8 pm, my boat. Mes mains font encore mal, les connasses. Elles brûlent, elles sont dans un piteux état aussi. Jo s’est improvisé aide-soignant quand j’avais l’habitude de gérer mes propres plaies toute seule, la boxe et les bagarres de ruelle qui ont fini par me filer un bon bagage de connaissances. Mais il a insisté, j’ai laissé aller. On avait besoin d’une trêve ; lui autant que moi.
Birch est resté derrière quand j’ai filé à nouveau vers le bateau de Levi. Le deuxième quart de boulot presque, une fois que l'anglais aura fini de jouer à touche-pipi avec son boy toy. Ils devaient écrire qu’il disait, j’espère que la menthe que j’ai filée au McGrath avant qu’il se tire lui a changé l’haleine de gerbe et de bile à côté. Ils pourront pas dire que je mets pas tous les éléments de l’avant pour que leur couple fonctionne. Lol.
Mais Levi est nowhere to be found. Je grimpe sur le bateau, fais le tour du pont, entre dans la cabine. Il avait dit 8pm, mon cadran interne à la seconde près qui m’a postée sans le moindre effort sur Cadence à l’heure pile. J’ai ses derniers chiffres en tête qui roulent sur eux-mêmes, j’ai toutes ses données assemblées qui se cumulent, j’ai ma journée entière à laquelle j’ai envie de faire le plus gros finger de l’histoire de l’humanité et en prime, il est pas là. Il est pas là. Il est ailleurs, il erre ailleurs, il se traîne les pieds, il se moque l’idiot, je suis sûre. Il fait exprès d'être en retard. Or he’s somewhere and he needs help. Fuck you. Maybe he’s stuck on the way back. Fuck off. Maybe he’s dying some place shady no one would ever find him. Shut the f-.
Mon portable que je sors avec urgence de ma poche et son numéro que j’ai même pas besoin de composer comme il est le premier enregistré dans mon annuaire.
Et il décroche. Ou du moins, someone does. « Where the fuck are you?»
Tu avais emprunté le chemin du retour vers Bayside à 7:45pm. Selon tes calculs, basé sur l'accoutumée, tu disposais du temps nécessaire pour parvenir à ton bateau aux huit heures du soir tapantes et sonnant ton rendez-vous avec Ariane. Vaguement, l'image de son vœu, ayant des parfums de trêve sur une voie qui promettait plus d'un hurlement de rage, de colère, de tristesse et de douleur, te revenait en mémoire.
I want you to survive this shit once and for all. Also want to get fucking wasted like never before.
Mais il ne perdurait pas. Et dès que tu avais quitté la compagnie d'Asher, le compte-rendu médical du scanner que tu avais subi plus tôt dans la journée te happait tout entier. Tu marchais dans les rues de Brisbane, la première fois de ta vie le nez collé sur l'écran de ton téléphone, mémorisant chaque mot, inspirant chaque virgule, grognant à chaque faute d’orthographe. Tu appuyais sur le moindre terme fatidique, repassais dessus, encore et encore, comme si tu espérais les dépouiller de toute leur gravité, de l'intégralité de leur sinistre sens. Mais ils résistaient, les cellules cancéreuses et métastases. Ils se tenaient toujours aussi impériaux dans ton esprit, ils ne perdaient pas de leur monstruosité, de leur fureur comme de leur épouvante. Si bien qu'au lieu de prendre quinze minutes pour parcourir les rues que tu connaissais par cœur, il t'en fallait quasiment le double.
Ton téléphone sonne, mais tu es toujours sur ton email et aussi surpris qu'ignare, tu as appuyé n'importe où pour revenir sur le compte-rendu. « Where the fuck are you? » La voix de Parker vocifère du smartphone. Tu râles, continues d'appuyer sur les boutons pour la faire taire. Tu es à moins d'un kilomètre de la marina. « 5 minutes. » Tu finis par grogner, capituler, incapable de raccrocher par tes propres moyens. Tu ranges l'engin dans ta poche. Hors de ta vue.
Tu composes une vulgaire statistiques. Tu ne peux pas t'empêcher d'y songer en parcourant les différents pontons vers Cadence. Les médecins ne veulent jamais dialoguer en pourcentages, gratifiant chaque cas d'unicité. Cependant, tu as parcouru les différents sites Internet avec Ariane et tu as mémorisé tous les chiffres. Le taux de survivants après cinq ans, selon leur traitement, selon leur type de cancer, leur avancée. Les évolutions de la maladie. En 2017, il n'avait jamais été question de métastases pour ta part, mais la toile en discutait déjà. Le foi, les poumons, les os étaient les lieux par prédilection de la cour dans laquelle tu jouais. Selon le scanner, tu entrais encore dans la norme, tes poumons ayant été colonisés.
« I got wine. » T'annonces, te fichant bien des promesses de la Parker à l'égard de son amant tatoué. Autant commencer avec classe - et tu sais que le vin est l'un de ses alcools favoris, bien que peut-être pas pour prendre une cuite. Don't care anyway.
Je me jure que je vais l’éclater. Qu’à la seconde où il mettra le pied sur le bateau, je vais défoncer son crâne d’idiot en puissance sur le mât. Lui arracher la gorge avec mes dents s’il le faut rien que pour lui apprendre la ponctualité, le respect. J’ai les mains qui se contractent rien que d’y penser, le regard qui se brouille quand y’a une fraction de seconde qui se dédie au fait que Levi arrive jamais en retard avec moi. Qu’il sait à quel point je suis imbuvable après, qu’il se fait pas chier à tolérer mon caractère de merde en plus du reste s’il me fait attendre.
Sa voix exaspérée à l’autre bout du fil reçoit mon soupir tout aussi exagéré en échange. 5 minutes he said. I can deal with that. Maybe something happened. Yeah something will if he’s not there in 5 minutes sharp. If he arrives.
« I got wine. » qu’il déclare comme si de rien n’était quand il finit par embarquer sur le bateau. La bouteille que je lui arrache presque des mains sans qu’il ne bronche. « Good. » parce que y’a personne là, parce que y’a que lui et moi, et parce que j’ai fini depuis longtemps par capituler sur le fait qu’avec tout ce que Levi me renvoie à la gueule depuis le retour de son cancer, je mérite pas d’endurer d’être sobre en plus. J’ai rien à prouver, j’ai craqué depuis longtemps, personne sait sauf lui, mais je lui fais confiance sur ma vie. Qu’il s’étonne pas donc, que je décapsule le tout d’un geste vif, que je boive une première gorgée à même le goulot en essuyant l’instant d’après mon menton du revers de la paume.
« So your lungs are joining the party. » évidemment que j’ai passé tout mon temps à lire et relire le courriel qu’on a reçu. Évidemment que j’ai analysé chaque ligne, remis en question chaque chiffre. Mon historique sur Google a des airs de celui d’une étudiante en médecine en fin d’année tellement je cherche creux et longtemps, tellement chaque élément est pris en considération de tous les angles possibles et inimaginables. Mon ton est tranchant, ceci explique cela, mes iris passent en coup de vent de sa gorge à son torse, font le trajet d’un air qui en devient vicié dès qu’il l’inspire, dès qu’il le recrache.
