| DOHERTYS • a rift in the ripple of time |
| | (#)Jeu 11 Juil 2019 - 22:38 | |
| Pourquoi il l'a traîné ici ? Et surtout comment il a réussi à la convaincre de sortir de chez elle, d'abandonner ses draps et même de prendre une douche ? Peu de personnes à ce genre de pouvoir sur Freya. Butée et rebutée par le monde extérieur, quand elle s'enferme, c'est pour s'y laisser consumer à petit feu – mauvais jeu de mots. Une volonté inexistante, une vraie larve humaine. Elle s'est juste levée pour aller chercher son café. Ce qui est la distance la plus longue qu'elle peut effectuer dans son état. Alors c’est tout naturellement qu’au moment où son aîné lui a proposé d’aller faire un tour, elle lui a répondu "désolé, big bro, y a trop dmerde en ce moment, jpasse mon tour pour ajd". En somme, elle l’invite gentiment à se trouver un autre partenaire pour la journée. Ils se sont revus plusieurs fois, ces dernières semaines, à la grande satisfaction de Freya. Au moins, leur mère a réussi malgré elle à faire deux de ses enfants reconnecter entre eux. C’est presque une victoire dans cette famille dysfonctionnelle. Ce qu’elle ne s’est cependant pas attendue, c’est Wren rappliquant dans la demi heure qui suit son message. Elle n'aurait pas pu s'en douter car son aîné s'est montré bien absent et silencieux pendant de longs mois. C’est comme retrouvé des habitudes abandonnées. Wren veut sûrement rattraper du temps perdu et sa cadette aurait réagit positivement si elle n'était pas déjà occupée à se morfondre sur le sens de sa vie, de son existence et de sa place dans le monde. Un banal jeudi, en somme. Après tout, ça prend du temps de refaire son univers et d'y trouver la source du problème – comme si elle ne l'a pas trouvé. Wren a donc fait ce qu'elle a fait quelques semaines plus tôt : tambouriner à la porte des jumeaux. Freya a tenté de l'ignorer mais Tobias a fait honneur de sa présence pour aller ouvrir à leur frère. Pourquoi se sent-il obligé de faire toujours la mauvaise action au mauvais moment, celui là?
Et c'est donc comme ça que Freya se retrouve à manger une barbe à papa en naviguant entre les différents artistes de rue. Sa dent sucrée a eu raison d'elle et ça semble réconforter Wren, tout le monde est gagnant. Elle n'est pas d'une humeur la plus joyeuse – à supposer qu'elle l'a déjà été – mais Freya fait des efforts. Elle essaie de ne pas pester quand des gamins viennent lui courir dans les jambes, elle se retient de râler quand la foule est trop dense et elle réussit presque à ne pas critiquer certains trucs qu'elle voyait. Éternelle insatisfaite, Doherty ne veut cependant pas décevoir son frère. Il lui avait cruellement manqué, même si elle le cache plutôt bien.
La rue de Logan City transformée en scène géante pour la journée lui rappelle bien des souvenirs, en plus. Des souvenirs positifs, joyeux et rassurants d’une enfance lointaine, qui serait effacée de sa mémoire si elle ne possédait pas des photos prouvant qu’elle fut plutôt heureuse pendant une certaine époque. Ce genre d’évènements, c’est la possibilité d’avoir l’œil émerveillé sans dépenser un rond. Un pari gagnant à en juger par la foule fidèle et indéfectible qui se trémousse au gré des spectacles.
Les doigts de sa main droite attrape allègrement des morceaux nuageux de la barbe à papa avant de tourner son attention sur son frère. « C’était vraiment ça, ton plan ? Emmener ta p’tite sœur voir des spectacles de rue ? Genre t’avais prévu ça dans ton agenda ? » Pas qu’elle ne le pense pas capable de ce genre d’initiative. Mais quand même, c’est son frère, son aîné de surcroît. Elle le connaît mieux que son propre jumeau.
C’est à la fois attendrissant et louche comme initiative.
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| | | | (#)Ven 12 Juil 2019 - 0:50 | |
| Toutes ces histoires l'usaient jusqu'à la moelle mais Wren ne stoppait pas la lutte, il l'avait même repris plus fortement qu'auparavant. Ce matin-là, il s'était rendu au chevet de sa mère pour avoir sa première conversation avec elle depuis des mois, si on pouvait appeler cela ainsi. Elle avait hurlé sur lui, sur son abandon et Doherty n'avait pu que jouer au gamin acerbe, la clope au bec en la regardant avec un sourire narquois alors que sa génitrice avait une peur morbide de la moindre trace de feu. Le pompier avait simplement décidé d'arrêter de la ménager: s'il fallait la secouer pour obtenir un quelconque résultat, il n'allait clairement pas se gêner, surtout pas alors que c'était sa spécialité. Il était toujours prêt pour emmerder le monde, envoyer chier les âmes les plus fidèles à des valeurs qu'il n'avait pas, ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait changer son fusil d'épaule. Sa mère s'était mise à pleurer et il avait décidé qu'il reviendrait la semaine suivante, espérant obtenir de meilleurs résultats. Après cet événement gênant, Doherty avait envoyé un message à sa soeur, de qui il était redevenu proche depuis leur dispute. Il ne la lâchait pas d'une semelle pour ainsi dire, prenant des nouvelles de manière journalière alors qu'il était resté des mois silencieux. Au fond, il s'inquiétait de ne pas avoir été le grand frère idéal, lui qui avait toujours rendu cette image de force et de courage aux yeux de sa cadette. Elle avait appris quelques temps plus tôt que Wren, comme tous les autres, était un spécialiste dans l'art de l'illusion. Il avait néanmoins arrêté de lui mentir ou de lui cacher ce qu'il avait au fond de lui... Freya savait. Lui, justement, ne savait rien de ces combats récents et en vue de la vague réponse qu'il avait obtenu à son message, Doherty, cigarette encore collé au coin de ses lèvres, accourut jusqu'à l'appartement des jumeaux. Tobias lui ouvrit d'un air nonchalant mais Wren ne prit pas le temps de prendre des nouvelles approfondies de son vilain de petit frère, courant vers Freya pour la faire sortir de sa chambre. Quelques minutes plus tard seulement, ils se retrouvaient en plein milieu d'un spectacle de rue, improvisation totale de la part du pompier. Sa soeur, au moins, avait trouvé du réconfort dans une barbe à papa, des souvenirs de leur enfance les happant dans un silence profond jusqu'à ce que Freya ne se décide finalement à l'annihiler. "Evidemment, je suis super prévoyant comme mec, tu le sais mieux que personne... Puis, ça te plaît pas? Tu préférais aller dans un strip-club? Ça peut encore se négocier mais, pour ça, va falloir que tu craches le morceau sur les causes de ton état végétatif du moment, désolé." Sa soeur devait savoir, oui, qu'il ne lâcherait pas l'affaire tant qu'elle n'aurait pas dit la vérité et en vue du sourire amusé de Wren, il pouvait tout à fait tenir toute la nuit, là, au milieu des gamins qui hurlaient à la mort et de l'odeur de barbe à papa qui lui donnait juste envie de cramer tous les stands.
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| | | | (#)Mar 16 Juil 2019 - 16:32 | |
| La foule est dense et compacte, se mouvant d’un seul corps le long de la rue. Il y a des chanteurs africains, des marionnettistes, des mimes, des gymnastes, et même du spectacle d’animaux. Freya ne put s’empêcher de se dire que ça serait plus agréable s’il n’y avait pas autant de monde. C’est bien le problème de Brisbane, de toute façon ; à force de vendre du rêve, l’endroit peut vite devenir un vrai cauchemar. Si jamais elle gagne un jour au loto, elle s’offre une île paumée de tous. Les gens sont les pires créatures du monde et encore aujourd’hui, à voir tous ces morpions courir dans tous les sens, ne pas écouter leurs parents et savoir que c’est l’avenir qui se joue devant elle, elle en est déjà désespérée. Mais c’est son frère qui l’a amené ici alors elle peut faire preuve de clémence. (Enfin, dans la limite du raisonnable. Et sa limite, à Freya, peut être assez faible, même si elle essaie de mettre de la bonne volonté.)
