Tout homme ou femme qui souhaite être admis dans un ordre ou une congrégation religieuse catholique doit prononcer trois vœux. Il s’agit là des moines et des religieuses.  Trois vertus évangéliques. Le vœu de pauvreté ou plutôt, ne pas vivre dans la richesse, ne pas chercher à faire de profit, ne pas investir, le détachement de tout bien matériel. Il doit vivre dans la simplicité, être capable de comprendre les miséreux, les indigents.
La deuxième vertu, le vœu d’obéissance. Il engage librement à se soumettre dans la foi à ses supérieurs, les représentant de Dieu, avec humilité. L’obéissance est un acte de foi qui incite le religieux à la volonté de Dieu dans les événements et les défis de la vie. Ce vœu qui pouvait directement être lié au troisième vœu, le plus connu de tous, celui qui fait parler le plus de monde, celui qui rend curieux, celui qui est incompréhensible pour la plupart. Le vœu de chasteté. Le vœu de chasteté, la volonté de pouvoir aimer Dieu et son prochain de manière désintéressée. L’engagement a aimer Dieu par-dessus tout et a aimer les autres de la même manière que Dieu les aurait aimé. Sans sentiments amoureux, sans attirance physique, sans volonté de toucher, caresser, se blottir contre l’autre. Sans cette volonté absolue de vouloir son amour en retour et pourtant.
Les prêtes quant à eux, ne font pas ces trois vœux. Ils s’engagent par contre au célibat, à l’obéissance et à vivre dans la simplicité. Owen venait d’une famille modeste où chacun se battait pour réussir sa vie, pour s’en sortir comme il le pouvait. Sa famille avait investie de l’argent dans ses études, pour qu’il puisse devenir dentiste, ils s’étaient endetté pour ça et sa mère payait toujours son crédit à l’heure qu’il était. En 2019, il n’était plus forcément demandé aux prêtres d’être pauvre mais de ne pas chercher à s’enrichir simplement. Owen vivait dans son simple appartement et pour aider son prochain mais pas que, il avait mis en sous location une chambre d’ami qu’il avait chez lui. Une chambre qui ne lui servirait à rien. Alors pour compenser son pauvre salaire, il logeait un étudiant avec contre partie financière qui leurs servaient aussi à payer des charges. Owen ne s’enrichissait pas avec ce système, il ne trahissait donc pas son engagement.
Là, où ca commençait à être plus compliqué pour Owen, c’était de respecter son engagement au célibat. Un célibat que l’on entend comme abstinent également. Le célibat qui suppose une continence comme règle absolue. En tant que prêtre, Owen se rend disponible pour vivre avec le Christ et se met à son service. S’il était distrait par des sentiments, par une attirance quelconque, son service au Christ serait forcément altéré. Le but ultime dans la vie et la foi d’un prêtre étant d’aller vers Dieu, celui-ci serait compromis. Le prêtre doit renoncer à aimer une seule personne en particulier afin de partager son amour entre tous, mettant le prêtre au service de tous les hommes et les femmes.
Depuis quelques temps, Owen n’avait plus la tête à ça. Il avait deux soucis majeurs dans sa profession de foi. Deux femmes qui lui faisaient tourner la tête. L’une détenait son cœur, l’autre s’amusait à le faire tourner en rond et il semblerait qu’il s’y soit pris au jeu. Le jeu dangereux de l’attirance, le jeu dangereux de la séduction. Il y avait Evie qui était revenue à Brisbane, apparaissant dans la vie d’Owen lorsque lui-même était revenu en ville après ses six ans d’absence. Evie qu’il avait mis de côté dans un coin de sa mémoire, oublié presque mais toujours bien au chaud quelques part. Lorsqu’il l’avait recroisé ce jour au stade de rugby, c’était déjà un cocktail d’émotion qui avait explosé chez Owen. Et depuis ce jour, le feu d’artifice continuait toujours, approchant sans doute du bouquet final. Un spectacle comme on les aime, rempli d’émotions, de moment intenses et difficiles et de moments bien plus doux. Il tenait bon, il voudrait craquer mais Evie semblait être bien plus forte que lui pour se contenir et le contenir. Pourtant, pas un jour ne passe sans qu’il ne pense à elle et se voit bien dévier de son but ultime.
Il y a Ariane. La fille même du démon, enfantée pour charmer, pour brouiller, pour allumer. Elle s’était donné elle pour but ultime de jouer avec le prêtre, de le pousser dans ses retranchements, de lui faire se poser milles et unes questions sur le véritable sens de sa vie. Elle jouait avec lui et s’en amusait fort. Si Owen s’est senti sali alors qu’elle avait tenté une première fois de le faire craquer, il semblerait que les fois suivantes soient moins insultantes pour lui. Pris au jeu, il avait fini par inverser les rôles. C’était lui qui en redemandait à présent.
Perdu entre elles, il savait bien que rien ne pourrait bien finir. La question était : quand ? Comment ? Avec qui ? et pour quelle raison ? L’amour ou la folie ?

Vendredi soir, Owen avait rendez-vous avec Heiana pour installer un stand à la grande kermesse de Redcliff. Le weekend allait être festif et Owen s’en réjouissait d’avance. Afin de récolter un peu d’argent pour pouvoir organiser des séminaires avec la jeunesse chrétienne de Brisbane, ils s’étaient inscrit à la fête du quartier. Ils y vendraient des crêpes avec un appareil prêté par une fidèle et il fallait tout installer la veille des festivités. Depuis qu’Owen avait proposé à Heiana de l’aider dans différentes tâches, il se sentait bien moins débordé et ça lui faisait aussi du bien. Mais arrivé devant, avec son appareil à crêpe dans la voiture, Heiana lui envoya un sms pour lui dire qu’elle était désolée mais qu’elle ne pouvait pas venir, urgence familiale de dernière minute. Mais qu’elle avait trouvé une bénévole qui s’était proposée de donner de son temps pour la paroisse. Owen attendait alors cette bénévole en question, sans savoir de qui il s’agissait. Elle pourrait sans doute l’aider à arranger le stand pour qu’il soit attractif puisqu’il n’avait aucun gout en la matière. Il avait pourtant tout le matériel à sa disposition.
Les portes de la grande salle ouverte, il pu entrer avec d’autres personnes venus installés leurs propres stands. Ils lui avaient gentiment donné un coup de main également pour rentrer tous son matériel. C’est que ça pèse une vieille crêpière.

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crédit/ hayleykiyokcsarchive (tumblr) ✰ w/ @owen baxton

