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 Comme une impression de déjà-vu. ~ Abel White

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Message(#)Comme une impression de déjà-vu. ~ Abel White - Page 2 EmptyMer 11 Sep 2019 - 16:12



Comme une impression de déjà-vu.
FEATURING @Heïana Brook & Abel White

I need a hero  I'm holding out for a hero 'til the end of the night He's gotta be strong And he's gotta be fast And he's gotta be fresh from the fight I need a hero I'm holding out for a hero 'til the morning light He's gotta be sure And it's gotta be soon And he's gotta be larger than life!


→ Lorsqu’Heïana m’apprends qu’elle a vécu durant dix-huit années à Brisbane, je fronce les sourcils sans comprendre, un peu perdu. Je rétorque donc – Je croyais que tu venais d’arriver en ville ? J’ai pas dû comprendre… Je me tords les lèvres, hausse les épaules et continue de conduire alors que la jeune tahitienne tente de se renseigner sur les bons plans que je pourrais éventuellement connaître. – Escape game, laser game et paint ball… Rien que ça. J’vais finir par croire que t’es une sacrée furie, Heïana. Il est vrai que le contraste entre celle qu’on aperçoit au premier abord et celle qu’on côtoie davantage est plutôt saisissant en ce qui la concerne. Et ça me plait car j’aime être surpris, j’aime découvrir que derrière la surface se trouve une personne avec un caractère totalement insoupçonné. Heiana fait partie de ces rares personnes qui se dévoilent doucement, et c’est un réel plaisir que de la côtoyer. Elle a de l’aplomb (preuve en est la façon dont elle a su tenir tête aux policiers), de la douceur (je me souviens encore de l’accueil qu’elle a su me faire aux urgences de l’hôpital alors que j’étais paniqué) et est pleine de vie et de surprises. D’ailleurs, lorsqu’elle m’avoue avoir déjà été à Londres, cela me fait chaud au cœur. Elle sait donc. Elle a foulé les rues de mon enfance et connaît l’effervescence qui les habite. Cette folie londonienne qui vous gagne quasi instantanément et vous donne l’impression de pouvoir absolument tout réaliser. Je crois que jamais aucune ville n’égalera dans mon cœur la place qui occupe Londres. – Et toi ? Mon regard se pose furtivement sur la jeune femme, puis glisse à nouveau sur les lignes de voitures et le trafic urbain. Je réponds d’une voix un peu lasse, sans grand enthousiasme – J’ai voyagé un peu partout pour le boulot… Mais je n’ai jamais pris le temps de visiter réellement. C’était toujours un coup de vent, rapidement. En vérité, j’ai passé bien plus de temps dans les aéroports et les zones de transit que dans les pays où j’ai pris des photo-shoots. Mais, je connais très bien Paris. Et je parle français, aussi. Je me tourne vers Heïana, et puis avec un petit sourire amusé lui demande – Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? Dans un français des plus parfaits, avec un accent british à couper au couteau. Je m’esclaffe, et me reconcentre sur la route juste après.

En évoquant ma paternité, nous en sommes venus à parler des études. Et si je passe mon temps à jouer les rebelles et les je-m’en-foutistes, je suis en réalité un mec avec un plan. Et mon plan est très clair dans ma tête, aussi lorsque je le dévoile à Heïana je la sens rassurée. – Avocat, droit des affaires familiales dans les cas de divorce tout ça… Et cette orientation a tout à voir avec mon expérience personnelle. C’est un domaine qui m’intéresse et qui peut s’avérer particulièrement complexe. Je crois que je déteste la simplicité de toute façon. Ce n’est pas fait pour moi. Après un relativement court trajet, une démonstration plutôt réussie d’air-guitar, je pénètre dans l’antre des Brook et fait connaissance avec la plus jeune des deux sœurs : Moana. Lorsque Heïa revient, elle nous propose de sortir sur le balcon. A peine me suis-je levé que Moana tombe au sol, inconsciente. – Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Que je demande, choqué à Heïana tout en l’aidant à porter sa sœur sur le canapé. Elle m’explique que sa sœur est phobique du sang, et je me rassure en comprenant qu’il s’agit d’un simple malaise vagal et que Moana devrait reprendre conscience dans les minutes qui suivent. – Ah donc c’est de voir ma tronche qui la met dans cet état. Ravi de savoir que je ne te fais pas le même effet. Sortant sur la terrasse, il ne me faut pas plus de quelques secondes pour allumer ma clope et soufflant la fumée épaisse je jette un coup d’œil au quartier avant de reposer mon regard sur Heïa qui semble exténuée. Je fronce les sourcils et l’observe, ses traits sont tirés et j’ai l’impression qu’elle aurait bien besoin de se détendre un peu. La jeune femme porte beaucoup de choses sur ses épaules et je sais que le poids de certaines responsabilités peut être harassant. Je souris toutefois en l’entendant et m’assois à côté d’elle, en haussant les épaules. – Va-s-y, j’ai pas besoin d’anesthésie de toute façon. Dire que j’ai l’habitude d’avoir la tronche éclatée serait un peu exagéré, car je me suis largement calmé, mais je reste très impulsif malgré tout. – Heïa… Je demande d’une petite voix alors qu’elle nettoie consciencieusement ma plaie. – Est-ce que…c’est pas un peu trop tout ça ? J’veux dire… t’es fatiguée parfois ? T’en as marre ? Envie de tout envoyer valser ? T’aurais le droit tu sais…



