C'est un éboulement, une tornade, un tsunami d'émotions qui lui traverse le corps et il n'était pas préparé à ce que ça le percute de cette manière, avec autant de force de beauté et de délicatesse, avec autant de douceur et de poésie. Il n'était pas préparé à accueillir Harvey dans sa vie bordée par le chaos, pas prêt parce qu'il n'y a que du bon dans ce qu'ils partagent et que ça le bouleverse comme jamais il n'a été bouleversé. Ce soir, au Confidential Club, les astres s'étaient alignés pour qu'ils se rencontrent enfin, pour qu'ils arrêtent d'être des inconnus, qu'ils cessent les regards de loin et les mots retenus. Et ce qui était merveilleux, c'était ce petit coup du destin, cette main invisible qui les avait placé là tous les deux, un peu au hasard, sans savoir si ça collerait. Et contre toute attente, ça avait collé. Il ne s'en rendait pas encore vraiment bien compte, Terrence, mais Harvey était probablement la pièce manquante du puzzle, ou peut être qu'il était toutes les pièces en vérité, le puzzle entier, peut être qu'il était ce tout qui lui manquait pour se sentir complet, que c'était de lui dont il avait besoin depuis toutes ces années pour pouvoir respirer, lui dont il avait besoin pour arrêter de survivre et vivre enfin sans se noyer. Ce que lui offre Harvey ce matin, c'est une palette infinie de couleurs et beaucoup, beaucoup de lumière. C'est un souffle d'espoir, un condensé de tout ce dont Terrence a toujours rêvé sans jamais osé l'espérer. C'est au delà de tout et c'est détonnant, magnétique et follement sauvage mais c'est comme ça que ça devait se passer, pas moins vite, pas moins fort, pas moins impétueux. C'est une voiture lancée à toute blinde sur une ligne droite et il n'y a pas de virage ou de nid de poule, pas le moindre grain de sable dans la machine pour tout faire foirer, pour causer l'accident fatal. Ce que lui offre Harvey, c'est l'aperçu de lendemains surement moins sombres, moins insipides, moins effrayants surtout, la certitude que finalement tout n'était peut être pas encore perdu, que mourir n'était pas pour tout de suite et qu'il avait le droit d'exister et d'être heureux. Et c'est si facile, si normal, si évident de l'avoir ici auprès de lui, si bon de l'accueillir dans cet appartement, contre son corps encore et encore, c'est si profond qu'il n'en revient pas, ne réalise rien du tout mais ce n'est pas grave parce que ça fait du bien de se laisser simplement porter parfois, à rester allongé dans l'océan, les bras en croix, les yeux fermés, bercé par les remous. Il se laisse aller parce qu'il n'a plus peur, parce qu'il lui donne sa confiance sans condition et sans retenue, la dépose dans ses mains rugueuses et ne la retient pas. Et c'est assez dingue d'imaginer qu'il en était déjà arrivé là, Terry, alors qu'ils se connaissaient à peine et pourtant c'est ainsi, il ne pouvait pas faire autrement, le coeur en flammes, les sentiments en fleurs. Il accueille à nouveau Harvey en lui sur cette table bancale, se dit qu'il pourrait lui faire l'amour mille fois parce qu'il le désire si fort et que c'est une émotion nouvelle et infinie, qu'elle n'a ni début et ni de fin. Ca le consume, lui corrode le coeur et lui ravage les tripes mais c'est bon, terriblement bon, intense, animal, brut, explosif. Le corps moite il le serre, épouse ses coups, gémit contre sa peau et la valse de leurs ébats fini par prendre tant d'ampleur que le meuble sur lequel ils se trouvent se brise. Harvey s'excuse mais ce n'est rien. Assiette, table, il s'en fout, Terry, pas matérialiste pour un sous, capable de bouffer par terre ou de se laver dans une bassine s'il n'avait pas de douche. Il savait se débrouiller avec un rien et une table n'était pas indispensable. Ni une assiette d'ailleurs. Mais un Harvey... un Harvey ça ne se remplace pas. Ca ne se substitue pas. Parce qu'il n'y en a qu'un. Un seul. Et il est là. Là. Juste à lui le temps de quelques heures parce qu'il a dit oui pour rester. Il n'a pas envie de le remplacer, Terrence, comme on le ferait avec une assiette cassée ou une table pétée. Il n'a pas envie parce qu'il veut le réparer, il veut être celui qui saura colmater les brèches, consolider la structure, recoudre les blessures et regonfler la voile. C'est peut être un peu prétentieux, mais lorsqu'il le regarde c'est ce qu'il pense, c'est ce qu'il veut. Il veut être à lui, être le seul, effacer les erreurs des autres, embrasser ses cicatrices, lui montrer à quel point il est beau et merveilleux, lui apprendre à s'aimer, un peu au moins, lui montrer ce qu'il est vraiment mais qu'il n'arrive surement pas encore voir. Un instant il l'observe et il sait qu'il ne peux pas éteindre l'incendie qu'Harvey a allumé en lui alors il plonge sans filet, l'emmène sur le lit et lui fait l'amour comme il ne l'a jamais fait encore avec personne, le corps en offrande et les émotions étalées tout autour sans protection ni défense, juste lui, lui tout entier, lui dans ce qu'il a de plus fort et de plus fragile. Lui. Pour lui. Il pourrait le briser d'un claquement de doigt mais il lui fait confiance les yeux fermés, Terry. Les yeux fermés. Il se libère de ses chaines, se transcende, prend les devants et ça lui plait furieusement. Harvey, il lui a recollé l'âme au corps, comme Peter Pan qui cherchait désespérément son ombre, l'a éclaboussé de tout un tas de soleil et il brille, Terrence, il brille. Et dans un orgasme il meurt, serre Harvey contre son corps alors que ce dernier se libère en lui dans un cri bestial qui ébranle tout et il en tremble, Terry, parce qu'au moment précis où leurs corps fusionnent dans un même éclat il a l'envie folle de lui dire à quel point il pense qu'il l'aime, à quel point il le trouve magnifique, à quel point il a craqué pour lui tous les jours depuis six mois, à quel point il a peur que toute cette histoire de soit rien de plus qu'un feu de paille, qu'il en crève parce qu'Harvey