| DOHERTYS • whatever our souls are made of, his and mine are the same |
| | (#)Dim 4 Aoû 2019 - 11:55 | |
| « Bonjour, Miss Doherty. Ici le St Vincent’s Hospital... »
La journée était supposée être normale. D’une banalité affligeante, même. Freya ne finit par même plus se poser de questions quand elle sort de chez elle et s’élance sur son vélo. Elle connaît la direction du cimetière les yeux fermés maintenant. Et n’ayant plus les contraintes de son ancien job, elle n’a presque plus que ça à faire de ses journées. Donc quand Freya franchit les seuils du cimetière ce matin là (à quelques heures près), elle ne s’attendait pas à recevoir un coup de téléphone de l’hôpital.
Autant dire que la panique n’est pas un mot assez fort pour décrire ce qui se tramait dans sa tête à ce moment précis. Une de ses amies, qui a fait la connerie de trop ? Elias, qui a poussé la pédale trop loin ? Non, non, plus proche que ça. Parce que sinon, ça ne serait pas drôle. L’infirmer au bout du fil lui a parlé d’intervention, de brûlure et Freya a raccroché au nez du pauvre gars pour foncer à l’hôpital.
Heureusement qu’elle se trouve déjà dans le quartier.
Bordel, ce n’est pas possible, ça devait être une journée simple, sans accrochage ni problème. Pour une fois, Doherty ne se sent pas trop mal dans ses pompes, même si elle enchaine toujours les conneries et les mauvais choix (ce n’est pas drôle sinon). Elle est blasée mais là, elle est surtout terrifiée. Elle a envie de le haïr parce qu’il lui fait subir ça et qu’elle n’a rien demandé. Quelle fichue idée il s’était mis dans le crâne de devenir pompier aussi ?
(Quoi, t’aurais préféré qu’il continue à dealer ? C’est vrai que le monde de la drogue est vachement plus tranquille et sain que celui des pompiers.)
La ferme ! Freya n’a toujours pas digéré comment ils se sont quittés la dernière fois. Pour le coup, c’est lui qui a tourné les talons mais c’est elle qui a mis un point d’honneur à ne pas revenir vers lui. Il l’a vexé, considéré presque comme une trahison. Lui sait à peu près tout de sa vie, il persiste à vouloir la mettre sur le banc de touche pour la sienne. C’est frustrant et c’est blessant, à la longue. Elle a vraiment l’impression d’être une tâche dans son environnement. Qu’il ne veuille pas parler de leurs parents est une chose. Freya ne se vante jamais de ses géniteurs. Ils pourraient être morts que le résultat serait le même. Qu’il ne veut pas s’étendre sur Tobias, c’est encore autre chose.
Mais qu’il s’obstine à faire la même avec elle, ça dépasse complètement son entendement.
Alors les Doherty se sont ignorés pendant des jours qui se sont transformés en semaines. Têtus, chiants, compliqués, aucun des deux ne veut baisser les armes. Et Freya ne voit pas pourquoi ça aurait dû être à elle de le faire. Ils auraient pu continuer ce petit jeu pendant longtemps si le destin n’avait pas décidé d’intervenir. Une intervention brutale qui amène Freya à se précipiter à la réception pour demander la chambre.
Imbécile, idiot, inconscient, complètement taré, c’est pas vrai, comment il peut- Elle maugrée dans sa barbe jusqu’à arriver devant la porte. Freya ignore si elle doit frapper ou entrer. Est-ce qu’elle peut entrer ? Peut-être que si elle reste ici, le vent ouvrir la porte pour elle et elle pourra jouer la mine surprise de celle qui ne s’attend pas à le voir là, et ici ?
(Franchement, Doherty, t’es conne ou t’en fais exprès ? Rentre dans cette fichue chambre et fous ta colère de côté, bordel.)
Ce qu’elle fait. Freya inspire puis entre dans la chambre. D’un côté, elle a envie de se précipiter pour le prendre dans ses bras, s’assurer qu’il va bien, qu’il est (presque) indemne. Mais de l’autre côté. Elle n’a pas de fierté propre ni un semblant d’égo. Mais il n’empêche qu’elle reste rancunière et campée sur ses position. Alors, la jeune femme ne peut s’empêcher de croiser les bras tout en s’arrêtant au dessus du lit. « T’as essayé d’jouer les héros, encore une fois ? Visiblement, ça t’as pas réussi. » Lâches les armes, balaie tes pensées négatives, mets tes reproches de côté. C’est ton grand frère et il est à l’hôpital, bon dieu. « Si tu voulais m’revoir, y avait des moyens moins draconiens qu’ça. »
Il est en vie et c’est tout ce qui compte, après tout.
- Spoiler:
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| | | | (#)Dim 4 Aoû 2019 - 14:49 | |
| Cette fois, il avait bien failli y passer. Wren en avait conscience mais on ne pouvait pas spécialement dire qu'il regrettait. Ces dernières semaines, Doherty jouait au con pour la simple et bonne raison qu'il s'était disputé avec Freya, si on pouvait appeler cela une dispute puisqu'il s'était contenté de se tirer plutôt que lui répondre. Sur le moment, c'était la meilleure action qu'il aurait pu faire parce que la situation se serait vite envenimée s'il avait rétorqué. Il connaissait sa petite soeur mine de rien et lorsqu'elle avait décidé d'être teigneuse, c'était difficile de gagner quoique ce fut face à elle. Alors, il avait fait le vide, s'tait bousillé la main en saccageant quelques endroits de son appartement avant de courir demander des gardes supplémentaires. C'était sa seule façon d'agir quand il souffrait, prendre encore plus de risques, regarder la mort en face et la défier. Jusqu'au jour où elle viendrait le cueillir, il s'en doutait. En attendant, il fallait qu'il joue au casse-cou, se balançant dans les flammes, se portant volontaire pour les désincarnations au milieu des autoroutes et autres incidents qui pouvaient le buter en moins de deux minutes. Rien ne lui était arrivé jusqu'à cette intervention. Un incendie de plus dans un vieux hangar, pas de victimes à déplorer ce qui n'était déjà pas mal, certainement parce que Wren avait sauté dans le bâtiment pour en sortir deux employés avant que le chef lui en avait donné l'approbation. Il aurait peut être dû patienter, comme le reste de l'escouade mais Doherty ne savait pas prendre son temps. La douleur lui avait lacéré la chair parce que son équipement en avait pris un coup alors qu'il était resté accroché à une poutre. Forcément, le feu s'était immiscé du côté de son épaule et il n'avait pu que hurler en réussissant à sortir tant bien que mal. Les secouristes s'étaient chargés de lui aussi vite que possible et sa chair en lambeaux avait vite fait de l'emmener à l'hôpital. Après quelques traitements de premières nécessité, son bras semblait résister. Pas son cerveau. Wren détestait être ici, il méprisait cet environnement aseptisé surtout qu'il se sentait parfaitement bien si on excluait la douleur latente, il aimait le feu après tout. S'il avait pu, il se serait barré entre deux infirmières mais il n'eut pas franchement le temps d'agir puisque la tornade mini Doherty était entrée dans la chambre pour lui offrir une bonne leçon. Forcément, Freya était son contact d'urgence, Wren y avait pensé et il s'était douté qu'il n'allait pas apprécier spécialement le voyage surtout après leur dernière entrevue. "Je vais bien, merci soeurette." Histoire de marquer le coup puisqu'elle lançait tout de suite les hostilités sans regarder son bras qui n'avait pas le droit de bouger dans les jours à venir. "Je fais juste mon métier. J'ai pas fait ça pour te ramener à l'hosto, ce serait suicidaire de ma part." Il aurait choisi le cercueil plutôt pour rappeler sa soeur à lui. Quelque chose de plus draconien, donc. "Pas la peine de rester si c'est pour me faire ton discours là... C'est bon, j'ai compris. Tu me détestes, moi et mon feu, moi et mes manières de type qui a honte de sa famille ou je sais plus quoi là. Pour le moment, je veux juste la paix là, ça fait vriller mon cerveau cette brûlure alors s'il te plait, Freya, stop." Il ne se sentait pas aussi bien qu'il voulait s'en donner l'air. Pour une fois, Wren était vulnérable et exténué. Oui, usé de se battre contre les autres, contre lui même, il voulait que tout s'arrête.
