“... [et] elle court, elle se raccroche à la vie”. - Juin 2019
Ses mèches brunes se mêlent au gré du vent et tressaillent sous l’impulsion des vérifications succinctes derrière son épaule. Les semelles de ses baskets claquent le trottoire, s’écorchent dans les crevasses. Le gravier vient malmener la plante de ses pieds bien mal protégée mais trop habituée pour s’en soucier. Ses poignets martèlent l’air que ses poumons englobent en haletant, un sourire écarlate efface tous les maux de l’effort physique perpétué. Son corps fin se glisse entre deux grillages, de nouvelles égratignures vint irriter ses doigts fins et c’est avec un regard provocateur qu’elle fait signe à ses traqueurs de la suivre.
Ses mains se plongent dans les poches trouées de son blouson ; ses indexs se faufilent dans les défauts du vêtement comme à leur accoutumée. En soupirant en vue de regagner un rythme cardiaque normal, la jeune femme s’introduit furtivement dans un bâtiment. Brisbane, elle connaît, elle considère y vivre réellement : elle a arpenté toutes ses rues, fraternisé avec chacun de ses recoins. Elle a élucidé ses mystères et assimilé ses secrets. Plus rien ne la retient et petit à petit, elle a érigé le listing de ses lieux favoris, des endroits privés les plus magistraux, le goût de l’interdit y ajoutant une touche particulière. Elle emprunte les raccourcis dans une optique de parkour nocturne.
Ses mains grattent les briques à la recherche des cachettes des autres et c’est en fulminant qu’elle la retrouve dépouillée. C’est de l’oxygène brûlant qu’elle avale goulûment, exaspérée. Elle tâte toutes ses poches et en vient au déplorable constat qu’elle est à sec. A sec de drogues et d’argent à y dédier. Elle se pince ses lèvres, réfléchit en faisant les cents pas, lionne prisonnière de sa dépendance. Impossible ne fait pas partie de son vocabulaire, toutefois, et il est hors de question qu’elle n’ingurgite pas la dose que son organisme réclame avec véhémence.
Logan City. La nature et la culture. Les grands parcs sont déserts de gens biens, la plage artificielle abrite quelques fêtards. Ses jambes ne la mènent pas sur le sable mais continuent de poursuivre l’asphalte. Elle ne dénichera pas l’objet de ses désirs près de l’océan ni sous un tronc. Elle défait la fermeture éclair de sa veste brutalement, dévoilant davantage son buste chétif mais surtout, sa camisole possiblement attrayante à l’œil masculin. “Hey” Elle adresse à la personnalité qu’elle recherchait, soulagée de l’appréhender si vite. Ses pupilles dilatées passent de la clope à son bec aux poches qu’elle pourrait piller. “Salut beauté.” Il crachote sa fumée, elle plisse les yeux en guise de réponse, s’éloigne juste à temps pour qu’il ne passe pas ses doigts crasseux dans ses cheveux en bataille qu’elle arrime machinalement, souci risible de l’esthétisme. “T’as pas quelque chose pour moi ?” Le passage aux rayons X s’exécute, le sentiment d’être évaluée l’atteint à peine. “J’ai toujours quelque chose, ça dépend juste de ce que t’as à m’offrir.” Un rire bref et sans joie s’extrait de sa gorge, goujat. “Un service en rend un autre, hé?” Elle scrute de son regard perçant, cache les tremblements du manque en trouant davantage les poches de son blouson. Elle milite pour ne pas se concentrer sur sa température qui lui paraît hausser au fil des secondes. Elle est prête à tout pour ne pas subir le manque, elle est incapable d’y pallier, de l’affronter. Elle passe d’un pied à l’autre, négocie son offre plutôt que la marchandise enviée : “La moitié maintenant, le reste après ?” C’est un petit sachet de pilules qu’il fait déverser à leurs pieds, sous l’incompréhension de la cliente qui fronce les sourcils l’espace d’un instant mais se penche pour récupérer ses arrhes. Qu’est-ce qu’elle se sent novice, naïve et vulnérable quand il l’attrape violemment par les cheveux quelques dizaines de secondes plus tard pour enfoncer à en faire vibrer ses tympans sa virilité au fond de sa bouche. Elle déglutit amèrement, retient ses dents de mordre pour ne pas finir étripée, se prive de révulser face au goût de saleté, de sueur, d’aigreur. Sa tête fait le pantin sous les gestes de l’homme, ses cervicales souples sont incapables de se plaindre quand elle se concentre uniquement sur sa mâchoire et ce qu’elle détient entre ses doigts. Finalement, son poing serré vient se plaquer contre sa cuisse, repousse la masse musculaire tant qu’elle peut. “J’ai pas fini.” “Moi, si.” Elle indique en réprimant un haut le cœur. Il rit, ses ongles s’incrustent dans la chaire de ses paumes. Il la projette contre la façade d’un café qui réveille toute la sensibilité de son dos et de son crâne sans merci, elle perçoit une lumière qui clignote dans l’échoppe. Elle esquive la main du dealer qui réclame, rage son prénom comme s’il s’agissait d’un juron. Elle le pousse en visant ses hanches, armée de la force de ses quelques dizaines de kilos trempés.
Et il sursaute Matt, il est con le gars, il avait le regard braqué sur ses différentes cuvées de bière à tenter de dissocier celles qu’il allait devoir abandonner contre celles qui faisaient le bonheur des clients. C’étaient presque ses enfants ces conneries-là, il les prenait tous trop à cœur, il avait imaginé les mélanges les yeux brillants l’inspiration légère, il était absolument persuadé que c’était là un ensemble de saveurs plus qu’un échantillonnage de goûts. Mais la clientèle avait parlé, et il fallait qu’il se rende à l’évidence, et il prenait ça bien trop au sérieux, et déjà il pensait à revoir les recettes, à refaire le tout de A à Z rien que pour racheter les mal-aimées aux yeux de ceux qui les avaient refusées. Scarlett était partie depuis bien longtemps, Asher traînait avec Deklan quelque part en ville, Yoko et Charlie étaient restées aussi longtemps qu’elles avaient pu à tenter de remonter le moral d’un Matt défait devant le choix cornélien qu’il s’imposait. Au final, c’était rien de bien compliqué là, il réinventait pas la roue, il était juste trop impliqué, trop intense, trop stupide pour embouteiller le reste à son intention et faire la coupure le plus raisonnablement possible sur le menu.
