la va-vite. J’ai eu la gueule défoncée bien plus souvent que je ne voudrais l’admettre, alors… - Sois pas désolée, t’y es pour rien toi. Et franchement, j’aurai voulu lui exploser plus la tronche. Mais il s’battait bien l’enculé, bordel. Et pour appuyer mes mots, voilà que je crache un peu de sang sur le sol. – J’espère qu’il va prendre cher et que ça lui passera l’envie de recommencer surtout. T’es sortie où pour rencontrer une merde comme lui sérieux ? Je sais que tout n’est pas rose lors des nombreuses soirées étudiantes, mais le Kyle en question n’a rien d’un type dominé par ses hormones en pleine puberté. La froideur qui émane de ce mec laisse à penser qu’il n’est pas très net dans sa tête. - Ecoute, vu ton état… Je te propose de venir chez moi, au lieu du café que tu prévoyais. Je vais te soigner, Moana a déjà préparé ce qu’il faut. Et on pourra discuter là-bas. Si tu veux… Je tapote mes poches à la recherche de mon Iphone, m’agaçant un peu de ne pas le trouver automatiquement. Puis, lorsque je le sors, l’écran est bousillé, totalement explosé et je soupire fortement. – Et merde, fais chier. Je relève la tête et demande – On passe devant une boutique de téléphonie mobile en allant chez toi ? Je suis plus inquiet pour mon téléphone que pour la tronche que j’arbore. A vrai dire, je me fiche de mon physique – le comble pour un mannequin n’est-ce pas ? – Du coup, c’est ok. Tu vas m’raconter comment t’as réussi à me tirer d’affaire alors que j’étais bon pour un petit séjour en cellule hein ? Lui dis-je tout en lui emboîtant le pas. - On prends ma caisse ?
FEATURING @Abel White & Heïana Brook Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't. Please Boy. Help me.
L'adrénaline avait englouti Heïana toute entière lorsqu'elle avait vu Abel être emmené par les flics et forcé à s'asseoir dans la voiture. Ah non alors, tout mais pas ça ! Elle n'était plus qu'un mélange discordant de stress, d'angoisse, de soulagement, d'excitation, de colère, de satisfaction, et tant de choses encore. Mais c'est ce même chaos qui aurait pu faire perdre contenance à n'importe qui, même à elle en d'autres circonstances, qui la porta et lui permit de tenir son rôle à la fois gracieux, hautain mais pas trop, sûre d'elle-même, ferme et délicate à la fois devant le chef de la brigade qui venait d'intervenir sur les lieux. C'est grâce à cette assurance qu'elle obtint finalement ce qu'elle voulut, et quelques minutes plus tard, l'étudiant en droit était relâché alors que le doyen s'en retournait à son bureau, et que les officiers de police quittaient les lieux. Se confondant en excuses et en remerciements, la brune s'était rapprochée du jeune homme. Celui-ci rétorqua qu'elle était bien la dernière à devoir s'excuser, et qu'il espérait bien que ce salopard recevrait le jugement mérité. A cette évocation, une étincelle vengeresse traversa les yeux d'Heïana, qui répliqua avec un ton dangereux: Ça, j'en suis certaine. Pour commencer, il est d'ores et déjà renvoyé de cette fac. Voilà un danger public en moins à rôder dans le coin, ce qui rassurait d'autant plus la métisse que sa cadette entrait à l'université à la rentrée prochaine. Elle se serait les sangs si elle avait eu la moindre suspicion mais sans certitude que Moana entrait faire ses études dans une école que fréquentait également son propre agresseur. Tout pendant qu'ils discutaient, Heïana fouilla son sac à main, qui tenait plus de la large besace que de la mini-pochette à vrai dire, et trouva ce qu'elle convoitait: un mouchoir propre et sa gourde d'eau. Mouillant le tissu, elle écouta ce que lui demandait Abel et grimaça, de charmantes rougeurs prenant place sur ses pommettes. J'avais envie de sortir et de re-découvrir Brisbane, vu que j'étais à peine majeure quand je suis partie vivre à Tahiti... Totalement au pif, j'ai décidé d'aller au Candy Club. C'est là-bas que ça m'est arrivé. Le tissu correctement imbibé, Heïana se rapprocha de son preux chevalier, un véritable guerrier dans l'âme celui-là, et appliqua doucement le mouchoir humide sur les zones ensanglantées: elle essuya doucement le sang qui avait pas mal coulé de l'arcade, puis de sa lèvre légèrement fendue et de son nez, tout en complétant: Heureusement, notre altercation a créé un grabuge tel que le patron - très sympa par ailleurs - a pu intervenir avant que ça ne dégénère vraiment.
