Le moteur vrombissant de ma bécane se coupe une fois arrivé sur le parking à quelques mètres du Confidential Club, je libère mes cheveux du casque qui atterrit sur le guidon, la brise matinale légère réduit à néant mes vaines tentatives pour les coiffer. Pied posé au sol sans quitter la selle, je m’allume une cigarette, les yeux plissés et le regard un peu vague et constate que je suis le premier sur le lieu de rendez-vous. Ce n’est pas bien grave, je déteste être en retard de toute façon, les arrivées remarquées ne sont pas mon style et je préfère être le gars ponctuel et discret qui se trouve un coin pour observer les autres. La solitude me colle à la peau. Prenant en considération les minutes de répit offerts avant le début du voyage, je laisse libre cours à mes pensées qui se dirigent toutes vers cette simple question : qu’est-ce que je fous là ? Je ne sais plus vraiment qui a eu l’idée d’organiser un road trip le long des côtes australiennes, ni pourquoi j’ai accepté d’y participer. Je devais être dans un état second, légèrement comateux, sûrement alcoolisé pour accepter une telle lubie, moi qui ne supporte pas de me mélanger aux autres et qui préfère de loin ma sempiternelle solitude pour ronger mon frein dans mon coin. A tous les coups, l’idée m’a été proposée après que j’eusse appris pour ma mère. L’éventualité qu’elle puisse être libérée de prison m’obsède et me rend fou, et mes instants de lucidité se font rares depuis que Lonnie m’en a fait l’annonce il y a quinze jours. J’ai beau rejeter autant que possible l’idée qu’elle puisse réintégrer une vie ‘normale’, je le désire tout autant que j’en aie peur et la bataille qui fait rage en moi anéantit absolument tout le reste, tout ce qui avait commencé à germer, l’espoir soufflant à travers des boucles brunes, une odeur musquée et une voix mélodieuse, fluette, douce au tympan. Cette annonce a été mon nouveau point de chute et je suis retombé violemment dans mes travers, occultant volontairement tout ce qui pouvait me faire du bien. L’alcool, les comas, les combats… Cela fait quinze jours que je ne lutte plus vraiment pour sortir la tête de l’eau et mon appartement est redevenu un véritable dépotoir, je ne me nourris qu’en fast-foods dégueulasses qui défoncent mon ventre et que je finis par vomir, bien trop alcoolisé pour garder quoi que ce soit à l’intérieur. Alors, la proposition de John m’a sûrement semblé bienvenue lorsqu’après avoir discuté toute une soirée de nos bécanes, ce dernier a lancé l’idée d’un road-trip sur un long weekend. De Brisbane jusqu’à Sidney, en s’arrêtant sur quelques magnifiques spots tels que Byron Bay, Nimbi ou Numbucca Heads ; cela vend du rêve, non ? Alors, j’ai accepté. Peut-être que je me suis dit que ça m’aiderait à sortir un peu le nez de ma merde, peut-être qu’une grande bouffée d’air frais c’était ce qu’il me fallait pour ouvrir les yeux et arrêter de sombrer, peut-être que de m’éloigner de Brisbane et de mon quotidien déprimant allait me permettre de rebondir, de retrouver un peu de consistance au lieu de me traîner comme cette chose molle et flasque, errante et désœuvrée que je suis en ce moment. Peut-être que j’avais simplement envie de dire ‘oui’ aussi, peut-être que John avait réussi à me convaincre rien qu’en argumentant avec moi sur les marques, les moteurs et les garages que nous fréquentions. Quelle différence cela fait, en vérité ? Je suis là et j’attends. Et je pourrais attendre simplement, sans avoir le cœur qui bat un peu trop vite et la gorge qui se noue, les poils qui se hérissent en guettant l’entrée du parking appréhendant d’apercevoir au loin de jolies boucles brunes en pagaille, oui, je pourrais attendre paisiblement si John n’avait pas décidé d’inviter d’autres collègues à partager ce road-trip. Et je n’ai aucune idée de comment une simple escapade entre motards a fini par se transformer en séjour de vacances entre collègues mais pourtant, c’est bel et bien le cas. Autant je me fiche que la jeune serveuse sexy à l’humeur joyeuse et au sourire éclatant nous accompagne (bien que j’espère qu’elle ne parle pas trop car j’apprécie énormément le silence et sa voix criarde pourrait à un moment donné me filer une sérieuse migraine), autant savoir que Terrence nous rejoint me fait paniquer monstrueusement. Car je lui dois une fichue explication sur mon comportement de ces quinze derniers jours, je lui dois une fichue explication pour ces deux semaines passées à l’éviter soigneusement, à terminer mes clopes à peine allumées sitôt qu’il faisait son apparition dans l’impasse, à détourner le regard dès que ses yeux verts d’opaline tentaient de croiser les miens, à quitter précipitamment le club à la fin de mon service (après m’être assuré qu’aucun client ne l’embêterait pour autant). Je lui dois une explication que je n’ai pas envie de lui donner car je n’accepte pas la situation, et toute cette pression m’est intolérable, ça me bouffe à l’intérieur, ça me ronge et ça me rend malade. L’envie de rallumer le moteur, de me barrer au plus vite est bien présente, l’envie de fuir encore une fois, une fois de plus, de retrouver ma bouteille, mon canapé, mes cigarettes et de sombrer encore, plus fort, plus douloureusement. Deux semaines depuis que nous avions fait l’amour, deux semaines depuis ce renouveau, cette délivrance, cette journée inoubliable qui avait pourtant connu une fin tragique avec l’annonce de mon frère. Deux semaines que j’évite son regard, sans pouvoir réellement m’en empêcher, et chaque coup d’œil équivalent à un coup de poignard en plein cœur. Car je ne peux pas l’avoir Terrence, je ne peux pas lui faire ça, il faut que je me résigne à le laisser partir, à le laisser illuminer la vie d’un autre qui ne l’entachera pas de sa noirceur. Ce n’était qu’une parenthèse, une merveilleuse, magnifique, sublime parenthèse, à présent terminée. Un tremblement m’ébranle et le vrombissement d’un autre moteur me parvient. Je relève la tête et aperçoit John sur sa moto au loin. J’inspire alors une grande bouffée d’air et essaie de me convaincre que ce road-trip n’est pas une mauvaise chose. C’est peine perdue car lorsque j’aperçois le corps filiforme de Terrence juste derrière celui du barman, une colère sourde monte violemment en moi et mes battements de cœur deviennent frénétiques à tel point que j’ai la sensation que mon palpitant de s’extirper de ma poitrine pour cogner contre le torse de celui que je désire avec toujours autant d’ardeur. J’écrase ma clope au sol, nerveusement et me redresse pour les saluer. – Salut. Ma mâchoire serrée m’empêche de prononcer un autre mot, la jalousie me fait grincer des dents et je jette rapidement un coup d’œil sur le parking désert en disant – Lexie est en retard, c’est l’truc des meufs ça, de se faire désirer. Je m’allume une autre clope et en relevant mon regard, je croise celui de Terrence un bref instant, c’est court, c’est furtif mais ça m’ébranle de la tête aux pieds, furieusement. – Vous faites la route ensembles ? Que je demande, un peu plus sèchement que je l’aurai voulu, sans le quitter du regard. Tu devrais être derrière moi. Tu devrais faire la route avec moi. Putain, je me foutrais des claques par moment ! J’ai perdu le droit d’être jaloux, je ne l’ai même jamais eu, c’est quoi cette attitude sérieusement ? Sans attendre la réponse (qui me semble de toute façon évidente vu leur arrivée), je sors de mon sac à dos les cartes que j’ai préparé à l’avance et je les leur tends brusquement. – J’ai préparé ça, ce sont les spots à voir sur la route, les arrêts inévitables sur le chemin. J’propose qu’on trace jusqu’à Sydney direct et après on remonte tranquille. Ça me semble plus logique comme ça. Je hausse les épaules, ouvert aux autres propositions. Après tout, personne n’a dit que j’étais responsable du road trip et c’est l’idée de John à la base. Je cale une fesse contre ma bécane, tire sur ma clope et observe derrière ma rangée de cils mes deux compagnons de route, le cœur en vrac et les émotions qui tempêtent dans tous les sens à l’intérieur.
Un dernier bisou à Maddie avant de partir. Sac sur le dos, tu grimpe sur ta bécane. Le bruit du moteur se fait entendre, tu décolle en trombe de ta place de parking sous le regard des passants qui partent travailler. Tu t'en vas pour trois jours. Trois jours loin de Brisbane trois jours en compagnie de tes compères du Confidential Club. Tu te souviens que Caïn a ralé lorsque vous lui avez demandés de tous être en repos durant trois jours consécutifs. Ça fait un moment que vous parliez de ce road-trip à moto et, enfin, le grand jour est arrivé. Maddie n'était pas ravie de te savoir loin de la ville, et loin d'elle surtout, durant trois jours. Ça te fera sans doute du bien. Suite à l'annonce du test de grossesse négatif, tu fus un peu déçu de ne pas avoir mis ta colocataire enceinte. Tu laime et lui faire un enfant serait la plus belle preuve d'amour. C'était sûrement un peu tôt encore, ce n'était pas le moment. Peut-être bientôt, tu l'espère. Tu as eu une idée folle, tu lui en parleras à ton retour, en attendant tu te dépêches de rejoindre l'immeuble de ton ami et collègue, Terrence, qui a souhaité que tu passe le prendre. Jusqu'à hier encore, il était prévu que tu passes chercher la jolie Lexie mais finalement, c'est Harvey qui la prendra sur sa bécane. Depuis plusieurs jours, Terrence n'est pas venu travailler. Étrange. Peut-être était-il malade ? T'aurais pu l'appeler, lui envoyer un messages. Mais toi et les nouvelles technologies, ça fait deux. Maddie et Lisbeth te l'ont déjà reprochés. T'arrive devant l'immeuble de ton ami et lui envoie un message texte pour lui faire parvenir ta présence sur le parking. Coup d'oeil rapide sur ton cellulaire, t'es en retard. Ça ne changera donc jamais. Terrence arrive, tu grimace en voyant sa mine déconfite. "Mec, t'as une sale gueule tu sais ça ?" Déjà que le jeune homme n'est pas très gros mais là, c'est pire. On dirait qu'il n'a rien avalé depuis plusieurs jours et qu'il n'a pas fermé l'oeil non plus depuis plusieurs jours. "Nan mais t'es sûr que ça va ? T'es certain de vouloir venir ? On t'en voudra pas si tu change d'avis hein ?" Terrence à l'air décidé à venir quand même. Tu le laisses grimper sur ta bécane. "Accroche toi !" Tu n'es pas un danger public au volant de ta deux roues mais mieux vaut prévenir que guérir. Ce n'est pas la première fois que tu prends un passager, t'as l'habitude. Ce voyage t'as te faire du bien, il va te vider la tête et cesser de penser à ce test de grossesse négatif. Ce n'est pas la fin du monde, vous avez encore le temps de faire un enfant. En tout cas, tes sentiments envers Maddie sont de plus en plus forts et de plus en plus présents. Ton coeur bat la chamade dès que ton regard se pose sur la demoiselle. Sur le parking du Confidential Club, Harvey est déjà là. Il ne manque plus que Lexie. "Salut !" Lances-tu à ton collègue alors que ta moto se gare à côté de la sienne. Tu retire ton casque et secoue la tête dans tous les sens. Lexie est en retard, c’est l’truc des meufs ça, de se faire désirer. Tu ne peux t'empêcher d'éclater de rire. Il n'a pas tort. Chaque fois que tu dois sortir avec Maddie, au cinéma ou juste faire des courses, elle te fait toujours attendre. "Je crois ouais." Te contentes-tu de répondre. Tu semble ressentir un certain malaise entre Harvey et Terrence, tu ne connais rien de leur relation. Tu ne sais pas ce qui a pu se passer entre eux, tu ne veux pas le savoir. Ce ne sont pas tes histoires, ça ne te regarde absolument pas. Le ton de la voix d'Harvey est sec, froid. Ce Road-Trip va être explosif, à tous les niveaux, c'est certain. "Euh .. bah ouais. C'est lui qui m'a proposé hier soir, par message !" T'explique-tu brièvement. Tu ne comprends pas le comportement de ton collègue, tu hausses simplement les épaule? Harvey te tend une carte très bien détaillés sur le parcours que vous emprunterez pendant trois jours. J’ai préparé ça, ce sont les spots à voir sur la route, les arrêts inévitables sur le chemin. J’propose qu’on trace jusqu’à Sydney direct et après on remonte tranquille. Ça me semble plus logique comme ça. Minutieusement, tu scrute le contenu de ce que ton ami a préparé. Tout me semble parfait comme ça, t'as même pensé à prendre ton appareil photo, de quoi en faire des jolies et les montrer à Maddie, Lisbeth. "ça me semble parfait comme ça ! Et donc on dormira à l'hôtel ? Enfin plutôt dans des môtels !" Tes finances ne te permettent malheureusement pas de t'offrir une nuit dans un trois étoiles. Coup d'oeil sur ton cellulaire, t'attends impatiemment l'arrivée de Lexie afin que le road trip puisse commencer.