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| | | | (#)Dim 4 Aoû 2019 - 19:57 | |
| Freya n’aime pas ça. Elle n’aime pas les hôpitaux – qui aime de toute façon ? Elle y a fait de trop nombreux séjours, souvent forcés et jamais voulus. Trop de blanc, trop de bienséance, trop de fausse compassion. Doherty ne doute pas qu’il y a des personnes passionnées par leur métier dans ce genre d’endroits. Après tout, il faut le vouloir pour côtoyer blessés et morts toute la journée. Mais Freya, elle s’en passerait bien.
Voir son frère dans ce fichu lit, elle s’en passerait bien aussi.
« Je vais bien, merci soeurette. » Freya se mord la joue. Ouais, ça se voit que ça va. Être dans un lit d’hôpital, c’est un signe de santé absolument certain, n’est ce pas, c’est bien connu. « Je fais juste mon métier. J'ai pas fait ça pour te ramener à l'hosto, ce serait suicidaire de ma part. » Il a du mordant pour quelqu’un qui vient visiblement de se blesser sur le terrain. Typique. Autant parler à un mur, ça reviendrait au même. « Pas la peine de rester si c'est pour me faire ton discours là... C'est bon, j'ai compris. Tu me détestes, moi et mon feu, moi et mes manières de type qui a honte de sa famille ou je sais plus quoi là. Pour le moment, je veux juste la paix là, ça fait vriller mon cerveau cette brûlure alors s'il te plait, Freya, stop. » Il a rien compris. Rien du tout. Visiblement, il n’a pas oublié ce qu’elle lui a dit (c’est que ça l’a marqué malgré son air détaché et ça, ça lui fait énormément plaisir) mais il n’a pas capté le message. La communication, ça n’a jamais été leur fort, chez les Doherty, de toute façon.
Freya penche la tête sur le côté pour l’observer. C’est vrai, il a l’air claqué. Tant pis. S’il n’avait pas fait le con, il n’aurait pas eu à être ici et elle n’aurait pas été averti. Maintenant qu’elle est là, elle ne compte pas bouger. « On a pas toujours c’qu’on veut. C’est dommage, hein. » Elle soupire tout en pointant son épaule du menton. « C’est moins fun quand c’est sa personne qui s’brûle. » Freya pourrait presque pousser le bouchon un peu plus loin mais elle se retient. Il ne faut pas jouer avec le feu quand la braise est encore chaude.
Et Wren a beau être coincé dans ce lit et complètement à la ramasse, il a apparemment de la répartie à cracher. Alors Freya pince ses lèvres tout en passant la main dans ses cheveux.
« P’tin, Wren. Tu crois que ça m’fait kiffer d’avoir un appel de l’hosto ? » Il doit le savoir même mieux qu’elle. Si elle est son contact d’urgence, il va de même que l’inverse est réciproque. Et elle se rappelle très bien du dernier savon qu’il lui avait balancé quand elle s’est retrouvée à sa place, il y a deux ans, après une (nouvelle) tentative. « Au contraire, c’est le moment parfait pour une p’tite conversation entre frère et sœur. T’es coincé dans un p'tin pageot d'hosto et moi non. Tu peux pas t’tirer, cette fois. » Parce que Freya en a marre qu’il n’accepte jamais la confrontation. Il se terre, il se mure, il l’empêche de voir ce qu’il pense réellement. Quel but ? Elle est sa sœur, bordel, elle peut tout encaisser et il serait temps que Wren se le rentre dans la tête.
Alors Freya, ayant bien décrété qu’elle ne partirait pas, laisse tomber son sac sur la table de chevet – une plante s’y trouve, pourquoi une plante presque desséchée s’y trouve ? – avant de s’asseoir sur le bord du lit. Elle n’aime pas les confrontations mais quand il faut rentrer dans le lard, Freya n’est jamais la dernière.
« T’as fait l’con, j’en suis persuadée. T’as une sale gueule, t’sais. » Toute en subtilité et délicatesse, la cadette, comme toujours.
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| | | | (#)Mar 6 Aoû 2019 - 1:30 | |
| Il détestait parler. Fait de base avec Wren. Il préférait largement le silence, le bruit des oiseaux qui chantaient, le murmure du vent, le crépitement du feu... Et voilà, il dérivait déjà. Pourtant, il aurait aimé continuer ainsi plutôt qu'avoir à se confronter à sa petite soeur. Cette chère Freya n'allait pas le laisser s'échapper et déjà, il avait envie de fuir par la fenêtre de la chambre. Quoi, il était au septième étage, et alors? C'était sûrement mieux de se péter un ou deux os que de se prendre les reproches d'une Freya en colère en pleine face. Elle était la seule personne capable de le détruire, Wren le savait depuis des années parce qu'il lui avait laissé une place majeure au sein de son existence. En fait, elle était tout pour lui et si quelqu'un blessait sa cadette, il était capable de cramer tout un quartier. Sans rire. Enfin, la jeune femme en question préférait certainement qu'il en fut autrement parce qu'elle méprisait le feu et tout ce qui s'en rapprochait. C'était d'ailleurs leur sujet de discorde actuel. Wren jouait aux durs, refusait de mentionner sa famille auprès de sa nouvelle copine et voilà que la tornade Doherty était de sortie. L'aîné n'avait rien répondu, il s'était juste tiré, ce qu'il savait faire de mieux depuis l'adolescence. Ne rien dire, tout garder au fond de lui et espérer que le mal être disparaisse de lui même. Une bien belle connerie. Des semaines plus tard, celui-ci était encore bien présent et Freya n'allait pas lui manquer de lui rappeler dès les premières syllabes. "Commence pas, putain." Il évita ton regard, ravalant sa douleur lancinante au creux de l'épaule parce qu'elle avait raison. Le feu n'avait rien de drôle quand il ravageait son propre corps mais Wren ne pouvait pas confesser ce genre de faits. Pas maintenant, en tout cas. "Parce que ça me fait kiffer de me retrouver là, moi aussi... Parler, mais à quoi ça sert de parler, exactement? Balance tes reproches tout de suite et on arrête là." Non, il n'avait pas spécialement envie d'épiloguer douze heures sur ses problèmes de gestion de son comportement. Il savait qu'il était con, depuis un moment même mais le dire à voix haute, c'était une autre affaire. "J'ai sauvé des gens dans un immeuble. Si t'appelles ça faire le con... J'ai juste pas eu de bol que mon uniforme soit endommagé dans l'entreprise mais je l'ai mérité, c'est ça?" La souffrance, c'était sûrement ce que Freya voulait qu'il subisse encore et encore. Wren, lui, détestait cela. "Ouais, je suis fatigué. Ces engueulades là, ça m'use." Point barre. L'éloquence, ce n'était pas spécialement son truc non plus alors qu'il évitait toujours le regard de sa soeur.
