Il joue Matt, mais pas vraiment. Il essaie de se dire que c’est juste un coup de dé comme un autre, qu’elle reste autant qu’elle parte. Parce que s’il se répète que ça, c’est juste un autre de ses jeux à elle, que c’est seulement un autre de ses passages éclair dans sa vie à lui avant qu’elle n’en disparaisse aussi vite qu’elle y est apparue. Ça fera moins mal de la savoir toute seule, à la rue. Il essaie de pas s’imaginer les pires scénarios à son sujet, il y pense bien sûr, mais il contrecarre toujours avec des souvenirs heureux, des moments où, il en est persuadé, le sourire qu’elle arborait sur son visage avait rien de forcé, rien de faux, juste du vrai. Matt qui respire le savon sur sa peau, qui y note le citron, qui y retrouve le bitume aussi, la pluie un peu, la terre. Il se fait fin son nez, il cherche tous les éléments de son odeur à elle, de son parfum, même si elle en porte pas, même si elle en porte jamais. Sa peau a une odeur, il tente de s’en rappeler. Erreur : il la connaît par cœur. Il tente de l’oublier. « Tu m’passes ton t-shirt ? » tout dans son regard, tout en lui ne fait que rebondir sur ses mots à elle. Depuis quand tu demandes? qu’il se retient de préciser, parce que mine de rien il déteste ça, qu’elle fasse dans les politesses avec lui. Matt, il veut juste qu’elle soit à l’aise ici, que quand il est dans son périmètre, elle se sente en sécurité. Il est chiant quand t’y penses parce qu’il n’offre aucune valeur sûre, parce qu’il se croit un peu trop par moment, parce qu’il a rien d’un héros, parce qu’il est humain comme tout le monde, qu’il fait des conneries, qu’il en fait même beaucoup. Mais avec elle, il veut juste et simplement être la meilleure version de lui-même. Même dans les moments où elle lui provoque la pire.
Et ils montent, et il la laisse évoluer dans l’appartement aussi simplement qu’il l’a laissée lui dérober son t-shirt. Par habitude, par nervosité, il prépare du café qu’il n’enclenchera même pas dans la machine, il fait que compter les grammes, peser les grains. Il est ailleurs Matt, il tente de se ramener en bousillant ses mesures et en se trouvant idiot de dégainer le Chemex plutôt que la french press. Quand la douche arrête de couler, il se fait violence pour ne pas de suite détourner la tête et tenter de l’apercevoir dans le couloir, même s’il sait qu’elle approche, même si sa silhouette tellement légère qu’elle ne fait aucun bruit n’arrive pas à passer sous silence pour lui. Et elle finit par apparaître dans l’angle. Elle dans son t-shirt, elle qui cherche sans vraiment chercher. Elle qui est restée.
Il sait pas trop pourquoi il a attendu aussi longtemps, mais dès qu’elle est assez proche pour qu’à peine un pas les sépare, il la prend dans ses bras Matt. Il y va doucement, il lui laisse de l’air le temps de passer ses bras autour de sa taille, de poser sa joue sur la sienne. « T’as froid? » qu’il murmure à son oreille, lui qui a essayé tellement fort de tuer tous les sous-entendus de sa question d’idiot, lui qui essaie de ne pas s’inquiéter pour elle parce qu’il sait qu’elle fait de son mieux, qu’elle tente du moins, qu’elle sait survivre, qu’elle est passée maître dans l’art de. « Et c’est pas une manœuvre de con pour te tripoter. C’est une vraie question. » qu’il précise, quand il resserre l’étreinte, quand il est trop attentif, quand il essaie de repérer si elle frissonne vraiment, ou si c’est lui qui tremble de l’avoir dans ses bras depuis aussi longtemps. Il nie Matt, il fait dans l’humour de merde, il inspire aussi, une nouvelle fois. Son shampooing à lui sur ses cheveux à elle. « Viens dormir, Allie. » et il se détache, la regarde une dernière fois au vol, avant d’enlacer ses doigts aux siens et d’entamer un mouvement vers son lit. Avec lui.