finira fatalement par s'en aller sans jamais revenir, sans regarder en arrière. Il est terrifié à l'idée qu'on puisse l'abandonner, lui qu'on a trop souvent laissé tomber. Il est ce bébé dont on a pas voulu, ce fils adoptif qu'on a rejeté et battu, cet ami qu'on a laissé, ce corps qu'on utilise sans jamais le retenir plus que ça, il est cette ombre qu'on ne remarque pas, ce fantôme dont le coeur était fermé à double tour pour éviter qu'on ne vienne le lui piétiner. Fermé à double tour, oui, jusqu'à aujourd'hui. Ca lui fait peur et il tremble, et il pleure, et il s'accroche parce qu'il ne peut faire que ça sans avoir à parler, sans avoir à se confier. Il se doute qu'il devra peut être le faire, que si Harvey remarque sa détresse il voudra une explication mais c'est tout le contraire qui se passe et quand il sent qu'il le serre en retour, fort, fort, il ferme les yeux, Terrence, parce qu'il a besoin de cette étreinte, parce qu'il sait que ça garde les morceaux en une seule et même pièce, que ça le rassemble et lui permet de ne pas s'éparpiller dans tous les sens en million de brisures. Il s'agrippe à sa nuque encore brûlante et laisse son nez se perdre dans ses cheveux blonds, se perdre contre sa peau humide dont il aime tant l'odeur. Il sent qu'Harvey a compris que ça n'allait pas dans la façon rassurante qu'il a de lui caresser délicatement les flancs et ça marche. Ca fait du bien, c'est doux et effroyablement sécurisant. Il renifle, Terry, voudrait se fondre dans le corps d'Harvey pour toujours, voudrait lui avouer que tout ça c'est beaucoup trop mais qu'il en veut quand même plus, qu'il ne veut rien arrêter, rien stopper ni rien ralentir, qu'il a juste besoin de se faire à l'idée que le bonheur avait peut être enfin trouvé sa porte. Mais il se tait, encore, laisse son amant lui picorer la peau et il pourrait le couvrir de merci pour ça parce qu'Harvey ne le rejette pas, accueille ses larmes sans le questionner, sans le juger, sans le condamner. Au contraire, il tente de le rassurer, d'apaiser son coeur et c'est tout dont il avait besoin finalement. Il se retient d'éclater en sanglots et son thorax se soulève, les épaules qui tremblent et les jambes qui se resserrent contre le corps de son amant. Comment on fait encore pour respirer? Ah oui : Harvey. Il inspire alors sa peau et s'accroche à lui avec l'énergie du désespoir, conscient qu'il n'est plus seul. Et c'est bien la première fois qu'il suspend son coeur contre celui d'un autre, bien la première fois qu'il ouvre les verrous et jette la clé sans regret. C'est au moment de lui proposer d'aller se doucher qu'Harvey se recule et il ne veut pas qu'il le voit comme ça Terrence alors il fronce les sourcils mais il n'a pas la force de lutter alors il laisse ses mains lui saisir le visage et éponger ses larmes, s'autorise à plonger ses yeux verts un peu trop brillants au fond des siens et il ne pleure plus, déglutit puis détourne le regard. Il a honte, Honte d'être ce mec qui chiale après la baise, et peut être qu'il pense à ça, Harvey, peut être qu'il se dit qu'il aura peur désormais de lui faire l'amour parce qu'il ne veut plus avoir une flaque de larmes contre son épaule. C'est terrible comme situation, mais il ne peut pas se contrôler, Terry, trop honnête, trop entier, trop intense. Il vit tout à 200 à l'heure mais souvent il ne sait pas maitriser l'assaut d'émotions qui le traverse. Et c'est le cas ici. Il se demande ce que cherche Harvey en l'observant si longuement, il se demande s'il doit parler, lui expliquer, s'il a besoin de poser des mots sur ses larmes ou s'il a compris, s'il doit se confier au risque de le faire fuir ou au contraire continuer à se taire. Il préfère se taire, le coeur en apnée et quand Harvey l'embrasse il se laisse faire parce que c'est exactement ce dont il a besoin, comme une bouffée d'air, une main tendue qui le sortirait de l'eau. "Viens avec moi…Sous la douche. J’veux pas te quitter." Boom. Ca éclate. Ca perfore les chairs et détruit les os et il tire, Terry, tire de toutes ses forces sur le levier qui permet de fermer le vannes pour ne pas pleurer et il y arrive mais les mots de son amant, prononcés avec tendresse, lui mordent les côtes. Il les sent, les papillons, voler avec frénésie contre les parois de son ventre et il ferme les yeux avant d'hocher la tête positivement. Harvey ne veut pas le quitter. Cette phrase se répète en boucle dans sa tête, s'imprime contre son coeur et elle fait l'effet d'un elixir, d'un cataplasme. Harvey ne veut pas le quitter. Et Terrence ne veut pas le quitter non plus. Alors ils séparent leurs corps et se lèvent avant de se rendre dans la salle de bain. Pour une fois ce n'est pas lui qui prend les devants, Terry, pas lui qui donne l'impulsion et ça fait du bien de sentir qu'Harvey agit même s'il le sent mal à l'aise. C'était surement ces putains de larmes qui l'avaient incommodé et il retombe de son nuage, réalise qu'il l'a surement trop embarrassé. Ca l'effraye mais il ne dit rien, l'observe allumer l'eau et il le suit avant de refermer le rideau. Il ne bouge pas, Terry, les bras resserrés l'un contre l'autre devant son torse, tête baissée et alors que l'eau vient laver son corps il s'autorise à laisser quelques larmes sortir à nouveau, parce qu'elles ne se verront pas, parce qu'il ne peut de toute façon pas les retenir, parce qu'il est encore trop cassé pour être fort tout le temps sans s'effondrer parfois. Harvey lui parle et il l'écoute, la respiration saccadée, il l'entend lui dire que s'il veut qu'il parte il le fera et ça lui défonce le coeur à Terrence parce qu'il réalise que c'est l'impression que ces larmes ont donné. A bout de force il laisse son front tomber doucement contre l'épaule de son amant, les boucles humides collées contre ses tempes, le corps secoué de sanglots qu'il n'essaye même plus de retenir. Il a besoin qu'il le serre, besoin de ses bras, mais il