Tu essaies vainement de négocier la suite, espères naïvement un jour avoir la main sur ce volet de ta vie. Il t'était vital d'être libre de tes choix, de tes actes, de ta position géographique sur votre planète. Il t'était inconcevable de ne pas avoir le dernier mot sur tout ce tu pouvais maîtriser afférant à ta petite personne, pour la simple et bonne raison que les rares éléments qui régissaient réellement ta vie, qui l'avaient bouleversée, t'étaient hors de contrôle. Tu pouvais mener l'existence la plus saine possible, les cellules anormales qui se multipliaient dans ton organisme ne dépendaient pas de ton aval pour continuer leur invasion. Tu étais capable de commettre toutes les bonnes actions possibles afin d'accumuler un karma exemplaire, il n'en changeait que ton cadet restait décédé et ce vide béant perdurait de faire saigner ton cœur quotidiennement, même des décennies plus tard. Avide, tu happais goulûment la maîtrise de tout ce qui t'impliquait, ces détails, ces pions à portée de doigts, en vue tempérer le fait que tu étais soumis à la destinée pour l'essence même de ton histoire.
« You're not even able to stand up all by yourself. How can you enjoy life at its fullest dude? » « Don't be so dramatic, » tu la grondes, telle une enfant de cinq ans qui exagère. Elle a raison, toutefois, Ariane. Tu ne feras pas long feu sans la sollicitation de soins et même si s'y plier rime à entamer un chemin de croix, ils composent ta seule chance pour réellement apprécie la vie ultérieurement et faire ce qu'il te plaît. Présentement, tu n'as pas la force de naviguer, ni celle d'offrir des prestations musicales sur scène. Tu inspires, poses ta main entre vos deux cuisses pour davantage d'appui. Tu luttes contre la fatigue, mais tiens à ajouter des clauses à cette bataille que tu risques - vous risquez - d'appréhender.
« If they say I'll end up stuck with dialysis, I don't fight it. But if they tell me I'll be able to sail again, I'll fight with everything I have and we'll go back to Miami. »
Les minutes se faufilent, Ariane se fige. Tu la scrutes, perçois les émotions faire tressaillir ses traits, animer son regard. Ton rythme cardiaque s'accélère devant tant d'anticipation et contre toute attente, narguant ton espoir qui flambait à mesure des secondes agonisantes, elle consent. « Deal. » Incrédule, tu la fixes. Tu attends la suite, ses clauses à elle, les petites lignes du contrat qui te la mettra à l'envers. Mais elle ne dit rien. Aucun marché n'a jamais été aussi simple entre vous. Est-ce parce que tu n'as jamais proposé d'offre aussi équitable ? Est-ce parce qu'un sentiment de pitié à ton égard naît en elle ? Est-ce parce qu'elle est persuadée que tu t'en sortiras - ou au contraire, que vu les circonstances, elle peut te laisser souffler sur ce coup-là ?
« You need to eat a bit. You need to rest. If we are going to see the docs, if we are doing this, I want you to be in a better shape than that. » Elle orchestre déjà la suite. Tu es soulagé qu'elle te traîne pas dans une clinique dès aujourd'hui, que tu disposes de la fin de journée et de la nuit à venir pour te repositionner, reprendre l'équilibre sur tous les nouveaux facteurs que la Parker t'a lancés en plein visage depuis son arrivée sur le bateau sans vraiment te laisser le loisir de les digérer. Tu doutes que t'iras mieux demain, mais cette pause t'est essentielle, il faut que la poussière retombe un peu. Tu ris doucement quand elle évoque des noodles, elle sait que cet aliment est l'élu quand tu vas mal, celui qui dispose du plus de probabilités de rester dans ton estomac et t'apporter des nutriments. « And then we're going to bed. » Elle ré-adopte la première personne du pluriel, s'incruste officiellement dans ton fléau sans même savoir quelle teneur il aura cette fois-ci, sans peut-être même se douter qu'il sera possiblement pire que la première fois. Elle se love contre toi, tu n'as pas envie d'être celui qui initie le mouvement pour briser ce contact, ce souvenir décisif que vous avez créé à cet endroit précis de ton bateau, cette bulle innovante et secrète qui se forme tranquillement mais sûrement. « What about Jo? » Tu interroges, sourcils froncés. N'y a-t-il pas cet époux qui, à tes yeux, a besoin d'elle et l'attend ? Celui pour lequel elle a accepté, de nombreuses années plus tard, de se tenir à ses côtés ? A mesure de tes réflexions, tu réalises que Joel n'est pas tant son mari parce qu'il a besoin d'elle. Ariane possède la connaissance de tous ses démons, elle l'a vu dans les pires circonstances, elle n'a pas agi sur un coup de tête, sous l'urgence. Elle l'a épousé en pleine âme et conscience, a motivé son geste de raison en plus de sentiments. « Why did you marry him? » T'as besoin d'en être sûr, toutefois. Il t'est indispensable qu'elle te certifie qu'elle a pleine conscience de ce qu'elle débute de manière si contractuelle, qu'elle n'a pas seulement craqué à l'usure mais qu'elle détient toutes les armes en mains pour faire de son ménage une belle histoire.
« Ari. » Tu commences, prêt à rappeler l'évidence. « Nobody knows. Except you. » Et tu veux que ça reste comme ça. Vous avez conservé le secret de ta maladie la première fois - les kilomètres de distance certes aidant - pourquoi pas maintenant ? Tu refuses que ta condition soit dévoilée, quitte peut-être à repartir sur Perth. Ou si vraiment le choix de Brisbane s'impose, tu n'es pas prêt à divulguer cette information aux autres de suite. Implicitement, tu la pries de tenir sa langue, t'aider à protéger ton secret, ta tare, encore une fois.