« Evidemment, je suis super prévoyant comme mec, tu le sais mieux que personne... Puis, ça te plaît pas? Tu préférais aller dans un strip-club? Ça peut encore se négocier mais, pour ça, va falloir que tu craches le morceau sur les causes de ton état végétatif du moment, désolé. » Freya fait une moue boudeuse à son frère. « C’est pourri de m’faire du chantage, big bro. » Et pourtant, elle le sait, elle va se laisser tenter. Appâter par son aîné parce que c’est lui, parce que c’est Wren et parce qu’il a toujours été là pour l’écouter. Mais pour la forme, elle essaie de dévier la trajectoire qu’est en train de prendre cette conversation. « Mon état végétatif est naturel, tu l’sais bien. » Malheureusement, Wren est mieux placée que personne pour le savoir. Il a toujours été en pôle position, au premier rang, en première ligne des aléas de santé de sa sœur. Cette dernière n’a jamais voulu qu’il s’en inquiète, lui qui avait déjà assez de soucis à gérer pour l’âge qu’il avait. Mais ce n’est pas le genre de choses que l’on peut passer sous silence, surtout chez soi et surtout quand on subit des crises qui viennent et partent au gré de ses humeurs. Personne ne l’a vu venir et certainement que l’incendie a dû provoquer le déclencheur précoce de sa maladie.
Mais Freya s’est toujours arrangée pour ne pas emmerder son aîné avec ça.
Alors quand il évoque son état, sa sœur ne peut s’empêcher de grogner intérieurement. Mieux vaut ne pas prendre attention de ce genre de réactions de sa part, la jeune femme étant toujours sur le fil de sa vie, en équilibre, prête à basculer d’un instant ou l’autre. « De toute façon, les stripclubs, ça a jamais été mon truc., dit-elle d'une voix traînante tout en haussant les épaules. » En plus, le seul qu’elle connait en ville réunit un patron qui s’est foutu de sa tronche il y a quelques années, son ex barman préféré avec qui elle a eu une aventure (gênant au possible, elle ne s'abaisse pas à ça, d’habitude) et surtout, un ancien très proche ami avec lequel elle ignore sur quel pied danser. Autant dire que pour une fois, le chantage de son frère ne fonctionnera pas. Freya enfourne des nuages de barbe à papa dans sa bouche avec délice. Ses doigts collent, sa bouche manque d’eau mais mon dieu que c’est bon. « C’est pas l’moment où tu vas m’annoncer que tu vas dev'nir cracheur de feu, j’espère ? » Son ton est léger parce que mieux vaut en rire qu'en pleurer mais elle flippe sur ce sujet.
D'ailleurs, Freya prend bien garde de ne pas croiser d’animation avec le feu. Parce qu’elle en a la phobie et que son frère aime bien trop ça. Mieux vaut éviter un écart ce soir alors que le temps est clément, l’endroit sympa et l’ambiance plutôt agréable. Et puis, c’est le première sortie depuis des mois alors Freya ne veut pas que ça tourne mal.
Même si avec les Doherty, un rien peut provoquer un tout.
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| | | | (#)Mar 16 Juil 2019 - 21:14 | |
| Wren était fortement capable de devenir totalement fou pour protéger sa petite soeur. Il avait toujours eu cette violence en lui, mais elle ressortait toujours dans un contexte qui le requérait. Pas pour son propre intérêt donc, ni pour blesser autrui, non, juste pour protéger les quelques personnes qu'il arrivait encore à aimer. Ce n'était pas quelque chose de profondément naturel pour le jeune Doherty puisqu'il avait évolué dans un milieu qui ne mettait pas en avant l'amour et la fraternité. Pourtant, il avait épousé ce rôle de père de substitution sans trop tarder, à peine dérangé par les responsabilités qui lui étaient tombées sur le dos du jour au lendemain. Après dix années de galère, il relativisait un peu plus l'affaire: était-il prêt à cette époque pour assumer quelque chose d'aussi complexe et qui demandait autant d'énergie? Avec un peu de recul, il répondrait probablement par la négative et il avait fini user jusqu'à la moelle quelques semaines auparavant. Il était remonté en selle, peu à peu, et surtout parce que Freya l'avait secoué et il ne pouvait que la remercier de lui avoir permis cette période de remise en question avant de revenir sur le devant de la scène. Depuis leur dernière dispute, Wren ne s'était plus montré distant, envoyant presque chaque jour des messages de sa soeur pour s'inquiéter de son état de santé. Il savait que tout était compliqué ces derniers temps, entre leur mère qui sombrait et leur frère qui faisait tout et n'importe quoi, mais les Doherty s'accrochaient comme ils le pouvaient à la moindre petite branche qui passait sous leur nez. Wren se sentait surtout globalement impuissant face à ce drame familial qui durait depuis plus de dix ans mais il ne pouvait pas y faire grand chose, à part rester le grand frère idéal pour Freya. Elle, au moins, pouvait encore être sauvée. Même si, pour cela, il fallait se retrouver au beau milieu d'une fête de rue un poil dérangeante pour les gens comme lui. "C'est comme ça que l'éducation marche, non? Je sais pas, j'ai appris sur le tas." Comme si faire du chantage allait aider la jeune Doherty à se confier sur ce qui la tracassait ces derniers temps et qui la poussait à se retrancher dans moins de quinze mètres carrés. "Notre connerie est naturelle, certes, mais ton état végétatif est loin de l'être, soeurette." Il l'admirait d'ailleurs pour cela. Malgré les phases difficiles, elle finissait toujours par remonter à la surface et Wren savait pertinemment qu'il était loin d'être en mesure de pouvoir en faire autant. Il passait la plupart de son temps à penser à toutes les conneries qu'il pouvait faire dès qu'il se sentait mal mais à côté des problèmes de Freya, tout lui semblait si mince, si moindre. "On aime pas le monde de la nuit, c'est vrai... Non, c'était pas dans mes plans de base, a priori. Mais si je te connaissais pas aussi bien, je dirais que t'essayes de noyer le poisson pour pas me dire ce qui va pas ces derniers jours. Balance, je suis prêt." Il ne l'était pas assez, malheureusement. Wren ne pouvait pas s'en douter à ce moment là alors qu'il passait un bras protecteur autour des épaules de sa soeur, sourire aux lèvres, tout cela n'allait pas durer le moins du monde.
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| | | | (#)Jeu 18 Juil 2019 - 14:04 | |
| Freya n'est pas du genre à faire les choses avec des pincettes. Ce truc dans sa tête, ce fichu poison qui n'améliore pas franchement son quotidien, lui en empêche. Après l'incendie, elle a été contrainte de subir le harcèlement et la bêtise même de ses pairs. Ses frères tournaient un mauvais filon, ils impressionnaient toujours plus qu'elle, la seule fille de la fratrie qui finissait par raser les murs des établissements scolaires pour ne pas se faire remarquer. Freya a toujours mis un point d'honneur à ce que ses frères ne le remarquent pas. Surtout Wren, à vrai dire. Elle connaissait assez son aîné pour pouvoir prévoir une réaction trop impulsive et violente. Il filait sur une pente descente et Freya était terrifiée. Certainement que son manque d'empathie et de capacité à apprécier l'espèce humaine vient de cette période difficile à vivre. Puis elle a pu faire ses expériences, ces rencontres qui vous chamboulent la vie à tout jamais. Comme le reste des Doherty, elle n'est pas une enfant de cœur. Et contrairement aux autres, ils ne s'en cachent pas forcément. Les bonnes actions, les bonnes mœurs, les attentes de la société, tous sont parties littéralement dans les flammes. Ils ont des gueules d'ange mais c'est le feu de l'enfer qui brûle en eux. Dans une autre vie, les choses seraient sûrement différentes. Mais dans ce monde actuel, dans le parallèle donc lequel ils vivent, tout reste à refaire. Freya a vingt-sept ans et sans réel but dans la vie à part de voir le jour prochain se lever.