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Message(#)Comme une impression de déjà-vu. ~ Abel White - Page 2 EmptyJeu 12 Sep 2019 - 15:44



Comme une impression de déjà-vu.
FEATURING @Abel White & Heïana Brook
Hey Boy, what's up ? Yeah allright, just walking around. And ... Wait. This man. Please. Tell me you don't know him. I. Can't.
Please Boy. Help me.


Oups. Quiproquo en vue ? Heïana creusa dans sa mémoire, se rappelant avoir dit au mannequin dès leur rencontre qu'elle éduquait seule sa soeur, et qu'elles étaient arrivées à Brisbane quelques mois plus tôt. Ah, oui, mais ça devait être à peu près tout en fait. Ce jour-là, préoccupé par l'état de santé de sa fille qui avait eu la malchance de tomber de poney, le beau garçon face à elle avait eu mieux à faire que de faire la causette des heures durant. D'où l'incompréhension d'Abel lorsque son interlocutrice lui affirma qu'elle avait vécu dix-huit ans à Brisbane, tout de même.  La brune but une gorgée de son café encore chaud et déclara finalement: Nous avons vécu les sept dernières années à Tahiti, avec Moana; mais nous sommes nées et avons grandi à Brisbane.

Heureusement, la suite de la discussion était bien plus légère, tournée vers quelques centres d'intérêts ponctuels d'Heïana, et de la surprise de son ami de la découvrir si... déjantée. Son regard se fit malicieux, taquin alors qu'elle minaudait: Furie, quand même pas. Mais j'aime m'amuser, tout simplement. Je dirai que je croque la vie à pleines dents Comme n'importe qui de son âge en fait; d'autant plus que depuis son retour à Brisbane, et Moana qui avait bien grandi depuis le temps, la jeune femme avait envie de se lâcher un peu plus, de prendre plus de temps pour elle - quoi qu'elle serait toujours du genre à gérer 20 000 responsabilités à la fois (mais c'était aussi ce qui contribuait à son quotidien et qui la rendait heureuse d'un côté) - et de se laisser aller. D'où son erreur d'aller au Candy Club seule, et de ne pas se méfier du premier homme venu. Bon par contre, je suis une grande trouillarde en parc d'attractions: tu ne me feras pas monter dans des montagnes russes! Et tout ce genre de bêtises qui pouvaient créer une crise cardiaque à des personnes aussi sensibles aux sensations fortes qu'elle. Mais paradoxalement, on lui proposerait une séance spiritisme que, si elle est bien faite, la Polynésienne ne la refuserait pas. Le monde n'est que nuances, n'est-ce-pas ?