n'a pas envie de le mettre plus dans l'embarras alors il se redresse et s'éloigne pour ne pas qu'il ait à se forcer, pour ne pas qu'il se sente obligé de le réconforter. Doucement il lève les yeux vers les siens, déglutit, inspire. Expire. Je veux que tu restes. Pars-pas. Je veux que tu restes avec moi. Il délie ses bras, fait un pas vers lui et vient timidement toucher le ventre d'Harvey du bout des doigt avant de glisser les paumes sur ses côtés jusqu'à son dos. Il se colle à son corps et ça n'a rien de sexuel, c'est tendre, c'est hésitant, et il se demande si Harvey peut sentir son coeur battre comme un fou contre son torse parce que lui, ça lui fait mal. Il ne le regarde pas et c'est le moment parfait pour lui parler, pour se confier un peu. J'ai aimé quand tu es revenu vers moi en sortant de la serre. Quand tu m'as rejoint dans la cuisine et quand tu as partagé tes oeufs avec moi. J'ai aimé que tu me fasses l'amour Harvey, j'en tremble encore et c'était merveilleux. Je voudrais te faire l'amour pour toujours. Tu sais, j'avais jamais... Il hésite, se dit que c'est peut être trop d'informations, trop de confidences, trop prématuré pour une première journée mais il est comme ça, Terry, sans filtre, pudique mais sans tenter de camoufler. Alors il se lance tandis que l'eau leur martèle la peau. J'avais jamais ressenti ça. Jamais aimé faire ça. Tu m'as donné tellement d'air, tellement d'oxygène alors que moi j'étouffais et je me suis envolé si haut que j'ai eu peur de tomber et de me briser. C'est pour ça que j'ai pleuré. C'est con, c'est nul j'suis désolé. Et pour te dire la vérité, j'ai eu peur que ce soit trop tout, trop beau, mais non en fait, non, ça sera jamais trop. Et moi je veux que ce soit trop. Je te veux toi, Harvey. Sous la douche, dans mon lit, sur le tapis, sur la table, dans mon.. Il se recule, veut le lui dire les yeux dans les yeux parce que c'est important, parce que ce n'est pas une info qu'on lâche le dos tourné en se défilant. ... coeur? Dans ma vie? je sais pas je.. Je te veux c'est tout. Pars-pas. Je veux pas. Je veux pas. Il pose une main contre son torse pour calmer le palpitant avant qu'il n'explose et la respiration lourde il poursuit. Tu me fais tellement de bien, Harvey, t'es... Je...je... Il l'aime. Il l'aime. Mais il se mordre la langue pour ne pas le lui dire parce que ça serait n'importe quoi, ça serait lui dire reste tout en lui sommant de fuir. Et ca lui fait terriblement peur à lui aussi alors il n'ajoute rien de plus et laisse son "je" mourir dans sa gorge. Il ne comprend plus ce qui se passe, Terry, pris dans une machine à laver lancée à puissance maximum, la tête qui tourne et les jambes qui flanchent. Reste. Reste....j't'en prie, reste. Il se mord la lèvre, ne laisse pas le temps à Harvey de répondre ou de réagir parce qu'il a peur de l'entendre dire que c'est trop, qu'il a finalement changé d'avis et qu'il va s'en aller. Il ne lui laisse pas le temps de répondre et ne le regarde pas non plus, épouvanté à l'idée d'y voir de la peur ou du dégout alors il sort de la douche et s'enroule rapidement dans une serviette avant de sortir de la salle de bain et de souffler fort, d'un coup, les épaules qui se relâchent. Il fait les cents pas, soudain anxieux, terrifié, parce qu'il a peut être dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Et il étouffe d'être si stupide. Sans réfléchir, il choppe une toile vierge et laisse tout exploser dessus, les couleurs qui se mélangent, les traits qui prennent vie. Sa serviette tombe et il s'en fout, les larmes qui perlent sans retenue sur ses joues et le visage déformé par la rage il peint, avec les mains, avec de grands coups de pinceaux, avec colère, les boucles humides qui valsent dans tous les sens et finalement il s'arrête, à bout de souffle. Sur la toile, on y voit un visage, le sien, le sien avec ses gros sourcils et ses cheveux bouclés, on y voit son visage barré, raturé par d'autres traits sombres, parce qu'il est rempli de noir, Terry, lui qu'on qualifie souvent de solaire. Et il se retourne vers Harvey, se calme doucement, le torse qui se soulève et qui s'abaisse lourdement au rythme de sa respiration. Les larmes ne coulent plus, et peindre lui a fait du bien. Reste. Si t'as pas peur de ça... du noir. De moi. Le corps nu couvert de peinture, il déglutit mais ne lâche pas Harvey du regard, les sourcils affaissés par la tristesse et l'appréhension. Et s'il avait eu peur d'affronter la vérité sous la douche, désormais il brave ses peurs. Voilà ce qu'il est, Terrence. Voilà ce qu'il est. Petit mec qu'on ne voit pas, le coeur en lambeau et l'envie farouche de s'en sortir malgré tout. La seule question qu'il se posait, Terry, était la suivante : en vingt-huit ans, personne n'était resté. Alors pourquoi Harvey le ferait? Pourquoi voudrait-il de lui?
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:28, édité 4 fois
→ Fusion. Fusion des corps, fusion des cœurs et fusion des âmes. Comme un volcan en pleine irruption, les sentiments explosent et jaillissent, dévastant tout ce qu’il y a autour de par leur fougue et leur puissance. C’est une révélation, deux âmes qui se reconnaissent et se lient, s’accrochent désespérément l’une à l’autre, et ordonnent aux corps moites et gourmands de nourrir le désir insatiable qui est naît brusquement. Il aura fallu un contexte sordide pour nous lier, deux garçons plongés dans une vie morne et triste chacun de son côté, n’échangeant que de simples regards curieux, un brin admiratifs, et une bonne dose de banalité. Il aura fallu que Terrence soit mis en danger pour que je réagisse et que j’intervienne, que la glace se brise et que la distance imposée jusqu’alors se réduise considérablement puis finisse par s’envoler emportée par la douce brise matinale de Gold Coast. Baignés par la timide mais imposante lueur du jour qui se lève, les cœurs se sont dévoilés et ouverts, avec la volonté