Parce que sa meilleure ennemie, c’est elle-même.
Les événements de ces dernières semaines ont eu raison de son mental. (T’es faible, tu l’as toujours été, tu le seras toujours.) Freya a vu la pente qui s’affaissait devant elle depuis quelques jours déjà et elle n’a pas pu résister que d’y courir. Les petites pilules bleues ne font que retarder l’inévitable. Alors elle y est allée, elle s’y est enfoncée et elle s’est bien gamelée jusqu'en bas. Wren qui lui tend la main, c’est presque inespéré, considérant les derniers mois où il a brillé de son absence. Mais il essaie de rattraper le temps perdu, visiblement, à en juger par le nombre de messages qu’il a pu lui laisser depuis qu’elle est venue lui secouer les puces. Il faut bien ce qu’il faut pour ne pas perdre le contact, après tout. La Terre peut s’arrêter de tourner demain que son aîné sera la première personne vers lequel elle se précipitera.
« Notre connerie est naturelle, certes, mais ton état végétatif est loin de l'être, sœurette. » Freya se renfrogne et occupe sa bouche avec de la barbe à papa. Elle n’aime pas quand il s’inquiète. Elle n’aime pas qu’il se fasse du souci pour elle, alors qu’elle approche plus de la trentaine que de la dizaine. Ce n’est plus son rôle de prendre soin d’elle, il a une vie à vivre, lui aussi. (Et pourtant, tu peux pas t’empêcher d’adorer cette attention sur toi.) Doherty plisse les yeux tout en se massant le front ; elle n’est jamais en paix et ça lui donne mal à la tête. « On aime pas le monde de la nuit, c'est vrai... Non, c'était pas dans mes plans de base, a priori. Mais si je te connaissais pas aussi bien, je dirais que t'essayes de noyer le poisson pour pas me dire ce qui va pas ces derniers jours. Balance, je suis prêt. » Wren la connait trop bien, il l’a vu naître après tout, mais ça ne manque jamais d’ennuyer sa cadette. « C’est une seconde nature, tu l’sais bien. » Sa voix est basse, presque un murmure et elle a la tête baissée, signe d’une enfant qui vient de faire une bêtise. Elle a de vieux instincts qui reviennent sans qu’elle puisse les contrer et les repousser. Elle n’est pas en état, de toute façon.
Il passe son bras autour de ses épaules et le vieux réflexe de se blottir contre son frère revient à la charge. Elle n’a que treize piges, elle a froid malgré la chaleur environnement. Ses yeux sont brouillés par la terreur et des larmes qu’elle n’a pas contrôlées. Elle tremble, de peur, de froid, d’une tristesse infinie. Jamais elle n’a connu pareilles sensations et elle aurait aimé ne jamais les connaitre. Le monde s’active autour d’elle, les voisins, les pompiers, la police, les passants. Mais elle ne les voit pas, elle n’entend que les cris qui font échos dans sa tête. Sa mère brûlant, le rire de son père, le regard affolé de son aîné… Elle a le tournis, un vertige la prend et elle sent son cœur palpité. Elle veut partir, elle ne peut pas rester ici à observer ce qu’elle considérait comme chez elle tomber en lambeaux. Elle se sent étouffée, prise au piège d’un démon inconnu mais qui lui bloque la respiration. Elle commence à paniquer, à pleurer, à se cacher sous la bâche de protection dont les pompiers l’ont enveloppé. Elle ne peut pas rester ici, c’était trop, trop pour la petite fille qu’elle était encore. Jusqu'au moment où un bras passe autour de son épaule. Pas besoin de regarder. Freya finit en pleurs contre le torse de Wren, présence rassurante dans un monde qui vient de partir en fragments de fumée.
La sœur lève les yeux vers Wren. Il est bien décidé à lui faire cracher le morceau quoiqu’il arrive. Elle se mord la lèvre, elle soupire puis elle lève les yeux au ciel. « Donc en faites, tu cherches à m’amadouer, c’est ça ? J’te pensais pas comme ça. » Freya n’est pas dans ses meilleures conditions et elle n’est pas non plus dans son univers. Elle marche sur des œufs parce que les réactions de son frère peuvent être imprévisibles et qu’elle les appréhende à chaque fois. « J’ai…Les dernières s’maines ont été dures, ok. J’ai revu des gens que j’pensais pas revoir, j’ai fait des conneries et visiblement, mon meilleur ami est pas aussi honnête que j’l’aurai pensé. » Voilà. C’est dit et elle espère que ça contenterait son frère.
(Mais tu sais que non, pauvre idiote.)
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| | | | (#)Jeu 18 Juil 2019 - 22:00 | |
| Sans Freya, il n'y avait plus de Wren, un état de fait depuis la naissance de la plus jeune. Dès les premiers instants de la petit Doherty, l'aîné avait eu un instinct protecteur avec elle et ce lien n'avait fait que se tisser plus fortement encore au fil des années. Durant leur enfance, ils étaient toujours collés, Wren à l'amener dans des aventures pour lui apprendre tout ce qu'il savait. Il avait adoré chaque moment en sa compagnie, même lorsque l'adolescence était arrivée et que les démons de Freya s'étaient éveillés à leur tour. Il l'avait accompagnée sur cette route étrange qu'était la bipolarité, s'inquiétant pour elle constamment mais jouant à merveille son rôle de grand frère. Cela avait été le cas également le jour de l'accident, comme il le catégorisait. Tout le monde était en proie à la panique, tout le monde pleurait en regardant les flammes ranger leur lieu de vie mais Wren, lui, s'était contenté d'observer la scène comme s'il n'était pas tout à fait dans son propre corps. Il avait simplement porté Freya jusqu'à ses bras et ne l'avait pas lâchée de la nuit entière. C'était son rôle, toujours être là pour elle, l'amener vers la lumière même quand elle était dans une mauvaise passe, ce qui semblait être le cas ces derniers jours. Wren aurait pu s'éloigner, il l'avait si bien fait ces dernières semaines mais pas cette fois, il était bien trop inquiet d'apprendre qu'elle ne sortait qu'à peine de sa chambre. La voir dans un tel état n'était pas nouveau, certes, mais cela faisait un petit paquet de mois que l'aîné Doherty n'y avait pas été confronté. Et en général Freya n'était pas très encourageante pour lui avouer ce qui lui arrivait. Après tout, elle était comme le reste de la famille, peu encline à s'épancher sur ses émotions, plutôt plus proche d'exploser les nez des gens qui osaient poser trop de questions. Enfin, Wren devait être une des rares exceptions pour sa soeur parce qu'il avait toujours fait partie de sa vie, qu'il la connaissait par coeur et qui ne lui en tenait pas rigueur lorsqu'elle le maltraitait verbalement. "T'as raison, c'est pas mon genre. Disons que je cherche surtout à comprendre pourquoi ma soeur sort plus de son appartement. J'ai beau être un connard de grand frère, je m'inquiète alors tous les moyens sont bons pour avoir une réponse." Il lui fit un sourire, attendant la suite de son discours. Au final, il n'était pas plus avancé que cela puisque Freya n'était pas réellement entrer dans les détails. Logique, c'était une Doherty. "T'as revu qui? T'as fait quelles conneries exactement? Elias, qu'est-ce qu'il a foutu celui-là? S'il faut lui remettre les idées en place, je suis opé'." Forcément, lorsqu'il était question de péter la gueule à des gens qui faisaient du mal à sa petite soeur, Wren était la première personne qui répondait à l'appel. Elle était celle qui était la plus importante à ses yeux, elle était la prunelle de ses yeux même et si jamais elle était amenée à disparaître à cause de la connerie de trop, Wren n'y survivrait pas. Il ne le pourrait pas.