Alors ouais, il sursaute. Parce que dans sa tête, y’a rien d’autre ici qui se trame que son propre calvaire en direct de la réserve. Il sait même pas quelle heure il est, il a complètement oublié qu’il a un truc de prévu le lendemain en matinée, qu’il devrait être responsablement couché depuis des heures là, qu’il était même pas booké sur la fermeture du café ce soir et que logiquement, ce qu’il fait depuis des heures, c’est simplement remuer un couteau de plastique dans une plaie béante. Il sert à rien donc, quand son cœur manque un tour et que ses épaules se secouent sous la surprise. Mais il est relativement habitué aux scénarios du genre dans le coin Matt, surtout à un moment aussi tardif dans la nuit. Y’a toujours des fêtards qui envahissent le parc en face, qui prennent d’assaut la plage artificielle en bordure du café. Le truc par contre, c’est qu’il reconnaît le prénom. Il porte attention dès qu’il entend ce que le dude visiblement enragé de l’autre côté de la porte a à gueuler à la personne à qui il le gueule. Et il prend pas de chance Matt, quand il lâche son dilemme du soir pour se faufiler à l’entrée du DBD, pour allonger la nuque par-delà les tables, pour finir par la voir, pas sûr à 100%, mais suffisamment pour éviter de mettre une seconde de plus avant de réagir.
« Ça va, c’est bon, on s’calme là. » il a filé du comptoir à la porte, du trottoir à elle en un temps record. S’il parle à l’agresseur du ton le plus diplomate qu’il est capable de tenir, Matt, il le regarde pas, il l’ignore, il s’assure juste qu’elle est okay. Ça grogne dans son dos, ça injurie, ça menace, mais McGrath, il en a rien à battre quand il tourne la tête vers le connard qu’il se voit déjà éclater sur le bitume s’il avance un mot de plus. « Les flics font leur ronde de quartier à toutes les heures passé minuit. » de l’index il pointe le coin de rue qui les longe, à gauche. « Ils commencent par là, parce que c’est l’endroit où la majorité des cokés croient que personne les verra faire leurs lignes à cause de l’ombre des arbres. » puis du menton, il désigne l’extrémité droite, toujours sérieux, ses mains qui elles s’appliquent à l’aider à se remettre sur ses pieds. « Et là, habituellement, c’est où ils surprennent les gamins qui se préparent à tagger les commerces de la rue. » l’autre bouge pas, et quand Matt est persuadé qu’elle peut tenir sur ses pieds et que le bras qu’il a lové autour de sa taille la maintient bien, il conclut, sec, sans équivoque. « Ici par contre, ils m’ont jamais arrêté après que j’ai éclaté la gueule d’un enfoiré qui a pas le choix d’agresser les nanas s’il veut get some. » son regard qui complète. If you wanna be my first, I’m all yours.
Elle a toujours cru que son chemin était tout tracé. Elle se considère damnée, aucunement maîtresse de son destin. Elle a conscience des décisions qu’elle prend et des conséquences qu’elle s'octroie par ces dernières, mais à ses yeux, le destin sait pertinemment comment elle va réagir. Elle ne constitue qu’un vulgaire pion, une âme prévisible qui ne saurait jamais sortir des rangs de ce qui a été acté en son nom. Aucune surprise n’est envisageable, tout doit être parce qu’il l’a été écrit ainsi. C’est sous cette théorie de prédestination qu’elle se dédouane de toutes ses fautes et n’éprouve plus la peur. Si elle devait mourir bêtement, dramatiquement ou vaillamment demain, elle ne pourrait que courir à sa propre et intransigeante perte. Alors, pourquoi s’en soucier ?
Un rictus étire ses lippes quand la façade du Death before Decaf fait résonner ses os, maltraite ses nerfs, envoie des ondes de choc jusqu’à son cerveau. Elle n’est jamais parvenu à dépasser les cinquante kilos de la balance, vilain petit caneton qui s’assume, ses muscles ne parviennent vraiment qu’à animer son corps, mais têtue, elle se propulse contre l’homme trapu pour le repousser, se venger, et surtout, faire ses poches habilement.
Il effectue un pas en arrière, la porte du café s’ouvre. Elle scrute le nouvel arrivant, le dévisage. Ses sourcils se froncent, ses cheveux ondulés sectionnent son champs de vision. Matt McGrath. Ses lèvres s’entrouvrent, ses yeux en amande se concentrent de nouveau sur le dealer.
Il fait sa loi, Matt, et ça la fait sourire. L’arrogance, l’insolence, le narquois, la jubilation, tout se lit sur son minois fin sali par la rue. Elle se redresse, bombe même un peu le torse, bien que le propriétaire de l’échoppe l’aide à retrouver son équilibre et ne la relâche que lorsqu’il est certain qu’elle est stable. Elle passe d’un pied à l’autre, écarte légèrement les jambes, preuve qu’elle reprend sa place, qu’elle s’ancre sur cette dalle de ciment là. Elle récupère du territoire, grimace quand le bras du McGrath se love autour de sa taille fine.
Sa voix est forte, il ne tremble pas. Elle pose son poing sur sa hanche libre, dominante, inspirée. Elle a des aspirations à la Bonnie and Clyde bien qu’elle n’ait jamais vu l’émission télévisée. « Ici par contre, ils m’ont jamais arrêté après que j’ai éclaté la gueule d’un enfoiré qui a pas le choix d’agresser les nanas s’il veut get some. » Le silence s’installe et malgré tout, elle refuse la bagarre. Elle a autant besoin d’un homme que de l’autre. Quand elle sera en manque, elle n’a pas envie de perdre son fournisseur et client, aussi bourru soit-il. « Come on. All’s good. » Ses yeux brillants par l’exténuation et le manque transitent avec conviction l’usine à junkies et le producteur de boissons. Elle tapote l’épaule du gros lard, puis passe son bras derrière le coude de Matt « Viens. »
Elle s’invite dans le café-bar, s’avance en découvrant les lieux, s’en enivrant. Elle aime le parfum qui y règne, les couleurs, aussi. Ça la fait vibrer et elle produit même quelques pas heureux, valse pour faire face à son interlocuteur, avale quelques pilules discrètement au passage. « Merci, justicier de la nuit. » Ses doigts passent de son front à l’air dans un salut honorable et militaire. Puis, elle vide ses mains sur la première surface qu’elle croise. On aurait du mal à croire que des paumes si petites puissent en contenir autant. Des billets, des pièces, de la drogue, des papiers griffonnés, un pins. Ensuite, elle fait les poches de son pantalon : d’autres billets volages, un portefeuille, des condoms, une carte de bus, des coupons, un pic de guitare et des tickets divers et variés. « Qu’est-ce que j’te dois? J’te laisse choisir. » Plus ou moins, parce qu’elle subtilise vivement toutes les substances illicites pour les planquer dans son soutien-gorge. Elle abandonne son butin pour se diriger vers l’évier derrière le bar. Sans cérémonie, elle enlève son haut et l’asperge de liquide vaisselle citronné pour y effacer les traces masculines de son avant-dernier échange. Sous l’eau, elle frotte avec véhémence le tissu puis le rince. Ensuite, il retourne sur son dos, fripé, mais parfumé. « Allez, dude, laisse ta tolérance jouer le jeu. C’est ma monnaie d’échange. » Elle sermonne quand elle constate que le brun redoute toucher à sa marchandise, comme si elle était empoisonnée. « Rien ne mord. J’ai enlevé du marché tout ce qui aurait pu être dangereux pour toi. Rated PG13. »
Il assiste à la scène en y prenant probablement trop part, lui qui s’impose, lui qui a pas du tout à faire là. Matt qui est incapable de laisser une situation aller lorsqu’il la juge penchant plutôt du côté noir que du côté blanc de la balance. Et ça l’a mis dans la merde, son incapacité à diviser les situations en camaïeux de gris, il a perdu sa famille au complet, il la retrouve à peine depuis. Mais il est idiot le McGrath, il apprend pas, ou du moins, il devient de plus en plus doué à se convaincre qu’il fait la bonne chose, qu’il est là où il doit, que ses élans d’héroïsme tout sauf nécessaire ont une raison d’être, et qu’il n’est pas qu’un gros lourd comme un autre qui va gratter tout ce qui peut nourrir son égo. Allie qui rassure, qui se dégage de l’un comme de l’autre, qui se relève surtout. Parce qu’il s’en fout qu’elle refuse son aide une fois ses pieds bien ancrés au sol, il en a rien à faire qu’elle ne s’appuie pas entièrement sur lui si ça veut dire qu’elle peut se tenir toute seule, qu’elle n’a plus besoin d’aide, qu’elle se gère. Le gars lui, il mâche ses mots, mais il colle pas, encore heureux. Il déguerpit pas mal au même moment où Matt fait volte-face vers elle, où il la voit s’engouffrer dans le commerce comme si elle y était entrée des dizaines de fois, comme si c’était son royaume désormais, pour ce soir au moins.