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| | | | (#)Mar 6 Aoû 2019 - 23:15 | |
| Il est buté mais elle l’est tout autant. Wren veut se créer un mur ? Freya le détruira. Hors de question de le laisser partir sans rien dire. Elle ne veut pas croire qu’il puisse lui tourner le dos, encore une fois, dès qu’on commence à évoquer les sujets qui le froissent. Qu’il se le bâtit, son putain de mur et même si elle n’aime pas le feu, sa cadette ira jusqu’à le faire exploser à bombe s’il le faut. Elle le voit, il détourne le visage, il regarde ailleurs. Elle sait qu’il veut qu’elle se taise. « Commence pas, putain. » Confirmation pure et simple dans un souffle agacé. Purée qu’il peut être casse couille quand il s’y met. Quand Wren est comme ça, Freya a l’impression de gravir le mont Everest ou la muraille de Chine sans jamais en voir le bout. Il la retient à bout de bras, encore une fois. Fais ce que je dis mais pas ce que je fais. J’ai le droit de vue sur ta vie mais toi, tu restes éloigné de la mienne. Il a beau avoir cet air blasé en lui répétant qu’il aurait soit disant honte de sa famille, ça ne la blasait pas, Freya. Wren n’ignore pas que sa cadette reste (très) sensible quand on veut l’écarter de sa vie. Petite chose fragile qui a grandi dans la frousse de voir s’échapper, s’enfuir ses proches. Mais que dieu lui en soit témoin, n’est pas encore arrivé le jour où Wren Doherty échappera aux griffes de sa sœur.
« Parce que ça me fait kiffer de me retrouver là, moi aussi... Parler, mais à quoi ça sert de parler, exactement? Balance tes reproches tout de suite et on arrête là. » Il lui avait dit la même chose il y a trois mois. S’il ne se trouvait pas en position de faiblesse par rapport à elle, Freya lui aurait bien mis la tarte qu’elle lui avait déjà évoqué le mois précédent. « J'ai sauvé des gens dans un immeuble. Si t'appelles ça faire le con... J'ai juste pas eu de bol que mon uniforme soit endommagé dans l'entreprise mais je l'ai mérité, c'est ça? » Ce qui est fou dans cette famille, c’est cet amour incroyable mélangé à ce cynisme sans limite. S’il continue comme ça, ce n’est pas une tarte qu’il va se prendre, mais autre chose. (Oui, Freya n’a pas énormément de patience quand elle a ses nerfs qui sont joués de la sorte sur une corde sensible.) « Ouais, je suis fatigué. Ces engueulades là, ça m'use. »
Freya est fatiguée aussi. Lasse d’être mise sur le banc de touche de la vie de son aîné. Lasse d’avoir cette fichue culpabilité qui la ronge. Parce qu’au final, c’est une dispute à la con. Une engueulade qui n’a pas vraiment de sens, mais qui a le mérite d’être là. Mini Doherty est butée et un simple caillou peut devenir un menhir dans sa tête. Les proportions enflent et deviennent immensurables. Mais même si tout ça n’a pas de sens, il tient à coeur à Freya et donc elle persistera. Même s’il est bloqué, même s’il ne veut pas la regarder, même s’il semble vouloir la faire fuir. (Il peut essayer, il n’y arrivera pas.)
Si Wren ne veut pas la regarder, il n’a cependant pas le choix que de l’écouter. « Tu sais très bien que j’te reprocherai jamais ton taf, Wren. Quand j’te dis qu’t’as une sale gueule, c’est que t’as vraiment une sale gueule. Et pas seulement à cause de ça. » Elle fait un cercle pour désigner l’épaule et l’hôpital et l’accident et… Putain, elle a tellement eut la flippe. Freya se lève du lit parce que non, elle ne peut pas rester assise. « Tu t’es muré pendant un mois, Wren. Un putain de mois. Sans nouvelle, sans réponse, sans appel, que dalle. Tu dis que les engueulades t’usent mais t’es jamais fichu de les affronter. Tu t’barres à chaque fois. » Elle est en train de faire les cents pas, les mains se tordant entre elles. Elle s’en fout de le soûler, de le gaver, de l’énerver. Tant qu’il n’aura pas compris, elle le lui répétera le nombre de fois qu’il faut. « J’croyais qu’on en avait déjà parlé. J’pensais que t’avais compris. Clairement, t’as entendu les mots que j’ai dit mais tu les as pas écouté. C’que je déteste, c’est qu’tu m’laisses pas entrer. T’as une vue façon baie vitrée sur ma vie et moi, j’dois me contenter de l’oeil de judas. »
Freya regarde son frère. Elle fronce des sourcils et finit par l’approcher avec de grandes enjambées avant de le forcer à la regarder en tournant son visage vers elle. « Tu t’rappelles c’que je t’ai dit ? Ne t’isoles pas de moi. T’auras beau essayer, ça fonctionnera pas. »
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| | | | (#)Mer 7 Aoû 2019 - 0:11 | |
| Être n'importe où plutôt qu'ici. Voilà ce à quoi il aspirait le grand dadais des Doherty. Il avait espéré que Freya ne vienne pas, le laisse simplement pourrir ici, dans ce vieux lit d'hôpital aseptisé parce que c'était ce qu'il avait mérité. Wren avait été un frère très médiocre et il n'était apparemment pas spécialement prêt à s'améliorer. Il avait peur d'être lui même, de se révéler à autrui et c'était peut être encore plus une réalité vis vis à de sa cadette car elle n'avait pas besoin de voir cette noirceur en lui, pas quand elle avait déjà la sienne à gérer. C'était le problème des Doherty, ils avaient été montés à l'envers ou bien leur patrimoine génétique avait été détruit quelque part. Dans tous les cas, le résultat était aberrant et Wren en était un exemple parfait. Il aurait pu être meilleur, ne pas être si vindicatif envers son entourage mais, il avait toujours fallu qu'il se protège de son environnement, même quand celui-ci voulait son bien. Freya ne voulait que cela pour lui ou bien juste faire partie de sa vie parce que c'était le contrat quand on était frère et soeur. Lui passait en effet le plus clair de son temps à se mêler de la sienne, certainement parce qu'il avait assumé le rôle du père après l'incendie qui avait tout coûté à leur famille. Avec le temps, il aurait dû laisser sa jeune soeur voler de ses propres ailes, prendre ses décisions et faire ses propres erreurs mais Wren n'avait pas réussi à changer. Maintenant, il était perdu, plus très sûr d'avoir quoique ce fut à lui apporter, si ce n'était plus de soucis qu'elle n'en avait déjà. Alors, il se tut. Il l'écouta et s'attendit à ce genre de réactions chez elle, à cette quête de son regard alors qu'il essayait de fuir, dernier reliquat d'énergie qu'il pouvait mettre dans une action. Pas longtemps cela dit, puisque Freya gagna cette lutte, ses yeux verts d'eau se plongeant dans les siens. Il ne dit rien une fois qu'elle eut fini, pas tout de suite en tout cas, reprenant sa respiration et tentant de retrouver une contenance quelconque. Wren n'avait plus de force à l'heure actuelle et il ne savait pas bien ce qui adviendrait de sa personne à l'avenir... Probablement rien. La mort. Les deux. "C'est parfois mieux de se barrer, ça évite de dire des mots regrettables, des trucs qu'on pense pas." Au moins, là dessus, il était parfaitement honnête. S'il laissait les mots s'échapper, ce n'était jamais très joli à voir, surtout dans ses relations avec les autres Doherty alors, il prenait le temps d'enrager de son côté avant de revenir plus calme vers eux. "Je cherche pas à te fuir, Freya. Je fais juste ce que je peux pour pas souffrir et ça marche pas des masses, tu vois. T'as pas bien compris ce que je voulais dire la dernière fois. C'est pas de toi que j'ai honte, c'est plus de moi justement comme tu l'as si bien suggéré. Elle va forcément se barrer à un moment parce que c'est ce qu'il y a de mieux à faire avec moi, non?" Autant s'éviter ce genre de peines en balançant tout ce qu'il y avait à savoir sur les Doherty avant de se prendre une bonne gifle. Non, il ne voulait pas avoir mal. Il ne voulait pas avoir le coeur brisé. "Je suis censé faire quoi, dis moi? Je sais pas faire avec toi déjà alors..." Non, c'était une évidence et par ces quelques mots, Wren lui demandait comment il pouvait arranger leur situation, comment il pourrait la contenter même pour une courte durée parce que vivre sans Freya, sans sa petite soeur, c'était comme s'enfoncer un pieu dans le coeur. De son plein gré. Atrocité.