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| | | | (#)Sam 20 Juil 2019 - 2:48 | |
| « T'as raison, c'est pas mon genre. Disons que je cherche surtout à comprendre pourquoi ma soeur sort plus de son appartement. J'ai beau être un connard de grand frère, je m'inquiète alors tous les moyens sont bons pour avoir une réponse. » Freya lui donne un léger coup dans les côtes tout en se mordillant la lèvre. Il fait une bonne tête de plus qu’elle et c’est vraiment ridicule à quel point elle est petite à côté de son frère. « Faut toujours que t’en rajoute des masses, t’façon. » Les Doherty et l’art de grossir les choses, c’est un trait très caractéristique. Wren prend la petite brindille pour la transformer en tronc d’arbre en cinq minutes et franchement, il se soucie bien trop vite.
Qu’elle soit devenue dingue de l’absence de son frère est une chose. Silence radio pendant plusieurs semaines, qui se sont éternisées en mois, Freya l’a très mal pris. Être allée secouer Wren a certainement été sa seule bonne action de l’année pour le moment. Elle a peut-être été brute de corps, mais Wren est paré pour ce genre de situation. Ils le sont tous dans la famille. Des sauvages, des anticonformistes, des étrangers du moule parfait de la société. Mais Freya a récupéré l’attention de son aîné et pour rien au monde elle regrette de lui avoir fait une scène.
« T'as revu qui? T'as fait quelles conneries exactement? Elias, qu'est-ce qu'il a foutu celui-là? S'il faut lui remettre les idées en place, je suis opé'. » Et voilà. Godsake. Il ne peut vraiment pas s’en empêcher. Enfer et damnation, tu pourrais pas te la fermer, pour une fois dans ta misérable vie ? Wren et Elias dans une même pièce, c’est la confrontation que Freya a toujours essayé d’éviter du mieux qu’elle pouvait. Ces deux là sont sanguins, ils réagissent tous les deux au quart de tour et franchement, ils sont juste intenables.
Sûrement que dans une autre vie, ils auraient pu être amis. Le pompier passionné par les flammes et le flic qui défie la loi le soir tombé.
Rien que d’y penser, Freya a envie de foutre sa tête dans ce fameux sable pour justement ne pas y penser. Ils peuvent être aussi cons et stupides l’un que l’autre et elle n’a pas envie d’étaler les détails. Car elle sait que Wren ne rigole pas, qu’il est sérieux (et qu’il l’a déjà fait). « Hey, j’ai plus dix piges, inutile de commencer à vouloir raser Brisbane de la carte, okay? » Même si honnêtement, à côté de son grand dadais de frère et sa barbe à papa, on pourrait croire que si, elle restera une éternelle gamine.
Si déjà il sort les armes (son lance flamme?) pour Elias, Freya pense qu’il serait plus judicieux de taire le reste. Pour leurs vies à eux. (Elle espérait juste qu’il était trop soûl pour se rappeler de l’avoir vu avec John. Il lui en a pas rappelé alors elle s’accroche très fort à cet espoir.)
Car Wren est sur un fil constant aussi et s’il perd la main à cause d’elle, jamais elle s’en remettra. Après tout, voir son aîné basculé est une de ses plus grandes craintes et c’est pour ça qu’elle est devenue folle de son absence prolongée. Est-ce qu’il va devenir comme leur père ? Est-ce qu’il va succomber à sa tentation ? Est-ce que son côté sombre va finir par prendre le dessus ? Elle voit chez Tobias tous les jours cette descente aux enfers et elle remuera ciel et terre pour éviter que Wren tombe aussi bas que lui.
« Je… Ecoute, Wren, c’est compliqué mais franchement, c’est pas grand-chose. J’ai juste- Oh non, nope, demi tour, pas par là. » Freya prend soudainement le bras de son frère pour l’amener dans une direction opposée du fichu clown qui s’amuse pourtant à faire des ballons aux enfants. Elle n’aime pas les clowns et le plus loin d’eux elle est, le mieux elle se porte. Ils ont un air inquiétants, avec leur faux sourire dessiné et leur crinière rouge. Ils lui foutent la chair de poule depuis aussi longtemps qu’elle se rappelle.
C’est sûrement le fait qu’on ne puisse pas voir qui se cache réellement sous le masque qui l’effraie.
Une fois une nouvelle route trouvée, elle fourre de nouveau de la barbe à papa dans la bouche. Wren va sûrement insister (et perdre patience) alors elle prend les devants, bien trop lasse pour se batailler. « J’ai juste appris un truc qu’au final, j’aurai aimé ne pas savoir. Le résultat est qu’il m’a trahi et menti et qu’en plus, il s’auto delete de ma vie, comme ça, elle claque des doigts pour souligner son propos, A croire que c’est la saison qui veut ça, pas vrai ?, rajoute-t-elle en lui lançant un regard appuyé. »
Est-ce qu’elle en veut encore à son frère ? Peut-être. Après tout, Freya n’a jamais eu le pardon facile.
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| | | | (#)Sam 20 Juil 2019 - 15:07 | |
| Ils n'étaient plus des gamins depuis bien longtemps déjà, peut-être même n'en avaient-ils jamais été. Les Doherty n'avaient pas eu cette chance de grandir dans une famille saine et aimante où la liberté des enfants avait été de rigueur. Ils avaient été sous le joug d'un père déjà fou et d'une mère qui faisait tout pour conserver un semblant d'équilibre familial. Le résultat avait plutôt l'air d'un échec cuisant mais Wren avait été présent pour assumer la rôle après sa génitrice. Il n'avait pas eu de résultats plus probants qu'elle à dire vrai, mais il s'accrochait au fait que Freya était encore un espoir pour leur famille. Elle avait tout pour s'en sortir: la force d'esprit, le caractère et la folie. Tout ce qui caractérisait les Doherty, mais de la plus belle manière, c'était elle qui l'avait reçue. Wren, lui, n'avait gardé que la folie, la plus impure des folies. Le feu qui l'appelait. La mort qui l'enserrait. Cette envie de tout foutre en l'air de manière constante parce que le bonheur lui était bien trop étranger. Il ne l'avait jamais aimé, tout comme l'espoir, deux concepts qui le rendaient amer. Ces derniers temps, il errait entre la joie d'être avec Maze et cette haine de voir sa soeur subir une nouvelle descente aux enfers. Elle n'avait rien fait pour mériter cela, rien qui puisse justifier un tel état de fatigue nerveuse. Heureusement, l'aîné de la fratrie avait accouru en moins de deux pour la secourir, comme au bon vieux temps parce qu'il était temps de mettre de côté les semaines douloureuses qu'il avait passées loin du reste de sa famille. "Je suis une vraie drama queen, ça va bien avec mon faciès, non?" Il n'avait rien de commun, pas même les traits de son visage et Wren savait faire peur à autrui. Il était plus que conscient qu'il avait apeuré plus d'un prétendant de sa jeune soeur par le passé. Ce n'était pas sa faute s'il refusait qu'on l'approche de trop près parce qu'il savait que cela n'aiderait pas son état mental. Freya avait besoin d'être protégée, envers et contre tout. Wren assumerait ce rôle jusqu'au jour de sa mort, il s'en était fait la promesse. Alors, c'était une évidence qu'il vienne l'interroger sur les raisons de son enfermement: qui était l'enfoiré qui avait osé toucher aux cheveux de sa soeur? Apparemment,il y avait plusieurs fautifs dans l'histoire et Wren était fort capable de se charger de leur cas. Un par un. Lentement. Très lentement, pour leur faire payer comme il se devait. "Même pas la moitié de la carte? Excuse moi de faire attention à ton joli minois, soeurette." Il avait trop de haine à faire sortir, bien trop de colère et sa petite soeur était l'excuse parfaite pour laisser tous ses sentiments négatifs se dégager de son âme. Tout cela, Freya le savait parfaitement parce qu'elle connaissait son frère depuis le temps et qu'elle l'aimait malgré tout. "Tu veux qu'on reparle de l'autre fois? Je croyais qu'on avait réglé le problème... Quant à Elias, je crois qu'il a pas bien compris qu'on devait pas mentir à un Doherty. Je suppose que tu vas pas vouloir me dire ce qu'il a foutu, mais sache que je me renseignerai. Et je trouverai." Au moins, c'était une promesse qu'il tiendrait, enroulant de nouveau son bras autour de sa petite soeur parce qu'elle avait vu un clown. Elle avait beau ne plus être gamine, Wren ne modifiait pas le cours de ses actes avec elle, certaines choses ne changeraient jamais. "Tu me promets que tu vas te remettre en selle, hein? Et pas de connerie. Tu voudrais pas que je devienne un ours." Non, elle n'aurait pas envie qu'il se mette en colère. Il était simplement inquiet pour elle et pourtant, Wren lui souriait. Son exception. Sa petite soeur.