« Merci, justicier de la nuit. » si elle l’a entraîné avec elle à l’intérieur, elle finit par s’échapper vers le lavabo le temps que Matt verrouille la porte, qu’il s’assure que le connard est allé crever plus loin, qu’il laisse pas de taches de sa sale chair à saucisses sur le palier. « Ou plutôt de l’aube, j’suis sûr qu’on voit le soleil se lever si on plisse assez fort les yeux. » il fait de l’humour le gars, il tente du moins, quand on sait tous très bien à quel point son sens du comique laisse majoritairement à désirer. Mais il essaie, faut lui donner, et mine de rien lorsqu’il finit par s’installer sur l’un des tabourets derrière le comptoir de bois vernis, il garde son sourire en coin bien visible, ça lui évite de le troquer pour un rictus d’inquiétude sûrement. « Qu’est-ce que j’te dois? J’te laisse choisir. » Allie vide ses poches mais il regarde juste ses gestes, ses manies, comment elle manœuvre, comment elle bouge plutôt que le contenu de ses poches qui fait beaucoup trop de vacarme pour que ce soit normal d’avoir autant de trucs sur soi. Il essaie de voir si elle est blessée. Il prend son temps parce que la pénombre aide pas tant à l’opération. Mais quand elle file retirer son t-shirt pour le laver vite fait, Matt arrive à voir l’esquisse de sa peau, il réussit à la détailler vite fait, et à se rassurer lui-même comme quoi, elle semble pas avoir de marques à vif. « Allez, dude, laisse ta tolérance jouer le jeu. C’est ma monnaie d’échange. » sorti de ses pensées, y’a McGrath qui finit par se lever de son siège pour aller déléguer un peu de son attention au butin qu’elle lui offre. « Y’a rien là-dedans que j’ai pas déjà. » qu’il finira par statuer, après une longue minute à étudier le bric à brac qui s’étale, éclectique, sous ses yeux. « Rien ne mord. J’ai enlevé du marché tout ce qui aurait pu être dangereux pour toi. Rated PG13. » « Trop d’honneurs. » mais il prendra rien Matt. Parce qu’elle en a bien plus besoin que lui.
« T’as soif? T’as faim? » c’est une chorégraphie parfaitement maîtrisée qu’ils font probablement pour la toute première fois alors qu’elle troque sa place derrière le bar pour revenir en salle, et que lui-même file du côté des bouteilles et autres vivres vendus au commerce de jour comme de nuit. « C’est pas de la pitié, c’est juste qu’on m’a appris à ne pas être malpoli et à partager. » et s’assurant qu’elle ne le prenne pas comme une insulte – il a quand même Jill la tornade comme sœur, à force, il anticipe lorsqu’une de ses paroles risquent de froisser quelqu’un au quart de tour – il s’active déjà à se préparer un café, à dégainer sandwichs et autres boulangerie à grignoter.
Elle efface toutes les traces de sa dernière altercation de son habit. Les éventuelles gouttes du désir du goujat, sa salive acerbe à peine recrachée, la boue, la crasse, la terre, la poussière de la façade du Death before Decaf dans son dos. Elle éradique cette intégralité à s’en user encore davantage la peau de ses mains rêches, n’autorise plus que l’odeur du citron artificiel contre son mince buste. « Ou plutôt de l’aube, j’suis sûr qu’on voit le soleil se lever si on plisse assez fort les yeux. » « C’est pas le soleil que tu vois quand tu fais ça, boss. » Elle se déplace sportivement vers la porte où son trésor se maintient, encourage son sauveur à accepter un remboursement d’une récente dette. « Y’a rien là-dedans que j’ai pas déjà. » « Snob ! » La jeune femme s’offusque, les sourcils froncés, l’air désapprobateur. « T’as rien de moi. » Elle corrige, intransigeante. « Et ça, ça vient de moi. » Son index pointe la masse d’objets, impérial, véritable phare sur ses vols. Puis, elle hausse les sourcils, peu impressionnée devant sa réaction à sa considération d’avoir ôté tout objet dangereux du marché. « Dans les objets dangereux, j’ai aussi compté les tampons. Y’a des dudes, on dirait que ça leur fait peur. T’en penses quoi, toi ? »
Elle arpente le bar, passe d’une chaise à une autre, s’approprie les lieux. Son regard file sur les murs, observe les lampadaires. Ses mains glissent sur les surface, retient les failles, les cachettes, les détails. Elle retourne au lavabo boire, considérer l'absorption d’une nouvelle dose de speed. « T’as soif? T’as faim? » Elle ne répond pas de suite, concentrée sur un châssis. Le mec se justifie, comme s’il pouvait blesser son orgueil, comme s’il avait la permission de l’atteindre. « J’ai toujours faim et soif. Ça se voit pas à mon physique révélateur de gourmandise ? » D’un geste théâtral de la main, elle désigne son corps de la tête aux pieds. « J’ai toujours cru que les McGrath étaient égoïstes et imbus. Qu’ils pensaient qu’à eux avant d’aller mettre leur nez chez les autres. Ton herbe est devenue si verte, Matt ? » Elle se hisse sur un tabouret, s’y agenouille, pose ses coudes sur le comptoir, le toise sans merci. « A moins que je sois simplement une sauvageonne horriblement malpolie qui met notamment ses coudes sur la table. » Elle reprend avec jeu son propre terme avant de poser ses pupilles dilatées sur les sandwichs et les boulangeries qu’il a en réserve.