Ses foutues nouilles de merde. Il me fait penser à un adolescent qui habite au fin fond du sous-sol de ses parents, qui vit à leur crochet, qui passe ses journées à commenter des vidéos sur YouTube et à se battre en ligne pour sauver la princesse comme si elle allait lui donner des street creds dans la vie. Je suis pas certaine que je vais arriver à trouver de quoi pimper up le tout, y’a peut-être un reste d’épices asiatiques, ou même des wakame séchées que je lui aurais filées par excès de conscience avant de partir en tournée avec Jo. J’improviserai. Comme maintenant, surtout comme maintenant. Parce que même si tout ça c’est du déjà-vu, parce que même si on ne fait que répéter exactement la même scène, presque les mêmes paroles, ça a un tout nouveau goût sur ma langue, dans ma tête. Mon cœur lui, il est en berne depuis que le deal est scellé, on n’a pas besoin de lui, on n’a pas besoin qu’il s’emballe, qu’il ralentisse, qu’il s’énerve, qu’il panique. On veut pas de sa pitié mal placée que j’oserais jamais avoir envers Levi anyways, même sur son lit de mort si on se rend jusque-là. À partir de maintenant, ce sont mes gestes et mes paroles qui orchestrent le tout. Rien d’autre. « What about Jo? » « What about him? » que je réponds, à ses sourcils froncés, à sa question qui sort de nulle part, à propos d'un Joel qui est à l’autre bout de la ville à gérer ses propres démons, ses propres problèmes comme il a toujours su le faire. J’ignore pourquoi il le ramène encore et toujours sur le sujet alors qu’il a lui-même statué qu’il n’en parlerait pas. Mais s’il y a bien un truc que je déteste au plus haut point, c’est d’avoir à me répéter encore et toujours. Derechef, j’omets volontairement de lui remettre à la gueule que pour un gars qui voulait garder le sujet Birch sous clé, il échoue considérablement.
À la place, j’attends qu’il précise, parce que tout dans son expression, tout dans ce qu’il dégage me confirme qu’il va ajouter quelque chose, qu’il va pointer sa pensée là où il veut que j’aille. Là où il a besoin que je me rende. « Why did you marry him? » pourquoi est-ce que j’ai l’impression qu’il s’agit d’un test, d’un énième, pourquoi est-ce que je suis persuadée que dans sa question il tâte deux options l’une à l’extrême de l’autre ? Parce que t’es identique Ariane, parce que t’es toujours à t’élancer du côté bouillant comme du côté glacé. Parce que nous deux, c’est toujours un jeu dangereux à tenter de convaincre l’autre que son opinion est la meilleure, que sa prise de position est la seule et l’unique. To save him – que j’ai envie de rétorquer, glaciale, bouillante, lui remettant ses propres accusations précédentes en travers de la gorge. Mais j’ai étonnamment pas la force de lui faire volontairement du mal, et encore moins de m’en faire beaucoup plus. « Felt right at the time. » plain and simple. J’ai pas attendu de signe du messie, j’ai pas été alerte à l’alignement des planètes, j’ai eu aucune déclaration d’amour larmoyante à la clé, ni n’en ai donnée. Mais sur l’instant, ça me semblait évident, limpide, clair. « Still kinda does. » et à mes yeux, c’était la seule raison dont j’avais besoin, la seule justification qui était nécessaire. J’ignorais comment Levi le prendrait, comment il accueillerait ma réponse. Je niais particulièrement bien l’importance que j’accorderais à son avis, à quel point ce qu’il me dirait dans les prochaines secondes compterait au point que je pourrais tout remettre en question autant que m’en confirmer la moindre bribe. Jouer à l’autruche nous allait si bien, autant l’un que l’autre.
« Ari. » et je sais pas pourquoi je pense à ça mais sur l’instant, je me demande s’il m’a déjà appelée par mon prénom au complet. S’il s’est pas toujours contenté d’un surnom comme d’un autre, inventé, raccourci. Futilités. « Nobody knows. Except you. » je sais où il veut en venir, je sais très bien. Seule variante dans notre vie commune où on était prêts à faire bien des concessions pour le protéger. « He won’t know. » là par contre, faut que je me reprenne, une nouvelle variable dans la vie du McGrath qu’il faut prendre en compte. « Both of them, they won’t. » ni Kane, ni Asher. Ce sont eux qui comptent maintenant, n'est-ce pas?