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| | | | (#)Ven 9 Aoû 2019 - 7:55 | |
| « C'est parfois mieux de se barrer, ça évite de dire des mots regrettables, des trucs qu'on pense pas. » Freya passe sa main dans ses cheveux tout en râlant légèrement. Dans le cas Doherty, de toute façon, un rien est vu comme un affront, comme un manque de respect total envers leur personne. Que ce soit tourner les talons pour couper court à la conversation ou entrer le lard, les deux pieds dans le plat, il n’y a jamais de juste milieu. Les disputes dans la fratrie ont quasiment toujours été entre les jumeaux. Wren s’est toujours contenté de serrer les poings et d’aller faire un tour. Dans un sens, c’est plutôt une réaction sage. Une attitude qui a le mérite de ne pas te foutre dans le pétrin juste après. Parce que Freya a tendance à pousser le bouchon trop loin, trop vite et sans jamais réfléchir. Peut-être parce que dans le fond, elle n’attend que ça. Un moindre prétexte pour sauter à la gorge des gens, pour leur déballer des saloperies et se prouver une fois de plus que l’humanité n’est qu’un film en noir et blanc. C’est tellement plus simple de penser comme ça, qu’il n’y a pas de gris mais juste trop peu de gentils et pleins de méchants. Comme quand elle était gamine et qu’elle regardait ses dessins animés bien trop proches de l’écran.
Alors oui, la résistance de Wren est une forme de sagesse mais Freya se bute et refoule cette idée. Elle ne veut pas lui donner raison, elle ne veut pas acquiescer et lui pardonner tout en une seule phrase. Elle pourrait. Se jeter au cou de son frère, l’embrasser sur la joue, respirer son odeur et surtout, se prouver qu’il n’est pas encore mort, juste un peu cramé, ça la démange depuis qu’elle est entrée. Mais parce qu’elle est ce qu’elle est, et que son mur se cogne à celui de son frère du façon inlassable, Freya reste droite. « Ouais, le fameux truc ‘si y t’as pas quelque chose de sympa à dire, dis rien’, c’est ça ? » Elle secoue la tête et compte renchérir mais Wren reprit la parole.
« Je cherche pas à te fuir, Freya. Je fais juste ce que je peux pour pas souffrir et ça marche pas des masses, tu vois. T'as pas bien compris ce que je voulais dire la dernière fois. C'est pas de toi que j'ai honte, c'est plus de moi justement comme tu l'as si bien suggéré. Elle va forcément se barrer à un moment parce que c'est ce qu'il y a de mieux à faire avec moi, non? » Non ? Oui ? Quoi ? Freya fronce les sourcils, l’incompréhension au visage. Qu’est-ce qu’il est en train de lui raconter, comme connerie ? Elle jette un coup d’oeil au perfusion, comme si c’était une raison qu’il devait complètement délirer. Il n’y a pas d’autre raison plus rationnelle que ça. Franchement, c’est stupide. Il est stupide et cette stupidité, Freya se retrouve presque démunie face à la sincérité de ses paroles.
Puis dans un souffle, il lui balance. « Je suis censé faire quoi, dis moi? Je sais pas faire avec toi déjà alors... » Est-ce que cette phrase est censée la froisser ou l’attendrir ? Freya hésite parce que franchement, c’est un peu vexant qu’il pense ça d’elle. « J’te signale que c’est toi qui t’barres, Wren. C’est toi qui fuis à chaque fois. Je sais que c’est ta façon de réagir face aux problèmes et aux tensions. On est pareil, on a le sang qui bouillonne et les oreilles qui sifflent. Seulement toi, tu t’enfermes et tu restes tout seul pour régler ton problème. Et c’est une spirale sans fin parce que t’es con, parce que t’es buté et parce que visiblement tu préfères crever que de demander de l’aide. »
La cadette finit par s’asseoir de nouveau sur le rebord du lit, sa main non loin de celle de son frère. Elle pince les lèvres mais garde ses doigts pour elle. Plus tard pour les gestes d’affection et de soutien. D’abord, elle doit le secouer et ce n’est pas en le maternant qu’elle y arrivera. « T’es pas un cas désespéré, big bro. Si elle t’apprécies vraiment, elle restera. J’sais qu’on se précipite jamais à présenter notre famille à nos relations. » Freya lève doucement les yeux au ciel l’air innocent. « Il y a en p’t’être dont j’ai jamais parlé. » Puis elle repose ses yeux sur Wren. « Mais te laisses pas influencer par le nom de famille écrit sur ta carte d’identité. Ni même par tes démons intérieurs. J’t’ai déjà dit que t’es pas un mauvais bougre. Sauf quand tu fais l’con comme ça. » Sincèrement, si Wren n’arrive pas à trouver sa perle, les jumeaux sont alors complètement foutus. « Tu mérites quelqu’un, Wren. Vois ça comme une étape décisive. Si elle se tire, c’est qu’elle est pas faite pour toi. Si elle reste… T’auras pas le choix que d’me la présenter. » Et cette fois, Freya prend instantanément la main de son aîné. « Cache lui nos parents et Toby si tu veux, mais toi, j’veux pas que tu te caches de moi. Et j’te promets de bien m’conduire. » Elle peut le jurer sur toutes les pierres tombales qu’elle nettoie quotidiennement, s’il veut.