Elle finit par le retrouver entouré de ses joujoux caféinés. Un paquet de grains de café dans une main, une cuillère à mesurer dans l’autre. Elle observe le chimiste gastronomique, un sourire en coin narquois étire ses lippes. Puis, il daigne enfin se rapprocher, la rancune persistant encore qu’il ait préféré se poster à la porte de son affaire quand elle se remplissait l’estomac, des minutes plus tôt. Il la reprend dans ses bras, elle soupire doucement, de bien-être comme d’exaspération. Il y a trop de sentiments qui l’envahissent. Il y a trop d’histoire, entre eux. « T’as froid? » Qu’il murmure à son oreille. Le corps de l’homme réchauffe celui de l’invitée, sa main se perd dans son dos, elle peine à l’ôter, affectionnant bien trop cette douce sensation. « Et c’est pas une manœuvre de con pour te tripoter. C’est une vraie question. » Ce serait presque elle qui le tripote, elle pense. Ses ongles glissent le long de son dos, y tracent des sillons, caressent sa chaire distraitement. « J’ai le cuir dur. » Il resserre l’étreinte et en sentant une once de trop de besoin, elle se défait doucement de cette bulle invoquant la nostalgie. Elle refuse qu’il s’attache trop, elle ne peut pas lui donner ce qu’il convoite. Elle ne veut pas se sentir redevable ou s’emprisonner dans les filets d’une envie de tout lui offrir quand elle n’en a pas les moyens. « Je connais tes manœuvres de con. » Elle rappelle, impétueuse.
« Matt... » Elle commence, la sincérité la titille, lui donne envie de faire gerber des mots francs sur son hôte exténuée. « Viens dormir, Allie. » Elle accepte d’un signe de tête et le suit jusque dans son lit. Le matelas mou lui fait presque mal aux hanches, elle a perdu l’habitude de se sentir comme sur un nuage. Matt attire le drap sur eux, elle tire sur son bras pour y caler sa tête, se loger contre son buste, son front contre ses lèvres. Ses doigts arpentent son torse délicatement, y dessinent les formes de son imaginaire. « Ronfle pas trop fort, papi. » Elle ordonne sur un ton plaisantin en tapotant contre son coeur. Mais en vérité, elle est sûre qu’elle s’est endormie avant lui.
C’est pas trop difficile de la sentir qui veut se dégager, il a des référents, ils en sont pas à leur première fois, ils en ont des centaines d’autres derrière qui prouvent autant leur chimie que leurs contradictions. C’est probablement pourquoi il resserre l’étreinte quand il réalise qu’elle est à deux doigts de lui échapper Allie. Il est égoïste faut dire, il sait même pas si elle va rester alors qu’elle a tout de même accepté son offre sans le faire à voix haute. Il ne l’imagine même pas être là à son réveil. Mais Matt il concède, il laisse même un rire échapper d’entre ses lèvres quand elle rappelle que s’il la connaît par cœur, elle peut aussi et très certainement se targuer d’avoir le titre à son sujet. « Matt... » et il la coupe d’office, volontairement. Il sait ce qui s’en vient, il connaît son discours, même si elle prévoyait le lui livrer par les yeux. Il sait le dilemme interne qu’elle personnifie, l’amalgame de démons qu’elle brandit à qui veut bien – ou ne veut surtout pas – l’entendre. Mais ils sont fatigués, et il l’est encore plus.
Le lit vers lequel il la guide, et elle s’y place en prenant son temps, en s’adaptant sûrement. Il brusquera rien Matt, s’assurant juste que le drap retombe sur Allie là où elle risque d’avoir froid. Comme tant de fois avant elle s’installe en forçant le bras qu’il lui laisse tellement facilement. Tellement aisément que le mouvement qu’elle vient de faire est obsolète. Il voulait l’enlacer, il voulait la garder au plus proche de lui. « Ronfle pas trop fort, papi. » qu’elle se moque, il roule des yeux, soupire aussi un peu, elle est si proche qu’elle verra tout malgré la pénombre, mais elle finira par s’endormir aussi, trop vite pour qu’il ne s’inquiète pas.
Matt qui lutte contre le sommeil, qui ne bouge pas d’un millimètre, qui se déteste d’avoir tiré les rideaux quand la noirceur qui perdure encore malgré le matin presque assumé l’empêche de la voir au complet, de voir qu’elle. À un moment il s’endort aussi, sûrement, une de ses autres faiblesses d’idiot d’avoir baissé sa garde. Dès qu’il le réalise, il se réveillera en sursaut par contre, assez vite pour sentir son corps qui se secoue un peu, assez fort pour craindre de l’avoir réveillée. Mais elle est toujours là étonnement. Il panique, parce qu’il le voit dans sa tête, le compte à rebours. Et il la rapproche de lui, il embrasse son front à nouveau, il dépose ses lèvres là où elles tombent naturellement sur sa peau à elle. Pour se rendormir à nouveau, pour finir par lâcher prise. Qu’elle reste ou qu’elle parte, il peut rien y faire de toute façon.