Il m’apparaît épuisé là, un peu plus qu’à mon arrivée. Of course he is – you’re exhausting him as much as you’re exhausting yourself Ariane. « Don’t move an inch. » le temps que je me dérobe, le temps que je file à l’intérieur dans sa cuisine pathétiquement petite. Que je me cogne le front une quantité trop nombreuse de fois pour ne pas en avoir honte entre les placards minuscules et les murs trop rapprochés. L’eau qui m’ébouillante la peau à un moment ; étrangement, je sens rien. Et l’immense bol de plusieurs paquets combinés que je monte sur le pont une poignée de minutes plus tard en ignorant dans quel état je vais le retrouver, au moins persuadée qu’il n’a aucune force pour s’être tiré hors d’ici en mon absence. Ce n’est que lorsque j’ai posé son plat sur ses genoux pour en piquer deux bouchées avant lui que je laisse mon regard dériver vers le gouvernail, mes mots compléter ma pensée. « Are you finally gonna show me how? » le double-sens fait mal, parce qu’il y en a, des tas de trucs que Levi m’a montrés, qu’il m’a appris. Et tout autant dont il m’a privés, énièmes raisons d’être jalouse sans fondement respecté. Will he have time to show me? Mon menton pointe, explique, avant que ma question complète. « How to drive it? » il m’a jamais enseigné comment. Il a toujours voulu tout faire tout seul. Il y a toujours tenu. Mais à le voir ainsi, à le sentir comme ça, je doute qu’il puisse être capable de naviguer. Et le drame ici, c’est que s’il ne peut pas bouger de la côte, il en mourra à petit feu. Bien avant que la maladie ait fait quoi que ce soit pour l'encourager dans le processus. Autant le forcer à m’apprendre enfin pour la bonne cause – who knows. Maybe I’ll sail a few times on our way to Miami. Don’t think like that Ariane – don’t get your hopes high. You’ll break even worse if you do. I don’t fucking care.
« What about Jo? » « What about him? » Elle te semble répondre bien trop vivement, être bien trop sur la défensive. Comme si Joel n'influait aucunement dans votre relation, qu'il était un élément tout à fait hors-sujet dans l'épisode que vous venez de vous engager à débuter en duo. Oublie-t-elle qu'il demeure son époux officiel ? Qu'il a aussi besoin d'elle ? Qu'il l'aime ? Que tu as, bon gré mal gré, la capacité de nuire à son couple, son mariage ? Elle s'exaspère et tu ignores si c'est parce que tu remets le sujet sur la table - quand tu avais d'emblée annoncé que tu ne souhaitais pas aborder cette alliance - ou si parce qu'elle se doute qu'il y a beaucoup de nuages à venir au niveau de sa romance. « Why did you marry him? » Are you really up to all of it? Have you really done it for the right reasons? Tu repenses aux discussions que vous avez vues par rapport au Birch, qui sollicitait inlassablement la main d'une rousse qui doutait, hésitait, refusait. Il te faut savoir si elle a craqué, succombé, ou accepté.
« Felt right at the time. » Does it still feel right? Les mots brûlent tes lèvres, demeurent dans ta gorge nouée. Ce n'était pas ce que tu voulais entendre. Tu requérais un argumentaire explicitant plus clairement qu'il était her one and only. « Still kinda does. » « "Kinda". » Tu lui fais écho. « You know you can't divorce him, right? » L'oiseau de mauvais augure, le parasite récalcitrant, qui lui crache la potentielle vérité. Selon la condition mentale de Joel, il ne sera jamais jugé assez apte pour signer des papiers de divorce et en assumer les conséquences aux yeux de la loi. Quand, ironiquement, Ariane pouvait se porter garant de lui pour l'épouser. La législation est romantique, il faut croire. Mais il n'en demeure que si tu pourris de l'intérieur, t'auras toujours toutes les capacités de signer des documents pour Ariane. Joel, même si tu n'as pas totale connaissance de son cas, tu n'en est pas sûr.
Un autre sujet te taraude. Une autre toxicité que tu apporterais dans la vie de tes proches si tu restes, gravites dans leur histoire. Personne, mis à part Ariane, sait que tu es gravement malade. Tu ne sais pas si tu trouveras un jour le courage ainsi que la volonté de le leur annoncer. Peut-être quand il sera trop tard, quand tu n'auras plus le choix, quand le destin aura pris les choses en main pour toi. Égoïste, tu n'as pas envie de te pencher sur cette question, et intuitive, la rouquine t'assure qu'ils ne sauront pas. « Both of them, they won’t. » T'as envie de compléter cette liste mais la chef est déjà partie faire cuire des noodles, te sommant de ne pas bouger. Tu l'entends râler et grogner du pont, malgré son ordre et ton mal de dos, tu te déplaces de manière à faire davantage face au gouvernail et attraper un pull kangourou. Tu plonges tes mains dans la poche ventrale et observes le ballet des mouettes et goélands. Quelques minutes plus tard, tu as un plat chaud de nouilles sur les genoux. « You forgot a fork. » Tu condamnes. Elle ne le réalise peut-être pas, mais elle a fait cuire une quantité astronomique de pâtes. Elle ne le sait pas, mais le contenu de cette assiette surpasse ce que tu as mangé dans le mois. Tu lèves la tête, quelques faibles nausées te transperçant issue de la fatigue et suis le regard de la chroniqueuse qui se porte sur le gouvernail de ton navire.
« Are you finally gonna show me how? How to drive it? » Valeureux, tu tournes ta fourchette dans ton plat, laissant deux-trois nouilles s'entortiller. Tu joues plus que t'alimentes, mais tu montres de la bonne foi. « Why? You already wanna leave? » Tu avales ta bouchée et tournes de nouveau ta fourchette sur une partie du plat. « So much for being stuck with you. » Tu railles, te forces à continuer d'avaler ta part du plat - parce que tu ne toléreras pas Ariane à jeun. « I'm not sure I'll bequeathe Cadence to you. Could you really take good care of her? » Tu provoques, amer d'humour noir. Tu imposes une nouvelle bouchée vers ton estomac. « Where would you go? » Tu demandes sur un autre ton, celui la suppliant de te faire rêver, de te prodiguer des motifs supplémentaires pour persévérer quand tu ne croiras plus aux retrouvailles de ta liberté et souhaiteras pouvoir tout abandonner, de te livrer un but de plus de vaincre à te remémorer quand tu seras à terre et peineras à te relever.
