→ Le soleil a entamé sa course dans le ciel et ses reflets époustouflants aux couleurs chatoyantes déambulent sur l’océan qui nous entoure. L’air est vivifiant et les embruns fouettent nos visages humides, nos corps rigidifiés par le froid se rapprochent en quête de chaleur et de douceur. L’instant est parfait, tout en contraste, merveilleusement doux, curieusement limpide et délicieusement unique. Et moi qui passe mon temps à me cacher, je m’ouvre entièrement au même titre que mes bras qui ne bloquent pas l’avancée de Terrence et le laissent effleurer mon torse avec le sien. Je le laisse entrer, je le laisse se faufiler à l’intérieur car ça fait du bien de l’accueillir ainsi. Il n’y a plus de pensées absurdes, plus de réflexions pesantes, seul un doux parfum de liberté flotte dans l’air, mélangé au piquant de l’air iodé qui glisse sur nos épaules trempées. Les jambes flagellent, les cœurs bondissent et mon sang bouillonne lorsqu’il formule sa requête. Embrasse-moi. Deux petits mots qui veulent dire tout et rien à la fois. Embrasse-moi. Deux mots qui n’ont de sens que celui qu’on veut bien leur donner. Embrasse-moi. Laisse-toi aller, vis l’instant sans te soucier des lendemains, sans penser à la solitude que tu retrouveras forcément, capture ce moment précieux et transforme le en paradis. Ce serait tellement simple alors. Ça l’est en vérité. C’est moi qui complique les choses, je complique toujours tout. Par souci de l’autre, par crainte de blesser et de l’être en retour et parce que je m’évertue à vouloir faire les choses bien en dépit de mon incapacité à y arriver ce qui me remplit de doutes et d’appréhensions à chaque instant. Je ne veux pas être le responsable de la souffrance des autres. Tu souffres malgré tout, Terrence, non ? Tu souffres et tu as besoin de ça, de ces bouffées d’air impromptues, inattendues et sauvages, fugaces et intenses, si brèves qu’elles semblent irréelles. Tu en as besoin tout autant que moi, je le vois dans ton regard. Infinie tristesse, douloureuse souffrance, détestable solitude. N’arrives-tu pas à respirer à d’autres moments ? Embrasse-moi, c’est ce que tu m’as dit. Et si je t’embrasse, si je coule avec toi, qu’est-ce qui en résultera ? Je ne suis le sauveur que d’une nuit, tout ça c’est de l’apparat car je détruis tout ce que je construis. Je ne sais pas faire autrement, je fonctionne ainsi. Si je t’embrasse, Terrence, est-ce que je vais te détruire ? Et toutes ces questions n’ont pas de sens car qu’est-ce qu’un baiser après tout ? Qu’est-ce qu’un baiser entre deux inconnus sinon un échange banal et peu appétissant de salive, hein ? Un baiser, ce n’est rien, non ? Ou alors, c’est tout à la fois. Un baiser c’est la vie qui s’insuffle dans les corps, un nouveau souffle, celui de l’autre qui nous pénètre et nous fait vibrer quelques secondes… Un baiser, c’est un peu tout alors. Ne vit-on pas pour se sentir vivant à travers l’autre ? N’est-ce pas là tout ce qui compte finalement ? Et mes bras se referment sur son corps, puissants et possessifs, protecteurs aussi. Car j’ai cette volonté en moi de protéger, même si j’en ai été incapable durant longtemps. J’ai ce besoin d’être rassurant et d’être doux, de rechercher la proximité physique et de la savourer à sa juste valeur. Son corps frêle mais robuste pressé contre le mien me procure un véritable bien-être et mon regard pale sonde le sien. Un frisson me parcourt lorsque ses doigts glissent sur ma nuque et viennent s’enrouler autour de mes mèches de cheveux mouillées. Une douce chaleur se répand dans mon corps, contrastant affreusement avec la température de l’eau. – Peut-être que si… Mais je ne le savais pas… encore… Nos souffles se mélangent lentement et nos regards se fondent l’un dans l’autre. Je suis hypnotisé par ses yeux verts qui me révèlent mille et une blessures, ce regard infiniment triste et désolé qui fait écho en moi et me bouleverse. Peut-être que si, peut-être qu’il a besoin de ça pour respirer… Et peut-être bien que moi aussi, qu’en sais-je ? Le destin se joue de moi trop souvent pour que j’arrive à comprendre ce qu’il faudrait que je fasse. Je ne suis qu’un pantin désarticulé et maladroit, qui ose avec précaution, qui tente sans se lâcher réellement. La peur me retient, la culpabilité me broie entre ses serres et je suis là, au bord du précipice, hésitant à sauter dans le vide et à tout lâcher. Vide tentateur dans lequel je plonge parfois, à bout de souffle, en bout de course, seul avec mes démons. Mais ce n’est pas le même vide aujourd’hui. Ce n’est pas l’envie d’oublier qui je suis qui m’y pousse, ni l’envie d’éteindre la souffrance et d’anéantir la peine. Ce n’est pas l’envie de mettre fin à ma torture qui m’anime, mais l’envie de respirer et de vibrer un peu plus. Je veux basculer avec lui, ressentir en communion, partager cette folie qui nous a entraîné jusqu’ici, dans l’eau, nus et collés l’un à l’autre. Et ce vide-là est loin d’être inconsistant, bien au contraire. La caresse de ses lèvres sur mon pouce m’a rendu fiévreux et je sens le désir enfler dans mon bas-ventre alors qu’un éclat particulier brille au fond de ses prunelles. Embrasse-moi, je le veux. Ces mots je le pense ardemment sans les prononcer et lorsque ses lèvres s’apposent délicatement contre les miennes, je retiens mon souffle et ferme les yeux avec l’envie violente de m’abandonner réellement. Et c’est ce qui arrive lorsque, après quelques secondes de découverte douce, j’entrouvre les lèvres avec avidité, et que ma langue vient effleurer la sienne, que son souffle me percute et m’embrase de la tête aux pieds. Un baiser, ça peut être absolument tout. Et c’est exactement tout à cet instant. Tout le reste est occulté : la peur, le froid, la timidité, la tristesse, la souffrance et la douleur, la maladresse, la retenue. Tout disparaît au profit de ses lèvres délicates et légères, exquises qui bougent avec ardeur pour s’apprivoiser, se délecter et s’offrir pleinement. Je tremble, mes bras se serrent un peu plus et ma main remonte dans son dos jusqu’à l’arrière de son crâne. Mes doigts glissent entre ses boucles soyeuses et humides. Et je savoure tout. Son odeur, son goût, le bruit des vagues autour, le froid qui heurte ma peau et la chaleur qui se propage à l’intérieur, sa douceur. Mon souffle est erratique lorsque nos lèvres se détachent finalement. Incapable de m’éloigner, mon front se colle au sien et je calme ma respiration tout en respirant son odeur, en le maintenant contre moi avec force, comme si j’avais peur qu’il se détache, s’en aille. Pas tout de suite, pas maintenant. Je veux continuer à profiter de ce petit instant de vie qui bouleverse tout en moi. Mes lèvres glissent sur son visage, sur sa joue et le long de sa mâchoire avant de revenir goûter à ses lèvres avec gourmandise. Bordel, Terrence… Si tu savais comme j’ai besoin de ça. Si tu savais comme j’aime ça. Cette douceur, ce contact, ce besoin de se fondre en l’autre. Mes blessures me semblent si loin ainsi, presqu’inexistantes. Je ne les sens plus, la souffrance s’est éloignée et même si je sais qu’elle ne m’a pas quitté, merci… Merci de l’avoir éloignée. Il n’y a que comme ça que je vis, que je vibre, que je ressens. Et c’est un véritable sourire qui prend place sur mes lèvres alors que je viens nicher mon visage dans son cou, la timidité refaisant surface presqu’aussitôt. Je le serre contre moi, mordille sa peau et murmure – Putain ça caille de fou. On sort avant de perdre un membre ? Ce qui serait vraiment dommage. La réalité est toujours là, mais elle ne m’importe plus autant. Je me fiche du froid, je me fiche du lever de soleil, je me fiche du jour qui se lève. Mes bras se délient et ma main vient récupérer la sienne. Mes doigts glissent entre les siens et je l’entraine sur la rive, sur la plage qui accueille nos claquements de dents et nos corps rendus fébriles à cause de la tempête d’émotions qui fait rage autour. La petite brise sur la plage n’arrange pas les choses, et comme je l’avais prédit, sans serviettes pour se sécher, tout s’avère un peu compliqué. Pourtant, je ne râle pas, je m’en fous. Je l’attire à moi et nos torses claquent l’un contre l’autre. Un sourire étire mes lèvres alors que je le regarde en disant – T’avais rien prévu hein ? Et maintenant on a l’air de deux cons frigorifiés et nus. Ma main glisse dans ses cheveux, je ris en essayant de placer ses boucles vers l’arrière ce qui est peine perdue. – Faut qu’on aille au chaud, on va crever sinon. Mon pragmatisme n’est jamais loin et mon regard se perd dans la contemplation de son visage, je soupire brusquement et mes épaules s’affaissent. Je ne veux pas penser mais je redoute tellement que ce soit terminé. Il ne faut pas que je pense, non. – Viens, faut s’habiller.
Le contact de ses lèvres contre les siennes fait un peu tout exploser dans son coeur, à Terry, ça craque de partout, ça se fissure, ça s'écrase contre les côtes et c'est organique, naturel. Il tremble de froid mais surtout d'émotion, les épaules secouées de spasmes, ne se souvient pas avoir déjà éprouvé ça pour un simple baiser, ne se rappelle pas avoir eu l'envie terrible que ça ne s'arrête jamais, qu'ils restent collés là pour toujours tous les deux, en oubliant que le reste du monde pouvait exister. Il l'embrasse et il sent son souffle chaud se confondre au creux du sien, sa moustache qui lui chatouille les lèvres, leurs langues lancées dans une danse bouleversante, sensuelle, fragile et il s'agrippe à ses épaules et à sa nuque parce qu'il pourrait se noyer dans ce baiser s'il ne se retenait pas à quelque chose. Il pourrait se fondre en Harvey, il pense, s'abandonner totalement dans ses bras parce qu'à cet instant précis il devient absolument tout, et il n'y a qu'eux, qu'eux et leurs bouches, leurs corps nus, leurs gestes délicats et hésitants, l'étreinte puissante d'Harvey, ses mains qui déchiffrent sa peau et qui glissent dans ses cheveux. Il le sent le retenir, le presser à lui et c'est un constat délicieusement bon, ça lui met le coeur à l'envers parce que jamais on ne l'avait véritablement retenu de cette manière, comme s'il était vital, comme s'il était indispensable, comme s'il était ce dont Harvey avait besoin là, dans l'instant, pour respirer. Tandis que leurs lèvres se séparent il lâche un soupir, yeux fermés, une soupir qu'il aurait été bien incapable de contenir plus longtemps et il a froid sans lui, il réalise. Il a froid. Et il le cherche, le menton qui s'avance pour l'embrasser à nouveau mais qui se recule immédiatement par pudeur sans doute, peur d'aller trop vite, de trop en vouloir, de trop en demander, de l'effrayer. Il a bien vu qu'il avait des blessures au fond de l'âme, Harvey, il avait vu de la peur lui déformer les traits, sur la jetée, il l'avait vu vulnérable et blessé aussi. Alors il se retient, réfrène cette envie quasi instinctive de retourner l'embrasser mais contre toute attente, c'est Harvey qui prend soudain les commandes, c'est lui qui revient, le retient à lui, colle son front au sien le souffle rauque et Terry ferme les yeux, déglutit en respirant lourdement comme si l'instant était décisif, important, comme s'il se jouait quelque chose qui les dépassait et dont ils n'avaient pas conscience. Il sourit, petite esquisse de bonheur drapée en coin de bouche et il laisse totalement aller sa tête contre la sienne, bouleversé par ce désir qu'il ne connaissait pas et qu'il découvre parcelle par parcelle. Il s'autorise un gémissement discret bouche fermée au moment où il comprend qu'Harvey aussi en veut encore, parce qu'il la sent, sa bouche qui cherche à retrouver la sienne en glissant sur son visage avec délicatesse. Il a à peine le temps de murmurer son prénom, Terry, qu'il se fait interrompre par un nouveau baiser et il aime ça, terriblement, furieusement, follement, se sentir si fragile dans ses bras puissants, si petit alors qu'il sent son coeur si grand, qu'il sent chaque goutte de sang dans ses veines pulser avec la force d'un chant tribal. Il pourrait rester là, vraiment, ne plus partir, ne plus jamais sortir de l'eau et mourir contre sa bouche. Mais tout a une fin et timidement, Harvey rompt le lien, laisse sa tête se nicher dans son cou, son sourire contre sa peau et lui dit à sa manière qu'il faudrait songer à sortir de l'eau alors il acquiesce, Terry, incapable de prononcer le moindre mot, ébranlé au plus profond, la tête dans les nuages, les pieds qui ne touchent plus terre. Pourtant ce n'était rien finalement, juste deux petits baisers échangés en secret dans un océan glacé. Mais s'il savait, Harvey, à quel point c'était précieux. A quel point c'était important. A quel point Terrence en était bouleversé. S'il savait toutes ces nuits durant lesquelles il s'était laissé allé contre d'autres lèvres sans que ça ne lui évoque rien d'autre que du dégoût, sans que ça ne lui file les larmes aux yeux et une boule au fond de la gorge. S'il savait toutes les fois où il s'était laissé faire Terry, persuadé qu'il ne valait pas mieux que ça, que ces embrassades dégueulasses et pressantes de mecs qui avaient déjà la main sur sa queue en pensant que c'était ce qu'il voulait. S'il s'imaginait seulement, Harvey, avec quelle ardeur Terry s'était appliqué année après année à se détruire et à saccager le reflet qu'il avait de lui-même, s'il savait comme il avait cherché à se sentir vivant en se livrant aux mauvaises personnes sans réaliser qu'il lui suffisait de le rencontrer. Il se sent con, Terry, d'être chamboulé à ce point pour si peu, de mettre tant d'espoirs si vite dans quelque chose qui ne sera peut être qu'un feu de paille, et il ne comprend pas pourquoi ça lui fait ça mais il n'y peut rien, trop fragile sans doute, les émotions à fleur de peau, pas vraiment habitué à la douceur. Il se laisse entrainer sur la plage, la main d'Harvey dans la sienne comme deux ados qui auraient fait le mur pour venir se perdre ici sans prévenir personne. Il le suit et il a confiance, le suivrait partout les yeux fermés sûrement, à tord peut être, mais il le ferait, il le sait. Et quand il voit Harvey sourire comme il ne l'avait encore jamais vu sourire il se mord la lèvre pour ne pas pleurer, sourit lui aussi et se perd un instant sur son visage, sur ses cheveux blonds rendus un peu fous par le sel de la mer, observe ses sourcils tristes et ses yeux profonds, s'attarde longuement sur sa bouche et sa barbe. Il ne s'en rend pas bien compte, Terry, mais il est totalement hypnotisé par cette beauté sauvage qu'il découvre, par ce mec sorti de nul part qui venait ébranler toutes ses certitudes. Ca tambourine contre son torse, c'est puissant et intense, et perdu dans ses contemplations il ne réalise pas qu'Harvey le tire à lui. Il se retrouve contre son torse et lâche un rire de surprise avant de frotter le bout de son nez contre sa mâchoire comme un animal en quête de tendresse puis finalement recule son visage et le regarde encore, les bras enroulés contre ses hanches, ne le quitte pas des yeux quand son ami tente de remettre ses cheveux en arrière et il se laisse aller à rire, Terry, parce que ça a quelque chose d'émouvant cette façon qu'il avait de vouloir maladroitement le recoiffer. C'est fou et c'est hors sur temps et il l'écoute à peine quand il lui dit qu'il faut se rhabiller parce qu'il n'en a pas envie en vérité, il a peur de briser l'instant et de casser le fil ténu qui les unissait. Il lâche un vague hm hm qui aurait pu signifier "oui oui" alors qu'il pensait "non je t'en prie", collé à son corps musclé duquel il refuse de se décoller. Mais il soupire finalement, s'éloigne et remet ses vêtements comme il peut. Ca colle de partout contre sa peau mais il s'en fout, ça le fait rire. Il secoue sa tête et essore ses boucles avant de venir faire pareil avec les cheveux d'Harvey. Attends.. tes cheveux sont trempés C'est tout ce qu'il trouve à dire, intimidé, et c'est lancé dans un murmure un peu chétif parce qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive, que son coeur est en vrac et que les mots se tarissent dans sa bouche lui qui pourtant n'avait jamais de mal à trouver quoi dire. Lorsqu'ils se sont tous les deux rhabillés il lui dit attend-moi près de ta moto, court jusqu'à la jetée pour récupérer la bouteille de whisky et reste un instant là, tout seul, les yeux posés sur l'horizon à se demander bêtement si ça voulait dire quelque chose où si demain tout aurait disparu. Il a le coeur lourd mais se refuse à laisser les démons gagner alors il serre les mâchoires et se force à sourire en revenant près de la Ducati. Il se plante devant son ami, boit une gorgée d'alcool pour se donner du courage, la lui tend pour qu'il termine les dernière gouttes et lui dit, son regard vert appuyé contre le sien, ramène-nous à Fortitude, Harvey, s'il te plait. Et sans dire un mot de plus, sans explication parce qu'il a peur qu'il refuse tout de suite, il jette la bouteille de Whisky, enfile le casque sur ses cheveux humides et se colle à son dos, les bras qui s'enroulent à nouveau autour de ce corps qu'il connait un peu mieux, paumes posées sur son torse et ils repartent, les pensées surement encore à flotter sur les vagues de Gold Coast. Une heure plus tard, la moto d'Harvey s'arrête devant chez Terry. Il descend du véhicule, retire le casque, recoiffe ses boucles et se mord la lèvre, hésitant, avant de finalement se lancer le coeur battant. C'est là. C'est chez moi. Il détourne le regard quelques secondes, hésite, se demande si c'est une bonne idée parce qu'il a peur, Terry, c'est nouveau, c'est trop doux et trop beau, il a peur qu'ils se crament tous les deux à cause des étincelles qu'il a dans tout le corps, mais il fini par soutenir son regard, le souffle court. Et j'aimerais que tu montes. Je veux...que tu montes. Il a envie de lui montrer son refuge. Le seul lieu où il pouvait encore rêver quand tout allait mal et qu'il perdait pied. Alors il tente. Les mains fébriles il pose le casque sur la moto puis fait quelques pas en arrière. Tu peux aller garer ta moto dans la cours de derrière et me rejoindre chez moi, ou repartir chez toi. Je te laisse décider, t'es pas obligé de venir. Mais j'ai très envie de te montrer quelque chose. Il s'approche, pose doucement ses lèvres contre sa joue et lui souffle et si jamais tu ne montes pas, je ne t'en voudrais pas. Tu es libre. Merci pour cette nuit dans tous les cas. Merci Harvey... c'était parfait. Il s'éloigne et pousse la porte d'un coup de genoux un peu fort sans se retourner et grimpe les trois étages de l'immeuble, entre chez lui et il se demande comment ses jambes ont fait pour le porter jusqu'ici alors qu'il se sent coton. Il entend la moto d'Harvey gronder dans la rue et il se demande s'il a décidé de s'en aller ou s'il d'ici quelques minutes il entendrait ses pas monter les escaliers. Alors il reste là, Terry, la porte ouverte, les mains jointes devant les cuisses et il ferme les yeux en espérant fort fort fort qu'il ne prenne pas peur et qu'il le rejoigne.