Et je secoue la tête, me change drastiquement les idées, me rappelle la connerie pour laquelle j’ai fait un détour à l’épicerie sur l’aller, ce qui m’a occupé les mains et la tête à moitié, mais assez pour que je m’en souvienne finalement. « There’s lasagna waiting in your pityful oven. » la même qu’il me demande à chaque fois qu’il a un rhume, la même qu’il implore en pleine canicule, la même que je lui cuisine depuis qu’on a à peine 12 ans.
La bouteille de vin quitte sans cérémonie tes paumes pour devenir la possession d'Ariane. Tu commences à avoir des visions de Gollum et son anneau maudit quand elle décapsule le contenant d'une main experte - ainsi que meurtrie d'avoir agressé un miroir sans défense - et en fait couler son contenu dans sa gorge goulûment. « Good. » Tu répètes, sourire mitigé entre la malice et la complicité pendu aux lippes.
Elle rage, tu en as conscience. Déjà que tu avais le sentiment de risquer la troisième guerre mondiale au cours de votre précédente conversation par SMS, le comportement de la Parker augure l'implosion pure et dure. « So your lungs are joining the party. » Et t'en reçois présentement, brusquement, les éclats. Ton sourire disparaît, sa fausse copie s'immisce. « They sure are. » Tu la toises, réfléchis. Tu n'as pas envie de piquer sur ta pathologie, vous vous étiez promis une soirée sous l'emprise de l'alcool et de la drogue à ton sens. C'était ce dont tu - vous - avais besoin. Cancer free.
« There’s lasagna waiting in your pityful oven. » Ton regard passe de sa pâleur aveuglante à la cabine de ton bateau. La lasagne d'Ariane représentait le plat par excellence quand tu subissais une débandade. Elle le savait, s'en rappelait, en était peut-être même fière de jouir de ce vecteur de sentiments sur toi ? « What have you put in it? » Weed ? Tu espères à demi-mot. Sa préparation est sacrée. Tu jugerais comme sacrilège toute altération. Cependant, de la bonne herbe en guise d'épice pourrait peut-être être tolérée. Tu extirpes la bouteille de vin des mains d'Ariane et viens la porter à tes lèvres pour en ôter une généreuse gorgée. « Not any of that tonight. » Tu prohibes, tes prunelles rivées sur le smartphone de la trentenaire que tu désignes d'un index désapprobateur. « The only plan is getting fucking wasted. » Tu lui rends la bouteille, allumes un premier joint, tires allègrement dessus, le tends à ton interlocutrice. « Not allowing any disturbance. » Même sous la forme de Kane, Asher, Joel comme d'un McGrath. Tu tournes les talons, t'enfonces dans la cabine pour revenir muni de la lasagne, deux fourchettes, des bouteilles d'alcool, ta boîte de nécessaires à rouler. Tu déposes le tout sur le pont. Let it all begin.
La piqûre de rappel qu’il refuse, catégorique. Pas que ça m’étonne, brève déception qui passe au même titre que son sourire se tire de ses lèvres. « They sure are. » et je gobe une nouvelle gorgée pendant qu’il réfléchit, qu’on a décrété ce à quoi on porte un toast ce soir, ce qui s’immisce derrière chaque lampée, ce qu’on essaie d’assimiler autant qu’oublier. C’est un pas de plus dans une direction que je hais déjà d’emblée, il le sait, je m’en cache pas. J’ai jamais autant détesté Bali que depuis quelques semaines.
« What have you put in it? » « The original. » parce que ma lasagne était sacrée. Aucune autre bullshit que les ingrédients de base. Parce que c’était la même recette depuis toujours, que j’allais certainement pas modifier la version qu’on connaît, celle qui est familière, celle qui nous apporte un peu de réconfort dans ce monde de merde. Qui m’en apporte en sachant très bien que c'est le cas pour lui également. Aussi stupide ça peut avoir l’air. Ma main libre qui pallie à son air presque déçu que je perçois comme une évidence, lorsqu’elle se faufile dans la poche arrière de mon jeans pour lui renvoyer à la tête le sachet de quelques grammes achetés sur le chemin également. Qu’il l’attrape au vol.
Levi investit la bouteille de vin, je grogne, montre presque les dents. « Not any of that tonight. » il boit une longue gorgée, il savoure même pas le con. Et ses iris réprobateurs qui s’additionne à son doigt rageur lorsqu’il pointe mon portable dégainé plus tôt question de lui mettre la pression sur son arrivée de retardataire. « Not allowing any disturbance. » « Or what? » que je jauge, le menton qui remonte, le coup d’œil de défi qui s’ajuste. Et le pire, c'est que je demande rien que pour faire le chier, parce que j'ai clairement pas le moindre intérêt pour les autres là. Par contre pour lui, j’ignore combien de temps il arrivera à arrêter de texter désespérément son farfadet de malheur. La rage sans fondement que je voile, calant le goulot contre mes lèvres une énième fois avant de lui refiler la bouteille en improvisant son tour. Et mon pouce et mon index soulèvent mon téléphone, le brandissent sous ses yeux avec autant d’insolence que possible, avant de le lancer à l’autre bout du pont. L’appareil qui se cogne contre la rambarde, qui tombe pas par-dessus bord par contre – étonnant, comment j’en ai rien à foutre.
Mes yeux le suivent alors qu’il file à l’intérieur. Et le vin duquel j’abuse, je sais, mes lèvres carmin qui en sont déjà bien trop imbibées. Quand Levi reviendra avec le catalogue complet du vice, j’ai déjà récupéré la weed pour la moudre distraitement. Une chorégraphie, la nôtre, calculée et répétée durant des dizaines d’années maintenant. « I’ll always remember the first one you rolled for me. » et je m’installe au sol, entourée des vivres qu’il a accumulées. « Damn you were a dick. » l’instant nostalgie qui m’arrache un éclat de rire, franc, en me rappelant à quel point il m’avait fait croire que c’était de l’herbe qui valait le double du prix habituel – et l’arnaque orchestrée alors qu’il m’avait vendue une clope verte à l’origan séché à la place. Asshole.
La recette traditionnelle et unique à la gastronomie orchestrée par Ariane a triomphé. Tu hausses nonchalamment les épaules, te dis que c'est finalement judicieux de ne pas avoir ajouté d'artifice à ce met relevant du sacré dans vos souvenirs, au sein de votre relation. « Don't change a winning team. » Tu constates, lourd de sous-entendus. La lasagne, sa promesse renouvelée de demeurer à tes côtés pour combattre ta maladie infernale.