Une semaine s'était écoulée depuis la soirée à pleurer douloureusement contre l'épaule de Léo et deux semaines depuis la matinée merveilleuse et hors du temps passée avec Harvey. Deux semaines et il avait l'amer sensation que ça faisait déja des semaines qu'il ne lui parlait plus et que la souffrance avait élu domicile contre chaque cellule de son corps. Il avait même l'impression d'avoir oublié le son de sa voix alors qu'en réalité il l'entendait tous les soirs au Confidential. Tous les putains de soirs. Et il se disait, Terry, que ça pouvait se comparer à de la torture finalement, cette espèce de tentation sournoisement affichée devant son nez alors qu'il était impérialement ignoré et qu'il n'avait aucune idée de comment ils en étaient arrivés là. En deux semaines, il était passé par plusieurs étapes, Terry, peut être un peu trop con et impliqué, peut être trop en attente de quelque chose qui ne viendrait jamais. Il était passé par plusieurs stades dans sa souffrance et le premier avait été compliqué. Le choc. Le choc quand il était arrivé au boulot le lendemain de leur journée folle, le coeur léger et qu'il s'était mangé une porte en pleine face parce qu'Harvey l'avait froidement ignoré, évité. Choqué, il avait fumé trois clopes d'affilé, Terry et tant pis pour son temps de pause rallongé. Il avait fumé en faisant les cent pas dans la cours du personnel, lion en cage et le ventre noué. Est ce qu'il avait fait quelque chose de mal? La réaction d'Harvey était forcément anormale si l'on tenait compte de ses sourires francs qu'il lui lançait au creux de son appartement, de ses mains qui le cherchaient en permanence, de ses baisers fiévreux, de ses aveux, de son corps qu'il avait mis à nu face à lui. Le choc avait été brutal mais le sevrage avait été compliqué par la suite. Parce qu'il avait réalisé qu'Harvey avait fait sa place dans son coeur, qu'il ne risquait pas de s'en y déloger et que tout en lui manquait affreusement. Son odeur, sa voix grave et hésitante, son corps massif mais fin, sa barbe, ses cheveux longs, ses yeux bleus, ses mains, ses rires, tout tout tout. Il avait passé une semaine à se trainer dans son appart comme on ramperait entre la vie et la mort, jusqu'à ce que Léo débarque une nuit et lui redonne un peu de paix et de lumière au coeur de sa nuit. Un peu seulement parce qu'après ça, il y avait eu l'étape de l'abattement et cette fois il n'avait dérangé personne, Terrence, n'avait pas envoyé de sms ni de bouteille à la mer. Il avait juste arrêté de respirer et sur les derniers jours avait même demandé un arrêt de travail pour ne plus avoir à se confronter à lui soir après soir, nuit après nuit, et de se cramer ce qui lui restait de coeur contre son mutisme. Alors il était resté chez lui en espérant bêtement qu'Harvey viendrait peut être sonner à sa porte pour savoir comment il allait, ou lui envoyerait un sms pour lui dire qu'il lui manquait. Il rêvait trop, Terry, toujours gonflé d'espoir alors qu'il est déjà mort et enterré. Et puis il avait passé les trois derniers jours sous sa couette, la colère au fond du bide à se dire que putain non, ce n'était pas de sa faute, qu'on abandonnait pas les gens comme ça, sans explication, sans rien dire, après voir récupéré leur coeur et leur avoir offert l'univers. Au début s'il lui avait trouvé toutes les excuses du monde en se disait qu'il était libre blablabla, désormais il se sentait pris en otage par une irritation teintée de tristesse et il avait passé ses après midi à gribouiller le prénom d'Harvey dans son carnet avant le rayer de tranchants coups de stylos, larmes de rage au coin des yeux. C'était la première fois, il fallait le comprendre, Terry. C'était la première fois qu'il vivait un chagrin d'amour, LE chagrin d'amour, celui qu'on ne voit pas venir mais qui vient pourtant vous frapper la gueule à coup de batte cloutée en vous laissant à pour mort sur un bout de trottoir. Aujourd'hui, il a le coeur brisé, la confiance ébranlée et il ne sait plus s'il a envie de le voir, s'il a réellement envie de l'entendre s'expliquer. Malgré son état et son accablement, il avait accepté le road trip que John avait proposé sans savoir qu'Harvey serait là. John lui avait juste dit "avec des collègues" et avait mentionné Lexie, mais jamais il n'aurait pu imaginer que c'était le genre de trucs qu'aimait faire Harvey. Se barrer comme ça, en groupe, lui le loup sauvage et solitaire. Alors il avait accepté, pensant que ça lui ferait le plus grand bien et comme au travail personne ne savait rien de ce qu'ils avaient pu vivre Harvey et lui, c'était peut etre aussi l'occasion de parler d'autre chose et d'essayer de s'amuser. Essayer.
Quand John passe enfin le prendre il coince sa clope entre ses lèvres, Terry, le sac sur le dos, un pull bien trop grand pour lui et les cheveux attachés derrière sa tête, des boucles tombant devant ses oreilles. Il verrouille sa porte et descend rapidement les trois étages avant de s'engouffrer dans la rue et de recevoir un accueil merveilleux. Oui, il a une sale gueule. Depuis toujours puisque c'est aussi ce que son père lui disait. Il hausse les épaules et sans un mot s'installe contre son dos, le casque resté dans le coffre de la moto parce qu'il n'a pas envie de le mettre, les bras qui s'enroulent autour de la taille de John et la joue qui se pose mollement entre ses omoplates. Il est là sans être là, Terrence, fantomatique, insignifiant, transparent, et il se demande même s'il a sa place là bas, s'ils ont vraiment envie de se trainer un boulet à leurs cheville. John semble avoir la même pensée mais finalement Terrence ferme les yeux et lui répond. Je veux venir. Il le prononce avec assurance alors qu'en vérité il nage en plein doute et quand ils arrivent enfin sur le parking du rendez-vous et qu'il le voit de loin, lui et sa silhouette, lui et ses cheveux, lui et sa clope, lui et ses yeux, il comprend qu'il n'aurait pas du venir. Ca remue trop de choses, ça le percute, nouvelle claque dans la gueule et il arrête de respirer quelques secondes, le ventre en vrac. Il réalise soudain qu'il va devoir passer trois ou quatre jours avec lui et c'est presque au dessus de ses forces. Il tremble, Terry, contre le dos de John, il tremble mais il descend finalement de la bécane, s'allume une clope le yeux rivés sur son ancien amant et évite de le saluer en retour, malpoli, parce qu'en vérité il se voyait mal lui dire "hey salut" après ce qui s'était passé. Il écoute les deux hommes dialoguer sans rien dire, ses iris vertes qui cherchent timidement Harvey du regard et il le trouve changé, les traits tirés, les cheveux gras, les mains qui tremblent un peu. Il n'a jamais été aussi proche de lui depuis deux semaines alors sans réfléchir, encouragé par mots de Léo de la semaine passé il va se planter devant Harvey, le coeur qui palpite à tout rompre et le souffle court. Il garde la face, Terrence, la voix sèche et dure, le corps soudain plus droit comme pour qu'il ne remarque pas qu'il a perdu du poids et qu'il n'a plus de forces. Il fronce les sourcils, tire sur sa cigarette et fait une moue interrogatrice en balançant le menton vers la ducati. Ca te dérange pas si je m'installe derrière toi? Lexie aura moins mal au fesses sur celle de John. Et il tremble quand il balance sa clope au loin, parce qu'il a osé faire le premier pas alors que ce n'était pas forcément à lui de le faire, parce qu'il a suivit les mots de Léo d'aller se planter devant lui. Il a besoin de le sentir contre lui malgré toute la colère et la rancoeur, malgré la douleur qui lui bouffe les côtes, alors il a balancé ça avec une petite pique histoire de dire que tout ça ne l'atteint pas. Il reste là, la respiration qu'il tente de maitriser alors qu'il manque d'air et il le fixe, en attendant sa réponse, en attendant Lexie, en attendant que finalement tout le monde annule et que chacun rentre chez soi. Ou pas.
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 25 Nov 2019, 21:53, édité 5 fois
Assise dans mon canapé, je pianotais impatiemment sur l’accoudoir, les yeux rivés sur l’heure qu’indiquait mon téléphone. Mon amie était en retard. Enfin techniquement c’était surtout de ma faute étant donné que je n’avais pas de casque et que j’avais oublié d’aller le chercher plus tôt chez elle. Enfin « oublié ». Disons que nos emplois du temps respectifs ne concordaient pas vraiment – pour ne pas dire pas du tout – et que le seul moment disponible que nous avions en commun… J’avais été occupée à faire autre chose. Raison pour laquelle je l’attendais le matin même de mon départ. J’aurais pu passer le prendre chez elle me diriez-vous. Oui, c’était ce que je lui avais proposé à la base mais comme elle avait une course à faire dans le coin, elle m’avait gentiment proposé de me déposer au passage, ce que j’avais accepté. Ceci expliquait cela. Je profitais de ce temps libre pour me passer mentalement en revue le contenu de mon sac à dos des trois jours à venir. En soit, rien d’extraordinaire et seulement le strict minimum. Si j’étais une femme assez coquette dans la vie de tous les jours, je savais aussi m’adapter : exit le maquillage et les bijoux inutiles. J’avais donc principalement des hauts et sous-vêtements de rechanges ainsi qu’une bouteille d’eau puisque même si nous allions faire quelques haltes, c’était le genre de chose que je préférais garder à portée de main. Je me redressais ensuite pour vérifier le laçage de mes dr marteens marrons et ce fut le moment que choisit mon amie pour sonner à ma porte. Je m’empressais de me lever pour empoigner veste en cuir et sac à dos et me précipitais dans l’entrée pour aller l’accueillir.
« Salut Lexie, désolée je suis à la bourre ! Tom était malade toute la nuit, j’ai pas fermé l’œil de la nuit et… - Pas de soucis, t’inquiète ! Mais si ça ne t’embête pas, tu me raconteras tout ça dans la voiture ! » La coupais-je un peu brutalement.
Elle acquiesça dans un hochement de tête et nous descendîmes les escaliers à la hâte. Un instant plus tard nous nous installions dans la voiture et il nous fallut encore presque vingt minutes avant d’arriver à destination. Enfin ! Je la remerciais chaleureusement et récupérais mes affaires – dont le casque – avant de m’avancer vers le Confidential Club. Les hommes étaient déjà là avec les deux motos qui allaient nous mener à la découverte de tous les meilleurs recoins d’Australie. Un large sourire éclairait déjà mes traits, j’avais tellement hâte de partir ! Sans plus attendre, j’avançais vers eux à grandes enjambées, juste à temps pour entendre une bribe de conversation :
« …trace jusqu’à Sydney direct et après on remonte tranquille. Ça me semble plus logique comme ça. - Ça me semble parfait comme ça ! Et donc on dormira à l'hôtel ? Enfin plutôt dans des môtels ! - Ça te dérange pas si je m'installe derrière toi ? Lexie aura moins mal aux fesses sur celle de John. - Ça me va ! » Lançais-je à la cantonade. « Désolée pour le retard, une histoire concernant un gosse et du vomi… palpitant ! Mais j’ai été obligée de l’entendre pour récupérer le précieux. » Déclarais-je en brandissant le casque tel un trophée. « Je vous la raconterais en cours de route si vous voulez ! »
Le silence accueillit mon arrivée. Ce fut à cet instant que je pris conscience de la tension palpable qui régnait entre eux. Je récupérais le plan organisé par Harvey et sifflais d’admiration :
« Wouah, t’as dû passer du temps à plancher dessus ! On va passer de supers moments, merci Harvey ! »
Il était hors de question de tout annuler maintenant. Je ne connaissais pas la raison de leur différent mais j’osais espérer que la tension allait redescendre et je comptais bien ajouter mon grain de sel pour y contribuer. Même si cela impliquait d’être de bonne humeur 24h/24h – ce qui, entre nous, n’était pas difficile pour moi. Au vu de la tête de John, cela semblait concerner Terrence et Harvey. Soit, faisons en sorte que tout se passe pour le mieux alors !
« J’accepte volontiers d’endosser le rôle de la princesse délicate en montant sur la moto la plus confortable, quitte à devoir y rester assise plusieurs heures… ! Si le conducteur est d’accord, bien entendu. »
Je souriais au barman.
« Direction Sydney alors ? Parce que je ne voudrais pas vous presser mais on ferait mieux de se dépêcher si on veut faire un maximum d’activités ! »
J’avais lancé cette petite pique pour les faire sortir de leur torpeur tout en étant préparée à recevoir des commentaires. J’étais parfaitement consciente que notre départ était légèrement retardé par ma faute mais j’avais envie de les dérider un peu. Nous partions en week-end, autant en profiter tous ensemble dans la bonne humeur, non ? J’enfilais alors mon casque et le réglais avant de prendre place sur la moto, assise juste derrière John.