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| | | | (#)Dim 21 Juil 2019 - 0:33 | |
| « Je suis une vraie drama queen, ça va bien avec mon faciès, non? » Freya secoue la tête mais ne peut s’empêcher d’avoir ce fameux sourire du coin des lèvres. « Ha ha. J’sais bien que derrière ton faciès de drama queen s’y cache un p’tin de clown hyper flippant. Tu m’la fais pas à moi. » Au moins, même si les gènes psychologiques avaient clairement été foiré dans la famille, on ne peut dénier que le physique est là pour compenser tout ça. Ou pour fausser l’idée que les gens peuvent avoir sur eux, au choix.
Des gueules d’ange trahies par leur caractère insolent et indomptable. Ils se nourrissent chacun de leurs propres démons, essayant d’écarter les autres du mieux qu’ils pouvaient. Des années et des années à tenter de se soigner tout en soignant les autres. Freya n’ignore pas ceux de Wren, elle le lit dans ses yeux, parce qu’il ne peut pas le cacher. Pas à elle, pas à sa petite sœur. Ils ont un lien particulier, peut être encore plus particulier que celui qu’elle a avec son jumeau. Tobias est un cas à part, il est confronté à la noirceur la plus extrême du monde et Freya se trouve de plus en plus impuissante face à lui. Alors que Wren, son grand frère, celui qui a toujours veillé sur elle, il peut encore être repris des abîmes de son propre enfer. Et même s’il n’y croit plus, elle tentera, elle essayera et elle compte bien réussir. L’ambition, elle ignore la définition même de ce mot. Mais quand il s’agit de sa famille, que ce soit ses frères ou son cousin, Freya peut se transformer en véritable petite lionne.
Car il y a des limite que la connerie humaine ne doit pas dépasser. Surtout quand ça touche ceux qu’elle aime.
« Même pas la moitié de la carte? Excuse moi de faire attention à ton joli minois, sœurette. » Il abuse, il faut toujours qu’il abuse. Et le pire, c’est que Freya a beau râler, elle adore cette attention. Une attention toute retrouvée, toute fraîche qu’elle est allée chercher elle-même. Même si franchement, aujourd’hui, elle serait bien restée sous sa couverture, loin de cette foule qui l’agace de plus en plus. Elle fusille un gamin du regard alors qu’il vient de la bousculer sans aucun ménagement. Pourquoi les gamins ne peuvent pas être emmenés au parc pour courir ? Il n’y a donc personne pour leur dire de se calmer, de se taire, d’arrêter de crier partout ? « Faire attention à mon ‘joli minois’ me pose aucune problème, big bro. Mais j’veux pas avoir un génocide humain sur la conscience. C’est trop te demander ? » Elle n’est pas agacée. Sa voix est calme. Elle est même basse, comme si elle le supplie de l’écouter, de prendre en considération ce que ses mots ont comme impact chez sa cadette.
De l’extérieur, on pourrait croire que Wren ne dit que des paroles en l’air. De simples mots exprimés pour faire sourire d’attendrissement le peuple lambda. Oh, voyez comme il prend soin de sa sœur, n’est-ce pas adorable ? Mais chez les Doherty, ils sont à prendre au sérieux. C’est attendrissant, adorable et effroyable. Freya ne veut pas que son frère se mette dans de sales draps à cause d’elle. Le pire, c’est qu’il en serait capable. Et ça la tétanise totalement. On attend souvent d’un grand frère qu’il veille sur ses cadets. Wren a bien reçu le message et le suit un peu trop au pied de la lettre. Les épreuves qu’ils ont dû affronter ont eu sûrement de développer cet instinct rapidement et brutalement, s’agrandissant au fur et à mesure des années où il a dû prendre soin de ses cadets.
Et Freya, elle appréhende des limites qu’il ne possède pas Elle les sait quasiment inexistantes.
Elle redoute qu’il franchisse la ligne et elle en a encore plus la frousse d’en être la raison. Même s’il se sent pousser des ailes et pense que c’est son rôle de se liguer contre la terre entière pour la prunelle des yeux de sa sœur, cette dernière ne l’entend pas de cette oreille.
« C’est pas parce qu’un problème est réglé qu’il est oublié, Wren. » Freya regarde droit devant elle. Elle pourrait presque se sentir coupable d’avoir balancé cette pique à son frère. Presque. Pardonner est une chose. Oublier en est un autre. Et bizarrement, Doherty est très douée pour garder la liste précieuse de tous ces instants qui l’ont blessé.
Elle ne va donc pas porter la faute de son frère à sa place.
Freya se laisse emporter une nouvelle fois contre Wren tout en engloutissant les derniers nuages de barbe à papa avant de jeter le bâton dans la première poubelle qu’ils croisent. « P’tin, Wren, sérieusement. J’peux me débrouiller toute seule, j’me laisse plus marcher sur les pieds. » Les années de l’adolescente incertaines et paumées sont loin, très loin derrière elle. Elle aimerait le faire incruster dans le crâne de son frère une bonne fois pour toute mais ça semble être peine perdue. « Et puis, c’est moi qui lui ait demandé la vérité. C’est aussi d’ma faute. J’étais pas prête. Enfin, c’est pas ce qu’il m’a caché qui me blesse le plus mais c’est… Le fait qu’il ait menti. Droit dans les yeux. Je… P’tin, j’ai cru que j’allais le tuer. » Freya masse son front, comme pour tenter d’échapper à cette pensée passagère qui peut la hanter pendant des mois. Comment elle peut dire des choses comme ça, bordel ?
Quand il lui demande de se remettre sur pied, Freya roule ses yeux avant d’attraper la main de Wren qui pend sur son épaule et la rapprocher de sa joue. « Me demande pas l’impossible, big bro. J’veux pas te transformer en ours – surtout que tu seras plus du genre ours mal léché que Winnie l’ourson. Mais t’es bien placé pour savoir que ça fonctionne pas sur demande, ces trucs là. » Elle s’interrompe un moment avant de rajouter. « Le traitement n’enlèvera jamais c’qui se passe dans ma tête. Ta soeur restera tarée pour toujours, à prendre ou à laisser. » Puis elle lève les yeux vers lui. « Mais j’vais faire des efforts. Enfin, j’vais essayer. Ca t’convient ? »
Elle a enchaîné six mois d’affilé sans atterrir à l’hôpital, c’est déjà un exploit, non ?