Evelyn n'avait jamais été douée pour être raisonnable. C'était ce qui lui avait valu la réputation qui lui collait à la peau depuis qu'elle était toute jeune, tandis que son entourage aimait encore aujourd'hui pointer du doigt les manières peu conventionnelles qui l'avaient poussée à braver l'autorité maternelle à l'époque. De façon générale, quand elle avait envie de quelque chose, elle ne passait pas par quatre chemins pour l'obtenir. C'est ce qui faisait d'elle la femme qu'elle était devenue – toujours droite dans ses chaussures à talons, farouchement déterminée à se faire entendre et à vivre sa meilleure vie sans s'encombrer des jugements hâtifs lancés dans sa direction cependant, trop coutumière des rumeurs pour faire cas des regards scrutateurs qui s'étaient posés sur elle toute sa vie, certains plus bienveillants que d'autres. Il y avait quelquefois pourtant où elle était bien obligée de mettre ses envies sur pause, et de considérer le tout d'un point de vue extérieur pour ne pas s'égarer, ou pour ne pas faire de mal à qui que ce soit. Ronger son frein devenait alors une épreuve pénible à laquelle elle se cantonnait de bonne grâce, contrainte d'admettre qu'il y avait des situations qui méritaient davantage de prudence – son côté maniaque du contrôle refaisait alors surface. Au lieu d'apaiser ses caprices refoulés, l'auto-censure qu'elle s'imposait faisait tout bouillir à l'intérieur de son petit corps, la faisant flirter avec l'obsession. Petit à petit, sans tout à fait s'en rendre compte, elle finissait par se retrouver à jouer avec le feu, et la flamme dansant entre ses doigts agiles, la brûlure délicieuse de l'interdit la consumait toute entière ; elle se sabotait elle-même, ruinant tous ses efforts de volonté en s'embrasant soudain.
Elle avait essayé de maintenir une distance de sécurité avec Owen, elle l'avait vraiment fait. Après leur discussion mouvementée, cet échange de regards, de mots durs et doux à la fois, et de caresses du bout des doigts arrosées par les larmes qu'elle n'avait su retenir, elle n'avait pas cherché à le contacter. Tiraillée entre plusieurs états d'âme, et assez honnête avec elle-même pour savoir qu'il valait mieux qu'ils restent chacun de leur côté, elle s'était contrainte au silence. Plus pour respecter la volonté du prêtre que pour respecter la sienne puisqu'elle, contrairement à lui, elle n'avait pas grand-chose à perdre finalement ; à l'exception peut-être de sa dignité, qui en avait d'ailleurs pris un sacré coup dans l'aile, quand elle avait décidé, sur un coup de tête, d'apaiser sa culpabilité en faisant un gros don anonyme à la paroisse du jeune homme. Soudoyer le Tout-Puissant pour qu'il ne lui fasse pas trop sévèrement payer les moments d'égarement de son porte-parole était une tactique comme une autre après tout et dans le fond, Evie ne regrettait pas cette idiotie – elle lui avait permis de sauter sur une occasion qui ne se refusait pas.
Sur le chemin de son escapade à l'église, elle avait croisé le bras droit d'Owen, envers qui ses neveux et nièces ne tarissaient pas d'éloges, la définissant tantôt comme une sirène, tantôt comme une princesse de conte de fées, qui lui avait fait part du manque criant de bénévoles ces derniers temps. Un signe, s'était dit l'organisatrice de mariages, dont les égarements religieux n'avaient pas été si nombreux que ça, et chez qui le parcours à l'école catholique lui donnait des allures de femme parfaite pour le rôle. Elle n'avait pas encore eu le temps nécessaire devant elle pour s'investir depuis qu'elle avait promis à Heïana de lui apporter son aide, mais c'était un projet dans lequel elle mettrait du cœur – au-delà de l'opportunité offerte sur un plateau de revoir Owen, il y avait les souvenirs de son enfance qui la menait à penser qu'il était peut-être temps qu'elle mette son aigreur à propos de la foi de côté, et enfin s'occuper d'expier ses péchés en se montrant plus assidue à la pratique de la religion dans laquelle elle avait été élevée.

Au cours de cette journée-là, elle avait reçu un petit message de la part d'Heïana, et son enthousiasme monta en flèche. Elle rentra à la maison dans l'idée de préparer le matériel de scrapbook, feutres à paillettes, rubans et affiches colorées, duquel elle comptait faire don pour les loisirs créatifs des petits paroissiens inscrits au catéchisme, et de rejoindre immédiatement le lieu qu'elle lui avait indiqué comme celui de la préparation de la fête du quartier à laquelle les bénévoles de la paroisse de Redcliffe participeraient pour une récolte de fonds. Elle se changea rapidement, troquant sa tenue du jour par une paire de jeans légèrement usées aux genoux, et une chemise tout aussi simple, plus loose que ce qu'elle portait d'habitude, et dont elle retroussa les manches, avant d'enfiler une paire de tennis qui la soulagerait de l'épreuve de piétiner en talons hauts – tant pis pour les centimètres en moins, il était temps qu'elle assume sa petite taille. Chad était de garde en début de soirée, aussi elle lui demanda de la déposer en passant.
Son carton remplis de fournitures sous le bras, elle le remercia d'un baiser exagérément mouillé sur la joue, et s'extirpa du véhicule avec grâce avant d'atteindre les grandes portes du local devant lequel ils s'étaient arrêtés. Elle n'éprouva pas tout à fait de nervosité à l'idée de revoir Owen après leur dernière discussion ; une petite démangeaison, située au pourtour de cette satanée brûlure, persistait toutefois, et c'est bien parce qu'elle avait les mains prises qu'elle fût obligée de faire avec, se concentrant dessus pour se rappeler qu'elle n'était pas là pour ça. Sur le court chemin qu'elle emprunta, elle se demanda un instant si elle n'était pas en train de rompre la promesse qu'elle lui avait faite rageusement lorsqu'elle lui avait dit qu'elle ne s'imposerait pas dans sa vie s'il n'en avait pas envie. Mais elle se rassura en se disant que ce n'était pas pour lui qu'elle était venue – à qui essayait-elle de mentir exactement, si ce n'était à elle-même ?
Ses tergiversions silencieuses lui donnèrent un léger coup de chaud, mais elle entra quand même. Elle tourna la tête à droite, elle tourna la tête à gauche, quand son regard s'arrêta sur le profil d'Owen. Plus par habitude que par souci de vanité, elle passa une main dans ses cheveux, s'avançant dans sa direction sans plus de cérémonie. Tout en posant son carton recelant de trésors à côté du matériel qu'il avait déjà mis en place, elle répondit à son regard interrogateur, choisissant l'humour comme entame – c'était déjà assez gênant comme ça, inutile de se sentir obligés de verser dans le mélodramatique "Sois pas si surpris. J'ai reçu une éducation catholique, je te rappelle." Elle pencha la tête sur le côté, ne pouvant s'empêcher de lui adresser un petit sourire quand elle ajouta, fermant brièvement les yeux en mimant une posture de prière ; les mains jointes devant elle, elle déclama d'un ton éthéré "Let go and let God, c'était notre devise à l'école." Et elle ouvrit un œil en même temps que son sourire dériva pour se placer de biais. Après un silence très furtif, un silence durant lequel elle le regarda quelques secondes en tachant de paraître sereine, elle lui demanda, plus sérieusement cette fois, et en prenant soin d'enfin détourner le regard pour accompagner son discours "Mais je peux toujours m'en aller si tu préfères. Je devais déposer tout ça de toute façon." Elle posa sa main sur le haut du carton qu'elle avait amené avec elle, essayant de temporiser, en opinant doucement du chef, la déception qui l'envahirait si, effectivement, il lui demandait de tourner les talons et de s'en aller.