Puis, c'est au tour de la demoiselle d'écouter son interlocuteur, qui lui apprend que s'il a beaucoup voyagé, il n'a jamais vraiment visité quoi que ce soit. Une raison de plus pour l'amener un jour à Tahiti ! Et avec Morgane bien sûr. Enfin, si la mère de la petite était d'accord, évidemment. Heïana se demanda si elle la rencontrerait un jour, au détour de l'hôpital ou d'une sortie qu'elle ferait avec le brun, étant donné qu'ils étaient bien partis pour s'entendre durablement. Cependant, ce fut une vraie surprise d'apprendre qu'Abel connaissait très bien Paris, et les joues de la brune se pigmentèrent d'une charmante teinte rose lorsqu'il lui sortit ces quelques mots en français, sans qu'elle ne le réalise ni ne se l'explique vraiment. Surprise ? Gêne ? Amusement ? Peut-être un peu de tout. Elle rit de bon coeur avec le jeune homme alors qu'elle se levait pour préparer de quoi soigner l'arcade de l'étudiant, tout en déclarant: Tu as un accent adorable. Un vrai Anglais. Si elle-même possédait un accent, il était plus dû au parler particulier de Tahiti qu'à l'une de ses deux langues de naissance, ce qui rendait sa diction toujours assez exotique, en anglais comme en français. Lorsqu'il lui déclara qu'il voudrait devenir avocat en affaires familiales, la demoiselle esquissa un sourire espiègle. Tu seras excellent, déclara-t-elle avec aplomb. Aucun doute sur la question, vu l'expérience dont il disposait, et en même temps la capacité certaine à savoir faire la part des choses. Enfin, s'il n'avait pas trop envie de frapper sur certains clients selon la gravité des affaires familiales... D'ailleurs, elle était prête pour le recoudre, le matériel l'attendant. C'est à cet instant que Moana tomba dans les pommes. Une fois sa cadette couchée sur le canapé, la brune invita son hôte à l'extérieur, sur le balcon, et elle embarqua avec eux leurs tasses de café et le matériel médical. La brune expliqua la situation à son ami, qui répliqua avec un rire mi-figue mi-raisin, encore un peu étonné de l'état de la cadette Brook, Ravi de savoir que je ne te fais pas le même effet. La métisse pouffa de rire et répliqua avec un naturel désarmant: Ne t'en fais pas pour moi. A vrai dire, même avec ton arcade ouverte, tu es mignon. Beau serait le mot plus exact. Sexy même. Mais Heïana n'avait pas ce genre de considérations en têtes, déjà concentrée à sa tâche: recoudre la peau du brun. Elle but une gorgée avant de se mettre au travail. Ça ne va pas être super agréable, déclara-t-elle avec une grimace à Abel. Autant le mettre au cour... Ah non, apparemment, il savait déjà. Bon, tant mieux dans un sens, au moins il connaissait la chose.

Ce fut alors que le jeune homme lui demanda si elle n'en avait pas marre; qu'elle serait légitime de vouloir tout laisser tomber. Ahahah. Si seulement c'était si simple. Mais en même temps, il parlait sans tout savoir, donc il ne pouvait pas imaginer et considérer la situation dans son ensemble. Hmm... Bon, autant tout lui dire, non ? Heïana n'était plus à ça près entre son agression par l'autre dingue, le malaise de sa cadette deux minutes plus tôt et tout. Et puis, il ne serait pas du genre à la prendre pitié style "oh ma pauvre chérie OMG tu me dis surtout si t'as besoin et nianianianianiania" indéfiniment. Une marque de condoléance ou de soutien, pourquoi pas; de longs discours niais, très peu pour elle, merci bien. Et puis, au moins, l'étudiant en droit comprendrait mieux les tenants et aboutissants. Un petit sourire, un peu mélancolique, se dessina sur les lèvres d'Heïana alors qu'elle lançait une devinette toute rhétorique à Abel: Si ma soeur est phobique du sang, et que je l'éduque depuis sept ans, que nous avons quitté Brisbane jusqu'à son entrée à la fac, ce n'est pas pour rien. Guess what ?