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| | | | (#)Dim 21 Juil 2019 - 3:03 | |
| La triste vie des Doherty n'avait clairement pas fini de s'assombrir. Ils avaient besoin d'être dans les bas fonds, de souffrir de manière tout à fait ignoble pour être parfaitement heureux. C'était le cas de Wren en tout cas qui passait le plus clair de son temps à se débarrasser de la moindre touche de bonheur qu'on tâchait d'éparpiller au beau milieu de son existence. Il aurait aimé être capable de l'inverse, être l'homme bon qui prenait soin des attentions d'autrui le concernant mais il savait qu'il était loin de ce genre de considérations. Wren était surtout poursuivi par le malin et lorsqu'il souffrait, il désirait plus que tout le faire payer à autrui. Peu importe la formule. Il avait cette haine constante de l'être humain, un mépris si fort qu'il aurait pu tous les brûler d'un claquement de doigts. Néanmoins, il savait tout aussi bien que sa soeur ne lui pardonnerait pas un tel écart. Sa chère et tendre Freya, celle pour qui il restait du bon côté de la barrière. Sans elle, il aurait péri tant de fois et se serait certainement retrouvé non loin de son géniteur, à compter le nombre de paquets d'allumettes qu'il leur restait encore dans leur uniforme de prisonnier. Ce n'était finalement pas son monde parce que sa cadette avait été présente pour lui au cours des dernières années, toujours présente pour calmer sa colère et ses ardeurs de manière générale, pour rire avec lui et le remettre à sa place aussi quand il allait trop loin, comme récemment. "Tu mentionnes ça parce que mon sourire de clown te manque? Je peux le faire sur commande pour toi, tu le sais bien." Il savait surtout que Freya détestait ce jeu là quand ils étaient mômes. Wren, lui, s'en amusait dès lors qu'il laissait transparaître son petit côté sociopathe. Heureusement, ce n'était qu'un jeu d'acteur et il n'était pas prêt de devenir un clown de cirque aussi effrayant que ceux que l'on croisait dans les films. Lui était plus le grand frère chiant à souhait qui vous collait aux basques par peur que le monde ne vienne vous chercher des noises. Freya avait cette chance ou cette malchance d'avoir un tel aîné pour la soutenir dans cet univers des plus effrayants. "A partir du moment où on me demande quelque chose, c'est trop demandé, tu devrais le savoir maintenant... Mais ok, ok, je reste sage." Il ne tuerait personne dans les jours à venir même si c'était tentant vu comment certaines personnes avaient osé traiter Freya. Wren détestait quand elle était la cible, même si elle était tout aussi fautive que l'autre personne, c'était une Doherty après tout, ils étaient forcément responsables de quelque chose. "Je me rattraperai, ça prendra autant de temps et d'énergie qu'il faut." Parce qu'il avait merdé en abandonnant sa famille durant des semaines et que Freya lui en avait tant voulu. Il ne le ferait plus, il le savait. Jamais. D'autres le faisaient pour lui, de toute évidence, Elias en premier lieu. "Je pensais que c'était pas le genre de la maison de raconter des bobards mais j'espère que ça s'arrangera entre vous... J'ai quand même le droit de lui payer une petite visite de courtoisie? Promis, je l'abîme pas." Il ferait tout pour l'éviter en tout cas parce que, avec Wren, on n'était jamais tout à fait certains du résultats. Avec Freya non plus d'ailleurs et, avec le geste de Freya, le pompier en profita pour lui caresser la joue. Comme il détestait quand elle parlait d'elle ainsi, se réduisant à sa simple maladie qu'elle qualifiait de folie. "Ce qui me convient, c'est que tu sois heureuse. Et ta maladie te définit pas, tu le sais bien. Je t'aime comme tu es. Quoiqu'il arrive." Et là était la belle vérité de la famille Doherty. Wren l'aimerait toujours, sa chère et tendre soeur. "Soyons heureux ensemble, dès maintenant alors. Peut être que la chance te sourira, que l'amour de ta vie se trouve dans cette foule et qu'on arrêtera toute la folie de la planète en un claquement de doigts. Tu vois, je suis pas si mal léché que ça, j'suis peut être le nounours ultime même." Il lui fit un clin d'oeil en venant baiser sa tempe avec un sourire. Sa soeur. Sa Freya. Son monde.
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| | | | (#)Lun 22 Juil 2019 - 19:57 | |
| A la mention de ce fichu clown, Freya pousse son visage pour l’éloigner d’elle. « Tu l’fais, j’t’en colle une. Tu veux pas t’faire abîmer la tronche par ta petite sœur, quand même, si ? » Malgré le fait qu’il soit protecteur et qu’il a dû apprendre à gérer sa famille adolescent, Wren n’en a pas été moins un grand frère, et un garçon de surcroît. Et les grands frères, ça cherche toujours à embêter sa cadette et ça s’amuse toujours à lui faire peur. Autant dire que ça n’a pas loupé dans le petit appartement de la famille. Wren lui courant après, Tobias rigolant de tout son soûl et Freya finissant dans les jambes de sa mère parce que c’est le seul endroit où Wren finissait ses bêtises. Leur mère avait une certaine autorité sur son aîné, plus que leur père. Sûrement dû au fait que Wren la respectait bien plus qu’il ne l’a jamais fait pour le géniteur.
Ils n’avaient pas franchement eu une vie parfaite mais ils en étaient pas moins des enfants. Ils ont réussi à avoir des moments à eux, des moments d’innocence, de pleurs et de joie. Une fratrie de trois, qui se chamaillaient, qui s’insultaient, qui se griffaient mais qui ont toujours essayé de se soutenir quand il le fallait, d’être là les uns sur les autres. On peut affirmer qu’aujourd’hui, les choses n’ont pas vraiment changé pour Wren & Freya.
Mais on ne peut pas en dire autant de Tobias. Un pilier qui s’effondre un peu plus chaque jour.
« A partir du moment où on me demande quelque chose, c'est trop demandé, tu devrais le savoir maintenant... ,elle lui lance un regard bourré de sens en majorité négatif, Mais ok, ok, je reste sage. » Voilà qui lui convient mieux, comme réponse. Être sage n’est pas non plus le mot qu’elle inscrirait à côté de la définition de son frère. Mais s’il peut au moins essayer, elle lui en serait reconnaissante.
Freya a presque cru qu’il allait s’emporter avec sa remarque. Mais il n’y fit rien. Pire, il s’en repentit.
Décidément, son frère n’hésite pas à la surprendre même sans le vouloir. Le regard de la jeune femme se sauve sur son environnement parce qu’elle n’aime pas finalement avoir frôlé le sujet sur le bout des doigts. Quelle conne, aussi, sérieusement. Mais d’un autre côté, Freya se sent rassurée qu’il a compris la leçon.
Au moins pour cette fois. Et elle espère que c’est la bonne.
Doherty se mord la joue intérieure avant de faire un signe blasée. « Comme si j’peux t’en empêcher, t’façon. » C’est pas une confrontation dont elle souhaite être témoin. Elle a déjà vu Wren & Elias à l’œuvre et nope, elle passe son tour pour cette fois, next. « Juste le provoque pas, s’te plait. Sanguins comme vous êtes, j’veux pas qu’on m’appelle à la morgue pour vous identifier. » Mais pour le coup, Freya demande la lune. « Car j’te préviens, j’vous laisserai vous décomposer et vous finirez comme bouffe à vers. »
Il n’y a pas justice dans ce monde, après tout.
La caresse sur la joue, le baiser sur la tempe et Freya enroule ses bras autour de son frère. Pourquoi il est aussi grand, cet imbécile, aussi ? « Un nounours plus trop de première fraîcheur ceci dit. » Elle lève les yeux vers lui avec un léger sourire taquin. « Oublie pas que tu resteras toujours l’homme de ma vie, Wren Doherty, »
Elle le pense sincèrement. Rien ne pourra changer ça. Ni son jumeau, ni son meilleur ami.