Une fois le visage d'Abel dans un état un peu moins ravagé, la jeune femme serre son mouchoir en le dirigeant vers le sol goudronné du trottoir pour en retirer l'excédent de cet étrange mélange d'eau transparente et d'hémoglobine bien vermeil, et le range. Son geste n'avait rien soigné ou guéri, mais le père d'une vingtaine d'années avait ainsi l'opportunité d'être moins remarquable dans la rue. Et cela valait mieux, au vu de l'état de son portable et de sa volonté de passer en boutique de téléphonie. Heïana haussa les épaules à sa demande et répondit: Oui, si tu veux ! Ils avaient commencé à prendre la bonne direction, mais le silence n'eut pas le temps de s'installer, et c'est avec une grimace contrite que la franco-australienne entendit Abel lui demander des explications. Bien sûr, elle n'aurait pas pu y couper. Après tout, ce n'est pas n'importe quel péquenot qui parvient à faire fléchir la décision d'un lieutenant de police, ou à changer le protocole habituel lors de l'arrestation de bagarreurs. Et ce, même avec un background défavorable pour l'un des deux, Kyle en l'occurrence. Alors oui, il y avait de quoi se poser des questions sur cette influence qu'Heïana avait exercé avec assez de naturel au final. Cette fluidité dans la prise de pouvoir sur d'autres l'inquiétait d'ailleurs, dans le fond. Elle savait bien que si elle l'avait voulu, elle aurait pu ne pas devenir sage-femme mais être dans les têtes pensantes actuelles d'une immense chaîne hôtelière, voire même devenir sa propre chef d'entreprise, et pas une PME. Quand on voit la facilité avec laquelle elle venait d'expédier l'altercation, alors qu'elle n'avait pas pour habitude d'user de son influence sur autrui... Qu'est-ce-que ça aurait été, si elle avait eu les mêmes ambitions que ses parents. La Tahitienne n'aimait pas cela; pour elle, le fait d'avoir trop de pouvoir amenait forcément des mauvaises choses. Soit des ennuis, soit à minima des comportements inadéquats de la part des puissants, et un certain décalage vis-à-vis des valeurs les plus simples de la vie. Bref. Le pouvoir était sûrement plus fait pour elle qu'elle ne voulait bien l'admettre, mais pour correspondre à sa vision de la vie, Heïana cherchait à s'en éloigner autant que possible. Ok, montons dans ta voiture, commença-t-elle par répondre simplement, faisant passer une réponse avant l'autre. Quelques mètres plus loin, ils arrivèrent devant le bolide, une holden, et s'y installèrent. Voilà un bon moment que la jeune femme n'était pas montée en voiture, ça fait toujours bizarre quand on en perd l'habitude. Elle pouffa de rire une fois sa porte ouverte, découvrant l'incroyable monticule de déchets qui composait la décoration de cette voiture. Paquets de clope défoncés au sol, canettes de soda ayant subi le même sort, divers paquets de choses à grignoter, cendrier plein... Eh bien, voilà la définition même de bordel, j'imagine, déclara la Tahitienne avec un petit ricanement amusé et presque contemplatif. Elle s'assit cependant sans trop de mal, toujours un sourire rieur sur les lèvres. Le moteur démarré, ils quittèrent à leur tour ces lieux, sous le regard des autres étudiants, qui les épiaient par les immenses baies vitrées du hall d'accueil de l'université.
Tu permets ? Demanda Heïana avant d'actionner les boutons nécessaires à allumer la radio. Avec ravissement, elle entendit les premières notes d'une chanson bien connue de Linkin Park résonner dans l'habitacle, et décida qu'ils resteraient sur cette chaîne. Après quelques longues secondes d'un silence qui commençait à être inconfortable, alors qu'elle cherchait ses mots, Heïana finit par déclarer: Il y a pas mal de choses qui pourraient expliquer ce revirement de situation. Disons que... le lieutenant qui commandait cette brigade devait beaucoup à ma famille, et il m'a prouvé sa reconnaissance en te relâchant. La jeune femme restait vague car elle ne savait pas trop comment dire les choses; cela impliquerait en effet qu'elle explique tout de long en large: la richesse et l'ambition de ses parents, leur influence à Brisbane, leur mort tragique qui lui posait de plus en plus question... Quitte à en parler, elle préférait que ce soit chez elle, une fois posés. Ils arrivèrent assez rapidement au store de téléphonie, et heureusement, l'affaire fut rapidement expédiée. Ils prirent donc la route pour aller chez Heïana, à moins de cinq minutes en voiture. Ça ne te fait pas trop mal ? Demanda la sage-femme avec une petite grimace compatissante, alors qu'ils s'approchaient de la rue concernée. Ah, nous voilà arrivés ! Dans deux maison sur la droite, la toute blanche, désigna la brune en montrant du doigt (ouh pas bien). Effectivement, l'habitation de la demoiselle était en décalage avec sa situation professionnelle et personnelle, et montrait qu'elle avait un passif familial sans le moindre doute très aisé: bien plus grande que ne pourrait se le permettre une sage-femme avec en charge une petite soeur pas encore étudiante. Surtout à Brisbane. La demoiselle descendit de la Holen et déclara avec un sourire, alors qu'ils montaient les marches: Bienvenue chez moi !
I need a hero I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!