Owen s’installait petit à petit. Il se sentait assez perdu, ne sachant comment présenter le stand, comme le mettre en valeur. Pas doué pour un sous pour ça et c’est là qu’il espère que le ou la bénévole envoyé par Heïana arrive vite et surtout, qu’il saurait mieux s’en sortir que lui-même. Et quand on parle du loup… Un carton se posa sur la table juste à côté de lui, il leva les yeux et vit alors Evie juste devant lui, tout naturellement, le regardant comme si tout était normal pour elle. Owen se redressa et ne comprenait pas ce qu’elle faisait ici. « Sois pas si surpris. J'ai reçu une éducation catholique, je te rappelle. » C’est pas bien tant ça qui le surprend. C’est surtout de la voir dans ce lieux même, comme si c’était elle qui était envoyé par Heïana, prête à mettre ses compétences au service du prêtre en quelques sortes. Il allait ouvrir la bouche mais elle se joue encore de lui avec un petit jeu théâtral. « Let go and let God, c'était notre devise à l'école. » Let go and let God… il se retrouvait si bête devant elle, toujours aussi paumé. « Mais je peux toujours m'en aller si tu préfères. Je devais déposer tout ça de toute façon. » Il regarda le carton rempli de rubans, de choses qui brillaient, des stylos, des feutres, du papier, plein de couleur… et il regarda sa table triste avec une simple nappe blanche et des pancartes imprimées en police Arial et couleur noire… « Oui… » non ! Non Owen n’a pas envie qu’elle s’en aille et se retrouve mis au pied du mur devant la Pearson. « J’veux dire, oui, reste… » et sans vraiment s’en rendre compte – enfin si – il la détailla de la tête au pied, souriant devant son jean troué et peu conventionnel venant d’elle. Il avait eu l’habitude ces derniers temps de la croiser en tenues plus chic. Ca lui allait bien... tout lui allait surement si bien... « Je suis content que tu sois là… » et pas seulement parce qu’il est content d’avoir quelqu’un pour l’aider. Surtout content car il se doute bien qu’elle vienne ici en connaissance de cause. Qu’elle savait en venait donner un coup de main à l’installation du stand qu’elle serait en présence du prêtre. La dernière fois qu’ils s’étaient vu, elle lui avait demander à plusieurs reprises de sortir de chez elle, elle l’avait chassé de chez elle, pour de bonnes raisons sans doute. Mais là, elle revenait vers lui. « Je suppose que tu sais mieux que moi comment rendre ce stand attractif… » si on comptait sur Owen, le tout venant se dirait encore que le corps catholique reste bien triste. Il la regarda d’un sourire complice, sincèrement heureux de l’avoir à ses côtés maintenant. Et si Owen était tendu en la voyant débarquer, il se sentait comme pousser des ailles et être plus léger.

Il lui montra les pancartes annotées du prix des crêpes. « Je te laisse gérer ça ? Je t’avoue que là, je sais pas bien quoi faire de plus pour égayer tout ça. Une Pearson Touch serait la bienvenue. » parce qu’il l’avait déjà vu à l’heure et qu’il savait qu’elle était très douée. « Je te savais pas dispo pour faire du bénévolat… » il tente de comprendre, de creuser. Qu’est ce qui avait réellement motivé Evie à donner de son temps pour la paroisse d’Owen ?

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Une main posée sur le haut de son carton plein à craquer, ses ongles peints en prune se mirent à jouer une mélodie régulière et entêtante qui résonna en écho dans tout le local investi par les participants à la fête du quartier – tap, tap, tap, tap, tap, tap. Déjà prête à en découdre avec l'organisation du stand du jeune homme, les yeux d'Evie se mirent alors à papillonner face au non catégorique qu'il éructa droit dans sa direction. Surprise, elle rentra le menton, comme prête à parée l'éventualité qu'il la chasse sans plus de cérémonie. Elle avait fait la même chose la dernière fois qu'ils s'étaient vus, alors d'un certain côté, c'était de bonne guerre s'il lui demandait de s'en aller. Cependant, ça la contraria un soupçon qu'il émette aussi formellement son envie de la voir déguerpir de son stand – un stand si peu attractif qu'elle aurait pu rouler des yeux si elle n'avait pas été si occupée à les faire cligner, dans l'attente qu'il change d'avis. Cessant soudain de battre la mesure avec ses ongles, elle fit retomber un silence relatif entre eux.
Heureusement, il sembla se rendre compte de sa précipitation. Faisant naître sur le visage d'Evelyn un sourire qu'elle accompagna d'un petit hochement de tête, la façon dont il exprima son assentiment à l'idée qu'elle reste finalement, la fit se redresser avec appréciation. Vraiment, elle fut soulagée qu'il accepte sa présence, même si la brûlure qui continuait de répandre doucement sa chaleur dans tout son corps sembla palpiter sous sa peau caramel. Elle ne tergiversa pas plus que quelques secondes, remisant dans un coin très reculé de sa psyché les sévères recommandations qu'elle était prête à respecter pour ne pas faire de ce moment qu'ils partageraient, une autre péripétie trop chargée en tensions de tous types. Ainsi, elle fit mine de ne pas remarquer l'observation dans laquelle il se lança, quand il détailla sa tenue qu'elle jugeait pourtant plus qu'appropriée, ayant pris soin de ne rien porter de trop moulant pour qu'il ne soit pas tenté de croire qu'elle venait pour le provoquer, et elle contourna la table derrière laquelle il s'était installé.

Elle s'avança à côté d'Owen. Se penchant par-dessus la table pour s'emparer de quelques feuilles de papiers colorés qui se trouvaient dans le carton qu'elle avait apporté avec elle, il lui dit qu'il était content qu'elle soit là. Evie sourit, bouche fermée, en tournant la tête dans sa direction, et affronta enfin son regard pour la première fois depuis la fois où il s'était rendu chez elle. Elle savait qu'il y pensait aussi, aux mots et aux confidences qu'ils avaient échangées quelques semaines plus tôt. Parce qu'elle se trouvait dans son champ de vision, Evelyn ne put contrer l'œillade furtive qu'elle lança très brièvement à la bouche du prêtre dont elle sentait toujours la chaleur humide sur son front. Détournant les yeux, elle extirpa encore plus de papiers de son carton, se retenant de frotter la démangeaison qui naquit à l'endroit où elle se souvenait qu'il avait posé ses lèvres pour la réconforter du chagrin impromptu qui l'avait envahi. En même temps, et d'un ton guilleret, elle lui répondit "Et moi je suis contente d'être ici." Elle fit un petit mouvement d'épaules pour appuyer ses propos, fronçant le nez dans un témoignage inconscient du doux sentiment que lui procurait sa présence à ses côtés, tandis qu'elle fourrageait dans le fond du carton. Rassemblant ses feuilles pour en faire un paquet bien uniforme après s'être approvisionnée comme il se devait, elle reprit, grimaçant en jetant un œil aux tentatives d'Owen de rendre son stand attrayant "En même temps, c'est pas bien difficile. Heureusement que tu as Dieu de ton côté parce que, et je suis vraiment navrée de te l'annoncer de cette façon : le talent t'a abandonné trop tôt pour laisser sa marque. Je peux m'installer où j'en ai envie ?" demanda-t-elle après avoir ri à sa propre boutade, soucieuse de détendre l'atmosphère et de ne pas se laisser le temps de ressasser tout et n'importe quoi. Glissant ses feuilles sous son bras droit, elle coinça une mèche de cheveux derrière son oreille. Pivotant sur ses hanches pour chercher un endroit où elle pourrait installer son petit atelier sans gêner Owen dans ses mouvements, elle réduit son champ de vision en plissant les paupières, tout en ajoutant sur le même ton "Tu me fais assez confiance pour que je n'ai pas à te demander l'autorisation de faire ou d'écrire quoi que ce soit ? Promis, je laisse les blasphèmes au placard. J'essaye de me racheter une conduite, alors…" Elle fit mine de fermer sa bouche avec un cadenas invisible. Elle en jeta la clef par-dessus l'épaule droite d'Owen – sur qui sont regard se posa de nouveau lorsqu'il sembla pointer du doigt son tout nouvel attrait pour le bénévolat "C'est le fonds de commerce de ma famille, non, de faire don de soi pour défendre une cause ? Je crois qu'il est temps que je respecte la tradition familiale… ça te semble si étrange que ça ?" fit-elle en calant de nouveau ses feuilles sous son bras, et en appuyant sa main gauche sur le bord de la table. L'ironie, en effet, de la voir si enthousiaste à l'exercice du bénévolat. Quand on la connaissait suffisamment, on savait pertinemment que le combat de sa mère, elle l'avait eu en horreur toute sa vie et aujourd'hui encore, elle refusait d'être associée à La Fondation ; certains la pensaient trop capricieuse à ce sujet, d'autres s'étaient risqués à lui donner raison. Dans les deux cas, la façon dont elle avait toujours géré cet aspect de son héritage continuait à faire parler, et elle le savait.
La tête penchée sur le côté, elle observa Owen quelques secondes. Son rapport au bénévolat mis à part, si elle continuait à le regarder de cette façon, il devinerait bientôt qu'elle n'était pas là dans le simple but de donner de sa personne ; du moins, s'il ne l'avait pas déjà deviné, car le ton qu'il avait employé pour l'interroger à ce sujet était gorgé d'accent suspicieux. Seulement, autant elle parvenait à ignorer cette chaleur agréable qui émanait de son corps pour atteindre tout ceux qui la croisaient, autant éviter son regard lui apparaissait comme la chose la plus difficile à envisager. Pourtant, elle s'y contraint de bonne volonté. Après avoir laissé poindre un léger sourire, elle annonça en se redressant tout doucement "Je vais devoir m'y mettre si tu veux que tout soit prêt pour demain."