« You know you can't divorce him, right? » mon sourcil se hausse, mes doigts vont se suite s’enrouler autour de l’alliance – celle qui fit – à mon annuaire. He knows. He’s playing. He’s stating that Jo & I, we’re not legally married in Straya. Il est pas con Levi, il sait que le double-mariage est pas valide, que l’Autriche va bien vite s’en rendre compte, en faire part à l’ambassade d’Australie, et que si je ne continue pas de me coller le nez sur tous les canaux de communication à ma portée pour faire le suivi du traitement de la demande légale, I’m in deep shitty trouble. « You know you’re being an asshole, right? » que je finirai par répondre, une seconde de trop au compteur, juste assez pour qu’il ait eu le temps de voir mon index filer de la bague de Joel à celle que lui m'a faite. Now’s a good time to leave Ariane. Let’s try to cook up some lame noodles, okay? And don’t forget to breathe girl. You missed a lot of inhales and exhales in the last few minutes.
L’épopée dans la cuisine se solde avec une portion de ramens plus grosse que nos deux têtes vides réunies. Le bol qui se retrouve sur ses genoux, et mon coup d’œil qui étudie le hoodie qu’il est allé chercher pendant mon absence, comme un autre élément à enregistrer maintenant, un détail de plus à mettre à la liste des choses à surveiller, à pallier avant lui, à prévoir avant qu'il en ait besoin. Il a froid plus facilement : checked. « You forgot a fork. » mes yeux roulent sur eux-mêmes, je fais absolument aucun effort pour lui donner la fourchette partagée avec plus de douceur qu’il n’en faut. On mangeait presque toujours dans l’assiette l’un de l’autre anyways, on buvait toujours dans le même verre. Il me fera pas pleurer avec son soudain besoin de faire couverts séparés. « Eat. » sèche, directe, autoritaire. Je ne baisserai les yeux sur le plat que lorsque la première bouchée passera ses lèvres, et qu’il me donnera l’impression de l’avoir avalée. À partir de là, je commencerai à scavenger le bol pour les ingrédients que je préfère, et laisserai de côté ceux qu’il aime et qu’évidemment moi, je déteste.
La conversation reprend, du moins, on tente de. Mon soudain intérêt pour apprendre à piloter son bateau qu’il balaie du revers, je ne m’attendais pas à moins. « Why? You already wanna leave? » mais je le vois, le rictus qui passe sur son visage, la pointe d’amusement effronté dans sa voix. C’est bref, à peine visible, encore moins facile à déceler, mais c’est là. Good. « Too many birds, they’re annoying. And there’s poop everywhere, it’s not clean. » j’invente des excuses à la pelletée, je roucoule avec le ton beaucoup trop snob pour l’être vraiment, le piquant sur la première chose à laquelle je pense, en l’occurrence sur sa foutue mouette de compagnie qui m’a tant enragée à mon arrivée. « So much for being stuck with you. » ma tête se tourne vers lui, je l’observe jouer avec la nourriture pour finalement en manger une petite portion, mais une portion tout de même. « You’re going to be stuck with me 24/7 from now on. Enjoy your little last glimpse of freedom would you. » la prochaine part qu’il enroulera autour de sa fourchette se verra interceptée au vol par mes bons soins, premier truc que j’ingère officiellement depuis que je suis partie d’Europe avec Joel y’a un peu moins de deux jours de ça.
« I'm not sure I'll bequeathe Cadence to you. Could you really take good care of her? » « I don’t want that thing next to my name on your will. It’s worth practically nothing, and your last book sold tons of copies you’re loaded. I want your money. All of it. » et l’humour noir revient. Et on est nous à nouveau. Et on prend plus rien au sérieux, on fait que s’énerver l’un l’autre, on fait que viser, toujours en plein centre. Feels good to be bad. C’est pas encore tout à fait ça, et ses cernes sont beaucoup trop apparents pour que je les vois pas, mais avec un peu de fond de teint et le bon angle de soleil couchant, j’arriverai à m’y habituer sans problème. « And Hermione. » parce que son harmonica a une valeur sentimentale, we all know. « Where would you go? » qu’il articule finalement. Les paroles qui volent, les mots qui ont beaucoup plus de sens qu’une simple attaque comme les précédentes. Je me cale sur la cabine derrière moi, mes prunelles qui se perdent sur l’horizon le temps de rassembler les suggestions, de me fier à notre historique pour construire un hypothétique trajet qui me donne l’impression d’être beaucoup plus qu’un simple quiz de géographie pour lui. Where would you go? Except Miami? « Bali. » comme l’évidence, la référence en premier lieu. « And before that we’ll stop in Papoua. » je prends une nouvelle bouchée, lui en prépare une plus petite que la mienne que je le forcerai à avaler la seconde d’après. « I wanna go to Timor sea too. And Sayu. » son menton recouvert de bouillon qui a coulé et que j’essuie du revers de la main, repassant sur sa peau avec son t-shirt que je remonte de quelques centimètres sur son visage. « And Sumba, and Nusa Tenggara. » un soupir glisse sur mes lèvres, ma silhouette se décale pour que ma tête finisse par se poser sur son épaule, les yeux toujours plaqués vers les goélands et énièmes volatiles envoyés du démon lui-même. « But our last stop will definitely be Bali. »
Tu articules à voix haute ce qu'elle fuit, ce qu'elle ne souhaite pas entendre : son mariage bancal légalement, de sa décision aléatoire pour l'initier à son caractère continuel si elle est validée. Tu la mets en garde, lui rappelle ce qu'elle sait déjà, ce qui la hante possiblement. « You know you’re being an asshole, right? » « Truth hurts. » tu répliques, n'étant nullement insulté. Tu la dévisages à la recherche de ses appréhensions, de ses doutes, de ses hésitations, jusqu'à ce qu'elle fuit vous cuisiner une montagne de noodles.