→ Un message. C’est fou comme la technologie a fini par s’imposer dans nos vies et par simplifier les rapports humains en les gardant éloignés physiquement. Un message, un appel, internet, le monde virtuel : tout cela m’échappe totalement et je vis en marge de ce monde parallèle, incompréhensible pour moi. J’ai tout de même un téléphone, je ne vis pas non plus dans une grotte, mais je n’ai absolument pas le réflexe de m’en servir et la plupart du temps, je l’oubli. C’est un outil qui me sert à régler mes factures en général, et encore… Je pourrais très bien vivre sans. Et il est plutôt rare que je me questionne sur mon désintérêt global de la chose, pourtant… les mots de John s’inscrivent dans mon esprit et je jette un regard furtif à Terrence, plein d’interrogations et de questions silencieuses. Il fume. Il fume en me regardant. Est-ce important pour lui le téléphone ? L’utilise-t-il souvent ? A quelle fréquence ? Pour quoi faire ? Une nouvelle fois, je me sens un peu brusqué, dépassé et l’envie de comprendre, d’apprendre se retrouve étrangement liée à une jalousie exacerbée qui m’irrite sourdement. Alors, je me détourne et attrape la feuille de route que j’ai préparé à l’avance, car je me doute que personne n’a pensé à le faire. Un road-trip, ça s’organise un minimum tout de même – et si cela fait vieux-jeu, je n’en ai rien à foutre, je préfère toujours ça au cafouillage bordélique qui, inévitablement, donne l’envie de se sauter à la gorge. John sillonne la feuille de route du regard et semble apprécier le contenu. Il s’inquiète pour dormir, et je dois avouer que ce n’est pas l’une de mes priorités pour le coup alors je me contente d’hausser les épaules – dormir à la belle étoile ne serait pas franchement un problème pour moi, de toute façon mes cauchemars ne me laissent jamais en paix très longtemps, la nuit est un moment que je redoute plus qu’autre chose. – Ouais, des motels, s’tu veux. J’aurai bien ajouté un ‘je m’en fous’, mais je l’avale avant qu’il ne sorte, craignant qu’il soit mal interprété. Chacun ses priorités après tout, et si moi je me prends plus la tête sur les stations-services tout au long de la route, je conçois que le coucher puisse être un confort dont on ne peut se passer. – Y’en a plein sur la route. Que j’ajoute, pour signaler aussi que cela ne serait pas très difficile à trouver. Des motels pourris, ça pousse comme les mauvaises herbes par ici, tout le long de la côte Est. Et puis, je me redresse et me tend. Terrence s’avance, bien droit face à moi et mon palpitant se met à dérailler. Ça frappe avec force dans ma poitrine, ça cogne et ça tambourine un peu partout alors qu’il est là, à seulement quelques centimètres. L’odeur de sa clope vient chatouiller mes narines et j’entends son ton sec, tranchant et légèrement provocateur qui remue tout à l’intérieur comme un tsunami. Nos regards se confrontent, il insulte ma bécane et ça me met en rogne. Ça me met en rogne mais c’est l’explosion aussi à l’intérieur car il va monter avec moi. Et bordel, ça m’fait autant de bien que ça me rend dingue. Si j’écoutais mes pulsions, je le plaquerais sur ma ducati pour l’embrasser comme un affamé à en perdre le souffle et la raison. Tu es à moi. Mais je ne bouge pas, je me contente de le fixer sans savoir quoi faire, ni comment réagir. J’ignore ce qu’il attend de moi, et ça me frustre. Alors je reste là, le souffle court, le cœur en vrac et je me la ferme. Il a maigri, Terrence, il a maigri et dans l’océan de ses yeux, je lis une profonde tristesse. La culpabilité, fidèle bourreau, revient à la charge car je me sens responsable de son état. Je me déteste. Et puis, Lexie arrive comme une sauveuse. Elle nous ouvre en grand une porte de sortie et je l’en remercie silencieusement. Car elle nous apporte l’élan qu’il nous manquait clairement pour bouger nos fesses. A tous les coups, nous serions encore en plein duel de regard si elle n’était pas apparue. Et je me maudis. Je me maudis car je suis un putain d’incapable. J’ai envie d’hurler, de me frapper mais je ne dis rien. Mâchoire fermée, regard fixe je baisse le regard au sol, peu réceptif à la joie de vivre communicative de Lexie. Pourtant, c’est un véritable vent de fraîcheur cette nana, une bouffée d’air frais. Elle débarque, pleine d’entrain et d’enthousiasme. Faut vraiment n’être qu’un pauvre con pour pas sauter sur l’occasion pour se ‘dérider’ comme elle le dit si bien. Et même si elle aussi incrimine ma bécane en soulignant l’inconfort de la selle, ce qui me fait grincer des dents à nouveau, je lui suis reconnaissant d’être aussi joviale malgré notre humeur à tous. – Ouais, direction Sidney, et de rien, c’est normal. Un coup d’œil à John, suivi d’un clin d’œil complice. On connait la route et nos bécanes aussi. On va tout simplement tracer et on prendra notre temps pour remonter la cote, c’est le mieux à faire. J’inspire fortement, puis tourne mon visage vers Terrence en lui tendant mon casque – Tiens, met ça. Je déglutis difficilement, je me sens tellement con face à lui, tellement… incapable. Il repousse le casque et je lâche un lourd soupire, levant les yeux au ciel. Tant pis, je n’insiste pas et n’enfile pas non plus le casque, le délaissant au profit de mes simples lunettes de soleil, indispensables. J’enfourche la bécane et le laisse s’installer avant de la démarrer. Et ses bras autour de moi provoquent des frissons sur ma peau, sa chaleur me donne envie de le serrer plus fort, de me coller à lui. J’en tremble. J’en tremble en tournant la clé et les vibrations de la moto masquent mes tremblements, mon air peu assuré et mon regard incroyablement triste. Ce que je m’inflige, ce n’est pas humain. Suis-je vraiment con à ce point ? Il faut le croire. – Pour info, ma bécane est confortable. Et ton cul lui en sera reconnaissant en arrivant. Je lance l’engin rutilant sur le parking, que je quitte rapidement pour m’engager dans la circulation avec aisance. C’est fluide et bien coordonné, parfaitement maîtrisé en dépit du tumulte de mes sentiments à l’intérieur.
La route défile, il y a presque 1000 kilomètres à parcourir et c’est ambitieux de vouloir les faire d’une traite. Evidemment, des arrêts sont prévus. Principalement dans des stations-services car les réservoirs sont limités et ne peuvent pas dépasser les 200 kilomètres. Toutefois, la route est agréable, nous longeons souvent la cote et percevons les embruns de l’océan avec plaisir. Etant partis tôt, nous avons aussi la chance d’admirer le lever du soleil sur l’océan et c’est un spectacle qui me serre le cœur tandis que les bras de Terrence se trouvent autour de moi. J’aurai envie d’arrêter la bécane, et de tout oublier à nouveau, de me fondre en lui comme si les deux semaines qui venaient de passer n’avaient jamais existé. Je ne suis pas le maître du temps, malheureusement. Alors, je roule, sans excès mais efficacement et, au bout de 200 bornes, dévie vers une petite station-service sans prétention pour le ‘petit-déj’. La moto pétarade un peu en ralentissant devant l’établissement poussiéreux et je fais craquer mes articulations rigides en la stoppant. Sitôt les deux pieds au sol, mes membres engourdis sont en demande d’activités et je m’allume une clope, le cœur toujours au bord des lèvres en observant Terrence.
Ce petit road trip de trois jours en compagnie de tes collègues préférés du Confidential Club tombe à pic. Il y a quelques jours, tu es tombé sur un test de grossesse dans la chambre de Maddie. Fouiller dans la chambre de quelqu'un ne se fait pas mais il était là, posé sur la commode et ta curiosité t'as piquée. Le test était négatif, cela dit tu y a cru le temps d'un instant. Tu as réellement cru que Maddie était tombée enceinte de toi. Ça aurai sûrement précipité les choses entre vous. Tu ne te sens pas prêt encore à lui donner ton coeur en entier. Il te faut du temps avant de savoir ce dont tu veux réellement. Tu sais que la demoiselle qui partage ton appartement compte beaucoup pour toi et son "je t'aime" à l'hôpital n'est pas rentré dans l'oreille d'un sourd. Tu ne veux pas te précipiter avec elle et faire les mêmes erreurs qu'avec Charlie, il faut que tu te soigne. Ça tu le sais bien. Tu as une idée, il faut juste que tu lance cette idée à Maddie. Partager cela avec elle n'est pas une mauvaise idée en soi. Pour le moment, il n'est pas question de ça. Ce road trip a pour but de te vider la tête. Sac sur dos, c'est au volant de ta bécane que tu passes chercher Terrence. Ce dernier a une tête d'un mec qui n'a pas dormi pendant plusieurs jours. Tu n'en fais pas cas, s'il souhaite t'en parler, il le fera de lui-même. Tu reprends la route jusqu'à atteindre le parking du Confidential Club. Harvey est déjà présent, en revanche, Lexie n'est pas encore là. Les filles et la ponctualité, toute une histoire. Tu sens un léger malaise entre Harvey et Terrence. Une embrouille entre eux ? T'es loin de te douter de ce qu'il se trâme entre eux, comme si tu avais disparu de la circulation de la planète durant plusieurs semaines. Comme déconnecté du reste du monde. Malgré ce malaise que tu perçois entre eux, t'es content de faire ce road trip avec eux. Il y a d'autres membres du personnel au club mais eux, ce sont ceux avec qui tu t'entend le mieux. En particulier Lexie. "Les gars, il se passe un truc entre vous ? Non parce que si c'pour faire la tronche durant les trois jours, c'pas la peine hein !" T'as horreur des gens qui se font la tête pour des broutilles. Bon, tu ne sais pas si c'est des broutilles ou non en ce qui concerne Harvey et Terrence, tu ne veux pas le savoir. Tu t'assieds contre ta moto. Lexie arrive enfin, un sourire se fait voir sur ton visage. « Désolée pour le retard, une histoire concernant un gosse et du vomi… palpitant ! Mais j’ai été obligée de l’entendre pour récupérer le précieux. » Tu souris à ton amie et lui fais la bise. "J'ai déjà hâte de l'entendre." T'exclames-tu le plus sincèrement du monde. Terrence propose de laisseer monter Lexie avec moi. Tu hausses les épaules montrant ainsi que l'un ou l'autre derrière ça t'aie égale. « J’accepte volontiers d’endosser le rôle de la princesse délicate en montant sur la moto la plus confortable, quitte à devoir y rester assise plusieurs heures… ! Si le conducteur est d’accord, bien entendu. » Tu lui donne un petit coup sur l'épaule, léger pour ne pas lui faire mal. Lexie c'est une amie, juste une amie quoi qu'en dises certaines personne. "Le conducteur est d'accord. Et j'espère que sa passagère ne craint pas la vitesse." Tu t'adapte à la personne qui se trouve derrière toi, cela dit t'adore la vitesse et tu t'autorise parfois des petites pointes de vitesse lorsque tu roule en solitaire. Tu enfile ton casque et case le sac à dos de la demoiselle dans le siège. Deux sacs, il n'en faudrait pas plus. "Je suis étonné de voir que t'as réussis à faire rentrer toutes tes affaires dans un seul sac." Petite pique amicale lancée à l'égard de ton amie et collègue, t'espère juste qu'elle en t'en tiendra pas rigueur. Tu grimpe sur ta moto et la démarre. Le moteur ronronne comme il faut, t'aime ce bruit c'est fou quand même. T'as été faire la révision hier, histoire d'être tranquille et de ne pas faire le coup de la panne à ta passagère. Quoi que, ça serait drôle en vrai ! Ça ferait une super anecdote à se remémorer autour d'un verre. Mille kilomètres vous séparent de Sydney. Vous serez forcés de vous arrêter pour faire le plein de vos bécanes, étant donné que les réservoirs ne peuvent contenir une si grand quantité d'essence. Vous longez le bord de la route, Harvey et Terrence devant, Lexie et toi juste derrière. La route est calme vu qu'il est encore tôt. Sur votre droite, l'océan se dessine. Le paysage est certainement magnifique. Tu n'as pas trop le temps de t'y attarder, trop concentré. Tu files à tout allure, suivant tes deux compatriotes juste devant. Maddie serait certainement jalouse de voir une jeune femme accroché à toi comme le fait Lexie. Mais ça reste Lexie, une très bonne amie avec qui il ne se passera rien. Ton coeur n'est destiné qu'à Maddie, il ne bat que pour elle et même si ce petit voyage est très sympathique, il te tarde de retrouver ta colocataire. Harvey s'arrête à une station service, tu le suis. Ta moto fait jaillir la poussière derrière elle. Tu coupes le moteur et descend en retirant ton casque. "T'as pas eu trop peur ?" Demandes-tu en t'adressant à ta passagère. Faisant comme ton ami, tu t'allumes une cigarette et te tiens en face de lui, bras croisés sur le torse. "si la route est agréable comme ça jusqu'au bout, ça serait merveilleux." Hélas, tu te doute bien qu'il y aurait certainement des péripéties durant ce voyage.