« Snob ! » « Imbue! » qu’il relance, sur le même ton qu’elle, une seconde même pas après qu’elle ait articulé son insulte en slalomant jusqu’à lui pour s’assurer de vanter son stock avec d’énièmes arguments. « T’as rien de moi. Et ça, ça vient de moi. » et il a envie, il a vraiment envie de la prendre au mot, de reporter son attention une nouvelle fois sur son stock, de mettre de l’eau dans son vin, d’avoir un peu de bonne foi. Mais faut qu’il soit honnête Matt, il se marre beaucoup trop à la voir prendre le tout tant au sérieux, il ne peut pas faire autrement que de renchérir en chantonnant avec une malice tout de même dépourvue de méchanceté gratuite. « J’ai ta crasse dans mon évier, ça compte? » l’eau coule toujours du robinet fermé mais pas entièrement, la mousse s’étale sur les rebords du lavabo, il joue à l’adulte en échangeant de place avec elle pour aller essuyer distraitement le tout. « Dans les objets dangereux, j’ai aussi compté les tampons. Y’a des dudes, on dirait que ça leur fait peur. T’en penses quoi, toi ? » dos à elle, il éclate tout de même de rire, elle l’entendra c’est sûr, il fait exprès. « T’as oublié que j’ai grandi avec deux sœurs. Et que je suis un con qui fait tout pour leur simplifier la vie. » il banalise avant de vite faire volte-face, s’appuyant sur le comptoir pour la toiser du regard maintenant qu’elle arpente le café en ayant l’air d’être à la recherche de quelque chose qu’elle ne veut pas vraiment trouver. « Si jamais t’as besoin de quelqu’un pour aller t’en acheter en situation de crise, hit me up. »
Puis, Allie qui revient, qui prend ses marques, qui évolue jusqu’à lui. Elle se moque et elle tournoie et elle se décrit, avant de s’installer sur le tabouret qu’il occupait un peu plus tôt. « J’ai toujours cru que les McGrath étaient égoïstes et imbus. Qu’ils pensaient qu’à eux avant d’aller mettre leur nez chez les autres. Ton herbe est devenue si verte, Matt ? » un soupir passe en travers de ses lèvres, il croirait entendre n’importe qui parler de ses géniteurs à l’écouter. La réputation de ses aînés qui n’a jamais été jolie, autant du temps de l’université qu’aujourd’hui. Oh well. Son regard sur lui le brûle, il la laisse finir son plaidoyer toutefois. « A moins que je sois simplement une sauvageonne horriblement malpolie qui met notamment ses coudes sur la table. » « Je suis pas du genre à avoir des préjugés. » et il commence, la voix qui pique même pas, le sourire en coin qui l’adoucit forcément. « Contrairement à toi. » le sourcil qu’il hausse en lui servant une tasse de café qu’il a improvisée en tentant de se rappeler de ce qu’elle aime dans ce domaine sans le savoir vraiment. Il pousse maintenant l’assiette vers elle, dérive d’un côté quand ses coudes prennent toute la place. « Tu pourrais célébrer mes avancements, mon introspection, mon besoin, que dis-je mon envie d’aider mon prochain contrairement aux légendes urbaines sur la majorité de ma famille. » ce n’est que lorsqu’il s’allonge à son tour sur la surface vernie pour venir murmure à son oreille qu’il s’amuse vraiment Matt, qu’il oublie presque dans quel état il l’a retrouvée une poignée de minutes plus tôt. « Les coudes ça va. Les pieds par contre, je risque de m’emporter. » il inspire le parfum naturel de sa peau, qui se mélange au savon citron dont elle a clairement abusé. « Mais ça va, je sais que t’es pas malpolie à ce point-là. »
Elle effectue un mouvement de recul lorsqu’il la traite d’imbue. Elle l’examine sans scrupule, en plissant les yeux, peinant à accepter cette critique pour elle-même. « “Imbue”, vraiment ? C’est le premier mot qui te vient ? » Un rictus faussement surpris embrasse son visage, elle souligne l’unicité de son stock, échange sa marchandise dans un souci de ne rien devoir à son héroïque interlocuteur. « J’ai ta crasse dans mon évier, ça compte? » Elle détache à peine le regard de son observation intensive des murs du local, et rétorque au moment où l’homme essuie, armé de ce qu’elle juge maniaquerie, son évier. « C’était de l’art, conchita. »
Elle revient à son butin, évoque les alliés de l’hygiène féminine qu’elle n’a pas déposés sur la table pour des raisons qui lui paraissent évidentes. Elle le scrute sans ciller lorsqu’il évoque ses sœurs et son besoin de leur compliquer la vie. « Jusqu’à t’intéresser aux rejets de leur vagin ? Vraiment, Matt ? » Elle joue avec son ton faussement révulsé et choqué. « Si jamais t’as besoin de quelqu’un pour aller t’en acheter en situation de crise, hit me up. » Elle pouffe violemment de rire, déclare en véhiculant dans le bar comme si elle voulait marquer chacune des dalles de sa présence. « Et ranimer ta passion pour mon entrejambe ? J’oserais pas. » Elle a un sourire fier et taquin, quand elle s’installe au bar et dévore du regard les différents aliments en stock. Elle dresse son portrait de malpolie sauvageonne, il tacle sur d’éventuels préjugés qu’elle aurait articulés. « J’avais tort, ou c’est juste un sujet sensible que tu veux éviter via une stratégie passive-aggressive ? » Une assiette glisse sur le comptoir, munie d’une tasse de café quand son estomac rêve d’un de ces sandwichs au fromage et aux légumes. Il susurre à son oreille quand elle boit avec dignité une première gorgée de son - à tomber, il faut l’avouer - café. « Mhhh. Deux choses. » La brune repose le contenant en faisant attention à ne pas en renverser et appuyant sa précaution par un geste démonstratif arrogant. « La première : comment proposes-tu de célébrer ton héroïsme ? » Elle ne le quitte pas du regard, hausse les sourcils, avide de sa répartie. Sa voix reprend juste à temps pour l’empêcher de commencer sa phrase, sourire satisfait du méfait aux lèvres. « La seconde : peut-on vraiment avoir des préjugés sur des légendes urbaines ? » Elle pose ses mains sur la table, s’approprie davantage d’espace sur le comptoir. « Discuss. » Elle invite, solennelle, avant de lever sa tasse à Matt pour trinquer puis y boire une autre gorgée qui lui réchauffe le corps. « Les coudes ça va. Les pieds par contre, je risque de m’emporter. » Elle l’entend renifler ses effluves, ne se prive pas de soupirer de désinvolture. « Tentant. » « Mais ça va, je sais que t’es pas malpolie à ce point-là. » « J’avais oublié que tu me connaissais si bien. » Elle se redresse et profite qu’il soit si proche d’elle pour dérober promptement le sandwich qui la charme depuis de longues minutes avec le moins de mouvements possibles. Elle l’agite sous le nez de son propriétaire encore penché vers elle. « Puis-je, cher hôte ? » Elle se veut convaincante lorsqu’elle dépose un rapide baiser sur sa joue.