Tu la railles sur l'absence d'une fourchette, elle te somme sèchement d'avaler ta portion. Tu joues avec la nourriture bien plus que ne l'absorbes, ton appétit totalement absent, ta fatigue et tes nausées rendant la discipline bien plus ardue que tu n'oses lui confier. Elle finit par s'impatienter et prendre l'outil entre les doigts, faire le tri pour avaler les éléments qu'elle préfère et te laisser le reste, si généreuse. Tu avales péniblement la bouchée qu'elle te forced feed et poses ton regard sur le gouvernail lorsqu'elle t'interroge sur la date de ses futures leçons de navigation.
Jamais, tu aurais pu déclarer, comme à l'accoutumée. Si Parker te laisse sa voiture, tu n'en feras en aucun cas de même avec Cadence. Tu ne l'as confiée à personne. Elle est l'enfant que tu n'auras jamais, ta maison, ton paradis. Il t'est inconcevable de la quitter, si bien qu'elle demeure ton domicile depuis tes dix-neuf ans maintenant. Mais une nouvelle perspective s'immisce, désormais. Tu ne peux plus naviguer, tu en es incapable depuis quelques semaines. Cadence rouille contre le ponton et tu n'y peux rien. T'es pris au piège sur terre, empoisonné par ton propre corps. Peut-être serait-il une bonne idée d'autoriser un relais, de permettre à une personne spéciale de la prendre en mains.
« Too many birds, they’re annoying. And there’s poop everywhere, it’s not clean. » « So not sanitory. » Tu joues, sourire étirant tes lèvres pâles. Il te semble que la rouquine vogue au gré du vent, oriente la teneur de votre conversation selon ton état, ce dont tu nécessites. « You’re going to be stuck with me 24/7 from now on. Enjoy your little last glimpse of freedom would you. » Elle te rappelle son intention de rester à tes côtés, même si cela lui coûtera indéniablement et que vous en avez tous les deux parfaitement conscience. Elle souligne sa réponse à ton besoin sur un ton de menace, préservant ta dignité, une ressource qui se montrera sûrement rare dans les prochains mois. Distrait, tu conserves un fin sourire.
La fourchette glisse à nouveau de tes mains, tu ris doucement lorsqu'elle te rétorque que ton argent l'intéresse et non ton bien le plus précieux. « You could sell her » Tu lui rappelles, même s'il vaut mieux qu'elle attende que ton corps soit froid pour se faire et qu'elle risque de te faire te retourner dans ta tombe. Tu as totalement capitulé sur la souveraineté de la fourchette et délègue à Ariane l'entière tâche de vider le bol de nouilles. Elle mange avec tant d'énergie comparé à toi que tu la croirais presque affamé. De plus, ce n'est pas de bouffe dont tu as faim, mais de voyage. « Where would you go? »
« Bali. » elle statue, catégorique. Tu pouffes doucement, Miami et Bali figuraient sur la liste de vos havres de paix, les villes vers lesquelles vous vous promettez de fuir quand ça va pas - mais pas aussi mal que présentement. Puis elle te fournit un véritable itinéraire. De ton doigt, tu traces discrètement contre sa cuisse la route vers les différentes escales et destinations, les cartes du monde et maritimes gravées dans ta tête. Elle te permet de t'envoler, t'offre ce but supplémentaire à gagner la guerre qui s'annonce. Nusa Tenggara sonne le glas, tu demeures en suspens, Bali revient sur la table. Sa tête se love contre ton épaule, tes yeux parcourent le rivage à la recherche de ce voyage-ci. « Sounds great. Promise me you'll do it. » Tu finis par murmurer, des dizaines de minutes plus tard, le bol de noodles vide abandonné gisant à côté d'Ariane, frustrant une Ginette plus ou moins apprivoisée sans cérémonie.