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:01, édité 1 fois
→ Fraîchement sortis de l’immense bain glacé, nous voilà tous les deux sur la plage, grelottants sous l’effet du vent qui fouette nos corps transis, les dents qui claquent et les jambes qui flagellent. Et pourtant, malgré le froid et l’inconfort de la situation, je me sens tellement bien. Un nouveau souffle s’est emparé de moi et me donne l’élan de vivre avec un enthousiasme particulier, une envie de tout laisser tomber et de simplement respirer. Alors, au lieu de râler parce que mes fringues me collent à la peau, qu’ils ne glissent pas sur mon corps trempé, que les grains de sable désagréables me grattent et que je vais à tous les coups choper une pneumonie, je m’habille le cœur léger et le sourire aux lèvres, observant Terrence en faire de même. Ses boucles folles partent dans tous les sens et son t-shirt lui colle à la peau de façon tout à fait indécente. Je glisse un regard nouveau sur lui, sur son corps que j’ai pu toucher et sentir contre le mien et mon bas-ventre se réchauffe sous le simple plaisir que cette vision m’offre. Baissant les yeux, secouant la tête, je me concentre sur la fermeture éclair de mon jean et une fois habillé, je relève mes prunelles vers Terrence qui se trouve face à moi et viens remettre mes cheveux en ordre. – Attends… tes cheveux sont trempés… Murmure si doux, comme une caresse, timide et si agréable… Je le couve du regard alors qu’il tente de replacer ma chevelure blonde correctement. Et cette petite attention me touche, ça pétille à l’intérieur et ça me plait. – Attends-moi près de ta moto. Il s’éloigne et il court Terrence. Il court vers la jetée et je l’observe faire avec les yeux brillants, secoué par les émotions qui se bousculent en moi avec force, si bien que je ne sais pas du tout ce que je ressens. Apaisé, étrangement calme, je savoure la quiétude sans réfléchir davantage. Chaussures à la main, je remonte la plage lentement et me grille une clope sur le chemin. La fumée infiltre ma bouche et l’assèche alors que mes lèvres se remémorent ce baiser vital et puissant et qu’elles restent étirées en un rictus bienheureux et béat. C’est peut-être bête de se sentir aussi bien après un simple baiser, une simple caresse des lèvres, un frôlement des langues avides et curieuses, tout en volupté ; mais toutes ces sensations me procurent un bien-être tellement intense ! Arrivé à ma moto, je me penche et enfile mes chaussures tout en guettant Terrence sur la jetée. Et je marque un temps de pause alors que sa silhouette filiforme se détache de l’horizon, ses cheveux fous volettent tout autour de son visage doux et j’arrive à voir son regard pourtant tourné vers l’océan. J’arrive à percevoir sa profondeur, son infinie tristesse et toutes les questions qui le traversent. Qui es-tu Terrence ? Qui es-tu pour autant me ressembler, pour me sembler si familier ? Mes sourcils se froncent alors que je prends conscience de la peine et de la souffrance qui nous entoure, jusqu’ici occultées. Et mon regard se baisse sur mes lacets que je resserre d’un coup sec avant de me relever et de terminer ma cigarette. J’aimerai oublier la douleur, ne plus avoir à supporter ce supplice jour après jour, mais ce n’est pas possible. La réalité revient toujours, tranchante comme un poignard, suffocante et écrasante. Je n’ai pas envie de me brimer mais je ne sais pas faire autrement, mes chaines se resserrent autour de moi et c’est un visage torturé qui se tourne vers Terrence lorsqu’il réapparaît à mes côtés. – Ramène-nous à Fortitude, Harvey, s’il te plait. Je jette ma clope et hoche simplement la tête, terminant la bouteille de whisky rapidement avant de m’installer sur ma bécane. La clé tourne dans le contact, le moteur ronronne et l’engin vibre, puissant entre mes cuisses. Terrence enfile le casque et prends place derrière moi. J’observe ses bras qui s’enroulent autour de mon ventre et je me mords la lèvre, désireux qu’il me serre encore plus, qu’il se colle un peu plus, qu’il se fonde en moi. Je veux ressentir l’abandon, je veux vibrer de l’intérieur, je veux chérir cet instant avec intensité. Ma main glisse sur son avant-bras, fébrile, toucher rapide ; puis je place mes lunettes de soleil devant mes yeux et actionne la moto qui se lance sur la route. Les kilomètres défilent, le vent gifle avec force nos corps trempés qui se rigidifient sur le trajet, se contractent, ne facilitant pas la conduite qui devient plus sèche, moins fluide. Je reste concentré néanmoins, le trafic est plus intense car le jour est maintenant levé et dès que nous approchons de Brisbane, je zigzague avec maîtrise entre les berlines et les camions qui circulent sur le boulevard, sans prendre de risque toutefois. Conduire me permet de totalement fuir mes pensées, elles vont et viennent sans que je n’ai de prise dessus, se font légères, abstraites, m’effleurent seulement. J’ai toujours aimé conduire pour cette raison, pour la liberté que je ressens lorsque je suis derrière le guidon et que la moto avale les kilomètres. L’odeur de l’asphalte, le crissement des pneus sur la route, les vibrations du moteur, les paysages qui défilent, c’est un tout tellement puissant. Terrence me guide jusqu’à chez lui et je coupe le moteur avant qu’il ne descende. Sans descendre de ma bécane, je l’observe, en attente. Je ne sais pas exactement ce que j’attends d’ailleurs, je sais juste que je n’ai pas envie de lui dire au-revoir, je n’ai pas envie que cette parenthèse vivifiante se termine. La main posée sur la cuisse, l’autre sur le guidon, le torse à moitié tourné vers lui, j’attends donc. Qu’il prenne une décision, qu’il me donne une indication, qu’il choisisse. Ses yeux verts opalines percutent les miens avec une force incroyable qui me saisit brusquement. – Et j’aimerai que tu montes. Je veux… que tu montes. Mon souffle s’accélère, ma poitrine se soulève et je cherche toutes les réponses aux questions qui me traversent dans son regard. Ainsi, tu veux de moi ? Tu veux que je reste près de toi ? Mais je ne suis pas bon, je ne suis pas bien, tu ne devrais pas me tenter… Tu devrais te détourner, ne jamais revenir, je vais te faire du mal… Mon cœur s’emballe, ses battements sont totalement erratiques, ça part dans tous les sens. Mon regard est peureux, hasardeux, hésitant. Je suis perdu entre mes envies et mes peurs, à nouveau emprisonné et capturé par mes angoisses qui m’empêchent de vivre. Et alors, Terrence me laisse le choix. Il dépose le casque sur le guidon, prudemment, et me laisse décider de la suite. Je peux garer ma moto dans la cour, le rejoindre chez lui ou repartir chez moi. Ça semble si simple comme décision à prendre et pourtant j’ai l’impression d’avoir un couteau sous la gorge et de ne plus respirer. Terrence s’approche et je retiens ma respiration lorsque ses lèvres se posent sur ma peau. Caresse délicate, suave et empreinte de désir. L’envie explose dans mon ventre, et si je suivais mes pulsions je le rattraperais, le collerais à moi et l’embrasserais à en perdre haleine. Car j’en ai envie. Bordel, j’en ai tellement envie ! Et je le laisse s’éloigner, je le laisse m’expliquer que je suis libre. Je suis libre. S’il savait comme ces simples mots sont tellement tout pour moi. Il me laisse libre. Mon cœur rate un nouveau battement et je reste inerte lorsqu’il fuit. Pantois, déconcerté, je ne bouge pas durant plusieurs secondes. La main tremblante, j’attrape mon casque et hésite à le mettre sur mon crane pour repartir. J’observe la rue, les voitures qui passent et les gens qui se pressent avec amertume. Je ne suis pas comme eux. Il n’y a rien qui m’attire, rien qui me donne envie de me presser, rien qui m’attend ailleurs… Et mon regard se pose alors sur cette porte d’immeuble entrouverte, sur cette possibilité qui me tente, envie grouillante et urgente qui hurle en moi. – Et merde ! Que je lâche, en redémarrant ma bécane brusquement. Je suis faible, si faible putain ! Lentement, je gare la moto dans la cour et place l’antivol précautionneusement car j’ignore pour combien de temps je vais en avoir. Longtemps, j’espère. Je veux respirer longtemps encore, me sentir vivant plus que quelques minutes… L’appréhension me ronge le ventre, j’ai la gorge nouée. Il est encore temps de fuir… Mais je ne peux pas. Je ne peux pas fuir, je suis trop faible pour partir, trop faible pour ne pas me confronter aux envies qui implosent dans tous les sens en moi. Chaque marche me donne l’impression d’avoir les jambes incroyablement lourdes, et l’ascension jusqu’au troisième étage semble infiniment longue. Face à cette porte lourde, je sens mon sang qui boue dans mes veines et tambourine à mes tempes violemment, pourtant je la pousse, dominant mes peurs et mon envie de fuir et je murmure, d’une voix rauque et cassée – Terrence ? Je… Je rentre et pénètre dans l’endroit encore plongé dans la pénombre. Il n’a pas pris la peine d’allumer, où est-il ? Je le cherche du regard, j’hésite et poursuis – J’ai garé ma moto dans la cour… Je suis monté et je suis là. Comme si ce n’était pas évident, mais j’ai besoin de le dire car c’est un véritable challenge pour moi de réussir à dépasser mes angoisses. Et elles sont nombreuses, elles m’assaillent, serrent ma gorge, m’étouffent et me font trembler de peur. J’ai la voix qui déraille – Tu voulais me montrer quelque chose ? La main sur la poignée de la porte, je la referme lentement. Et je me jette dans le vide, je laisse la liberté m’aspirer et m’embarquer dans son tourbillon de vie insaisissable. Je ne sais pas où je vais, mais j’ai l’impression que c’est le seul endroit où je dois être et que tout cela fait sens. Je suis persuadé qu’il y a une logigue dans tout ça, elle m’échappe totalement mais un jour, un jour peut-être que je comprendrais. Et même si je ne comprends pas, au moins je n’aurais pas de regrets.
Il aurait pu lui demander directement de monter sans s'encombrer d'un stress supplémentaire. Il aurait pu lui dire simplement "aller viens" mais il ne voulait pas l'influencer ou lui forcer la main, c'était à Harvey de décider. Alors il avait mis son coeur entre parenthèses, l'avait laissé faire son choix et il avait terriblement peur, Terrence, crevait de trouille à l'idée d'avoir pris la mauvaise direction, d'avoir peut être mis Harvey dans l'embarras, crevait de trouille à la simple pensée que cette nuit hors du temps qu'ils venaient de passer pouvait déjà se voir être avortée. Et si c'était le cas, il avait effroyablement peur que ce soir au boulot il l'ignore, fasse comme tous les autres et l'oublie aussi vite qu'il l'avait rencontré. Il a les poumons qui s'écrasent sous ses côtes, ça fait mal et ça brûle et quand il le regarde, assis sur sa moto les yeux griffés par l'incompréhension, il hésite mais fini par partir. Partir après lui avoir embrassé la joue alors qu'il mourrait d'envie d'aller à nouveau goûter ses lèvres, plus très sûr de leur texture, plus très sûr qu'ils s'étaient réellement embrassé là-bas, dans les vagues. Ca parait irréel et il peine à croire qu'i a véritablement vécu quelque chose d'aussi doux. Il voit les questions qui se bousculent dans les yeux céruléens de son ami et il se dit qu'il ne savait pas, en lui proposant ça, à quel point la douleur serait vive et à quel point l'angoisse lui défoncerait la gorge mais il persiste, grimpe les escaliers et entre dans son petit appart. Il attend là, les secondes deviennent des heures et les minutes des années mais lorsqu'il entend la porte du bas claquer, Terry, il sent son coeur s'affoler comme une nuée de papillons fous face à un rayon de lumière. Il respire fort, pas certain de savoir vraiment ce qu'il fait, mais il reste là, debout et quand Harvey entre enfin il soupire discrètement, le souffle rauque et le coeur en chute libre. Harvey est là. Il est là, il est monté. Il est chez lui, il est palpable et il parle. Il parle de sa voix grave, trainante et rocailleuse, sa voix qui percute les murs et résonne partout, partout, partout. Sa voix qui vibre au fond du ventre de Terrence sans qu'il n'arrive à saisir totalement l'effet que ça lui fait et la chaleur que ça répand en lui. Il parle Harvey, de cette voix douce mais hésitante et il se dit qu'il l'aime, cette voix, qu'il voudrait qu'elle lui souffle des mots contre le tympan sans s'arrêter, qu'il aimerait que ce soit cette voix là qu'il entendrait tout à l'heure alors quand il irait se coucher. Il l'entend prononcer son prénom et ça lui file un frisson le long de l'échine, frisson qui se propage un peu partout, qui lui mord la peau et qui refuse de s'en aller. Et c'est tant mieux parce que ça lui plait. La lèvre qui se coince entre les dents, il ferme les yeux puis les rouvre immédiatement. Il est là, il est venu, c'est ce qu'il dit et il a tellement de mal à le réaliser Terry qu'il ne résiste pas, ouvre les barrières en grand et avance rapidement vers Harvey pour se blottir dans ses bras dans un geste instinctif, quasi animal. Il le serre et il le respire, il le touche, et il tremble, il veut comprendre et apprendre, il veut se dire qu'il est là pour lui, parce qu'il en avait réellement envie et non pas juste par curiosité. Il le sert et colle son nez contre sa joue, les sens affolés, les doigts qui s'agrippent contre son dos et la respiration lourde. Il est là. Il est là. Et il ne comprend pas pourquoi ça lui fait, ça, Terry, pourquoi il a l'impression que maintenant qu'il l'a embrassé il a tout le temps envie de recommencer, pourquoi ça lui dévore les côtes et lui retourne le coeur, pourquoi il ne veut plus que son corps soit loin du sien. Il ne comprend pas et il s'en fout finalement, il s'en tape que ça ne lui soit jamais arrivé avant et que ça lui échappe totalement, il s'en remet à lui sans retenue, il dépose tout en vrac dans les mains du destin en se disant "on verra bien". Il embrasse doucement son menton et le serre à nouveau, le visage niché dans son cou. T'es venu.. Et c'est un constat qui fait du bien. C'est prononcé dans un sourire. Il s'éloigne un peu à contre coeur, lui prend la main et l'emmène au fond de son appartement, fini par séparer leurs peaux alors qu'il grimpe sur un meuble et pousse le velux. Viens. Suis-moi. La voix qui chuchote comme s'il s'agissait d'un secret, il s'engouffre par l'ouverture qui mène sur le toit. Il descend doucement et glisse le long des tuiles pour finalement se retrouver juste en bas, les pieds sur le toit d'à côté collé à celui-là, plat cette fois, avec au centre une petite serre. Il marche et y pénètre Terry, prend la main d'Harvey, l'émotion qui s'enroule autour de son coeur. Je t'avais dit que je te montrerai mon refuge. C'est ici, c'est à moi. Personne ne peut monter ici, le toit de cet immeuble est condamné depuis des années. J'y viens pour lire il lui montre une pile de livres dans un coin près d'un canapé posé là, j'y viens pour réfléchir, et.. il ressort de la serre et court quelques pas après avoir lâché la main de son ami. Et j'y viens pour ça. Il lève les bras et le visage vers un ciel à perte de vue, un sourire qui s'étire sur sa bouche, un sourire apaisé et heureux. Il laisse ses bras retomber mollement, les yeux qui s'ouvrent puis il s'approche d'Harvey et le regarde avec intensité, comme s'il le voyait pour la première fois, comme s'il découvrait sa peau délicate malgré des traits usés, comme s'il redécouvrait ses yeux tristes et ses cheveux fous qu'il commençait à aimer un peu trop fort, Terry. Le soir c'est magnifique avec le coucher de soleil et les étoiles. Et il a envie de le dire, il pense, a ce besoin pendu au fond du bide qui lui fera mal jusqu'à ce qu'il le prononce alors il baisse la tête et murmure reste jusqu'à ce soir, Harvey. Reste avec moi aujourd'hui, dors avec moi, mange avec moi, et on ira au travail ensemble. Je.. Il ose le regarder, le regard inquiet et triste. Je veux pas que tu partes. C'est lâché dans un souffle, le coeur englouti par un méli-mélo d'emotions et ça fuse dans tous les sens sans qu'il n'arrive à tout contenir. Il a l'impression d'en demander trop, il se sent con et après un temps, dans un soupir gêné il secoue la tête et se rétracte Pardon, c'est nul, t'as surement d'autres projets bien plus cool. Et il lance un rire dans l'air, un rire qui sonne faux, un rire qui sonne triste, un rire qui hurle "je n'ai pas confiance en moi" et "ne me laisse pas" . Maintenant qu'il a goûté à Harvey il ne veut plus avoir à se passer de lui, il pense. Alors il relève les yeux, arrête de sourire et attend qu'il dise quelque chose, qu'il étende sur lui son hégémonie ou qu'il prenne la fuite. Et il s'approche doucement, Terry, le bout des doigts qui vient frôler les siens, le coeur en avalanche et la respiration profonde.
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:05, édité 1 fois
→ Il existe des instants particuliers dans une vie, si intenses qu’ils nous font vibrer pleinement sans que toutefois nous n’en saisissons leur importance. Des instants décisifs qui nous marquent pour toujours, qui s’inscrivent en nous au fer rouge et ça brûle le cœur, ça étouffe les poumons, ça déchiquète les organes, ça ronge le ventre. Ce qui est fabuleux, c’est que nous vivons ces instants sans pouvoir les maîtriser. Ils s’imposent, véritables tempêtes au beau milieu d’une traversée douloureusement paisible, et nous ne sommes que les spectateurs vivants et vibrants de leur impétuosité, de leur déferlement et leur frénésie. C’est dans ces moments si particuliers, si vifs, extrêmes et puissants que nous touchons du doigt l’essence même de nos vies, le but ultime de tout être, l’âme qui s’élève et prend le relais, éclatante et dépassant toute réalité subjective. Et nous ne nous en rendons compte qu’une fois le moment passé, éteint car sa puissance est totalement subie par l’esprit. Je crois que cette soirée fait partie de ces grands mouvements du destin, incontrôlables, vivifiants. Je crois que je ne suis pas à même de comprendre ce qui est en train de se passer, ni de comprendre ce que je ressens, je me laisse simplement guidé par mes instincts, mes pulsions, qui savent mieux que moi ce dont j’ai besoin. Et je gare ma moto, je la gare dans cette petite cour sans savoir ce qui m’attend, avec l’appréhension qui me noue le ventre et l’envie qui se dessine au loin. L’exaltation à l’idée de ne pas regagner ma solitude tout de suite, c’est elle qui me transporte et me permet de grimper cet escalier aux marches interminables. Je pousse cette porte, timidement, dernier rempart entre la liberté que m’offre Terrence et mes propres insécurités, je pousse cette porte et je m’annonce alors que je pénètre dans son intimité avec douceur et précaution. L’appartement est plongé dans la pénombre et je ne suis pas vraiment sûr de moi, je ne sais pas trop ce que je fous là, je ne sais pas ce que je recherche, mes pensées sont en vrac, mes émotions tourneboulées, rien ne semble clair et pourtant tout est si limpide. Je n’ai pas envie d’être ailleurs. Ma voix s’élève, peu assurée et fébrile, hasardeuse, en quête de réponse pour faire fuir tous les doutes et le froid, oh ce froid, qui me tue et m’abîme. Il apparaît alors, lui et ses boucles folles, lui et son air triste, malheureux comme les pierres, lui et son affreux besoin de réconfort. Il se jette dans mes bras et je me retrouve soufflé par la force bouleversante avec laquelle il s’accroche à moi. La peur ressurgit, brutale, elle m’engloutit presque mais je lui résiste. Je lutte pour ne pas le repousser, lui crier qu’il ne lance pas son ancre là où il le devrait, qu’il est en train de s’accrocher à un fantôme car je vis dans le passé et ma réalité n’a pas d’ancrages, nulle part, que je ne sais pas ce qu’il attend de moi et qu’il me fait peur. Oui, il me fait peur. J’ai peur de l’écorcher, de l’exploser, l’entailler, le déchirer, le persécuter. J’ai peur d’être mauvais, car je ne suis pas bon ou du moins c’est ce que je crois. J’ai essayé pourtant. Bordel, j’ai essayé si souvent pour échouer lamentablement, misérablement. La peur me fait tressaillir et ses lèvres délicates se posent sur ma mâchoire avant qu’il n’enfouisse son visage dans mon cou. Les frissons parcourent toute ma colonne vertébrale, ô douce volupté ! Et je bascule légèrement la tête vers l’arrière, ferme les yeux si fort, si fort alors que je me demande si j’ai le droit, si je ne suis pas qu’un connard d’égoïste en réalité, un putain d’opportuniste qui a juste peur de ne pas se retrouver seul et qui est prêt à profiter de chaque contact humain sur son chemin. Pour vivre un peu, pour arrêter de suffoquer dans mon coin, pour respirer vraiment… Mes bras se referment malgré tout sur son corps frêle et je lui rends son étreinte. Je la lui rends car je suis incapable de faire autrement, car le repousser n’a aucun sens et cela reviendrait à me repousser moi-même. C’est ce que je fais toujours, je le sais. C’est stupide, je le sais aussi. – T’es venu… Doux murmure, voix fluette qui s’élève, vacillante et qui caresse mes tympans en douceur. Je suis venu, oui. Ma tête se baisse, mon nez se faufile entre les boucles brunes sauvages et dans un souffle à peine perceptible, un faible Oui se fraie un chemin. Aveu nécessaire, je me relâche et me détends un peu. Terrence s’écarte alors et s’empare de ma main pour m’entrainer à sa suite. Nous traversons son appartement, éclairé uniquement par la clarté matinale et je découvre son antre avec étonnement et ravissement. Il y en a partout, des petits morceaux de Terrence, ici. Il y a sur toutes les étagères, tous les coins de meubles, toutes les parois pas vraiment lisses. Des objets, des peintures, des dessins et des livres. Oh il y a des livres partout là où je pose mes yeux. Des livres sur la table, des livres sur l’étagère, des livres sur le radiateur, des livres à côté des plantes, des livres par terre, sur le matelas posé dans un coin, des livres à en perdre la tête. Ma curiosité n’a pas le temps d’être satisfaite, car il m’attire à l’extérieur. Il y a tant de choses à voir pourtant ! Tant de toi à découvrir ici ! – Viens avec moi. Et je fronce les sourcils en le voyant escalader un meuble pour ouvrir le velux. – Mais qu’est-ce que tu fais ? Cela m’a l’air tout sauf raisonnable comme attitude et je le fixe, incrédule, alors qu’il disparait sur le toit. Je jette un coup d’œil circulaire à la pièce autour de moi, avant de lever les yeux au ciel, de soupirer et de me hisser par le velux. – Tu sais que c’est dangereux ? Je râle un peu mais je n’ai pas tort ! Il prend de sérieux risques à jouer au cascadeur ainsi ! Il ignore si le toit est vraiment fiable et si les tuiles sont bien accrochées. Je paris même qu’il s’en fout et que ça ne lui semble pas important, et pourtant… S’il se fait mal ici, qui lui viendra en aide hein ? J’atterris à ses côtés après m’être contorsionné et avoir retenu mon souffle durant la descente, je m’essuie les mains sur mon jean tout en observant l’endroit. La surface plate du toit est plus rassurante, même si le fait qu’il soit ‘condamné’ ne me dit rien qui vaille. Je pénètre dans la serre aménagée, et automatiquement, lorsque mes yeux se posent sur le canapé, les livres et les plantes, un sourire illumine mon visage. Tu es plein de surprises, Terrence. Je comprends que c’est un grand rêveur et que sa façon d’échapper à la dure réalité, c’est de plonger dans un bon bouquin. Et je peux comprendre ça, oui, bien sûr que je le comprends. Son refuge… C’est avec un sourire ému que j’accueille ses confidences et je me mords la lèvre en l’observant au beau milieu de son élément. Il est beau Terrence, lorsqu’il est heureux. Ses yeux brillent alors que le soleil nappe le ciel de ses rayons dorés, son sourire étire ses lèvres pleines et ourlées et ça me fait quelque chose de le voir comme ça. J’aimerai le voir tout le temps comme ça. Épanoui, heureux, apaisé. Je suis ému, touché par la confiance qu’il place en moi en me dévoilant ce qui est le plus important pour lui. Et lorsque son regard percute le mien, je ne fuis plus, je le vois. Lui, qui rayonne au milieu de ces bouquins, lui qui éclaire la journée à peine entamée, lui qui illumine ce toit condamné, lui et ses yeux verts d’opaline qui me font un effet que je ne mesure pas vraiment encore. – Le soir c’est magnifique avec le coucher de soleil et les étoiles. – Je veux bien te croire… Que je murmure sans le quitter du regard. Et puis, quelque chose vient troubler son regard. De l’hésitation, un peu de fébrilité et le voilà qui baisse la tête. – reste jusqu’à ce soir, Harvey. Reste avec moi aujourd’hui, dors avec moi, mange avec moi et on ira au travail ensembles. Je… La force de cette demande me cloue sur place, et je ne bouge pas. Mon regard est fixe, ma respiration difficile et mon cœur s’emballe. Ça part dans tous les sens, ça pétille et ça frappe en cadence. La peur, l’envie. La peur, surtout. – Je veux pas que tu partes.Je ne veux pas partir non plus. Mais j’ai peur, terriblement peur bordel. – Pardon, c’est nul, t’as surement d’autres projets bien plus cool. Il est trop tard pour se rétracter, trop tard pour fuir et abandonner le navire. Je ne veux pas fuir, je ne veux plus. Alors je détourne le regard et sillonne un instant le ciel et ses reflets chatoyants, j’inspire profondément l’air qui tourbillonne tout autour. Je prends le temps de savourer l’instant, d’apaiser mon esprit et de réfléchir posément, intelligemment. Si mes pulsions m’ont aidé jusqu’à présent, je choisis de les ignorer pour ne pas nous placer dans une situation trop bancale, trop irrécupérable. Parce que, c’est ce que nous sommes, non ? Irrécupérables ? – D’accord, je reste. Et le poids qui écrasait mes poumons jusqu’à présent s’extirpe, un vent de fraîcheur et de liberté me gagne. Un sourire se dessine au coin de mes lèvres et je sors le paquet de clopes tout écrasé de ma poche arrière de jean. – Je reste mais je prends une douche et tu me prêtes des fringues… Si t’as. Je me mordille l’intérieur de la joue et rit en disant –Un peu plus grand, j’aime pas les trucs moulants. Je cale ma cigarette entre mes lèvres et coule un regard sur Terrence avant de l’allumer. Tirant dessus comme un condamné, je souffle la fumée épaisse avant de demander –Tu lis quoi en ce moment ? C’est quoi ton livre préféré ? Tu veux une clope ?Et je tends le paquet vers lui, avant de me laisser choir dans le canapé. Ma nuque sur le dossier, la tête basculée vers l’arrière, j’observe le ciel et laisse échapper un murmure –T’as un joli panorama d’ici, c’est vrai. Malgré les risques évidents pris pour y accéder.