Owen avait du mal à comprendre les réelles motivations qui poussaient Evie à venir lui donner un coup de main, du bénévolat pour la paroisse, pour l’Eglise, oui, mais directement auprès d’Owen ? Alors même que leur dernière rencontre avait été tumultueuse. Le prêtre s’en était retrouvé bouleversé et milles et unes questions lui étaient venue en tête. Des questions auxquelles il préférait ne pas trouver les réponses, ce qui pourrait sans doute mettre bien trop le bazar dans sa vie, plus que ce n’était déjà. Evie avait mis un coup de pied dans la fourmilière et maintenant, c’était panique à bord. « En même temps, c'est pas bien difficile. Heureusement que tu as Dieu de ton côté parce que, et je suis vraiment navrée de te l'annoncer de cette façon : le talent t'a abandonné trop tôt pour laisser sa marque. Je peux m'installer où j'en ai envie ? » Elle se moque et c’est mérité. Owen ne pouvait qu’admettre qu’il n’était pas le plus doué et qu’elle était la bienvenue pour un vrai coup de main. Il lui faisait déjà confiance pour ça. « Fais comme chez toi, j’crois que j’vais partir, je n’ai plus rien à faire ici. » et il plaisante, il plaisante parce que maintenant qu’Evie est là, il n’a pas envie de partir, maintenant qu’elle est près de lui, il a un sentiment de plénitude, bien qu’un peu tendu quand même, il se sent bien et il ressent qu’une bonne partie des tensions qu’il y avait entre eux se sont dissipé et pour ça, il veut en profiter. Il même s’il se sentait bien inutile à présent et qu’il n’avait en réalité plus grand-chose à faire, il resterait quand même, pour l’avoir là, pour profiter de cet instant-là. « Tu me fais assez confiance pour que je n'ai pas à te demander l'autorisation de faire ou d'écrire quoi que ce soit ? Promis, je laisse les blasphèmes au placard. J'essaye de me racheter une conduite, alors… » et bien sûr qu’il lui faisait confiance, bien sûre qu’elle gardait ses boutades et ses bousculades pour le prêtre et qu’elle n’allait pas saccager cette kermesse avec des mots déplacés, des pancartes blasphématoires, parce que ce serait manquer de respect à l’ensemble des chrétiens qui soutenaient la paroisse et Evie n’avait rien contre eux. Owen pouvait encaisser pour lui – dans une certaine limite comme il l’avait déjà démontré – mais il laisserait aucun débordement passé dans ce contexte ci.
Et il brisa enfin la glace, lui posant cette question qui lui trottait dans la tête depuis qu’elle avait posé ce carton sur la table et qu’il l’avait remarqué. « C'est le fonds de commerce de ma famille, non, de faire don de soi pour défendre une cause ? Je crois qu'il est temps que je respecte la tradition familiale… ça te semble si étrange que ça ? » la réponse avait du sens. « Non, c’est pas si étrange… » parce que la réponse était large, parce que ca pouvait coller à n’importe quelle forme de bénévolat. Owen ne s’était pas montré suffisamment précis pour qu’elle lui donne la réponse qu’il voulait et elle le savait sans doute. Elle le savait puisque son regard appuyer sur le prêtre en disait bien plus que les mots qu’elle avait prononcé… Owen maintenant son regard et tentait de lire en elle mais c’était plus compliqué pour le prêtre de savoir ce qu’elle avait vraiment derrière la tête, ne voulant plus se conter des histoires qui n’avaient finalement rien d’un conte de fée. Ce n’était sans doute pas le moment de creuser plus, il aurait peut être une autre occasion de le faire. Elle se mis «au travail » prenant feuilles de couleurs et feutres. « Je vais devoir m'y mettre si tu veux que tout soit prêt pour demain. » Le prêtre se recula alors, terminant d’ajuster l’emplacement de son appareil à crêpe qui était déjà bien en place depuis un moment pourtant, comme s’il cherchait à faire diversion. « Si tu as besoin d’aide… » elle peut compter sur lui, mais elle s’active si bien qu’elle semblait savoir exactement quoi faire, comment arranger ce stand pour le rendre attractif et chaleureux. Owen la regardait simplement faire, se remettant cette mèche de cheveux qui lui tombait toujours devant les yeux, il souriait à chaque fois que d’un coup de main, elle l’envoyait valser pour quelques minutes, sans vraiment s’en rendre compte. La belle Pearson était surveillée et contemplée de toute part, il ne la lâchait plus des yeux sans vraiment que lui-même ne s’en rende compte. Concentrée et sérieuse, elle échangeait très peu de regards avec le prêtre mais sans le déranger, il se permettait alors de l’admirer sans gêne. « tu fais quoi ensuite ? » qu’il se permettait de lui demander, brisant sa concentration extreme. La question lui brûlant les lèvres depuis un moment. Il était maintenant assez tard… « j’me demandais si tu accepterais qu’on aille manger un bout, ensemble ? »