« Et ranimer ta passion pour mon entrejambe ? J’oserais pas. » et elle est fière, le pire, il le voit de suite à l’air qu’elle arbore, elle est adorable là avec son sourire de conquérante etson impression d’être entièrement et totalement au-dessus de ses affaires. Mais Matt, il roule des yeux, il laisse échapper un rire franc aussi, sec un peu. « Merci de m’épargner, je suis qu’un goujat préhistorique incapable de se contrôler, on sait bien. » la mémoire mal placée et leurs souvenirs communs qu’il se ressasse toujours avec un brin de nostalgie. Ils étaient cool ensemble, avant. « J’avais tort, ou c’est juste un sujet sensible que tu veux éviter via une stratégie passive-aggressive ? » et avant, c’était aussi avant Londres, avant Ginny et Ezra, avant toute sa vie ici qu’il avait lâché lâchement, pour aller jouer les chevaliers à l’autre bout du globe, pour aller détruire des vies aussi, pour eux. La sienne en dommage collatéral. « Tort sur certains trucs, raison sur d’autres. Mais c’est moins fun si je te dis ce qui est quoi. » qu’il balaie, en même temps qu’il lorgne sur l’assiette qu’elle a vue également, les sandwichs qu’il se demande franchement ce qu’elle attend pour attaquer. Il laisse planer le mystère pourtant Matt, il aime pas trop s’attarder sur sa famille, le moins le mieux à ses yeux. Elle comprendra, elle avait toujours été particulièrement fine à l’analyser d’un seul coup d’œil faut dire.
Quand Allie finit enfin par tremper ses lèvres dans sa tasse de café, il souffle un peu Matt. Ça va, c’est chill, d’une attaque envers elle tout juste en face de son commerce, ils sont passés à des retrouvailles entre anciens, à une joute verbale entre initiés. Il fait le switch rapidement. « La première : comment proposes-tu de célébrer ton héroïsme ? » jusqu’à ce qu’elle ramène les circonstances officieuses de sa présence ici, et qu’il inspire aussi doucement que profondément, diminuant au passage les quelques centimètres qui restaient entre eux. « Je le célèbre en ayant pas trouvé ta dépouille déjà en train de pourrir à l’entrée du café. » sa voix claque, il lui reproche pas d’avoir presque crevé une soirée comme une autre, non, il fait que le souligner, comme si elle l’avait oublié, comme si c’était pas important, comme si elle s’en foutait. Elle s’en fout, elle se fout de ça, elle est au-dessus qu’elle croit. Il déteste ça. Aussi, elle s’amuse, elle pique, elle relance, il est déjà à la hauteur de son oreille quand elle diffuse, Allie. « J’avais oublié que tu me connaissais si bien. » « Heureux de te rafraîchir la mémoire un peu. Ça date. » Matt qui sent son souffle chaud se cogner sur sa nuque quand elle se dégage, presque sûr qu’elle ressent pareil, que son expiration à lui a trouvé son épiderme à elle. « Puis-je, cher hôte ? » et il s’éclipse, qu’elle se gave, c’est exactement ce qu’il voulait au fond. « T’es chez toi ici, tu fais ce que tu veux. » son hospitalité qui n’est plus à faire, la réputation du café qui est établie. « C’était qui? » il est retourné se poster dans l’angle Matt, il est sorti de sa bulle à Allie, faut qu’il lui laisse de l’air s’il veut aborder les sujets qui fâche avec elle.
« Merci de m’épargner, je suis qu’un goujat préhistorique incapable de se contrôler, on sait bien. » La complicité anime son regard, le fait pétiller quand ses pupilles se déposent toutes entières sur le minois de Matt. Elle hoche la tête à l’affirmative, joueuse, taquine. « Mh-mh. » Elle ne peut retenir son sérieux, un large sourire étire ses lippes, son rire s’en faufile ; puis elle enchaîne sur une joute verbale, aborde le sujet familial si épineux. Jouer du chaud, du froid. Ne pas se complaire et rester aux aguets. « Tort sur certains trucs, raison sur d’autres. Mais c’est moins fun si je te dis ce qui est quoi. » « Puis le mystère, c’est si sexy, » elle ajoute, conciliante.
Son attention se dérobe sur le café qu’elle boit dignement, mettant en application les restants de bienséance qui croupissent au creux de son être. Son regard lorgne indéniablement sur les sandwichs du McGrath, mais elle résiste. La bouffe a moins d’emprise sur son corps que la drogue.
La conversation se poursuit, elle invite à la célébration, il rétorque sombrement qu’il se réjouit qu’elle ne soit pas qu’un vulgaire cadavre sur le pas de la porte de son affaire. Un soupire file entre les lèvres, quel rabat-joie. Un doigt inquisiteur s’érige vers le jeune homme, menaçant. « Tu sauras… » Elle marque une pause, s’enivre d’un faux suspens, replace ses genoux sous ses fesses pour prendre de la hauteur. « Que j’ai très bon goût. » Et elle hausse le menton, insolente, hautaine. « Un vrai festin pour les mouettes et les asticots. J’suis épicée et croustillante, mais y’a un peu de tendreté sur certaines zones. » Elle soulève son haut et tire sur un bourrelet inexistant. « Ici, c’est un de mes meilleurs morceaux. » Elle enrichit son argumentaire d’un hochement de tête puis enchaîne sur un sujet piètrement philosophique, hameçon auquel le trentenaire se mord pas - on ne peut pas gagner à tous les coups. En revanche, en ce qui concerne sa façon de se tenir et sa connaissance d’elle, il est plus que loquace. « Heureux de te rafraîchir la mémoire un peu. Ça date. » Trop ? Elle s’interroge avant de succomber à la tentation et poser ses griffes sur le sandwich qui lui fait le plus de l’oeil. Malgré tout, elle demande l’autorisation avant d’en faire son repas du jour. Elle reste avec le sandwich dans sa main en observant son interlocuteur la snober pour se poser à quelques mètres d’elles. Il fait quoi ? Le guet à cinq heures du mat ? Matt passion garde de nuit ? « T’es chez toi ici, tu fais ce que tu veux. » Vraiment ? Elle le scrute, incertaine. Les répliques sont nombreuses, elles fusent spontanément entre son cœur et ses méninges, toutefois, elle se retient de les articuler. Elle ne voudrait pas prendre ses aises - ou plus justement, il serait plus sage qu’elle ne le fasse pas. Alors, plutôt, elle ôte le film plastique et décortique le sandwich, mangeant en premier lieu les morceaux de fromage qui dépassent du pain. « C’était qui? » « Qui donc? » Elle feint, désinvolte, ne quittant son attention de sur son souper.