Elle se réveille plusieurs fois par nuit, traditionnellement. Si ce n’est pas ses mauvais souvenirs qui la traquent sous la forme de cauchemars haletants, c’est le manque de substances dans son organisme qui la tient éveillée et attise sa folle dépendance. Mais ce soir, dans ses bras, tous les maux se taisent. Il les chasse, sa chaleur les brûle, sa douceur les apaise. Elle enchaîne les heures de sommeil, rattrape les cycles. Son corps est immobile, fixé au sien, seule sa respiration trahissant la vie qui sommeille en elle.
Son sursaut lui fait ouvrir un œil, ses lèvres contre sa chaire lui somment de ne pas s’inquiéter. Elle étend son bras de manière à ce qu’il repose sur tout son torse, à sceller un peu plus leur étreinte, lui assurer qu’elle est là, pour le moment.
***
Elle le sent se dérober. Le froid s'immisce sournoisement en son lieu, elle ramène son avant-bras contre sa poitrine, comme pour se réadapter à son absence, le vide qu’il provoque. La notion de se droguer clignote dans son esprit en réponse à ce mal-être qui s’installe et elle fixe du regard le garçon qui s’habille sous les rayons du soleil qui transpercent les lattes de son store. Elle le scrute alors qu’il cherche deux chaussettes appartenant à la même paire. « Le noir te va mieux. » Elle désigne le t-shirt laissé en plan sur la commode et s'assoit dans le lit. Ses mains tirent sur le drap, s’y enrobe de manière à voiler les centimètres de peau découverts et trop férocement exhibés par la lumière du jour à son goût. Elle rejette ses cheveux en arrière, se sent égarée dans ce grand lit sans lui, bien qu’il se tienne à quelques mètres seulement. Elle ramène ses jambes contre son buste, pose son menton sur ses genoux, en suspens du premier élément qui propulsera la suite de sa journée, à défaut de savoir déterminer quelle direction emprunter.
« Le noir te va mieux. » et il y croyait plus Matt. Il était persuadé qu’à la seconde où il se lèverait, où il tournerait le dos au lit, elle serait partie. Il refusait de jeter un coup d’œil par-dessus son épaule, le gars qui se concentrait uniquement sur la recherche de ses chaussettes comme si sa vie en dépendait. Mais quand Allie parle, quand elle donne un signe de vie et qu’elle relance les souvenirs de l’avoir blottie contre lui jusqu’à à peine quelques minutes plus tôt, il sent un sourire stupide se dessiner sur ses lèvres. Parce qu’il aime que leurs joutes se lancent dès le réveil, parce qu’il adore qu’elle veuille toujours avoir le dernier mot, qu’il lui laisse sans se faire prier anyways. « Bon matin à toi aussi. » qu’il raille avec une maigre fil de condescendance, même s’il retire le t-shirt actuel pour passer celui qu’elle lui pointe du menton. L’autre, le rejeté, il le lui lance par contre, ultime geste de rébellion de bacs à sable. Trop naïf pour s’empêcher d’espérer qu’elle subtilisera celui-là aussi, et qu’il ne le verra plus dans ses affaires comme par magie dès qu’elle sera partie.
Elle part pas. Elle s’installe et se replace, il s’approche du lit en finissant de boucler sa ceinture d’un geste distrait, ses prunelles qui n’ont pas la moindre envie de lâcher celles d’Allie au vol. « J’allais me faire un truc à manger. T’en veux ou t’es blasée que je serve juste à te gaver? » parce que McGrath se moque lui-même d’être l’adulte là, parce qu’il sait qu’à un moment il l’aura assez nourrie et suffisamment couvée pour qu’elle en soit malade, qu’elle le refuse. Et là, il servira plus à rien, il ne sera plus d’aucune utilité pour elle, et ce sera un chapitre de leur histoire qu’il devra tourner à nouveau, à contrecœur. C’est sûrement pourquoi il insisterait presque, pourquoi il roucoule, pourquoi il fait la liste mentale de tout ce qu’elle aime bouffer aussi, qu’il s’assure de sa grande tête de linottes et de sa mémoire impeccable que chacun de ses ingrédients préférés est à quelque part à portée. « Les gars d’électricité viennent finaliser les derniers branchements dans – son regard se perd sur l’écran de son portable qu’il vient de sortir de la poche arrière de son pantalon - 3 minutes. Le deal, ce sera que je joue à l’adulte responsable dans la cuisine, en bas. Ça te dérange? » et ça implique qu’elle suive, ça implique qu’elle prenne part, même à distance, à sa routine du jour. Ça implique qu’elle voit la nouvelle annexe aussi, le bordel qui se dessine là, mais qui commence à avoir de la gueule. Sa fierté à Matt, qu’elle n’a jamais vraiment connue. Le DBD d’avant, et l’agrandissement qui se concrétise. Il est à peine à quelques centimètres du lit, il pourrait même pas attendre qu’elle dise quoi que ce soit pour lui tendre la main, pour attraper vite fait la sienne. Mais il la jauge à la place – et il révise mentalement la recette improvisée d’omelette extra fromage qu’il a jadis inventée pour elle, y’a une vie et une autre d’avant.