Il ne s'était pas attendu à le voir ici, pas attendu non plus à ce que son coeur tombe au fond de son estomac en posant ses yeux sur lui alors qu'ils s'approchaient du parking. Il ne s'était pas attendu à se recevoir de plein fouet tout ce qu'il avait tenté de refouler ces derniers jours pour ne pas crever de douleur face à son absence. C'est compliqué de le retrouver, de l'affronter comme il le fait parce qu'il pense qu'il a besoin de réponses, Terrence, ou peut être pas finalement. Il ne sait plus, c'est le gros bordel. Il aimerait comprendre sa fuite et le dédain au fond de ses yeux au travail, il aimerait savoir si ça vient de lui, s'il a fait quelque chose qu'il ne fallait pas mais d'un autre côté il se dit qu'il ne lui doit rien, Harvey, finalement, qu'ils n'étaient rien Terry et lui, rien. Et surtout, ils ne s'étaient rien promis. Rien rien rien et c'est un constat qui se plante un peu partout dans son corps comme des coups de couteau, rien rien rien, rien. Vraiment? Il n'en est pas si sûr et il a eu le temps de se répéter en boucle les mots que lui avait dit Harvey, qu'ils allaient essayer de se réparer, qu'il était beau, qu'il ne voulait pas le quitter, qu'il ne le laisserait pas partir, et tandis que ses bras se resserrent nerveusement autour du ventre de John alors qu'ils arrivent sur le parking, il réalise qu'il lui a manqué terriblement, douloureusement et que peut être que si, ils s'en étaient fait des promesses. Il en a versé des larmes depuis deux semaines, a même détruit l'intérieur de la serre, de rage, en continuant à aller dormir sur le canapé pour tenter de retrouver un peu son odeur. Il y a la clope qu'il s'allume, le plan qu'Harvey lui tend qu'il prend mais ne regarde pas, par affront surement, y a ses pas qui l'amènent vers lui alors qu'il tremble de partout et il pense qu'il aurait peut être dû rester sur la moto de John, Terry, ne pas répondre à ses instincts comme il le fait, à retourner invariablement vers lui comme aimanté, à rechercher coûte que coûte sa présence. Parce que ça lui avait suffit pendant six longs mois et qu'il pourrait, il pense, se contenter de ça. Etre loin de lui c'est au dessus de ses forces pourtant, il ne peut pas lutter alors il camoufle les douleurs et la rancoeur par une fausse assurance. Et Lexie arrive enfin, déposée par une bagnole qui fait crisser le gravier et c'est étonnant comme la voix de sa collègue le rassure d'un coup, Terry, habitué probablement à l'entendre, toutes ses fois où elle partait le remplacer au Confidential quand les clients se faisaient trop pressants envers lui, à l'entendre de sa voix pleine de soleil lui dire que tout irait bien, qu'elle s'en chargeait. Il l'aime beaucoup, Lexie, parce qu'elle est comme ce petit souffle de vent frais en pleine canicule, parce qu'elle a toujours un sourire lumineux sur les lèvres et à cet instant précis, il la remercie intérieurement d'être arrivée parce que ça lui évite de devoir parler à Harvey, il lui fait un signe de la main en lui adressant un large sourire. Puis il écoute les autres s'échanger des banalités, parler de motel, de direction blablabla mais il s'en fiche de tout ça, Terry, il n'a d'attention que sur la voix grave et fatiguée de son ancien amant, sa voix qui lui file des papillons dans le ventre et qui lui bute le coeur en même temps. Il est à deux doigts de s'appeler un taxi et de rentrer chez lui mais il se contient, la mâchoire qui se crispe et quand John leur demande s'il y a un souci entre eux, que si c'était pour faire la gueule c'était pas la peine de venir, Terrence ne peut s'empêcher de le maudire mentalement parce qu'il ne sait pas John, à quel point il est paumé, à quel point il veut rentrer chez lui autant qu'il veut rester, et ouais, si c'était pour faire la gueule c'était surement pas la peine de les accompagner.
Mais il reste. Il reste parce qu'Harvey reste et que c'est sa seule ouverture en deux semaines pour se confronter à lui sans qu'il ne puisse se dérober. Y a rien t'inquiète. Il est 5 heures du matin, laisse-moi juste deux minutes pour me réveiller. Il parle à John mais ne quitte pas Harvey des yeux, comme si le ton sec de sa voix lui était adressé et il ne se savait plus si incisif, Terry, si stressé, si nerveux. Il répond à John tout en repoussant le casque que lui tend Harvey. Il le repousse comme il le repousserait lui, comme il lui dirait "j'en veux pas de ton casque, j'ai pas besoin de que tu fasses attention à moi" alors que c'était tout l'inverse qu'il tentait de lui hurler. Réagis, Harvey, Réagis. Parle-moi, embrasse-moi, touche-moi ou repousse-moi, mais réagis. Mais il ne se passe rien parce qu'il ne dit rien, Harvey. Il soupire et lève les yeux au ciel à cause du casque et c'est une torture atroce qu'il s'inflige, Terrence parce qu'il crève d'envie de pleurer, de s'effondrer mollement contre son torse solide, de le respirer à nouveau alors sans attendre de craquer il grimpe dans son dos comme cette fois merveilleuse, il y a deux semaines, où il l'avait enlevé pour l'amener à Gold Coast. Mais ce matin tout est différent parce que depuis, ils avaient appris le corps de l'autre, s'étaient enivrés d'un parfum peut être trop doux pour leurs âmes abimées et s'étaient littéralement offerts, vulnérables, le coeur exposé. C'est différent parce que depuis, Harvey avait disparu, s'était dérobé et l'évitait délibérément. Et c'est affreux parce qu'il ne sait pas ce qu'il a pu faire, Terry, pour mériter ça. Il grimpe derrière lui et se fait submerger immédiatement par le réflexe quasi naturel de retrouver sa peau mais se retient, le corps parcouru d'un gigantesque frisson, garde les mains par dessus le t-shirt, fébrile, le souffle court. Il colle sa joue contre ses omoplates, inspire l'odeur de ses cheveux et l'entend lui faire une réflexion. La pique lancée l'avait donc fait réagir et il esquisse un sourire amusé contre son dos, le nez qui se frotte au cuir de sa veste. Il ne sait pas bien pourquoi Harvey l'ignore si fort, il ne sait pas ce qu'il a fait mais s'il a passé deux semaines à se morfondre, Terrence, c'est terminé. Parce que même les genoux en sang, il finissait toujours par se relever. Alors il profite de ces mots prononcés rien que pour lui et ferme les yeux sans répondre. La moto démarre et ils roulent deux heures environ, le temps d'admirer les paysages magnifiques de la côte. Les boucles qui battent contre son visage il observe le spectacle, les cuisses qui se resserrent instinctivement contre celles d'Harvey et les doigts qui s'accrochent contre son ventre comme s'il essayait de lui dire qu'il se souvenait de tout et que leur escapade dans l'océan était un souvenir qu'il gardait précieusement. Il roule bien, Harvey, c'est fluide, pas brusque et il ne peut s'empêcher d'avoir le coeur qui palpite à l'idée d'être là, enfin contre lui. Il meurt d'envie de lui dire quelque chose malgré le bruit de la moto et du vent mais il se retient en se disant qu'il aurait quatre jours pour avoir les réponses à ses questions, pour l'entendre encore s'adresser à lui alors il se contente de resserrer un peu plus son étreinte en espérant qu'il le sente. Quand ils s'arrêtent enfin il descend de la moto et déplie ses jambes. Harvey et John s'allument une clope et sans réfléchir, après quelques bouffées il vient voler celle d'Harvey, Terry, pour la faire sienne et s'en va sans la lui rendre. Au bout de quelques mètres il se retourne en recrachant la fumée et lui lance t'avais raison, mon cul lui dit merci, à ta bécane. Il tremble de la tête aux pieds, Terry, ne comprend à vraiment à quel jeu il essaye de jouer avec sa fausse assurance et son ton de voix effronté mais il veut qu'il réagisse, il veut le provoquer, le pousser à bout pour qu'il lui parle et qu'il lui explique. Tant qu'il ne le fera pas, il ira le chercher, il pense, et tandis qu'il lance le mégot, entre dans la station service pour aller pisser et acheter quatre cafés, il se dit qu'il est finalement heureux d'être venu. Dans les chiottes, il profite de sa solitude pour sortir la carte et la regarder. Y a son écriture sur la feuille de route et il la découvre, Terry, esquisse un sourire en se disant qu'Harvey avait dû y passer du temps et que ça lui fendait le coeur de ne pas avoir regardé sa carte plus tôt. Lorsqu'il ressort avec les cafés, il en donne un à chacun puis s'assoit dans l'herbe, ses cheveux balayés par le vent, boit une gorgée de son breuvage. C'est l'heure du petit déjeuner, mais lui, il ne mange pas le matin alors il se contente de ça en se disant que les autres iront s'acheter ce qu'ils veulent.
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 25 Nov 2019, 21:53, édité 4 fois
« Le conducteur est d'accord. Et j'espère que sa passagère ne craint pas la vitesse. - Moi craindre la vitesse ? C’est bien mal me connaître ! Il en faut plus que ça pour me faire peur. » Rétorquais-je au barman en balayant ma queue de cheval derrière mon épaule.
J’étais fanatique de sensations fortes et de vitesse. La seule raison pour laquelle je n’avais pas encore passé mon permis moto était liée à mes finances voire même à ma famille. Disons qu’au vu de ce que je leur cachais déjà, je préférais éviter d’en rajouter une couche en les effrayants davantage. Mes parents avaient tellement galéré à avoir des enfants qu’ils les couvaient un peu trop, à croire que mes frères et moi étions faits de porcelaine. Et puis si je pouvais éviter à ma mère de faire un infarctus, autant choisir la voie de la sagesse… au moins en partie.
« Je suis étonné de voir que t'as réussis à faire rentrer toutes tes affaires dans un seul sac. »
Je le frappais gentiment à l’épaule en ripostant :
« Tu estimes que je ne sais pas prendre soin de moi sans trois tonnes de produits de beauté et de vêtements ? Je vais me vexer ! »
Je lui tirais puérilement la langue avant de rire puis j’enfilais mon casque pour prendre place derrière lui. Les motos pétaradaient devant le Confidential Club tandis que nous démarrions pour rejoindre la route. En soit, quitter notre lieu de travail à cette heure-ci n’était pas étonnant, pour ne pas dire habituel, ce qui l’était un peu plus en revanche, c’était notre énergie débordante ! Bon sauf Terrence qui semblait avoir vécu insomnies sur insomnies mais je comptais bien lui poser quelques questions pour l’aider à trouver Morphée au moins pour ces quelques jours. Ce serait vraiment dommage pour lui qu’il n’en profite pas à cause d’un bête manque de sommeil. Je n’étais pas aveugle, il se tramait quelque chose à côté de ça mais si je pouvais lui filer un coup de main sur une des choses qui n’allaient pas dans sa vie alors je le ferais. C’était dans ma nature d’aider mes proches quand bien même cela ne plaisait pas à tout le monde ! Je profitais du moment où nous roulions côtes à côtes pour m’écrier joyeusement :
« Je déclare le road trip entre collègues ouvert !!! »
Et je levais les bras en l’air avec énergie l’espace d’un instant avant de me rattraper à la taille de John lorsqu’il se mit à accélérer. Je pouffais dans mon casque en regardant Terrence et lui fis le signe « ok » de la main pour lui signaler que tout allait bien histoire qu’il ne s’inquiète pas en me prenant pour une suicidaire. Bon, ça aurait un peu été l’hôpital qui se foutait de la charité puisque aucun des deux ne portait de casque. Je ne faisais aucun commentaire cependant – de toute façon nous roulions maintenant trop vite pour qu’ils puissent entendre quoi que ce soit. Je resserrais ma prise autour de la taille de John histoire de ne pas tomber et je profitais de la vue splendide que m’offrait ce début de voyage. Le spectacle du soleil levant sur la mer me coupait le souffle. En soit, oui, en vivant à Brisbane, j’avais déjà pu l’apercevoir mais pouvoir le faire depuis une moto en marche était complètement différent. A partir d’ici, je pouvais sentir les embruns de l’océan sur ma peau, le vent caresser mon visage et fouetter mes cheveux. Je pouvais presque goûter au sel marin, à croire qu’il se déposait de lui-même sur mes lèvres à chaque mètre franchi. Et je souriais, sereine. Je profitais de chaque instant, photographiant mentalement chaque souvenir qui se créait peu à peu. Je regrettais presque de ne pas pouvoir réellement l’immortaliser. Presque parce que j’étais certaine que les réels clichés en ressortiraient moins beaux, moins vivants.
Les deux cents premiers kilomètres furent bien vite atteints et nous nous arrêtâmes à une station-service. Je relâchais alors mon chauffeur et descendis la première, tout de même soulagée de pouvoir me dégourdir un peu les membres. Mine de rien, c’était une activité qui contractait les muscles et ce n’était que le début !
« Non, c’était génial ! Ça faisait un bail que je n’étais pas montée sur ce genre d’engin. » Répondis-je à John.