sincère d’être reconnus et de partager, intensément. De partager les doutes et les peurs, mais aussi l’euphorie de cette rencontre stupéfiante, partager la douceur et l’envie, partager un peu tout, poussés par un peu de folie. C’est la délivrance, la sensation de pouvoir être enfin libre et accepté sans contraintes, sans nécessité de se restreindre ou de s’imposer quoi que ce soit, c’est la sensation d’être juste soi et aimé pour cela qui emmêle les âmes encore plus fortement. Et les promesses, formulées à demi-mots, silencieuses et vibrantes, viennent ensevelir les doutes et les peurs de façon sécurisante. L’assourdissant bonheur qui martèle les poitrines et fait bondir les cœurs provoque une jouissance sans précédent, unique, évidente, puissante. Et c’est dans la fusion que tout éclate, tout explose, les corps tremblants enchevêtrés, les souffles haletants emmêlés, les baisers bruyants désirés. Tout est soudain plus fort, plus intense, plus brillant, plus incroyable. Et pour deux âmes en peine, amaigries, appauvries, en quête d’attention, tout est bien trop puissant pour être accepté facilement. Trop fort, trop intense, trop brillant, trop incroyable. Je ne comprends pas les pleurs de Terrence, je ne comprends pas pourquoi il se réfugie dans mes bras alors qu’il est secoué par les sanglots. Et aussitôt, alors que mon corps est encore secoué par les spasmes du plaisir transcendant qui vient d’éclore, la culpabilité s’installe. Elle s’immisce entre nous, pernicieuse et novice et nous éloigne inévitablement, bien que nos corps restent collés l’un à l’autre. Mon esprit divague, cherche les raisons pour lesquelles Terrence m’en veut, et pour lesquelles il pleure. Et j’en trouve des milliers, des milliers de mauvaise raisons s’imposent à moi tandis que la réalité m’échappe. Car je ne peux pas savoir qu’il est bouleversé Terrence. Bouleversé par ma tendresse, ma douceur et ma profonde considération de lui. Je ne peux pas savoir que je lui donne tout ce dont il a besoin à cet instant. Je ne peux pas savoir que c’est trop d’un coup, qu’il n’est pas habitué et que ce trop-plein de moi le bouleverse, crée un tsunami d’émotions qui a besoin de s’écouler dans les larmes et les pleurs. Je ne peux pas le savoir car je ne me crois pas capable de donner véritablement, en dépit de mon envie réelle de le faire. Et j’interprète ses larmes et son besoin d’extérioriser ses émotions comme des accusations silencieuses envers moi, comme si j’avais manqué quelque chose, raté malgré moi une occasion de me taire ou de ne rien faire, comme si j’avais mal agi, comme si je l’avais blessé en m’imposant trop brutalement en lui. Ça me fait mal, mais je connais bien ce sentiment-là, celui d’avoir merdé encore une fois, d’avoir causé du tort et fait du mal sans même avoir conscience de le faire. Ça m’est arrivé trop de fois. Inadapté, à côté de la plaque, bête. Je ne raisonne plus de façon objective car les doutes m’envahissent sous leur couche putride de désespoir, et pourtant je continue d’agir avec cohésion, l’envie toujours bien présente, viscérale, qui m’aide à l’entraîner dans la douche. Cependant, l’hésitation est bien présente, et alors que l’eau coule sur nos corps transpirants, lavant le désir collant qui s’est imprégné à même la peau, je lui fais part de mes doutes, lui livrant mes craintes maladroitement. Lorsqu’il vient reposer son front contre mon épaule, le corps secoué de sanglots, je sens mon ventre se serrer douloureusement car je ne sais plus quoi faire. Je ne comprends pas. Que se passe-t-il ? Le gel douche coule de ma main dans le fond de la baignoire et je l’observe, impuissant, se redresser et s’éloigner pour me dire – Je veux que tu restes. Pars pas. Je veux que tu restes avec moi. Ébranlé par l’incompréhension, je redeviens muet et mes sourcils se froncent légèrement. Les mains de Terrence glissent sur mon ventre, ses paumes passent sur mes flancs et se plaquent dans mon dos alors qu’il se colle à moi, torse contre torse. Les battements effrénés de son cœur pulsent contre ma propre cage thoracique et je finis par encercler son corps de mes bras puissants, sans réellement comprendre ce qu’il se passe. Dépassé par ses réactions, par mes pensées désordonnées, par mes peurs qui se confrontent à mes envies, par le doute qui brise la confiance instaurée, je le serre simplement contre moi. Et j’aimerai trouver le moyen de sécher ses larmes, d’apaiser ses tourments, de retrouver cette entente parfaite, cette alchimie exceptionnelle, cette douceur sensationnelle qui était présente il y a quelques minutes, lorsque nos deux corps fusionnaient avec ardeur. J’aimerai capturer ces instants grandioses pour les rendre éternels. J’aimerai être capable de balayer les doutes et d’envoyer nos peurs sur les roses. J’aimerai que le bonheur s’installe durablement et prospère. Et j’ai envie de croire que j’en suis capable. J’ai envie de croire que c’est possible. Car Terrence m’inspire la possibilité de lendemains plus brillants, car sa lumière s’est infiltrée en moi et a éclairé l’avenir. Et là, alors qu’il se serre contre moi comme s’il en avait besoin, je sens une force inégalable naître en moi et la volonté farouche, déterminée, d’essayer. Pour lui. Pour nous. Pour réparer ce qui est brisé. Terrence brise le silence. Sa voix fluette et douce s’élève dans la salle de bains, survole le bruit de l’eau qui s’écoule et trempe nos corps liés. Et il me confie ce qu’il a sur le cœur, ce trop plein d’émotions qui le submerge et le noie, et j’écoute avec attention tout en caressant tendrement ses boucles trempées d’un air attendri. Je me suis envolé aussi… Je plane encore, en quelque sorte… - Je te veux toi, Harvey. Sous la douche, dans mon lit, sur le tapis, sur la table, dans mon… cœur ? Dans ma vie ? Mon cœur se met à battre si fort, et je mords violemment l’intérieur de mes joues alors que mes mains se crispent sur son corps. J’aimerai