Freya finit par l'entrainer sur un banc (parce qu'elle commence à avoir mal aux jambes et que naviguer dans cette foule devient de plus en plus insupportable). « Assez d’parler de moi. T’as quelques mois à m’raconter je pense. J’veux tout savoir. »
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| | | | (#)Mar 23 Juil 2019 - 17:03 | |
| La notion de paix était toute relative au sein de la famille Doherty. S'ils arrivaient à se supporter plus de trois jours, on pouvait considérer qu'ils étaient dans une phase de trêve, mais évidemment, ce n'était pas un fait très fréquent. Les disputes avaient toujours été fréquentes avec eux, leurs parents avant eux ayant toujours eu de bonnes raisons pour laisser les assiettes s'envoler. Au final, la descendance répétait les mêmes schémas, loin de savoir s'extérioriser sans user de violence verbale, voire physique. Ce cher Wren n'était pas étranger à tout cela et comme il avait assumé le rôle du père après la fuite de leur géniteur, il n'avait pas pu faire grand chose pour contrôler sa colère. Freya et Tobias en avaient été témoins quelques fois quand l'aîné cherchait à faire réagir leur mère, en vain. Rien de ce qu'il avait pu faire n'avait changé quoique ce fut pour la suédoise, entêtée à mourir seule et haïe par ses enfants. Wren avait tant de fois désiré abandonner la lutte mas quel fils aurait été à la laisser crever toute seule? Il terminait toujours par y revenir parce que sa famille, aussi dysfonctionnelle fut elle, était la chose la plus importante à ses yeux. Peut être était-ce dût à l'équilibre qu'il n'avait jamais eu, toujours perdu entre deux parents qui se déchiraient mais s'aimaient malgré la violence, ou bien les conséquences désastreuses de la folie prenant part dans leur patrimoine génétique, dans tous les cas, Wren était désormais persuadé qu'il ne ferait jamais partie des sains d'esprit. Pour Freya non plus, il n'y avait pas de salut possible, elle qui devait gérer sa bipolarité depuis l'adolescence. Wren ne pouvait rien faire contre cela, rien faire pour la protéger et c'était peut être le fait qui martyrisait le plus son coeur. Pour autant, il pouvait encore éviter qu'elle ait à trop souffrir d'autrui. Autant dire que certains allaient perdre un ou deux neurones dans l'histoire, parole de Doherty. "Je provoque jamais personne, voyons. J'adore les vers donc pas de problème, petite soeur." Il lui dit un clin d'oeil parce que Freya savait pertinemment que la situation dégénérerait nécessairement avec ces deux idiots. Wren ferait son maximum pour ne pas en coller une à Elias, la balle serait dans son camp s'il était suffisamment intelligent pour oser s'adresser à lui. En attendant, l'aîné comptait bien profiter de la présence de la cadette des Doherty, sans qu'aucun d'eux ne finisse mangé par un clown ou embroché par un jongleur de rue. "Dis que je suis vieux aussi, vas y. Oh que oui, ce sera moi qui t'accompagnera à l'autel dans tous les cas donc on peut dire ça, c'est certain." Sa petite soeur était la prunelle de ses yeux et qu'elle reconnaissance la même importance qu'il pouvait avoir à ses yeux était certainement le plus beau des cadeaux que pouvait recevoir Wren. "Comme s'il se passait des centaines de trucs en quelques mois. Trois fois rien, soeurette. Bon, j'ai p'tet rencontré une nana mais avec moi, on sait jamais combien de temps ça peut durer." Il était en général plus proche des trente heures que des trente ans mais le pompier voulait tenter l'aventure avec Maze, en espérant qu'il ne finirait pas par manger des pissenlits par la racine, tout était possible quand il était question d'amour et de sentiments. Absolument tout et c'était diablement effrayant.
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| | | | (#)Sam 27 Juil 2019 - 10:33 | |
| « Je provoque jamais personne, voyons. J'adore les vers donc pas de problème, petite sœur. » Cette dernière eut un sourire pour le ciel. Wren n’est pas le genre de type à faire attention à ce qu’il dit, ni même à réfléchir à ses paroles. Ils ont ce trait en commun, d’être dur dans leurs propos sans se soucier des conséquences. Un comportement qui a porté préjudice plus d’une fois à Freya ces dernières années.
Le ton piquant, les paroles assassines, elle les a appris avec le temps. Un long processus psychologique, qui a fini par payer. Avec l’aide de Terrence en première ligne de mire. La pré adolescente qu’elle fut, timide et effacée, qui baissait les yeux quand on venait lui chercher des poux ou, pire, se moquer de son pyromane de géniteur, a laissé place à une adolescence puis une jeune adulte qui n’a plus rien à attendre ni des autres ni de la vie. Même pas vingt ans et elle avait déjà cet air blasé et fini sur le visage, loin de rêvasser à une vie meilleure. Sa trajectoire était biscornue et elle le savait déjà. Vu son passé, il était évident qu’elle n’irait pas en s’améliorant.
Elle n’a pas cherché non plus à s’améliorer.
« Dis que je suis vieux aussi, vas y. Oh que oui, ce sera moi qui t'accompagnera à l'autel dans tous les cas donc on peut dire ça, c'est certain. » Freya fourre son nez dans l’épaule de son frère pour étouffer son léger rire. « C’est toi qui vient d’fêter tes trente piges. T’es dans une autre catégorie, Wrenichou. » Surnom absolument ridicule, qui peut agacer son frère bien comme il faut. Il est entré dans un autre cap de sa vie et franchement, Freya voit le sien arrivé de plus en plus vite. Les trois années d’écart qu’ils ont lui paraissent infime à ce moment précis. Si Doherty a peur de vieillir ? Pas spécialement. Mais on ne peut pas dire que ça l’enchante plus que ça. « Par contre, y a pas d’autel qui tient. Le premier qui m’demande en mariage, j’lui fais avaler sa bague. » Autant dire que Freya ne veut pas entendre parler de cérémonie, d’alliances, d’engagement à vie et toutes ces conneries. Elle ne croit absolument pas en l’institution du mariage. Pour elle, ce n’est rien de plus qu’une vaste supercherie qui fout une corde au cou aux protagonistes. Et en plus, ça coûte une fortune. Un vrai business, en somme.
Quand on aime quelqu'un, on n’a pas à lui promettre fidélité et attachement pour le restant de sa vie. On est censé avoir confiance que c’est déjà le cas, non ? Freya n’en sait rien et elle s’en fichait. Le jour où elle se mariera, c’est qu’elle aura sûrement bu le verre de trop.
