Depuis de nombreuses années, j’entends mes proches me dire que je suis douée pour écouter et conseiller. Ils me prêtent une forme d’empathie et de bienveillance qui n’est visiblement pas donnée à tout le monde. Pour ma part, je n’en suis pas franchement persuadée. Je fais de mon mieux en sachant que je ne suis ni omnisciente, ni une professionnelle de la psyché humaine. Mon seul but dans tout ça est de me montrer présente pour ceux qui me sont chers. Et même si je peux donner mon propre avis sur certaines choses quand on me le demande, je m’assure toujours qu’on ne le prenne pas comme un fait établi. Raison pour laquelle je tempère mes propos alors que je tente d’aiguiller Freya dans la bonne direction concernant son ami. La décision finale lui reviendra, quoi qu’il arrive. Mon rôle est de simplement lui donner diverses pistes de réflexion qui l’aideront à se poser les bonnes questions et à faire un choix.
Elias a, apparemment, toujours été présent dans la vie de Freya, dans les bons comme les mauvais moments. C’est elle qui l’a repoussé et aujourd’hui, elle semble lutter contre l’envie de le ramener auprès d’elle, non pas par fierté, mais parce qu’elle se refuse à lui donner raison en lui prouvant que son comportement était exagéré.
« Peut-être. » Je concède en haussant les épaules. Puis, sur un ton plus complice, j’ajoute.
« Il ne faut quand même pas oublier que seules les personnes entières sont capables d’avoir des réactions aussi tranchées. Tu n’es pas une gamine, Freya, tu es juste quelqu’un qui n’aime pas la demi-mesure. » J’esquisse un sourire attendri quand elle m’avoue qu’elle serait capable de tout pour Elias. Les mots ne sortent pas mais je les devine aisément. Freya l’aime, c’est une évidence. Malgré les doutes soulevés par sa raison, j’ai comme l’impression que son cœur sait déjà comment tout ça va finir.
« Les relations humaines sont loin d’être simples, pas vrai ? Mais tu feras au mieux. J’ai confiance. »Freya repose sa tasse sur la table basse, prête à partir. Non sans m’avoir promis de me rendre à nouveau visite sous peu. De toute façon, elle a les clefs désormais. Elle est ici chez elle. Alors que j’évoque les baleines et la fondation, son compliment me touche.
« C’est mon métier, quelque part. Moi je crois qu’elles ont surtout de la chance qu’une petite partie de notre espèce comprenne leur cause, et libère un peu de son temps pour les aider, sans rien attendre en retour. » Ocean Life ne serait rien sans les bénévoles, Charlie étant la seule employée officielle. Le moindre coup de main est toujours le bienvenu, et je sais que Freya met un point d’honneur à participer autant que possible. C’est pourquoi elle a la priorité sur tous nos appels à l’aide.
Une fois sur le palier, Freya me montre les clefs et ses réflexions me font rire.
« Sois envahissante, alors ! » Je m’exclame, amusée.
« Et c’est promis, tu ne manqueras de rien. » Elle me propose de m’envoyer un message une fois rentrée, et je hoche la tête.
« Oui, ce serait top. J’allais te le demander. On se revoit bientôt, alors. » C’est avec un dernier sourire à son intention et un petit signe de la main que je l’observe grimper sur son vélo et quitter la propriété. Je ne lui ai pas rappelé qu’elle pouvait me téléphoner ou venir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Ni que je serai toujours là pour elle. Freya le sait déjà.
Alpha, qui n’a bien sûr pas manqué de venir à mes côtés pour dire au revoir à l’humaine qui a su apprivoiser son cœur, me sort de mes pensées par un petit jappement presque abattu. Je le gratifie d’une caresse entre les oreilles et plonge mon regard dans le sien.
« Hé, t’as entendu comme moi : elle reviendra vite, notre petite protégée, t’en fais pas. » Je pose les mains sur mes hanches et prend une voix plus enjouée.
« En attendant, si on allait faire une promenade, rien que toi et moi ? » A en juger par son excitation soudaine, je me dis que la diversion a fait son petit effet, et c’est avec un rictus victorieux que je récupère la laisse avant de l’accrocher à son collier.
---- THE END ----
@Freya Doherty