Dernière édition par Matt McGrath le Dim 28 Juil 2019 - 23:00, édité 1 fois
Elle l’interpelle sur le choix de ses vêtements, requiert avidement son attention. Il lui lance le t-shirt rejeté et ses doigts se referment sournoisement sur son tissu, tire le vêtement vers elle tel un animal sauvage méfiant mais déterminé à subtiliser un bien. Sa tête dodeline alors qu’il s’approche d’elle, boucle de ceinture en main. Elle s’amuse à y placer ses doigts, rendre la tâche plus ardue pour lui, puis l’attirer en tirant sur le haut de son pantalon afin de lui faire perdre l’équilibre et qu’il s’écroule sur le matelas, à ses genoux. « Bon matin. » Elle s’agenouille dans le lit, réduit considérablement la distance entre eux, toujours enroulée dans la couverture. Déjà, le brun parle de nourriture. Elle grimace et hoche la tête en signe de dénégation. « Je mange pas le matin. Tu crois quoi, faut entretenir ce corps de rêve. » Elle le toise, le défie du regard de la contredire.
Il annonce son rendez-vous de la matinée : des électriciens qui viennent finaliser des travaux, causant sa présence impérative sur place. Allie est perplexe, ça lui a toujours échappé le fait que le propriétaire soit présent quand il paie des ouvriers pour une tâche à accomplir en tout honneur. De plus, ça la ferait tellement suer d’avoir son client sur le dos à leur place. Faut savoir accorder un peu plus de confiance dans ce monde de brutes, les gars. « Tu fais ce que tu veux. » Elle stipule, sur un ton détaché, son regard qu’elle plonge dans celui de Matt peignant cependant un océan de sentiments et de prières. Puis, elle rompt le contact visuel et se laisse tomber en arrière, sa tête s’enfonçant mollement sur l’oreiller où Matt a assez bavé pour que son parfum y soit encore présent. « 2 minutes. » Elle compte, jouant de ce rôle de compte à rebours qui lui fait quand même un peu mal au cœur, sachant que lorsqu’il la quittera, elle devra retourner à ses propres obligations, sa réalité.
Ses doigts qui s’interposent, et elle s’amuse Allie, elle rigole presque de ses faiblesses, elle le connaît par coeur et elle le manipule, et il se laisse faire Matt, il oppose absolument aucune résistance quand il s’agit d’elle. Depuis toujours. Ce n’est que lorsqu’il se retrouve à nouveau sur le lit à ses côtés qu’il prend le temps de la détailler à nouveau, qu’il se surprend même pas à laisser glisser ses prunelles sur sa peau, à s’en donner le privilège. « Bon matin. » elle est proche Allie, elle joue avec les millimètres, elle joue avec lui, il s’en contrefout des règles. « Je mange pas le matin. Tu crois quoi, faut entretenir ce corps de rêve. » il roule des yeux le gars, il l’a connue qui se gave, il l’a vue bouffer des kilos de nourriture parce qu’elle était affamée, parce qu’elle était heureuse, parce qu’elle crevait de faim aussi. Il a tout vu d’elle, ou du moins, c’est ce qu’il croit, c’est ce dont il tente de se convaincre aussi, toujours prompt à assister à une nouvelle surprise de sa part. Parce qu’il sait Matt, qu’Allie est imprévisible, qu’elle change toujours, qu’elle évolue, qu’elle s’adapte, qu’elle prend ce dont elle a besoin pour survivre et se calque là-dessus. Mais il est con aussi, il est nostalgique d’eux, et il veut l’embrasser aussi. Il pense qu’à ça. Ses lèvres sur lesquelles ses prunelles s’arrêtent une seconde de trop, il résisterait presque, si elle ne le relançait pas avec défi. « Tu fais ce que tu veux. » et il soupire, finement, il retient même pas, ça sort tout naturellement. Elle va partir. He knows.