« Comme s'il se passait des centaines de trucs en quelques mois. Trois fois rien, sœurette. Bon, j'ai p'tet rencontré une nana mais avec moi, on sait jamais combien de temps ça peut durer. » Freya ouvre les yeux en rond, intérêt soudainement réveillé. « Atteeeeeends, tu peux pas m’sortir un truc comme ça de c’te façon, elle lui tape la jambe de plusieurs coups, je veux tout savoir, maintenant, allez. Déballe ton sac, bro. Je suis toute ouïe. »
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| | | | (#)Dim 28 Juil 2019 - 16:04 | |
| Il était hors de question de choisir les mêmes routes que les autres. Les Doherty ne faisaient jamais dans le conventionnel: Wren aurait aimé dire que c'était de la faute de ce fameux incendie qui avait tout changé chez eux, mais c'était bien plus que cela à vrai dire. C'était avant tout une question de patrimoine génétique. Il y avait toujours eu quelque chose qui ne tournait pas rond chez eux, un mal ambiant qui menaçait d'exploser à tout moment. Finalement, c'était le patriarche qui s'était laissé avant les autres Doherty et la haine qu'on lui vouait depuis lors ne faisait que grimper, sauf pour Tobias. Wren savait bien que tous autant qu'ils étaient finiraient par sombrer dans la folie. Il n'y avait pas de remède contre cela, tout comme il n'y en avait pas lorsqu'il faisait quarante degrés à l'ombre et qu'on faisait tomber un bonbon avant de l'avaler. On le voyait fondre irrémédiablement, se consumer sous une chaleur étouffante, abrasante et on pouvait toujours essayer de le récupérer, le reprendre en main et espérer le manger mais il était trop tard, le destin avait fait son oeuvre et la tragédie était pliée, balayée. Normée. Le bonbon fondant, Wren aurait été capable de le regarder pendant des années, le voir se consumer et ne pas réagir parce qu'il n'y avait rien à faire contre une évidence. Rien à faire contre la folie. Il ne faisait rien contre la sienne, il se battait juste contre celle de son frère et sa soeur, même si c'était une lutte vaine. Ce jour-là, il voulait être le grand frère modèle, celui qui prendrait soin de sa cadette et lui redonnerait le goût de vivre après des jours passés enfermée entre quatre murs. "Ouais, bah rigole Freyounette mais qui me rejoint bientôt dans la trentaine?" Il lui fit un clin d'oeil, lui signifiant qu'il avait bien entendu le surnom atroce qu'elle avait osé lui donner, autant lui rendre, question de principe. Ils arrivaient à nouveau à rire ensemble, malgré les mois qu'ils avaient passé sans réellement se parler, à cause de Wren, oui. "J'aime l'idée. Je t'aime, toi, ouais. Faire avaler sa bague, j'adhère." De toute manière, Wren n'était pas spécialement prêt à accompagner sa soeur jusqu'à l'autel, à casser des dents aux types qui osaient s'approcher d'elle par contre, là, il y avait une envie de répondre présent en toutes circonstances. Wren ne lui dirait pas, il avait déjà mentionné l'affaire Elias et Freya n'avait pas eu l'air enchantée alors, il ne relancerait pas la conversation à ce sujet. Non, il parlait de lui et voyait la curiosité de sa soeur s'éveiller, instantanément. "Tu voulais qu'on fasse une cérémonie d'abord? Je sais pas, c'est juste arrivé comme ça. C'est une voisine de maman, elle a failli cramer son appart' un jour alors je suis intervenu, on s'est engueulés et ça a dérapé vers autre chose. Je sais pas ce que tu veux savoir de plus, vraiment." Wren jouait la carte du type modeste qui avait l'air de s'en foutre royalement. C'était faux pourtant, il en avait quelque chose à faire de Maze mais conserver les apparences froides habituelles, c'était toujours nécessaire avec un Doherty.
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| | | | (#)Lun 29 Juil 2019 - 22:32 | |
| L’air commence à tourner. Progressivement et doucement. Il y a toujours ces gamins qui courent dans tous les sens. Ils lui donnent le tournis, ces petits morpions. Il y a des couples qui baladent, bras dessus bras dessous, main dans la main ou s’arrêtant toutes les secondes pour se tripoter la langue. Franchement, aucun savoir vivre. Du banc, Freya a l’impression que tout s’arrêtait autour d’elle et qu’elle observait des fractions de la vies d’inconnus sans aucune impunité. Ils n’ont qu’à pas faire ça devant tout le monde. Y a fichus gamins, quand même.
Il est clair que les Doherty ne sont pas là pour les spectacles. Wren n’a rien trouvé mieux comme prétexte et, gamine quand elle peut l’être, elle s’est laissée embobiner par son frère alors qu’elle appréciait très bien la chaleur de sa couverture. L’aîné a un pouvoir de persuasion indéniable. Il a cette moue qu’on lui donnerait le bon dieu sans confession.
Un peu comme tous les Doherty, à vrai dire.
Freya n'aime pas qu'on lui rappelle qu'elle vieillit. Et elle n'aime encore moins qu'on lui rappelle l'approche des trente ans qui brille et clignote déjà comme un néon au dessus de sa tête. Mais Wren n'est pas genre à se soucier de ce genre de choses. « Fucking rövhål*! » Elle le frappe quand même dans le torse tout en l'insultant en suédois parce qu’il faut bien faire bonne mesure. Leur mère ne leur a pas forcément inculqué ce genre de mots mais il lui arrivait de les prononcer sans réfléchir.
Il faut savoir se faire respecter un minimum quand on est entourée de deux frères.
S’imaginer la bague au doigt n’a jamais été un projet d’avenir chez Freya. De toute façon, la jeune femme n’a jamais eu de projet d’avenir tout court. Que ce soit sur le plan social, professionnel ou affectif, les plans sur la comète lui sont inaccessibles. Dans une autre vie, elle aurait peut-être pu vivre de son art. Être avec quelqu'un qui l’accepte avec tous ses défauts. Elle n’aurait pas connu d’incendie dramatique dans sa vie, son père n’aurait jamais été là, son jumeau n’aurait pas fini au fin fond du gouffre du monde.
Ouais, une autre vie qui sent bon la vanille, la sécurité, l’amour et l’insouciance. Tout ce qu’elle n’a pas dans le monde actuel, à vrai dire. A part la vanille. Elle raffole bien trop de la vanille pour attendre qu’un univers parallèle lui en fournisse.
Et à part l’amour. Enfin, l’amour fraternel. Celui de son aîné que ce dernier ne cesse de lui rappeler. Une façon de se faire pardonner ? De la rassurer qu’il a compris la leçon ? En tout cas, Freya se met sur ses genoux sur le banc et se relève pour lui planter un baiser sur le front. Évidemment qu’il approuverait son idée. Il serait sûrement le premier à lui dire de s’enfuir si elle venait à gravir les marches vers l’autel.
Pas qu’elle y avait déjà pensé de toute façon.
Freya eut un sourire enchanté en écoutant son frère. « Si, exactement. Une cérémonie, un appel des cieux, une séance de spiritualité, limite une célébration d'indépendance, dit-elle en fourrant son doigt dans son torse à chaque énonciation. » Qu'elle peut être bête parfois. Mais avec Wren, au moins, elle peut l'être. S'il y a bien une personne au monde qui la connaisse sous toutes ses coutures, c'est bien lui. Elle n'a rien à lui cacher – ou presque.
Car il y a toujours des choses qu’on cache à son grand frère. Pour le bien d’autrui.
« Prends pas cet air détaché avec ta sœur, Wren Jeremias Doherty. » Mon dieu, elle a l’impression d’entendre leur mère quand elle joue à ça. Freya passe sa main sur ses yeux dans un léger rire. « Donc, tu joues le bon pompier valeureux, tu t’prends la tête avec la personne qu’tu sauves et tu finis dans son pieu? Par accident, p’t’être ? Quand on m’dit que pompier ouvre des perspectives, j’avais jamais pensé à ça. Tu crois qu’j’ferrai une bonne pompière ? » La blague. Sûrement que Wren va rire jaune face aux sous entendus. Il sait que sa sœur n’est pas une Marie couche toi là, de toute façon, mais elle n’est pas non plus une sainte nitouche. Freya pose son bras sur le banc avant de nicher sa tête contre sa main. « Comme j’dis, on sait comment ça commence, on sait pas comment ça s’finit, ces choses là. Mais profites-en tant que les feux sont au vert, big bro. Tu l’mérites. » Elle finit sa main libre tapotant celle de son frère la plus proche.
Freya ne souhaite le bonheur de personne d’autre que de Wren. Et si une fille dans cet univers réussit à lui en donner, alors sa sœur s’en contentera. Même si pour le coup, elle aimerait bien savoir qui est cette mystérieuse inconnue.
Freya finit par claquer des mains. « Bon, quand j’la rencontre ? » Grand sourire et air enfantin.
Couverture car il ne faut pas oublier. Quiconque s’approche de son frère doit passer par sa cadette.
Une règle de base, absolue et intraitable.
*: asshole
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| | | | | | | | DOHERTYS • a rift in the ripple of time |
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