« Promise me you'll leave me as soon as you don't want to do it any longer. » Tu requiers, imposes une carte joker dans les mains d'Ariane, l'autorisation formelle et solennelle de quitter ton champ de bataille dès qu'elle le désirera, et cela pour une durée fixe comme définitive. Tu espères annihiler toutes notions de culpabilité via cette promesse. Tu certifies à la Parker qu'elle ne t'est pas redevable, qu'elle reste libre de mener sa vie comme bon lui semble. Qu'elle peut t'accompagner dans la mesure qu'elle seule décidera, qu'elle n'est contrainte à rien et que jamais tu ne l'obligeras à rester à tes côtés si elle ne le peut pas, le refuse. You need her, but she's not yours. You only have the right to enjoy what she allows you to have of her. Tu sais que demain, tu reprendras ta santé en main seulement parce qu'elle est là, parce qu'elle s'est engagée à t'accompagner à ta consultation médicale, qu'elle t'a assuré qu'elle ne te laissera pas totalement seul devant cet adversaire, qu'elle a dressé un plan de match quand tu étais inapte à voir quoi que ce soit clairement. Mais tu sais également à quel point ce rôle est éprouvant et ingrat, qu'il vous détruit en silence, sournoisement, pernicieusement, sans que le monde semble s'en apercevoir sous prétexte que vous n'êtes que l'accompagnant, que l'aidant, et non le malade. Tu ne veux pas ça pour Ariane. Elle ne mérite pas ça. Ta main quitte la poche kangourou de ton pull pour aller chercher la sienne, y enlacer tes doigts. Tu es égoïste, parce qu'autant tu veux qu'elle se préserve, autant il t'est crucial qu'elle le fasse. « Promise me I won't be your duty nor your guilt. »
Dernière édition par Levi McGrath le Sam 20 Juil 2019 - 21:54, édité 1 fois
« You could sell her » un bref coup d’oeil faussement dédaigneux complète ses propos. « Nah, looks too old, no one will buy it. » looks too old parce qu’il l’a dans sa vie depuis qu’il est libre le gars. Depuis ses 19 ans. Depuis qu’il peut parcourir le monde comme il le veut, comme il le souhaite, comme il le peut. Not anymore seems like. We’ll work on that, he’ll show you. Parce que je vais le forcer à un moment, il le sait autant que moi. His own sanity depends on that. « I’ll turn it into a sanctuary for your fans. Tell them you’re haunting the entire boat on specific nights where I’ll be charging five times the ticket price just to enter, and another two times if they want to take a picture. » je bats des cils, place la blague devant ma volonté pure et dure de ne jamais vendre ce bateau-là à quiconque me ferait chier à le vouloir. Avant de réaliser que j’ai un bout de persil entre les dents, l’en déloge avant de l’envoyer valser dans le bol vide que son ingrat oiseau de compagnie investigue même s’il n’y reste absolument rien à part quelques miettes mollasses.
Viennent les plans de voyage. Je sais ce qu’il fait, je sais qu’il tente de le vivre à travers moi le périple, qu’il se le raconte au fil de mes mots, que les destinations choisies apparaissent devant ses yeux qu’il perd au loin. J’ai pas la force en ce moment de tenir son coup d’œil à relater une escapade que j’ai 50% de chance de faire sans lui. D’office je m’allonge donc un peu mieux, me sers de sa cage thoracique comme support pour ma tête trop lourde, trop sérieuse, trop sollicitée. Rien n’y paraît, jusqu’à ce que Levi laisse le silence nous bercer, les vagues qui se cassent sur la coque, et ses mots qui remontent. « Sounds great. Promise me you'll do it. » je me redresse, arrive à prendre sur moi pour détourner la tête, capter ses iris des miens. « Promise me you'll leave me as soon as you don't want to do it any longer. » pas un mot, pas un son ne sort d’entre mes lèvres. Je reste attentive, silencieuse, beaucoup plus que je ne l’ai jamais été avec lui. J’avais l’habitude de l’envoyer chier en plein milieu de ses phrases depuis des millénaires quand on y pense. Old habits die hard. « Promise me I won't be your duty nor your guilt. »
Et lorsqu’il prend ma main, lorsqu’il y enlace ses doigts, je resserre la pression une seconde de plus, une seconde essentielle. Une de moins au compteur. « For someone who doesn’t do promises, and don’t believe a single one being sent his way… » que je lâche, dans un soupir, me replaçant au mieux pour être face à lui, mes genoux se pressent contre ses cuisses. Of course que je reste alerte au moindre rictus de douleur que ma nouvelle position lui occasionnerait. « At least you didn’t ask me to promise you I'll always love you or I'll someday find you more interesting than your fucking annoying birds. » ma voix est condescendante, lui autant que moi détestait les effluves d’amour fausses, les déclarations larmoyantes dégoulinantes de sentiments relatifs. « Since you're wondering, yeah, you're an everyday duty. A duty I had to tolerate for the last 18 years now. » and I’m not planning on breaking my perfect streak. Not now, not ever.
Puis, je prends sur moi, inspire profondément, complète sa pensée avant d’aller aux choses sérieuses. « I promise. » une nouvelle inspiration, mes yeux ne lâchent pas les siens, ils entrent encore plus à travers ses prunelles si cela est même possible. « I promise I'll do it. » mon index trace des lignes imaginaires à l’intérieur de sa paume. « I promise I'll leave you. » je sais où ça le chatouille, je sais entre quelles phalanges il est plus sensible, j’y reste juste assez pour que ça le dérange, le déconcentre, déloge la tension qui monte, les cœurs qui se brisent. « I promise you won't. »
Et quand je vois ses épaules redescendre d’une expiration qui a tout d’un soulagement, je reprends, la voix qui ne laisse place à aucun commentaires de sa part. « But I also promise I'll stay as long as I humanly can. » and we both know I can handle pretty much anything. I’m the strong one. I break, but I build up stronger than ever right after. « I promise I'll be there for you in each and every way you need, even the ones you're too fucking stubborn to admit. » mes doigts se referment un peu plus fort contre sa main, j’ose espérer qu’il se raccroche autant à moi que moi à lui. « I promise we'll go. To Bali. And everywhere in between. Even the shitty islands with the freaks and their ugly makeup and jewels. » tell me we'll go there and make fun of them. Together. Tell me. « Cause I'll plan a fucking trip. A real one. There. If they tell us you won't make it, I'll plan it and fill it with so many activities, you're gonna die of how much of a control freak I can be. » un sourire qui remonte, qui essaie du moins. « Too soon? » le sarcasme bien noir comme issue.