« 2 minutes. » elle va partir et elle lui sert de compte à rebours là. Il se décale, s’en balance d’être inconfortable sur le côté, la ceinture qui lui rentre dans la hanche, l’oreiller qu’elle lui a piqué, alors qu’il pose la tête dans sa paume, qu’il arrête pas de la regarder pour autant malgré le mouvement. Tu fais ce que tu veux - qu’elle disait, et lui, il veux juste lui dire de rester. Il pense juste à multiplier les excuses pour la garder ici, une heure de plus, une poignée de minutes tout au plus. Il s’en dresse une liste entière, il contrecarre toutes les excuses et les justifications qu’elle arriverait à inventer au quart de tour. Il énumère les flaws dans son plan, il perd trop de secondes à imaginer ce qu’il ne fera jamais, ce qu’il ne se donne pas le droit de. Parce qu’il a peur Matt, c’est un trouillard de merde, parce qu’il craint plus que tout de faire un faux-pas, parce qu’il marche sur des oeufs là, et parce qu’il se déteste surtout de le réaliser.
Sa paume qu’il cale contre la nuque d’Allie, il le réalise un peu en retard, la tête encore en train d’imaginer des plans, de faire vivre ses scénarios, de l’imaginer qui squat, qui se creuse une place, qui reste. Ses lèvres qu’il pose sur les siennes, sa peau qu’il ressent fort, presqu’autant que les élans du passé qui remontent, et Matt qui les dégage d’une inspiration, d’un front qu’il plaque sur celui d’Allie, d’un baiser qu’il prolonge comme s’il en avait l’autorisation, comme si leur historique lui donnait la possibilité de le faire. « 1 minute. » sur le même ton qu’elle, quand finalement il se détache d’Allie, qu’il jete un coup d’oeil au cadran, qu’il en a rien à battre d’être en retard.
Elle glisse une main de son cocon de couverture pour caler derrière son oreille une mèche qui lui barre la vue. Matt gît à ses genoux, il la dévore de ses yeux sombres. Elle connaît que trop bien cet air-là, celui qui lui procure une infinité de frissons tout en imposant une chaleur délicieuse au fond de son être - elle sait à quel point elle y résiste mal, il lui fait tourner la tête. Il soupire quand elle lui rappelle qu’il est libre de ses agissements, elle se contente de hausser les épaules, considérant ses paroles comme issues d’une vérité générale et n’en étant certainement pas désolée. « 2 minutes. » Il a l’air d’oublier progressivement son cher électricien, celui qui l’a assez motivé pour se dérober du confort de son lit où elle lui tenait auparavant compagnie. Il se repositionne, son regard aguiche sa chaire, la tentation lui titille les lèvres. Elle se sent doucement succomber, quand elle ne devrait pas, quand elle ne s’en donne pas le droit. « Paint me like one of your French girls, » elle commente la position qu’il adopte dans une vaine tentative de diversion narquoise. Un souffle, un timoré murmure parce que son coeur est bien trop occupé à battre une toute autre chamade que celle du jeu et de la provocation.
Sa paume vient épouser son épiderme, elle ne résiste pas, ne se défait pas. Elle se laisse prendre au piège, par sa main, par sa douceur, par ses lèvres contre les siennes, leur front qui se rejoignent. Il se détache, le manque la fracasse déjà. Elle résiste, elle ne le vaut pas, l’eau a coulé sous les ponts, il y a tant de secrets entre eux. Comment l’aime-t-il encore ? ...L’aime-t-il vraiment encore ? Peut-il encore l’aimer ? Il persévère, un glas qui coule le long de son échine : « 1 minute. » Les pupilles du McGrath abandonnent son corps pour lire l’heure. « Tu devrais en faire bon usage. » Elle prie, le rappelle dans leur bulle, de ses yeux pétillants d’une indécence révélatrice, néanmoins prisonnière de sa raison lui proscrivant d’aller chercher davantage d’affection par elle-même. Il lui en faut peu, si peu, pour craquer et lui démontrer à quel point il est le seul qu’elle ait jamais aimé, le seul qu’elle aimera probablement au cours de toute son histoire.