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Sur le coup, Evelyn se trouva franchement hypocrite d'utiliser la tradition familiale pour justifier sa présence ici. Néanmoins, ça faisait la bonne blague de se cacher derrière cette excuse en particulier, alors elle ne comptait pas se punir d'y avoir cédé avec pointe de fausseté dans le ton. Aussi, le sourire qu'elle laissa filer prit définitivement des allures plus carnassières tant elle trouvait ça ironique dans le fond. Elle se garda cependant de le faire remarquer à Owen, qui n'était pas sans connaître l'environnement dans lequel elle avait grandi, et retint ses observations intérieures pour elle.
D'habitude, elle passait son temps à juger sa mère et sa famille dans son ensemble, eux qui savaient si bien jouer les bons samaritains pour récolter lauriers et sympathie ; il s'agissait sans doute de la première fois de sa vie qu'elle choisissait de s'en remettre à ce qu'on lui avait appris. Jusqu'à présent, elle avait toujours refusé de mettre tout ça en pratique, ne se cachant que très rarement derrière la pseudo-bonté qu'on aurait tant aimé qu'elle hérite de ses aînées. Pourquoi maintenant, pourquoi dans ce contexte précis ? Tout simplement pour ne pas avoir à aller dans le fond des choses, et admettre à Owen qu'elle n'était pas venue dans l'espoir de faire la paix avec son Saint Patron comme elle le lui avait plus ou moins fait croire en arrivant ; elle aurait pu jurer sur la Bible qu'Il avait déjà une opinion bien arrêtée sur sa personne de toute façon, et ce n'était pas l'argent dont elle lui avait gracieusement fait don, ni le temps qu'elle comptait accorder à la paroisse qui changeraient quoi que ce soit en définitive. Le Bon Dieu était têtu, d'après la rumeur.
A quel point ce serait gênant de le lui avouer maintenant de toute façon ? Elle qui s'était déversée en sentiments trop sirupeux pour être digestes lors de leur dernière discussion, et qui s'était tant échinée à ce qu'il quitte son chez elle, elle était pourtant la première à faire le premier pas dans sa direction… pour quelle raison exactement ? Le manque à combler, l'envie de se prouver qu'elle était capable de gérer cette situation invivable comme toutes les autres, ne se laissant pas le choix d'échouer à l'exercice, la promesse beaucoup trop séduisante de sortir de son quotidien routinier en s'amusant avec les règles ? Un jeu auquel elle avait toujours excellé, par ailleurs. Comme à l'époque de sa scolarité si pieuse, Evie le sentait : elle retrouvait le goût de l'interdit ; celui qui lui avait fait braver l'autorité des sœurs auprès de ses petites camarades de classes, les convainquant de délaisser leurs blazers pour des vestes en jeans beaucoup trop usées, bardées de badge pro-avortement qu'elle distribuait gaiement à la sortie des cours ; celui qui lui avait donné l'excellente idée de remplacer l'eau du bénitier de la chapelle par de la vodka pure ; celui qui lui avait valu une semaine d'exclusion après avoir très sérieusement conseillé à Sœur Eugenie de déverrouiller fissa sa ceinture de chasteté tout en lui fourrant dans les mains le numéro d'un service de téléphone rose qu'elle s'amusait à appeler parfois, se faisant passer pour le Père Griffith qu'elle n'en finissait plus de railler parce que c'était si facile de le choquer… c'était plus ou moins tout ce qu'Owen réveillait en elle. Jamais elle n'aurait pensé avoir envie de renouer avec cette version d'elle-même, cette version d'elle-même qu'elle avait enfouie si profondément au cours des dernières années – cette jeune femme un peu rebelle qu'elle avait su dompter pour devenir celle qu'elle était à présent, craignant si fort de perdre le contrôle de sa vie qu'elle avait parfois l'impression d'en avoir vécue plusieurs à la fois.

"Pas besoin, je sais par quoi je vais commencer." finit-elle par dire après lui avoir fait constater que l'heure tournait, et qu'il était peut-être plus judicieux qu'elle s'y mette avant que la nuit ne tombe. Elle lui adressa un autre regard, moins insistant que le précédent. Puis se redressant, elle le poussa très légèrement du bout des doigts pour qu'il la laisse avoir accès au carton qu'elle avait ramené. Se penchant par-dessus, elle ajouta dans la foulée "A moins que tu aies des suggestions à me faire ? Dans ce cas-là, je suis toute ouïe. Sinon…" Elle se hissa sur la pointe des pieds, maintenant ses feuilles de papier sous son bras tout en trifouillant profondément dans le carton d'où elle retira quelques feutres, pailletés pour certains. Elle poursuivit, un sourire égayant ses traits qu'elle tourna en direction d'Owen "Ne reste pas dans mes pattes, Bax. C'est à tes risques et périls, je te préviens."
Une fausse menace – gorgée de double sens ? Sans doute un peu, mais elle n'y avait pas tellement prêté attention sur l'instant – qui n'eut pas grand effet si on considérait le regard du jeune homme qu'elle sentit posé sur elle durant tout le temps où elle s'affaira avec concentration. C'est inconsciemment ce qui l'incita à remettre autant de fois ses cheveux en place, à la fois flattée et troublée par l'attention qu'il semblait lui porter sur le moment. Manifestement, il s'imaginait qu'elle ne se doutait de rien – c'était sous-estimer l'effet qu'il lui faisait, même installé à plusieurs mètres d'elle, mais surtout, toutes ces années durant lesquelles elle avait réussi à griller les photographes qui se planquaient dans les pots de fleurs du domaine Pearson dans l'espoir de tomber sur l'une des filles pour les bombarder de clic clic clic intrusifs et aveuglants. Elle termina son ouvrage avec un sourire en biais, puis lui accordant enfin un bref regard quand, quelques longues minutes après, il lui demanda ce qu'elle faisait ensuite, Evelyn lui répondit "Terminé. Il ne reste plus qu'à les accrocher au bon endroit pour que ça attire l'œil. Si avec ça les caisses de ta paroisse ne se remplissent pas, je ne m'appelle plus Evelyn Pearson." Admirant son œuvre avec fierté, prenant du recul pour s'assurer que tout soit parfait, elle prit sens de la suite de la phrase du jeune homme. Subitement, elle retourna la tête dans sa direction "Oh, je pensais que tu parlais des affiches." Un petit rire gêné s'échappa de sa gorge, le temps qu'une légère pause s'instaure entre eux "Tu crois vraiment que c'est une bonne idée ?" lui demanda-t-elle avec l'air de ne pas y toucher, frottant l'une contre l'autre les paumes de ses mains tachées de feutres à certains endroits. Dans un même mouvement, rassemblant avant toute chose ses affiches pour les poser devant elle, elle finit par s'accouder à la table qu'elle avait investie dans l'idée de cacher son petit sourire derrière ses doigts qu'elle replia avant de s'appuyer dessus. A quoi bon jouer les innocentes, quand en vérité, elle avait accepté de rendre service à Heïana dans l'espoir de passer du temps avec Owen ? Mais d'une certaine façon, ça lui plaisait de passer pour la raisonnable de service tandis que, sous la table, elle croisait étroitement les jambes en espérant qu'elle paraîtrait suffisamment sereine pour qu'il gobe qu'elle n'était pas tout à fait sûre que ce soit très judicieux d'accepter de se retrouver en tête à tête avec lui.