Elle te jette un sachet de weed avec désinvolture, il se trouve assez de quantité pour être high jusqu'à la fin de l'année sur ce bateau. Tu lui dérobes la bouteille de vin, arroses ton organisme d'une gorgée à ton sens largement méritée. T'établis des règles : pas de téléphone, pas de distraction. Un seul objectif : se prendre une cuite comme jamais. « Or what? » Elle provoque, défie. « Or I'll kick you out of our boat. » Tu fais écho aux bribes d'une de vos récentes altercations. Ses longs doigts fins se nouent autour du goulot de la bouteille, son autre main libre envoie valser sans douceur aucune son téléphone qui glisse plusieurs mètres plus loin, rebondit brutalement contre la rambarde. Good. I want you to stay.
Tu passes devant l'outil de communication sans y prêter attention, clope verte au bec. Tu reviens avec le kit de base pour votre soirée éclectique. Ariane moud machinalement son herbe. Manifestement, vous faites dans la coutume ce soir. « I’ll always remember the first one you rolled for me. » Tu ris sincèrement instantanément, le souvenir n'ayant nullement terni malgré les nombreuses années figurant au compteur séparant le présent de cette anecdote. « Damn you were a dick. » « You were so stupid. » Tu rétorques, bien que tu endosses avec fierté le titre de dick. « You still are, but you're getting better. » Tu taquines, épris pour l'instant du respect suffisant à t'inciter à détourner la tête pour expier ta fumée toxique ailleurs qu'en plein visage de ton interlocutrice. « You thought you were so high... High as a kite! » Tu imites sa voix adolescente à l'articulation de ces derniers termes, réprimes nullement un rire. Puis, tes yeux se perdent sur le gouvernail de Cadence, tu glisses une nouvelle gorgée de vin dans ta trachée. « Let's sail away. » Tu frises la rhétorique. « Let's leave the marina. Some miles away. I got some teaching to do. You can't stay that stupid. » Tu te lèves, t'appliques déjà à remonter les amarres.
« Or I’ll kick you out of our boat. » je fais gaffe à pas tiquer sur l’évidence, our boat, les papiers qui me donnent les droits sur le seul truc auquel il tient vraiment, qui est autant à moi qu’à lui en quelque sorte. J’ai pas envie de penser à si jamais, j’ai pas envie de réfléchir à l’après.
No disturbance c’est aussi garder loin de nous les pensées noires axées sur sa maladie. Alors je focus sur le fait qu’il a acheté mon vin préféré pour finir bourrée, et qu’il vient de rouler et d’allumer le plus tight joint de l’univers. Mon téléphone reçoit le traitement d’honneur de survivre à l’impact d’être lancé le plus loin possible de nous, mes yeux lâchent pas ceux du McGrath. « Try and see what happens. » cause I want to stay here with you.
S’il part pour mieux revenir, il se moque d’emblée quand je m’installe au sol sur le pont à préparer la prochaine clope verte d’une longue lignée. « You were so stupid. » et j’y peux rien si ma main se ferme en un poing bien serré, si la seconde d’après je cogne son épaule avec violence. C’est l’instinct qui parle là, c’est préenregistré et tellement prévisible, mais ça fait un bien fou aussi. Sa tête qu’il détourne pour expirer sa fumée ailleurs, mon pouce et mon index qui se calent contre son menton pour forcer sans douceur aucune son visage à se retourner à nouveau vers le mien le temps que je lui subtilise le joint. « You still are but you’re getting better. » j’inspire une longue bouffée, retiens le tout à l’intérieur de longues secondes avant de recracher à mon tour, et finir par rouler des yeux en lui replaçant le tout au bec. « While you’re still stuck being the biggest dickhead I’ll ever know. » l’expression faussement agressée qui jure avec le coup d’œil que je lui lance. Don’t ever change that.
« You thought you were so high… High as a kyte! » il rit encore le con, je broie avec hardiesse l’herbe dont il se servira pour rouler le prochain joint, enragée contre le sourire en coin que je sens monter au creux de mes joues. J’ai des idées de grandeur ce soir, je suis pressée, empressée. Je fais exprès de pas le réaliser aussi. Surtout. « By the way you still owe me for that shitty oregano crap. And the pizzas after. » il m’avait fait payer pour la fausse mari, il m’avait encouragée dans mes munchies de fin de soirée. Dans les faits, l’argent qui avait payé le tout appartenait à un random dude que j’avais volé sur la rue sans pitié aucune, mais c’est tout de même une dette qui flotte entre nous deux depuis. Si y’a du fric à faire maintenant qu’il est riche – autant le lui rappeler.
Son attention se perd vers le gouvernail. « Let’s sail away. » j’allonge mes jambes une à la suite de l’autre, reprend du vin à l’entendre. « Let’s leave the marina. Some miles away. I got some teaching to do. You can’t stay that stupid. » « Whose fault is it? » que je chante, la voix qui râle gaiement, lui qui n’avait jamais voulu m’apprendre, moi qui avait arrêté de lui demander à un moment parce que je déteste supplier qui que ce soit, et surtout Levi.
Et il se redresse maintenant que je finis ma gorgée de vin, que je me lève à sa suite pour lui tendre la bouteille à terminer. « But we’re under the influence, it’s so not safe. » et je feins d’être outrée, je pouffe de rire aussi. Il se charge de finir l’alcool en préparant le bateau pour sa prochaine aventure – chose qu’il a pas faite depuis des semaines. Mes prunelles qui le suivent, qui enregistrent tout, mémorisent plus que jamais. La technique autant que le fait que Levi sail à nouveau. J’ai finis par appuyer ma silhouette à quelques centimètres de la sienne, juste assez pour étirer mon bras lorsqu’il passe proche et piquer à nouveau le joint de ses lèvres. « Who taught you back then? »
Éternelle opposition, vos langues claquent l'une à la suite de l'autre, s'entremêlent parfois au cœur de la nuée de vos termes acides que vous vous rejetez impétueusement. L'acerbe répartie à la base de votre relation, vous vous éprenez en vous ouvrant des plaies, vous vous y faufilant pour vous rendre indispensables, inévitables. Tu as vu le pire d'elle et c'est réciproque, vous vous aimez autant que vous vous détestez. « Try and see what happens. » « So tempting. » Tu réduis la distance entre vous deux, tes mèches brunes taquinent son visage blême, ton souffle coule sur sa peau, puis tu lui dérobes la bouteille à même sa bouche, en bois une part avant de lui rendre son biberon.