Il n'a pas peur, Terrence et il ne se souvient pas avoir déjà eu peur de passer par sa fenêtre pour se rendre à la serre, pas assez circonspect surement, pas assez timoré mais probablement un peu trop téméraire. Il n'a jamais eu la frousse de sa faire mal ou de glisser sur une tuile, n'a jamais pensé que le toit pouvait s'effondrer ou que l'immeuble pouvait être détruit. Il a toujours foncé droit vers ses idées, Terrence, au risque de se prendre un mur, un peu trop libre et impavide. Quand ils arrivent sur le toit, c'est un bout de lui qu'il dépose entre les mains d'Harvey, une partie de son univers, de ce qu'il aime et qu'il n'a encore jamais montré à personne. Il lui ouvre la porte de ce qu'il a de plus précieux, son lieu de repos, là où il se sent apaisé. Harvey observe, maugrée en glissant sur les tuiles parce qu'il trouve que c'est dangereux mais il ne répond pas, Terry, parce qu'il a fait ça pendant trop d'années pour que ces pensées puisse lui traverser l'esprit. Et puis il s'ouvre un peu plus, écarte les bras au ciel tandis que ça gronde dans son coeur puis fini par tout lâcher, par lancer la demande même s'il aurait aimé la retenir avant qu'elle ne franchisse ses lèvres, pourtant. Il aurait aimé savoir l'encercler de chaines pour ne pas qu'elle arrive jusqu'aux oreilles d'Harvey parce qu'il a peur de sa réaction, il a peur et il tremble doucement, le coeur qui dégringole et les poumons en hyperventilation. Il ne sait pas s'il a déjà autant redouté de dire quelque chose à quelqu'un par peur d'effrayer, de faire fuir, par crainte d'être trop pressant, d'être un peu envahissant avec ses émotions en feu follets. Il observe Harvey alors qu'il vient de lui avouer qu'il voulait qu'il reste avec lui pour la journée, alors qu'il vient de déballer devant ses yeux ses espoirs pour les heures à venir, il l'observe et il sent l'air se bloquer douloureusement au niveau de sa pomme d'adam. Il l'a fait, il lui a dit clairement ce qu'il projetait; qu'il avait envie de dormir blotti contre son corps, de partager un repas, de discuter, de le voir encore et encore parce qu'il ne voulait pas que ça s'arrête comme ça, Terrence, qu'ils se séparent en se claquant la bise ou en s'offrant une rapide étreinte un peu confuse. Il refusait que Gold Coast n'ait été qu'un feu de paille merveilleusement éphémère et brodé d'or sur un tissu fragile, il refusait qu'ils se croisent au travail ensuite et que tout recommence, les regards de loin, en coin et les mots qui manquent. Il voulait briser la glace pour de vrai, l'inviter à partager sa journée, le faire entrer chez lui comme on ouvre la porte à quelqu'un de familier. Il voulait le connaitre. Savoir qui il était, au delà des yeux tristes, au delà des sourires trop rares, au delà de la souffrance que Terrence savait lire en lui. Et il le voit, réfléchir à sa proposition. Il le voit le fixer l'air grave puis détourner le regard et il se dit qu'il a peut être été trop loin, qu'Harvey va partir et lui dire "écoute, ça va trop vite" mais ce n'est pas qui sort de ses lèvres. Il lui dit "d'accord je reste" et ça fout tout péter à l'intérieur. D'un coup. Terrence expire l'air resté coincé trop longtemps, libère son apnée et le regarde, ses prunelles vertes qui parcourent son visage à la recherche d'indices pour confirmer qu'il a bien entendu. Et il a bien entendu. Ca lui arrache un soupir contenu, lèvres closes, les yeux qui se paument sur le ciel en écoutant Harvey continuer de sa voix grave et chaude lui dire qu'il reste mais avec des conditions : prendre une douche et se changer mais avec des fringues moins serrées que celles que Terrence porte habituellement. Il sourit, Terry, d'un sourire sincère et amusé tandis qu'Harvey rit en miroir. Ouais, j'ai. Il a. Il n'en sait rien s'il a, mais il a. Harvey était fin et faisait presque sa taille mais avait au moins 15-20 kilos de plus. Pourtant, il craquera n'importe lequel de ses t-shirt s'il le faut, Terry. Pour qu'il reste. Pour qu'il reste. Il s'allume une cigarette, Harvey, et Terrence l'écoute le questionner. C'est étrange comme soudain son coeur bat fort, c'est si étrange qu'il doit poser une main contre son torse pour le calmer un peu. C'est déconcertant parce qu'il a l'impression qu'ils ont passé une barrière supplémentaire et tout ça semble si fluide, si logique, si évident alors qu'ils se connaissent si peu, qu'ils n'ont fait que passer les six derniers mois à se voir d'un bout à l'autre d'une pièce un peu trop bondée, ou dans une cours mal éclairée à fumer leurs clopes pendant la pause. Pourtant ici, Harvey s'intéresse à lui, s'installe sur le canapé et se pose en regardant le ciel par les vitres de la serre. En ce moment je lis un livre sur l'origine de l'univers, le big bang, l'instant zero, le mur de plank, tout ça. Hm. Bouge pas.. Il fait chemin inverse tandis que le ciel au dessus se couvre inopinément de nuages gris anthracite. Il rentre chez lui en passant par la fenêtre, court vers son lit, s'empare du livre en question et revient alors que la pluie s'est mise à tomber drue. Il rit, Terrence, tout en glissant de nouveau sur les quelques metres de tuiles puis saute les deux pieds en avant avec ses dr martens mal attachées et enjoué, se dépêche de venir s'abriter sous la serre en laissant la porte ouverte pour profiter du bruit de l'eau sur le toit et des sons de la ville. Il secoue ses boucles en riant et pose son regard sur Harvey en lui tendant le livre. C'est celui-là. Il s'installe à côté de lui et lui prend sa cigarette pour tirer dessus avec lenteur, retire ses chaussures et replie ses genoux sous son menton. C'est super intéressant. Un peu technique mais accessible à tous, enfin j'trouve. Il lui remet le mégot entre les lèvres et se penche sur le côté du canapé par dessus l'accoudoir. Et... je lis ça aussi ! Il lui donne l'ouvrage, un gros livre rouge aux dorures incrustées et il lui dit fièrement, la voix douce comme on livrerait un secret. C'est la première edition du fantôme de l'opéra. L'histoire est séparée en deux livres mais je n'ai réussi à trouver que le premier. Je l'aime beaucoup. Et tu m'as demandé tout à l'heure pour mon livre préféré et c'est compliqué de te répondre parce que je les aime tous mais... Je dirais.. orgueil et préjugé? . Il esquisse un rire discret alors que la pluie continue de marteler la serre. Il se sent apaisé, Terry, parce qu'il aime la pluie peut être plus qu'il n'aime le soleil. Il aime le son des gouttes qui s'écrasent follement sur les surfaces qu'elles rencontrent, aime l'odeur et sentir sa fraicheur sur sa peau. S'il ne se retenait pas, il irait se noyer sous l'averse, il l'a souvent fait, mais aujourd'hui il y a quelque chose qui le retient ici. Quelqu'un. Il observe Harvey, longuement, étudie son profil, sa bouche, son nez droit, ses cheveux, puis il fini par se laisser aller dans le fond du canapé, le regard posé sur le ciel gris. J'aime les livres, les sentir, les toucher, les observer, savoir qu'ils ont déjà été aimé, qu'ils sont déjà passé par d'autres mains, par d'autres lieux, qu'ils ont déjà vécu d'autres vie avant de se retrouver ici. J'aime les livres et j'aime la pluie, j'aime lire ici quand il fait moche, avec un plaid et un thé. C'est mon endroit secret, et j'suis content de te l'avoir montré. Il rit et ferme les yeux avant de les ouvrir et de tourner la tête vers Harvey, les yeux un peu timide, tendrement alanguis, le coeur serré. Si je me retenais pas, Harvey, je t'embrasserais encore parce que j'en ai très envie tu sais. Et c'est sorti comme ça, et ça lui ressemble pas. Ou peut etre que si finalement, qu'avec Harvey il n'a pas peur d'être lui même, de laisser son coeur pulser au rythme de ses émotions sans jamais tenter de le écraser dans une cage, peut être qu'avec Harvey il a envie de plus que ce qu'il a jamais donné à personne et il ne sait même pas pourquoi, Terrence, parce que les raisons lui échappent totalement. Il se laisse porter, n'attend pas de réponse, finalement, se redresse et sans réfléchir passe une cuisse de l'autre côté des jambes de son ami pour le chevaucher, le bassin qui bascule vers l'avant, la tête baissée, le visage sous ses boucles et les yeux vissés au fond des siens. Il reste un instant là, à l'admirer, les bout des doigts qui parcourent sa mâchoire et ses cheveux, puis, la respiration lourde, il s'avance et lui embrasse le cou, les mains qui glissent finalement contre ses côtes et les fesses collées sur ses cuisses. Il ne contrôle plus rien, Terry, il se laisse porter par les vagues comme un bateau à la dérive, porter pas les tourbillons qui lui mordillent le corps dans tous les sens, par la chair de poule qui lui griffe la peau, par la chaleur qui lui torpille le bas-ventre. Il l'embrasse et lâche un soupir plaintif, les doigts qui s'agrippent à son t-shirt et les dents qui s'accrochent délicatement contre sa peau. Et il a presque envie de s'excuser, Terrence, mais s'excuser de quoi ? D'avoir envie de quelqu'un pour la première fois depuis longtemps? D'avoir réellement besoin de le savoir contre lui ? Pardon pourquoi? De ressentir? D'avoir des émotions? De vivre alors qu'il pensait mourir à petit feu? Alors il ne dit rien, ne dira pas pardon, tandis que doucement il murmure son prénom Harvey... Et c'est une invitation.
doit encore y avoir des fautes sorry, je relis tout bien demain mdr
Spoiler:
et mon petit @Léo Ivywreath qui a demandé à être tagué mdr
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:15, édité 2 fois
→ Lâcher prise, accepter de vivre l’instant tel qu’il vient, s’encourager à dépasser ses propres appréhensions pour goûter à ce petit bonheur qui pointe au loin et me fait de l’œil, c’est autant de choses qui me sont horriblement difficile à faire, moi qui suis englué dans mon quotidien affreusement noir et dans mon désespoir affligeant. Combien de fois me suis-je répété d’arrêter d’y croire et que ça n’amène rien de bon de s’attacher aux gens car ils finissent tous par partir, par s’éloigner, par trouver mieux ailleurs et par m’abandonner, par me laisser seul et le cœur crevé sur le bas-côté. Et pourtant, je persévère et répète inlassablement la même erreur. Je m’abandonne à l’instant fugace, à cette vision utopique du bonheur et de ce que pourrait être mon quotidien si je n’étais pas moi, enchevêtré dans ma misère et mes problèmes, si j’étais tout simplement libre. Et alors je deviens l’amant d’une nuit ou de plusieurs, celui qui fait attention à son partenaire en dépit de son aspect revêche, sentimentalement instable et qui ne s’attache pas, profondément détruit et peu recommandable, celui dont on se sert sans vergogne parce qu’il donne, oh il donne tant… Et ils prennent, un peu de tout, jusqu’à ce qu’il y ait un peu moins de moi et que je me retrouve à nouveau seul. Seul avec moi et mes pensées tristes. Seul avec moi et mes bouteilles de whisky. Seul avec moi, mon avenir détruit, mon passé cauchemardesque et mon présent gâché. Je m’abandonne, car je sais que je finirais le cœur un peu plus crevé, un peu plus saccagé, un peu plus éparpillé. Je m’abandonne car je trouve du réconfort dans la douleur et que je ne me sens vivre que lorsque j’ai mal. J’ai continuellement mal. Alors je mets du temps à lui répondre à Terrence, un petit temps. Je lui impose ce silence, brève torture, pour peser le pour et le contre, pour tenter de comprendre ce qu’il veut de moi et ce que je suis capable de lui offrir. Et pour la première fois, rien ne me semble clair. Il ne veut pas juste baiser Terrence, il veut s’infiltrer partout. Je le vois à son regard, je l’entends à sa voix qui fluctue autant en rythme qu’en tonalité et je le perçois à travers sa nervosité palpable tout autour de moi. Il veut s’infiltrer partout, car il a reconnu quelque chose en moi, quelque chose que nous partageons malgré nous, quelque chose que seuls deux êtres profondément détruits peuvent voir. Je ne veux pas le détruire davantage. Je suis incapable de construire quoi que ce soit. O, détruis-moi, détruis-moi un peu plus s’il te plaît. Déchire mon âme, viol mon cœur, explose ma tête. Et j’inspire une grande bouffée d’air, une bouffée d’air puissante qui calme mon corps presqu’en transe alors que mes réflexions se font intenses et lorsque je souffle, lorsque l’air s’expulse entre mes lèvres, je relâche mes muscles et mes épaules, je m’affaisse un peu et j’abdique. J’abdique car je suis incapable de résister, car j’ai toujours été lâche dans le fond et qu’il n’y a qu’ainsi que je fonctionne finalement. En m’abandonnant à la douleur et la fatalité, même lorsque je n’en ai pas envie. Parce que l’une et l’autre me sont familières. Et même si tout est flou, même si les intentions de Terrence sont tout sauf limpides et que la peur s’élève, je fonce tête baissée. Je reste. Pour passer la journée avec lui sans savoir ce que cela implique, pour ne pas dormir seul et ce peu importe ce qu’il se passe ou non. Je reste mais je suis incapable de réaliser que c’est surtout, surtout, parce que j’en ai terriblement envie. Je mets des conditions, pour ne pas donner l’air d’accepter trop facilement et pour conserver aussi une certaine contenance, garder un peu de distance. Je m’abandonne avec méfiance, car je ne le connais pas bien encore Terrence et j’ignore ce qu’il me veut et ce qu’il va me faire. Je ne crains pas qu’il me fasse du mal physiquement cela dit, et il n’en a aucunement l’intention. Ça je le vois et je le sens facilement. Ce que j’ignore c’est l’espoir qu’il place en ma personne, ce qu’il voit en moi et ce qui le pousse à agir de la sorte, à me retenir. Je ne suis pas un mec qu’on retient, mais plutôt l’un de ceux qu’on pousse dehors et qu’on invite à se rhabiller sur le palier en glissant un petit ‘c’était cool, à la prochaine !’ Alors, je suis tristement sur mes gardes, persuadé malgré tout qu’il ne veut que mon bien. Un peu pommé, un peu maladroit et gauche, je m’allume une clope, le questionne et m’avachit sur le canapé de la serre, au beau milieu des plantes et des livres, dans cette étrange combinaison bohème sur fond de klaxons stridents et de trafic urbain. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je me sens plutôt détendu malgré tout et ma garde s’abaisse dès lors que je l’observe et qu’il me parle. Il vit Terrence. Il vit tellement fort qu’il m’éblouit. Et sitôt que mes yeux cristallins se posent sur lui, je fais abstraction de tout ce qui se trouve autour. Un sourire se plaque sur mes lèvres et je le contemple, admiratif et un peu béat devant lui. Il vit, il vibre et il virevolte un peu partout dans la serre. Pressé, désireux de partager, de donner, il ressort et je le vois remonter par le toit, se glisser à nouveau dans son petit studio habilement pour en ressortir sous la pluie quelques minutes plus tard. Et je ris légèrement en le voyant faire, énergumène totalement déraisonnable, n’écoutant que ses pulsions et son envie de vivre profonde, radieuse, brûlante… Je me saisis du livre qu’il me tend, essuyant avec le bout de mon t-shirt les quelques gouttes qui traînent encore sur la couverture et, après avoir pris connaissance du titre, je l’ouvre et parcours rapidement les pages d’un air concentré et sérieux. Cela me rappelle mes lectures durant mes études et, un brin nostalgique, je lis quelques lignes qui m'absorbent et provoquent une légère absence chez moi. Absence durant laquelle Terrence me pique ma cigarette pour tirer dessus et je ne reviens à moi que lorsque ses doigts effleurent à nouveau mes lèvres, replaçant le mégot entre ses dernières. Et ce simple geste vient alimenter toute ma colonne vertébrale d’un terrible frisson tandis que mon bas-ventre se serre douloureusement d’envie. Je souffle la fumée, vaincu. Je suis en train de prendre conscience qu’il va me broyer le cœur d’ici peu et la satisfaction se mêle à une douce appréhension ainsi qu’à une certaine excitation. Nourris-moi de ta lumière, rends-moi aveugle sans toi. J’ai du mal à suivre tous ses mouvements, tant il est éclatant, Terrence. Il brille comme le soleil. Et j’écoute avec avidité, j’attrape le deuxième ouvrage qu’il me tend : le fantôme de l’Opéra, dont il n’a que le premier livre. Et tout de suite, comme un réflexe, je pense à demander à Jules le second. Car il n’y a personne d’autre qu’elle pour me rendre un tel service et que l’envie de rendre est innée chez moi. Et s’il aime tous les livres, comme il vient de me le confier, alors je sais d’avance comment le combler et cela me réconforte un peu. Au moins, je vais être capable de lui donner quelque chose, moi aussi. Je me penche vers un cendrier rempli de mégots et de cendres, posé par terre à côté du canapé et j’y écrase ma clope tandis que Terrence parle de son amour des livres et je me surprends à aimer sa voix. Comme une douce mélodie, elle me berce et j’arrive à sentir la passion dans ses mots et le plaisir qu’il éprouve à ouvrir un bon bouquin et à s'enfermer dans sa bulle. Lorsque je me rassois sur le canapé, que mon dos se colle de nouveau au dossier, je tourne mon visage vers lui et dévisage ses traits. Ses yeux rieurs et timides, son sourire plein d’envie et de promesse aux lèvres étirées, désirables. Je me sens bien sous son regard, comme s’il avait réussi à m’envelopper dans un nuage de coton et de douceur. La pluie battante frappe sur les taules vieillies de la serre et cela fait un boucan infernal, pourtant si lointain lorsqu’il se met à parler. Mes vêtements encore humides me collent de façon désagréable à la peau mais l’inconfort qu’ils provoquent ne me semble pas important face à la chaleur qui se dissipe dans mon corps en étant près de lui. Et lorsqu’il avoue se retenir de m’embrasser, c’est ma poitrine qui s’enflamme, mon cœur qui bondit et mes lèvres qui s’étirent malgré moi dans un sourire chaleureux. Mes prunelles se fixent sur ses lèvres ourlées et tentatrices, alors qu’une envie lancinante s’éveille et flamboie. C’est un véritable brasier qui crame à l’intérieur et pourtant, je ne réponds rien et ne bouge pas. Mon regard parle pour moi et je le dévore, je le déguste lentement, précautionneusement, comme s’il s’agissait d’un mirage qui allait disparaître de ma vue brusquement, comme s’il n’existait pas vraiment et que tout cela n’était qu’une fichue mascarade mise en place par le destin moqueur. Puis, il se redresse Terrence. Il se redresse et sa jambe passe par-dessus les miennes. Surpris, je n’ose pas faire un geste alors qu’il s’assoit sur mes cuisses et me regarde du fond de ses prunelles émeraude. Et mon cœur s’emballe, la terreur galope et fait tout dérailler, la pression est telle que je sens mon corps s’embraser brusquement et j’ai chaud, terriblement chaud lorsqu’il s’abaisse et que ses lèvres entrent en contact avec la peau fine de mon cou. Je frissonne alors que ses mains viennent chatouiller mes cotes et mes bras se lèvent, imprudents. Mes mains se posent sur ses cuisses, de part et d’autres des miennes et elles glissent lentement dessus, serrant délicatement sa peau à travers l’épais tissu du jean, encombrant et gênant. Son murmure me provoquerait presque une crise de tachycardie et ma respiration lourde me contraint à laisser échapper un gémissement frustré. Et qu’est-ce que je fous à ne pas réagir, moi ? Qu’est-ce qui m’arrive pour que je sois aussi vulnérable et passif sur le moment ? Ce lâcher prise ne me ressemble pas, mais je le savoure, car il est exquis. Ne pas décider, se laisser porter sans réfléchir… C’est bon, terriblement bon. Ses lèvres sur ma peau me rendent fou et l’envie devient pressante dans tout mon corps. – Putain … Terrence… Que je rétorque dans un souffle alors qu’il me met dans tous mes états. Mes yeux s’ouvrent subitement – car je les avais fermés pour mieux ressentir – et mes mains viennent se plaquer sur son visage, l’encadrant fermement. Je veux tout. Je me rends compte brusquement que je veux tout. Le goût de sa peau sur mes lèvres, la texture de ses lèvres partout sur moi, l’odeur de son corps fondue avec la mienne, la douceur de ses cheveux fous et bouclés, la virtuosité de sa voix qui rythme mes battements de vie. Je veux tout. Mon regard heurte le sien, et la douleur va à l’encontre de la sincérité, du brusque désir qui naît et lie. Et je ne retiens pas l’envie qui me tord le ventre, m’abandonnant au rythme de mes lèvres qui viennent se poser avec une délectable avidité et langueur sur les siennes. Mon souffle devient erratique et mes mains glissent dans ses cheveux. L’une y établit domicile tandis que l’autre se faufile derrière son dos et vient appuyer en son milieu pour le coller à moi. Et le désir enfle, étouffé trop longtemps, il se dévoile, puissant, bruyant. Il tient en haleine, émerveille de sensations multiples et chamboule tout sur son passage. Plus rien n’a de sens, plus rien n’existe et je ne suis plus vraiment moi, je me retrouve éparpillé tout autour, dans un tas d’éléments fissurés qui flottent, profond sentiment d’exaltation et de béatitude. La nécessité de reprendre mon souffle me contraint à relâcher ses lèvres et mon front se colle à sa joue, je cherche le contact physique dont je n’ai guère envie de me priver désormais et j’avoue, dans un souffle, j’avoue brutalement – Je ne suis pas quelqu’un de bien Terrence, je ne veux pas te faire de mal. Et mes mains tremblent sous la pression alors que s’abat une nouvelle fois le cruel destin sans lequel je n’existe pas et auquel je fais appel sitôt que je ne maîtrise plus rien. Et je me confonds en excuses stupides, à la manière d’un condamné à mort que l’on traîne à l’échafaud, criant mon innocence – J’en ai envie, je te jure. J’ai terriblement envie de toi et… J’vais tout ruiner d’accord ? Je vais tout niquer, car je ne sais pas faire autrement. Et j’veux pas. Tu ne mérites pas que je nique tout ok ? T’es… Putain, je panique comme un puceau là… Et j’ai honte, sérieusement. Parce qu’on dirait que j’ai sérieusement la trouille. Est-ce que j’ai la trouille ? Oui, j’ai peur. J’ai peur de tout ce qu’il peut me donner, de toutes ses sensations qui m’assaillent, m’engloutissent, m’embarquent sans que je ne les maîtrise, sans que je ne les ai vu venir. Je ne suis pas très vaillant en vérité, je ne suis qu’un tas de chair en lambeaux, un humain décomposé et en errance. Un lâche, qui fuit dès qu’il le peut, en quête de souffrance perpétuelle tout en la craignant. Je me conforte dans la peine qui est la mienne et me condamne à mes propres chaînes.