Allie prenait jamais rien au sérieux, surtout quand elle aurait dû. Mais il est pas là pour lui faire la leçon, il en a pas le droit, et encore moins l’autorité. Il se rappelle seulement d’autres moments où entre eux, la gravité d’une situation était partie en vrille parce qu’elle avait laissé couler alors que lui, il ramait à contre-courant. C’est probablement pour cela qu’il prend physiquement ses distances une fois qu’elle énumère tous ses atouts charmes pour les vers et autres asticots marinant dans la benne de métal longeant pieusement le commerce. « Ici, c’est un de mes meilleurs morceaux. » « Le buffet entier que tu personnifies, c’est du pur égoïsme dont je viens de faire preuve en les privant de tout ça, avoue. » et il retient pas le roulement d’yeux qu’il lui dédie, parce qu’elle fait exprès, et qu’elle sait probablement que ça l’embête. Limite, de voir Matt qui réagit comme un vrai gamin en se foulant presque le nerf optique, ça risque de lui plaire à allie, de la faire rire limite, de l’amuser. Au moins ça de gagné.
Décalé, Matt en profite pour reprendre de son café à lui, même s’il s’est surpris à jeter un coup d’œil à sa tasse à elle. Des habitudes d’avant qui remontent mais auxquelles il n’accorde pas la moindre importance, beaucoup trop occupé à pêcher des indices par ci par là de son état, de sa santé globale, d’où et de comment elle survit le temps qu’elle peut. Parce qu’il le sait Matt, qu’Allie va partir, quand elle en aura envie. Il le sait et il vit étrangement très bien avec ça, probablement rassuré par le fait qu’elle est au courant d’où le trouver désormais, et qu’ainsi, il s’assure de recevoir une nouvelle visite de sa part si elle se retrouve dans la merde un jour ou l’autre – et ce qui, connaissant le personnage, risque d’arriver bien plus vite qu’il ne se convainc de le croire. « Qui donc? » qu’elle finit par relancer, le regard ailleurs, l’attention diffuse. « Joue pas à ça avec moi. » sa voix est posée, parce qu’il a pas envie de l’accuser Matt, il veut pas la prendre de court, seulement, il mise sur leur honnêteté d’avant, il espère que ça aussi c’est pas totalement perdu. « Tu fais ce que tu veux avec qui tu veux. J’interfèrerai pas. » encore heureux qu’il entendrait même Ginny et Jill rajouter, le ton cynique la mine blasée. « Je veux juste savoir qui c’était. » qui c’était pour elle, quel rôle il jouait dans la pièce désarticulée de sa vie maintenant. S’il a un grand rôle, s’il est juste figurant, si elle le contrôle comme un pantin, ou si c’est totalement l’inverse. « Le connard qui t’as fait ça. » et au cas où elle plaide à nouveau la diversion, Matt joint le geste à la parole, en s’approchant d’elle le temps de tirer le coin de son jeans, là où elle a rien nettoyé, là où il reste des marques peu glorieuses de sa précédente altercation.
Elle se moque ouvertement de son dramatisme, exhibe son corps telle une pièce de viande qu’un boucher analyserait soigneusement avant de découper avec envie. Il se qualifie d’égoïste en raillant, elle lui rétorque, faussement sévère, conciliante à sa sollicitation : « A toi de vivre avec ça sur ta conscience. » Elle hausse ses maigres épaules avec désinvolture et continue de picorer son sandwich, y extirpant les morceaux de salade qu’elle avale avec gourmandise. Elle ne mélange pas les aliments, ils sont beaucoup trop frais et bons pour ne pas les savourer individuellement. Son regard passe irrésistiblement de son repas à l’homme qui l’a sauvée une fois de plus d’un mauvais pas, chagrinée du fait qu’il se soit distancé, trop fière pour instaurer une nouvelle proximité entre eux par sa propre initiative. S’il s’est décalé, c’est qu’il avait ses raisons. En attendant, elle rira de lui et son engouement pour ouvrir les portes de son bar aux personnalités se retrouvant dans de beaux draps. C’est plus simple que d’être blessée qu’il s’éloigne.
Le silence se brise, il s’immisce un peu trop dans tes secrets. Matt et ses grands sabots, sa curiosité, son impétuosité à mettre son nez là où il n’y est pas convié. Elle le défie de continuer sur cette voie-là en feignant l’ignorance, lui offrant l’éventualité de se rétracter. Mais plutôt, le gérant joue de sa voix posée, pose ces termes qui sonnent comme une menace aux oreilles de la brune, formule un ordre à ses tympans. Il a peut-être perçu à son visage fin peint de désapprobation qu’il s’avance sur un plancher glissant, car voilà qu’il précise : « Tu fais ce que tu veux avec qui tu veux. J’interfèrerai pas. » « Encore heureux. » Elle crache amèrement, tirant sur un bout de fromage avec une concentration maximisée pour ne pas exposer la colère qui l’anime, l’envie de quitter les lieux en claquant la porte. Elle n’a pas besoin de son jugement. Elle aurait dû refuser sa protection. Elle éventre le sandwich de ce qu’elle préfère, plutôt que de garder ces parts pour la fin. « Je veux juste savoir qui c’était. » Elle fulmine, ses ongles s’enfoncent dans la mie de pain sans cérémonie. Elle retient ses crachats, les violentes sémantiques que son égo rêve de jeter à la tête de Matt pour le rendre aussi furieux qu’elle l’est actuellement. « Le connard qui t’as fait ça. » Et c’est maintenant qu’il se rapproche, le McGrath. Il tire sur son jean pour dévoiler la trace gluante du dealer et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Rageusement, elle écrase son sandwich sur le comptoir, moineau qui n’aura jamais rempli son estomac à vouloir trop goûter les éléments de ce qui constitue maintenant pour toi un petit festin. Elle sait qu’elle est souillée, pourrie ; elle n’a pas besoin de Matt pour souligner les preuves qu’elle a oubliées de gommer sur son image pour tenter de jouer un peu plus de la bonne figure. « Fuck you. » Elle marmonne sans desserrer les dents, n’osant pas entièrement, frisant l’inaudible. Peut-être n’a-t-il pas compris. Il fronce les sourcils : s’interroge-t-il ou est-il offusqué ? « Il m’a pas donné sa biographie au passage. » Elle annonce d’une voix forte, comme pour glisser son invitation à aller se faire voir sous silence, jouer avec la perception de Matt pour le convaincre qu’elle n’a pas articulé ces mots qu’elle ne pensait pas réellement, mais que son orgueil trop blessé n’a su réprimer. « Tu veux son ADN pour investiguer ? T’as l’air de prendre ton pied à menacer les malfrats. C’est un nouveau tableau de chasse ? » Elle mélange tout, inverse l’allié et l’ennemi. Elle déblatère et regrette derechef. Elle tire sur ses cheveux, inspecte s’ils sont propres et qu’il n’y a pas d’autres surprises de son vendeur. Elle s’approche de la porte, abandonne le sandwich, s’en juge pas méritante, finalement. Comme la tasse de café à moitié pleine. Elle se punit elle-même, elle trouvera quelque chose qui a un goût qui lui ressemble dehors. Elle passe sa main sur ses lèvres gercées et songe à son imminente dose de speed. Cette pensée lui fait déjà du bien, elle soupire de soulagement, sa main se referme sur son haut, prêt à subtiliser une dose cachée dans son soutien-gorge à l’insue de Matt qui disparaît progressivement de sa conscience. Elle n’a pas tant le temps pour les remords. Mais ça aurait pu mieux se passer, c’est ça qui lui donne envie de consommer, a contrario de nécessiter son shoot pour ne pas virer folle.