Tu te lèves, ravitailles le pont comme il se doit. Un rire franc file entre tes lippes lorsqu'elle emprunte memory lane, relate une de tes anecdotes favorites où tu t'es prodigieusement payé la tête d'une Ariane à peine pubère qui se persuadée être shootée à l'origan. Si tu l'affubles du qualificatif de stupide, tu demeures la dick en puissance de son histoire. « While you’re still stuck being the biggest dickhead I’ll ever know. » « My proudest accomplishment. » Tu vantes, l’œil brillant de malice comme de fierté. Elle te rappelle tes dettes, tu hausses les épaules, désinvolte. « So many debts, so little time. »
Puis tu te lèves, joint au bec, après avoir ouvert une deuxième bouteille d'alcool en anticipation. Tu lâches la proposition indécente, accordes ce que tu lui as toujours refusé, sans songer aux conséquences, trempant dangereusement dans les circonstances. Tu t'animes, relèves les amarres, contractes tes muscles à hisser les voiles quitte à accentuer tes douleurs. Tu entends à peine Ariane qui aguiche dans son coin, jambes étendues, imperméable à ton agitation soudaine. « But we’re under the influence, it’s so not safe. » Tu pouffes, passes devant elle, attrapes la bouteille qu'elle te tend pour l'embrasser fatalement. Premier cadavre de la soirée. Tu t'agites, complètes les préparatifs pour une courte - mais essentielle - expédition. Tu sens son regard ne jamais te quitter.
Elle se rapproche alors que tu t'installes à la barre. « Who taught you back then? » Tu hausses les sourcils. Why do you care? « Started sailin when I was six. So anyone working at the club my parents signed me up to, I guess. Come here. » Aucun romantisme ni sentimentalisme dans ton premier flirt avec l'une de tes passions - ta raison de savourer la vie. Tu tapes l'espace restreint à côté de toi, l'invites à s'installer. Tu ne lui prodigueras pas le loisir de quitter le port, t'as bien trop peur qu'elle démolisse Cadence dans la manœuvre. Cependant, une fois à bonne distance de tout obstacle, tu comptes bien lui laisser la barre. « Completed my education in the navy. » Tu achèves, plisses les yeux, navigues avec expertise. « What's the most unsafe thing you did under the influence ? » Tu lui lances un regard espiègle, avant de banaliser, provocateur : « Thought we were playin' the questions game. »
« Started sailin when I was six. So anyone working at the club my parents signed me up to, I guess. » j’hoche de la tête, j’enregistre la réponse, l’imagine jeune et chiant, le gamin qui devait déranger tout le monde au club, la tornade qui devait tout secouer sur son passage, tout détruire. « Come here. » et j’en perds le peu d’attendrissement qui remontait quand mes prunelles pas impressionnées du tout se posent sur son visage, que mon sourcil se hausse devant la demande. « Not your dog. Ask accordingly. » ma langue claque, mes lèvres miment les siennes, le joint sur lequel j’inspire maintenant qu’il a fini la première rasade d’alcool, et qu’il sort du port. Je remarque bien qu’il me laisse pas faire cette manœuvre-là, j’enregistre mentalement quand même chaque étape pour l’une des premières fois de ma vie, plutôt que de me prélasser au soleil pendant qu’il se fait chier à tout contrôler sans mon aide.
« Completed my education in the navy. » oh yeah, that. La partie de sa vie où on nous l’a volé, ses parents du Moyen-Âge qui ont tout décidé pour lui, pour nous. « What's the most unsafe thing you did under the influence ? » « Sleep with you. » que je rétorque de suite. Il provoque, il s’amuse avec son jeu des questions. Et je place son pieu comme le lieu le plus unsafe de la planète vu qui il fréquente ces derniers temps. J’ai pas rejoint l’endroit où il voulait que je m’installe, mais je reste tout de même assez proche pour piquer la seconde bouteille ouverte, pour jouer avec le bouchon, le goulot, son regard aussi, tout ça une seconde de trop.
« Did many unsafe things under the influence. Stole a car, drove it fast to the coast. Held up a cheap diner with a fake water gun. Had sex on a train track while the train was coming. » je finis par reprendre, une gorgée plus tard, le joint terminé que je range dans la bouteille vide. Il sait tout ça, il était là la majorité du temps anyways. « The worst but best unsafe thing I did tho, was pretty ironic when you think about it. » et je lui tends son dû, ce qui semble être du rhum maintenant, il fait dans le cliché du pirate Levi, il y va fort avec ses conneries. « I told your parents you were dead. »
Ça me ramène à plus de dix ans de ça. À l’annonce de lui qui avait rejoint la marine qu’on a reçue par une carte postale bien trop tard après le temps, bien trop tard pour faire quoi que ce soit. Mais j’en avais décidé autrement, Ariane l’adolescente insupportable au possible à la clé. « Was a few weeks, probably even days after you got in the navy. I tracked your London number through Kane, called them and made up a story about being an amiral or a general or some shit like that. Said that you died on the field. Asked them how they felt. » ils avaient pas paniqué autant que je l'aurais voulu, mais je l’avais sentie, la fraction de seconde de stress. La fraction de seconde de panique que je voulais leur faire vivre, celle qu’on avait vécue, celle que j’avais vécue, en décuplé back there. Aujourd’hui je me sentais bien conne d’avoir pensé à pire, c’était pas l’Afghanistan son truc, c’était pas la Deuxième Guerre non plus. Mais sur le moment j’avais flippé. We all did.
« I was sure they were gonna send someone down here to sue me or else. » et je ris, même si à l’époque j’avais ri jaune sous leurs menaces à l’autre bout du combiné. Ri jaune, mais raccroché en les insultant tout de même. On se refait pas. « But I think I scared them for at least a second. Good enough. » mon épaule qui se hausse, le rhum que je lui reprends à nouveau. « Why did you stay there? You could have bailed the navy ten times. But you stayed. Why? » thought we were playin' the questions game.
Cadence est prête à sortir du quai, comme il se doit, comme elle le mérite, comme tu t'étais promis de le faire dès que tu avais acquis le bateau. En santé, les excursions maritimes sont traditionnellement quotidiennes. Quand le cancer te dévore, t'es plus frileux à l'idée de t'évader en mer, ton instinct de survie primant manifestement sur ton désir de liberté. Installé à la barre, tu tapotes l'espace à tes côtés, invitant Ariane à te rejoindre. « Not your dog. Ask accordingly. » Tu la fixes quelques secondes, puis provoquant, sourire fier aux lippes, rectifies : « Come here, wife. » Le bateau sort du port, tu complètes en expliquant que la marine marchande a parfait ton éducation en termes de navigation et survie en mer. Puis, tu te prends au jeu des questions qui inviteraient presque à la nostalgie, chasseraient les petits détails de la vie de l'autre que l'on ignore mais qu'on se plaît à savoir, une fois dévoilés.