→ Être renvoyer de la fac, c’était le minimum et bien trop peu pour quelqu’un comme Kyle qui méritait de subir les conséquences de ces actes de façon à ce qu’il ne recommence plus. Droguer une personne à son insu pour pouvoir abuser d’elle physiquement, c’était un crime et il risquait la prison ferme pour cela. S’il fallait témoigner en cas de jugement, ce sera avec plaisir que je passerais derrière la barre. Tout en fumant ma clope, j’observe Heïana sortir un mouchoir et le tremper d’eau avant de s’avancer vers moi. Soufflant la fumée sur le côté, je la laisse nettoyer ma plaie suintante et écoute ses confidences. Le Candy Club… Je fronce les sourcils, et étonné, demande – Mais c’est pas un club de strip ça le Candy Club ? Putain, t’as eu de la chance Heïana tu sais. Si ce type était parvenu à ses fins… Je ne termine pas ma phrase, c’est trop dur à prononcer et je n’ai pas envie de penser à ce qu’il aurait pu se passer si le patron du Candy Club n’était pas intervenu à temps. – J’espère vraiment qu’il prendra cher ! T’as déposé plainte de toute façon, n’est-ce pas ? Si t’as besoin d’être accompagnée pour une déposition ou pour une audience au tribunal, t’hésite pas ok ? Je n’ai pas envie de la laisser affronter la suite des événements seule, et je peux l’aider et la soutenir dans les démarches s’il le faut. Qui plus est, j’ai besoin de savoir que ce connard sera traité par la justice comme il doit être : sévèrement. Et j’aurais l’impression de lui rendre un peu tout ce qu’elle a su me donner lors de notre toute première rencontre. Si je peux lui être utile, c’est avec un réel plaisir. Découvrant l’état misérable de mon écran de téléphone, je demande à Heïana de passer par une boutique tesla avant de la raccompagner chez elle, cela me semble nécessaire au vu de l’état de l’appareil. Vu l’état de ma caisse, elle ne peut s’empêcher de faire une petite remarque et ça m’fait rire alors que je m’assois sur le siège conducteur. – Ouais, je sais. C’est mon bordel ma voiture, mais je la range au minimum une fois par mois. Pour le weekend avec Morgane. Et sitôt ma gosse raccompagnée chez sa mère, je m’étale à nouveau. C’est le seul endroit où je me permets d’être ainsi par ailleurs, car mon loft est soigneusement rangé et je m’applique à faire mon ménage rigoureusement chaque semaine. Je ne me souviens que trop bien de l’état de notre villa à Londres lorsque ma mère se laissait aller, lors de ses phases dépressives, et je me suis toujours promis de ne jamais vivre dans un taudis pareil. Les tas d’immondices sur les sols, les poubelles amoncelées dans le couloir, la vaisselle sale trônant un peu partout dans chaque pièce… Je démarre la voiture qui ronronne, un peu perdu dans mes souvenirs et je roule jusqu’à la première boutique tesla que j’aperçois. Je laisse Heïana attendre dans la voiture et je fais un simple aller-retour dans la boutique. J’ai les moyens de racheter un nouveau téléphone comme cela, oui. Les nouveaux contrats que m’a obtenu mon agent renflouent mes caisses, et je ne suis pas très dépensier finalement. J’aime les choses simples, en dépit du milieu dans lequel j’évolue, mais celui-ci m’aura appris à surtout me méfier des apparences. Le luxe, c’est surfait. Je rejoins Heïana dans la voiture, et nous naviguons dans la ville au rythme des Linkin Park. Je tapote le volant, fredonne la chanson hyper connue tout en suivant les indications de mon magnifique GPS à la chevelure tahitienne et au sourire rayonnant. – Disons que… le lieutenant qui commandait cette brigade devait beaucoup à ma famille, et il m’a prouvé sa reconnaissance en te relâchant. J’hoche la tête, comprenant donc qu’Heïana appartient à une famille de grande influence. Cela m’étonne car ce n’est pas quelque chose qu’elle porte sur elle. Heïana est une femme simple, douce et très agréable, elle n’a pas l’air de tenir compte des choses matérielles mais je peux toujours me tromper. Lorsqu’elle s’inquiète de mes blessures, je secoue la tête et réponds simplement – Boarf, j’en ai connu d’autres tu sais. Mon nez il a été pété genre… trois fois j’crois. Ça n’a pas plu à mon agent à l’époque la première fois où c’est arrivé. J’avais carrément créé un esclandre au sein de l’agence de mannequin. Arriver avec la tronche défoncée pour assurer un contrat, ce n’était pas vraiment intelligent. Pourtant, j’ai réussi le photoshoot et ça a été l’un de mes meilleurs, indéniablement. Nostalgie, quand tu nous tiens. Je dirige la voiture dans l’allée d’une somptueuse baraque – en même temps je m’y attendais un peu vu le quartier – et je lâche un sifflement en observant l’immense villa devant moi. – Et bah… Soit t’es mariée à un genre de Christian Grey, soit t’es une sacrée héritière… Dis-moi que tu portes un masque et que tu arpentes les rues la nuit comme une justicière ultra sexy et je tombe amoureux direct. Je ris, et avec un petit sourire charmeur coupe le moteur et serre le frein à main de la voiture. J’ouvre la portière, descends et m’allume une clope car je me doute qu’une fois à l’intérieur, Heïana ne voudra pas que je m’en grille une. – Je te suis, Heïana. Ta sœur est là ?
FEATURING @Abel White & Heïana Brook Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't. Please Boy. Help me.
Alors qu'elle tapote le visage du jeune homme pour en retirer le plus gros du sang, la jeune femme fronce les sourcils lorsqu'il commence à lui faire la morale. Comme quoi, lorsque l'on est parent, on fait vite de la déformation "professionnelle". Elle s'amusa de cette réflexion, et répondit tranquillement à l'étudiant, alors qu'elle essorait le mouchoir du sang pour mieux le réutiliser sur la peau diaphane: Je sais, je sais. Je n'avais pas connaissance de ce genre de... club, à vrai dire; je suis rentrée au pif, et je ne me suis rendue compte que trop tard que ce n'était pas vraiment ma tasse de thé. Mais quitte à y être, je me suis laissée proposer un verre; la suite, tu la connais. La jeune femme ponctue sa conclusion d'un frottement légèrement plus appuyé sur la tempe du mannequin, lui recommandant de garder le tissu ainsi pendant une ou deux petites minutes; le temps qu'ils aillent jusqu'à la voiture au final. D'ailleurs, alors qu'ils s'y rendaient, Abel fit cas des démarches judiciaires à suivre en ce qui concernait cette sordide histoire de drogue, d'agression qui aurait pu être sexuelle et qui était au moins physique pour le sûr. Heïana rit devant son empressement à l'aider, et elle répliqua: Ne t'en fais pas pour moi, ma mère était avocate. Une très bonne avocate. Alors je connais les bases. Levant les yeux vers lui, elle ajouta cependant, réellement touchée par l'inquiétude du jeune homme à son endroit: Mais merci pour tout, Abel. Vraiment. Autant dire que la Tahitienne n'avait pas pour habitude que l'on s'occupe d'elle, d'être protégée par d'autres; d'habitude, elle s'en chargeait très bien seule. Alors avoir des personnes, qui de surcroît venaient juste d'entrer dans sa vie, prête à la défendre de leurs poings comme de leur témoignage dans un tribunal... C'était totalement émouvant pour la demoiselle. Ils arrivèrent finalement au véhicule du preux chevalier, et Heïana récupéra son mouchoir pour lui laisser les mains libres.