J’étirais bras et jambes tandis que les conducteurs allumaient leurs clopes. Personnellement, je commençais à avoir faim. Je prenais toujours un petit-déjeuner le matin, même si je me levais tôt mais j’étais tellement surexcitée aujourd’hui que je n’avais rien avalé et mon ventre se manifestait. Aussi, je sautais sur l’occasion lorsque je vis Terry s’éloigner du petit groupe :
« Attend, je viens avec toi ! » Je me tournais vers les deux hommes « On revient avec le petit-dej ! »
C’était la moindre des choses. Je savais que nous allions partager les frais mais ils allaient faire pas mal de pleins pendant ces trois jours alors autant les soulager sur certaines dépenses. Je trottinais pour rejoindre le serveur et lui attrapais le bras en souriant. Finalement nous nous étions mis d’accord pour qu’il paye les cafés – et un chocolat chaud pour moi – et moi de quoi grignoter. Je profitais de son passage aux toilettes pour également acheter des briquettes de jus d’orange. J’étais probablement un peu maman poule sur les bords – et c’était moi qui disais ça ! – mais un peu de vitamines en plus de la caféine ne risquait pas de leur faire du mal, bien au contraire. Je ressortais alors de la supérette accompagnée de mon collègue et du Graal dans nos mains. J’avais été silencieuse jusqu’ici, de peur de le brusquer. Peut-être était-il un peu tôt pour discuter de ce qui l’habitait. J’avais été inquiète de ne pas le voir au travail ces-derniers jours et sa mine ne me rassurait guère plus mais à force de trop vouloir bien faire, je craignais de mettre les pieds dans le plat.
« Hé, tu sais, je suis là… » Me contentais-je alors de lui dire dans un sourire réconfortant.
Quelques petits mots qui pouvaient aussi bien l’inviter à se confier qu’à lui faire savoir que je pouvais l’aider à penser à autre chose. Nous rejoignions alors les deux autres loustics pour leur offrir de quoi se rafraîchir.
« Café, pancakes et jus de fruits, pour vous servir ! » Lançais-je gaiement en distribuant le reste des victuailles « Bon pancakes sous vides mais c’est mieux que rien, non ? »
Je coinçais le gobelet fumant de chocolat chaud entre mes dents pour ouvrir le film plastique qui retenait mon pancakes et le repris en main après avoir réussi. M’installer dans l’herbe aurait été plus facile mais étant donné le nombre d’heures de route qu’il nous restait, je préférais profiter un maximum du temps de pause pour me dégourdir les jambes.
→ Les vents marins viennent gifler mes joues et soulèvent mes cheveux détachés, déposant une fine couche d’iode sur ces derniers alors que nous longeons l’océan. Ses bras autour de moi me procurent à la fois un sentiment doucereux de bien-être, et un certain malaise car je ne mérite pas de l’avoir à nouveau contre moi. J’ai tellement merdé. Je ne crois pas que je pouvais faire pire même. La route et son flot discontinue de voitures, camions et autres deux roues, se révèle propice aux réflexions, et je cogite en ressassant ces deux dernières semaines écoulées. Tout en restant concentré sur la route, j’adopte une conduite fluide et légère, assurée, et ce malgré le passager dans mon dos. Terrence épouse tellement bien mon corps qu’il ne me gêne absolument pas et je pourrais presque oublier sa présence si mon cœur ne battait pas si fort à ses côtés. Et je me repasse le cours de la soirée, Lonnie qui débarque au Confidential Club pour me parler, moi qui le suis dehors, et lui qui me dévoile la grande nouvelle. Le reste est flou, j’ai perdu pied. J’ai quitté mon service avant qu’il ne se termine et j’ai fini ma nuit dans un bar peu recommandable, vidant les verres les uns après les autres. J’ai passé la nuit dehors, ce sont les chats errants qui m’ont réveillé au petit matin, m’obligeant à me trainer chez moi. Et j’ai continué ma descente aux enfers, oubliant tout pour ne me consacrer qu’à ma peine immense, ma culpabilité et mes peurs. Ça a duré une bonne semaine, cet état lymphatique. Au travail, j’évitais soigneusement tous mes collègues, de peur qu’ils se rendent compte de mon état fortement alcoolisé et qu’ils en référent au boss. Personne n’a rien remarqué, mon humeur morose habituelle m’a facilité les choses et j’ai camouflé mon addiction avec une facilité déconcertante. Combien de temps ça durera, hein ? Combien de temps pourras-tu jouer comme ça et prétendre avoir le contrôle ? Tu ne contrôles rien. Impuissant. Lâche. J’accélère brusquement, les larmes me piquent les yeux et je les repousse pour me concentrer sur la route. Terrence. Si facile à repousser, si facile à décevoir. Je n’ai eu qu’à l’éviter, tout simplement. Eviter son regard, éviter d’entendre sa voix, éviter de sentir son odeur légèrement musquée agrémentée d’un doux mélange de noix de coco et de vanille. J’ai évité et j’ai réussi à le blesser, à lui faire du mal. Parce que je ne suis qu’un idiot et que c’est tellement plus facile de ne pas être à la hauteur, c’est tellement simple de décevoir. Et pourtant là, alors que ses bras sont enroulés autour de son ventre, que ses cuisses sont serrées contre les miennes, l’envie grouillante de me faire pardonner est bien vive. Elle tord mon ventre, fait pulser mon sang dans tout mon corps et me donne un élan incroyable. Si ce road-trip devait me changer les idées, il prend une toute autre tournure du simple fait de sa présence. Une reconquête. Parce que moi aussi je suis noir… mais tu révèles mes couleurs.
Les motos s’arrêtent au bout de deux heures de route, je fais craquer mes phalanges meurtries en coupant le moteur vrombissant. John et Lexie ont l’air d’avoir eux-aussi bien roulé et j’en profite pour mater la moto de mon collègue, toujours intéressé par ces engins et leur mécanique bien huilée. Debout, je laisse le sang affluer dans mes jambes et trépigne un peu sur place pour réchauffer mes muscles endoloris, quand Terrence vient me voler ma cigarette sans prévenir. Je fronce automatiquement les sourcils et l’observe, un peu déconcerté par son attitude et lorsqu’il m’interpelle de loin, arrivé devant la boutique de la station essence, à nouveau j’ignore comment réagir. Il a le don de me rendre fou Terrence, mais surtout, surtout, de me déboussoler complètement. Je souffle, faussement irrité, et ressort mon paquet de clopes tout en suivant la boule d’énergie qu’est Lexie du regard et qui sautille pour le rejoindre. Ils disparaissent tous les deux dans la boutique et j’allume ma nouvelle clope, tournant mon regard las vers John. – Merveilleux, j’sais pas, mais c’est clair que c’est agréable. Le trafic est fluide, on a bien avancé déjà. Si on continue de rouler comme ça, on devrait arriver en milieu d’après-midi à Sidney. J’vais faire le plein. Je balance ma clope au sol, l’écrase rapidement et enfourche ma bécane pour la trainer jusqu’aux pompes à essence afin de remplir le réservoir d’une petite capacité de 14litres. De loin, je vois Lexie et Terrence ressortir de la boutique les bras chargés de victuailles. Je termine de nourrir Daisy (la moto), avant de revenir vers la petite troupe d’un pas un peu hésitant, un peu mal à l’aise. Maladroitement je regarde les pancakes sous vide que Lexie maltraite entre ses doigts – Attends, je t’aide, tu vas te renverser le café dessus. Oui l’opération semble un peu risquée alors je récupère le pancake et ouvre le paquet rapidement, avant de le lui tendre. J’attrape un gobelet de café et lâche un simple – Merci un peu bourru, un peu gêné. Pancake à moitié dévoré, j’ose un regard vers Terrence, avale ma bouchée puis décide de m’assoir dans l’herbe à côté de lui. Les épaules qui se frôlent, la tension qui s’élève, indécente, et mon regard qui cherche le sien, puis plonge dans l’océan de ses yeux. – Tu ne manges pas ? Je cherche à établir le contact à nouveau, je tente, maladroitement, de revenir vers lui tout en me répétant que je n’en ai pas le droit, que je suis un être ignoble ou un pur crétin si je crois qu’il a encore envie de me parler. Un peu fébrile, je lance à la cantonade brusquement - Vous en dites quoi d’se faire le pont à Sydney ? Je l’ai jamais fait, mais les critiques sont excellentes. Apparemment, ça vaut réellement le détour. Vous êtes partants ? J’essaie de me montrer un tant soit peu agréable, sinon sociable – ce qui n’est pas franchement dans ma nature mais je fais un effort. Parce que Lexie et sa bonne humeur le méritent vraiment.
Le petit-déjeuner avalé, nous nous levons, jetons les déchets à la poubelle et je me grille une clope avant de reprendre la route. Mon regard cherche celui de Terrence et je demande, d’une voix mal assurée – Tu remontes derrière moi ? La crainte qu’il ne le veuille pas, qu’il me rejette à mon tour (je l’aurais mérité) me saisit et m’ébranle. J’ajoute, avec un petit sourire, dans une tentative d’humour – Puisque ton cul a l’air d’apprécier… Et j’espère, j’espère, que je ne vais pas le vexer avec mes sous-entendus de gros lourd.
Après la soirée que tu venais de passer la veille en compagnie de Maddie, ce voyage tombait pile au bon moment. T'as besoin de t'éloigner quelques afin d'y voir plus clair dans tes sentiments. Tu ne sais plus ce que tu souhaite ou non. Tut se bouscule dans ta tête. Il y a un an, Maddie était cette fille que tu as renversé un jour de forte pluie à moto. Tu t'es occupé d'elle jusqu'à ce que tout soit réglé de son côté. Jamais tu n'aurais pu imaginer devenir ausis dépendant de la brune qui partage ton appartement depuis un an. Maddie t'aime, elle te l'as dit. Toi aussi tu l'aimes, enfin tu crois. T'es plus très sûr de la signification du mot aimer. L'épisode Charlie est terminée, la page est tournée. Du moins, c'est ce que tu croyais. Il y a quelques jours, t'as reçu une lettre dans ta boite aux lettres. Une lettre n'apportant pas de bonnes nouvelles, tu l'a cachée à Maddie pendant ces quelques jours et hier soir, tu lui en as parlé. Ton passé t'es revenu en pleine figure. D'un commun accord, ta coloc et toi, vous vous êtes mis d'accord. Dans quelques hours, vous partirez à un peu moins de milles kilomères de Brisbane. Non pas pour des vacances, pour quelque chose de plus sérieux visant à te remettre dans le droit chemin. Tu cache tes inquiétudes à tes collègues. Le club de strip est loin d'être ton lieu de travail préféré, cela dit les soirées sont moins monotones et moins longues à passer lorsqu'ils sont là. Au moins l'un des trois. Terrence n'a pas l'air dans son assiette, comme si quelque chose le tourmenter. En espérant que ça ne soit pas les deux connards de l'autre jour qui soit revenu à la charge. Avec Harvey, vous irez leur éclater leur tête dans le bitume devant le club sans aucun soucis. Quoi que, t'as promis à Maddie de calmer tes excès de violence. Ce n'est sûrement pas une bonne idée. On embête pas un ami, ou un collègue en l'occurrence. Mais s'il ne te parle pas, tu ne pourras pas l'aider à aller mieux. Y a rien t'inquiète. Il est 5 heures du matin, laisse-moi juste deux minutes pour me réveiller. Tu hoche simplement la tête de haut en bas en guise de réponse. Chacun prends place sur sa moto. Lexie monte donc derrière toi et Terrence derrière Harvey. Que ça soit l'un ou l'autre qu'importe. Le résultat est le même au final étant donné que vous allez au même endroit. - Moi craindre la vitesse ? C’est bien mal me connaître ! Il en faut plus que ça pour me faire peur. » Tu souris avant de mettre ton casque. Les bras de ta collègue s'enroule autour de ta taille. Tu démarre ta bécane laissant Harvey passer devant. Rouler à moto, tu ne connais pas meilleure sensation. Peut-être le sexe à la rigueur. Durant deux cents kilomètres, vous roulez l'un derrière l'autre. Pas un mot, pas une parole. Lexie et Terrence doivent certainement admirer le paysage tandis qu'Harvey et toi êtes trop concentrés à ce qu'il peu se passer devant vous. C'est au bout de deux cent kilomètres, environ, que vous faites une pause. Les motos ont besoin d'être ravitaillés en carburant. Tu t'allumes une clope et te poste devant Harvey. Si tu as déjà pas mal discuté au club avec Terrence et Lexie, il ne t'ai pas souvent arrivé de te retrouver avec le videur du confidential club. "Ah bah c'est parfait si on arrive tôt, on aura le temps de faire plus de choses." Bien que le programme de ces trois jours soient déjà ultra chargés. Tant mieux, vous n'aurez pas le temps de vous ennuyer au moins. Harvey s'en va faire le plein de sa moto, tu fais de même avec la tienne. Pendant ce temps, les deux autres collègues sont parties au ravitaillement. Vous ne mangerez pas de la grande cuisine durant ses trois jours. A ton retour, tu demande à Maddie de te cuisiner un festin. Tu viens régler le carburant au patron qui ne sourit pas vraiment. En même temps, les ravitaillements arrivent. "Parfaitement synchro !" T'exclame tu. Tant qu'il y a du café et de la bouffe toi, ça te va très bien. Tu poses les boissons sur le siège de ta moto. Ils pourraient au moins mettre une table de pique nique dans ce taudis, c'est pas très pratique pour se restaurer. "Moi jsuis partant pour le pont. Jamais entendu parler mais jte fais confiance vieux. Terrence ? Lex ? Ça vous dit ?" Même si de toute façon, ils devront simplement vous suivre, avoir l’unanimité c'est mieux quand même. "Est-ce que la princesse de ce voyage veut remettre ses fesses sur la moto la plus confortable ou elle s'aventure ailleurs ?" De la taquinerie en tout bien, tout honneur. Que sa soit l'un ou l'autre derrière toi, c'est pareil.