« Fuck you. » « Really, Allie? » et il roule des yeux Matt, il reconnaît la scène par cœur, il sait exactement où ça s’aligne pour aller, comment ça risque de se passer. Parce qu’elle et lui, c’était une suite d’accord et de désaccords. Ils étaient pareils, identiques sur une multitude de sujets, ils l’avaient toujours été du plus loin qu’il pouvait se souvenir, avec son cerveau perdu la majorité du temps. Mais leurs oppositions, leurs opinions contradictoires, elles pouvaient pas être plus opposées. Et il veut aider Matt, c’est son éternel dilemme, il se met le nez là où il sait qu’il ne devrait pas, il s’impose, il veut sauver le monde le con, il en sera jamais capable. Mais elle, il y croit. Il y croit assez qu’il essaie fort, depuis des années, depuis toujours. Suffit qu’elle le laisse faire, ce qu’elle a autorisé, une fois, deux à peine. C’est rare, et il sait que ça ne se reproduira pas de sitôt. « Il m’a pas donné sa biographie au passage. » Allie qui s’énerve, et il lui laisse la place de le faire, maintenant assez proche pour récupérer les vulgaires morceaux de sandwichs qu’elle a snobbés, piquant un bout de pain par ci, un reste de viande par là. « J’t’ai pas demandé sa bio. Je m’en fais un portrait assez clair en tête. » et il a la bouche pleine Matt, il mâche en même temps qu’il parle, il s’en fout, elle est déjà sur son élan pour partir. « Tu veux son ADN pour investiguer ? T’as l’air de prendre ton pied à menacer les malfrats. C’est un nouveau tableau de chasse ? » il a l’envie de l’arrêter dans l’élan, il y pense fort, il veut que ça – mais il sait que s’il la retient, c’est assuré qu’elle ne reviendra jamais. Alors il est là, à se faire violence le McGrath, à occuper ses mains d’une assiette à foutre dans l’évier, d’une tasse à y vider. « J’me demandais juste il était qui, pour toi. »
Elle se tire les cheveux Allie, elle valide tous les détails qu’elle laisse, elle qui habituellement ne laissait rien justement, pas la moindre trace sur son sillage. « Mais tu fais c’que tu veux. Encore heureux. » Matt qui insiste, qui fait l’idiot, qui devrait pas, mais qui reprend ses mots à elle. Parce que c’est la seule chose qui lui reste d’Allie, maintenant qu’il anticipe qu’elle va juste s’enfuir dans la nuit, que ce sera encore un autre de ses passages éclair dans sa vie. Jusqu’à ce qu’elle décide d’y revenir, de s’y imposer, de tout exploser en un claquement de doigt, en une moue aussi angélique que démoniaque dont elle seule a le secret. « Tu restes ou tu pars? » il suit sa silhouette qui est maintenant dos à lui, il détaille tout ce qu’il peut, la courbe de ses hanches, le mouvement de ses mèches. Il enregistre Matt, il mémorise, il se la rappelle à différentes époques, il ajoute les images de ce soir au dossier indélébile qu’elle forme dans sa tête aussi vide que pleine. « Parce que si tu restes, y’a une douche en haut. Un bain même. Et un lit. » seront ses arguments, plain and simple. Elle les prend, ou elle les réfute, là, il peut pas la forcer ni rien lui exiger. Encore heureux.
« Really, Allie? » Il a entendu et ça lui glace le sang. Elle est terrifiée des conséquences, son instinct de survie exacerbé à toutes les personnes qu’elle rencontre, même celles qui lui veulent du bien, même celles à qui elle a accordé toute sa confiance. Parce que les déceptions font partie de la vie et qu’elle est inapte à le tolérer. Parce qu’elle a flirté avec l’imprévisible et s’y ai brûlé les ailes. Parce qu’elle s’est promit d’être méfiante, constamment, et de se préserver en mentant. Puis, ultimement, elle préfère saboter plutôt qu’être surprise. Elle lève son regard vers lui, croise son âme le temps d’une seconde, rejette qu’il lise trop en elle même s’il sait et devine sans doute déjà tout. Elle est pas si complexe, Allie. Ou en tout cas, pas pour lui.
Elle fait l’intéressante, elle écorche comme elle peut. Elle se veut défensive quand elle lui en veut encore de s’être distancé parce qu’elle lit beaucoup trop dans ses gestes pour que ce ne devienne pas malsain, finalement. Elle secoue la tête, examine ses cheveux. La honte brûle sa peau, le dégoût irrite sa gorge. Elle aurait peut-être voulu plus, voulu mieux. « J’t’ai pas demandé sa bio. Je m’en fais un portrait assez clair en tête. » « Qu’est-ce que tu veux alors? » Elle s’impatiente, sèche. Il fait son ménage, conchita, sa maniaquerie doit dénoter un sacré problème psychologique selon elle. « J’me demandais juste il était qui, pour toi. » Elle lui fait volte-face, le toise, avant d’éclater violemment de rire. A en avoir mal aux côtes.