« Aie confiance en toi, big bro. Ça paraît stupide et toujours plus simple à dire qu’à faire mais on mérite tout ce bazar que sont les relations autant que n’importe qui. » Elle penche la tête sur le côté. « Et puis, qu’est-ce que j’devrai dire, moi, avec un cerveau qui débloque, hein ? T’es limite le plus sain des trois, Wren, si toi t’y arrives pas, on est tous fichus. »
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| | | | (#)Ven 9 Aoû 2019 - 14:31 | |
| Wren savait qu'il aurait dû être moins distant avec les gens, mais sa confiance ne se gagnait pas aisément. Même quand c'était le cas, il restait le plus fréquemment réservé sur sa petite personne parce qu'il était ainsi, il n'aimait pas spécialement parler de lui. Doherty était plutôt le garçon protecteur, celui qui prenait soin des autres et qui se laissait crever à côté, plus simple parce qu'on n'avait pas à faire attention aux conséquences de ses actes quand cela ne nous concernait pas. Toute sa vit avait été la répétition d'un seul et même schéma, celui de l'aîné qui s'occupait des affaires de ses cadets, toujours prêt à mordre quand on s'approchait d'un peu trop près. D'un autre côté, une vie décadente, la drogue, l'alcool, le sexe, pas aucune bonne décision. Puis, Maze était entrée dans sa vie et il ne savait pas vraiment comment gérer quelque chose d'aussi intense, la base même d'une relation amoureuse. Il savait que la confiance et le partage devaient être de mise mais il était comme un môme effrayé de constater qu'il n'était pas à la hauteur de l'attente de la jeune femme. Forcément, Wren ne pouvait qu'être une déception avec son passé de dealer et ses tendances à dériver vers la pyromanie quand on l'énervait de trop. Quelle femme saine d'esprit pouvait-elle accepter une telle personne à ses côtés? C'était proprement surréaliste et Wren n'était pas certain d'avoir la force de supporter un énième abandon, après celui de son père, l'arrêt de la lutte de sa mère, la déchéance de Tobias... Ne restait que Freya, fière et droite dans ses bottes alors qu'il se confiait peu à peu à elle. Il l'écouta jusqu'au bout, bien incapable d'interrompre un discours aussi réaliste. Elle avait toujours été douée avec les mots, pour le calmer mais aussi pour le gonfler au plus haut point. La plupart du temps, sa petite soeur parvenait à faire les deux à la fois, c'était le super pouvoir qu'elle avait, du cent pour cent Doherty. "Ouais, t'as raison, je suis comme ça mais je sais pas si je suis capable de changer. J'ai toujours fait ça parce que c'était ce qu'il fallait il y a dix ans, sinon il y avait personne pour s'occuper de vous derrière. Maintenant, je sais plus trop..." Non, Freya n'avait plus besoin de lui, Tobias était perdu et lui était censé se reprendre en main, choisir le parcours pour la suite de son existence. Autant dire que ce n'était pas aussi aisé que ça en avait l'air, c'était déchirant, c'était la peur et l'incertitude... Putain, c'était dur, ouais. "Ouais... Comme tu dis, faut espérer qu'elle accepte cette part de moi, pas évident quand je l'accepte pas forcément moi même. Après, si elle se tire, tu sais que ça va pas m'aider, soeurette. Je suis faillible comme type et si je me fais avoir une fois, c'est difficile de m'y faire revenir pour une seconde. Peut être que ce sera la seule femme qui pourra me changer, me calmer... La seule que je pourrais aimer." Il l'avait dit, c'était bizarre venant de Wren, parce qu'il n'aimait personne. Jamais. Personne d'autre que sa petite soeur. Les autres étaient bien souvent des dommages collatéraux ou bien, des phases de distraction, pas plus. Apparemment, il ne rangeait pas Maze dans cette catégorie, fou, hein? "Si j'arrive à lui dire et qu'elle reste... Promis, je te la présente. Bien sûr que je le ferai, t'es ma soeur, mon petit ange." Et il le pensait, même s'ils s'engueulaient une fois toutes les trente secondes et que le tout se terminait en catastrophe nucléaire. Wren revenait toujours vers elle et inversement, parce que leur survie en dépendait. Le pompier sans son angelot, cela ne fonctionnait pas le moins du monde et il avait besoin d'elle, dieu qu'il avait besoin d'elle. "T'es très bien comme t'es, ne pense pas le contraire, ok? Si moi je t'aime comme ça, d'autres le feront. Je suis sûr que d'autres le font déjà... En tout cas, je suis désolé, soeurette, je voulais pas te blesser." Il n'y avait qu'elle qui avait le droit à ses excuses alors qu'il posait sa main sur la sienne et qu'il se mettait à lui sourire. Freya était la seule qui avait vraiment le droit à cette partie tendre de Wren. Elle était son exception dans un univers trop abrupt, son joyau et il ne voulait plus qu'elle doute de lui, de son amour envers elle. "J'ai toujours besoin de toi, tu sais, même si je le te dis pas assez." Et c'était tout. C'était la conclusion qui changeait tout, la seule vérité qui avait de l'importance chez les Doherty. La co-dépendance.
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| | | | (#)Ven 9 Aoû 2019 - 19:21 | |
| Freya passe son temps à chercher celui qui finira par la supporter, elle, ses galères, ses prises de bec, son aîné trop protecteur, sa famille hors norme et sa maladie. Même si dans le fond, elle sait qu’il est sous son pif, présent depuis des années, presque toujours constant dans sa vie depuis qu’elle est gamine. Mais elle préfère se voiler la face, ne pas briser la seule amitié plus ou moins raisonnable qui a de l’importance à ses yeux, et tenter de chercher ailleurs. De voir s’il n’y a pas quelqu’un d’autre pour elle, qui puisse au moins la tenir dans ses bras quand elle ne va pas bien ou partager ses délires qu’elle peut avoir à toute heure de la journée (ou de la nuit). Elle a toujours ce besoin constant de vouloir être entourée, d’être aimée, d’être même dévorée par autrui. Freya peut prendre de la place, accaparer l’attention, réclamer plus que nécessaire. Alors les doutes de son aîné, elle les comprend bien plus qu’il ne semble réaliser. Il faut dire qu’ils ne sont pas du genre à faire dans la dentelle. Parler sur un oreiller et se donner des conseils sentimentaux, très peu pour eux. Wren & Freya sont peut-être liés d’un lien qui paraît trop fort d’un point de vue extérieur, à la limite d’une dépendance l’un envers l’autre, il n’empêche qu’il y a des sujets qu’on aborde pas.
Comme celui de leur père. Ne pas en parler parce que ce sont des conversations qui n’amèneront nul part, exceptées dans un mur.
« Maintenant tu peux hurler et m’engueuler si ça peut te faire du bien. Je m’énerverai sûrement en retour mais je préfère une bonne dispute sur le moment qu’un abandon sur plusieurs semaines. » Parce que c’est la deuxième fois que ça arrive et ça ne peut vraiment, réellement, véritablement plus arrivé. « Tu peux pas faire ça, Wren. J'peux pas marcher sur œufs comme ça, surtout avec toi. » C’est trop compliqué de prendre des pincettes, on ne le lui a pas appris et ce n’est vraiment pas dans ses attributs. Il faut que Wren comprenne que parfois, la confrontation est ce qu’il y a de mieux plutôt que de se faire la gueule pendant des semaines. Ils sont des adultes, après tout, il serait temps d’agir en conséquence.
« Peut être que ce sera la seule femme qui pourra me changer, me calmer... La seule que je pourrais aimer. » Freya penche la tête et elle sent une bouffée de tristesse l’envahit. Parce qu’elle entend sa propre douleur, sa propre peine. Elle n’ignore pas ce que ça fait de se sentir trahir par la personne qu’on n’aime. C’est le genre de choses qui vous reste graver dans l’âme en plus du coeur. Alors sa cadette lui caresse tendrement la joue, comme si ça peut apaiser ses craintes. Foutaises. « Arrête de sous estimer, big bro. Tu te rappelles de mes propres ruptures ? J’ai toujours cru y passer et pourtant, j’suis encore là. En partie grâce à toi. Alors ne te juges pas trop vite. Fais toi confiance. Et surtout, pour la énième fois, fais appel à ta sœur quand tu sens que ça va plus. A quoi j’servirai si j’peux même pas aider mon grand frère ? » Parce que Terrence l’avait presque détruite, suivi guère longtemps après par Stephen qui avait fini par la pousser dans le précipice. Et pourtant, Wren avait été là, toujours présent, une ombre qui plane au dessus d’elle et qui semble savoir exactement quand intervenir quand sa sœur a besoin de lui. Il a cet instinct qu’elle n’a pas encore totalement développé, sûrement dû au fait qu’il les a prit en charge alors qu’il n’était qu’adolescent. Mais ça, elle veut l’apprendre parce qu’elle veut être là pour lui.
Freya ne peut s’empêcher de rouler des yeux tout en souriant légèrement quand il lui affirme qu’elle est son ange. « C’est ça… Tu crois qu’ils acceptent les anges avec des cornes ? » Elle rigole doucement et enfin Wren esquisse un sourire tout en s’excusant. « J'ai toujours besoin de toi, tu sais, même si je le te dis pas assez. » Même si sa cadette reste sur ses gardes (parce que cette conversation, ils en ont eu une similaire il y a quelques mois et en voilà le résultat aujourd’hui, à répéter la même chose parce qu’il n’avait toujours pas compris apparemment), Freya sourit à son tour.
« J’le sais. C’est toi qu’a besoin de le mettre en pratique maintenant. Et puis, évidemment que tu m’aimes comme ça, t’es mon frère. C’est genre un contrat, t’as pas le choix que d’accepter. T’es pas objectif. » Par contre, s’il lui renvoie la balle, elle l’étouffe avec son oreiller.