Elle fut rassurée lorsque son défenseur lui assura que ses blessures ne constituaient pas grand-chose pour lui, et qu'il avait connu bien pire; le plus dingue dans tout cela, c'est que ça pouvait influencer sur son travail ! D'ailleurs, c'est ainsi que la jeune femme apprit qu'il était mannequin. Avec un petit rictus amusé, elle rétorqua: Tu devrais faire attention à ton visage d'ange alors. Si un jour il est trop abîmé, tu risques d'être embêté. En même temps, ses paroles étaient tout à fait sincères et honnêtes: Abel était un beau gosse, qu'on se le dise. Aucun étonnement au fait qu'il soit mannequin. En tout cas, ça expliquait bien le nouveau portable avec lequel il était revenu de la boutique, alors même qu'il poursuivait des études en droit. Finalement, le drôle de duo arriva auprès de la maison des deux Brook, et une fois Abel garé, il eut à loisir d'observer l'extérieur du confortable cottage. Heïana manqua d'exploser de rire face à ses insinuations, et elle répliqua en montrant sa main gauche: Pas de bague au doigt ! Quant à être héritière... Elle fit la moue, n'aimant pas ce terme, ça faisait super présomptueux, prétention, hautain et tout ce qu'on veut de ce genre. Elle haussa finalement les épaules, ajoutant: J'imagine qu'on peut dire cela oui. En réalité, ce n'était plus seulement princesse héritière d'une fortune parentale, mais reine gestionnaire des comptes du peu de famille directe lui restant, c'est-à-dire sa cadette et elle-même. M'enfin, on ne peut nier que sa richesse toute entière vient de celle de ses géniteurs. Alors qu'ils se rapprochaient à pieds de la maison, le bel étudiant lui demanda si elle était une sorte d'héroïne masquée sortant la nuit, auquel cas il l'épouserait de suite. Riant franchement pendant plusieurs secondes cette fois, la brune finit par se reprendre et planta ses yeux verts forêt dans le regard perçant d'Abel: Je peux retoucher mon uniforme de sage-femme pour qu'il devienne sexy, si ce n'est que ça. Mais à vrai dire, je m'imaginerai plus rock star, genre Maria Bink de In this moment, Amy Lee d'Evanescence ou encore Sharon den Adel de Within Temptation. Et sur ces mots, avant qu'ils ne montent les marches les séparant de l'entrée, la maïeuticienne improvisa sur quelques secondes une interprétation d'air guitar tout à fait pertinente, tirant un instant la langue comme un joueur de musique heavy metal et balançant la tête dans tous les sens, un headbang qui ses souvenirs étaient bons, son épaisse chevelure tournoyant autour d'elle. Lorsqu'elle eut fini son jeu, juste avant d'avoir le tournis, Heïana lança un regard rieur au garçon, qui avait eu le temps de fumer sa clope depuis la descente de la voiture, et ils partirent à la conquête du cottage Brook.
Moana devrait être là oui, confirma la sage-femme. Je lui avais demandé de préparer de quoi te rafistoler; mais il me semble qu'elle sort avec des amies tout à l'heure, pour fêter son entrée à la fac. Un tour de clefs plus tard, la porte s'ouvrait, et la Tahitienne souhaitait la bienvenue à son invité. L'intérieur était à la fois grand, lumineux et pourtant tout cocooning. La décoration était assez simple, et pas mal constituée de plantes vertes dont la bonne santé prouvait l'amour et le soin qu'on leur portait au quotidien; une petite guirlande lumineuse faite de mini-ampoules rajoutait une touche de fantaisie sur le meuble de la salle à manger, qui se trouvait juste après le sas d'entrée. Tu as un porte-manteau juste sur ta droite, un peu enfoncé dans le mur, indiqua la franco-australienne à l'anglais alors qu'elle fermait la porte derrière lui. Moana ne tarda pas à arriver, ayant entendu les bruits de pas; elle ne semblait pas s'être inquiétée pour son aînée, montrant qu'elle devait être habituée à ce qu'elle gère correctement toute situation. Eh bien, il ne t'a pas loupé ! siffla-t-elle à l'égard d'Abel en voyant son visage. Elle jeta un coup d'oeil à sa soeur, ajoutant: le matériel de soin est sur la table, et je viens juste de faire couler des cafés si vous en voulez. Heïana hocha la tête en signe d'approbation, le regard appréciateur du geste de sa cadette; celle-ci se rapprocha d'Abel, et lui tendit une main franche. On a pas eu l'occasion de se présenter. Moana, meilleure petite soeur de l'univers; enchantée !
I need a hero I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!