« Pas besoin, je sais par quoi je vais commencer. » Le prêtre laissa alors la jeune femme s’activer, mettant au bénéfice de l’Eglise ses talents et ses compétences professionnelles, Owen n’avait bien sûre rien à redire à Evie. Elle le chassa presque mais il n’en était pas moins amusé. Elle passa devant lui, jouant de geste en son encontre qui, il fallait l’avouer, même s’il ne s’agissait qu’un doigt posé sur sur son flanc, lui avait tout de même ravivé des sensations agréables. « A moins que tu aies des suggestions à me faire ? Dans ce cas-là, je suis toute ouïe. Sinon… Ne reste pas dans mes pattes, Bax. C'est à tes risques et périls, je te préviens.» il se demandait bien quels genres de risques il pouvait bien prendre à rester à ses côtés, à l’observer, l’empêcher d’aller d’un point A à un point B sans être sur son passage… Ca lui brûlait les lèvres de lui répondre, de lui dire qu’il pouvait bien prendre n’importe quel risque, qu’il était bien curieux de savoir ce qui l’attendrait. Mais les sens de ses mots n’étaient peut-être pas les mêmes que ceux de la jeune femme et il se retenait. Il se censura car il n’avait aucune idée du véritable état d’esprit de son ex petite amie ce soir-là.
Il reste à l’écart, resta à sa place, la supportant dans un sens, il était si ravi de pouvoir être à ses côtés, si ravi de cette sensation d’avoir passé l’éponge sur ses maladresses, sur ses faux pas. Les mots qu’il avait dit sans s’en rendre compte, ces mots qui avaient blessé Evie, pas qu’une fois… il s’était senti si coupable et pour autant, ce n’était pas pour ne plus l’être qu’il avait tenté de se rapprocher d’Evie, de se confondre en excuse. Il le pensait sincèrement et était bien conscient d’une chose : si être à côté d’Evie pour lui être dangereux, ca lui faisait aussi beaucoup de bien. Ce sentiment de bien être réel mais qui petit à petit laissait place à toutes autres sensations. L’envie, le manque, le besoin de contact… c’est bien là que ça devenait dangereux.
Sortie de ses pensées, il se permit alors de l’interrompre, son regard sur elle changea lorsqu’elle lui répondit. Ce regard qu’il avait posé sur elle, observant ses courbes, ses manies, sa délicatesse, ses gestes fins… « Terminé. Il ne reste plus qu'à les accrocher au bon endroit pour que ça attire l'œil. Si avec ça les caisses de ta paroisse ne se remplissent pas, je ne m'appelle plus Evelyn Pearson. » elle n’avait pas bien saisi le sens de sa question mais la réponse était tout aussi intéressante. Il s’occuperait d’accrocher les affiches le lendemain lorsqu’il arriverait à l’aube. Elle compris alors que ce n’était pas seulement de son travail qu’il parlait mais bien de ce qu’elle avait l’intention de faire après avoir terminé tout ça… Osant demandé si elle viendrai l’accompagner pour manger un bout. « Tu crois vraiment que c'est une bonne idée ? » Il ravala sa salive et sa fierté en même temps le prêtre. C’était donc ça qui se dessinerait à présent ? Elle choisi ce qui est une bonne idée et ce qui ne l’est pas. Elle choisi de faire du bénévolat auprès de lui, pensant que c’était ça la bonne idée. Mais ne lui laissait pas le plaisir de l’inviter au restaurant. « Pour te remercier, pour ton aide… » qu’il se défendit quand même. Ce n’était pas du tout l’intention première, non, il voulait juste profiter encore un peu de sa présence. Profiter de son doux sourire et de ses yeux si malicieux… « Mais, tu as raison. » il se repris. Elle avait sans doute raison. « Je te remercie pour ton aide. T’as fait un bon boulot. » Owen pris du recul pour jeter un dernier œil à son œuvre. « On va pouvoir rentrer du coup. » Lui et son manteau sur le bras et rien d’autre. Les boules. Il récupéra le carton qu’Evie avait pris avec elle pour la raccompagner jusqu’à sa voiture sans doute, laissant les mains libre à la jeune femme. «  Tu crois que c’est une bonne idée ce bénévolat ? » qu’il demanda à son tour, sur le même ton qu’elle avait employé plus tôt, parce que si elle ne voulait pas passer plus de temps avec lui, pourquoi faire ces efforts-là ? Il attendait juste la réponse sincère de la jeune femme et surtout, il n’avait pas envie de la faire fuir à nouveau.

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Tout s'enchaîna un peu trop rapidement au goût d'Evelyn. L'impression que tout échappait soudain à son contrôle la laissa abasourdie. Tellement d'ailleurs, qu'elle se cala, avec un petit temps de retard cependant, sur l'urgence qui semblait si brusquement animer Owen. Elle commença donc à regrouper tout ce dont elle avait eu besoin pour parfaire ses affichettes, et ne discuta pas lorsqu'il lui parut évident qu'en effet, elle devait s'en aller. Un léger sourire sans joie fendilla l'expression plutôt joyeuse, elle, que son visage avait emprunté à l'instant où le jeune homme l'avait invité à dîner. A ce propos, elle n'avait pas eu véritablement l'intention de l'éconduire, en revanche elle avait jugé bon mettre les choses au clair avant d'envisager d'accepter sa proposition, si séduisante au demeurant, que ça lui demandait un vrai effort de ne pas se précipiter pour réparer son erreur – en avait-elle vraiment fait une, d'ailleurs, en prenant ce petit ton pour le questionner sur le bien-fondé de son invitation ?
Faussement concentrée sur le rangement du coin qu'elle avait investi quelques longues minutes plus tôt, elle se félicita en elle-même d'avoir la tête baissée pour qu'il ne puisse pas s'apercevoir d'à quel point sa réaction la laissait perplexe. A ce moment-là, et ce malgré la tentative d'introspection qu'elle fit en se remémorant ses toutes dernières paroles, elle devait avouer qu'elle ne le comprenait pas. Evie n'avait pas été insultante, elle lui avait simplement posé une question qui lui paraissait légitime. Pourtant, il agissait comme toutes les fois où elle avait osé le blasphème pour détendre l'atmosphère – une technique qui s'était révélée inefficace, mais au moins elle avait essayé, c'était ce qu'il fallait retenir. Était-ce une bonne idée ? Sa propre question lui donna matière à réfléchir, et pendant qu'elle rassemblait les affiches qu'elle venait de dessiner, puis qu'elle les tapota à l'unisson sur le bord de la table qu'elle termina de ranger consciencieusement, elle fronça les sourcils. Était-ce une bonne idée de se comporter comme si rien ne s'était jamais passé entre eux, alors que même si de l'eau avait coulée sous les ponts, elle sentait qu'il y avait quelque chose – ce n'était peut-être rien qui en valait la peine, n'empêche que ça la forçait tout de même, et à chaque fois, à revenir vers lui. En vérité, il était inutile de se lancer dans de grands débats sur la question : sans doute que ce n'était pas une bonne idée, non. Seulement, elle avait besoin de son avis à lui sur le sujet ; plus encore, elle avait besoin qu'il lui donne enfin la certitude que ça ne venait pas seulement d'elle, et que ce qui grouillait dans son ventre, cette satanée brûlure de plus en plus vive, n'était pas le fruit d'une nostalgie qui l'assaillait elle, et uniquement elle, chaque fois qu'ils se croisaient.