On peut rire de tout avec n'importe qui, ton esprit constate, alors que morbides, vous discutez déjà de ton testament. La Parker ambitionne ton argent, tu lui suggères de vendre ton bateau bien qu'il détienne une valeur inestimable à tes yeux puisqu'il signifie la réalité de ta vie. Tu serais détruit si ton navire en venait à être démoli, abandonné, négligé. Présentement, tu rumines déjà de ne pas être capable de l'emporter loin du rivage et t'assurer qu'il soit en parfait état. Tu as vécu des milliers d'aventures comme de mésaventures avec Cadence, tu en as vu de toutes les couleurs sur son pont, a rencontré également une quantité faramineuse de personnalités toutes aussi différentes les unes que les autres. Tu y as ri, y as aimé, y t'es disputé. Tu as grandi, t'y es enrichi d'expériences réelles. Ce soir, tu y as même versé quelques larmes, arrachées par le contrecoup du destin dans toute son intransigeance rimant avec le cruel et l'injustice.
Elle refuse de le mettre en vente et tu ne la quittes pas du regard. Tu plaisantes, tu railles, mais au fond de ton être, tu es vulnérable, sérieux. Elle se réjouit, élabore une stratégie financière, est bien meilleure que toi à ce jeu sombre que tu as pourtant initié volontairement. « Good thinking. » Tu approuves en acquiesçant, l'air faussement impressionné. Puis, tu reviens aux expéditions répondant à l'appel marin. Tes doigts dessines la carte maritime du voyage qu'elle expose, ton cœur et ton esprit y voguent déjà. La rousse s'appuie davantage contre ta cage thoracique, s'installe plus confortablement sur le pont. Tu te laisses bercer par le son des vagues, imagines le reflux des vagues contre ton corps éreinté. Tu te concentres sur la mélodie océane, celle qui t'a toujours rassuré, conforté, adoucit tous tes maux. La mer, aussi indomptable soit-elle, a toujours été celle qui t'a fait sentir bien, en sécurité, libre. C'est notamment pour cette raison que tu as toujours refusé de vivre sur terre. Il te faut être constamment proche d'une source d'évasion.
Ta gorge est sèche lorsque tu brises toutes tes traditions et lui pries de se plier à l’exercice des promesses. Tu as besoin de certitudes dans le flou qui t'attend. Tu recherches des piliers, des valeurs sûres quand bientôt, ton histoire toute entière sera renversée, chamboulée. Tu veux qu'elle le fasse, ce voyage qui te tient déjà tant à cœur. Il t'es primordial qu'elle t'abandonne, quand ce sera trop difficile pour elle ou quand elle n'aura plus de temps à te consacrer. Il te faut l'assurance que tu ne deviendras pas un fardeau sur ses épaules, une responsabilité, un boulet à traîner parce que vous avez un passé houleux, un présent périlleux et un futur programmé à l'arrachée. Ces promesses te sont indispensables, tu t'y accrocheras comme tu retiens actuellement la main d'Ariane entre la tienne. Elle resserre ses doigts contre les tiens et elle poursuit sa lancée humoristique. Tu cilles, laisses filer un léger rire quand elle critique Ginette, Roger, Léon et les autres. « You'd get along with them. Y'all scavenge the same way. » Tu provoques, insolent. « Since you're wondering, yeah, you're an everyday duty. A duty I had to tolerate for the last 18 years now. » Tu ris, rectifies : « That's pushing it... I wasn't around most of the time. »
Une vague plus gonflée par le vent que ses prédécesseurs vient s'abattre sur la coque du bateau, éclabousse légèrement la rambarde sur son passage. Ariane se repositionne, tu poses tes mains sur ses cuisses, déplaces un de ses genoux pour qu'il cesse de te perforer un nerf. « I promise. » Elle finit par consentir, accorder. Le regard que tu lui offres est spontané, sincère, brut. Tes pupilles se plongent dans les siennes, ton âme à la fois soulagée de recevoir ce salut mais méfiante de cette nouvelle demande si facilement remplie. « I promise I'll do it. » Elle répète, déterminée, prenant possession de ta main, y traçant des sillons tantôt douloureux, tantôt chatouilleux. « I promise I'll leave you. » Elle te les livre toutes, ces munitions que tu lui déroberais presque : un engagement à te battre si et seulement si cela signifie ne pas être condamné à dépendre d'une machine. Un besoin primordial de définir le contour de son rôle au sein de la dite hypothétique bataille. Une nécessité non négociable de disposer d'un goût du futur, aussi lancinant soit-il, même dans le pire scénarios, sans toi. Tu les emmagasines précieusement toutes, sachant pertinemment qu'elles te seront vitales, qu'elles te rattacheront à la réalité quand tu risqueras de décrocher, qu'elles seront moteurs de tes luttes et accableront tes démons.
Orgueilleux, tu espérais ne pas être qu'un nuage de poussières sur cette planète, que malgré tout, tu pourrais toujours planer dans la vie d'Ariane, que tu lui laisserais de quoi combler un éventuel vide si tu venais à disparaître, que dans ces fameux dix-huit ans de présentiel saccadé dans sa vie, il y aurait un peu de ta trace, peut-être ta voix qui lui rappelle ces vérités - tes vérités qui sont devenues plus tard les vôtres - pour traverser les moments délicats, les instants hargneux, les révélations inavouables. Tu avais conscience de l'amas d'âneries que tu entretenais dans son existence, mais tu étais convaincu que parmi toutes ces cochonneries, tu avais déniché de quoi vous faire grandir, de quoi vous renforcer, vous armer contre les maux. Puis, si tu venais à échouer misérablement, si le prochain chapitre de ton histoire s'achevait de manière brutale, tu te persuadais que grâce à cette promesse, elle ne resterait pas en suspens, transie par le choc, comme tu avais pu l'être au décès de Gideon. Non, Ariane avait dorénavant tout un voyage à réaliser, une partie de l'océan pacifique à arpenter.