qu’il ne dise rien, j’aimerai qu’il se taise car c’est à mon tour d’être submergé par ses mots, ils viennent heurter mon cœur avec violence, ils viennent nourrir mes veines et mon âme, ils viennent m’apporter tout ce que je désire le plus et j’ai peur. Peur que tout ça soit faux, peur de ne pas mériter tout ça, peur de ne pas être à la hauteur de l’amour qu’il m’offre. Car c’est de l’amour, non ? Quand ça palpite si fort ? Quand la moindre parcelle du corps réagit vivement ? Quand plus rien n’a d’importance ? C’est de l’amour n’est-ce pas ? Dans un souffle, j’avoue à mon tour – Tu me fais tellement de bien aussi, Terrence… Et malgré ses confidences, les regards sont fuyants et hésitants et à nouveau je suis perdu. Terrence agit comme s’il voulait tout me donner, mais qu’il avait peur de le faire malgré tout. Il me demande de rester, mais s’enfuit et me laisse seul sous le jet d’eau, perdu et abandonné. Et je ne comprends pas, non. Mon front se colle au carrelage et je mords mon poing alors que mes propres larmes s’écoulent à leur tour, silencieuse et abondante. Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, je ressens trop de choses puissantes à la fois pour réellement les comprendre. Je me sens surtout impuissant et dépassé, incapable d’apaiser Terrence qui vient de me fuir après m’avoir avoué aimer ma présence. Et je suis perdu dans cet océan d’émotions contradictoires. L’envie de fuir revient, mais je la chasse avec colère. Car non, je n’ai pas envie d’agir comme un lâche, je n’ai pas envie de quitter cet endroit, je n’ai pas envie de tourner le dos à toutes ses sensations merveilleuses qui m’ont captivés, qui m’ont permis de respirer, qui m’ont promis un renouveau tant espéré. Alors je tapote du poing le carrelage en me maudissant. Sois meilleur Harvey, ne fous pas tout en l’air putain. Sois meilleur. Une pression énorme vient s’ajouter au poids de la culpabilité sur mes épaules et je lave tous mes doutes, je les dissipe en frottant mon corps et en inspirant profondément pour récupérer une respiration stable et posée. Je ne laisserais pas mes émotions violentes gagner, je ne le veux pas. Alors, je retrouve la maîtrise de moi-même et lave mon corps avant de couper l’eau. J’enroule une serviette blanche autour de mes hanches après m’être brièvement essuyé et je m’avance dans la pièce. Je m’arrête lorsque je tombe sur un tableau surprenant, et je m’appuie contre le mur, bras croisés, en observant Terrence peindre. Il se perds dans la couleur, il se perds dans sa rage, il se perds dans tous ses sentiments. Ça déborde, ça part dans tous les sens, ça virevolte, ça s’éparpille tout autour de lui. Les gouttes de peinture tombent sur le sol, éclaboussent les murs et la table cassée au sol. Il y en a partout de la peinture, des émotions qui giclent, qui jaillissent en pagaille. C’est un geyser de ressenti qui émane de lui, qui sort en explosant. Je suis fasciné. Touché. Ému. Profondément ému. Mon regard coule sur lui avec une tendresse infinie, car je le trouve magnifiquement beau ainsi. Son authenticité inonde la pièce, l’illumine, la rends étincelante. Il est beau, unique, parfait, pur. Son innocence me touche et m’ébranle au plus profond de moi. – Reste. Si t’as pas peur de ça… du noir. De moi. Il se dresse dans sa plus grande vulnérabilité face à moi, Terrence. A nouveau nu, couvert de l’explosion bouleversante de son âme, il se révèle une fois de plus et c’est un sourire doux, calme et attendri qui étire mes lèvres et confronte son regard triste et apeuré. Je m’avance vers lui, sans le quitter du regard et mes mains viennent trouver les siennes, collantes de peintures. Je glisse mes paumes contre les siennes, je noue mes doigts aux siens et je les serre, ses mains d’artistes. Avec conviction, avec envie, avec désir et passion. – Je n’ai pas peur du noir, Terrence. Je connais le noir. Et toi… Tu es tout sauf noir. Mes lèvres viennent cueillir les siennes dans un baiser suave, doux mais imposant, fragile mais puissant. Et nos langues se lient avec avidité, nos corps se rapprochent, inlassablement attirés et je ris un peu, contre ses lèvres. – T’es tout en couleur, Terrence… Tout en couleur. Mon regard admiratif est rieur, et je ris un peu plus fort en secouant la tête. – Et si tu prenais une vraie douche pour que je puisse te serrer dans mes bras, hein ? Dors avec moi, s’il te plait… Juste, dors avec moi… Parce que je reste. Parce que je n’ai pas peur. Parce que tu es beau et que mon cœur bat tellement fort en ta présence. Et parce que je veux que tu cesses de te torturer. J’ignore de quoi demain sera fait, mais aujourd’hui… Aujourd’hui je veux profiter et donner encore, donner plus fort. Il part à la douche Terrence et je vais laver mes mains, le sourire aux lèvres, étrangement apaisé. Et tandis qu’il se lave, j’arpente la pièce et range les dégâts causés par nos ébats et son impétuosité. J’observe le tableau et remarque des tas d’autres tableaux, croquis et dessins partout autour de moi. J’aurai dû deviner que c’était un artiste. C’était évident, seuls les artistes donnent autant et sans filtres. Ce tableau ne me plaît pas, mais je le comprends. J’en saisis le sens, et je réalise aussi que nous nourrissons les mêmes craintes, que nous sommes nos propres bourreaux, bien trop durs avec nous-mêmes. Je range les pots de peinture, essuie les traces et reviens m’allonger, nu, dans son lit. Je fixe le plafond, les mains sur mon ventre, en attendant qu’il revienne. Je ne réalise pas ce qu’il se passe, je vis un rêve éveillé et je n’ai aucune envie de me réveiller. J’allume une clope, souffle la fumée et laisse mes pensées se perdre lorsqu’il revient. Je me redresse sur un coude, lui sourit et l’accueille avec envie près de moi. – ça t’a fait du bien la douche ? Je lui demande, doucement, inquiet à l’idée qu’il ne soit toujours pas apaisé et désireux de le voir détendu et simplement heureux.