Il ne sait plus exactement à quel moment il a vu Harvey pour la première fois, Terrence, à quel moment ses yeux verts se sont posés sur son visage taciturne et austère, sur ses yeux torturés et sur ses poings serrés. Surement qu'en tant que vigile il parcourait la salle du Confidental de son pas lent pour vérifier que tout se passait bien, que personne ne faisait de vague, surement qu'il venait d'être embauché ou pas, il ne s'en souvient plus Terry et ce n'est pas grave finalement, lointain souvenir qu'il avait dû éroder avec les excès de drogues en tout genre. Mais s'il a oublié ce détail, il se souvient qu'il a immédiatement déchiffré la souffrance tressée au fond de lui, qu'il l'a vu glisser furtivement au fond de ses pupilles un soir où ils fumaient leur cigarette dans la cours du personnel. Il se souvient qu'après ce jour-là il n'avait eu de cesse de le chercher partout, partout, soir après soir. De vérifier qu'il était là, qu'il allait bien, de prendre volontairement ses pauses en même temps que lui pour pouvoir l'entendre respirer et souffler la fumée dans un râle lourd de sens, juste ça, sans un mot. Il se souvient l'avoir observé à la dérobée beaucoup trop de fois, le temps d'un coup d'oeil discret ou de manière plus appuyée, d'avoir vaguement écouté les commandes des clients tandis qu'il essayait d'entendre ce qui se passait près de la porte lors d'éclats de voix. Il se rappelle des déceptions les jours où il ne travaillait pas avec l'envie de le revoir placardée avec des clous et des agrafes au fond de son bide, l'impression qu'il manquait un truc à sa soirée, à sa journée, qu'elle était plus triste et moins intéressante. Parce qu'il n'y avait pas Harvey. Il en avait nourri, des pensées un peu folles, s'était souvent dit "aller, je vais lui parler" mais avait toujours eu peur de se faire rejeter, de se faire rembarrer, de ne pas trouver les mots et de ne pas être à la hauteur, de n'être que ce collègue qu'on ne remarque pas, alors il avait laissé tomber. Il se souvient aussi l'avoir trouvé immédiatement beau. Et ce n'était pas que physique. C'était tout sauf physique d'ailleurs, même s'il devait avouer qu'il lui plaisait quand même beaucoup à ce niveau-là avec son corps fin mais massif, musclé et protecteur. Il ne sait plus quand il l'a rencontré pour la première fois mais il sait au fond qu'il s'en fout parce que ce qui compte ce n'est pas ça. C'est ici, c'est maintenant, c'est Harvey qu'il découvre enfin avec les émotions en pagaille, c'est Harvey tout cassé et bourré d'incertitudes qui tente de mettre des barrières, de tout renforcer comme il peut pour éviter que les barrages ne pètent dans tous les sens mais il le voit, Terry, que ça ne fonctionne pas comme il faut, qu'il y a trop d'équations à inconnues, que le problème ne peut pas se résoudre dans un mouvement de tête évasif, avec des conditions ou dans des inflexions de voix qu'il tente de maitriser. Il aurait tellement envie de lui dire qu'il a le droit de se laisser aller, qu'il a beaucoup à lui offrir même s'il n'est sûr de rien, qu'il est libre, Harvey, qu'il n'a pas à se retenir parce qu'il n'a pas l'intention de lui faire du mal. C'est ce qu'il aimerait pouvoir formuler, Terry, mais il ne le fait pas, le regard un peu perdu et le coeur à l'envers. Il ne le fait pas parce qu'il n'en est pas certain finalement d'être quelqu'un de bien, d'avoir quoi que ce soit à lui offrir ou de prétendre à faire le bien quand il ne s'était appliqué qu'à faire de la merde tout au long de sa vie, malgré lui. Et puis après tout il est qui, Terry? Il n'est rien ni personne pour décider pour les gens, pour tenter de les guider vers un chemin qui ne lui serait peut être bénéfique qu'à lui. Alors il se tait, reste mutique et il l'observe tirer sur sa cigarette, soupirer, hésiter, se perdre un peu dans le ciel pour tenter d'y trouver peut être une réponse. Terrence, il le fait souvent, se perdre. Gamin paumé qui a tenté de construire sa vie sur des sables mouvants, ado colérique qui a poursuivit sa voie en essayant de ne pas crever trop vite, adulte brisé qui n'a pas su se relever correctement, il s'était perdu un peu toute sa vie, il pense. Et aujourd'hui, il a beau sourire, Terry, être avenant et sympathique, être solaire et lumineux, aider aider et aider encore, il ne se rend pas bien compte lui même de toutes les petites brisures et éclats de verre qui se sont incrustés dans sa peau jusqu'à atteindre les chairs, jusqu'à tout perforer, jusqu'à ce que le sang coule puis sèche, sans jamais rien refermer. Peut être qu'il sourit tout le temps parce qu'il refuse la souffrance, peut être qu'il refuse d'être ce genre de personne, peut être qu'il souhaite rester dans le déni à se défoncer le cerveau à coup de cocaïne, d'LSD, d'héroïne ou d'ecstasy. Peut être qu'il a envie de s'en sortir, Terry, qu'en se forçant un peu, qu'en tirant sur les joues pour dessiner des sourires sur son visage il finira par se convaincre lui même qu'il n'est pas en train de se casser royalement la gueule. Alors il continue à sourire, petit oiseau estropié incapable de réaliser que ses ailes sont coupées, et qui vole même si la chute est inévitable. Il observe Harvey hésiter et y a un truc qui se passe dans sa tête, la pensée absurde que peut être Harvey le subit, qu'il se traine Terry comme une chaine à la cheville parce qu'ils ont été trop loin et qu'il a peur de lui dire "on arrête là, je rentre chez moi". Pourtant il ne dit rien de tout ça Harvey et Terrence a envie de s'accrocher à l'espoir qu'il n'est pas un boulet, que son collègue reste parce qu'il en a envie. Il l'écoute lui répondre, puis ça s'enchaine, les livres, les mots, les regards, c'est doux, c'est un peu hors de tout. Y a la pluie qui cogne sur la taule mais ça cogne aussi dans son coeur à Terry quand il se laisse regarder aussi intensément que lui regarde son ami. Il y a un flottement de quelques secondes qui dure une éternité ou deux et il n'hésite plus, lui avoue qu'il aimerait avoir le courage de l'embrasser, lui dit qu'il se retient avant de finalement arrêter de faire semblant et de le chevaucher, félin mais hésitant, entreprenant mais intimidé. Pourtant, quand il se penche pour lui embrasser le cou, il décide de ranger ses inhibitions au fond de ses poches de jeans et quand il sent les mains d'Harvey se paumer sur ses cuisses il pousse un soupir discret contre sa peau, yeux fermés, parce qu'il comprend qu'il n'est pas seul à se faire bouffer par le désire, qu'ils sont deux mecs un peu perdus, un peu trop cassés mais qu'ensemble là, juste là peut être, ils avaient envie de se retrouver. Il lui embrasse le cou et c'est tout son corps qui s'embrase quand il l'entend gémir son prénom dans un souffle, l'épiderme traversée par des courants électriques, ça le chahute, ça l'émeut. Il ne répond pas, avide de sa peau, les boucles qui frôlent sa mâchoire, sa bouche qui en redemande et lorsqu'il est interrompu par les mains d'Harvey qui lui saisissent le visage il s'arrête de respirer, la bouche entrouverte, les yeux qui cherchent sur son visage des réponses, bouille de gosse qui tente de comprendre, d'envisager que peut être il est désirable, que peut être une fois, une seule fois, il pourrait le faire sans avoir un gouffre au fond du coeur, sans avoir des flèches plantées un peu partout. Et au moment où les lèvres chaudes d'Harvey viennent se graver sur les siennes le gouffre se ferme instantanément. C'est doux, c'est hésitant, c'est fougueux aussi, c'est nouveau, c'est bon. Ca tambourine contre son torse. Il lâche un soupire de surprise et pose ses mains fermement sur ses avants bras pour ne pas qu'il le lâche, pour que la valse de leurs langues ne s'arrête pas. Y a un tourbillon qui emporte son corps, à Terry, et d'un coup plus rien n'existe, seulement Harvey et sa bouche qui le redécouvre, assoiffé. Et il se dit qu'il le veut, tout entier, là, demain, lui et ses failles, lui et les blessures qu'il voit saigner goutte à goutte, lui et toutes les merdes qu'il semble trainer plein les valises. Et au coeur de ce baiser il a même l'arrogance de penser qu'il saurait tout réparer, parce qu'il a le coeur qui crame, Terrence, qui crame et qui prend feu. Quand Harvey l'attire contre lui il s'abandonne, se laisse aller tandis que ça flamboie et que ça explose dans chaque cellule de son corps. Il l'a trop désiré, il pense, il l'a trop attendu pour y aller à tâtons alors il avance son bassin encore plus proche du sien et encercle son buste de ses bras fins. Quand le baiser se termine il ne veut pas, Terrence, alors il le cherche en avançant son menton, murmure son prénom contre ses lèvres le souffle brûlant. Ils n'étaient pas préparés à ça, tous les deux, pas armés à se percuter comme deux météores au fond d'un cosmos un peu trop vaste pour eux, par préparés mais il n'y a plus de machine arrière possible, il le sait, Terry. Il le sent qu'Harvey cherche son contact et ça fait tellement de bien de se sentir désiré alors il tremble de la tête aux pieds, encore enveloppé dans l'émotion. C'est un peu dingue ce qui se passe en lui et il se demande même s'il a déjà ressenti ça un jour, Terry, parce que ça lui chatouille si fort le coeur qu'il pourrait éclater d'un rire cristallin à tout moment. Le bonheur en entrant n'avait pas pris le temps de toquer.
Et pourtant ça ne dure pas. Ca ne dure jamais, pas vrai? Il rouvre les yeux, écoute la voix d'Harvey prononcer des mots qu'il ne veut pas entendre, le fixe pourtant parce qu'il aimerait qu'il comprenne que Terry s'en fout de tout ça. Qu'il ne veut pas savoir, qu'il veut vivre l'instant, sans s'occuper des cailloux dans les chaussures. Mais Harvey continue de parler, tremble, s'excuse et le voir si vulnérable est bouleversant. Et il est magnifique, Harvey, dehors et dedans, magnifique comme il ne saura surement jamais se voir. Il rayonne à sa manière et Terry a le coeur qui chavire, comme s'il le regardait pour la première fois. Il sent ses sourcils plier sous le poids de l'émotion et des larmes perler en coin de paupière qu'il chasse rapidement d'un coup de poignet, le regard vert accroché à ses yeux azur. Il comprend bien ce qui se passe, Terrence, a bien capté les enjeux même s'il ne veut pas les voir, à bien saisi leurs écorchures et leurs fractures à l'âme. Il les voit, les bleus et les entailles, ils sont gravés un peu partout sur Harvey, sur les cicatrices qu'il a aperçu sur sa peau quand ils étaient nus dans l'eau gelée, sur celles moins visibles qu'il a vu alors qu'il tentait jours après jour de les cacher à tout le monde. Il comprend qu'ils sont aussi meurtris et froissés par la vie l'un que l'autre, mais il sent aussi qu'ils peuvent s'apporter beaucoup. Peut être qu'il se trompe, peut être qu'il fait encore le mauvais choix, peut être qu'il prend encore le mauvais chemin mais il veut tenter parce qu'il refuse qu'Harvey devienne un acte manqué, un regret dont il se souviendrait dans 20 ans en se disant "et si j'avais osé". Il l'observe et puis inspire en saccades, le visage qui se détourne, yeux humides. Il se mord la lèvre et pose ses mains sur le torse de son ami avant de déposer un baiser rapide mais doux sur ses lèvres. Il n'a pas conscience de ce qu'il lui fait, Harvey, d'à quel point il le rend fou, à quel point il est son tout, là, tout de suite et qu'il l'était peut être depuis six mois, en vérité. Il l'embrasse et il inspire son souffle, yeux fermés, pose son front contre le sien avec une main qui vient se glisser dans sa nuque et il répond, la voix tremblante. Moi non plus je suis pas quelqu'un de bien tu sais. Il s'éloigne doucement, le regarde, tente un sourire mais il est bien trop triste pour y parvenir, se retire de ses jambes et se lève pour lui faire face, l'estomac à l'envers et les sentiments grand ouverts. Je suis déjà en ruines Harvey, tu risques pas de ruiner quoi que ce soit. Il est nerveux, se laisse guider par les sensations qui fusent sous ses côtes, papillons au fond des tripes et pour une fois, pour la première fois, il s'autorise à ne pas avoir peur, sans barrage, sans barrière, sans protection, sans bouclier. Il retire son t-shirt en faisant valser ses boucles, puis le laisse tomber au sol sans lâcher Harvey des yeux. Je suis cassé, Harvey. Et toi aussi t'es cassé. Il sent son coeur battre trop fort contre ses tempes et que ça lui donne le tournis mais il continue, Terry, hésitant, pudique, intimidé. Mais tout ce qui est cassé... il desserre la boucle de sa ceinture les mains tremblantes, ouvre le bouton et la fermeture de son jean ... peut être recollé. Il descend son pantalon maladroitement, le retire de ses pieds et fait de même avec son sous-vêtement. Et j'ai envie d'essayer. On pourrait peut être essayer. Il baisse la tête, n'ose pas le regarder, les bras le long du corps alors qu'il a envie de se cacher le sexe mais il ne le fait pas. Parce qu'il veut lui montrer, lui montrer à quel point il a confiance en lui. Et même s'il se trompe, même si ça le détruit entièrement et qu'il prend le risque fou de se faire anéantir, il reste là, la respiration lourde, les larmes aux yeux, les poings serrés. Je suis... il redresse la tête et ose enfin affronter son regard .. nu. Devant toi. Parce que je veux que tu me vois. Il ne retient plus les larmes et elles coulent en silence, sans sanglot, sans spasme. Regarde-moi, Harvey. Il déglutit, inspire et expire longuement. Je suis Terrence, et j'aime pas qu'on m'appelle Terry. J'aime pas qu'on me regarde comme si j'étais un bout de viande. J'aime pas qu'on me baise sous prétexte que je ne dis rien. J'aime pas quand on me touche alors que je veux pas. J'aime pas avoir mal. J'aime pas qu'on me croit vulnérable alors que je suis juste fatigué. J'aime pas mon corps, ni mes cheveux, ni mon nez. J'aime pas mes sourcils, ils sont trop épais. J'aime pas le chocolat et j'aime pas quand les clients me sifflent. Il reprend son souffle tandis qu'au dehors la pluie a redoublé d'intensité et que l'orage gronde. Mais il n'entend rien, Terrence, sourd au reste du monde parce qu'il n'y a que lui et Harvey ici. Ca fait six mois que j'te vois, que je te cherche, que j'essaye de t'approcher en ayant trop peur de faire n'importe quoi, de te faire fuir. De te faire peur. Ca fait six mois que je te regarde en silence en imaginant ce que ça peut faire d'être dans tes bras. Je suis con, je sais, et tu vas surement me dire que t'en vaut pas le coup mais s'il te plait ne dit rien. Je suis à poils devant toi, Harvey, parce que je veux que tu me regardes comme moi je te regarde. Que tu vois qui je suis sans aucun artifice. Sans rien pour me protéger. Et je veux que tu comprennes que j'en ai rien à foutre d'avoir mal et que de toute façon, ça, c'est à moi de décider. Le souffle court, il chasse les dernières larmes qui s'étaient attardées sur ses pommettes avant de renifler. J'ai envie de toi. et c'est lâché dans un murmure. Il ne lui dit pas que c'est féroce, que que ça le dévore de l'intérieur et que ça gronde en dedans aussi fort qu'au dessus des nuages au dehors. Il ne dit pas qu'il ne tient plus, qu'il veut se coller à lui et qu'il lui apprenne à faire ça sans pleurer. Fais-moi l'amour. Il inspire, le coeur qui bat à tout rompre et il pense qu'il en a envie plus que tout. S'il te plait, montre-moi qui tu es, Harvey.
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:17, édité 1 fois
→→ Encore une fois, je viens de tout briser, de gâcher l’opportunité de passer un bon moment, de prendre du plaisir futilement, simplement, sans que cela ne veuille rien dire. Pourtant, ça veut toujours dire quelque chose, non ? L’envie, la sueur, le sexe… ça fait du bien mais ça fait mal aussi. Ça libère mais ça empoisonne. C’est un partage éphémère, qui ne dure pas, et je finis toujours seul bien malgré moi. Ça semble simple, mais ça ne l’est pas réellement. Rien ne l’est, dans le fond. Et surtout pas avec Terrence, car il perçoit des choses que d’autres ne remarquent pas et, au fond de ses prunelles d’opaline, je lis le reflet de ma peine, ma souffrance qui se noie dans l’océan verdâtre de ses yeux. Je vais tout foutre en l’air, que ce soit maintenant, dans six mois ou dans dix ans, je finirais par tout foutre en l’air. J’ai aussi peu foi en moi, persuadé que je ne sais causer que du tort parce que je prends constamment les mauvaises décisions alors que j’aimerai savoir prendre les bonnes. Autant éviter de se faire plus de mal, non ? N’est-ce pas plus judicieux au final, de le repousser, de me confondre en excuses car j’agis comme un lâche, car je suis incapable de réellement éteindre le feu que j’ai en partie allumé ? Et mon cœur saigne, un liquide poisseux et épais s’écoule lentement, du sang noir et gluant qui goutte inlassablement et forme une mare de désespoir autour de moi. Empêtré dans mes propres inhibitions, stagnant à la frontière entre mes envies et mes peurs, tiraillé entre le désir qui embrase mon corps et la peur qui me serre la gorge me faisant suffoquer ; je me replie sur moi-même et m’inflige mon propre supplice, persuadé que la plus douce des tortures reste encore celle que je m’impose tout seul. Et si j’avais tort ? Si j’avais tort de résister ainsi à mes pulsions, si j’avais tort de constamment réfléchir et de m’imposer cette ignominie ? Ne serait-ce pas plus simple de s’abandonner, de se foutre de tout et de sombrer ? Mes bras autour de son corps, je cherche le contact que je repousse pourtant dans mes paroles, et me voilà, pantin désarticulé dont les membres ne savent plus vraiment comment réagir face aux contradictions de l’esprit et de mes pensées qui volettent, impuissantes et antinomiques. Enlisé dans la désolation, je sens le regard triste de Terrence sur moi et mes mains redescendent sur ses cotes, se posent sur sa taille tandis que mon corps se relâche, abattu par mes pensées absurdes, par la peur qui verrouille mes émotions et m’empêche d’avancer. Ses mains se posent sur mon torse et j’ai envie de hurler pour le retenir, car je n’ai pas envie qu’il s’éloigne. Pourtant, je l’ai repoussé… Et encore une fois, je suis contraint de me flageller violemment à cause de mes propres incohérences. Mes yeux se voilent, puis se ferment tandis que ses lèvres douces se posent à nouveau sur les miennes. Elles m’insufflent un peu de vie, un peu d’air, un peu de lui et mon cœur bat plus fort d’un coup. C’est une tempête, je suis pris dans l’étau de vagues immenses, enseveli sous un tsunami d’émotions qui bataillent et m’entraînent vers le fond. Comme désagrégé, je ne suis plus rien et ces morceaux de moi ont du mal à se recoller pour former un tout uni, un tout joli, un tout un peu plus précieux que ce que je veux bien admettre. Serais-je jamais réellement précieux pour qui que ce soit ? Je ne crois pas, non. Mais je le désire, ardemment. Et il s’éloigne, Terrence. Il s’éloigne parce que je l’ai obligé à le faire. Et il me renvoie mes propres inhibitions en pleine tronche, m’avoue que lui non plus n’est pas quelqu’un de bien. Et je ne sais pas s’il a raison ou s’il a tort, s’il se juge objectivement ou non et puis, je m’en fous aussi. Je m’en fous car, pour moi, il n’est pas mauvais. Et je le sais à sa façon de me regarder, à sa façon de faire attention à moi et de me guetter. Il s’est révélé ce soir, Terrence. Il s’est révélé à moi. Intense et puissant, lui qui a pourtant toujours un air effacé, triste et lointain alors qu’il déambule au milieu des tables plateau à la main, le pas rapide, la démarche gracieuse, habile et efficace. Il est solaire, Terrence et lorsqu’il entre dans la pièce, il l’éblouit à sa manière. Tout le monde le remarque lorsqu’il marche, qu’il parle, qu’il bouge et que sa chevelure danse tout autour de son visage mutin, son regard plein de malice, ses lèvres qui s’étirent constamment en un faux sourire joyeux et entraînant. Mais personne ne voit ses regards en biais, son besoin de toujours jeter un œil vers moi comme pour se donner un peu de courage, pour s’assurer que je veille et que j’interviendrai si la tâche devient trop pénible. Et une fois sécurisé, il s’élance, Terrence, il s’élance dans la salle et il brave les regards lubriques, les paroles et les gestes déplacés, restant poli, conservant sa fierté en adoptant un air digne, un peu désabusé. Si son cœur se serre, s’il a mal au ventre, il n’en montre rien et assure son service jusqu’au bout, la tête haute et le regard fixe. Et lorsqu’il vient fumer sa clope dans l’impasse, je sens son regard hésitant qui traîne un peu trop longtemps dans ma direction. Alors je le fuis, je l’évite car je ne suis pas un type rassurant et je ne peux pas lui faire de promesse, même silencieuse. Je ne peux pas, car je ne suis pas toujours là et j’évite de penser à ce qui aurait pu arriver ce soir, si je n’étais pas intervenu au bon moment, à ce qu’il aurait subi, ce qu’il aurait ressenti. Je ne peux pas faire de promesses, car je ne veux pas décevoir.