Elle harponna son sac et le glissa à son épaule, laissant Owen ouvrir la marche et creuser, en plus de la distance qui les séparait comme ils marchaient chacun à un rythme différent, un silence assez désagréable. Les yeux posés sur la silhouette du jeune homme qui lui faisait dos, Evelyn l'observa sans craindre qu'il ne s'en aperçoive. Ainsi, elle mit le léger frisson qui lui parcourut l'échine sur le compte de la température qui avait subtilement baissée depuis qu'elle était arrivée sur les lieux de la fête, et contre laquelle elle était à peine prémunie.
Elle hésita longtemps avant de rompre le mutisme dans lequel ils s'étaient tous les deux enfoncés le temps de quitter le local… quand enfin, d'une voix presque timide, et après avoir plusieurs fois tenté de faire tenir une longue mèche récalcitrante derrière son oreille, elle finit par lui dire "Owen ? Je dois commander un Uber pour rentrer, je ne conduis toujours pas." Elle joignit le geste à la parole en sortant son téléphone portable de son sac. S'apprêtant à ouvrir l'application en question du bout d'un index sûr, la jeune femme leva la tête par à-coup lorsqu'Owen s'adressa à elle pour lui retourner l'interrogation qu'elle lui avait faite tout à l'heure. Elle avait la réponse, et elle n'avait franchement pas envie de se débiner face au regard qu'il lui lançait. Le geste en suspens, elle affronta un instant ses yeux avant de cligner des siens, de détourner la tête, puis de laisser ses bras baller le long de son corps ; le tout en secouant la tête "Sans doute pas, non." avoua-t-elle sans tourner autour du pot, et ses dents se plantèrent dans sa lèvre inférieure pendant qu'elle cherchait ses mots. Il n'y avait que lui qui la rendait si imprécise dans sa façon de s'exprimer. Parce qu'elle n'avait peut-être jamais été très douée pour déballer tout ce qu'elle avait sur le cœur, Evie, il restait qu'elle avait toujours été habile avec les mots… mais pas quand c'était Owen qui était en face d'elle. Lui, il la faisait buter, bégayer, douter... et ça l'agaçait profondément, ce sentiment de vulnérabilité qu'il faisait naître chez elle. Ça prouvait qu'il avait un certain pouvoir et en plus de l'insupporter, ce détail qu'elle n'avait l'intention de partager avec quiconque, l'effrayait plus qu'elle n'aurait été capable de l'expliquer.
Pour autant, elle entrouvrit la bouche en décalé, restant une nanoseconde sans pouvoir dire quelque chose… jusqu'à ce que sa voix résonne enfin de nouveau. Un sourire où l'embarras perça l'obligea à faire comme si ce qu'elle s'apprêtait à lui dire n'avait aucune espèce importance, mais le faible tressaillement dans sa voix prouvait le contraire "J'avais envie de te voir, d'accord ?" Les bras légèrement écartées devant elle, elle sentait la paume de sa main ruisseler sous la surface lisse de son téléphone auquel elle s'accrochait sans faillir "Et ouais, c'est l'excuse la moins pathétique que j'ai trouvée, si tu veux tout savoir. Ça me paraissait plus digne que de venir sonner chez toi en prétendant avoir besoin de sucre ou de beurre ou de…" Elle leva les yeux au ciel, puis toupillant sur ses talons, elle se retint de se taper le front avec sa paume libre et humide. A la place, elle chassa les petits cheveux qui lui chatouillait les joues dans un geste plus fébrile que rageur "A la réflexion, ça t'aurait paru moins étrange que je sois du genre à faire des pâtisseries à pas d'heure, plutôt que du bénévolat. Je sais que je n'ai pas le profil de l'enfant de cœur standard, mais j'essaye vraiment de m'améliorer." Ou pas. Dans les deux cas, elle venait de se faire prendre à son propre piège. Une conclusion qui ne lui plaisait pas ; pas plus que le regard d'Owen qu'elle sentait peser là, juste entre ses omoplates, alors qu'elle lui avait sciemment tourné le dos dans l'espoir de faire bonne figure – comme si elle ne venait pas de perdre toute sa crédibilité en lui avouant qu'elle s'en fichait comme de sa première dent que sa paroisse réussisse à combler le trou qu'elle avait dans ses finances. Décidément, elle était bien loin du cliché qu'on accolait généralement à son nom de famille.
Brusquement, et après avoir rangé son téléphone et remonté son sac sur son épaule, elle se retourna. Les mains de nouveau écartées devant elle, elle haussa les épaules en espérant avoir la force d'ajouter quelque chose. Confrontée au regard d'Owen qui se tenait à quelques mètres d'elle, Evelyn ne trouva malheureusement rien de mieux à dire, la tête vrillant sur le côté tandis qu'un soupir s'échappa discrètement de sa bouche "Ne me regarde pas comme ça." Une faveur qu'elle lui demanda de lui faire sur le ton le plus détaché du monde mais qui, si elle prenait un peu de hauteur sur la scène qui était en train de se jouer, lui paraîtrait sans aucune doute comme étant beaucoup trop suppliant.

Une fois dehors, le prêtre regarda les voitures, se demandant quelle pouvait être celle d’Evie. Il déposerait son carton dans son coffre et repartirait ensuite de son côté, assez froissé de rentrer seul à vrai dire. Il aurait voulu passer plus de temps avec elle, se laisser le temps et la chance d’en apprendre à nouveau à propos d’elle. Il réalisait bien que la plupart de leurs rencontres depuis leurs retrouvaille ce jour au tournois de rugby, leurs discussions tournaient autour d’un thème précis : cette nouvelle vie pour Owen. Et les dommages collatéraux que ça engendrait ensuite. Mais quoi à propos d’Evie ? Qu’avait-elle fait de toutes ses années en Angleterre, quels étaient les derniers films qu’elle était allée voir au cinéma et qu’elle avait adoré ou détesté ? Comment se sentait-elle vraiment depuis qu’elle était revenu à Brisbane ? Avait-elle repris ses marques ? Comment se passait son quotidien ? Avait-elle les mêmes goûts en matière de série qu’elle n’en avait avant de s’enfuir ? Est-ce qu’Owen et elle partageaient encore des plaisirs communs ? Mener une discussion qui ne tournait simplement pas que autour de la religion, de la pluie et du beau temps et de sujets passent partout. Owen voulait réapprendre à la connaître pour sans doute se rassurer, se dire qu’il n’est pas tombé sous son charme pour rien, que peut être, ça en vaut la peine et que s’il doit prendre des risques, que ce ne soit pas avec des regrets. Parce que plus le temps passait, plus il avait envie de les prendre, ces risques…
Alors qu’il attendait juste un regard, un signe pour déposer ce carton, Evie lui indiqua ne pas conduire et jeta un œil sur son téléphone pour commander un Uber. Ce qui dans un premier temps, ne le percuta pas plus que ça. Il hocha la tête, la laissant faire alors. « J’vais attendre avec toi… » et peut être qu’il avait perdu une occasion de pouvoir passer plus de temps avec elle justement en lui proposant simplement de la raccompagner, mais il n’avait aucune idée si c’était réellement ce dont la jeune femme avait envie. N’avait pas envie de s’imposer à elle. Elle aurait pu, lui demander, si elle l’avait voulu. Il aurait accepté, avec plaisir d’ailleurs. Il s’interrogea et ne pouvait plus de garder des questions sans réponse. Il se permis alors de demander à Evie, d’une manière détournée, les réelles motivations de son engagement auprès de la paroisse. « Sans doute pas, non. » Il partageait cet avis là. Attendant qu’elle étoffe sa réponse tout de même, il la regardait, son regard lui demandant d’ajouter quelques explications. « J'avais envie de te voir, d'accord ? »et il ne suffisait de pas plus pour voir le prêtre reprendre des couleurs, laissant apparaitre ses dents derrière un petit sourire non assumé. « Et ouais, c'est l'excuse la moins pathétique que j'ai trouvée, si tu veux tout savoir. Ça me paraissait plus digne que de venir sonner chez toi en prétendant avoir besoin de sucre ou de beurre ou de… A la réflexion, ça t'aurait paru moins étrange que je sois du genre à faire des pâtisseries à pas d'heure, plutôt que du bénévolat. Je sais que je n'ai pas le profil de l'enfant de cœur standard, mais j'essaye vraiment de m'améliorer.» Le prêtre jeta un coup d’œil vers la salle où ils étaient, deux hommes en sortaient et semblaient être les dernières personnes à quitter les lieux. Il regarda à nouveau son ex petite amie et se pinça les lèvres. Il resta silencieux quelques instants, satisfait de ce qu’il venait d’entendre. Satisfait et touché parce qu’elle se donnait tant de mal, faisait des efforts pour tenter d’approcher le prêtre par tout les moyens. « Ou m’envoyer un message pour me dire que t’aurai envie de me voir. » maintenant qu’elle avait son numéro, depuis qu’il lui avait écrit pour soit disant organiser l’anniversaire de sa sœur. « Faudrait peut être qu’on arrête de s’inventer des excuses quand on a juste envie de se voir. » il prenait ce conseil pour lui également. « On sait avec l’expérience que c’est pas toujours bon… » parce que la fois là, une dispute avait éclaté entre eux et finalement, le seul résultat qu’ils obtenaient, c’était un malaise entre eux. Le prêtre ne la quittait pas des yeux, d’un regard si bienveillant et empli d’admiration. « Ne me regarde pas comme ça. » et son sourire amusé laissa apparaitre des rides aux coins de ses yeux. « j’vois pas de quoi tu parles. » il haussa les épaules, feintant l’ignorance et l’innocence. « Ma voiture est là… » d’un coup de tête, il désignait le véhicule de son menton. « Je te ramène. Tu peux annuler ton uber. » et il ne lui laissait pas tant le choix, ouvrant le coffre et déposant le carton avant de refermer celui-ci. Il embarqua dans l’habitacle, attendant qu’Evie ne s’installe à ses côtés.