« What's the most unsafe thing you did under the influence ? » « Sleep with you. » Tu lèves les yeux au Ciel en guise de réponse, préfères te concentrer sur la prochaine destination loin de la marina que rétorquer quoi que ce soit. Des hommes avec qui elle a couchés, de toute évidence, tu te places bien bas sur la liste des potentiellement - ou assurément - dangereux. Puis, docile, elle énumère ce que tu sais déjà : voler une voiture, cambrioler un diner, avoir des relations sexuelles sur les rails d'un train. Tu lui lances un regard dubitatif sur ce dernier point, ayant toujours peiné à saisir l'intérêt de cette pratique. Ça ne devait rien avoir de plaisant. « About that last one. Was he that bad you needed a train to got some feelings out of it? » Elle finit la bouteille de vin, y plonge le joint rétamé, avant de te tendre une bouteille de rhum. Tu l'ouvres avec tes dents, en bois une gorgée. « The worst but best unsafe thing I did tho, was pretty ironic when you think about it. I told your parents you were dead. » Et tu manques de recracher ta gorgée d'alcool. Tu ne sais pas si tu lui en veux ou si tu souhaites la féliciter. Le sujet de ta famille britannique est extrêmement sensible, tu refuses avec véhémence que Parker s'en approche. Bien que répulser tes géniteurs comme elle l'a fait relève du génie. Elle t'explique comment elle a obtenu leurs coordonnées via Kane, tu te maudis de lui avoir fait suffisamment confiance pour protéger ces informations-là aux yeux de la rousse fouineuse. Sans doute que ton meilleur ami n'avait pas songé que tu n'acceptais implicitement pas que qui que ce soit dont tu étais proche prenne attache avec tes parents. Elle relate la conversation téléphonique, tu ne peux t'empêcher de rire amèrement. « Have you heard them poping the champagne when you told them that? » « I was sure they were gonna send someone down here to sue me or else. » Un rictus sceptique étire tes lippes. « They wouldn't have bothered. » You had not messed with the right son for that. Elle pense leur avoir procuré un frisson malgré tout, tu n'as pas le cœur de lui dérober cette satisfaction, aussi erronée soit-elle. Elle reprend la bouteille de rhum, tu t'allumes un des joints que tu avais placés dans ta poche kangourou. « Why did you stay there? You could have bailed the navy ten times. But you stayed. Why? » T'inspires profondément. T'en avais eu besoin, ironiquement. La Navy t'avait façonnée, tu avais énormément appris au cours de ces trois années et tu étais certain que tu n'aurais jamais pu survivre à tes périples en solo sans le savoir que tu avais emmagasiné auprès des militaires de ton régiment. De plus, même si tu appartenais au gouvernement à l'époque et te pliais à une quantité faramineuse de règles strictes, tu t'y sentais plus libre que tu ne l'avais jamais été à Londres. Enfin, tu vivais en mer, et ce point valait toutes les peines causées par la marine marchande. « I liked it. » Tu avoues donc, sommairement. « I felt like I belonged, like I mattered. » Puisque dans un équipage, chaque homme a sa valeur et remplit son rôle essentiel à la bonne route du navire. « And I was totally at sea, at last. » Comme si tes seize ans déroulés majoritairement sur la terre ferme t'avais démoli, il t'avait fallu compenser cette période en en passant tout autant parcourant les mers et océans. « Plus they taught me what I needed to know to travel by myself. And I needed to wait I was 18 to get my McGrath money and buy Cadence. » Même si finalement, tu auras passé trois ans enrôlé, et non deux.
« Did you think I was gonna die? » Tu questionnes, sourire malicieux, transpirant l'insolence. Y pensait-elle assez à l'époque pour immiscer l'idée dans l'esprit de ses parents ? Pour mariner une vengeance quant à la crainte qu'ils lui imposaient sans merci aucune ? Puis tu fronces les sourcils, défiant. Le thème de ta maladie gravite impétueusement dans ton esprit, la sensation d'épée de Damoclès surplombant ta tête ne te quitte jamais, si bien que tu flirtes avec le travers d'aborder le sujet qui vous fait aujourd'hui provoquer une beuverie souveraine, sans pour autant l'évoquer au présent. Tu refuses de ruiner cette nuit, même si tu ne résistes pas à la tentation de dévisager le mal qui te taraude. « Did you think I was gonna die in Perth? Or did you know I would survive it? » A quel point son intuition féminine est-elle on point ? Do you think I'm gonna die now, even though you said you won't allow it? « Why did we stay married? » Tu souffles ensuite. Vous auriez pu profiter de ta rémission pour divorcer, vous libérer l'un de l'autre. Pourtant, jamais l'idée ne t'avait même effleuré et tu soupçonnais qu'il en allait de même pour la roadie puisqu'elle n'avait jamais débarqué en trombe avec quelconque documents à signer pour retrouver son célibat. Est-ce que ça nous convenait simplement d'être mariés, tacitement ? Est-ce qu'on a juste rangé cette cérémonie et toute sa sémantique dans un coin de nos têtes sans s'en soucier ? Est-ce qu'on craignait, inavouablement, que la rémission ne se conclut pas en convalescence ? Tu te prends beaucoup trop la tête, si bien que tu te l'étourdis en prenant trois gorgées supplémentaires de rhum. « Ok, take it. » Et tu lui désignes la barre, prêt à échanger de place avec elle.
« Have you heard them poping the champagne when you told them that? » et je roule des yeux, parce que je sais que peu importe ce que je peux dire après, entre lui et sa famille, c’est toujours une zone à risque, c’est toujours Baghdad. J’ai jamais su pourquoi et j’ai jamais demandé, en soit c’est pas trop compliqué de capter que le fait qu’il soit l’exemple parfait du hippie bohème calquait pas avec les riches bourges qu’il s’était coltinés comme géniteurs. M’enfin. « They wouldn't have bothered. » il a pas l’air impressionné par mes frasques d’adolescente rebelle en éternelle crise, je préfère rester sur le souvenir de sa mère qui avait cherché ses mots pour la phrase qui avait suivi, et de son père qui s’était raclé la gorge en trame de fond sonore avant que je leur raccroche la ligne au nez.
Levi qui se la joue marin pour une des premières fois depuis qu’on vit presque exclusivement à la marina, mais qu’on en sort ironiquement jamais. Je le laisse faire ses trucs, j’enregistre quand même plus que d’hab, m’occupe entre le joint et le vin, le rhum aussi qui sort, et ses récits de mer qui d’ordinaire m’auraient énervée, que j’aurais écoutés distraitement d’une demie-oreille et encore. Mais là, étrangement, je retiens. J’ai posé la question, que j’assume mon intérêt soudain. « I felt like I belonged, like I mattered. And I was totally at sea, at last. Plus they taught me what I needed to know to travel by myself. And I needed to wait I was 18 to get my McGrath money and buy Cadence. » « How much money was that? » je demande d’office, me retiens même pas, pas vraiment besoin. « Asking for a friend. » mes paupières qui battent le rythme, le rhum que je lui prends des mains quand il s’allume une clope verte.