→ Lorsqu’Heïana évoque le Candy Club, je suis assez abasourdi et étonné qu’elle puisse se rendre dans ce genre d’endroits, seule de surcroît. C’est se jeter dans les emmerdes à tous les coups, surtout lorsqu’on y va seule et pas accompagnée. C’est en l’écoutant que je prends aussi conscience de son innocence à Heïana, car pour rentrer dans ce genre d’endroits sans penser y faire de mauvaises rencontres, c’est comme s’enfoncer le doigt dans l’œil hyper profondément. Je lève les yeux au ciel, soupire avant de lui dire - La prochaine fois que t’as envie de sortir boire un verre, tu me passes un coup de fil avant. Comme ça j’pourrais te dire si l’endroit craint ou pas. Je me mordille les lèvres tandis qu’elle continue d’apposer le bout de tissu sur la plaie ouverte et suintante. J’vais finir par avoir une cicatrice boursouflée et horrible à cet endroit a force de m’exploser le front! - T’es arrivé quand à Brisbane, Heïana ? Peut-être qu’elle a besoin d’un guide, de quelqu’un sur qui compter qui ne se foutra pas de sa gueule et qui lui évitera ce genre d’incidents qui aurait pu virer au cauchemar. Lorsqu’elle retire le tissu, c’est avec une élégance rare que je crache au sol avant de me diriger vers ma caisse, évoquant la procédure judiciaire en cours et ce qu’elle implique. Lorsque Heïana évoque sa mère, au passé, beaucoup de choses se lient dans mon esprit. Le fait qu’elle ait du éduquer sa sœur seule, surtout. Je garde le silence mais accueille sa confession silencieuse précieusement, à la hauteur de son importance.
Je ris lorsqu’elle évoque le fait que mes multiples ecchymoses pourraient me faire perdre des contrats. Oui, c’est sûrement le cas, mais je m’en fiche. Je n’ai jamais été ni coquet ni soigneux et ce ne sont donc pas sur ces qualités que repose ma carrière de mannequin international. - J’ai déjà été emmerdé, pour tous pleins de raisons car c’est un job contraignant en vérité. J’suis pas un très bon candidat, mes agents craquent bien souvent, et puis je compte pas sur ça pour tout t’avouer, mon avenir dans la mode touche à sa fin. Et je ne suis même pas peiné de le dire, c’est un fait que j’ai accepté il y a longtemps. Ce job n’est pas fait pour durer. Pourtant v’la dix ans que je l’exerce. C’est une éternité pour un mec comme moi, une éternité. Et c’est sans regrets que je le quitterai, avec la sensation d’avoir accompli ce qui devait être, en quelque sorte. Méditant là-dessus, je raccompagne Heïana chez elle et découvre donc sa jolie maison qui me donne une bonne indication sur son compte en banque. Même si concrètement je m’en fiche, le quartier et sa baraque me confirment qu’Heïana ne vit pas le manque de confort tout du moins. Le manque affectif, rien n’est moins sûr. J’hoche simplement la tête lorsqu’elle avoue être héritière. Un voile de tristesse passe dans son regard si particulier, mais je ne m’y attarde pas, redoublant d’humour pour la faire sourire. La possibilité de la voir dans un uniforme sexy de sage-femme est plutôt plaisante, mais c’est la suite de ces confessions qui me fait arquer les sourcils d’étonnement. – Vraiment ? T’es ce genre de nana toi ? Visage d’ange, un peu petite fille sage qui se déchaîne comme une folle sur du hard ? Pourquoi ça me plait de l’imaginer en train de se déhancher sur des sons que j’écoute et j’adore ? En guise de réponse, Heïana se lance dans une interprétation d’air guitar, sauvage et sensuelle. J’en suis épaté. Un peu retourné aussi, car j’étais loin de l’imaginer ainsi. Un doux sourire flotte sur mes lèvres, et je lâche un petit rire – Impressionnant. On devrait aller aux mêmes soirées, j’suis sûr qu’on s’éclaterait ! T’sais que j’ai fait partie d’un groupe ? J’étais batteur, on s’appelait The Reckless Kids, doit y avoir quelques vidéos sur youtube.
Je pénètre dans la maison grande et cosy d’Heïana, observant les lieux épurés d’une blancheur écarlate et pure, agrémentée d’éléments décoratifs choisis avec soin qui créent une harmonie douce et efficace, propice à la détente et au bien-être. Automatiquement, je me sens bien, comme si la quiétude des lieux venait apaiser mon tempérament de feu toujours sur le qui-vive. Je peux me détendre ici, je le ressens. Elle ignore Heïana à quel point son accueil peut me toucher, à quel point sa présence me fait du bien. Pourtant, j’angoisse. Le calme me fait peur car je l’apparente à du vide, et c’est pour ça que je remplis ma vie de sons, de bruits et de mouvements. Toujours en activité, jamais en train de se poser, depuis que je suis môme j’agis ainsi. Surement pour ne pas penser au vide laissé par certains… Elle m’indique le porte-manteau et je laisse tomber ma veste, me retrouvant en simple t-shirt d’ACDC dans le salon quand soudain la petite-sœur débarque. Aussi belle que son aînée, cette dernière s’avance vers moi et me tends la main en se présentant, ne manquant pas de me faire remarquer la sale tronche que j’arbore apparemment. – De l’univers, carrément ! Elle en a d’la chance ta sœur dis-moi. Et je lui fais un clin d’œil, avant de m’assoir suite à leur invitation. Posé entre les coussins du canapé, je triture mes doigts nerveusement, tout en me demandant si je peux fumer par ici. La réponse est très certainement non, je vois mal les frangines fumer. – C’est quoi votre nom de famille du coup ? Et toi c’est Moana, c’est ça ? Ça va le rendez-vous avec le doyen, ça s’est bien passé ? Bon c’est qu’une formalité, mais l’vieux fait son effet malgré tout hein ! Je souris, me voulant rassurant. – Si t’as besoin de quoi que ce soit, t’hésite pas. Demande à ta sœur mon numéro. Tu lui fileras, Heïa ?