Il s’éloigne Terrence, et il se lève devant moi. J’ai froid subitement, sans son corps pressé contre le mien, sans sa chaleur qui m’irradie et me fait du bien. J’ai froid et je frissonne en l’observant qui se dresse, debout devant moi. Son regard affronte le mien, déterminé et franc et je le soutiens, accablé par la fatalité, par le rejet qui m’entraîne vers ma propre perte. – Je suis déjà en ruines Harvey, tu risques pas de ruiner quoi que ce soit. Et ces mots me font trembler, ils s’insinuent en moi, font échos à ma propre douleur, aux morceaux de moi éparpillés, à mes lambeaux de chairs flétris, à mon cœur écarlate tout explosé, tout bousillé. Mon regard s’embue légèrement alors qu’il enlève son t-shirt et je suis scotché par le spectacle qui s’impose à moi. Ma respiration part en vrille, mes poumons s’asphyxient et je déglutis, la bouche sèche, haletant presque devant la vision qu’il m’offre ainsi. Son torse imberbe aux pectoraux bien marqués, aux abdominaux dessinés et aux muscles saillants, secs et fins, un diamant brut taillé dans la roche, imparfait mais étincelant, brillant, éblouissant. Et je le vois se déshabiller, desserrer cette boucle qui ceinture son jean et qui ne le maintiens plus désormais. Je le vois s’abaisser, me dévoiler son dos aux multiples cicatrices que j’avais à peine vu lorsque nous étions dans l’eau, nus tous les deux, gelés mais heureux de sentir la vie s’immiscer dans chaque atome de nos deux êtres. Écorché vif, tourmenté par la vie, il est pourtant si beau, si pur… Il me dit que nous sommes cassés, mais qu’il pense qu’on peut recoller les morceaux de nous. Dans quel sens ? Comment ? Je ne sais pas, et lui non plus. Mais je le crois lorsqu’il me souffle : – Et j’ai envie d’essayer. On pourrait peut-être essayer. Et il s’offre, totalement nu devant moi. Il s’offre nu, vulnérable, la pudeur qui lui colle à sa peau désirable et mon regard coule sur son corps frêle, sur son corps parcouru de frissons, sur son corps qui tremble de peur mais qui ose, farouche malgré tout et qui résiste à la tempête des émotions qui l’habite. Il se tient debout, nu et sa beauté me frappe à cet instant, tout comme sa force. Elle émane de lui à la manière d’un boulet de canon et percute ma poitrine violemment, me faisant réaliser que de nous deux, c’est bien moi le con. Je suis bien con de ne pas oser, de ne pas m’assumer, de ne pas me tenir debout moi-aussi mais avachi devant lui. Il me donne tant, il me donne tout ce qu’il a, tout ce qu’il est et je suis là, figé et ahuri, ébahi et admiratif, subjugué par la puissance qui jaillit de ses mots par la suite. Et je te vois, Terrence, je te vois si clairement. Tu es là, face à moi, limpide et je te déchiffre si facilement. Parce que tu le veux, parce que tu t’offres et tu es tellement beau. C’est tellement trop tout ça, si tu savais. Si tu savais ce que ça me fait bordel. Ta beauté me frappe, tu m’émeus et je crois que tu t’immisces, oui j’en suis même sûr, tu t’immisces en moi. Tu pénètres par tous les pores de ma peau et tu t’invites, tu t’infiltres, tu t’accroches et ça me fait du bien. Mes larmes roulent sur mes joues, viennent mouiller les poils de ma barbe et couler le long de mon cou alors que je l’observe, lui dans toute sa splendeur, lui, si unique, si pur, si doux. Et je comprends qu’il souffre, Terrence. Je comprends qu’il souffre tellement et qu’il se déteste au point de ne pas respecter son corps, de multiplier les relations sans lendemains, de se faire du mal et de s’infliger une torture douloureuse, lente et progressive. Je comprends qu’il a mal, terriblement mal, horriblement mal et qu’il suffoque. Il suffoque lui aussi, oui. Et cette putain de bouffée d’air, il veut la saisir, il veut l’inhaler et la faire durer le plus longtemps possible et ça me bouleverse, ça me renverse, ça me pétrifie aussi. Je pleure car tout ce qu’il dit résonne en moi. Et brusquement, la flamme vacillante reprend du volume et défie le vent qui souffle au loin et menace de l’éteindre. Mon sang bouillonne et mes veines se gorgent de ce liquide épais et chaud. Mon cœur bat, désordonné, erratique, mais il bat fort. Et je me surprends à penser que j’en ai envie… J’ai envie de toujours l’appeler Terrence et jamais Terry. J’ai envie de le regarder comme la merveille qu’il est. J’ai envie de lui faire l’amour avec son consentement et lorsqu’il le désire. J’ai envie de le toucher s’il m’y autorise. J’ai envie de le porter lorsqu’il est fatigué tout en ayant conscience de sa force incroyable. J’ai envie de lui faire du bien. J’ai envie de lui faire aimer son corps, ses cheveux, son nez et ses sourcils. J’ai envie de ne jamais lui offrir de chocolat et de casser la gueule de tous ceux qui seront méprisants à son égard. L’envie gronde en moi et dévaste tout, renforce la conviction que oui : j’ai envie d’être parfait pour lui là où tant d’autres ont été mauvais. Et je ne sais pas pourquoi il me fait cet effet, mais je sens que c’est plus fort que moi et je ne vais pas lutter contre ça, non. Mes yeux brillent, animés d’une lueur nouvelle, incandescente et brûlante et mon corps se redresse lentement sur le canapé. Six mois qu’il me voit. Six mois qu’il me cherche et qu’il n’ose pas. Six mois qu’il s’imagine être dans mes bras. Et j’ai envie d’éclater de joie en l’entendant me confier cela, car ça me fait tellement de bien. Car j’ai bien vu tous ses regards en coin, car je sais qu’il me cherchait sans vraiment vouloir comprendre pourquoi. Et ça me met du baume au cœur, de me rendre compte que je ne suis peut-être pas si invisible que ça. Que le fantôme laisse des traces dans son sillage, et qu’une autre âme perdue m’a reconnu parmi la foule. Et tout s’éclaire brusquement, car moi-aussi je n’en ai rien à foutre d’avoir mal, et j’ai déjà mal en vérité. A quoi bon se restreindre quand tout est déjà tout tracé, tout décidé ? A quoi bon lutter ? C’est un saut dans le vide, à corps perdu, un saut empreint de liberté. Que je vole ou que je m’écrase n’a aucune importance, le tout c’est que je saute. Et j’en ai envie. – J’ai envie de toi. Fais-moi l’amour. S’il te plait, montre-moi qui tu es, Harvey.
L’importance capitale de ces mots, de cette demande pleine de désir, de détermination et d’envie, me souffle. Comme une brise légère et persistante, elle pénètre sous mes vêtements et provoque de longs frissons dans tout mon corps cotonneux. Je m’ébranle alors, toujours aussi silencieux. Puis, je me penche en avant et défait les lacets de mes chaussures, consciencieusement tout en écoutant l’orage gronder au-dehors. Je les retire ensuite, ainsi que mes chaussettes et mon regard heurte le sien à nouveau. Je me lève, mon corps se déplie lentement, le domine légèrement et je me saisis de l’ourlet de mon t-shirt que je fais passer par-dessus ma tête, rompant le contact visuel quelques secondes. Le tissu vient s’échouer sur le sol, et mes battements de cœur font vibrer mon torse nu intensément, leurs sons se trouvant cependant masqués par la pluie battante qui s’écrase avec une brutalité féroce sur la taule, martelant le moment d’une gravité saisissable et palpable dans l’atmosphère. Mes mains viennent retirer la boucle de ma ceinture qui glisse au sol et libère mon jean. Je me débats avec le tissu qui colle à mes jambes, encore légèrement humide après cette courte baignade dans l’océan et réussit à l’enlever. Mon caleçon le rejoint rapidement au sol. Et je me trouve à mon tour, nu, vulnérable face à lui. Mes bras le long de mon corps, j’entrouvre les lèvres et lui réponds enfin – Je te vois comme toi tu me vois, nu, sans artifice et sans protection. Tu peux regarder, je n’ai rien à cacher. Mes meurtrissures sont vives, elles transparaissent sur ma peau, elles heurtent les consciences, brisent les cœurs. Elles sont là, elles vivent avec moi et pour la première fois, je n’en ai pas vraiment honte. Et j’inspire l’air, férocement avant de m’avancer et de faire un pas sur le côté, pour le contourner. – Ne bouge pas. Je lui demande, dans un murmure alors que ma main se pose sur son flanc droit. Sa peau est douce, soyeuse malgré qu’il tremble énormément. Et mes doigts glissent dessus, dans un effleurement à peine perceptible qui provoque des frissons sur sa peau nue. Je le contourne, m'arrête derrière lui, face à son dos meurtri et recouvert de cicatrices plus ou moins profondes. Mes yeux se posent sur sa chute de reins, renversante, ô combien désirable. N’y tenant plus, mes lèvres se posent sur son épaule et viennent mordiller sa peau tendrement. Je murmure à son oreille – Tu es beau, Terrence. Terriblement beau. Mes mains glissent sur ses flancs et mon torse vient épouser son dos musclé. Un sourire s’étire sur mes lèvres, alors que je poursuis en laissant traîner mes mains sur son ventre. – Tellement désirable, aussi… Si fort, et puissant. Tu me bouleverses, tu sais ? J’inspire, et lentement le fait tourner vers moi. Mon regard plonge dans le sien, sans bouée de sauvetage, je me jette dans la mer de ses yeux sans peur cette fois. Une main glisse dans ses boucles soyeuses et douces et nos souffles se mélangent. Je respire son odeur avec force en lui disant – Jamais personne ne s’était mis à nu devant moi… Jamais personne ne s’était montré aussi fort… Jamais personne n’a eu le courage de me demander de le regarder ainsi… Tu es le seul… T’es unique, Terrence. Mes lèvres viennent récupérer les siennes avec langueur, mais je m’arrête rapidement pour ajouter soudain – Et je te vois. Je t’assure que je te vois. Tel que tu es. Beau et lumineux. Je te vois et j’ai envie de toi, j’ai envie qu’on fasse l’amour, ensembles. Parce que c’est ça l’amour, n’est-ce pas ? Ce n’est pas prendre ou donner, mais partager. C’est se lier, se donner autant qu’on reçoit et vibrer communément en fusionnant. Mes lèvres s’apposent sur les siennes et nos langues se remettent à danser ensembles, un doux ballet, simple et beau, majestueux et délicat. Mon corps nu se presse contre le sien sans barrière, sans aucune restriction et nos peaux s’apprivoisent et se cherchent. Douceur délectable, désir fou, je ne résiste plus et je l’entraine sur le canapé où il s’allonge lentement. Et je viens le surplomber, sans l’écraser, avec douceur et fragilité, nos corps en liesse, nos esprits sereins et la promesse sous-jacente, non dite mais pourtant bien présente, d’un lendemain.
Il ne se connaissait pas si fort, Terrence, pas si impétueux. Il ne se savait pas si débordant d'audace et de cran, à se livrer, là, nu et imparfait, chancelant et vulnérable alors qu'il crève de trouille et qu'il n'a qu'une envie, cacher ce corps qu'il trouve si hideux pour ne pas l'imposer et le soumettre si crument au regard d'Harvey. Il se trouve laid, Terrence, trop maigre, trop chétif et osseux, trop imberbe, trop doux peut être, trop abimé aussi. Il se déteste parce qu'enfant on lui a trop répété qu'il n'était rien, qu'il ne ressemblait pas à la jolie famille australienne dans laquelle il avait atterrit, lui le bâtard irlandais aux cheveux sombres, à la peau bronzée et aux yeux verts. Il le lui avait répété assez, son père adoptif, qu'il ne ressemblait pas aux Oliver, blonds de générations en génération, les yeux tantôt bleus tantôt marrons, mais jamais verts. Il ne ressemblait à personne, on le lui avait bien fait comprendre des années durant et il en avait passé des heures à se griffer la peau des joues rageusement en se demandant à qui il pouvait bien ressembler, en pleurant les dents serrées, ou à tirer sur ses boucles pour arrêter d'être si différent. Il s'était très vite détesté, Terry, trop tout ou pas assez, il n'y avait rien qui allait chez lui. Rien. Alors il avait développé un complexe d'infériorité si intense que toutes ses premières années de collège il les avait passé la tête au fond des chiottes, la main du caïd de sa classe contre sa nuque pour l'empêcher de respirer, à se faire cracher dessus dans les couloirs, tirer sa chaise juste au moment où il voulait s'assoir, il s'était fait poussé, insulté, démolir. Il avait passé quatre années de torture et arrivé au lycée, il avait décidé de ne plus subir, ne plus être celui qui se laisse faire et s'était rebellé. Tout le monde avait fini par avoir peur de lui, de ses frasques imprévisibles et si tout le monde le trouvait trop cool, personne ne faisait l'effort de regarder derrière le masque, personne ne prenait la peine de pousser le rideau pour voir derrière, d'écouter les cris étouffés au fond de son lit la tête dans l'oreiller, de voir les coups de ciseaux sur la chair des avant-bras, personne ne les entendait, ses appels au secours muets mais pourtant si visibles au fond de ses yeux, gravés sur ses sourcils, dans ses sourires, dans ses actes, dans l'auto-destruction violente qu'il avait mis en place en secret pour disparaitre et ne plus jamais exister nul part. Pourtant il n'était pas mort, pas tout à fait en tout cas. Il est encore là, Terry, avec le coeur qui continue de battre même s'il souffre tout le temps, même s'il se détruit à petit feu de lui même. Il est encore là et le temps a passé, il ne se tient plus vouté mais bien debout, et tout de suite il est nu, totalement offert dans une vérité éclatante. Il regarde Harvey, le sonde parce qu'il veut savoir ce qu'il pense, ce qu'il ressent, s'il le trouve laid, s'il va lui demander de se rhabiller ou se barrer, effrayé. Il serre les poings, Terrence, il les serre si fort que ses jointures blanchissent et il vibre au rythme des gouttes de pluie qui martèlent le toit de la serre en attendant de comprendre ce qui peut bien se passer derrière les paupières de son ami. S'il se trouve moche Terry, c'est sans doute parce qu'on ne lui a jamais donné l'occasion de se trouver vraiment beau, même avec Léo qui pourtant était d'une tendresse infinie, même contre le corps de Freya alors qu'il n'était pas encore aussi disloqué qu'aujourd'hui et il se dit que peut être Harvey aussi le trouvera affreux. Il devine le regard d'Harvey qui lui lèche la peau et qui le détaille, se demande ce qu'il peut bien penser de lui mais s'il désire faire chemin arrière, Terrence, il ne le fait pas, il ose et il affronte. Il ne veut pas laisser filer l'occasion de tout lui dire après six mois d'un silence trop pesant, après six mois à maintenir coûte que coûte ces sentiments un peu étranges et déconcertants au fond d'une cage pour ne pas que çaa l'envahisse trop, et si Harvey avait mis des barrières tout à l'heure, Terrence aussi l'avait fait. Six mois durant. Il s'était interdit de trop ressentir, de le trouver trop beau, de le trouver trop mystérieux et attirant. Il avait fait taire son ventre quand il se retournait trop en sa présence, avait calmé son coeur les fois où il pensait à lui, à s'imaginer dans ses bras forts et puissants, à se demander ce que ça faisait de l'embrasser et d'être embrassé par lui, à tenter de deviner l'odeur de sa peau et la texture de ses cheveux, à se demander s'il aimait les filles ou les garçons et s'il avait une infime chance qu'il le remarque un jour. Il avait calmé cette attirance folle à laquelle il ne comprenait rien et avait resserré l'armure contre lui pour ne pas flancher. Mais c'était peine perdue et pendant six mois il n'avait eu de cesse de se battre contre lui-même alors que tout ce qu'il aurait eu à faire était peut être d'aller simplement lui parler. Pourtant il ne regrette pas ces longues semaines à attendre, parce qu'elles ont nourri quelque chose de bien plus profond, d'intense, de vrai et de solide et en se mettant nu face à son collègue c'est tout ça qu'il lui montre. Il veut qu'ils se réparent. Il veut essayer, et il veut qu'Harvey essaye aussi, parce qu'il est toujours gonflé d'espoir, Terry, même quand plus personne n'y croit. Ils sait qu'ils le peuvent, qu'en unissant leurs forces ils pourraient y arriver. Et tant pis si ça ne marchait pas, au moins ils auront essayé.
Ce qu'il ressent à cet instant, il serait bien incapable de le définir en mettant des mots dessus parce que ça se ressent plus que ça ne se décrit. Son coeur dans les talons et les épaules secouées de spasmes nerveux, il tient bon, le bide en vrac et l'esprit encré dans le présent. Il dévoile tout, il ouvre la porte de cette cage qu'il avait gardé au chaud pendant trop longtemps et tout se déverse dans un magma incandescent. Il le veut. Il le veut et il veut s'offrir à lui, il veut le découvrir et se perdre en lui autant qu'il a besoin qu'Harvey se perde en lui aussi, il a envie et c'est terrible parce que le désire le consume et il ne sait pas combien de temps il saura tenir. Les joues roses, le souffle court, il l'observe ne pas réagir et c'est à cet instant précis qu'il les remarque alors, les larmes qui dévalent ses joues. Il pleure, Harvey. Il pleure et ça lui arrache un sanglot, à Terry, il replie instinctivement ses bras contre son torse et il a envie de s'excuser, de se rhabiller et de fuir loin là où ni lui, ni son corps affreux, ni ses idées idiotes ne pourraient faire de mal à Harvey. Mais il est tétanisé et il pleure en miroir, renifle, a envie de glisser un "pardon" mais celui-ci se coince au fond de sa gorge. Et c'est quand il pensait que tout était à foutre à la poubelle qu'il voit Harvey retirer ses chaussures, ses chaussettes et se redresser. Il ouvre grands les yeux, Terry, le suit du regard, figé, dévore chaque geste en essayant d'en décrypter le sens même s'il est intimement persuadé d'avoir déjà compris, les larmes encore collées le long de ses joues. Quand il le voit enlever son t-shirt il frissonne, confirmation ultime qu'il avait bien compris et un gouffre s'ouvre sous ses pieds. Il vascille, la lèvre qui tremble, la tête qui tourne trop vite comme pris dans un manège de fête foraine et les yeux qui se perdent sur ce torse qu'il découvre alors qu'il l'avait déjà rapidement aperçu. Il l'observe et il le trouve merveilleux, viril et puissant, les épaules large et les bras musclés. Quand Harvey retire le reste de ses vêtements il se mord la lèvre, Terrence, parce qu'ils sont à égalité et que ça le transperce dans tous les sens, ça lui casse les os, lui bouffe les tripes, le met à l'envers sans jamais le remettre dans le bon sens. Il pourrait perdre l'équilibre, les jambes en coton, il pourrait se laisser tomber à genoux et lâcher toutes ces larmes qu'il a trop longtemps gardé, les abandons, les douleurs, le sel sur les plaies, l'humiliation, les coups de ceinture dans le dos, les bastons, Freya, Charlie et Romy, l'overdose, les corps dégueulasses entre ses jambes dans sa bouche ou contre son dos, il pourrait vomir tout ça et hurler jusqu'à rendre le monde sourd, à s'en faire défoncer les cordes vocales parce que les émotions qui lui courent le long des veines ont ouvert toutes les vannes, toutes les portes. Mais il ne bouge pas et couve Harvey du regard, le trouve parfait. Il l'écoute parler et dans une inspiration pleine d'émotion il comprend. Il comprend qu'il le veut lui aussi. Qu'il ne le déteste pas et il s'autorise alors à le regarder, à le détailler amoureusement, à caresser des yeux le petit duvet le long de son nombril, ses pectoraux, ses hanches, ses jambes, et surtout, surtout... son visage. Et il ne l'a jamais vu aussi lumineux, aussi fragile et percutant, aussi douloureusement émouvant. Il a envie de s'approcher mais c'est Harvey qui fait le premier pas, il vient à lui et lui intime de ne pas bouger alors il ne fait pas un geste, le souffle qui accélère, les épaules et le torse qui se soulèvent rapidement au rythme de sa respiration. Harvey le contourne et il ferme doucement les yeux, Terry, ça s'agite sous le thorax, son coeur pulse comme une balle attachée sur une raquette qu'on lance et qu'on relance. C'est frénétique. Ca chahute. Ca fait mal. Il n'a jamais tremblé aussi fort, il pense, jamais vibré avec autant de violence et de passion. Et quand la main d'Harvey le touche là où elle ne l'avait encore jamais touché, il expire profondément parce que c'est doux et intense, fort et puissant. Et puis il réalise qu'il y a des cicatrices dans son dos, ces traits un peu roses, un peu en relief et il se doute qu'il les voit de là où il se trouve, Harvey, mais il refuse de laisser ces souvenirs douloureux gâcher l'instant alors il ne se confond pas en explications, ne lui dit pas d'où ça vient, il ne dit rien parce qu'il pourra peut être lui expliquer plus tard mais que là ce n'est pas le moment. A l'instant où il sent son torse se coller contre son dos et ses mains glisser sur son ventre il laisse sa tête partir lascivement vers l'arrière et s'abandonne un peu, avide de lui, de tout ce qu'il a envie de lui offrir et de tout ce qu'il aimerait recevoir. Il l'écoute lui parler et sa voix grave et hésitante le rend fou, il lui dit à l'oreille qu'il est beau et pour la première fois de sa vie il a envie d'y croire, Terry, peut être même qu'il y croit, perdu entre hier et demain, les émotions en pagaille et il ne se souvient pas avoir déjà ressenti ça, avoir eu autant confiance. Il aimerait avoir l'énergie de lui rendre le compliment, de lui dire à quel point il le trouve beau lui aussi, et lui décrire en détail toutes les choses qu'ils provoque en lui mais encore une fois il se laisse faire, profite simplement du moment, absorbe avec vigueur chaque mot et chaque syllabe pour les faire siennes. Il est beau. Il a dit qu'il le trouvait beau. Et c'est le plus merveilleux des cadeaux qu'il lui fait pour qu'il s'accorde le droit de s'abandonner encore un peu plus contre lui. La bouche d'Harvey et son souffle chaud contre son épaule lui arrache un gémissement, les dents qui emprisonnent sa lèvre et il laisse sa main venir de perdre dans ses cheveux blonds, les boucles contre sa clavicule, le dos cambré. Il le veut, il le veut. Ca le dévore, ca le désagrège et le disperse un peu partout autour d'eux. Quand Harvey se colle à lui il déglutit, le corps relâché, il a envie de lui répondre qu'il le trouve merveilleusement éclatant, parfaitement désirable mais il n'en a pas le temps car il le retourne, et quand il lui fait face il s'agrippe timidement à ses côtes, les doigts qui osent à peine s'accrocher à sa peau. Il n'était pas prêt à recevoir des mots si forts, si bruts, si vrais. Il n'était pas prêt parce qu'Harvey ne parle pas beaucoup d'habitude et encore moins pour dire ce genre de choses alors évidemment, ça le touche comme une flèche en plein corps, comme mille flèches en vérité, comme une armée de papillons qui seraient venus prendre place au fond de son ventre et qui refuseraient de se barrer. Il a les larmes aux yeux mais il ne se cache pas et les ancre dans ceux de son ami, de son amant pour quelques heures peut être et il se laisse embrasser, le torse contre le sien, les doigts qui n'hésitent plus et s'accrochent avec force pour ne pas qu'il s'enfuit et qu'il s'évapore loin de lui. Il brûle, Terrence, d'un feu qui ne s'était encore jamais allumé en lui, il brûle et ça fait tellement de bien qu'il en redemande en appuyant leur baiser, les langues qui se rencontrent à nouveau et qui valsent dans une chorégraphie parfaitement synchronisée. Il voudrait que ça ne s'arrête jamais, qu'ils restent là, comme ça, jusqu' l'infini parce qu'il est bien parce qu'il n'existe plus rien. Ni la peur, ni la crainte, ni la honte, ni les barrières. Il se détache, Harvey, reprend son air et c'est là qu'il le formule, qu'il le confirme: il veut qu'ils fassent l'amour. Ici, maintenant. Et c'est annoncé avec douceur et fièvre, avec mansuétude et respect. Il hoche la tête vigoureusement, Terry, parce qu'il le veut, il le veut si fort qu'il en tremble des pieds à la tête. Il ne peut plus attendre et peut être qu'il n'est pas le seul. Il se laisse guider vers le canapé sur lequel il s'allonge avant de tirer Harvey sur lui, leur corps chauds et tremblants. Il sent qu'il ne veut pas lui faire mal mais il a besoin de le sentir tout contre sa peau, Terry, alors il appuie contre ses omoplates pour qu'il s'étende entièrement tandis qu'il laisse s'échapper des gémissements discrets qu'il ne s'était encore jamais entendu pousser, Il murmure son prénom une fois, deux fois, il ne sait plus, les mains qui se perdent dans ses cheveux et sa bouche qui embrasse chaque centimètre de peau, parce qu'il veut l'apprendre par coeur, Terry, il veut le connaitre sur le bout des doigts. Il l'allonge entre ses jambes, tout son corps devient soudain volcan et il pleure surement, il ne sait pas. Peut être qu'il pleure parce que c'est émouvant et beau, parce qu'il n'en peut plus de l'attendre et qu'il est enfin là. Et il s'abandonne contre le tissu du canapé, ses boucles folles autour de son visage, les paumes qui parcourent le dos et la nuque de son amant. Harvey... C'est la fin d'une quête qu'ils n'avaient jamais songé à commencer, ni l'un ni l'autre, trop défoncés par la vie pour envisager que cette impérieuse connexion entre eux, cet heureux hasard puisse un jour les concerner, parce que le bonheur c'était toujours pour les autres, non? Il le sait qu'il ne sera plus jamais le même après ça, qu'il ne sera plus complet, Terry, qu'il perdra surement des couleurs quand Harvey sera loin, qu'il le cherchera partout un peu plus encore, qu'il vivra en apnée dans l'espoir de retrouver la chaleur de son corps contre le sien, peut être. Terrence, il réalise soudain qu'il pourrait sans problème lui confier sa vie entière s'il le lui demandait, étaler son coeur sur la table sans aucune protection ni bouclier, se livrer à vif, s'ouvrir et lui offrir ce qu'il a de plus vivant et de plus beau en lui. Il le regarde et il se dit qu'il n'a probablement jamais vu personne avec tant de clarté, comme s'il avait la grille de lecture et que tout était d'un coup limpide, comme s'il comprenait chaque tressaillement de voix à force de l'avoir imprimé contre ses tympans pendant six mois. Il a le souffle court, Terry, ventre contre ventre, hanches qui se percutent, il inspire, il inspire comme s'il n'avait plus d'air sans lui, souffle coupé par ce qu'il ressent, ensevelit sous l'émotion. Il bouge sous le corps d'Harvey, les cuisses qui se ferment contre ses cuisses à lui, et il le regarde. Je veux te sentir en moi. Je veux être à toi. T'es le seul. Y a que toi. Ses yeux verts qui ne quittent pas ceux d'Harvey, il relève la tête pour que ses lèvres viennent frôler les siennes, douces et chaudes et finalement sans autre forme de préliminaire il laisse sa main glisser entre eux avant de se saisir de son sexe et de l'introduire doucement dans son corps, le dos qui se cambre un peu et la bouche qui inspire d'un coup sec, comme l'aboutissement d'un désir inavoué gardé secrètement au fond de son ventre dans le plus doux des secrets pendant bien trop longtemps. Il retire sa main et lui agrippe le dos, les jambes qui s'enroulent autour de son bassin pour appuyer, pour qu'il s'enfonce encore et qu'il le possède totalement. Il n'ose pas fermer les yeux malgré la tempête qui fait rage en lui, il n'ose pas parce qu'il veut imprimer chaque recoin du visage d'Harvey. Ce qu'il est en train de vivre n'a rien de comparable et ca lui compresse le coeur, ça lui broie les poumons. Il souffle fort en le sentant gagner des centimètres jusqu'à buter contre le fond et il lâche un gémissement, une main qui vient agripper fermement sa nuque et les fronts qui se collent, les épaules secouées d'émotion. Petit morceau de chair fragile transformé en brasier, il vit, Terry. Il vit, il respire, il a le coeur qui pulse. Et c'est si grisant qu'il se laisse porter, qu'il accueille les coups de reins d'Harvey avec empressement et volupté, et il se dit que peut être après ça il n'autorisera plus aucun autre homme à le toucher. Ni le coeur, ni le corps. Et y a une larme qui perle en coin de paupière qu'il n'a pas la force de chasser parce qu'elle n'a pas la même définition que toutes les autres qui avaient pu couler avant elle parce que cette fois, c'est une larme de joie, d'émotion et de poésie. Et c'est bien la première fois.