Il s'éloigne d'Harvey alors que tout ce qu'il désire c'est rester près de lui, le respirer, le regarder, le toucher mais il sait qu'il ne peut pas, pas tant qu'il ne se sera pas expliqué un minimum sur les raisons de son éloignement. Parce qu'il pouvait tout entendre, Terry, supporter qu'on lui dise "je ne veux pas de toi", encaisser un "t'étais nul au pieu mais j'ai pas osé te le dire avant", mais disparaitre après une nuit fabuleuse et des promesses murmurées tout contre la peau, c'était dur à encaisser et ça lui vrillait le bide, lui butait le coeur. Et c'est une forme de torture d'être là si proche de son corps et de ne rien pouvoir faire, alors il décide de l'effacer de son champs de vision pour ne pas être tenté, pour ne pas se faire du mal inutilement. Il ne sait pas ce qu'il est pour Harvey, Terry, aimerait comprendre ses silences et ce que signifiait sa fuite depuis deux semaines déjà mais il n'a pas envie de ramper derrière lui pour avoir des réponses: si Harvey veut s'expliquer, il le fera de son propre chef. Il se débrouille comme il peut en attendant, Terry, tente maladroitement de le provoquer pour le faire réagir parce qu'il ne sait pas quoi faire d'autre, parce qu'il en crève de ne pas comprendre, de ne pas savoir s'il tient à lui ou s'il regrette tout ce qui s'est passé entre eux. Il lui pique sa cigarette pour attirer son attention en venant déposer ses lèvres à l'exact endroit où Harvey avait posé les siennes quelques secondes plus tôt et il sent son coeur battre si fort qu'il vient pulse dans ses tempes, les sens en ébullition. L'embrasser, il voudrait l'embrasser. Lui murmurer à l'oreille à quel point il souffrait sans lui sans comprendre pourquoi, lui susurrer qu'il lui manquait atrocement, furieusement, douloureusement et qu'il avait besoin de ses bras, peut être même de bien plus que ça. Mais tout ce qu'il a c'est une cigarette qu'il fini par jeter tandis qu'il entend les pas de Lexie derrière lui trottiner pour le rattraper. Elle lui prend le bras et il esquisse un sourire en lui tendant le coude avant qu'ils n'entrent dans la station service. Il part directement aux toilettes et lorsqu'il sort enfin, rejoint Lexie pendant qu'elle achète des pancakes et du jus d'orange pour tout le monde. Il s'empare des cafés et du cacao et ils finissent par retourner au point de rendez-vous, le pas lent. Lexie lui glisse un mot de soutien, parce qu'elle avait surement bien remarqué qu'il n'était pas dans son assiette, trop creusé, trop fatigué, le cheveux en bataille et les mains tremblantes. Tout en continuant à marcher il lui répond en haussant timidement une épaule merci... y a rien de vraiment important, t'en fais pas. et il ne sait pas combien de mensonges contient cette phrase mais il se sent mal. Il aimerait vraiment pouvoir se confier à sa collègue, lui avouer qu'il avait couché avec Harvey il y a deux semaines de cela, qu'ils avaient fait l'amour mais surtout qu'ils avaient fusionnés, leurs âmes aimantées, les corps en fusion. Il aimerait avoir le courage de tout lui dire mais il ne sait pas parler de lui comme ça et de toute façon il a terriblement honte parce qu'il ne sait pas s'il s'est fait mené en bateau comme un parfait imbécile, si son instinct s'était lourdement trompé en le laissant se mettre à nu face à la mauvaise personne comme il l'avait fait et il en voulait à Harvey, mais peut être pas autant qu'il ne le pensait.
Et puis ils arrivent à hauteur des garçons et Terry s'éloigne, s'installe dans l'herbe pour boire son café pendant que Lexie s'occupe de la distribution des denrées. Harvey l'aide et quand Terrence comprend qu'il va le rejoindre il déglutit, mal à l'aise, l'estomac serré et la respiration affolée. Harvey s'assoit au plus prêt, il sent son épaule musclée frôler la sienne et ça lui fait tout drôle, ça remue tout à l'intérieur et il perd pied l'espace d'une seconde, avant de finalement se reprendre. Il pourrait dire "non, je ne mange pas le matin" et ce serait la vérité mais il ne dit rien. Contre toute attente lève le bras et vient déchirer un petit morceau du pancake d'Harvey pour venir l'enfourner dans sa bouche. Il observe sa réaction en silence, se lèche l'index parce que c'est gras ces conneries puis adopte une attitude un peu détachée, comme si les actions de son collègue depuis cette fameuse nuit ne l'atteignaient pas. Pourtant, si seulement il savait, Harvey, à quel point Terry souffrait, à quel point il n'avait qu'une envie c'était de se jeter dans ses bras pour ne plus jamais s'en décoller. Le vigile lance alors une proposition et il ne répond pas tout de suite, hausse les épaules en se relevant et en frottant ses mains l'un contre l'autre avant d'épousseter ses fesses et de s'allumer une cigarette. Moi j'vous suis quoi qu'on fasse. D'ailleurs ta fiche de route est plutôt cool, Hart'. et c'est tout ce qu'il parvient à articuler sans que sa voix ne le trahisse. Il se racle la gorge, écoute les autres accepter la petite escapade sur le pont de Sidney et il se retourne, cherche Harvey du regard, le voit qui fait de même et il sent un frisson lui parcourir l'échine alors que leurs pupilles se percutent et qu'il lui demande s'il souhaite monter derrière lui en faisant une tentative de blague à propos de son cul. Il tire sur sa cigarette, Terrence, les yeux qui se plissent et les sourcils qui se lèvent, crache la fumée vers Harvey et le défie du regard sans se démonter. Et toi, tu veux que je remonte derrière toi ? . Et la réponse se fait attendre tandis que le temps se suspend, leurs yeux toujours accrochés comme s'ils se racontaient mille histoires, comme s'ils tentaient désespérément de se dire tous ces mots qui refusaient de sortir de leurs bouches pluis il fini par se racler la gorge et lâcher "ouais. Je te veux" en accentuant le te comme s'il essayait de faire passer un message. Et Terry n'était pas prêt à recevoir ça en pleine face, ne s'attendait pas à ce qu'il lui dise ça comme ça, formulation ambigüe qui laissait sous-entendre beaucoup, beaucoup trop de choses. Ca lui bouleverse tout, chahute sa belle assurance et il sent ses épaules qui s'alourdissent et son regard qui soudain perd de l'aplomb. Il le veut? Il le veut...? Terrence inspire lourdement, écrase sa clope sous sa chaussure après l'avoir laissé tomber au sol et il relève le menton en esquissant un faux sourire, ses yeux verts toujours plantés dans ceux azur de son ancien amant John? Ca t'ennuie si tu changes de princesse pour les 200 bornes à venir? Il provoque ouvertement Harvey et ça ne lui ressemble pas de faire ça mais il ne trouve rien d'autre à faire pour comprendre. Et lui qui d'habitude abandonnait sans se battre, incapable d'envisager qu'il pouvait avoir de l'importance pour quiconque, pour lui, il se bat. Harvey avait su lui faire croire qu'il était spécial, qu'il avait aimé ce qui s'était passé entre eux, alors oui, il s'accroche bêtement, cherche encore et encore à provoquer une réaction. Sans attendre plus longtemps il grimpe derrière John en sachant bien qu'il se crucifie tout seul, Terrence, les larmes aux yeux et les bras qui s'enroulent autour du ventre de son collègue. Il se déteste de faire ça, regrette déja, voudrait crier "attendez!" et courir auprès de celui pour qui son coeur bat toujours un peu plus fort mais il est tétanisé, a la sensation affreuse de ne plus rien contrôler, que tout lui échappe. Et la moto démarre, son visage qui se tourne vers Harvey pour essayer de décrypter ce qu'il peut ressentir. Ils avalent les kilomètres et il pleure contre le dos de john, les doigts agrippés à son t-shirt, le coeur quelques mètres devant. Arracher le pansement, c'est que lui avait dit Léo par sms le soir où n'était plus en état de respirer après être resté sans nouvelles d'Harvey et ignoré. Mais il avait peut être encore trop peur que la plaie en dessous ne soit pas encore totalement refermée...
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 25 Nov 2019, 21:54, édité 4 fois
→ Lorsque je me rapproche du groupe posé dans l’herbe, je remarque qu’il ne mange pas Terrence. Ses joues sont plus creuses qu’il y a quinze jours et sa peau plus pâle. Il a l’air d’avoir perdu des forces dernièrement et il semble amaigri aussi. Je me sens responsable de son état et automatiquement, je culpabilise. Mon ventre se noue de manière désagréable et douloureuse alors que je m’accuse de sa perte de poids. Qui d’autre sinon moi ? Pourtant tu n’es pas le centre du monde, Harvey. Tout ne tourne pas autour de toi. Peut-être que Terrence est préoccupé par d’autres choses, des choses qui ne me concernent pas. Ça t’arrangerait bien, dans le fond, n’est-ce pas ? Toujours aussi lâche, on ne se refait pas. Mais peut-être aussi que son monde est comme le mien : complètement tourneboulé depuis quinze jours. Il ne mange pas, mais lorsque je lui fais la remarque, il vient picorer sur mon pancake et j’esquisse un très léger sourire en coin, petit rictus satisfait, flatté qu’il choisisse de venir piocher dans ma nourriture. Et soudain, aussi naturellement que ça, ce sont des petits papillons qui remplacent les nœuds dans mon ventre et une sensation de légèreté les accompagne. Car il accepte de partager avec moi, Terrence, il ne me rejette pas comme il aurait certainement raison de le faire et cela gonfle mon cœur d’espoir, me donne aussi envie de persévérer et d’aller encore plus vers lui. Peut-être que si je trouve les bons mots, peut-être que si j’arrive à m’excuser convenablement, il me pardonnera ? Toutefois, j’ai peur de nourrir de faux espoirs, car comment pourrait-il ne pas m’en vouloir ? Je chasse mes pensées en évoquant le programme du road trip et je parle à mes camarades de route de la visite du pont de Sidney. Il me semble incontournable dans la mesure où il offre un point de vue extraordinaire sur la ville et je sais qu’on pourrait faire l’ascension cette nuit si nous ne sommes pas trop fatigués en fin de journée. La proposition semble satisfaire tout le monde, et même si j’espérais des réactions un peu plus enthousiastes, lorsque Terrence me complimente sur ma feuille de route, je masque un sourire derrière le gobelet du café que j’engloutis rapidement. J’y ai passé du temps à faire cette feuille de route, à marquer les stations-essence, les motels dans les coins, les activités possibles suivant les arrêts. Ce n’est pas rien un road-trip, on ne part pas juste à l’aventure comme ça – on pourrait, mais je n’ai pas suffisamment de lâcher prise pour y arriver. Décider de partir, du jour au lendemain, sans avoir rien prévu… Ce n’est pas mon style, bien que j’aime penser qu’un jour je serais capable de le faire. Peut-être alors que ce jour-là, je me sentirais libre… En attendant, j’ai les pieds bien ancrés dans le sol et des problèmes plein la tête. Je pars aussi pour stopper la descente vertigineuse aux enfers dans laquelle je me perds depuis plus de quinze jours, mes phalanges meurtries peuvent en témoigner, tout comme mon visage fatigué et mes yeux légèrement rougis.