« Did you think I was gonna die? » qu’il finira par demander Levi, un peu après qu’on ait quittés le port. « Was young and stupid. » j’insiste sur les mots qu’il utilise toujours pour me qualifier ces temps-ci. « Of course I did. » même si je me complaisais dans son silence, j’attendais tout de même le prochain round de questions ; il est du genre à lâcher des bombes quand il lance ce jeu-là. « Did you think I was gonna die in Perth? Or did you know I would survive it? » la précision qui mange quelques autres, la situation actuelle qui reste en sous-entendus parce qu’il parle que du passé là, il insiste, il fait jamais ça, Levi, il ressasse pas, il déteste. « I tried to stay aware of both scenarios. » il ressasse pas, sauf aujourd’hui apparemment. « Truth is I was never really ready for an ending, so I focused on being there with you during the process. » mon épaule se hausse, l’évidence. Autant je voulais pas concevoir jadis – et maintenant, et toujours – qu’il pouvait crever, mon rôle n’était pas de lui flatter les cheveux et de lui dire que tout irait bien. J’étais pas Kane, j’étais pas celle qui rassurait, j’étais celle qui disait les choses cash, et qui prenait les éléments de manière objective pour qu’on s’en sorte le mieux et le plus vite. « Why did we stay married? » il me laisse même pas le temps de répondre qu’il assène le dernier coup, son sprint qui se conclut par la barre qu’il me pointe du menton et sa place qu’il me cède.
Ma silhouette lentement qui se lève de son siège approximatif pour le rejoindre. Why did we stay married? « Feels real. » no felt, no kinda, no right. Just real. C’était pas pour des raisons futiles de merde, c’était pas pour prouver quoi que ce soit, c’était certainement pas pour faire plaisir à quiconque, ni pour se la jouer imbus et égocentriques. Il avait besoin, j’ai voulu aider. J’y ai pas pensé une seule seconde de plus que celle que ça m’a prise à accepter, il a pas tourné le plan dans sa tête une seule seconde de plus que celle que ça lui a prise à me demander, and we did it. As simple as that.
« And that's three questions there. » je clarifie, bien droite, annonçant d’avance ce que je prépare pour lui de mon côté. Mon sourire qui grandit proportionnellement à la ration de rhum que j’ingère d’un trait, mon menton que j’essuie du revers de la main avant de scruter la barre de navigation et de m’en approcher un peu plus. « Why did you wait this long before asking me to go back to Miami? » on aurait pu y retourner des tas de fois. Pourquoi avait-il attendu d’être à nouveau malade pour ressortir nos vieux plis, nos vieux amours? Je relève la tête, croise son regard, patiente un peu, le temps qu’une vague arrête d'agiter Cadence pour reprendre le cours improvisé. « Are you going to wear your ring? » au prix où il l’avait pas payée, le coup monté contre Lukà me semblait être un trophée à exhiber bien haut. And you’re still wearing his ring each and every day since he gave it to you. Yeah, that. Petite pause nécessaire, ça tangue sur le pont et dans ma tête. « How the hell am I supposed to hold this if it moves like crazy? » la troisième question brulée, il m’en tiendra pas rigueur.
Tu ne voues certainement pas plus d'attention qu'ils ne le méritent aux membres de ta famille résidant dans la capitale britannique. De cette vie-là, tu n'as gardé que l'accent et tu ne comptes pas récupérer quelconques autres éléments de ce passé désastreux. Alors, plutôt, tu réponds soigneusement aux interrogations de la rouquine, remontes les pendules du passé à compter de de ton seizième anniversaire, celui où tu avais été enrôlé malgré toi dans la marine marchande. Tu avais peiné à accepter ton poste imposé de militaire, mais au fil des mois, tu avais appris à l'aimer ainsi que l'endosser, et jouir de tous les bons points que tu énumérais à la blafarde assise à tes côtés. « How much money was that? » L'argent qui l'intéresse, la cupidité faisant briller ses yeux et ses paupières qui papillonnent. Se doute-elle à quel point à chaque fois qu'elle agit de la sorte, tu as envie de lui attraper au vol ses cils quasiment invisibles lorsqu'elle ne les peint pas de mascara ? « Loads. » Tu rétorques, optant pour le mystère. Tu retiens à l'arrachée l'humour noir qui te ferait ajouter un sinistre « You know when I'll die » qui pourrait s'avérer mal venu puisque que vous vous trouvez désormais - et enfin ! - en mer. T'évites d'inviter une nouvelle dose d'anxiété, aussi silencieuse puisse-t-elle initialement être dans la composition de la roadie. Aussi, tu préfères t'épargner cette route-là pour le moment.
Mais le passé, lui, peut être nargué, puisque révolu. « Did you think I was gonna die? » « Was young and stupid. » Tu plisses les yeux, insatisfait, ne relevant pas son écho à tes propres paroles qui, manifestement, ont été enregistrées sous un classement périlleux. « Of course I did. » Tes sourcils se froncent, la surprise s'installe pernicieusement sur ton minois. Certes, tu n'aurais pas parié gros sur ton toi adolescent, mais tu songeais que pour ton âge, tu te débrouillais pas mal en termes de survie. T'étais loin d'être Colton qui nécessitait impérativement son grand confort pour respirer et ne savait rien produire de concret de ses dix doigts. « I'm hurt. I thought you had more faith in me. » Tu joues, provoques, railles ; avant d'enchaîner insatiablement : « Did you think I was gonna die in Perth? Or did you know I would survive it? » Tu creuses le passé à la recherche du présent, t'es sournois, t'es mauvais, tu sais qu'elle lit clair dans ton jeu, toi qui abhorre ressasser. « I tried to stay aware of both scenarios. Truth is I was never really ready for an ending, so I focused on being there with you during the process. » Are you doing the same now? La question te démange, sans que tu ne lui autorises de franchir la barrière de tes lèvres. Plutôt, tu largues une autre bombe, assez conséquente pour te dérouter également : « Why did we stay married? »
Le silence vous englobe, elle se mouve lentement, réduit la distance entre vos deux silhouettes. Tu te méfies, bien que n'esquisses pas le moindre mouvement de recul. « Feels real. » Elle te touche en plein cœur, te claque en pleine face. Tu connais son vocabulaire, et par l'ultime utilisation de ces deux termes, tu devines être érigé à une position que Joel, par exemple, n'occupe pas. De toutes les réponses qu'elle aurait pu te fournir, c'est celle-ci qu'elle prononce, et t'en es déstabilisé. Pourquoi pas dire que t'en avais eu besoin ? Que tu ne lui avais pas laissé le choix ? Qu'elle voulait améliorer son karma ? Pourquoi ne pas se moquer de toi et tout bonnement n'offrir aucun biscuit sur ce dossier ? Tout était possible et envisageable ; mais en aucun cas tu n'avais soupçonné une telle réplique. Tu aurais apprécié avoir un come back à sa hauteur, mais t'es beaucoup trop abasourdi pour prendre la parole avant qu'elle ne rompe le silence entre vous deux. « And that's three questions there. »
Le contenu de la bouteille de rhum diminue, son sourire s'élargit. Un rictus étire tes lippes et la voilà qui contre-attaque. Le sentimentalisme, ce n'est pas pour vous, après tout. Accord tacite de votre duo infernal. « Why did you wait this long before asking me to go back to Miami? » Tu fronces doucement les sourcils, tires sur ton joint. « 'Cause Miami's special. We only go there on unrivalled circumstances. » Il y avait beaucoup trop de souvenirs uniques relatifs à cette ville, pour que tu autorises du banal s'y produire. Miami, c'était l'équivalent des verres de cristal chez les propriétaires de maisons trop bien rangées. Tu ne l'utilisais que pour les occasions exceptionnelles. « Are you going to wear your ring? » Un rire file entre tes lèvres. « Depends on you. I'm not gonna put it on my finger myself. That's not how it works. » Et voilà que tu te la joues procédurier. Tu exploites des valeurs qui ne te sont pas propres : tu as mis la bague au doigt d'Ariane, tu attends à ce qu'elle fasse de même avec la tienne. En aucun cas tu l'arboreras en la positionnant toi-même autour de ton annuaire. « Since it feels real, it needs to be done according to the rules. » Tu argumentes, ton regard expressif rivé dans le sien. Elle tangue, son pied mis à l'épreuve du marin. « How the hell am I supposed to hold this if it moves like crazy? » « Sit dow first. » Tu l'entraînes par le bras, la positionnes à tes côtés alors qu'une nouvelle lame menace son équilibre. Tu places ses deux mains sur la barre et bloques discrètement celle-ci en bonus pour que ses bras en cure-dents ne finissent pas en charpie par l'effort. « Do you regret getting married? » Tu ne précises pas qui volontairement, bonté éphémère.