« Paint me like one of your French girls, » et il éclate de rire le con, y’a ses yeux qui s’affinent, son sourire qui s’agrandit. Il dodeline de la tête, il se creuse un nid dans sa paume, relève sa hanche, se la joue muse à fond parce que c’est un idiot Matt. Qu’il prend n’importe quelle stupidité au vol, qu’il dit toujours oui à rigoler, qu’il est une blague ambulante et surtout maintenant, et surtout avec elle. Parce qu’il a jamais réussi à être autre chose que lui-même, et lorsqu’il est lui-même avec Allie, il est obnubilé par elle. Il voit qu’elle, il pense qu’à elle. Et ça l’effraie, parce que ça l’étouffe, parce qu’il sait qu’il peut pas, qu’il doit pas, qu’elle ne veut pas surtout. Il sait que si elle réalise à quel point elle occupe toutes ses pensées à la seconde où elle entre dans une pièce, elle serait la première à se tirer. Si elle savait combien il lutte pour ne pas penser à elle quand elle disparaît de ses parages, comment il se fait violence pour lui faire confiance et se dire que peu importe les merdes qui lui tomberont dessus elle s’en sortira parce qu’elle s’en sort toujours, elle en serait malade, elle garderait ses distances pour toujours.
Il ri donc, mais il la regarde aussi, toujours. Et il s’avance, et il pose ses lèvres sur les siennes, et il s’autorise ça, rien que ça, c’est pas beaucoup quand il y pense. Mais c’est tout aussi, c’est tout ce qui lui reste d’elle. Chaque contact qu’il multiplie un peu plus quand il sent qu’elle relance, chaque parcelle de peau qu’il caresse du bout des doigts, et le souffle d’Allie qui se casse sur le sien quand il se détache, quand il jurerait l’avoir entendue soupirer qu’il se soit éloigné d’un millimètre à peine. Non, le soupir, il venait de lui. 1 minute au compteur. « Tu devrais en faire bon usage. » et justement, il en fait bon usage, quand ses iris quittent le cadran obsolète et qu’ils retournent se plonger dans ceux d’Allie. 1 minute qu’il aurait bien arrêtée, 1 minute qu’il aurait bien multipliée, 1 minute à laquelle il en aurait additionnée des dizaines, des centaines d’autres s’il avait pu. Mais il peut pas, il pourra jamais. Ce qu’il peut là, de suite, c’est rapprocher son visage du sien, c’est noyer ses doigts dans ses mèches à elle, c’est imposer à nouveau ses lèvres sur sa bouche fendue de son éternel sourire narquois, du sourire de celle qui est autant en contrôle de tout qu’en contrôle de rien.
Elle ne lui répète pas toujours qu’il fait ce qu’il veut si elle n’appliquait pas la même règle à tous ses agissements. Et là, apparemment, elle le veut lui. Pendant 1 minute. Pendant un moment, juste un, suspendu. Alors il s’y plie Matt, il passe son bras libre sous elle, dégage sa tête de sa paume, la pose sur l’oreiller qu’elle a investi. Il la rapproche de lui comme tant d’autres fois avant, il moule son corps au sien, il se serre, il la serre, il pousse rien, il touche à peine sa nuque, à peine sa hanche, il ne va pas plus loin que ce qu’elle lui a autorisé. 1 minute. 1 minute encore, juste une autre, juste une nouvelle. Et il en a déjà 15 de plus de retard.
Son rire spontané emplit généreusement la pièce, la fait sursauter légèrement, surprise qu’elle voile en fendant ses joues d’un large sourire, faisant rythmer ses épaules frêles sous l’impact de son éclat de bonheur. La symphonie de leur joie emplit la chambre, gonfle son cœur, marque sa mémoire, ravive le bon temps, l’amour, l’affection, la vie avec lui. Elle finit par glisser sur l’oreiller, mordille avec jeu en passage l’avant-bras du garçon. Puis leur visage se rapprochent, ses émeraudes se perdent dans son âme, la bouche du brun se colle à la sienne.
Son cœur bat le tambour du sien, elle en est persuadé. Elle se retient de le toucher, de le serrer, de le caresser, car elle sait pertinemment qu’elle cédera entièrement à cette volupté si elle s’applique à le retrouver ainsi. Elle se tient à distance quand elle ne réclame que plus de baisers, plus de lui. Ses doigts caressent sa peau, elle a l’impression qu’il effleure de la roche, du brut, de l'abîmé. Un soupir. « Tu devrais en faire bon usage. » Un baiser. Ses cheveux entre ses doigts. Le sourire moqueur, fier, satisfait du garçon contre l’incroyable béatitude de la fille.