J’ai rallumé une clope, et alors que nous nous apprêtons à partir, je saisis ma chance, prenant mon courage à deux mains pour faire face à Terrence. La tension entre nous est palpable, je sens mon corps brûler lorsque je le regarde. Le désir est là, implacable, tenace, il grouille au fond de mon ventre et je résiste difficilement à l’envie de me rapprocher de lui, de le serrer contre moi pour respirer son odeur que j’ai apprise et retenue, dangereusement familière, incroyablement puissante, sensuel mélange musqué de noix de coco et de vanille. Alors, je tente, je balance mes barrières et décide d’oublier ma peur pour lui demander de continuer à faire la route ensembles. Le temps s’arrête durant quelques secondes, j’en oublie même de respirer lorsque sa voix vibrante et légèrement rauque, insiste et retourne la question contre moi. Pris à mon propre jeu, je reste silencieux quelques instants en comprenant qu’il veut que je prononce ces mots. Il veut que je lui dise que j’ai envie de faire la route avec lui et la tension s’installe dans tout mon corps alors que je décide à nouveau de faire un pas vers lui. – Ouais. Je TE veux. Regard fixe et déterminé, poings serrés, j’ai peur de sa réaction, peur de ce qu’elle va engendrer par la suite. Je me mets à nu à cet instant, je me dévoile et ça me coûte de le faire car je ne suis pas un grand habitué des déclarations. Je suis plutôt du genre à tout garder pour moi, bien enfoui au fond derrière des cadenas et des chaînes, en sécurité là où personne ne peut m’atteindre. Mais Terrence il a tout pété. Il a brisé les chaînes, explosé les cadenas et le liquide brûlant et vermeil s’écoule sans relâche de mon cœur éclaté depuis. Je le vois trembler légèrement, son regard se baisse au sol, ses épaules s’abaissent. Il accuse le coup, et je lui dévoile brusquement que j’ai toujours envie de lui. J’ai toujours envie d’être avec lui, et tant que je le fuyais, j’arrivais à gérer et à me convaincre que tout cela n’était que passager. Que tout redeviendrait rapidement à la normale, que ce n’était qu’une passade. Sauf qu’en le regardant là, face à moi, je comprends qu’il n’a rien d’une passade. Il a laissé une marque indélébile sur mon cœur, il m’a foudroyé sur place avec sa puissance, il m’a enchaîné à son regard océanique et je ne peux plus réellement vivre sans. J’essaie mais j’en crève. J’en crève lentement. Douloureusement. Lorsqu’il relève ses yeux verts, Terrence et qu’il les ancre dans les miens, je sais qu’il ne va pas accepter. Avant même qu’il ne prononce les paroles tant redoutées, je sais qu’il me défie car son regard lance des éclairs, provocateur. Il me fixe, demande à John de le prendre comme passager et jette sa cigarette à terre. Et c’est comme s’il me criait de lui courir après, « si tu me veux, viens me chercher », comme s’il voulait me faire comprendre que j’ai foiré, que j’ai déjà merdé et qu’il n’est pas acquis. J’accuse le coup, gravement, tête baissée vers le sol et je reste là, quelques instants, immobile. Je sais que j’ai foiré. Je sais que je n’ai pas été tel qu’il l’attendait. Je l’ai déçu. Lui-aussi. Comme tous les autres. Et je chasse les larmes de désespoir qui s’accumulent derrière mes paupières, me met en mouvement et place mon casque sur ma tête en me dirigeant vers Daisy. Lexie monte derrière moi, et je lui demande de bien s’accrocher. Car je n’ai pas l’intention de subir en restant sagement derrière John. Je vais m’épargner la vision de Terrence collé à un autre pour les futurs kilomètres à venir.
Sitôt montés sur la bécane, je démarre au quart de tour et ma conduite est bien plus brusque que précédemment. Penché sur le guidon, je lance Daisy à toute allure et nous dépassons rapidement John et Terrence pourtant partis avant nous. J’enchaîne les kilomètres, sans réfléchir, la colère et l’indignation ont raison de ma vigilance, et sans pour autant avoir une conduite à risque, celle-ci est nerveuse. Je fuis notre groupe lors des arrêts, n’échangeant pratiquement qu’avec John sur la route, la densité du trafic ou les particularités de nos motos respectives. J’enchaîne les clopes et à la pause de midi, je m’éloigne pour acheter une petite bouteille de whisky que je descends légèrement près de ma bécane en fumant clope sur clope. Je ne mange pas. Je ne sais pas si c’était une bonne raison de participer à ce road-trip finalement, pour ce que ça change. Je veux exorciser la peine et la douleur, sombrer dans l’annihilation, m’oublier encore et encore. Je fuis mes travers mais ils me poursuivent, où que j’aille ils m’accompagnent et je n’arrive pas… Je n’arrive pas à avancer sereinement. J’évite Terrence. J’évite son regard. Je ne le regarde plus car ça fait trop mal. Et lorsqu’en fin d’après-midi, nous arrivons enfin à Sidney et à notre motel, destination finale de la longue journée de route, je m’isole dans une chambre pour continuer à boire et surtout, surtout tenter de ressentir autre chose que cette douleur irascible qui me tord les entrailles.
Ce voyage ne peut te faire que du bien. T'éloigner de Brisbane et de toutes ces histoires qui sont survenus dans ta vie dernièrement. T'en as besoin, réellement et quoi de mieux que de partir en road trip à travers la côte Est de l'Australie en compagnie de trois de tes collègues du Confidential. En intégrant ce club, tu ne savais pas si t'arriverais à t'acclimater à l'ambiance radicalement opposée à celle du MacTavish. Au début, tu restais dans ton coin refusant de te mélanger au reste du membre du personnel. C'est Lexie qui est venue te parler en première, c'est avec elle que tu as noué un plus grand lien qu'avec les autres. Harvey, tu l'aime bien mais tu ne lui as jamais vraiment parlé. Juste des échanges de banalité en fin de service au club, une fois que tous les clients sont sortis et qu'il ne reste plus que vous, le personnel. Terrence, tu le connais bien. Tu l'as déjà défendu à plusieurs reprises face à des connards se croyant tout permis. C'est un peu devenu ton confident Terrence, le seul à connaitre ton passé et à savoir ce que tu as fait avant de débarquer au Confidential. Terrence et Lexie sont partis à l'intérieur du bâtiment partant à moitié en ruine tandis qu'Harvey et toi faites le premier plein d'essence de votre bécane respective. Ça va te couter une blinde ce road trip mais tu t'en moque, tu n'as jamais été près de ton argent. T'as réellement besoin de ce voyage de trois jours. Et qui a dit que l'argent faisait le bonheur ? Être entouré des gens qui te rendent heureux, te font du bien c'est le plus important pour toi. Terrence se pose dans l'herbe pour déguster son petit-déjeuner. Harvey ne tarde pas à le rejoindre, tu les laisses tranquille. Il s'est passé quelque chose entre eux, t'en es certain et tu crois savoir ce que c'est mais tu ne dis rien. Tu te contentes de rester à l'écart avec la belle Lexie. Ça te fait rire lorsque Terrence te dit que tu formerais un joli couple avec la demoiselle. Les amitiés entre un homme et une femme ça existe, et Lexie est une amie. Rien de plus, rien de moins. Dans ta tête, et dans ton coeur, il n'y a que Maddie mais tout se bouscule, tout se chamboule. Tu jettes un rapide coup d'oeil sur ton cellulaire. Rien, ni messages, ni appels de ta colocataire. Tu range ton smartphone dans le fond de ta poche alors que tu finis de siroter ton café. La caféine, il t'es impossible de t'en passer. C'est ta drogue à toi, peut-être aussi nocive que l'alcool ou la vraie drogue. T'en es accro et tu l'assume pleinement. T'es en grande discussion avec Lexie quand tout à coup John? Ca t'ennuie si tu changes de princesse pour les 200 bornes à venir? La voix de ton collègue et ami t'interpelle. Tu ne t'attendais pas à cela de sa part. "Pourquoi ça me dérangerais ?" Tu hausses simplement les épaules, lançant un sourire à ton ami. Tu grimpe à nouveau sur ta bécane, Terrence derrière toi et ces bras autour de ton abdomen. Tu lance un regard à Harvey pour savoir s'il est d'accord de partager ses deux cent kilomètres en compagnie de Lexie. Tu ne veux pas d'histoires avec ton collègue videur, t'as pas envie qu'un nouveau vigile déverse sa colère contre toi. T'as déjà frôlé la mort une fois, tu n'es pas certain de t'en sortir une seconde fois si ça devait arriver. T'es pas dupe, il y a des regards qui ne trompent pas. Il s'est passé quelque chose entre Harvey et Terrence, t'en es certain. T'observe beaucoup les gens et tu peux dire qu'entre tes deux collègues, il y a anguille sous roche. Tu semble plus âgé qu'eux, t'en as vu des gens se tourner autour. Bref. Tu ne dis rien et accepte de laisser monter Terrence sur ta bécane. De toute façon, vous allez au même endroit. Vous pourrez donc à nouveau changer de compagnon de route à la prochaine halte. Harvey ne dit rien. Lexie derrière lui, c'est de nouveau ton collègue qui passe devant, tu te contente de le suivre. La route défile encore devant vos yeux. Le paysage est à couper le souffle mais bien trop occupé à te concentrer sur la route pour t'y intéresser. Les kilomètres s'enchainent, les pauses également. Lexie a vraiment une petite vessie, c'est pas possible. Tu la taquines à ce sujet. Harvey et toi, vous discutez sur la route à emprunter ou bien de vos bécanes respectives. Lexie est allée acheter des sandwichs pour tout le monde. Tu ne serais pas contre une petite bière mais tu t'es imposé une règle lorsque tu as acquis cette moto : jamais d'alcool au volant. Jamais. Il t'es déjà arrivé de conduire sans casque mais jamais avec de l'alcool dans le sang. Tu lis bien trop d'horreurs dans la chronique des faits divers du journal local. La tension est palpable entre Harvey et Terry, t'aimerais comprendre et qu'ils crèvent enfin l'abcès mais t'es pas certain de la marche à suivre. Harvey s'enferme dans l'une des chambres louées pour la soirée. Lexie prend possession des lieux en se prélassant sous une douche bien chaude. Ah les filles ! Toi, tu reste à l'extérieur avec Terrence. "T'es sûr que ça va Terrence ? T'as vraiment mauvaise mine depuis que je t'ai récupéré devant chez toi. Et c'est pire depuis notre premier stop ce matin. Tu sais que tu peux tout m'dire .." Bon, peut-être pas tout. Tu ne lui as pas tout révélé non plus mais s'il a besoin de parler, il doit savoir que t'es là. Tu ne le jugera pas, t'espère qu'il le sait. Après tout, lui ne t'as pas jugé sur ce que tu lui a confié lors de votre précédente soirée. Tu poses une main réconfortante sur la sienne, un sourire rassurant sur les lèvres. "Enfin pas tout mais jpeux tout t'entendre tu sais !"
Je remerciais Harvey et récupérais mon bien pour mordre dedans à pleines dents. Je ne pouvais m’empêcher de jeter un œil sur lui et Terrence tandis qu’ils partageaient le leur ensemble de façon gênée et maladroite. Il fallait être aveugle ou bien stupide pour ne pas avoir remarqué qu’il se tramait quelque chose entre eux. C’était probablement la raison pour laquelle Terry n’était pas bien ces-derniers temps. Je ne bronchais pas néanmoins et discutais tranquillement avec John de notre voyage. J’acquiesçais avec chaleur à la proposition du videur. Après tout, nous faisions ce road trip pour visiter l’Australie alors autant profiter un maximum des choses et endroits qu’elle avait à nous offrir. Le reste du petit-déjeuner se déroula rapidement et bien vite nous regagnâmes les motos.
« Est-ce que la princesse de ce voyage veut remettre ses fesses sur la moto la plus confortable ou elle s'aventure ailleurs ? - Votre destrier me sied parfaitement, Monseigneur ! » Répondis-je d’une voix théâtrale en riant.
Je m’apprêtais à monter derrière John lorsque Terrence me stoppa dans mon élan :
« John ? Ça t'ennuie si tu changes de princesse pour les 200 bornes à venir ? - Pourquoi ça me dérangerait ? »
Un regard vers Harvey me confirma que cette déclaration l’avait blessé et qu’il accusait le coup. Je me mordis les lèvres pour ne pas répliquer. Et puis de toute façon, pour dire quoi ? Après tout je pouvais seulement faire des déductions jusqu’ici et Terry n’avait pas l’air de vouloir se confier à moi non plus. Et puis ça ne me concernait pas. Tant qu’aucun des deux ne voudrait partager ce qu’il s’était produit, je n’avais rien à dire ni même à y faire. Une partie de moi était frustrée de devoir assister à tout ça, impuissante. Je me recomposais un visage joyeux en suivant mon nouveau conducteur. Si je ne pouvais rien faire pour leurs histoires, je pouvais au moins insuffler de la bonne humeur à notre petit groupe et pour cela, j’étais imbattable !
« Soit, voyons ce confort que tu m’as vendu au début de notre voyage, Harvey ! Je n’hésiterais pas à me transformer en la princesse au petit pois à la moindre incartade ! » Lui soufflais-je dans un sourire en m’installant derrière lui.
Et il ne mentait pas, sa moto était réellement très confortable. Ma remarque semblait glisser sur lui comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Je pouvais sentir sa colère rien qu’à sa façon de conduire, bien plus brutale que celle de John. Je m’agrippais à son blouson avec plus de poigne que précédemment tandis que nous doublions nos compagnons de route à vive allure. Afin de rester dans la bonne humeur, je leur fis le signe « peace » en passant, un peu comme si je leur lançais le défi de repasser devant nous. Il n’en fut rien cependant.
La même tension palpable régnait durant la pause du midi. J’espérais qu’ils puissent échanger quelques mots et décidais d’aller acheter les sandwichs pour les laisser un peu seuls mais la situation n’avait pas changée à mon retour. Je déjeunais donc en tâchant de faire la discussion et en répondant aux boutades du barman. Nous reprîmes la route et je restais derrière Harvey pour le restant de la journée.