« Mais tu fais c’que tu veux. Encore heureux. » Elle reprend son souffle, hoche la tête en signe de dénégation, discréditant le garçon avec intransigeance. « Tu restes ou tu pars? » Son cœur bat sous sa poitrine différemment, elle le sent de nouveau. Elle en néglige sa dose de speed. Ses doigts se nouent au tissu de son t-shirt, elle lance un regard noir au cuisinier après avoir constaté qu’il a fait disparaître le reste de son festin. Gougeât. Il restait encore ce qu’elle préférait. Il a fait exprès, il s’est vengé qu’elle lui ait mal parlé, elle en est persuadée. Elle n’apprend jamais qu’il vaut mieux profiter sur l’instant plutôt que provoquer le futur. « Parce que si tu restes, y’a une douche en haut. Un bain même. Et un lit. » Elle croise les bras contre sa poitrine, désormais. Elle s’appuie sur une jambe, étend l’autre, pose son dos contre la surface de la porte. L’offre frise l’indécence. « Le tien ? » Son ton est indéchiffrable, la lueur faisant étinceler ses yeux clairs tout autant. Raillerie, provocation, insolence, sincérité, espoir ; c’est un amalgame de couleurs qui forment qui elle est, au final. Qui ils sont, peut-être même. « Avec toi ? » Elle précise ainsi, refusant l’aléatoire, quitte à marchander implicitement.
Elle s’arrête, elle s’immobilise, il réalise qu’il retenait son souffle depuis tout ce temps. « Le tien ? » « Le mien. » même pas une seconde de délai alors qu’elle demande, qu’elle aguiche. Il finit sa bouchée, il la détaille aussi, il l’observe, il se rappelle d’elle, il se rappelle de ses piques, de la femme qu’elle est, qu’elle était. Matt qui essaie bêtement de compter les mois, les années qui les ont séparés alors que vraiment, même s’il ne la voyait pas, ne la voyait plus, elle était toujours là, ambiante, nécessaire. L’évier coule et elle s’appuie sur la porte, si elle visait la fuite un peu plus tôt elle semble totalement prête à un rematch, à un round two. Il la laisse réfléchir, il s’impose pas Matt, il ne s’impose plus. Il a touché trop fort, trop proche, et elle l’a rattrapé dans l’élan, elle l’a brûlé au vol.
« Avec toi ? » et elle renchérit Allie, elle essaie, il la laisse faire, il l’a vue à tant de reprises piquer jusqu’à avoir exactement ce qu’elle voulait. « Avec moi. » et au final, il le lui donne toujours Matt, il sait faire que ça, et il le fait tellement bien. Parce qu’il veut son bonheur, parce qu’ultimement il la veut heureuse, mais que bien trop souvent, entre elle et lui, il est le seul qui y tient vraiment. « Il est tard Allie. » et il se lève de son banc, il a plus rien à y foutre, il a les yeux qui brûlent, le corps entier qui pique. Il a pas envie non plus, de rentrer dans une énième joute de laquelle ils perdront des plumes. Parce qu’il se préfère avec elle quand ils sont sur la même longueur d’ondes, et que là, elle cherche à se faire mal, elle cherche à tout casser, à s’auto-saboter surtout. Matt, il veut pas assister à ça. « Tu montes si tu veux. » et pendant ce temps, lui, il s’approche d’elle, et il pose ses lèvres sur son front, il y reste une seconde de plus, une seconde de trop. « La porte est toujours déverrouillée pour toi. Ce soir. Toujours. » il insiste, son souffle à elle qui se mélange à son souffle à lui. Et ses prunelles se vrillent dans les siennes, et il y voit toute une vie, tout un monde auquel il a plus du tout accès depuis qu’ils ne sont pas scotchés l’un à l’autre. Depuis qu’ils font leur vie chacun de leur côté sans se rendre de compte, sans se retrouver une fois la journée terminée. Il emmagasine aussi, il étire, il en profite. Et il espère qu’elle monte surtout. Mais ça, ça n’en tient qu’à elle.
« Le tien ? » « Le mien. » Il lui fait écho avec un naturel et une assurance qui s’apparentent tant au songe sous sa perception qu’elle ne parvient à y croire, qu’elle se convainc que son imagination lui joue tout bonnement des tours. Elle n’a pas quitté sa silhouette du regard, toutefois. Elle s’intéresse à chacun de ses rictus, se nourrit du moindre mouvement de ses traits. Elle le happera à la première trahison de ses sentiments par son physique. Elle noue ses mains derrière son dos, effleure la poignée de la porte de ses doigts couverts d’égratignures. Elle le scrute, chancelle, requiert précision.
« Avec moi. » Il lui paraît trop conciliant pour que ce soit vrai. Elle fronce les sourcils, méfiante, puis le défie du regard. Pourquoi serait-ce si facile ? Elle se retient de questionner, d’entamer un débat, de provoquer un argumentaire. Tout se lit dans ses yeux, de toute façon. Elle a réponse aux mille interrogations qui la taraudent rien qu’en fixant ses prunelles. Et il est honnête. Elle lui a peut-être même manqué. Ils ont encore chacun un morceau du cœur de l’autre. Une place attitrée gravée à jamais dans leur organisme - ou du moins, jusqu’à ce qu’ils se fassent beaucoup trop mal pour parvenir à s’aimer encore. « Il est tard Allie. » Conchita se fait vieux. Elle se redresse, ses pieds fixés sur les mêmes lattes du plancher. Il soutient son invitation, comme s’il devinait qu’elle peinait à l’assimiler. Puis, les mètres entre eux deviennent des centimètres et la bouche du jeune homme vint se coller au front haut de son interlocutrice. Elle retient son souffle, réprime péniblement le réflexe de se décaler, de le repousser. Parce que c’est différent, que c’est Matt. Mais un malaise l’envahit, son cœur se serre, elle se sent un peu brisée. « La porte est toujours déverrouillée pour toi. Ce soir. Toujours. » Elle baisse les yeux, son regard la rattrape. Les secondes se faufilent. « Tu m’passes ton t-shirt ? » Avant même qu’il ait le temps d’esquisser un mouvement, elle soulève les pans du vêtement pour qu’il passe la tête dans son col. Elle file ensuite vers la cage d’escalier et jette un coup d’oeil aux différentes pièces de l’appartement. Lorsqu’une salle de bain se dessine, elle s’y engouffre et pousse la porte sans prendre la peine de la fermer totalement. Son corps frémit sous l’eau tantôt brûlante, tantôt glaciale. Ses yeux rougissent après avoir reçu une quantité de mousse de la première bouteille de shampoing qu’elle a dénichée. Quelques minutes plus tard, ses pieds piétinent le sol de l’étage à la recherche de l’hôte des lieux, ses doigts passant dans ses cheveux pour les démêler, le t-shirt de Matt, déjà trempé par endroits, constituant le seul vêtement qu’elle arbore, par souci de propreté et attachement sentimental. Il est contre sa peau, son parfum berce ses échecs. Il lui fait du bien.