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Abel la morigéna pour sa crédulité, lui enjoignant de l'appeler la prochaine fois qu'elle voudrait sortir, tel un grand-frère protecteur. La jeune femme eut la bonne grâce de rougir, un peu honteuse de sa propre naïveté. Il était rare qu'elle se sente infantilisée, mais là il fallait bien avouer qu'elle avait agi comme une adolescente bien innocente: aller dans n'importe quel bar venu sans essayer de se renseigner un minimum auparavant, voilà une attitude bien inconsciente pour une fille seule. Il restait bien triste de devoir réfléchir encore comme ça en 2019, mais la dure réalité n'était pas plus douce pour les idéalistes que pour le reste du monde. Il était bien rare qu'elle soit dans la position de la personne recueillant les conseils sur les détails pratiques de la vie quotidienne; comme quoi, tout pouvait arriver, et ce serait faire preuve d'humilité que de reconnaître son manque flagrant de discernement et de connaissances dans ce cas-là. Ça marche, merci, répondit-elle finalement. La métisse réfléchit quelques instants lorsque l'homme lui demanda depuis combien de temps elle vivait à Brisbane. Voyons voir... Nous étions en plein mois de juin, elles avaient commencé à emménager courant février... Environ 4 mois, compta la sage-femme; mais jusqu'à fin avril, j'étais plus occupée par les détails du déménagement, par la recherche d'un nouveau travail et par mon intégration dans celui-ci qu'autre chose.
Un détail lui sauta alors aux yeux, et elle demanda avec un sourire mutin: Et toi, alors ? Ton accent british est bien trop prononcé pour que tu sois né à Brisbane. Eh oui, c'est qu'elle avait l'oreille, la petite polyglotte ! Lorsqu'Abel commença à lui parler de sa carrière de mannequin, la brune hocha la tête avec compréhension: Oui, j'ai vu pas mal de photoshoot à Tahiti, et le métier semble exigeant. Autant sur l'âge des mannequins, que leur forme physique, leur disponibilité, leur endurance sur les longues heures de séances photos... Cela semblait être bien plus éprouvant que l'on pouvait le croire. Les pensées de la Polynésienne divaguèrent un instant; elle avait rencontré personnellement un mannequin là-bas d'ailleurs, une fois. Jessian Reed, de mémoire. Il faudrait qu'elle lui envoie un SMS pour la prévenir de son arrivée à Brisbane; elles s'étaient promises de se retrouver si jamais la franco-australienne revenait ici. Ce serait vraiment un plaisir de la retrouver, et de discuter autant entre jeunes femmes qu'entre "mamans". Car Heïana ne pouvait vraiment se considérer autrement envers Moana, même si elles se présentaient toujours comme des soeurs face au monde bien évidemment; comment aurait-ce pu être autrement, vu qu'elle l'avait éduqué depuis ses onze ans ? Et même avant ça d'ailleurs, elle était bien plus présente auprès de sa cadette que leurs deux parents réunis, quelque soit l'amour qu'ils aient ressentis pour elles, leur carrière était la veine de leur vie. D'ailleurs, cette pensée la ramena sur le cas Abel, et elle de nouvelles paroles lui vinrent, même si du coup ça ne semblait avoir ni queue ni tête avec leurs dernières paroles. Elle s'en fichait un peu d'ailleurs, ne s'en étant même pas vraiment rendu compte, parlant au fil de la navigation de ses pensées : Fais toujours passer Morgane avant ta carrière; je crois que c'est le meilleur conseil que je peux te donner.
Mais le sérieux laissa rapidement place à l'amusement, lorsqu'Abel lui demanda avec étonnement si elle était vraiment du genre à kiffer du hard sous ses airs de petite fille sage. Préférant illustrer son goût pour la musique rock et métal en images plutôt qu'en mots, la brune se lança alors dans une brève mais intense représentation d'air guitar qui aurait pu la faire passer pour John Five si elle avait eu de véritables connaissances en instrument de musique à cordes. Puis à la fin de cette improvisation, Heïana se laissa aller au rire, devant la tête totalement incrédule que tirait le tatoué. Elle justifia finalement son jeu de scène totalement fictif: J'aime beaucoup de styles de musique différents. Classique, BO de films et de dessins animés, variété française, rock, metal, blues, jazz... Je fonctionne beaucoup au coup de coeur en fait. Elle fronça les sourcils au nom de son groupe, essayant de retrouver dans sa mémoire si elle connaissait leurs chansons, mais rien ne lui vint à l'esprit. La Tahitienne approuva en tout cas la proposition de l'Anglais: Ce serait super d'aller à des soirées ensemble ! En tout cas je te vois bien à la place du batteur dans un groupe de musique.
Une fois qu'ils furent entrés, Moana les accueillit et accompagna Abel au salon, alors que l'aînée s'occupait d'aller verser le café dans des tasses. On est les filles Brook, déclara la cadette au jeune homme comme s'ils étaient dans un film d'action-aventure, avec un ton de voix bien particulier, presque mystérieux, avec une touche de théâtralité et de badassité surjouée. Moana Teaki Brook, version complète, acheva la cadette en ce qui concernait les présentations. Oui, le rendez-vous c'est super bien passé ! Il est impressionnant mais gentil je trouve. Alors qu'elle disait ça, Heïana revenait dans la pièce avec le plateau de tasses de café, un petit pichet de lait et du sucre, le nécessaire de soin étant déjà sur la table du salon sur laquelle elle déposa aussi son fardeau. D'un signe de main, elle indiqua à Abel de se servir, et ajouta du lait à son café. A la demande de son interlocuteur, elle déclara avec un sourire malicieux, touchée par le petit surnom qu'il lui avait tout naturellement donné: Elle l'a déjà pris en réalité, mais attendait son rendez-vous avec le doyen avant de te contacter.
I need a hero I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!