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| | | | (#)Sam 10 Aoû 2019 - 0:56 | |
| Wren avait le développement affectif d'un môme, à la limite de l'adolescence certes, mais un gamin quand même. Tout cela était certainement dû au peu d'éducation et de stabilité que les enfants Doherty avaient pu recevoir, leurs parents étant des cas désespérés d'envergure. Quand son père était pyromane et fier de l'être, sa mère au bord du gouffre plus ou moins constamment, on ne pouvait pas avoir une évolution correcte et rassurante. Alors, le pompier ne s'était pas réellement construit, il y était allé à l'aveugle, se concentrant sur ses tâches à accomplir parce qu'il avait une grande famille à nourrir, oubliant peut être ainsi qu'il n'était encore qu'un enfant et qu'il avait besoin de temps. Surtout, il avait besoin de faire des erreurs, de hurler à la mort, d'être en colère et de faire l'égoïste, tant de choses qu'il n'avait que peu testé au bout du compte puisqu'il avait dû se montrer fort pour s'occuper des jumeaux, pour garder plus ou moins sur pied leur mère tout en cherchant à tout prix à mépriser leur père. Il n'avait pas tout réussi, c'était un fait quand on voyait Tobias et Wren regrettait énormément tous ces échecs mais on ne pouvait pas dire qu'il n'avait pas fait de son mieux. Il avait peu de moyens, pas de diplômes et seulement son énergie à donner. Il l'avait fait, il avait tout donné et c'était peut être maintenant qu'il en payait le prix parce qu'il ne savait pas communiquer comme le mentionnait si bien Freya. "Mais je te demande pas de marcher sur des oeufs, dis ce que t'as à dire et je vais essayer de réagir à l'avenir... Je veux juste pas te faire de mal, te bousiller en faisant ou disant une connerie de trop. S'il y a bien un truc que je supporterai pas, c'est que tu me détestes." C'était même sa seule hantise, tout le reste, il s'y ferait mais sans Freya dans sa vie, il n'y avait plus aucun intérêt à mettre un pied devant l'autre et continuer à inspirer et expirer de l'air. C'était sa soeur, la personne qu'il avait prise sous son aile et qu'il avait aimé plus que tout. "C'est vrai, t'es passée par là et je t'ai soutenu alors je devrais tenir le coup si ça arrive à un moment donné mais tu me connais, j'ai jamais été vraiment avec quelqu'un, un instinct de protection à la con ou quelque chose comme ça. Je sais que je pourrais compter sur toi." Oui, Freya avait vécu de multiples moments de doute avec tout ce qui s'était passé pour elle vis à vis de ses relations amoureuses. Wren l'avait portée à bout de bras durant ces moments si douloureux et elle avait remonté la pente, il n'y avait donc aucune raison que cela change si on inversait les rôles. "Ils feront bien une exception pour ta pomme là haut, au paradis." Ou en tout cas, Wren s'en chargerait si ce n'était pas le cas, parole de grand frère. "Non, c'est vrai, je suis pas objectif mais bon, tout le monde sait que ma petite soeur, c'est la femme de ma vie. Si quelqu'un la touche et lui fait du mal, c'est là où je deviens insupportable." Et cela, elle le savait, il valait mieux ne pas tester Wren quand il était question du bien être de sa cadette. Il pouvait tuer en conséquence, assez aisément.
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| | | | (#)Sam 10 Aoû 2019 - 12:05 | |
| Freya ne peut pas s’empêcher de comprendre son frère. Même si elle lui rentre parfois dans le ciboulot, cherchant une réaction, n’importe laquelle pour le peu qu’il réagisse, sa cadette ne réfléchit souvent aux conséquences qu’après coup. Quand Wren lui a tourné le dos pour partir, elle a eu cette petite voix qui l’a blâmé, qui l’a détesté, qui l’a pourri. Parce que c’était de sa faute que son frère s’est éloigné d’elle, ce sont ses mots à elle qui l’ont blessé et qui l’ont fait fuir. Elle n’a pas besoin d’avoir fait une école de psychologie pour pouvoir décrire son aîné. Même si certains points restent toujours flous et incompréhensibles pour elle. Comme ce besoin incroyable de vouloir la retenir sur tout ce qui le concerne, de près ou de loin. Et il n’a plus le droit de faire ça. Wren n’a plus le droit ni le besoin de la protéger, que ce soit de lui ou de son monde. Elle peut et elle veut être là, quand ça va et quand ça ne va pas. Les hauts et les bas, il l’a connu avec elle. C’est lui qui a assagi toutes ces craintes, c’est lui qui se roulait autour d’elle quand elle faisait une crise dans sa chambre. Toujours et encore Wren, son fidèle bouclier face au monde entier. Et elle déteste tout ce qu’elle lui a fait subir alors qu’il n’était qu’un môme.
Elle a l’impression de ne l’avoir jamais remercié, de n’avoir jamais fait preuve de gratitude. Et c’est sûrement le cas. Sa période adolescente a été tumultueuse, et la fratrie Doherty ont créé du remous aussi bien dans les vies d’autrui que les leurs. Ils faisaient les mêmes conneries mais personne ne comprenait personne. Tout le monde se disputait, tout le monde hurlait et l’appartement pouvait vite être le terrain d’affrontement à ne plus en finir. Se finissant souvent avec Wren claquant la porte, Tobias brisant quelque chose et Freya finissant en boule quelque part. Leur mère n’était plus là, elle est présente physiquement mais mentalement, le feu l’avait consumé sur tous les niveaux. Freya avait abandonné toute espoir d’un jour, réussir à créer un lien avec sa génitrice quand celle là lui a envoyé une boite de mouchoirs dans la figure parce qu’elle avait osé laisser entrer de la lumière. Une boite de mouchoirs, ça ne fait pas mal et pourtant, ça l’avait totalement brisé.
Alors Freya se montrera reconnaissante maintenant. Mieux vaut tard que jamais comme on dit, n’est-ce pas ? « J’te détesterai jamais. Regarde Tobias… Il est pire que toi mais j’peux pas m’empêcher de m’accrocher. Parce que vous êtes mes frères, vous êtes ma famille et qu’on est déjà assez cabossé comme ça pour qu’on cherche à se briser encore plus. » Elle espère que ses mots trouveront un écho dans les oreilles de son aîné parce qu’elle le pense, elle le vit et elle le ressent comme ça. « J'ai ma part de responsabilité. J’ai dit la pire des saloperies la dernière fois. J’aurai pas dû. » Elle se mord la joue. « J’suis désolée. » Wren est le seul privilégié qui peut entendre Freya s’excuser. Ce mot, elle ne l’aime pas car elle l’aplatit comme une crêpe et lui fait regretter des actions que la plupart du temps, au final, elle ne regrette pas. Mais pour le coup, elle a été une véritable peste de l’avoir comparé à leur géniteur.
« C’est pour ça que tu mérites de savoir c’que c’est d’être avec quelqu’un, big bro. » Elle eut un sourire tout en levant les yeux au ciel. « Évidemment que tu peux toujours compter sur moi. C’est c’que j’me tue à te rabâcher, j’te signale. » « Non, c'est vrai, je suis pas objectif mais bon, tout le monde sait que ma petite soeur, c'est la femme de ma vie. Si quelqu'un la touche et lui fait du mal, c'est là où je deviens insupportable. » Et c’est ça qui peut lui faire peur à Freya. Mais elle ne le montre pas, non. Elle accentue son sourire et fait pression sur leurs mains jointes. « Faut aussi que le grand frère sache faire attention à lui alors, parce que la petite sœur ne peut pas non plus supporter s’il lui arrive quoique ce soit. » Vraiment et sincèrement.