C'était facile de se dérober, de disparaitre au creux des ténèbres, facile de s'adapter pour ne pas se heurter ni se faire mal mais quand la lumière venait recouvrir toute la surface alors il n'y avait plus nul part où se cacher. C'est ce qui se passe quand Harvey est là parce qu'il rayonne, diffuse sa lumière et Terry lui, il n'avait appris qu'à avancer d'ombre en ombre toute sa vie. Et alors qu'il sont là, nus sous le jet d'eau tiède, il se rend compte que la lumière d'Harvey peut le réchauffer autant qu'elle peut l'aveugler. Et il n'a pas trouvé les lunettes encore, pas trouvé le parasol pour s'en protéger le temps de s'y habituer alors il a eu peur, il en tremble, recroquevillé sur lui-même, ne s'était jamais aventuré si proche du soleil et il sait qu'à trop s'y risquer on pouvait brûler, se consumer de la tête au pied. Il a l'impression d'être une bombe à retardement, les émotions qui gonflent gonflent gonflent à l'intérieur de lui comme des ballons et ça prend toute la place, ça pousse les murs, ça compresse les poumons et il retient, il retient mais ça ne s'arrête pas pour autant, ça crame les paupières et les larmes finissent par couler encore et encore, vase rempli à ras bord, et les mots qui sortent sans qu'il ne puisse les retenir, trop franc, trop entier sûrement. Il ne sait pas mentir ou camoufler, il ne sait pas se brider ou réprimer alors il lâche tout, laisse le vase déborder, les ballons exploser. C'est brut et c'est pur, ça lui dévore les tripes et ça fait mal partout, partout mais il laisse sa bouche prononcer ces phrases qu'il n'aurait de toute façon pas su retenir. Parce qu'ils étaient montés très haut tous les deux, bien au dessus des nuages en vérité, ils s'étaient fondus l'un dans l'autre au coeur d'un orgasme époustouflant en oubliant tout, en mettant de côté leurs craintes, leurs inquiétudes et leurs peurs, en fait voler le monde en éclat. Et c'est peut être la retombée qui a permis d'ouvrir les vannes, de laisser sortir ce qu'il avait sur le coeur. Il lui dit tout, à Harvey, il lui avoue à quel point il le veut ici, demain, partout et en vérité il ne sait pas de quelle façon il le veut mais c'est une certitude : il refuse qu'il parte. Il a besoin de sa présence. De son odeur et de ses bras. Du regard océan qu'il pose sur lui et qui le rassure immédiatement quand ça ne va pas. Il a besoin de lui et il ne comprend pas pourquoi c'est aussi pressant et dense mais il s'en fout parce qu'il n'y a rien de mal dans ce qu'il ressent, rien de répréhensible ni de condamnable. Il se sent meilleur quand il est tout près de lui, plus fort aussi, a l'impression qu'il pourrait devenir une version améliorée de ce qu'il est, déplacer des montagnes et gravir des sommets. Qu'il pourrait se transformer, muter, sortir les griffes pour le défendre, devenir sauvage envers ceux qui lui voudraient du mal, créer un cocon autour de lui pour qu'il soit bien et heureux. Il sent qu'il pourrait se mettre de côté et s'appliquer méticuleusement à recoller les pièces brisées et à en modeler des nouvelles pour remplacer celles qu'il n'aurait pas su retrouver. Peu importe ce qu'ils étaient ou ce qu'ils pouvaient devenir. Ca ne changeait rien. Ca ne changerait rien. Il voulait redessiner des sourires sur son visage triste, gommer les larmes et encercler son corps musclé de ses bras fin pour éponger le sang qui coulait encore de ses blessures. Et les sentiments qu'il ressent pour Harvey n'ont pas de nom ni d'explication parce qu'ils n'en ont pas besoin, ils sont juste là et c'est un tourbillon qui emporte tout, qui nettoie la nuit pour la transformer en jour. Mais ça fait aussi beaucoup de lumière d'un coup pour ses yeux habitués au noir alors il prend peur. Et c'est ce qu'il essaye d'expliquer un peu maladroitement à Harvey; il essaye mais il n'a aucun filtre, Terry, et ça part dans toutes les directions. Ca rebondit contre les murs et quand il s'entend, il se dit qu'il en a peut être trop dit. C'était toujours comme ça avec lui de toute façon, il fonçait droit devant et puis il se rendait compte qu'il s'était planté de chemin, qu'il avait dit les mots qu'il ne fallait pas, qu'il s'était trompé sur toute la ligne. Des regrets, il en avait beaucoup et il ose à peine regarder Harvey mais quand il relève subrepticement les yeux il les voit, ses sourcils froncés et il se dit que ça y est, c'est foutu. Qu'il en a surement trop dit, qu'il a encore merdé. Alors il tente de s'approcher, de le serrer et quand il sent les bras forts de son amant le protéger de leur étreinte il a l'impression de disparaitre dans un frisson. C'était assez dingue cette capacité quasi intuitive qu'avait Harvey de savoir immédiatement ce qui pouvait rassurer Terrence. Il parle encore, lui explique comme il peut ce qu'il ressent, sent les mains du videurs se perdre dans ses cheveux et tremble parce que ça lui fait quelque chose, l'estomac à l'envers. Il aime quand Harvey le touche, il aime quand il est là, et qu'il le regarde, il aime sa peau et il pourrait faire un descriptif long comme son bras de ce qu'il aime chez lui parce qu'il aimait tout. Tout. "Tu me fais tellement de bien aussi, Terrence" et même s'il crevait d'envie de les entendre, ces mots, ils le font fuir. Parce qu'il ne sait pas si Harvey mesure le degré de noirceur que Terry a en lui, s'il sait dans quoi il s'embarque vraiment, s'il a conscience que ce sera compliqué parce que Terry il est tout pété et pas sûr que tout ça, ça se répare. Mais il veut y croire, il veut leur laisser une chance d'y arriver et il sait que lui fera tout pour que ça marche. Et c'est pour ça qu'il part, sort de la douche et va peindre, pour cracher ses émotions dévorantes quelque part ailleurs que sur Harvey, pour laisser le trop plein se vider un peu, parce que ça fait mal, ça brûle, ça éclate, c'est brutal, c'est animal et il creuse au coeur de son désespoir, au coeur même de sa fragilité la plus profonde. Et ce tableau il le déteste autant qu'il l'aime, parce qu'il lui a permis de s'exprimer, de se soulager mais qu'il est moche et plein de colère. De tristesse. De lassitude. De douleur. Quand il se retourne pour faire face à Harvey il a le corps qui tremble comme jamais, la peau recouverte de couleurs et de noir, et il en a sur la joue, sur l'épaule, dans les cheveux, sur les cuisses, c'est sorti et ça s'est répandu partout. Et il en a foutu tout autour, ça a explosé littéralement et la bombe avait fini par éclater en allant s'écraser contre les murs, au sol, sur la table. La respiration lourde, il regarde son amant qui lui fait face et qu'il aime tant alors qu'il se refuse à l'admettre encore et il attend. Il attend qu'il parte parce qu'il le sait qu'il va partir; il était trop compliqué, Terry, cheval sauvage incapable d'être sellé, il se sait trop dur d'accès, imprévisible. Trop sombre, trop fragile. Et pourtant...