→ Ainsi donc, Heïana vient à peine d’arriver à Brisbane si cela ne fait que quatre mois qu’elle est dans les parages. Je lui souris et lui propose alors, naturellement – Est-ce que tu t’es renseigné un peu sur la ville, y’a des endroits que t’as envie de visiter, des choses que t’aimerais faire ? J’peux te servir de guide si t’en as envie. Parce que la présence de la jolie tahitienne me fait du bien et que j’apprécie les instants que je passe en sa compagnie. Il y a quelque chose de doux chez elle, quelque chose de simple et de naturel. Ça me fait du bien, lorsque je suis auprès d’elle je m’apaise, un brin moins nerveux, un peu plus posé. – Oh non, j’suis né à Londres. J’ai débarqué ici il y a trois ans, pour Morgane. Sa mère est Australienne, du coup si j’voulais continuer à la voir… Parce que les 26heures d’avion pour rejoindre Londres toutes les semaines, c’est un peu chaud quand même. Et je souris, j’agis comme si cela ne me touchait pas vraiment, comme si j’avais fini par accepter la situation (et en un sens, je l’ai accepté la situation, puisque je suis ici et que je refais ma vie), pourtant Londres me manque et je suis triste que Morgane ne puisse pas grandir dans les rues de mon enfance, connaître les coutumes du pays même si je m’applique à les lui inculquer malgré tout… Mais ce n’est pas pareil que d’y vivre, évidemment. L’idée de l’emmener durant l’été (l’hiver en Europe) me trotte depuis un moment dans la tête. Je veux que Morgane connaisse ses origines et le pays de son père. – Dis-moi, t’as voyagé un peu Heïana ou t’es restée à Tahiti principalement ? Je m’intéresse doucement à elle, et je me rends compte qu’elle se révèle très intrigante. Son intervention auprès des forces de l’ordre, et avant ça, la fureur avec laquelle elle est allée confronter ce mec… Ouais, Heïana Brook n’est pas que la jolie sage-femme et sous ses airs d’ange, se cache une femme de poigne. Comme on dit déjà ? Une main de fer dans un gant en velours ? Peut-être bien qu’elle est comme ça, Heïana… En tout cas, ma curiosité me pousse à en apprendre davantage sur elle, et cela associé au fait que sa compagnie m’est plus que plaisante ; j’apprécie donc ce moment octroyé entre deux rendez-vous d’une journée encore incroyablement trop longue.
- Fais toujours passer Morgane avant ta carrière ; je crois que c’est le meilleur conseil que je peux te donner. Je souris devant l’air préoccupé d’Heïana et je sens dans ce conseil toute son implication et son sérieux. J’ignore ce à quoi elle pense à ce moment-là, mais ma main vient effleurer la sienne et je lui offre un petit sourire rassurant avant de répondre – Elle passe avant tout Morgane, avant moi, avant sa mère… Avant le monde. Je fais un clin d’œil à la belle tahitienne et tire sur la cigarette que j’ai allumée. Recrachant la fumée par la vitre baissée, j’explique – Tu sais, si j’ai repris des études de droit, c’est pour réussir à avoir un job stable ensuite. Je veux demander la garde alternée de Morgane aussi par la suite, mais pour ça faut que j’ai un dossier en béton. Donc l’idée, c’est d’obtenir mon diplôme, me trouver un job et lancer les démarches. Je tourne mon regard vers Heïana, tapote ma tempe de l’index en concluant – Y’a qu’elle dans ma tête tu sais.
Arrivés chez Heïana, j’ai le droit à une démonstration d’air guitar à laquelle je ne m’attendais absolument pas – et qui ne fait que me confirmer que la jolie tahitienne a plus d’un tour dans son sac pour impressionner. Elle m’explique ensuite avoir des goûts assez éclectiques, et je me surprends à la trouver mignonne alors. - J’suis batteur justement. Je te ferais écouter des trucs si ça te tente un de ces jours. Et sur cette promesse, nous terminons d’entrer dans sa maison chaleureuse. La petite sœur ne tarde pas à se joindre à la conversation, et je découvre donc Moana Brook, jeune femme au sourire malicieux et pleine de vie qui doit filer quelques cheveux blancs à sa grande sœur. Elle évoque le doyen de l’université et je souris simplement en l’entendant. – Ouais, c’est pas vraiment un méchant, j’avoue. Même s’il doit être bien plus sympa avec les jolies filles qu’avec les mecs comme moi. Connus pour leurs frasques et leur manque de sérieux… Mais ça, c’était avant non ? Je coule un regard admiratif sur Heïana alors qu’elle revient avec un plateau chargé. Elle le dépose sur la table, à côté de tout un attirail de soin que j’observe d’un air absent sans comprendre tout de suite que cette attention est pour moi. J’oublie si facilement que j’ai la tronche en sang. Toutefois la migraine qui commence à me marteler les tempes s’apprête à me rappeler à ma misérable condition d’humain. – T’as de l’aspirine ou un truc du genre Heïa ? Et j’peux fumer ? Boire un café sans allumer de clope serait un sérieux sacrilège pour moi. – J’suis désolé, complètement accro à cette merde. Je désigne de l’index tout son nécessaire de soin et demande – C’est pour moi ça ? Tu vas me soigner ? Je glisse une cigarette entre mes lèvres, petit regard espiègle qui observe mon interlocutrice.
FEATURING @Abel White & Heïana Brook Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't. Please Boy. Help me.