Son bras passe sous son corps, elle se love scrupuleusement contre lui. Il la serre, elle enroule sa jambe autour de la sienne. Elle lève ses yeux vers lui, prend le temps de parcourir ses traits du bout de son index, redéfinir la courbe de sa mâchoire, gondoler sur une barbe qui persiste à vouloir apparaître. Un rictus étire ses lippes, elle s’ose à croiser son regard. Elle est persuadée qu’elle va finir par vomir son cœur sur lui tant il bat fort et comme pour se conforter dans cette biologie, elle pose sa main contre le sien. Les minutes défilent, leur souffle se mêle encore et encore. Elle glisse ses mains sous son t-shirt, l’y enlace, perpétuellement à la recherche de sa chaleur. Elle veut le sentir contre lui, le désire telle une nécessité. Elle se sent bien, mieux, entière.
Et il s’étonne même pas Matt, de la chorégraphie qu’ils mettent l’un l’autre en place parce que c’est tellement naturel, c’est tellement ancré creux qu’il n’a que l’impression de reprendre là où ils s’étaient laissés la dernière fois. Et la fois d’avant. Et les dix autres qui ont précédé.
Ce serait mentir de dire qu’il n’a pas eu peur par contre, qu’elle se dérobe. Ce serait stupide de croire qu’elle n’y a même pas pensé, qu’elle n’y pense pas encore, pas en ce moment. Allie pleine de paradoxes, Allie la complexe qu’il tente de comprendre, qu’il tente d’apprivoiser, qu’il a peut-être même réussi à une poignée de secondes, à quelques moments bien définis. Mais jamais il ne pourra se targuer de la prévoir complètement, de l’anticiper à la perfection. Et c’est malsain quand on y pense. Parce qu’il n’en a pas totalement envie Matt, de maîtriser chacun de ses gestes, de savoir à l’avance où et quand et comment et pourquoi elle agira. Il préfère se complaire en se disant que l’impulsivité de la brune orchestre la danse, qu’il n’est là que parce qu’elle l’a décidé, et autant crèvecoeur ça peut être, autant il profite de chaque seconde comme si c’était la dernière. Ça l’est sûrement.
Quand elle complète le baiser, quand elle se rapproche, quand sa paume se glisse sous son t-shirt, le noir, il frissonne Matt, il ressent, il ressent tout, il prend tout aussi, il est self absorbed comme ça. Dans cet univers-là et dans l’espace du minuscule moment de vie qu’ils partagent comme avant, il se dit qu’ils sont bien, qu’ils sont heureux, qu’ils sont là, vraiment là l’un pour l’autre, que c’est suffisant. Et ses baisers se font plus passionnés, et ses lèvres se déposent partout où elles peuvent, chaque parcelle d’épiderme qu’il tente de couvrir, qu’il arrivera jamais à couvrir en entier, mais c’est pas une raison pour s’empêcher d’essayer.
« Dude, tu fous quoi là? » if only he knew. Deklan de l’autre côté qui toque, Matt qui se félicite d’avoir eu la décence de fermer la porte hier, ultime geste de rébellion de pacotille en espérant s’être réveillée au moindre bruit si elle avait filé dans la nuit. « 1 minute. » et il pouffe de lui promettre quoi qu ce soit à Dek, de lui répéter les mêmes conneries, de presque y croire - il y croit pas du tout. Pas le moins du monde depuis qu’il l’a encouragée à venir s’installer sur ses cuisses, depuis que la silhouette d’Allie le surplombe et qu’il n’a d’yeux que pour elle (comme toujours en fait). « Ouais, 1 minute. On les paie à attendre là, fais pas le con. » ses lèvres qui se sont détachées d’elle, sa paume qu’il a perdue dans ses mèches, ses iris qui la détaillent, qui la scrutent, qui l’enregistrent, qui l’aiment. Fais pas le con, Matt. Et il se redresse sur ses coudes, et il l’embrasse une nouvelle fois, se hurle intérieurement que ce n’est pas la dernière. « La fenêtre qui donne sur la terrasse, celle de gauche. Elle est grande et jamais verrouillée. » qu’il murmure contre ses lèvres, qu’il suggère comme une suite, comme une porte d’entrée, comme une invitation à revenir. Une prière surtout. Parce qu’il la supplie. Il se dégage ouais, il se relève, il s'éclaircit la gorge, il essaie de pas faire le con. Mais il la supplie à demi-mot surtout. Comme toujours.