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| | | | (#)Sam 10 Aoû 2019 - 13:27 | |
| Sans Freya, il avait bien trop souvent l'impression de couler. Finalement, peut être que c'était lui qui avait besoin d'elle pour le rassurer et prendre soin de lui, ce grand dadais au coeur d'acier. Du moins, c'était l'impression qu'il voulait donner aux gens autour de lui, l'insensible qui usait d'ironie pour faire croire aux gens qu'il s'en fichait pas mal de leur existence. C'était simplement une technique de défense comme une autre, pas si bonne qu'elle en avait l'air puisque celle-ci lui avait empêché d'être proche d'autres personnes que de sa famille avec le temps. Un être humain n'était pas fait pour vivre seul, Wren avait juste voulu dire merde à l'adage parce qu'il fallait toujours qu'il ne fasse rien comme tout le monde, apeuré par la notion même de conventions. Il était censé être le type sans principe, le pompier attiré par le feu, le fou qui n'avait peur de rien, ni de la mort ni de l'amour... Quelle belle connerie. S'il y avait bien quelque chose dont Wren avait peur, c'était bel et bien l'attachement. Il n'avait réussi qu'à aimer les autres Doherty en trente années de vie et encore, désormais, il n'y avait vraiment plus que Freya qui semblait compter dans l'équation vu les relations conflictuelles qu'il entretenait avec les autres. Même elle, il arrivait à la décevoir. Elle lui en avait voulu des semaines pour ce qu'il avait osé lui dire la dernière fois et Wren aussi s'était méprisé pour tout cela. Faire du mal à sa petite soeur, c'était ce qui le blessait toujours le plus et il avait bien du mal à agir de manière normal et logique quand ils se boudaient. C'était fini tout cela, elle était venue lui rendre visite à l'hôpital malgré tout, même si elle avait commencé par l'engueuler pour sa flagrante bêtise. "Tant mieux si tu peux pas me haïr. Tu restes ma préférée, toujours." Sa Freya. Celle qui s'excusait. Oui, elle l'avait fait et Wren dût sortir des yeux ronds une bonne seconde avant de se mettre à lui sourire, spontanément. "T'avais pas besoin de t'excuser, j'ai totalement oublié ce que t'as dit la dernière fois." Il lui fit un clin d'oeil pour lui signifier que tout cela faisait partie du passé. Désormais, c'était à lui de faire plus d'efforts pour se confier à sa cadette, même si ce n'était pas naturel pour lui. Après tout, il avait passé le plus clair de sa vie à la protéger de toutes les misères du monde alors, c'était difficile à imaginer que les rôles pouvaient s'inverser maintenant qu'ils étaient tous les deux adultes et sur le papier, responsables. "On verra ce que l'avenir réserve dans ce cas. En attendant, je vais tâcher de faire plus attention à ma carcasse, je voudrais pas que tu me tues une deuxième fois s'il m'arrivait quelque chose." Il faisait un métier dangereux et il n'était jamais totalement certain de rentrer chez lui après une garde. Freya le savait et elle devait détester cela, c'était certain. "Tu penses que je pourrais être autre chose qu'un pompier, toi?" Wren ne s'était jamais vraiment posé la question mais Freya, elle, avait certainement plus d'idées que lui dans l'affaire, lui serrant la main avec toute la tendresse qu'il pouvait avoir envers elle.
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| | | | (#)Sam 10 Aoû 2019 - 16:46 | |
| « Tant mieux si tu peux pas me haïr. Tu restes ma préférée, toujours. » Freya lâche un rire honnête et sincère. « Jusqu’à c’que la mort nous sépare, big bro. » Et pourtant, elle ne devrait pas en rire, elle qui s’est retrouvée dans le même hôpital plusieurs fois à cause de ses tentatives à vouloir trop frôler la mort de trop près. Voir Wren dans ce lit, ça lui donne une certaine image de la panique qu’il a pu avoir quand la situation était inversée, quand c’était elle qui se trouvait à sa place. Seulement, son aîné s’y trouve parce qu’il fait un métier honorable. Dangereux, mais honorable. Et qu’il aurait pu y passer et qu’ils se seraient séparés sous de mauvaises ondes. Freya ne s’en serait pas remise s’il avait eu quelque chose de plus grave, si elle n’avait pas eu le temps de lui dire, de lui confirmer qu’elle l’aime plus que tout. Qu’il serait parti avec elle lui crachant à la figure qu’il est comme leur père, leur fichu géniteur, alors que non, non il ne l’est pas. Il est bien plus valeureux et honnête que lui. Il est plus droit et il est plus courageux que lui.
Quand elle s’y trouve, dans ces lits, ce n’est pas parce qu’elle a essayé de sauver des vies ou d’éteindre des flammes. Freya a beau se moquer de l’ironie que son frère ou de son meilleur ami mais leurs jobs font d’eux des personnes au fond altruiste. Ils se mettent en première ligne pour défendre ou protéger, quitte à se brûler les ailes. Mais ce sont les risques qu’ils rencontrent tous les jours. Ils sont payés pour ça. Parce qu’ils l’ont choisi. Alors que Freya ne sauve pas de vie. La sienne passe son temps à grelotter au fond d’une bouteille d’alcool avant d’être complètement happée. Elle n’est qu’une grande égoïste de toute façon, ce n’est pas une nouveauté. Freya lui tape le bras quand elle voit les grands yeux surpris qu’il lui fait. « C’est bon, sois pas aussi choqué. » « T'avais pas besoin de t'excuser, j'ai totalement oublié ce que t'as dit la dernière fois. » Doherty n’y croit pas un mot. Elle aurait été à sa place qu’elle lui en aurait voulu, qu’elle n’aurait pas lâcher le morceau et qu’elle l’aurait eu mauvaise pendant un moment. « J’serai rancunière pour deux alors. » Ce n’est pas quelque chose que Freya se pardonnera à elle même en tout cas de si tôt.
« On verra ce que l'avenir réserve dans ce cas. En attendant, je vais tâcher de faire plus attention à ma carcasse, je voudrais pas que tu me tues une deuxième fois s'il m'arrivait quelque chose. » Freya sourit tout en tapotant la joue de son frère. « Ouais, fais ça. Tu sais que j’serai capable de te ramener juste pour te tuer moi même. C’est bien que t’en as conscience, big bro. » Il y aura quelque chose à faire de lui, elle y croit, elle y croit.