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:23, édité 3 fois
→ On ne se prépare pas à faire ce genre de rencontre : déterminante, essentielle, inégalable du point de vue des ressentis. On ne se réveille jamais un beau matin en se disant ‘tiens, aujourd’hui, je vais faire une rencontre qui va me bouleverser au point où je ne saurais plus réellement qui je suis ni ce que je dois faire, comment je dois réagir, penser et parler’. On ne peut pas prévoir les grands changements de nos vies, car ils débarquent sans prévenir, impétueux et ils balaient tout sur leur passage, s’imposant avec une force légendaire contre laquelle lutter est vain. Je ne lutte plus, ça ne sert à rien. J’ai fini par le comprendre, car la tempête Terrence s’est imposée à moi et je deviens le réceptacle de ses confidences, de ses émotions et de sa transparence. Tout cela me bouleverse à l’intérieur, tout est tourneboulé, secoué dans tous les sens, dispersé aux quatre coins de cette petite serre, cocon de nature au beau milieu de la cité trépidante, et je me dévoile à mon tour en me déshabillant. S’il a eu le courage de se mettre à nu et de se tenir ainsi debout devant moi, je ne peux pas me dégonfler et fuir. Je n’en ai pas l’envie de toute évidence. A présent, j’ai tout sauf envie de le fuir. J’ai envie de le rejoindre, de m’élever à son niveau et de me révéler moi-aussi, tel que je suis, sans artifices, sans masques, réalité brute d’un corps disgracieux, massif et fébrile. Mes mains tremblent alors que je défais la boucle de ma ceinture, elles tremblent car je n’ai jamais fait ça avant. Et si je me suis déjà retrouvé nu devant d’autres hommes, je ne me suis jamais déshabillé ainsi, la peur au ventre aussitôt anéantie par la détermination qui brûle tout, incandescente. Et l’envie, l’envie qui grouille un peu partout, créant des fourmillements au bout des doigts, l’envie qui serre le ventre, bloque la respiration et fait battre le cœur de façon frénétique et désordonnée. Cette même envie qui me pousse à dépasser mes propres craintes et à poser au sol le dernier de mes vêtements, pour me redresser finalement nu, à l’égal de lui. La peur s’estompe au profit de l’évidence au même titre que la pénombre s’éloigne tandis que nos deux corps illuminent l’endroit. Deux corps bruts, imparfaits, avec leurs histoires gravées à même la peau, murmurées par les cicatrices qui sillonnent le dos de Terrence, et celles sur mon torse. Deux corps qui se font face dans la plus grande pudeur et le plus grand respect de l’autre. Son regard, intimidant, me réchauffe à l’intérieur et c’est une sensation de plénitude qui m’envahit finalement et que je savoure car elle signifie tant de choses. Un peu tout, elle signifie surtout tout, oui. Je n’éprouve pas de honte à m’exposer ainsi, à montrer ce corps que je refuse souvent de regarder, que je ne considère pas vraiment comme autre chose qu’une prison dans laquelle je suis engoncé, mal à l’aise et malhabile. Sous son regard, je n’ai pas honte. Et même si ma démarche est mal assurée, même si mes gestes sont timides, l’envie omniprésente qui me dévore le bas-ventre me pousse vers lui. Et je m’approche, je l’effleure du bout des doigts, je respire l’odeur de sa peau, avide de plus, gourmand et plein de désir. Mes lèvres viennent grignoter son épaule et son goût légèrement salé m’abreuve et calme le feu qui crépite en moi, pour mieux l’attiser par la suite. Mes bras se resserrent autour de lui, alors que je m’ouvre et que je lui confie ce que je pense, à quel point je le trouve fort, à quel point il me bouleverse, à quel point il est beau. Et ce n’est pas une question de physique, non, bien qu’il soit terriblement désirable Terrence. Ses boucles soyeuses qui descendent sur sa nuque, encadrent son visage et lui donnent cet air jovial, ébouriffé et toujours en fête. Son regard malicieux et perdu, larmoyant et brillant, cet océan de vert dans lequel je voudrais me perdre encore et encore, accentué par l’épaisseur de ses sourcils légèrement froncés. Ses lèvres, attirantes, qui tremblent parfois et se resserrent un peu trop souvent sur les cigarettes qu’il consomme quotidiennement. Sa mâchoire anguleuse, son cou contre lequel j’ai envie de nicher mon visage depuis la plage parce que je m’y trouve bien, sa pomme d’Adam que j’ai envie de mordiller par moment. Et son corps, fin, élancé, tout en subtilité… Élégant, sportif, frêle mais puissant. Sa taille fine, ses fesses rebondies et sa chute de rien avec une légère cambrure parfaite. Ce n’est pas qu’une question de physique, non, mais son physique est parfait pourtant. Je prends le temps de bien le regarder, de le voir lui, tel qu’il est et tel qu’il se montre à moi et je suis subjugué par sa beauté. Frappante, incisive, elle me domine totalement et je fonds, je fonds totalement pour ce qu’il me renvoie, pour la douceur de ses traits, pour la peur que je lis au fond de ses prunelles émeraude. Car il est bouleversé tout autant que moi, Terrence. Lui non plus ne s’attendait pas à cette rencontre, lui non plus ne savait pas que nous en arriverions là, dans son refuge, nus et pressés l’un contre l’autre. Comment aurait-il pu le savoir ? Qui aurait pu le prédire ? Et c’est là toute la beauté de la vie parfois, lorsque le destin décide de nous accorder un peu de répit et de nous faire vibrer intensément d’allégresse. Et il y a ces larmes, ces larmes que j’ai envie d’assécher mais que je laisse couler car il en a besoin. Car il faut bien extérioriser toutes ses angoisses malsaines qui nous habitent, car les larmes roulent et évacuent la peine, elles se répandent tout autour puis s’évaporent et nous rendent un peu plus légers, soulagent les cœurs trop longtemps accablés, meurtris et fissurés. Et c’est à haute voix que je formule mon envie, pour qu’il l’entende, qu’il la ressente mais surtout pour qu’elle le fasse vibrer. Pour qu’il sache qu’il m’a touché, qu’il a réussi à s’insinuer et à s’installer à l’intérieur et que je le veux, je le désire et j’ai besoin de le sentir désormais. Alors, nos corps s’allongent et se caressent, ils glissent l’un contre l’autre sensuellement et s’apprennent. Ils se lisent et se découvrent avec curiosité et envie, mes mains glissent sur sa peau et mon torse repose sur le sien après qu’il ait appuyé sur mon dos. Mes cheveux tombent sur son visage et mes lèvres parcourent chaque centimètre carré de peau avec un désir fou, un peu sauvage mais précis. Précis car le désir de lui faire du bien est là, dans chacun de mes gestes, dans chacun de mes baisers. Parce que je guette, je guette la moindre de ses réactions avec l’envie d’apprendre, l’envie de savoir ce qui lui plaît, de savoir ce qu’il aime, ce dont il a envie, ce qui lui fait du bien. Ce n’est pas un morceau de viande, Terrence, et je ne le considérerais jamais ainsi. Il s’est donné à moi avec une telle puissance que j’en ai été soufflé et je dois être à la hauteur de ce cadeau qu’il représente. Cette entrée fracassante dans ma vie, dans mon âme et dans mon cœur va tout changer. Il change déjà tout. Je ne m’y attarde pas mais je le sais, ça a commencé. Il a tout explosé à l’intérieur, anéanti la peur, annihilé la douleur et insufflé la vie là où elle semblait avoir disparu. Mon désir s’exprime à travers des sons rauques, un peu étouffés par les baisers, et ses gémissements me rendent fous, font augmenter le désir de façon exponentiel et lorsqu’il prononce mon prénom doucement, de sa voix fluette et sensuelle, je me fige et mon regard percute le sien à nouveau. Le souffle court, l’envie qui dévore et la promesse silencieuse que tout ça, ce n’est pas rien, que tout ça c’est bien plus grand que nous deux, bien plus beau, bien plus important que tout le reste. – Je veux te sentir en moi. Je veux être à toi. T’es le seul. Y’a que toi. Et je souris. Je souris tendrement, ma main se pose sur sa joue, mon pouce effleure sa pommette et je l’observe avec une infinie douceur en pensant que jamais, jamais il ne m’appartiendra. Car on ne possède pas les êtres qu’on aime. Et j’ai envie de l’aimer, Terrence. Je le sais, ce sera toujours bien plus que ça et je ne poserais pas de limites entre nous, car cela serait vain. Je préfère garder mon souffle pour respirer avec lui, pour inhaler son odeur qui se mêle à la mienne fortement et pour la chérir avec précaution, la garder avec moi, la mémoriser pour longtemps encore. Et je plonge, à la manière dont il m’introduit en lui, je plonge pour ne plus faire qu’un, pour lier nos corps brûlants et pleins de désir. Légèrement crispé, je me détends en m’insérant progressivement sans le quitter une seule seconde du regard. Et nos corps coulissent lentement, ils s’habituent à s’imbriquer l’un dans l’autre et commencent, doucement, à se donner du plaisir mutuellement. Mes mains se serrent, l’une sur son épaule, l’autre sur le bord du canapé et je gémis alors que les sensations extrêmes m’accaparent et me surprennent. C’est doux, c’est chaud, ça vibre et ça éclate, ça serre et ça libère, ça frappe sur mon cœur et dans tout mon corps. Je me sens vivre. Je me sens libre. Mes lèvres s’écrasent sur les siennes avec gourmandise, le goût salé de ses larmes envahit ma bouche, m’effraie et, le souffle court, je tente de calmer mon rythme affolé pour le supplier - Ne pleure pas, non. S’il te plait, ne pleure pas, laisse-moi tout réparer. Et ma main se pose sur sa joue, mon pouce essuie ses larmes grossièrement. Je ne bouge plus vraiment, toujours en lui, le visage fissuré à l’idée qu’il puisse ne pas aimer ça. Ça me tords le ventre, ça me broie le cœur, ça me défonce le crâne. - Je t’en prie, regarde-moi, regarde… Mon regard s’ancre dans le sien avec ferveur et je lui dis, intrépide et audacieux : On va tout réparer, d’accord ? C’est ce que tu as dit. On va tout réparer toi et moi, ok ? Et mes lèvres s’écrasent farouchement sur les siennes avec l’incroyable volonté de tout régler, de tout apaiser, de tout purifier. Car c’est cela qui se passe à cet instant, alors que mon corps bouge contre le sien, que mes mouvements de bassin se font plus amples, plus rapides, plus intenses au même rythme que le désir qui enfle, grimpe et s'apprête à exploser dans chaque parcelle de nos êtres. C’est une purification, un renouveau, une volonté farouche dont la puissance peut déplacer des montagnes, aligner des continents, et rapprocher des planètes. Et ma main trouve la sienne, la plaque sur le dossier du canapé avec force, mes doigts se noue aux siens et mes lèvres se perdent dans son cou. Nos gémissements font échos aux coups de tonnerre, et la tempête qui se déchaîne dehors n’est pas aussi féroce que celle qui a lieu à l’intérieur de la serre. Ça tambourine plus fort que la pluie qui s’abat en trombe sur les taules, ça explose plus violemment que les éclairs dans le ciel et ça forme un tout bouillonnant, volcanique, démentiel jusqu’à ce que le plaisir condensé se libère et fracasse absolument tout sur son passage, ne laissant plus que deux enveloppes vides mais remplies, à bout de course, à bout de souffle, en pleine renaissance. Et je m’écroule alors, je m’écroule sur Terrence et roule, tombe par terre avec le sourire aux lèvres, les bras enroulés autour de son corps collé au mien que je refuse de quitter désormais. Mes yeux révulsés vers l’arrière, je ne cherche même pas à calmer les battements frénétiques de mon cœur et je savoure les papillons qui se dispersent dans tout mon corps qui flotte dans une autre dimension, loin, bien loin du monde des vivants. Mes mains se posent sur ses omoplates, l’obligent à rester contre moi et lorsque je rouvre les yeux et que je croise son regard, c’est un sourire éclatant que je lui offre. Car je viens de vivre un moment exceptionnel, et tous les doutes se sont dissipés à présent. Je me sens libre, je me sens moi. Et ça, c’est parce qu’il est lui. J’ai envie de lui dire ‘merci’ mais je me tais, car ce serait gâcher ce moment précieux. Alors je laisse mes yeux parler, le remercier de m’avoir donné autant, de m’avoir fait vibrer si intensément et je le contemple, me perds un peu sur ses traits fins et arrondis, légèrement enfantins, plein d’espoir, plein de promesses… Jusqu’à ce que mon ventre gronde et nous rappelle à nos misérables conditions humaines. Et je pouffe, amusé par cette réaction imprévisible et je lui rappelle dans un sourire – Tu m’as promis un petit-déj, rappelle-toi. Je me mords la lèvre, comblé et me demande comment je vais bien pouvoir lui résister désormais. La tâche va s’avérer très compliqué et je ne suis pas sûr d’avoir réellement envie d’y arriver.
Six mois. Il avait passé six longs mois à attendre sans véritablement réaliser que c'était lui qu'il attendait. Il aura fallu six mois et un pauvre type aux envies dégueulasses, d'un couloir crado et d'un coup de pouce du destin pour qu'ils se percutent enfin, Harvey et lui, pour qu'ils se parlent réellement, qu'ils franchissent les barrières infranchissables de leurs banales salutations de convenance, six mois et un brin d'audace pour qu'ils retirent leurs écorces et découvrent qu'en dessous ils avaient la même essence, scarifiée par les meurtrissures, l'âme en déshérence. Il n'avait jamais pensé qu'il était épris d'Harvey, Terrence, jamais envisagé qu'il puisse prendre tant de place dans ses journées et dans ses nuits malgré les joues roses en pensant à lui, malgré les oeillades furtives un peu tout le temps, malgré l'estomac secoué de spasmes tendres dès qu'il s'approchait un peu trop près, malgré le souffle court et l'envie féroce d'être dans ses bras. Il n'y avait jamais pensé parce qu'en vérité il ne savait pas réellement ce que c'était que de s'enticher, d'être vraiment séduit par quelqu'un. Il était incapable de reconnaitre les signes et quand bien même il avait su il aurait refusé de l'admettre parce qu'il en aurait violemment souffert pendant six mois, à se raconter que de toute façon un mec comme ça ne pouvait pas s'intéresser à lui, que c'était voué à l'échec parce que Terry c'est le mec d'une nuit, le mec qu'on trimbale dans tous les sens et que l'on pénètre sans préavis, un corps qu'on manipule avec ou sans soin sous prétexte qu'il ne dit jamais rien, trop triste pour manifester son dégoût. Et il n'avait rien à dire de toute façon, Terry, n'avait pas à se plaindre ou à ouvrir sa gueule parce qu'il le cherchait, ce dégoût, il rampait derrière la douleur comme on s'accrocherait avec désespoir au dernier radeau juste pour vérifier qu'on n'est pas en train de couler. Parce qu'avoir mal ça fouette et ça fait battre le coeur plus fort, ça fait pleurer, ça griffe, ça gifle et ça fait surtout réaliser qu'il y a quelque part à l'intérieur quelque chose qui est encore vivant. Et à chaque glissement de terrain il recommençait, encore et encore, se laissant faire comme un objet dont on dispose juste se donner l'impression de ne pas crever. Pourtant ici, face à Harvey et pour la première fois de sa vie surement, il n'a pas besoin de ça et il fini par s'en rendre compte, Terrence, de l'espace qu'il lui a fallu créer et étirer au fil des mois pour pouvoir y accueillir Harvey comme il se doit, parce qu'il prend toute la place, il prend tout, il est tout, et que ça fait du bien, c'est naturel et il n'y a rien d'étrange à cela quand on sait qu'il a fallu six mois pour le comprendre et pour nourrir ce qu'il y avait à nourrir. De l'extérieur on pourrait trouver ça probablement un peu rapide, ces deux météorites lancées à toute blinde dans la même direction, ces deux comètes perdues qui avaient finies par entrer en collision en un seul et même point pour faire tout éclater autour d'eux en formant une somptueuse supernova sans jamais penser au trou noir qui était susceptible de se former pour aspirer tout, juste après. Parce qu'il n'y a plus matière à réfléchir quand les mains délicates d'Harvey se posent sur son corps et frôlent sa peau avec maladresse, quand elles recouvrent son ventre et que ses dents griffent avec légèreté son épaule, il n'y a plus à lutter quand ils se retrouvent buste contre buste et que leurs souffles se mélangent, suaves, emplis d'un désire encore hésitant. Alors il se dit que ça ne va pas trop vite, non. Que ça ne peut pas aller trop vite alors qu'il sait maintenant qu'il l'a désiré si longtemps, à imaginer ses bras autour de son corps fin, à rechercher sa chaleur alors qu'il était si loin. Ca ne va pas trop vite et quand bien même c'était le cas, où était le problème? Il n'y avait aucune limitation de vitesse quand il s'agissait d'évidence, et ce qui les anime au fond de cette serre sur le toit de cet immeuble abandonné au coeur de la jungle urbaine n'est ni quantifiable ni réductible. Ca ne se mesure pas, ne se contient pas, n'a pas besoin de plus de temps ou de plus d'espace. C'est juste là et ils se laissent porter sans réfléchir, les corps qui s'aimantent et qui s'appellent comme s'ils s'étaient toujours connus, les âmes qui se reconnaissent et les coeurs qui pulsent en cadence, simultanément. Il n'y a pas de gêne quand Harvey l'allonge sur le canapé, pas de honte non plus quand Terrence le tire pour qu'il s'appuie entre ses jambes, il n'y a pas d'hésitation, pas de retenue dans la façon qu'ils ont de se bouffer du regard et de ne pas se lâcher des yeux alors que Terrence invite Harvey en lui, pas d'embarras à laisser ses gémissements discret franchir la barrière de ses lèvres et ses mains tremblantes agripper sa nuque. Il n'y a plus de doute, il n'y a que des certitudes, celles qu'ils devaient se rencontrer, qu'ils avaient dû vivre ce qu'ils avaient vécu pour en arriver à ce moment précis, celui où leurs corps nus et moites se rencontrent dans une danse fiévreuse et coordonnée, où leurs lèvres se cherchent avec avidité, avec passion, où leurs mains caressent avec respect et humilité. Il se dit qu'Harvey s'est montré à lui sans armure ni bouclier, qu'il a osé, lui qu'il sentait si fermé, si apeuré, il a osé relever les genoux de terre comme un guerrier et lui offrir sa vulnérabilité comme on ferait un cadeau précieux du bout des doigts et il se dit qu'il a envie de l'aimer comme personne ne l'a aimé, qu'il a envie de prendre soin de lui et ça le bouleverse parce qu'il ne se savait pas si chevaleresque, Terrence, pas aussi enclin à vouloir s'attacher pour de vrai sans s'en effrayer. Son coeur tambourine dans sa poitrine et il ne se retient plus pour exprimer ce qu'il ressent, bouche ouverte, le corps musclé d'Harvey contre son corps et les doux coups de reins qu'il commence à donner. Il ne se retient pas pour se cambrer et resserrer ses jambes autour de lui, ses mains qui finissent par se perdre dans ses cheveux blonds, il ne se retient pas pour soupirer et murmure en boucle son prénom. Et quand Harvey voit les larmes et les essuie en lui demandant de le laisser tout réparer il s'abandonne, l'attire à lui plus fort, l'écoute lui dire qu'il y arriveront surement et terriblement ému il fini par lâcher un faible d'accord en hochant rapidement la tête avant de l'embrasser follement, le corps qui en réclame plus, qui le veut lui tout entier. Il a envie de lui faire confiance, envie de lui confier son coeur en espérant qu'il ne le piétinera pas en sautant dessus à pieds joints. Il a envie de le croire parce que lui aussi était persuadé qu'ils pouvaient tout réparer. Instinctivement il l'encourage de son bassin et accueille ses mouvements avec une envie non retenue. C'est quelque chose qu'il n'a jamais connu, Terrence, le sexe avec des sentiments et ça le bousille délicieusement de l'intérieur, ça brûle comme mille volcans, ça lui dévore le coeur, c'est carnassier et fort, ça le bouleverse si brutalement qu'il ne peut retenir ses plaintes, tête basculée en arrière, les yeux désormais fermés. Il se perd quelque part entre le ciel et l'enfer, ses gémissements qui se mêlent à ceux plus rauques d'Harvey, Harvey qu'il sent bouger en lui avec fièvre et douceur et quand il prend plus l'amplitude et qu'il accélère il relâche tout, Terrence, ne contrôle plus rien, les boucles qui se collent à son front humide et la lèvre qui se fait emprisonner par ses dents. Ca chauffe derrière son nombril et les gémissements sont lâchés sans retenue au rythme des coups, lui qui d'habitude ne fait aucun bruit. Il s'accroche au canapé, le corps remué de spasmes et de frissons et il se dit qu'il pourrait tout à fait mourir ici, comme ça, parce