Feels real. Feels like he has nothing to add to this, too. Et j’y peux rien si je fais le compte dans ma tête, de toutes les fois où j’ai réussi à le faire taire – spoiler alert, y’en a peu. Parce que Levi a presque toujours un comeback, parce que Levi sait presque toujours quoi rétorquer pour me faire rager, parce que Levi a la pire/meilleure répartie ever ; et qu’apparemment aujourd’hui, l’élève a de loin surpasser le maître. Good.
« 'Cause Miami's special. We only go there on unrivalled circumstances. » dammit – là, c’est lui qui remporte la manche. C’est vrai que Miami est spécial, c’est vrai que quand j’y repense, y’a tout un monde qui se précise, y’a tout un univers qui prend sa place. C’est con et je tente de le cacher de toutes mes forces en enfouissant mon sourire niais derrière le goulot de la bouteille de rhum, mais évidemment que c’est mieux, qu’on garde ça dans une catégorie à part. Toujours.
La bague qu’il a commandée sous les bons soins et le portefeuille moins bien garni de Lukà quand on en a eu fini avec lui. « Depends on you. I'm not gonna put it on my finger myself. That's not how it works. » « Show me how it works then. Can’t wait to finally learn your take on the good manners of life, Harper Louis. » que je râle, que je roucoule, que je m’amuse surtout, exagérant l’accent britannique sur la fin. Piquant en usant de ses autres noms de bourgeois découverts y’a peu – 2 ans – en fouillant dans ses papiers d’identification pour remplir un énième formulaire. Depuis, je les use à bon escient, for unrivalled circumstances, aka le faire grogner devant la piqûre de rappel d’à quel point il a de l’aristocrate en lui qu’il veuille ou qu’il veuille pas l’assumer. « Since it feels real, it needs to be done according to the rules. » la langue que je lui tire, il retient mon regard l’insolent. « Fuck you, don’t mock my truth. » que j’assume, fort, avant de marmonner en roulant des yeux, éclatant de rire pour la peine. « You should have married Kane if you wanted to play the over-the-top cheesy romance card. »
Et y’a Levi qui m’agrippe le bras, qui assiste à mon pied qui tangue, à l’alcool et la drogue qui commencent à faire effet. « Sit down first. » « Not your – ‘kay. » j’obstine, mais sa main autour de mon poignet et la violence avec laquelle il me force à me poser à côté de lui me coupent net dans l’élan d’attitude rebelle répétée. « Do you regret getting married? » il me distrait McGrath, il me croit aveugle maintenant. « I saw that. » je laisse filer entre mes lèvres serrées, la barre qu’il a bloquée en parlant. Puis je pointe la question sous-entendue, que son air moqueur a probablement volontairement évitée. « To you or to him? » on aimait pas faire dans le sous-entendu d’aussi loin que je me souvienne, autant continuer sur la bonne voie. « Nope. I don’t regret it. Getting married to you, and to him. » que je finis par répondre, prenant mes aises sur la barre, avant qu’il ait précisé parce qu’autant Levi que Joel, j’assumais là aussi la portée de mes gestes. « Though I regret the shitty anxiety before, the few minutes lost thinking tons of everything but useful crap about the whole thing. » c’est juste que dans le cas de l’anglais versus celui de l’australien, les pensées précédant le I do avaient été totalement différentes – quoiqu'autant chiantes les unes que les autres.
Cadence reprend son air d’aller, j’ai presque l’impression d’arriver à la gérer toute seule comme une grande sans que Levi m’impose les petites roues qu’on met aux gamins pathétiquement à chier dès le départ. « Did you tell anyone about Perth after it happened? » Perth qui joue le synonyme du cancer, j'ai compris sa langue codée. Ça m’avait toujours intriguée : autant je comprenais qu’il ne voulait pas en parler à Kane, autant je maîtrisais le pourquoi du comment, mais de me garder moi et moi seule dans le secret semblait toujours bizarre, illogique. La question détournée de savoir à qui il avouera le tout maintenant aussi. Jill qu’il doit voir à leur brunch familial le week-end prochain. Matt qu’il côtoie comme son propre bro’. Ses potes de partout dans le monde qu’il nous a toujours cachés. Avec qui d’autre est-ce que je devrai le partager?
L'inlassable lutte au gain du dernier mot, la guerre interminable de qui piquera le plus ardemment l'autre. Vos mots sont des dagues, vos regard des lasers, vos échanges des munitions sans cesse mitraillées. Vous survivez, aspirez, évoluez sur le feu de vos altercations ; vous rapprochez insatiablement dans l'inuendo de ces dernières : au cœur du tourbillons de vos explosions, vous n'êtes jamais aussi authentiques.
Elle dissimule son sourire nostalgique derrière le goulot de la bouteille. Miami te semble appartenir à une autre vie ; mais paraît parfois proche de ton avenir également. Tu inspires profondément, mélange d'air salin, d'alcool et du parfum singulier de Parker. Tu lui arraches la bouteille, affichant son minois sans scrupule aucun, plaisir sournois de déranger.