Tes muscles se décontractent, le soulagement s'immisce doucement en ta personne. Elle te fait toujours face, impétueuse, impériale. « But I also promise I'll stay as long as I humanly can. » You're not human, ma répartie suggère, stoppée au creux de ma gorge. « I promise I'll be there for you in each and every way you need, even the ones you're too fucking stubborn to admit. » Good luck with that. viennent rejoindre les termes coincés dans cette gorge rétrécie par les sentiments. Sa poigne se veut plus forte contre tes doigts, appuyant sa parole, la soulignant, te sommant de bien la retenir et de lui accorder toute ton attention. « I promise we'll go. To Bali. And everywhere in between. Even the shitty islands with the freaks and their ugly makeup and jewels. » Tu ne la sens pas, la fichue larme qui se dérobe de tes cils et roule sur ta joue, secouée du rictus amusé que tu lui dédies. « Cause I'll plan a fucking trip. A real one. There. If they tell us you won't make it, I'll plan it and fill it with so many activities, you're gonna die of how much of a control freak I can be. » Tu lèves les yeux, uses du capuchon de ton pull pour gommer toutes larmes souillant clandestinement ton visage. Tu inspires profondément, à te brûler les poumons de l'air salin environnant. Tu retiens son sourire audacieux, têtu. « Too soon? » Tu hoches la tête en signe de dénégation, souris avec assurance, incapable d'émettre le moindre son. Pour la première fois en ces soit-disant dix-huit ans de corvées, l'émotion te gagne trop pour que tu remballes, que tu beugles, que tu contraries ou charries.
Tu reposes ton front sur son épaule saillante, aussi inconfortable soit-elle, laissant à ta tête beaucoup trop lourde l'opportunité de se reposer un moment. Permettant tes sentiments de se tasser. Humant son parfum et profitant de sa chaleur pour t'apaiser enfin. « Gotta go to bed. » Tu parviens à prononcer, tapotant sur l'avant-bras mouchetée de tâches de rousseur, une quantité inconnue de minutes plus tard. « Big day tomorrow. » Tu annonces, consens, actes.
Je parle, je parle et il écoute et il dit rien et j’y suis pas habituée à ça aussi. À avoir ses yeux vrillés sur moi, à sentir ses mains qui sont pas occupées à m’embêter, à piquer, tirer, gratter, pincer, agresser chaque parcelle de mon corps comme s’il avait 3 ans d’âge mental. Ses doigts sont las, sont reposés entre les miens. Ses prunelles sont braquées vers mon visage, elles se détournent juste lorsqu’il y a une larme qui apparaît, une autre qui la fait disparaître. Il rit à travers Levi, il souffle aussi, surtout. Et je promets comme il me l’a demandé, comme il me l’a supplié. Mais je promets bien plus aussi, et c’est probablement ce qui le rend si silencieux, si pensif, présent, mais ailleurs. Mes ongles qui vont creuser sa chair pour le ramener à moi quand il s’y perd, le rappel qu’il peut bien s’enfuir dans sa tête autant qu’il le veut, je serai toujours là, ambiante, parasite, agressante, imposée, à le tirer violemment à la surface. We’re doing this together, remember?
« There’s still snot on your nose, come on Levi, clean yourself man. » que j’expire, faussement dégoûtée, utilisant la manche de mon hoodie pour venir lui essuyer le nez, passer sans ménagement sur ses narines, laisser ses yeux à ses bons soins, inventer des cargaisons de morve qui lui donneraient l’air hypothétiquement ridicule quand, au final, je m’en balance de ce dont il peut bien avoir l’air. J’en ai rien à battre de son physique, de son apparence, de ses larmes, de ses rires. Tant qu’il est là, tant qu’il réagit – tant qu’il respire – all is good, all is well, all is saved. For now.
Sa tête vient se nicher dans mon cou, j’ignore à quel moment mes bras sont passés autour de ses épaules mais apparemment ils y sont, ils ont pas tant l’optique de bouger de là non plus. « Gotta go to bed. » yep, we should. On est exténués tous les deux, le décalage horaire me rattrape, sa santé l’achève. « Big day tomorrow. » yep, it could. Parce que c’est demain qu’on fait le premier pas, c’est demain qu’on aura les premières bribes. C’est demain que tout commence, alors qu’en réalité, c’est peut-être même demain que tout se finit. Ma silhouette se redresse en même temps que la sienne, les couverts qu’on abandonne sur le pont aux bons soins de ses rapaces d’animaux de compagnie. Et lorsqu’on finit dans sa cabine, je mets pas très longtemps avant de pointer le lit du menton. « You can have the left side. But only tonight. Tomorrow we’re back to our regular schedule. » il luttait toujours pour me le piquer, clamant qu’il y dormait mieux, qu’il y ronflait moins. Le côté gauche toujours à moi, assez que je l’en mordais d’habitude, l’ai fait saigner quelques fois à cause de son immobilité catégorique. Mais je suis tellement épuisée que le droit ira pour ce soir. Que je lui ferai confiance à savoir si c'est vraiment vrai, qu'il dort mieux à gauche. Je prends la chance. Juste au cas où.
Ce n’est que lorsqu’on est allongés l’un l’autre sous les draps que je me hisse à la hauteur de son oreille, que j’en profite entre deux expirations trop légères de sa part me suggérant qu’il ne dort pas encore totalement, pour lui murmurer, pour espérer aussi. Beaucoup. Tellement. « Let’s do this. » let’s beat it.