Une seconde de silence. Ou deux, peut-être. Un soupir, un regard tourné vers l'horizon, beau ciel bleu bien plus tranquille que l'esprit de la douce Tahitienne en cet instant. Oh, ce n'était que momentané, mais remuer les vieux souvenirs douloureux n'est jamais une partie de plaisir. Ses yeux se posèrent à nouveaux sur Abel, alors qu'elle achevait son histoire: Nos parents sont décédés d'un accident de la route en 2012. Nous étions dans la voiture, nous aussi. On allait à ma remise de baccalauréat international franco-australien, en fin de lycée. Son coeur grand comme le monde se serra, alors qu'une larme qu'elle ne remarqua même pas lui échappait, roulant rapidement le long de sa joue, discrète, comme si elle ne voulait pas être vue, avant de s'écraser dans sa tasse de café, que la Tahitienne porta à ses lèvres à cet instant, ayant fini de recoudre Abel. Yep. Cela restait douloureux, quoi qu'elle pouvait bien en dire. Alors oui, certains jours, je suis fatiguée. Mais jamais je n'enverrais tout valser. Ma petite soeur, c'est la prunelle de mes yeux. Elle eut un petit rire en pensant soudainement à Morgane. Un peu comme ta fille pour toi je pense. Puis, l'air indiscutable, elle conclut: Ça peut sembler prétentieux, mais ma plus grande fierté est d'avoir élevé Moana, du mieux que j'ai pu. Plus que d'avoir passé mon diplôme de sage-femme, plus que d'avoir aidé des femmes à donner la vie ou encore d'avoir contribué à la survie de nourrissons. Bientôt, elle volera de ses propres ailes; je resterai à ses côtés jusqu'à ce moment-là, et même après, je répondrai présente.



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Message(#)Comme une impression de déjà-vu. ~ Abel White - Page 2 EmptyVen 20 Sep 2019 - 19:35



Comme une impression de déjà-vu.
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→ Cette seconde rencontre, tout aussi imprévue que la première qui m’a laissé une forte impression, me permet d’en apprendre davantage sur Heïana. Et je découvre une jeune femme pleine de malice, aux ressources insoupçonnées et aux envies folles mais mesurées. Est-ce que le poids des responsabilités te pèse, Heïa ? Est-ce que tu ne rêverais pas de t’échapper, de partir loin, très loin d’ici, de revenir à Tahiti et de ne plus penser à rien d’autre qu’à toi et à l’instant présent ? C’est ce que je ressens encore moi-même parfois… Devenir père, ça a changé toute ma vie. Ça l’a remplie par bien des manières, ça m’a donné un but et ça m’a ouvert les yeux. J’étais à la dérive (ne le suis-je pas toujours un peu ?), en quête de perdition et à la recherche de bien trop d’attentions de la part de mes paires. Personne ne pouvait m’apporter ce que je désirais, personne. Et beaucoup ont fait les frais de mon insécurité immense et de mon besoin inexprimable d’être aimé, d’être sauvé… D’être vu, tout simplement. Au beau milieu de cette quête impossible, alors que je m’enfonçais petit à petit dans les ténèbres et que ces derniers s’apprêtaient à me happer pour mieux m’ensevelir, l’avenir s’est éclairé. Elle est arrivée et elle m’a vu. Morgane, ma princesse. Ses petits yeux bleus se sont posés sur moi, elle a papillonné légèrement avec ses trop longs cils et tout mon être s’est senti transcendé. C’est elle qui m’a redonné vie. Et même si cette dernière me semble parfois trop pénible, même si les matins sont remplis de douleurs et de doutes, même si les nuits semblent infiniment trop longues, je n’ai qu’à fermer les yeux pour apercevoir son doux visage et me rappeler pourquoi je vis. Alors mon cœur bat plus fort, mes poumons s’emplissent d’un nouvel air et ma détermination se renforce. Je vis. Pour elle.

Lorsqu’Heïana m’apprends qu’elle est en réalité originaire de Brisbane, j’écarquille les yeux d’étonnement mais ne trouvant rien à redire, me contente d’hocher la tête et de placer l’information dans un coin de ma tête. En effet, elle n’a sûrement pas besoin de moi pour lui  faire visiter la ville, car même si j’ai pas mal parcouru celle-ci, je ne la connais pas aussi bien que si j’y avais grandi. Pas comme Londres, ça non ! En discutant, je perçois chez Heïana une furieuse envie de vivre. Elle s’agite, minaude, rit et m’indique à plusieurs reprises son envie de vivre et de ‘profiter’. Je la sens nerveuse, oscillant entre devoir et passion, un peu perdue quelque part entre la réalité et les rêves. Ne le sommes-nous pas tous ? Perdus dans ce brouillard incertain ? Dans cette brume qui peut parfois être douce et chaleureuse, comme un écrin de coton qu’on ne voudrait pas quitter ? J’apprends donc que la jeune femme n’est pas une adepte des sensations fortes en dépit de son extravagance et de son agitation. Elle me fait sourire. Je souris en conduisant et en l’écoutant, me laissant aller au plaisir des confidences. Tout semble si naturel avec Heïana, ça glisse comme sur une rivière calme et paisible. Il n’y a pas de remous, et pour une fois, j’apprécie. Car sans grande surprise, je pense à mes altercations vives avec Anderson et à sa fichue façon de me contrarier à tout bout de champ. La fin du devoir arrive, je n’aurais plus à la supporter très longtemps encore ceci dit. Je m’amuse à parler français et sourit en voyant que j’ai fait mouche. J’ai un accent adorable qui fait craquer les filles – personnellement je le trouve à couper au couteau, mais si je peux faire plaisir, même malgré moi, c’est plutôt cool. La discussion se termine sur l’affirmation de la jeune femme qui, avec aplomb, décrète que je serais un excellent avocat. J’ignore si elle a raison, mais le compliment me touche et je l’accepte avec un sourire satisfait.