C'est un sourire qui vient draper les lèvres d'Harvey, et il ne part pas. Il ne part pas. Il ne part pas. Il a le ventre en feu d'artifice, Terry, pourrait de nouveau disparaitre dans des sanglots, soulagé, surpris et heureux mais il contient et retient sa respiration alors qu'il s'approche. Il reste, Harvey. Il tient ses promesses, Harvey. Il est merveilleux, Harvey. Et les mots qu'il prononce font vibrer Terrence de la tête au pied parce qu'ils ont du sens, parce qu'ils recollent tout en quelques secondes, tout ce qu'il venait d'éparpiller, tout ce qu'il avait balancé sans plus savoir comment rien récupérer. Il ne quitte pas Harvey du regard, ses pupilles qui passent frénétiquement d'un oeil à l'autre et alors qu'il lui prend les mains et joint leurs doigts il voudrait lui demander pourquoi, pourquoi il reste, pourquoi il lui sourit, pourquoi lui, pourquoi c'est si doux, pourquoi ça fait du bien au point qu'il pourrait crever dans un geyser de pétales de fleur et une pluie d'étoiles filantes. Il pourrait lui dire combien il est bouleversé, là tout de suite, remué au plus profond comme jamais avec l'impression doucereuse que son coeur gonfle, gonfle, gonfle et il inspire enfin, le souffle saccadé avant d'accueillir le baiser qui se dépose contre ses lèvres, les mains toujours dans les siennes. Il a tout changé Harvey. Il a redonné de l'eau, de l'air, de la vie. Il est entré ici et à péter les murs, changé tout, balayé la nuit à grands coups de sourires et d'étreintes et il se laisse aller à ça, Terry, le bonheur qui s'infiltre sans vergogne par tous les pores de sa peau. Les poumons se remplissent d'air à nouveau, le coeur repart et il reprend consistance. Et le regard que pose Harvey sur lui est différent de tous les autres jusqu'à présent parce qu'il ne se contente pas d'avoir l'air heureux. Cette fois, il a l'air fier. Admiratif peut être? Il ne sait pas Terrence mais ça lui fait baisser la tête, un sourire timide qui étire ses lèvres sans qu'il ne puisse l'empêcher tandis qu'Harvey lui propose d'aller se doucher et d'aller ensuite dormir avec lui. "Et si tu prenais une vraie douche pour que je puisse te serrer dans mes bras, hein ? Dors avec moi, s’il te plait… Juste, dors avec moi… " Boom. Il relève les yeux d'un coup, surpris. Il hoche doucement la tête de gauche à droite en souriant, ses yeux hypnotisés et amoureux plongés avec fureur dans ceux couleur océan qui lui font face. Il hoche la tête comme pour dire "tu es incroyable" et il se dit à cet instant qu'il y arrivera, c'est sûr, qu'il sera assez fort pour retirer la douleur qu'il y voit là, tout au fond et qu'Harvey tente de mettre de côté pour pouvoir porter Terry à bout de bras, qu'il sera celui qui saura le rendre heureux. Il sépare leurs mains, lance un regard à la toile, puis file à la douche et sous l'eau chaude, il s'autorise à s'accroupir et à pleurer aussi fort qu'il peut dans un silence implacable troublé par le bruit de l'eau, le front contre les genoux et le corps secoué de spasmes silencieux. Il pleure et il rit en même temps, parce que ce sont des larmes de joie, parce qu'il veut tout vider avant de le retrouver au lit, tout sortir pour ne plus jamais venir noircir leurs moments de lumière. Il pleure tandis que les couleurs sur son corps s'estompent et après s'être finalement lavé il ressort, se sèche et retourne auprès d'Harvey après avoir tiré les rideaux, le corps nu et frais, les cheveux secs. Il s'allonge tout contre lui sur le dos, mains sur le ventre, la nuque sur le bras du vigile. Amoureusement, il vient lui embrasser le coin des lèvres et piquer sa cigarette. Ouais... Et il se colle à lui, la hanche qui percute la sienne avant de le regarder droit dans les yeux tandis qu'Harvey le surplombe, la tete sur sa main, le coude replié. T'es un miracle. Et c'est balancé comme ça, mais il le pense. Il le pense et ça lui étire furieusement les lèvres. C'est prononcé dans un murmure un peu brisé par l'émotion et là, il est juste heureux, Terrence. Il laisse ses doigts venir remettre les cheveux d'Harvey en arrière puis glisser le long de sa mâchoire et s'échouer enfin sur ses lèvres douces. Il laisse la pulpe de ses doigts les parcourir avec de venir les embrasser tendrement, le corps qui devient volcan, les joues roses, le coeur qui pulse. S'il s'écoutait il lui referait l'amour, s'abandonnerait encore et encore, lui dirait que cette fois il le veut plus fort, mais peut être que ce n'est pas le moment et peut être aussi qu'il n'en a plus l'énergie. Il lui redonne sa clope et fini par se tourner dos à lui, le corps qui s'emboite parfaitement, fesses calées tout contre son bassin et il se cambre en arrière, ses boucles qui percutent doucement sa clavicule. Et c'est à ce moment-là qu'il aperçoit l'appart rangé, la peinture nettoyée et il se mord la lèvre, l'émotion qui lui griffe le coeur. Il est ému. Harvey... mais, t'as rangé.. et il lui prend fermement la main pour l'enrouler autour de son ventre, ferme les yeux et sourire aux lèvres, il l'écoute respirer en se sentant pour la première fois en sécurité, épaulé, compris, aimé. Harvey a rangé, il a rangé l'appart comme il aurait fait le ménage dans l'esprit de Terry, instinctivement, sans attendre de retour. Il a rangé et il ne s'imagine pas à quel point la métaphore est puissante, à quel point enlever les taches de peinture c'était comme nettoyer le négatif qui s'était échappé de Terrence, comme s'il lui avait dit "tu vois, quand tu éclates, quand ça va plus, je suis là". Et c'est précieux. Il se recule encore, se blotti fort contre lui, le bassin qui ondule doucement puis il fini par se retourner vivement de l'autre côté, bassins et torses qui se percutent et il l'encercle, le nez qui se fourre contre la peau de son cou. Dors bien. Retrouve-moi dans mon rêve, tu me manques déjà. Et c'est dit mollement, les paupières qui battent fort pour ne pas céder à la fatigue comme des ailes de papillon mais il ne lutte pas longtemps, Terrence, avant de s'endormir paisiblement, sans cauchemar ni réveil, sans avoir eu besoin de s'injecter de la merde dans les veines, pour la première fois depuis bien trop longtemps.
Spoiler:
soit on le cloture comme ça, soit tu réponds, c'est toi qui voit.