que c'est trop bon et intense, parce qu'il ne sait plus qui il est ni quel jour on est, parce qu'il perd toute notion et tout repère mais qu'il y a Harvey là, juste là, les cheveux devant son visage que Terrence tente de dégager pour le fixer et que c'est tout ce qui compte. Soupir après soupir il tremble et vibre comme il n'a jamais vibré, le coeur qui palpitent comme un voile en pleine tempête sous les grondements du tonnerre au dehors. Leurs ventres collés, les bustes qui s'embrassent, qui s'embrasent l'un contre l'autre, mélange de flammes et la lave en fusion, il ne sait plus très bien où son corps se termine et où celui d'Harvey commence. Ils ne font qu'un, réellement, pleinement. Substantiellement. Y a ce besoin épidermique de se rapprocher, encore, et encore. De se coller. D'entrer métaphoriquement l'un tout au fond de l'autre, d'être au plus proche du coeur. Il se laisse posséder pleinement, Terrence, les bras laissés mollement sur le canapé au dessus de sa tête, ou farouchement accrochés à la peau d'Harvey. Leurs cris se mélangent, deviennent plus intenses. Ils se libèrent de leurs chaines ensemble et ni l'un ni l'autre ne s'était vraiment attendu à ressentir ça. Incandescents, ils se consument et il est exactement où il souhaite être,Terry et même s'il sent bien que son amant ne l'emprisonne pas, il s'offre entièrement, veut qu'il le possède sans retenue aucune. C'est nouveau, c'est insoutenable et il en veut encore, jamais rassasié. Si d'autres corps avaient souillés le sien depuis bien trop de temps déja, il se sent soudain neuf. Comme si c'était la première fois qu'il découvrait vraiment ce que pouvait signifier "faire l'amour". L'amour... celui qui, de sa main invisible vous remue un peu tout au fond des tripes et vous chahute le coeur. Il ondule sous le corps d'Harvey et ses gémissements s'accélèrent, se font plus ardents, enfiévrés et au coeur du tumulte il sent soudain que ça vient, que la chaleur monte et c'est puissant, éclatant, ça pulvérise la serre, la rue, les gens, la ville, tout, il n'y a plus rien qui existe si ce n'est leurs deux corps qui s'unissent en heurtant le climax de la plus glorieuse des façons. Son esprit se perd, il bombe le dos et tandis qu'il s'enflamme pour la dernière fois, mord l'épaule d'Harvey pour ne pas hurler. Il tremble. Soupirs saccadés. Souffle brûlant. Il ferme les yeux aussi fort qu'il le peut puis quand les vagues se font enfin moins intenses, il inspire enfin et sent qu'Harvey roule au sol, l'entrainant dans sa chute. Il éclate de rire, Terry, en laissant son nez se perdre dans le cou de son amant, son corps moite désormais au dessus du sien, s'allonge, les yeux brûlants et se blotti sur son torse, sa main parcourant ses pectoraux. Il est si chamboulé que son coeur éclate de tous les côtés. C'est douloureusement bon. Les mains d'Harvey se posent contre son dos pour le retenir et il rit encore, Terrence, parce qu'il aime quand il le garde à lui de cette façon. Je compte aller nul part, tu sais? dans un murmure, en lui embrassant la mâchoire. Il a envie de lui dire à quel point il le trouve fabuleux et authentique, à quel point il remue tout, à quel point il a ouvert les grilles de toutes les cages et modifié les paramètres de son univers. Il voudrait lui hurler qu'il a terriblement aimé, que c'était parfait, qu'il a envie de pleurer parce qu'il est rempli d'émotion jusqu'à ras bord et que le vase menace de déborder. Il a envie de lui avouer qu'il n'avait jamais jamais ressenti ça, que c'est la première fois, qu'il voudrait recommencer, encore et encore parce qu'il a peur d'oublier mais il se tait parce que ce n'est pas vraiment le moment pour parler. Au lieu de ça, il se redresse un peu et croise ses avants bras sur le torse de son amant, le menton en appuie par dessus. Ils s'observent et y a ce moment de flottement absolument fabuleux où tout fait sens, où la beauté d'Harvey éclate au grand jour alors qu'il est au plus fort de sa vulnérabilité, alors que ses cheveux son collés sur son front, que ses yeux sont humides et qu'il doit avoir lui aussi le coeur à l'envers. Il le trouve magnifique avec ses yeux bleus légèrement en amande et son nez bien droit, mais il devait bien avouer que ce qu'il préférait c'était le voir sourire parce qu'il aimait se laisser éclairé par sa lumière . Et quand son ventre grogne de faim, Terry part en fou rire, la tête qui se cache derrière ses bras avant de se relever à sa demande de petit déjeuner. C'est vrai. Viens ! Et il abandonne sur place ses vêtements avant de s'élancer encore nu sous la pluie et d'y rester en levant la tête pour se laver le corps. Il se sent libre et il en profite pleinement, les bras en croix et les yeux fermés vers le ciel. Rapidement, il est trempé mais il s'en fiche, Terrence, parce qu'il respire enfin, lui qui était resté si longtemps en apnée. Il respire et il grelotte de froid, vivant, bien vivant et heureux. Puis il saute sur le toit incliné et remonte habilement jusqu'à la fenêtre, rentre à l'intérieur et va dans la salle de bain pour prendre deux serviettes. Il en enroule une autour de sa taille après s'être épongé les cheveux et tend l'autre à Harvey puis se rend côté cuisine le sourire scotché au visage, le coeur en bouquet de fleur et il pense qu'il ne s'est jamais senti aussi bien, aussi léger, comme si rien de mal ne pouvait arriver. Il sort une poêle, de l'huile d'olive et deux oeufs qu'il claque contre le bord avant de se retourner vers Harvey. J'espère que deux oeufs ça suffira? J'ai pas grand chose dans mon frigo. Il l'ouvre pour vérifier et finalement en sort une brique de jus d'orange qu'il verse dans un verre avant de l'apporter à son ami. Oh, et attends! Rapidement, Terrence va farfouiller dans ses affaires et en ressort un t-shirt et short qui était un peu trop larges pour lui puis les tend en direction de son amant tout sourire parce qu'il n'arrive pas à s'en empêcher. Tiens ! Je pense que ça t'ira. Sans aucune pudeur il alors retire sa serviette et enfile lui aussi des vêtements du même genre avant de retourner devant la cuisinière pour faire glisser les oeufs dans une assiette et de les assaisonner avec du poivre et des herbes. Il n'a jamais eu à faire un petit déjeuner pour personne, Terrence, alors au moment de poser le plat sur la table il se mord la lèvre son sourire bien loin derrière et la crainte qui a refait surface, celle de ne pas être à la hauteur, les yeux qui tentent de déchiffrer dans ceux d'Harvey s'il a visé juste ou pas. Il hausse les épaules, un peu intimidé. Normalement c'est mangeable, dis-moi si tu veux autre chose, je le ferai... Il n'est pas grand cuisinier, Terry, pas du tout même et il s'étonne de ne rien avoir fait tomber cette fois, ou de ne pas avoir raté la cuisson des oeufs. Mais si Harvey lui demande de préparer autre chose, il le fera. Parce qu'il pense que désormais pour lui, il pourrait faire tout. Tout.
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:23, édité 3 fois
→ Je ne peux pas dire que tous mes anciens partenaires sexuels sont des incompétents, ce serait mentir. J’ai eu des nuits infernales, des nuits d’exceptions, des nuits explosives et puis j’ai aussi eu des nuits loupées, des nuits gênantes, des nuits dont j’ai un peu honte. Quoiqu’il en soit, j’ai multiplié les coups d’un soir, les conquêtes sans lendemain, les rendez-vous secrets et toutes les histoires qui ont le même accord tacite entre les deux partenaires : pas d’attache. Fidèle à moi-même, je suis une ombre qui passe, s’attarde un instant puis disparaît au lever du soleil. Dire que je le vis bien, ce serait faux évidemment. Je ne suis pas satisfait de ce genre de relations rapides, pas toujours très respectueuses et parfois frauduleuses mais je ne fais pas l’effort de chercher autre chose car je suis persuadé au fond de moi que je ne suis pas fait pour toutes ces conneries de couple et de vie à deux. Quand on voit ce que ça a donné avec mes parents… Mauvais exemple, je le sais bien, mais c’est le seul exemple auquel je peux aussi me référer. Il est tout de suite plus facile de comprendre mes réticences. Et il faut ajouter à ça ma conviction profonde que je ne suis qu’une merde vouée à finir seul, et hop le cocktail fabuleux de la fatalité et du renoncement est parfaitement dosé. Je m’en nourris tous les jours et me répète inlassablement que c’est mieux ainsi, déplorant la solitude qui pèse sur mon cœur en lorgnant tous ceux qui affichent et étalent leur bonheur. Ce bonheur pour lequel je pourrais me damner, ce bonheur que je rêve de toucher du doigt, ce bonheur qui se trouve à portée de main, ce matin. Allongé sur le sol, j’apprécie l’extase qui fourmille partout en moi et mes mains glissent sur le dos musclé de Terrence. J’apprends son grain de peau, savoure sa texture sous la pulpe de mes doigts et me délecte des sensations exceptionnelles qui me traversent encore et encore. J’ai connu un bon nombre de partenaires, oui, mais aucun ne s’est offert à moi sans retenue aucune, avec une telle volonté et un tel désir que j’en ai été renversé, le plaisir se retrouvant ainsi décuplé par millier. Non aucun d’entre eux ne peut définitivement rivaliser avec le tourbillon Terrence : puissant, redoutable, souverain. Et alors qu’il repose sur moi, ses boucles brunes tombent sur son visage mutin, ses jolies joues rondes creusées par des fossettes adorables et relevées par ses lèvres étirées en un sourire rayonnant, je le contemple avec une curiosité insatiable. J’ai envie de tout apprendre de lui, de savoir ce qui le fait rêver, ce qu’il aime et ce qu’il déteste, ce qui le rends heureux surtout et ce qui l’émeut, et je scrute ses traits comme s’ils pouvaient me donner toutes les réponses aussi simplement que ça. Mon cœur bat la chamade à l’intérieur, il n’a pas l’air de vouloir se calmer et je crois, j’en suis même sûr, que le trésor allongé sur moi y est pour quelque chose. La douce mélodie de son rire envahit la serre et je me mords la lèvre en l’observant, prenant du plaisir à juste le regarder, à admirer son sourire et ses yeux verts brillants. Et c’est là, alors que je le garde tout contre moi, alors qu’il est si proche, que je réalise d’à quel point j’aurai besoin de lui dans ma vie. Et ça me rends triste aussi, car je ne pense pas être assez bien pour mériter une personne aussi vivante, aussi éblouissante, aussi incroyable. Non, je ne crois pas. Et je sais d’avance que je vais souffrir, mais je chasse ses vilaines pensées de mon esprit car elles n’ont pas leur place pour le moment. Elles reviendront bien assez tôt, cruelles et insensibles pour me torturer des heures durant. – Je compte aller nulle part tu sais ? Ses lèvres se posent sur ma mâchoire et j’en frissonne délicieusement. Mes mains descendent le long de son dos et finissent par se poser sur sa chute de reins, dans le creux de sa cambrure que je m’amuse à caresser lentement. – Je ne te laisserai pas partir si facilement… Que je rétorque, le regard rêveur. Et c’est exactement ce que je fais en l’observant : je me mets à rêver. Si je ne trainais pas mon passé comme un fardeau, comme un boulet de forçat enchainé à ma cheville, si j’étais libre d’être seulement moi alors peut-être que je pourrais envisager de ne plus être seul, de me laisser porter par cette vague de bonheur qui m’encercle agréablement et me dorlote. J’aimerai tant y croire, si bien que je laisse échapper un petit soupire à la fois de plaisir et de découragement, partagé entre l’envie de profiter de tout ça et la peur de voir le moment filer. Mon regard se perd sur le toit de la serre, plus vraiment transparent mais qui laisse deviner un ciel noir d’orage. Par moment, un éclair frappe et une lumière éclatante traverse la serre, mettant en lumière nos corps nus enchevêtrés au milieu des livres et des plantes, à même le sol. Les amants sous l’orage, le tableau est particulièrement romantique je trouve. Il m’inspire la douceur et la quiétude. L’amour, aussi. Ce sentiment après lequel tout le monde court sans jamais réussir à le définir exactement. Je crois que l’amour, c’est ce qui apaise l’âme et nous rend complet. L’amour, c’est ce qui fait vibrer les corps, danser les cœurs… Ca nous transporte ailleurs, loin de tous les tracas du quotidien, dans une douce réalité parallèle qui donne les armes pour combattre tout le reste. Je suis ailleurs à cet instant, je me sens complet étrangement. Le tonnerre qui s’élève au loin fait écho aux sentiments qui bouillonnent, tourbillonnent et dansent dans tous les sens. Tout cela semble comme une évidence : je n’ai besoin de rien de plus que lui. Mon ventre gronde, nous rappelle à notre condition humaine et il éclate de rire, cache son visage derrière ses bras croisés sur mon torse. Je ris aussi, et nos corps se secouent l’un contre l’autre, naturellement. Je lui rappelle qu’il m’a parlé d’un petit-déjeuner et il se lève rapidement, agile. J’ai à peine le temps de me mettre debout qu’il est déjà dehors, nu, sous la pluie et je ris en le voyant faire. Totalement illuminé, un peu fou, mais c’est magique de le voir ainsi ! A chaque seconde, je fonds davantage, adorant tous les aspects de sa personnalité riche et exceptionnelle. Je me penche et récupère mon boxer à moitié trempé sur le sol, que j’enfile promptement en laissant le reste de mes affaires à terre, je reviendrai les récupérer plus tard, pour profiter de la pluie qui vient laver ma peau en sueur à mon tour. Je ris, un peu bêtement et reste un instant sous les gouttes de pluie innombrables qui glissent sur mon visage et mon torse nus. Puis, mes yeux s’ouvrent et mes bras se glissent naturellement autour du corps nu de Terrence qui ne bouge pas et semble savourer sa douche improvisée. Collant mon torse à son dos, je promène mes lèvres sur son épaule, puis son cou pour venir y déposer une ribambelle de baisers tout doux, tout simples mais tellement significatifs ! J’aime sa spontanéité, j’aime ce brin de folie qui l’anime et qui me sort automatiquement de ma zone de confort. Il me fait tellement de bien ! – J’espère que t’as une vraie douche. Que je lui susurre à l’oreille, amusé à l’idée qu’il puisse ne pas en avoir. Je le laisse s’échapper ensuite et regagner le toit, l’admirant grimper dans le plus simple appareil, apparemment habitué à l’exercice et, malgré la voix de la sagesse qui gronde en moi et m’indique que le trajet est hautement risqué, je pouffe et le suit en faisant attention de ne pas m’éclater la gueule sur les tuiles glissantes. Je me contorsionne pour regagner l’intérieur de son logement et ferme rapidement le velux pour que le déluge ne s’infiltre pas. J’attrape la serviette tendue vers moi, formulant un simple – Merci. Avant de frotter mon visage et mes cheveux trempés. Resté devant la fenêtre, j’observe les gouttelettes de pluie qui s’amoncellent et rendent la vue floue. Je me perds un instant dans mes pensées, mais je suis rapidement rappelé à l’ordre par Terrence qui s’active en cuisine. Alors, je souris et l’y rejoins, désireux de le voir faire. – J’espère que deux œufs ça suffira ? J’ai pas grand-chose dans mon frigo. Mon sourire s’installe sur mon visage et j’hoche simplement la tête en prenant le verre de jus qu’il me tend en plus. – C’est parfait, t’en fais pas, j’veux pas déranger… Je suis un ogre lorsqu’il s’agit de manger, et deux petits œufs c’est un petit-déjeuner très léger pour moi, mais je ne suis pas du genre à réclamer ou à cracher sur la main tendue. Je tire une chaise et m’assois alors que Terrence disparaît à l’autre bout de la pièce pour revenir avec des vêtements plutôt amples, qui pourraient m’aller. – Tiens, je pense que ça t’ira. Ravi à l’idée de me débarrasser enfin de mon caleçon trempé et collant, je remercie vivement Terrence en me relevant pour me changer. – Super ! Rien que le fait qu’ils soient secs, c’est déjà génial ! Le short glisse tout seul, serre un peu mes cuisses mais rien d’anormal. Le t-shirt, par contre, me moule un peu trop. Mes épaules massives l’étirent et mon ventre légèrement rebondi dépasse un peu. Je ne trouve pas de miroir pour m’observer, mais j’imagine mon allure et demande, amusé – Je fais rêver comme ça hein ? Et je ris, légèrement. Spontanément. Tout semble tellement simple ce matin, s’en est délicieusement reposant. Terrence dépose les œufs dans l’assiette et je le vois hésiter, peu sûr de lui. Je fronce les sourcils et me saisit de la fourchette en déclarant – Je suis sûr que c’est délicieux, viens. Pose ta poêle. J’attends qu’il ait posé sa poêle pour l’attirer à moi et le laisse s’assoir sur mes cuisses. Ma main se pose sur sa taille, s’y installe et n’en bouge plus alors que j’entreprends de couper l’oeuf avec la fourchette. – Ouvre la bouche… Je lui demande, doucement, avant de tendre la fourchette vers ses lèvres. Il a l’air surpris, mais je ne m’imagine pas manger seul, c’est inconcevable. S’il n’a que deux œufs, il y en a un pour moi et un pour lui, c’est évident. Je lui fais un clin d’œil, satisfait de le voir manger aussi et j’engloutis en moins de deux secondes mon œuf, fidèle à ma réputation d’ogre. J’avale, tourne mon visage vers lui et vient cueillir ses lèvres doucement avec les miennes. Mon corps s’enflamme alors, comme une bourrasque de vent, ça me prend aux tripes et ça s’allume. De partout, à nouveau. Mes mains glissent sur son corps, et sans lâcher ses lèvres je le soulève en me relevant. Je pousse l’assiette, l’installe sur la table sans que nos torses ne décollent pour autant. De nouveau, l’envie me submerge comme une vague immense et mes mains passent sous son t-shirt, tirent sur l’élastique de son short. – J’ai envie d’un dessert maintenant. Que je murmure bêtement contre ses lèvres, un peu con et un peu fou aussi. Parce que je suis bien là, je me sens à ma place sans trop comprendre pourquoi. Je ne sais pas ce qu’il m’a fait Terrence, il m’a envoûté sur cette plage, il m’a fait entrer dans l’eau et j’ai plongé au sein de sa folie débordante de vie. Depuis je nage dans le bonheur et j’en abuse. Mes lèvres arpentent son cou, viennent grignoter sa peau tendre et fraîche et ma respiration part dans tous les sens. Je me sens pressé, excité, comme si le désir violent qui venait de s’emparer de moi régissait tout désormais. – Je te veux, toi, encore. Et je crois que cette envie-là n’est pas prête de disparaître. Elle s’installe, grouillante, florissante, au fond de mon bas-ventre et explose au moindre de ses gestes et à la moindre intonation de sa voix. Elle me domine, insatiable et brûlante, gorge mes veines de sang qui pulse avec force, fait battre frénétiquement mon cœur. Je n’y résiste pas, je n’essaie même pas. Je détache volontairement mon corps de mes pensées et m’octroie ce moment de totale liberté, d’improvisation sensuelle et de jouissance intime et profonde. Mes gestes sont pressés mais précis, je remonte son t-shirt et le fais passer par-dessus ses boucles brunes avant de fondre tel un rapace sur sa proie, avide et gourmand, sur son torse délicat et imberbe. Le surplombant totalement, je m’impose, l’oblige à s’allonger sur la table rigide. L’assiette tombe au sol – Merde ! Je me penche, observe les dégâts et relativise aussitôt. Ma main glisse sur le visage délicat de Terrence et, avec une petite lueur coquine au fond du regard, je lui dis – Je te ferais le ménage après, si tu veux. Je souris et mes mains glissent sur l’élastique du short sur lequel je tire pour l’abaisser tout en attrapant ses lèvres entre les miennes à nouveau. Leur goût me transcende, c’est doux, c’est suave et tout simplement parfait. Je pars à la découverte de son corps pour la deuxième fois de la matinée, avec une avidité extrême, sans retenue et mes mains glissent sur sa peau avec douceur, soulèvent ses cuisses qui s’enroulent sur ma taille et les serrent avec envie. Le souffle court, haletant je le pénètre prudemment et doucement, sans forcer et nos corps en liesse apprécient de se retrouver liés à nouveau. Mes deux mains se plaquent sur ses joues, encadrent son visage et nos regards se fondent l'un dans l'autre tandis que nos souffles et nos gémissements se mélangent. Je murmure son prénom, d'une voix rauque et étouffée, entre deux baisers langoureux et le rythme de notre ébat s'intensifient tandis que la pluie battante se calme au-dehors. La tempête se poursuis à l'intérieur, puissante, vigoureuse et profonde.