J'ai vécu ici dix-huit ans quand même, donc je connais la ville globalement, déclara Heïana, pensive. Tout ce qui était théâtre, cinéma, bowling, petites boutiques, supermarchés, parc et plage, elle connaissait sans souci. Elle avait plus de lacunes sur les endroits plus "adultes" au final, dans le sens où ils n'étaient pas accessibles avant la majorité, ou bien tout simplement parce qu'elle n'avait pas encore d'intérêt pour certaines choses avant de passer l'adolescence. Si tu connais des bars sympas, ou des salles de concert avec une bonne programmation, je suis preneuse ! Pourquoi pas des jeux type escape game, laser game ou paint ball, j'adore ça aussi. La demoiselle écouta Abel parler de son passé Londonien et des raisons de son émigration, qui étaient plus que compréhensibles. Elle ressentit bien la nostalgie que le jeune homme ressentait envers son pays d'origine, ça devait lui manquer sans doute. Peut-être pourrait-il y retourner un jour, qui sait. Malgré leurs parcours respectifs, déjà bien remplis d'aventures plus ou moins joyeuses, Abel comme Heïana restaient de jeunes vingtenaires; la vie s'offrait à eux. J'ai visité Londres une fois ! déclara la maïeuticienne en réponse à l'interrogation de son interlocuteur, et rebondissant en même temps sur le sujet de son pays d'origine. Pendant une semaine et demie, en voyage scolaire au lycée. J'ai beaucoup aimé, notamment pour la richesse culturelle et pour le patrimoine aussi. Sinon... Un tour de France, enfin de grandes villes et des Alpes, avec mes parents et Moana. Sinon c'est tout pour l'instant. Et toi ?
Ce fut avec grand plaisir que la maïeuticienne vit s'ouvrir le sujet des perspectives du futur d'Abel, totalement tournées vers sa fille Morgane. Elle approuva ses décisions d'un signe de tête enthousiaste, déclarant: Je suis sûre que tu feras un très bon juriste. Tu te destines à quelle branche ? Si dans le futur, le tatoué avait besoin d'une adresse, d'un contact ou de quoi que ce soit, la Tahitienne n'hésiterait pas un instant à lui donner un numéro, des conseils ou même de le recommander auprès de cabinets d'avocats et autres professionnels du droit. Le jeune homme avait son entière confiance, et elle éprouvait d'ores et déjà une affection particulière pour lui, même s'ils se connaissaient depuis peu. Sa personnalité ambivalente, le mannequin étant à la fois excentrique, rockeur, sympa, je-m'en-foutiste et en même temps responsable et réfléchi, donnait un tout pimpant le quotidien d'Heïana, et lui amenant de nouvelles visions des choses, ce qui était toujours appréciable. Finalement, les deux connaissances entrèrent dans la maison des soeurs Brook, et l'aînée alla servir le café pendant que la plus jeune faisait la conversation à Abel. Moana a du bagout, et est très sûre d'elle pour son âge, alors aucun souci pour qu'elle trouve de quoi discuter avec l'étudiant pendant qu'Heïana gérait le plateau de remontants caféinés. Lorsqu'elle arriva, Abel demanda si elle avait de l'aspirine, et s'il avait l'autorisation de fumer aussi. Elle "leva" les yeux au ciel du style "espèce d'accro va", une pointe d'humour tout sauf méchante, et répliqua: On va aller prendre le café sur le balcon dans ce cas; tu as du le voir vers l'entrée, il y a un petit salon aménagé. Le brun lui demanda alors si elle comptait le soigner, et elle se rappela brusquement l'existence de la trousse de soins, et la cause de la présence de celle-ci sur la table basse... La Polynésienne se retourna, quand, soudain, un bruit lourd. "BOUM" ! Heïana vit Moana au sol, évanouie. Merde ! Pesta-t-elle en rejoignant sa cadette. Elle avait totalement zappé, elle aussi, la face ensanglantée du garçon, et c'était un miracle que la plus jeune n'ait rien vu jusque-là. Sans doute l'angle de vue avait fait qu'elle n'avait pas aperçu l'arcade ouverte d'Abel, et le sang qui en avait coulé. La "mamansoeur" s'accroupit auprès de la lycéenne, et prit ses constantes rapidement. Tout allait bien, juste un malaise dont elle se réveillerait bientôt. Elle ne se tourna même pas vers son invité, lui demandant simplement: Tu peux m'aider ? On va l'allonger sur le canapé. Et ça va être un chouilla compliqué, mais ne fais surtout pas tomber de sang sur elle.
Quelques instants plus tard, Moana avait rejoint la place que lui avait destiné son aînée, un plaid sur le corps, et elle semblait presque dormir, mais d'un sommeil léger qui ne tarderait pas à être interrompu. Allons dehors, décida la brune en prenant le plateau de tasses de café dans ses mains, et confiant la trousse de soins à Abel. Une fois qu'ils furent sur la terrasse, elle posa le tout sur la table basse et s'assit sur l'un des fauteuils avec un soupir. Tu peux fumer du coup. Désolée pour ça, dit-elle avec un signe de main évocateur. Moana est... phobique du sang, et pendant un instant, j'avais oublié ton état. Quelle idiote, sérieusement. Oublier quelque chose qui était pourtant si encombrant dans leur quotidien ! Comme quoi, personne n'est infaillible, loin de là. La Tahitienne prit une longue gorgée de café, l'entrecoupant d'un soupir las. Il fallait vraiment que ce côté des traumas de sa soeur évolue, car ça poserait inévitablement de nombreux soucis dans le futur. Comment la plus petite ferait-elle quand l'aînée ne sera plus à ses côtés ? Vaste question... Heïana se reprit cependant et avec le même type de regard malicieux que lui avait lancé Abel quelques minutes plus tôt, elle déclara: Il semblerait bien que cette trousse te soit destinée, oui. Et à moins que tu puisses soigner ton arcade sans miroir pour t'observer... Je vais devoir jouer aux infirmières.