Quelques instants plus tard, me voici dans le salon des sœurs Brook et,  Moana la cadette, fait un malaise à la vue de mon arcade en sang. Toutefois, la situation ne semble pas effrayer l’aînée, qui gère le malaise avec une efficacité redoutable. Décidément, elle m’impressionne ! Nous sortons sur le petit balcon, baigné par une douce lumière de fin de matinée, et nous installons sur la banquette prévue à cet effet. Je m’empresse d’allumer une clope et laisse Heïana soigner mon arcade, avec un air blasé. Cela m’est arrivé tant de fois, je ne les compte plus. Mon visage n’est plus semblable à celui du petit ange londonien repéré par un agent en pleine rue. Il porte les stigmates d’une vie compliquée. Je laisse Heïana s’occuper de moi, sans réussir à m’empêcher de lui poser une question existentielle. Et c’est ma mélancolie qui parle, l’âme du dépressif, héritage de ma mère, qui se dévoile face à une Heïana surprise mais bouleversée, qui finit par se livrer à son tour. – Nos parents sont décédés d’un accident de la route en 2012. Nous étions dans la voiture, nous aussi. On allait à ma remise de baccalauréat international franco-australien, en fin de lycée. Et la réalité frappe violemment. Douloureuse, incisive, elle écorche et malmène, détruit tout sur son passage. Mon visage s’abaisse vers le sol, j’accuse le coup en fermant les yeux. La tragédie qu’ont vécue les deux sœurs est horrible. Personne ne devrait avoir à survivre à ça. C’est un regard plein de compassion que je relève sur la belle tahitienne qui maîtrise difficile ses larmes. – Alors oui, certains jours, je suis fatiguée. Mais jamais je n’enverrais tout valser. Ma petite sœur, c’est la prunelle de mes yeux. Un peu comme ta fille pour toi je pense. Oh si tu savais, Heïana, comme tu as raison et comme je te comprends. Sûrement que Moana t’a sauvé toi aussi, que les responsabilités qui t’ont incombé bien trop brutalement, t’ont aidé à garder la tête hors de l’eau. Ma main vient se poser sur son épaule doucement et je la serre tendrement, dans un geste maladroit mais plein de tendresse. – Ouais, j’comprends. T’as pas besoin de t’expliquer tu sais. C’est ta sœur, ton sang, tu donnerais ta vie pour elle. Tirant sur ma cigarette, je laisse mon regard se perdre un instant sur le thé posé sur la petite table et souffle avant de dire – J’suis désolé, pour vous. Pour ce qui vous est arrivé, ça doit être dur. Et dur est un bien faible mot, je le sais bien. – Mais vous vous en sortez bien, j’suis sûr que ta sœur va cartonner à l’université. A condition qu’elle ne croise pas de mec la gueule en sang avant un examen. Je ris légèrement, tentant d’apporter un peu de joie à cette conversation devenue pesante et difficile. – Promis, je garderai mes poings dans mes poches… Enfin, sauf si le mec le mérite. Je secoue la tête, encore un peu sous le choc – Putain, dans un strip-club… Sérieux Heïa ! Je ris, et lui demande – T’es dispo quand pour sortir un de ces quatre ? Parce que j’ai envie de découvrir la Heïana festive. Et peut-être aussi qu’après ces douloureuses confidences, j’ai envie de la faire sourire et rire davantage, et de la protéger aussi.




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