Il est allongé sur Harvey dans cette serre perdue au milieu du monde, cocon de verdure sous le ciel zébré d'éclairs et il se dit qu'il aurait très bien pu rester là des heures sans jamais se lasser de la sensation enivrante de son corps encore moite contre le sien, qu'il aurait pu rester là à l'admirer encore et encore sans jamais détourner les yeux, à laisser ses doigts parcourir sa peau, déchiffrer et apprendre par coeur son visage pour en retenir le moindre trait, la moindre ridule, le moindre relief. Il entend Harvey lui dire qu'il ne le laissera pas partir aussi facilement alors que ses mains s'attardent sur ses reins et il a désespérément besoin d'y croire, Terry. Alors il lui sourit, la peau couverte de frissons et ne répond pas mais lâche un discret hm en fermant les yeux, se laissant simplement bercer par cette douce promesse, cette tendre illusion. Il aurait pu rester là pour toujours mais le ventre d'Harvey se met à grogner, à réclamer qu'on le nourrisse et après avoir laissé éclater leur surprise en riant, il se lève, Terry, n'hésite pas plus longtemps, court nu pour se foutre sous la pluie parce qu'il avait toujours adoré ça, enfant du printemps dont l'âme appartenait pourtant à l'automne et quand il sent Harvey revenir à lui il vacille, touché en plein coeur parce qu'il ose à peine réaliser qu'il vient parce qu'il recherche peut être sa présence et refuse de le laisser s'éloigner trop loin de lui. Ca lui mord les côtes et lui chatouille le ventre mais encore une fois il ne dit rien, se contente de laisser allègrement ses boucles reposer en arrière contre l'épaule de son amant tandis que ce dernier aventure sa bouche sur sa peau mouillée par la pluie. Et il aime follement ça, Terrence, quand Harvey le retient, quand il le rattrape, quand il se colle à lui comme s'il avait peur qu'il s'en aille. Il aime parce qu'il n'a jamais vraiment connu ça et que ça lui offre d'infimes instants de consistance. Avec lui, il existe. De manière générale il est celui qu'on laisse partir, celui qui ne vaut peut être pas la peine qu'on s'y cramponne pour le retenir et c'est peut être bête mais quand les bras d'Harvey l'encerclent, il se sent exister. Avec lui il existe. Pour lui il existe, et là tout de suite, ça lui suffit. Quand il entend son amant lui demander s'il a une douche il pouffe de rire, Terry, se retourne, lui embrasse le coin des lèvres et se barre en criant peut être, la voix espiègle, escalade les tuiles et se faufile à travers la fenêtre pour se sécher et préparer le petit déjeuner. Tous deux s'épongent, font disparaitre la pluie de leurs peaux et Harvey le rejoint dans le coin cuisine, prend le verre de jus d'orange que Terrence lui donne et le remercie avant de s'installer à table non sans lui avoir confirmé que c'était parfait. Mais même pour des oeufs il se sent nul, Terry, peut être pas à la hauteur de la tâche, peut être pas assez bon cuisinier pour que la cuisson soit réussie et il sait qu'il a beaucoup de travail à faire pour parvenir à arrêter de se critiquer pour tout et n'importe quoi, pour arrêter de penser qu'il n'est capable de rien alors qu'il savait faire beaucoup. Alors il décide de se concentrer sur le son de la voix grave et profonde d'Harvey, sur les sourires sincères que lui lancent ses yeux bleus et il s'y raccroche pour ne rien montrer de son manque de confiance en lui. Quand Harvey lance qu'il ne veut pas déranger, Terry se dit qu'il aimerait tant savoir lui expliquer à quel point il ne gêne pas, à quel point c'est en fait tout le contraire, à quelle point sa présence devient au fil des minutes de plus en plus essentielle et nécessaire. Terrence ne le réalise pas encore mais Harvey pourrait devenir une nouvelle sorte de drogue pour lui, plus troublante, plus souveraine, plus étourdissante, bien loin de ces trucs dégueulasses qu'il s'enfilait trop souvent dans le nez ou sous la peau. Il ne répond pas et ça devient une habitude de perdre ses mots en sa présence mais comment lui avouer qu'il n'était pas dérangeant ici, qu'il était tout sauf ça et que Terry ne voulait pas le voir repartir. Il ne le dit pas parce que c'est beaucoup trop tôt pour lui avouer qu'il a le coeur tout chaud, trop tôt pour lui dire qu'il a besoin de lui ici aujourd'hui, demain, et probablement les autres jours après. C'est un constat qui le terrifie parce qu'il ne veut pas devenir dépendant, ne veut pas s'accrocher à un morceau de roche friable, pas envie de faux espoirs ou de se lancer dans une histoire qui finira à la poubelle à côté de la peau de banane et du trognon de pomme. Alors il se tait, l'estomac retourné, sourire scotché malgré tout sur le visage dans une moue compatissante et finalement détourne l'attention en partant chercher des fringues. Il ne veut pas se laisser envahir par le négatif, pas maintenant alors que tout est soleil, pas ici alors qu'il baigne dans sa lumière. Lorsqu'il voit Harvey avoir quelques difficultés à enfiler le t-shirt il cale son poing contre sa bouche et étouffe un rire attendri, Terry, de ces rires qui pourraient dire "je te trouve merveilleux". Il le regarde, observe son corps de haut en bas à la dérobée et a soudain l'envie un peu sauvage d'aller se jeter dans ses bras, de respirer à plein poumons son odeur parce qu'il a l'impression de l'avoir déjà oublié, de sentir ses muscles sous les paumes de ses mains, de frotter son nez un peu partout dans ses cheveux et contre sa mâchoire. Et quand le vigile lui demande s'il fait rêver dans cette tenue il sort de ses pensées et ne peut plus se retenir de rire, Terrence, son corps frêle secoué de spasmes. Tu fais rêver ouais et il ne mesure pas la portée de ses mots, ne réalise pas à quel point c'est vrai, qu'Harvey le fait déjà rêver avec sa voix suave, son corps imposant mais fin, ses gestes tendres, son sourire timide, ses cheveux fous et les souvenirs qu'il avait déjà commencé à disséminer malgré lui aux quatre coins de la mémoire de Terry. Et puis Harvey lui intime de poser la poêle et le tire contre lui pour qu'il s'assoie sur ses cuisses. Il a le ventre transpercé par tout un tas de petits courants électriques et il ne bouge plus, Terrence, ne dit rien. Et quand le vigile lui tend la fourchette Terry a d'abord un mouvement de recul, surpris mais touché bien qu'un peu effrayé. Parce qu'il n'a pas faim mais ne saurait pas comment lui dire non. Parce qu'il ne mange jamais vraiment le matin et a l'estomac en vrac. Parce qu'il a l'impression d'être un enfant qui n'a pas fini son assiette à qui on dit "ouvre la bouche" sans lui demander s'il en a envie. Pourtant, il sait que venant d'Harvey ce n'est pas un ordre et qu'il est dans une démarche de partage alors il ouvre la bouche malgré tout et mâche la bouchée en l'observant manger son oeuf avec avidité. Il l'observe et il est troublé de la facilité avec laquelle il s'est greffé ici comme s'il avait toujours été là, comme s'ils se connaissaient depuis des années, la pudeur au placard et les soucis sur le palier. Il est troublé par tout ce qu'il est, par toutes ces parcelles de lumière qui émanent de lui et qui viennent s'écraser un peu partout ici, sur Terry y compris. Et ca lui fait du bien. Harvey l'apaise et le révèle. Il le tire vers le haut et c'est spontané, débordant, fascinant. C'est les chaines qu'on retire et du lest que l'on laisse partir et en le regardant, il se demande s'il a déjà connu quelqu'un comme lui, quelqu'un d'aussi prodigieusement indispensable à son équilibre. La réponse est non. Alors il avale son oeuf et accueille le baiser d'Harvey dans un sourire, yeux fermés, la langue qui se délie et les mains du vigile qui viennent se perdre sur son corps. Il sursaute, Terry, le corps en flammes et les poumons à l'arrêt. Et quand il le soulève pour l'assoir sur la table il lâche un gémissement de surprise, s'agrippe à ses épaules en gardant ses lèvres emprisonnées contre les siennes. Il sent le désire poindre à nouveau et c'est l'incendie quand il devine les doigts d'Harvey retourner à sa peau et tirer sur l'élastique de son short. Il veut un dessert. Il le veut lui. Il le veut encore. C'est ce qu'il murmure contre ses lèvres. Ca explose alors dans tous les sens à l'intérieur de Terrence et il ne peut plus rien contenir ou contrôler. Alors prends-moi. J'attends que ça. C'est dans un souffle, c'est langoureux et il ne se reconnait pas mais ça fait un bien fou parce qu'il arrête de penser, ne réfléchit plus à rien, libère ses peurs et les laisse prendre le large le temps de quelques heures. C'est sensuel, indécent, c'est soufflé comme une invitation tandis qu'il retire le t-shirt d'Harvey avec frénésie juste avant que son amant ne fasse la même chose et lui dévore le torse. Il ferme les yeux, tête basculée en arrière. Les gestes sont hâtifs, impétueux et pressés et il halète avec fureur, Terry, impatient qu'Harvey le domine totalement parce qu'il a envie de se soumettre sans retenue aucune et quand il fini par s'imposer il s'allonge sous son corps en soupirant d'aise. Lui aussi le veut, furieusement, prodigieusement, désespérément, mais il n'avait pas osé l'exprimer jusqu'à ce qu'Harvey prenne les devants. Il n'avait pas osé par peur d'être trop pressant, d'en demander trop, mais il réalise finalement qu'ils sont tous les deux dans le même état, incapable de résister à l'attraction puissante qui s'exerce entre leurs deux corps, aimantés, appairés. Les souffles se mélangent et puis il croit qu'un truc tombe au sol mais il s'en fout Terry, écoute à peine les mots d'Harvey parce que ce n'est qu'une assiette et qu'il en a d'autres plein le placard mais il n'a pas d'autres Harvey et que l'instant qu'ils sont en train de vivre est unique et ne se reproduira jamais exactement comme il est. Alors il lâche un on s'en fout..., les yeux fermés et les mains agrippées contre ses reins. Il a envie de lui, de le sentir s'inviter au creux de son corps et ça le dévore, c'est pulsionnel, c'est vorace et carnassier et il ne se connaissait pas comme ça. Mais tant mieux, parce qu'il ne voulait l'offrir qu'à Harvey. Ce dernier a d'ailleurs surement laissé tombé l'histoire de l'assiette brisée au sol parce qu'il laisse ses doigts s'aventurer contre l'élastique de du short de Terrence, alors il soulève bassin pour l'aider à le retirer et les jambes s'écartent tandis que ses mains appuient sur l'arrière de sa tête pour le ramener à lui, que leurs bouches puissent se retrouver. C'est puissant et quand il le pénètre il se cambre, Terrence, ses mains désormais accrochées de chaque côté du visage d'Harvey. Il murmure son prénom, ponctue ses soupirs de "encore" et de "t'arrête pas je t'en prie" et la table bouge sous le poids de leurs corps et au rythme des coups secs de son amant, si bien qu'en quelques minutes elle fini par tanguer dangereusement en menaçant de se briser. Il n'a pas le temps de se lever, Terry, qu'une patte casse, puis une deuxième. Il pousse Harvey rapidement sous le coup de la surprise et se remet sur ses pieds, une main devant la bouche en regardant l'état de sa table. C'était un vieux meuble en bois pas très solide qu'il avait récupéré dans une brocante pour ne pas avoir à en acheter une neuve, et happé par la passion il n'avait pas du tout pensé qu'ils pourraient l'éclater comme ils venaient de le faire. On a ... pété ma table ? et il explose d'un rire sonore. Putain on a pété ma table ! Il se retourne vers Harvey et le dévore des yeux, le rire qui s'estompe doucement. On a pété ma table... Il le bouffe du regard et sans réfléchir le pousse doucement contre le mur juste derrière et vient l'embrasser comme il ne l'a encore jamais embrassé depuis Gold Coast, les mains qui se perdent dans ses cheveux, les bras qui emprisonnent son visage avant de laisser ses paumes glisser jusqu'à ses hanches. Harvey je brûle et sans attendre parce qu'il ne tient plus, il lui prend la main, l'emmène à l'autre bout de la pièce, le pousse sur le matelas au sol qui lui sert de lit et se laisse tomber à genoux avant de le chevaucher et de lâcher un soupir rauque tandis que son bassin descend pour prendre possession de lui. Il prend le contrôle, Terry, prend le lead et après avoir posé les mains d'Harvey contre ses hanches qu'on pouvait sentir glisser sous sa peau fine au rythme de ses ondulations, il place ses bras en arrière, paumes contre le matelas, tête basculée. Il le veut, il le veut et ce qu'ils s'offrent mutuellement est effroyablement bon, c'est sans retenue, sans condition. Il passe une main dans ses cheveux bouclés, lascivement, le souffle court. Il offre, il offre il offre, c'est nouveau pour lui et son corps prend feu, cuisses serrées, toutes côtes dehors, bouche entre-ouverte, gémissements libérés, coups secs et vigoureux et il se dit qu'il n'y a probablement plus aucun homme qui sera capable de lui faire reprendre vie comme ça. Ils s'abandonnent l'un à l'autre, l'un dans l'autre, et quand il sent la jouissance lui flamber le corps il tire Harvey contre lui le forçant à se redresser et le serre comme si l'équilibre du monde ne dépendait que de cette seule étreinte. Il le serre aussi fort qu'il peut, son esprit se perd et sans comprendre il sent des larmes lui brûler les paupières et rouler sur ses joues, le corps humide secoué de spasmes, la lèvre chahutée par des sanglots silencieux. Il refuse de lâcher Harvey et se sent terriblement vulnérable tout d'un coup, vidé de tout, tremblant, les barrages à sec, les barrières éclatées. Il se dit qu'à cet instant le moindre truc pourrait le faire tomber alors il s'accroche pour ne pas glisser, s'accroche et renifle en tentant de camoufler son émotion parce que c'est nul un mec qui pleure après l'amour, c'est ridicule. Il ne veut pas s'éloigner parce qu'il ne veut pas qu'il le voit dans cet état alors il reste là, les bras enroulés autour des épaules d'Harvey une main contre sa nuque et le palpitant en pièces détachées. Le sexe, il n'avait jamais utilisé ça comme vecteur de plaisir, Terrence. Jamais. Et c'était peut être un peu trop d'un coup pour lui, toutes ces émotions positives lancées comme des boulets de canon contre son coeur. Pour éviter qu'Harvey ne lui demande s'il pleure il lui dit, le nez un peu bouché J'ai une douche au fait. Tu peux y aller si tu veux. Mais il reste accroché, petit koala encore secoué par tout ce qu'il venait de vivre et qu'il n'avait jamais osé un jour espérer.
Spoiler:
pirouette cacahuète.
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:25, édité 1 fois
→ Alors voilà ce que ça fait d’être simplement heureux et de ne plus penser à rien ? Se laisser transporter par l’euphorie et l’insouciance du moment sans penser aux lendemains foireux à venir, sans penser aux soirées en solitaire, sans penser à toute la merde du quotidien habituel. S’accorder ces instants précieux et chérissables de pur bonheur, profiter de la douce euphorie qui s’infiltre en nous, court dans nos veines, alimente nos battements de cœur frénétiques et nous rappelle avec mélancolie cette petite brise d’innocence liée à l’enfance qui nous permettait encore d’avoir des rêves. Elle est là la vie, elle explose tout autour de nous. Elle est dans ce rire fluet qui s’échappe de ses lèvres, elle est dans son sourire éclatant et elle coule sur nos corps mouillés sous la pluie orageuse. Elle est dans son empressement à regagner son appartement nu, elle est sur ce toit, chemin risqué trop de fois emprunté pour que le danger soit réel, elle est dans nos sourires bienheureux, trahissant notre sentiment commun d’ivresse et l’envie grouillante qui a pris naissance au cœur de nos ventres et nous attire irrésistiblement l’un contre l’autre. Elle se révèle dans toute sa simplicité, pure et si essentielle, alors que nous partageons un petit-déjeuner avec tendresse, lui assis sur mes cuisses après avoir cuisiné deux œufs. Et c’est pour ces moments de partage, uniques et si simples qu’ils en paraissent futiles, que j’apprécie de vivre. Même s’ils ne durent pas, même s’ils se terminent toujours, même si le quotidien reprend le dessus toujours accompagné du fidèle désespoir, je peux me vanter d’avoir eu du répit, et j’y puise toute ma force. C’est ainsi que je survis depuis toujours, pour ces moments impromptus, surprenants qui me nourrissent et viennent combler mon âme errante. J’aimerai que le moment dure à jamais. J’aimerai ne jamais quitter cet appartement et figer le temps pour revivre continuellement cette matinée parfaite Et mes lèvres ne résistent pas à l’envie de picorer les siennes à nouveau, le baiser rallume les braises du foyer brûlant et incandescent qui nous crame la peau et les organes, nous rend fous de désir l’un envers l’autre. Son injonction face à la formulation de mon envie grandissante fait tout exploser à l’intérieur de moi. ‘Prends-moi’, ces deux mots sont prononcés dans un murmure pressant, et je ressens toute son envie, comme une nécessité, un besoin impérial qui est en train de le bouffer à l’intérieur. Mes lèvres se délectent de sa peau douce et mes mains caressent avec avidité son corps, glissant dessus sensuellement, nourrissant et accentuant le désir profond ressenti. L’assiette tombe au sol et se fracasse dans un bruit sourd ce qui me perturbe quelques secondes seulement, avant que je me concentre de nouveau sur lui et l’exploration de son entière anatomie. Mes lèvres cherchent les siennes avec gourmandise, l’une de mes mains glisse dans sa chevelure bouclée et soyeuse tandis que je m’insère en douceur en lui, unissant nos corps à nouveau dans une fièvre bouleversante. Des sons rauques s’extirpent de mes lèvres collées à sa peau, dans son cou, sur sa mâchoire, sa joue et ses supplications me rendent un peu fou. Je redouble d’ardeur, dans une frénésie insatiable et les claquement secs de nos corps résonnent dans la pièce et font échos à nos gémissements lascifs. L’équilibre précaire de notre position est rapidement menacé par la fougue qui a pris possession de nous, et c’est dans la surprise la plus totale que la table s’écroule brutalement, sans prévenir, séparant cruellement nos deux corps passionnés en nage. – Putain on a pété ma table ! Je réalise difficilement ce qui vient de se passer, un peu sonné par la rapidité de la chose à laquelle je ne m’attendais pas vraiment. Et frustré par cet arrêt brutal, aussi. Le souffle court, perturbé, je balbutie un peu bêtement – Je… J’suis désolé… J’voulais pas… Casser la table, non. Je me suis laissé emporter par la fougue, par l’impétuosité de mes envies, incontrôlables, inaltérables, puissantes. Le rire de Terrence qui claque dans la pièce me rassure en me faisant comprendre qu’il ne m’en veut pas. Soulagé, je lâche un soupire avant de sentir la flamme brûler en moi à nouveau, face à son regard déterminé. Je recule jusqu’au mur lorsque Terrence me plaque contre ce dernier, et l’envie grouillante devient impériale et domine tout mon corps et mon esprit. Il prend les devants, Terrence, et ses lèvres s’imposent furieusement sur les miennes, sa langue s’invite dans ma bouche et m’arrache ce baiser voluptueux tandis que ses mains agrippent mes cheveux et mon visage avec force. Et je me plie à sa volonté, je me plie à son désir avec un plaisir démesuré et inavouable, appréciant tellement d’être dominé ainsi et de le sentir maître du moment. Il m’entraine sur son matelas posé au sol, et là encore je me laisse choir dessus, curieux et en ébullition. Je le dévore du regard alors qu’il grimpe sur moi, qu’il s’impose et lie nos corps. Le désir est amplifié devant la vision qu’il m’offre de lui, son dos arqué vers l’arrière, son visage basculé ne me laissant que deviner ses traits bouleversés par le plaisir qui nous transcende. Mes mains posées sur ses hanches accompagnent ses mouvements suaves, et j’ai beaucoup de difficulté à maîtriser le plaisir qui enfle, m’accapare entièrement. A cet instant, plus rien d’autre ne compte, tout le reste est occulté. Il n’y a que lui. Je ne vois que lui. Je ne sens que lui. Il est partout. Sur moi, en moi, sous mon épiderme, partout. Et la jouissance se fraie un chemin et fourmille partout en moi, elle débarque, déchirante et explosive, m’arrache un cri puissant qui fait trembler les murs. Je suis soufflé par la force du moment, percuté par la puissance qui émane de lui et qui me surprends, me possède, m’envahit. Je le serre contre moi, l’étau possessif de mes bras autour de son corps frêle et je l’accompagne dans l’accomplissement de son plaisir à son tour, mes lèvres venant grignoter son épaule délicatement. Je caresse ses cheveux, son dos et le maintien fermement contre moi, avec la volonté et le désir de ne pas le laisser s’échapper ou s’éloigner. Et c’est alors que je le sens trembler, il s’effrite brusquement Terry, il s’éparpille en miettes tout autour et ma gorge se noue tandis que je ressens la violence de son émotion. Désireux de ne pas le laisser tomber, je le serre furieusement un peu plus contre moi et le laisse enfouir son visage dans mon cou. Je fais abstraction des larmes qui mouillent mon épaule et mon torse, car j’ai tellement peur de leur signification. Je me mure dans le silence, sans changer de position, la peur au ventre. J’ai peur de l’avoir déçu, peur de l’avoir embarqué dans quelque chose contre son gré, peur qu’il regrette tout ce qu’il se passe entre nous. Et la confiance qui m’accompagnait jusqu’à présent, se fissure brusquement. Je ferme les yeux, enfouit mon nez dans les boucles brunes parfumées et mes mains caressent lentement ses flancs. Ne pleure pas, ne pleure pas s’il te plait. Pourquoi est-ce que mon cœur se fissure au son de ses sanglots qu’il tente en vain de ravaler ? Pourquoi est-ce que ça fait autant de mal de le sentir aussi vulnérable, aussi secoué et bouleversé ? Pourquoi est-ce que j’ai la douloureuse impression que c’est de ma faute, encore une fois ? Ne puis-je pas simplement le rendre heureux tout comme lui le fait avec moi ? Suis-je incapable de faire le bien, réellement ? Et mes lèvres n’ont de cesse d’embrasser sa peau, comme si mes baisers pouvaient effacer la douleur, faire fuir toutes les pensées négatives, apaiser tous ces tourments, et chasser, chasser mes peurs qui reviennent au galop et m’encerclent. Je le désire tellement, Terrence. Tellement. – J’ai une douche au fait. Tu peux y aller si tu veux. Et ces paroles me brisent le cœur, bêtement. Car il insinue que je puisse y aller sans lui et envisager cette séparation me broie bêtement mon organe vital. Je fronce les sourcils et redresse la tête, pour que mes prunelles puissent faire face aux siennes. Avec délicatesse, mes mains se posent sur ses joues et encadrent son visage. Mes pouces lissent les larmes encore présentes et je l’observe un court instant sans comprendre. Qu’est-ce qu’il se passe Terrence ? Qu’est-ce que tu ne me dis pas ? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? J’inspire profondément et je ne trouve pas de réponses dans ses yeux. L’incertitude et l’angoisse viennent nouer mon ventre, et je tente de les repousser tant bien que mal. Alors mes lèvres se posent sur les siennes, dans un baiser tout doux, un baiser délicat, un baiser qui signifie que peu importe ce qu’il y a, que même si je ne comprends pas, je l’accepte tel qu’il est en me fichant du reste. Et puis, je murmure doucement, d’une voix suave - Viens avec moi… Ma main repousse les boucles qui tombent sur son front, et je m’émerveille de sa beauté si délicate, avant d’insister – Sous la douche. J’veux pas te quitter. Et mon regard parle pour moi alors que je le couve avec tendresse. Mes mains l’aident à se décoller de moi et je me relève péniblement, les jambes chancelantes, encore secoué par l’orgasme violent qui m’a possédé il y a quelques instants. Je me saisis de sa main et le tire vers le coin de la pièce que j’ai déjà repéré et qui constitue sa salle de bain ouverte. Je tire le rideau de douche, entre à l’intérieur et l’entraine à me suivre, ouvrant les robinets pour que l’eau coule rapidement sur nos corps. Et il y a ce moment de gêne qui s’installe, ce moment où le naturel s’en va et où la peur frappe de nouveau. L’impression de ne pas être légitime ici, de m’imposer. Alors, maladroitement, je lui demande – ça ne te dérange pas que je reste hein ? Si tu veux que je m’en aille, c’est… Fin tu peux me le dire, j’vais pas le prendre mal. Je n’ai nullement envie de partir, mais ses pleurs m’ont secoué et m’ont mis le doute. Je ne suis plus très sûr de moi, ni que Terrence ait réellement envie de moi. Je ne veux pas qu’il se force, je ne veux pas qu’il se sente obligé de quoi que ce soit. J’attrape le gel douche et en verse dans ma main, un peu hésitant à le toucher désormais, perdu entre mes désirs et mes peurs à nouveau. Et je perds pied, je me maudis, j’ai envie d’hurler et je me hais. Putain, ce que je me hais d’être aussi trouillard !