Le mariage revient sur le tapis, le défi des questions qui ne somment que la vérité perpétué. Vous pouvez vous rendre loin, ainsi, votre fierté et orgueil aussi gonflés à l'un que l'autre. « Show me how it works then. Can’t wait to finally learn your take on the good manners of life, Harper Louis. » Tu lèves les yeux au Ciel, approches rapidement ta bouche du visage de la rouquine pour lui affliger une morsure contre son lobe, avant que ta langue ne claque à son tour : « Bite me. Since it feels real, it needs to be done according to the rules. » « Fuck you, don’t mock my truth. » Tu lui lances un regard purement arrogant, provocateur, nullement impressionné par cet ordre comme la menace sous-jacente. « You should have married Kane if you wanted to play the over-the-top cheesy romance card. » Tu plisses les yeux, désapprobateur, puis rétorques : « I'm not the one who deflowered him. » Certes, Kane n'était pas puceau quand les deux guignols se sont adonnés à des galipettes dans le van duquel tu étais beaucoup trop proche pour le tolérer totalement, toutefois, il n'en demeure qu'Ariane a dû intégrer de nouvelles données aux connaissances du garçon en la matière. « I'm not the one who deprived him of his innocence, VampAriane. » Tu poursuis, moqueur, portrait tiré en une expression bourgeoise faussement effrontée. « I'm still waiting, by the way. » Tu rappelles, ton alliance en suspens, annuaire misérablement nu.
Tu attires Ariane à tes côtés, la convie en toute intransigeance à s'asseoir quand elle menace de s'écrouler sur le pont, pied peu marin. Elle consent, tu glisses une longue gorgée de rhum contre ton œsophage. « Do you regret getting married? » Tu accables, usant du possible effet de surprise pour bloquer la barre avant que la parisienne de naissance ne perde l'un des craquelins lui servant de bras. « To you or to him? » Tu lui lances un regard las, dégages nonchalamment ton visage des mèches de tes cheveux qui virevoltent au gré du vent qui se lève. « Nope. I don’t regret it. Getting married to you, and to him. » « Ugh. How boring. You're such a hussy. » Tu commentes sans merci. « Are you competing for the world's most married woman position? » Tu provoques. Si épouser des hommes la laisse tant de marbre ultimement, autant qu'elle élargisse son tableau de chasse et accumule les bijoux onéreux. « Though I regret the shitty anxiety before, the few minutes lost thinking tons of everything but useful crap about the whole thing. » Tu fronces les sourcils, intrigué. Toutefois, étonnement respectueux du jeu, tu la laisses requérir sa vérité : « Did you tell anyone about Perth after it happened? »
Tes sourcils se froncent de nouveau, désormais plus sévères. Tu la toises, la scrutes, la dévisages. L'interrogation a presque des tonalités d'insulte ; elle te rend incrédule à songer que tu aies pu déblatérer sur cette période qui, à ton sens, n'appartient qu'à vous et vous seuls. « Of course not. » Tu annonces, catégorique, interdit, possessif. « Perth has always been only you and me. As Miami and Bali. » Et tu la défies presque de rompre ce trio infernal, cette sainte trinité de lieux éparpillés sur votre planète tantôt trop grand, tantôt trop petite, selon qui vous fuyez et ce que vous recherchez. « Do you want to talk to someone about Perth? » Tu perquisitionnes ses états d'âme, instinctivement, spontanément, ton expression migrant lentement, péniblement, vers une once d'altruisme.
« Bite me. Since it feels real, it needs to be done according to the rules. » la morsure qu’il s’amuse à perdre sur ma peau, mes paumes que je plaque sur son torse pour le repousser en lâchant un énième soupir amusé. « I'm not the one who deflowered him. I'm not the one who deprived him of his innocence, VampAriane. » « You sound like a jealous brat. Next time, he sleeps with you. That’s an easy one. » mon battement de paupières s’additionne à son air faussement hautain, quand il exhibe à nouveau son annuaire vide d’alliance sous mon nez « I'm still waiting, by the way. » j’hausse les épaules, presque – pas du tout – déçue pour lui. « Not my fault if you chose cheap free shipping. »
Sa manœuvre que je ridiculise plutôt que de le remercier, maintenant qu’il verrouille la barre et m’évite de démolir Cadence sur le premier rocher trop proche de la côte. « Ugh. How boring. You're such a hussy. » même s’il était plus vieux que moi et donc logiquement plus mature (lol, ouais, à d’autres) Levi me donnait presque en permanence l’impression d’être une adolescente en crise à jouer la carte de l’exaspération répétée. « Are you competing for the world's most married woman position? » mon regard pique le sien, y reste assez longtemps pour que ça compte, quand je sais très bien qu’il ne détournera pas la tête aussi facilement. « Maybe. Can’t wait to see what’s the prize when I’ll win. » on était passés maîtres dans l’art du staring contest, on perdait jamais vraiment aucune manche, c’en était ridicule de voir comment on tenait toujours à gagner sur l’autre en permanence.
Son visage en entier qui devient beaucoup trop sérieux pour que je ne pouffe pas de rire à le voir faire. « Of course not. Perth has always been only you and me. As Miami and Bali. » et ça, ça pique différemment. Mon rire se stop instantanément. C’est pas comme d’habitude, c’est pas une blague comme une autre, une menace comme tant de fois avant. C’est bizarre, c’est étrange, ça s’ancre dans ma tête et c’est probablement l’alcool qui l’encourage stupidement. Ça se répète mot pour mot d'une paroi à l'autre de mon crâne, et ça m’énerve d’être en train de le faire, que j’ai pas le moindre contrôle sur les mots qui résonnent et qui font autant de mal que de bien. Ça m’énerve de ne pas en avoir le contrôle, et ça m’énerve encore plus qu’il soit très bien capable de le voir lui qui m’arrache la bouteille des mains in the process. « Do you want to talk to someone about Perth? »
Ça m’énerve, et maintenant, il m’énerve aussi. Il m’énerve avec ses questions et ses coups d’œil et ses sourires de merde. Ses prunelles émeraudes qui pétillent de malice, lui qui s’amuse, à lâcher des bombes comme bon lui semble, à poser les pires questions à travers. Bien sûr que je devrais parler de Perth à quelqu’un, que j’aurais dû en parler à Kane way back, que Joel aurait dû être mis au courant. Bien sûr que je m’en suis foutue à l’époque, et qu’apparemment, à voir comment j’ai géré le tout depuis l’annonce du retour du cancer de McGrath, je semble toujours m’en foutre. M’en foutre, de ceux à l’extérieur de notre bulle, de ceux qui font pas partie de la cellule limitée et exclusive, du cocon tellement tissé serré qu’on s’étouffe l’un l’autre de nécessité, Levi et moi.
Et il sourit encore le con. Et mes dents qui mordent ses lèvres, sa langue. Et le besoin viscéral de le faire taire, même s'il dit plus rien. Et le baiser qui se faufile à travers. Et la seconde, la seule, où j’oublie qu’il n’y a pas que nous, qu’on est pas dans notre bulle, dans une cellule limitée et exclusive, dans un cocon tellement tissé serré qu’on s’étouffe l’un l’autre de nécessité, Levi et moi. Pour l’instant, ce sont que mes lèvres qui étouffent les siennes, et l’inverse est toute aussi vraie.
« Perth’s old news. No one else needs to know about it. » Perth has always been only you and me. J’attrape la bouteille de rhum qu’il a encore entre les paumes pour la finir, le joint qu’il avait déjà roulé en prévision d’un besoin criant que j’allume la seconde d’après. « What’s next? What's after Miami? »