Dernière édition par Terrence Oliver le Dim 5 Jan 2020 - 2:29, édité 1 fois
→ Je ne suis pas sûr de comprendre ce qui est en train de se passer aujourd’hui. Je suis là, allongé au beau milieu des draps défaits encore empreints de l’humidité et de l’odeur de notre corps à corps particulièrement intense, et je fixe le plafond vers lequel volette la fumée de ma cigarette. Un air absent sur le visage, je laisse mes pensées aller et venir sans réellement chercher à les capturer ou les emprisonner, me félicitant pour une fois d’avoir la volonté de lâcher prise et de ne pas contrôler ce qu’il se passe. C’est curieux, mais je me sens incroyablement bien, détendu et apaisé. Aucune noirceur ne vient répandre son venin poisseux et gluant, je suis libre et détaché de tout. C’est la première fois que cette sensation grisante m’envahit et je la savoure, à la hauteur de sa rareté. Le courage de Terrence m’a bluffé, je n’en reviens pas de ce qu’il a été capable de faire aujourd’hui. Se mettre à nu avec autant de sincérité, ça m’a ému. J’ignore si je peux en faire autant, j’en doute fortement. Lorsqu’il saura… s’il sait un jour… le mieux pour lui sera de tracer sa route au loin, de m’oublier et de me laisser, comme tous… Je chasse d’un revers de main la larme qui coule sur ma tempe et souffle longuement la fumée en me concentrant sur ses volutes qui s’éparpillent dans l’air. C’est inévitable mais toutes les bonnes choses ont une fin, et cette vérité absolue est trop inscrite en moi pour que je puisse imaginer une autre issue à tout ça. Et j’en crève, j’en crève chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde. J’en crève de ce manque d’amour, de cette solitude écrasante, de cet abandon constant. Je ne mérite rien de plus, mais je n’arrive pas à m’y faire. Quelque part en moi, il y a toujours ce petit garçon plein d’espoir qui lève son regard brillant vers le ciel pour voir passer une étoile filante et faire le même vœu à chaque fois. Et il est fort ce petit garçon, car il n’a jamais cessé d’y croire, même lorsque les coups pleuvaient sur sa volonté, même lorsque ses camarades le rejetaient, même lorsque la honte l’affaiblissait et que la culpabilité le clouait au sol. Encore aujourd’hui, je continue de lever les yeux au ciel dans l’espoir d’un miracle. J’ai remis ma vie entre les mains du destin depuis fort longtemps, car il est bien plus facile ainsi de concevoir mes torts. J’en soustrais une part de responsabilité en me répétant que tout est écrit d’avance et que je ne suis que de passage sur cette terre. Au-dehors, l’orage a cessé et je ferme les yeux pour me concentrer sur le bruit que font les gouttes de pluie en s’écrasant sur le velux à quelques mètres de mois. Un petit sourire sur le visage, je revois Terrence glisser sur les tuiles d’un pas assuré et m’entrainer vers son refuge, les yeux brillants avec la volonté féroce de partager un peu de lui avec moi. Je frissonne en visualisant la serre derrière mes paupières fermées, et l’odeur du vieux papier vient chatouiller mes narines ce qui me fait davantage sourire. J’ouvre lentement les yeux et observe autour de moi. Des livres, il y en a partout autour de moi, disséminés aux quatre coins de la pièce, en équilibre précaire sur une étagère, posés à même le sol les uns sur les autres pour former des pyramides bancales, sur les radiateurs, les meubles, les chaises… Mon regard continue de balayer la pièce et j’en apprends un peu plus sur lui à chaque dessin que je vois, chaque portrait, chaque coup de pinceau… Il y a des tableaux partout, et j’ai l’impression de voyager, de m’évader quelque part ailleurs, invité par un esprit riche et débordant d’imagination… Il me happe, Terrence, il m’invite et m’aspire chez lui, en lui et je ne résiste pas à la tentation. J’y cède avec délice même, et j’en savoure chaque instant. Et même si demain, il ne sera plus mien, je décide de prendre tout ce qu’il peut me donner et de fortifier les remparts autour de mon cœur brisé.
Lorsqu’il revient de la douche, Terrence, nu et propre comme un sou neuf, il se réfugie rapidement sous les draps froissés et s’allonge sur le dos, les yeux rivés vers le plafond lui-aussi. Le visage légèrement tourné vers le sien, je détaille ses traits et les mémorise pour pouvoir le retrouver à chaque fois que je fermerais les yeux. Je veux tout prendre, tout garder en moi, pour ne jamais réellement le perdre. Car je te perdrais, c’est évident, je perds toujours ceux qui comptent… Il embrasse furtivement le coin de mes lèvres et prends ma cigarette. Ma main tombe lascivement et se perd dans la douceur de ses boucles éparses, encore mouillées qui sentent la noix de coco. Ça lui donne un air exotique, Terrence, lui a qui la peau si mâte. Et il me dit que je suis un miracle, ce qui m’arrache un nouveau sourire et je cache mon émoi en baissant la tête et en replaçant le drap sur son corps nu. Le silence s’installe, mais il n’a rien de gênant ou d’obsédant. Il est naturel, réconfortant car nous n’éprouvons pas le besoin de parler pour être bien et c’est incroyablement satisfaisant de se sentir aussi bien avec un autre, comme si ma place était là, à ses côtés. Et dans mes rêves les plus fous, j’y crois réellement. Qu’un miracle s’est produit aujourd’hui. Un putain de miracle. Ses doigts sur mon visage et mes lèvres me procurent des sensations vertigineuses de plaisir, chacun de ses gestes est intense, chacun me touche en plein cœur et y insuffle de l’énergie. Mon palpitant s’éveille à ses côtés, il bat un peu plus fort, un peu plus vite, un peu dans tous les sens aussi. Mon bas-ventre se serre, plaisir douloureusement exquis, avant qu’il ne décide de me tourner le dos. Cigarette presque terminée aux lèvres, j’observe son corps divin dont j’admire les muscles secs et fins qui se glisse contre le mien. Et ils s’emboîtent parfaitement, ses fesses appuyant légèrement sur mon bassin qui s’affole. J’écrase ma cigarette dans le cendrier à côté du matelas et ma main glisse sur sa fesse, caressant sa peau douce avec délicatesse. Il remarque que j’ai rangé son appartement et je souris, tout en parsemant son cou de doux baisers. – Oui, j’ai rangé…Un peu n’importe comment. Parce que je n’habite pas là, parce que ça ne m’a pas semblé si important par ailleurs et parce que je n’ai pas réfléchi. J’ai agi spontanément, naturellement et cela m’a semblé être la chose à faire tout simplement. Je grignote son épaule lorsqu’il ondule son bassin doucement, réveille mes envies insatiables et je murmure son prénom, d’une voix rauque et suave, en guise d’avertissement – Terrence… Je suis épuisé, je n’aurais pas la force pour un troisième round, mais mon corps voudrait me faire croire le contraire. Alors il se tourne vers moi, Terrence. Il se tourne et je peux admirer son doux visage, l’océan de ses yeux et ses lèvres ourlées. Ma main, puissante, vient se coller au milieu de son dos et appuie légèrement dessus, pour l’inviter à se blottir un peu plus contre moi. Nos jambes s’entremêlent, nos souffles se croisent et c’est après une promesse de retrouvailles dans un monde onirique que le sommeil nous emporte et nous berce, nous, les heureux amants passionnés aux cœurs battants à l’unisson.