Nous arrivâmes enfin au motel et je ne pus m’empêcher de soupirer de soulagement sous mon casque. Nous nous étions mis d’accord au début du séjour pour faire des économies sur les nuits et partagions donc les chambres à deux. Les regards appuyés de mes collègues masculins en me demandant mon avis sur la question m’avaient clairement fait comprendre que j’étais en droit de leur donner mon veto, ce que je n’avais pas fait. J’avais parfaitement confiance en eux et je savais qu’aucun ne tenterait quelque chose de déplacé envers moi. Dans le cas contraire, je savais me défendre et hurler. Nous réglâmes donc les deux chambres et Harvey s’en alla sans dire un mot rejoindre l’une d’entre elles. Je le suivis du regard, inquiète, et ne pipais mot tandis que John et Terrence bavardaient entre eux. Je réclamais alors mon sac à dos rangé dans la moto du barman et pris la décision de rejoindre l’autre chambre afin de laisser l’opportunité à Terrence de choisir s’il voulait crever l’abcès avec Harvey ou s’il préférait simplement se reposer ce soir.
« Je vais prendre une douche et je pensais aller manger un burger dans le fast-food qu’on a vu un peu plus loin. Je pense qu’on en a pour dix minutes de marche pour y aller à partir d’ici, enfin, si ça vous dit ? Perso, que vous le vouliez ou non, j’ai trop la dalle alors j’irais seule s’il le faut ! » Je regardais Terry « Si quelqu’un veut bien prévenir Harvey… Pour les intéressés, on se rejoint là d’ici vignt minutes, à toutes les gars ! »
J’empoignais mon sac et montais dans l’autre chambre qui nous était attribuée. Il ne me fallut pas bien longtemps pour rejoindre la salle de bain et me débarrasser de mes fringues pour me glisser sous la douche. L’eau qui roulait sur mon corps me faisait un bien fou, à croire qu’elle lavait la mauvaise humeur ambiante que j’avais endurée en plus de la crasse et de la fatigue du voyage. Je me sentais enfin sereine et revigorée. Je fermais alors les yeux en poussant un soupir de bien-être. Je regrettais presque de ne pas m’être faite couler un bain mais je me le promis dans un coin de ma tête pour une prochaine fois pendant notre voyage. J’éteignais ensuite le robinet et m’enroulais dans une serviette en coton blanc. Ce ne fut qu’à cet instant que je réalisais que j’avais laissé mes affaires dans la chambre. Je jurais et resserrais ma poigne sur la serviette en entrouvrant la porte pour jeter un œil dans la pièce. De là où j’étais, il ne semblait y avoir personne, les gars devaient encore discuter dehors. Je sortais alors de la salle de bain et me penchais pour récupérer des sous-vêtements et un tee-shirt propre.
Codage par Libella sur Graphiorum
Spoiler:
A vous de voir si vous voulez bouger ou non au fast-food et si oui ou non vous êtes à l'extérieur de la chambre. J'ai voulu ajouter un peu de comique dans cette histoire
Il regrette, Terrence. Il regrette d'avoir demandé à John s'il pouvait aller sur sa moto à lui et pas sur celle d'Harvey. Il regrette et il s'en veut, pourrait se gifler parce qu'il a l'impression de le fuir à son tour alors qu'Harvey a clairement fait des efforts, parce qu'il fait tout l'inverse de ce que lui dicte son coeur et ça le bute, ça le consume parce qu'il lutte, va contre ses instincts, ses instincts qui lui dictent une seule et même chose : le retrouver. Et le toucher. Et le sentir. Récupérer son odeur et la faire sienne à nouveau. Avoir ses mains posées contre ses côtes et son nez perdu dans ses longs cheveux blonds à le respirer comme si sa vie en dépendait. Mais il prend la décision d'aller se coller au dos de John et peut être qu'il le fait pour lui montrer, à Harvey, qu'il ne se laisse pas abandonner comme ça sans rétorquer un peu, peut être qu'il réclame le droit d'être à lui entièrement et pas simplement en intérim, peut être aussi qu'il refuse férocement de penser qu'il puisse être un de ces connards qui baisent et s'en vont. Il l'a vu dans ses yeux, il l'a lu dans ses mots. Il le voit là, dans les larmes qui s'agglutinent sous les paupières par sa faute et il en est alors certain, qu'Harvey n'est pas de ceux-là. Oh Harvey, ne pleure pas sinon je vais craquer. Je pourrais pas rester longtemps loin de toi si je vois que tu as besoin de mes bras. Dis-moi que j'ai raison de m'accrocher à toi et de vouloir continuer à te trouver toutes les excuses du monde ! Dis-moi que je m'agrippe à ton souvenir pour quelque chose. Dis-moi un mot, dis-moi n'importe quoi qui me ferait comprendre que j'ai raison, et je reviens à toi. C'est impossible qu'Harvey, celui qui lui avait promis des lendemains plus doux et en qui il avait décidé de placer toute sa confiance, puisse être ce genre de personne à lancer dans le même sac estampillé "enfoirés" que tous les autres. C'est pas ça qu'il est, il en est sûr maintenant, Terrence. Et il n'est pas un bout de viande pour lui non plus.
Il a pris une décision, a séparé volontairement son chemin de celui pour qui sont coeur bat pourtant trop fort, grimpe sur la bécane de John, les larmes aux yeux et le souffle court et il sent tout son corps trembler, les doigts qui s'agrippent au t-shirt de son collègue parce qu'il se connait, Terry, s'il ne se retenait pas à quelque chose il serait capable de sauter pieds joints au sol et d'aller retrouver le dos d'Harvey. Alors il se contente de le regarder de loin, perçoit sa colère et sa déception et il se mord la lèvre pour ne pas crier son prénom. Pour ne pas lui hurler pardon. Pardon parce que j'ai fait le con. Pardon parce que je doute de moi, de toi aussi sûrement alors que je suis sûr que je ne devrais pas. Harvey ne soit pas fâché. Je cherche des solutions mais je me trompe toujours. Aide-moi...
La moto démarre et tout est joué, les jeux sont faits. Il pleure dans le dos de John alors que Lexie fait un signe de la victoire en passant et que le bolide d'Harvey les dépasse rapidement. Il penche sa tête sur le côté, Terry, pour voir s'il l'aperçoit mais non, rien, il ne sont déjà plus qu'un petit point au loin et il pleure pleure pleure en silence, se demande s'il a tout foiré à le condamner sans cesse au lieu d'aller mettre directement les choses à plat, au lieu de mettre en avant les efforts qu'il fait. Les kilomètres s'enchainent et Terry se sent sombrer dans les affres de la culpabilité d'heure en heure, tente un peu à chaque arrêt de trouver un moyen d'inverser la vapeur, de dire qu'en réalité il avait changé d'avis et souhaitait retourner sur la moto d'Harvey mais c'est peine perdue parce que ce dernier s'isole du groupe systématiquement, disparait souvent, de longues minutes parfois et c'est un supplice de réaliser qu'il est enfin si proche de lui mais qu'aucune communication ne s'établie. Alors il reste avec les autres, grignote une bouchée de son sandwich mais pas plus, parce qu'il a mal à l'estomac. Il se tord de douleur, son estomac parce qu'il aimerait que cette tension inutile cesse, qu'elle s'éteigne en douceur ou qu'elle explose mais qu'elle s'arrête. Il a eu envie de lui apporter un truc à à manger pendant la pause repas, a eu mille fois envie de lui hurler "reviens", envie de lui dire que c'est nul de le laisser encore comme ça. Mais il se contente d'écouter les conversations de Lexie et John, les yeux rivés en permanence sur Harvey, à le chercher dès qu'il disparait de sa vue et c'est les montagnes russes dans son coeur. Il regretterait presque d'être venu.
Après quelques heures similaires à toutes les autres ils arrivent enfin au motel. Les motos sont garées et tout le monde descend, se rend à la réception dans un silence de cathédrale pour prendre deux chambres pour la nuit histoire de réduire les frais et il est épuisé, Terry, comme les trois autres surement, les hanches et les bras douloureux. Il ne le quitte cependant toujours pas du regard alors qu'il le voit se barrer, se barrer sans rien dire, comme un enfant pas content. Il soupire, Terry, soupire parce qu'il fuit sans cesse mais ça ne règlera rien, la fuite c'est quand on ne sait plus quoi dire, la fuite c'est quand on a fait un bêtise, la fuite rassure parce qu'il n'y a pas de confrontation mais c'est reculer pour mieux sauter, la tête dans le sable et l'autruche reste plantée dedans. Terry est perdu et il décide de s'allumer une cigarette, garde la clé de sa chambre dans la poche et s'assoit les jambes dans le vide, les avant bras sur la balustrade et le menton sur les poignets. Lexie leur annonce qu'elle va se laver et qu'elle aimerait aller manger un burger avant de demander que quelqu'un aille prévenir Harvey. Elle le regarde et il acquiesce dans une moue entendue mais ne sait pas s'il ira. Peut être qu'il ne veut pas être dérangé, Harvey. Harvey, Harvey... un prénom qui résonne dans sa tête en permanence et soudain il les revoit allongé sur le canapé de la serre, l'orage qui éclate au dessus d'eux et la ville à leurs pieds. Il les revoit manger les oeufs, se lancer des oeillades au travail bien avant de se connaitre et il secoue la tête pour chasser tout ça parce que les larmes montent et que ca brûle trop fort. Penser à lui, c'est douloureux. L'avoir dans le coeur c'était douloureux. Il aimerait se dire que ça ne lui a pas brisé le coeur, il aimerait se dire qu'il ne lui manque pas à chaque seconde mais ce serait des conneries et il est épuisé émotionnellement, incapable de se mentir à lui-même pour supporter ce qui lui arrive. Il entend des pas et l'arrivée de John l'apaise un peu, sans qu'il ne se l'explique. "T'es sûr que ça va Terrence ? T'as vraiment mauvaise mine depuis que je t'ai récupéré devant chez toi. Et c'est pire depuis notre premier stop ce matin. Tu sais que tu peux tout m'dire .." Il observe John quelques secondes, le trouve gentil d'être venu s'inquiéter de son état, se mord la lèvre parce qu'il aimerait tout lui raconter, la dérouler, la bobine. Alors il tire sur sa cigarette, et laisse ses yeux se perdre dans la nuit tandis que des gouttes de pluie commencent à tomber en douceur. Par où commencer? Peut être par le début. Peut être qu'il n'a rien envie de cacher parce qu'il est fier de le dire, d'assumer, pourrait le crier au monde entier sans retenue aucune. Alors il se lance sans filet. Y a deux semaines, Harvey et moi on a fait l'amour. Et depuis, il ne me parle plus, et je sais pas pourquoi. J'ai envie qu'il vienne vers moi mais je sais qu'il ne le fera pas. Alors je... Je pense que... Il observe la porte au loin derrière laquelle Harvey s'est réfugié et il se lève subitement, les yeux déterminés qui ne se délogent pas. Pardon John je... Je dois aller le voir. Dis à Lexie qu'on viendra manger le burger Harvey et moi. J'vais le trainer en dehors de cette chambre s'il le faut. Et il tire sur sa cigarette en avançant le pas décidé, se demande s'il ne fait pas encore une connerie mais tant pis, reste quelques instants devant la porte mais il sent le regard de John lui brûler la nuque. Alors il frappe.
toc toc toc.
Trois coups secs sur le bois de la porte et son coeur qui s'emballe déjà. Harvey? Il attend quelques instants, réitère, recommence encore plus fort et finalement arrête de patienter bêtement, tourne la poignée et entre comme s'il y avait été invité avant de refermer derrière lui. Au coeur du silence de la nuit et de la climatisation qui émet des sons étranges, la vision qui s'offre à lui lui arrache un soupir. Ca pue l'alcool, il fait nuit, l'hotel est poisseux, et Harvey est allongé sur le lit, une bouteille de Whisky vide dans une main. Il est bourré et il a mal au coeur, Terry, essuie rapidement d'un revers de manche des larmes qui avaient osé franchir les barrières de ses yeux verts délavés. Harvey? Réveille-toi je t'en prie.. Il s'approche à pas de loup, Terry, crève d'envie de s'allonger contre lui mais ne le fait pas alors il s'assoie seulement a bord du lit, sa main qui hésite puis qui vient se glisser dans ses cheveux. Et ce simple contact lui provoque un tsunami au coeur, raz de marée dans l'âme et le corps qui se met à brûler, à frissonner, à le réclamer comme un instinct retrouvé qui reprend d'un coup toute la place qu'il avait laissé. Il lui caresse doucement quelques mèches, le palpitant qui lui défonce les côtes, qui valse comme un dingue et les poumons en manque d'air, il savoure quelques secondes, récupère la bouteille avec son autre main et la pose au sol. Il se penche, Terrence et prend le temps de l'observer comme s'il le découvrait pour la toute première fois, et il sent le vertige, la morsure, le trouve toujours aussi beau, caresse ses cheveux puis descend sur son front, ses tempes, sa mâchoire. Il se penche encore, le nez qui vient se frotter contre sa pommette et il n'arrive plus à retenir les larmes cette fois. Harvey réveille-toi. S'il te plait. Et il se redresse furtivement avant de poser sa tête sur son torse, la main qui ose aller frôler le bout de ses doigts abimés par les combats, les larmes qui coulent en silence rythmées par le bruit dégueulasse de la climatisation et il se demande si Harvey l'a entendu puisqu'il a murmuré. Harvey, me laisse pas. Pas encore une fois.
Dernière édition par Terrence Oliver le Lun 25 Nov 2019, 21:55, édité 7 fois