« Tu penses que je pourrais être autre chose qu'un pompier, toi? » Cette question, Freya ne s’y est pas attendue. Son front se plisse parce que la question est vaste. « Tu m’en poses une colle, là. Déjà que j’vois pas c’que moi j’peux faire. Enfin, j’suppose qu’on peut être tout c’qu’on veut. » Puis elle penche la tête sur le côté. « Pourquoi ? Tu comptes arrêter ? »
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| | | | (#)Dim 11 Aoû 2019 - 1:49 | |
| Les Doherty et leurs principes. Les Doherty et leur sale caractère. On pourrait certainement écrire une saga entière sur les relations qu'ils entretenaient et les choix hasardeux qu'ils faisaient. S'il y avait certainement une famille qui tomberait dans la folie avant les autres dans cette ville, ce serait bien la leur. De toute manière, ils avaient déjà commencé puisque leur père était un fou furieux, que leur mère n'était plus très cohérente et qu'un des jumeaux n'avaient aucune limite depuis des années déjà. Finalement, les seuls qui pouvaient encore toucher terre, c'était bien Freya et Wren mais, eux aussi, avaient bien des failles. La première luttait contre sa bipolarité, le second se battait contre son amour du feu. Dans les deux cas, ils essayaient de tenir le coup mais bien trop souvent, ils faisaient des erreurs et s'en suivaient de multiples tragédies. Comme leurs disputes récentes, nombreuses, les rendant fragiles, voire même malheureux. Wren l'avait été durant des semaines parce que c'était sa petite soeur, cette personne qui avait toujours compté pour lui, qu'il aurait sauvé contre vents et marées, loin d'essayer de se sauver lui-même en premier lieu. Elle d'abord, toujours elle. "Même la mort nous séparera pas." Au moins, il avait cette certitude. Wren ne voyait pas la mort comme une fin en soi, plutôt comme un renouveau et il était persuadé de retrouver sa cadette de l'autre côté du miroir. Qu'elle le veuille ou non, en tout cas, il viendrait la chercher. Jamais sans elle, il n'était pas assez fou pour envisager un au-delà sans sa présence rassurante à ses côtés parce que c'était ce rôle là qu'elle était en train de jouer à l'heure actuelle, pour lui. Retournement de situation des plus acceptables. "Bornée, mademoiselle, évidemment." Il lui fit un clin d'oeil joueur, il l'aimait également pour cette raison, c'était évident. "J'en ai conscience et je sais aussi que tu trouveras le moyen de me faire souffrir terriblement pour ma seconde mort alors, je vais pas m'y frotter." Freya était capable de le dépecer vivant pour lui faire payer une telle erreur. Hors de question de risquer une mort paisible, et peut être même plaisante si c'était possible. En attendant, Wren avait encore des choix de vie à opérer, sans trop savoir où est-ce qu'il terminerait. Perdu certainement. "Non, je sais pas... En fait, je me rends compte que j'ai jamais réfléchi à rien et j'ai trente balais, peut être que j'aurais dû faire plus gaffe, j'aurais eu une meilleure vie. Ouais, j'aurais dû penser à tout ça mais bon, j'ai pensé à vous et je regrette pas, c'est ce que j'ai fait de mieux de toute façon." Il avait mis les besoins de la famille avant les siens et peut être qu'il était juste fait pour cela, veiller sur les autres, être un protecteur, un père de substitution. Le reste, il n'y avait jamais réfléchi. L'idiot.
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| | | | (#)Lun 12 Aoû 2019 - 21:14 | |
| « Même la mort nous séparera pas. » Jamais. « C’est toi, moi et la faucheuse dans un huis clos impitoyable si elle essaie de nous séparer. » Si tu tombes, je tombes avec toi. Si tu flanches, je flanches avec toi. Une promesse prononcé par un gamin qui avait à peine dix ans à sa jeune sœur. Des paroles qui ont toujours raisonné comme un écho au coin de sa tête à Freya. Un lien qui les relie, plus que leurs mains jointes, plus que ce sang qu’ils partagent. Elle donnerait sa putain de vie pour lui épargner ne serait-ce qu’une seconde de souffrance. Alors qu’il se montre comme ça devant elle, aussi incertain, rempli de doutes et ne démordant pas sur le fait que non, il ne mérite personne, Freya a envie de le secouer. Elle essaie de le faire maintenant parce qu’elle juge qu’elle s’est trop absentée de la vie de son aîné. Ils ont chacun leurs démons, chacun leurs propres cicatrices à masquer. Des erreurs à fixer, une vie à affronter chaque jour. Se lever, ouvrir les yeux, poser les pieds au sol, marcher, respirer, essayer de faire de son mieux et se foutre en l’air. Pour mieux recommencer demain. Ils n’ont pas été conçu dans le bon sens, clairement. Les Doherty roulent à droite alors que tout le monde est à gauche. Pas étonnant qu’ils se prennent carcasse sur carcasse à longueur de temps. Le panneau Stop leur fait l’effet inverse. Ils ne connaissent pas le frein, juste l’accélérateur. Aller plus vite, plus loin, plus rapidement. Vers où ? Vers le mur, vers un gouffre, vers l’abîme des gens paumés parce que c’est ce qu’ils sont. Une belle brochette de gens perdus.
Et la preuve, Wren lui balance ce qu’elle entend comme une remise en question de sa vie professionnelle. Sa cadette n’est pas la mieux placée pour lui donner des conseils sur ce plan là. Elle qui n’a jamais réussi à garder un emploi stable et qui est aussi diplômée qu’Homer Simpson. Condition psychique qui finit toujours par se faire rejeter un moment ou un autre mélangé à un manque d’intérêt total pour tous ce qu’elle a entrepris jusqu’à maintenant. « Non, je sais pas... En fait, je me rends compte que j'ai jamais réfléchi à rien et j'ai trente balais, peut être que j'aurais dû faire plus gaffe, j'aurais eu une meilleure vie. Ouais, j'aurais dû penser à tout ça mais bon, j'ai pensé à vous et je regrette pas, c'est ce que j'ai fait de mieux de toute façon. » Freya se mord la joue, son cerveau tourbillonnant pour trouver les mots justes. Elle fait blocus sur chaque mot prononcé par son frère parce qu’il n’y a pas une once de vérité. Enfin, si. Il aurait pu – il aurait dû – avoir une vie meilleure. Il n’aurait pas dû avoir à supporter trois boulets enchaînés à ses pieds aussi tôt, aussi jeune. « Franchement, pour quelqu’un qu’a pas réfléchi, tu t’en sors pas trop mal. » Et bien, on peut féliciter la cadette pour donner du moral à ses troupes. « T’aurais fait gaffe quand ? Quand t’avais seize piges ? Quand il a décidé de tout cramer ? » Peux-tu entendre l’amertume et le dégoût qu’elle a en prononçant ces paroles ? Parce qu’elle l’a toujours mauvaise, forcément. Pour elle, pour Wren, pour Tobias. Même pour cette mère qu’elle n’a jamais réussi à percer à jour, à créer ce lien qu’on vante souvent entre une génitrice et sa rejeton féminine. Étrangement, ce sont les hommes qui la brisent mais ce sont aussi eux qui la recollent à chaque fois.
Mais aucun d’entre eux n’arrivera jamais à la cheville de leur père. Et quand elle entend Wren tenir ce genre de discours, Freya nourrit encore plus sa haine envers leur géniteur. Un jour, elle ira le voir et elle ira lui hurler tout le mal qu’elle pense de lui. C’est ça, c’est le genre de promesses que tu maintiens dans ta tête depuis des années. Quand auras-tu le cran de le faire ? Soyons réalistes : probablement jamais.
« T’es un pompier, Wren. Tu sauves des vies. Et tu t’es trouvé une fille bien. T’es vraiment en train de te dire que tu pourrais faire mieux ? » Parce que pour elle, Freya ne voit pas comment il pourrait atteindre cet objectif d’une autre façon. « Regardes moi ou Tobby. On arrive même pas à un quart de ton niveau. » Et ne culpabilises pas, s’il te plaît, ce n’est pas le but. « On aurait tous pu avoir une vie meilleure. Mais on est obligé de traîner celle qu’on a, pour le meilleur et pour le pire. » « J’ai été viré de mon job. » Freya balance ça comme on balance un poids mort dans l’océan pour s’en débarrasser. Pas qu’elle le cache à son frère, juste qu’elle n’a pas pensé à lui dire. D’autres trucs à régler avant. Et puis, elle n’a jamais réussi à garder un job très longtemps, ce n’est pas une surprise en soi. « Ça m’fait flipper pour le loyer, comme à chaque fois mais j’ai p’t’être déjà trouvé une nouvelle ambition future. » Doherty rit légèrement tout en se massant le front. « Tu sauves des vies, j’les enterre. On s’complète bien. Encore une fois. » Elle lui sourit ce qu’elle veut être rassurant et apaisant. « Et t’as que trente piges, t’es pas non plus à l’article de la mort. Même si on peut croire le contraire parce que j’le répète, t’as vraiment une sale gueule. » Cette fois, Freya a un ton un peu plus léger et amusé.
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| | | | | | | | DOHERTYS • whatever our souls are made of, his and mine are the same |
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