C’est dans leur nature, d’être ensemble, elle en est convaincue. Quand il l’embrasse, quand elle le serre contre son corps, quand leur souffle se mêlent et leur cœur bat la même mesure, elle reconnaît qu’ils sont liés comme elle ne le sera jamais à quiconque d’autre. Leur duo perd toujours le fil, il n’y a pas d’instruction entre eux, de routine, de mode d’emploi. Ils sont, tout simplement - merveilleusement. Ils reprennent naturellement leur rythme, perpétuent la mélodie de leur histoire comme si jamais elle n’avait connu cette imposante, béante, cruelle saccade. Allie remonte les années au fil des baisers, elle réchauffe son âme en humant son parfum, en se collant davantage contre lui. Elle ne pense à personne d’autre qu’à Matt, qu’à eux. Son cœur se pince en songeant au conditionnel, à tous ces “si” impétueux qui malmènent les souvenirs et rendent amères les affections.
Elle en veut plus, elle le désire. Elle est en quête de ce nirvana d’émotions qu’il lui procurait insatiablement. Elle veut remonter toutes les horloges, sentir son cœur battre la chamade par amour et non par peur ou par effort. Elle redécouvre son corps, les traces laissées par l’histoire. Elle s’interroge nullement sur son passé, toutefois. Le sien est si complet, complexe, qu’elle ne se risque pas à s’imaginer le sien. Les lèvres du garçon parcourent le corps fébrile de la jeune femme, passionnées. Elle se sent couverte de raisons d’exister, de goûter au bonheur.
Une voix masculine retentit derrière la porte, l’australienne se fige. « 1 minute. » qu’il répond à l’intrus et elle pose sa main contre sa bouche pour étouffer un éclat de rire, foudroyée par cette ironie. A califourchon sur ses cuisses, elle niche son visage contre son cou, peinant à taire sa gaie moquerie. « Ouais, 1 minute. On les paie à attendre là, fais pas le con. » Elle hausse les sourcils, peu impressionnée, et se laisse glisser contre le flanc du McGrath. Il se redresse, l’embrasse. Elle soupire, inapte à comprendre tant d’engouement et de besoins pour un électricien. « La fenêtre qui donne sur la terrasse, celle de gauche. Elle est grande et jamais verrouillée. » Ses sourcils se froncent. Souhaite-t-il qu’elle se dérobe comme une voleuse ? Veut-il fuir avec elle ? Dans les deux cas, l’optique lui plaît guère. « C’est quoi, ton plan ? » Elle interroge dans un murmure, critique. Elle se détache du corps si agréable du brun pour enfiler son pantalon égaré puis ses chaussures. « Y’a du courant à rétablir, apparemment. Et tu perds du fric. » Elle remarque. « J’vais pas être celle qui fait tout disjoncter, n’est-ce pas ? » Elle le jauge du regard, est désormais prête à disparaître. Mais avant, elle se penche vers sa silhouette pour poser ses lippes une nouvelle fois contre les siennes. Elle succombe une ultime fois à la tentation, ignorant quand elle se trouvera une nouvelle fois entre ses bras. « Ciao, monsieur le justicier. » Elle passe une main dans ses longs cheveux bruns pour les rendre un minimum présentable et ouvre la porte sur un Deklan impatient. « Il arrive, » elle indique en toute neutralité devant l’air hébété de l’employé, tapotant son pectoraux comme pour le consoler dans son malheur et l’inciter à se décaler pour la laisser filer. Une fois au café, elle remarque l’homme en bleu de travail en attente de boulot et hoche la tête en signe de dénégation, désapprobatrice. N’aurait-il pu pas se débrouiller par lui-même ? La sonnette du Death before Decaf retentit à son passage, les regards de quelques clients intrigués par cette femme qui sort de nulle part sans commander quoi que ce soit lui étant prodigieusement indifférents. A quelques dizaines mètres de l’affaire de Matt, elle glisse sa main dans une de ses poches et la ressort avec une alliance autour de son annuaire. Un kilomètre plus loin, c’est une majeure partie des cachets dissimulés dans son soutien-gorge qu’elle engloutit.