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"Ou t'envoyer un message pour te dire que j'avais envie de te voir en effet." Une option à laquelle elle avait préféré ne pas songer, parce que d'ordinaire, elle ne faisait pas ce genre de choses ; c'est-à-dire rappeler un homme dans l'espoir de passer encore un peu de temps avec lui, grande abonnée des aventures sans lendemain depuis bien des années maintenant. Et même s'il s'agissait d'Owen, elle ne l'aurait jamais fait ; surtout pas après l'épisode de leur dernier tête-à-tête durant lequel elle était persuadée d'avoir laissé des traînées de morve sur son t-shirt – mais qui s'en souciait dans le fond si ce n'était le peu d'amour propre qui lui restait, enfoui si profond d'ailleurs qu'elle réussissait à peine à mettre le doigt dessus. Elle prit une légère inspiration, ne revenant pas sur son affirmation à propos des excuses qu'ils se cherchaient à chaque fois, alors que c'était si simple en définitive… et en même temps, c'était la situation la plus compliquée dans laquelle Evie avait eu l'occasion de se retrouver – coincée entre ce qu'elle ressentait à l'intérieur d'elle-même et tout le reste. Ça impliquait de prendre en compte tellement de choses que même elle, plutôt à cheval sur l'organisation dans son ensemble, commençait à doucement perdre le fil. Toutes ces contradictions dans le comportement d'Owen, mais pas que dans le sien, ça la rendait chèvre, et en même temps… ça lui plaisait. Beaucoup trop. C'était si bizarre, si inattendu, si tétanisant… qu'elle se mettait à agir de façon déraisonnée, quitte à s'égarer. De nouveau, c'était ce qu'elle venait de faire en avouant au jeune homme qu'elle était venue ici dans l'espoir de le voir. En réalité, ça la tiraillait depuis qu'ils s'étaient quittés la dernière fois qu'il était venu chez elle, et maintenant qu'elle se trouvait en face de lui, elle se trouvait tellement stupide de chercher à tourner autour du pot alors qu'elle était si directe d'ordinaire "Tu vois exactement de quoi je parle. A d'autres, padre." laissa-t-elle échapper, le fusillant d'un regard gentillet, non moins insistant tant elle était à deux doigts de lui faire remarquer que, jouer aux innocents de pacotille avec elle, ça ne prenait pas, même s'il était curé désormais – elle aurait eu des histoires à raconter sur le jeune Baxton, de quoi défriser toutes les permanentes de ses fidèles les plus âgées. Elle croisa les bras pour lui donner l'impression qu'elle ne bougerait pas d'un pouce, alors qu'elle était déjà prête à se précipiter dès le moment où il lui conseilla de décommander son Uber. Une chance qu'elle n'avait pas pressé son doigt sur la commande de son téléphone "Tu es vraiment sûr que ça ne te pose pas de problème ?" Une question qu'elle lui posa de nouveau dans l'idée de se laisser l'impression qu'elle avait considéré toutes ses options. Elle-même avait avoué que cette soudaine proximité entre eux n'était pas une bonne idée, mais elle ne se sentait pas de refuser sa proposition une seconde fois, et ce en l'espace de quelques minutes à peine. En d'autres termes, elle lui laissait le choix, parce que finalement, celui pour qui ça engendrerait plus de problème si les choses prenaient un autre tournant, c'était lui ; pas elle.

Mais il semblait sûr de lui, d'une façon presque autoritaire d'ailleurs. Campée sur ses baskets, les bras croisés sur la poitrine, ça la surprit. L'ombre du Owen qu'elle avait connu, qui lui avait tellement plu à l'époque, venait subtilement de passer sur le visage du jeune homme. Ça ne l'aidait pas à considérer la situation d'un point de vue rationnel, c'était même très loin de là. En s'avançant vers sa voiture, Evelyn passa le bout de sa langue sur ses lèvres, puis après avoir dégagé son visage de ses cheveux qu'elle rejeta en arrière, elle se décida à enfin grimper à l'intérieur "Tu as besoin que je te donne mon adresse, ou tu comptes me faire la surprise de la destination finale ?" Elle tourna alors la tête dans sa direction, observant son visage en retenant le sourire qui se dessina sur ses lèvres à l'instant où ses yeux se posèrent sur les siennes. Elle posa nonchalamment sa tête sur l'appui-tête, continuant à le regarder avec un certain intérêt. Pendant une fraction de son seconde, elle fût tentée de lui demander le plus sérieusement du monde si elle devait lui envoyer un message aussi pour le prévenir qu'elle avait envie de l'embrasser ; mais ça lui traversa si rapidement l'esprit qu'elle se jugea intérieurement à ce sujet, se souvenant en troisième vitesse que la dernière fois qu'elle s'était laissé dicter sa conduite par son instinct, ils avaient fini par se faire des reproches en pleine rue. C'était trop dur, se dit-elle en déglutissant, et en faisant jouer sa langue dans sa bouche pour en chasser l'impression de fièvre qui s'y répandit quand elle s'aperçut que leur proximité avait un réel effet sur elle – et il n'avait même pas démarrer la voiture, aussi elle se demanda si ses mains autour du volant ne seraient pas le détail de trop, celui qui finirait de lui faire réaliser qu'elle le désirait autant qu'à l'époque. Brusquement, elle se redressa dans son siège qui crissa sous la matière de son jean, posa son coude sur le bord de la portière d'un même geste, puis enfonça une main dans ses cheveux dont elle tira discrètement les racines pour se remettre les idées en place. Tachant de garder son regard fixé droit devant elle, Evie se racla bruyamment la gorge avant de lui dire "Latimer Road à Logan City, tu feras attention à la déviation."

« Tu es vraiment sûr que ça ne te pose pas de problème ? » Le prêtre était déjà presque dans sa voiture, pas la peine de lui répondre, son attitude voulait tout dire. Bien entendu que ça ne lui posait pas de problème, bien entendu que plus il pouvait profiter du temps avec Evie, plus il le ferait. Ça lui faisait autant de bien que ça pouvait lui faire de mal, mais la balance était à l’équilibre et pour le moment, ça lui allait ainsi. Et autant l’un comme l’autre sentiment pouvait avoir une part d’excitation, une dose d’adrénaline, une dose de dopamine, un peu d’endorphine et de sérotonine : un bon cocktail du bien être et du plaisir.  « Tu as besoin que je te donne mon adresse, ou tu comptes me faire la surprise de la destination finale ? » et le prêtre qui jete un regard à sa passagère. Il allait la conduire jusqu’à sa porte, il connaissait l’adresse, il s’y était rendu la dernière fois qu’ils s’étaient vu. Il avait osé franchir le pas de se rendre chez elle, d’entrer un peu plus dans son intimité, dans ses espaces privés, c’était sans se rendre compte de la symbolique que ça pouvait avoir. Aller à domicile, c’était comme être encore un peu plus proche, être dans une zone de confort et à l’abris de tous les regards qui pouvaient se montrer indiscrets, trop curieux.  L’idée qui ne lui était pas venu, c’était en effet de lui faire cette surprise, de la destination finale comme elle dit. Ca le fait sourire le prêtre, il se questionne encore. Où et pourquoi ce lieu précisément. Peut être que la reflexion d’Owen se faisait trop longue, Evie lui lança son adresse, précision de ne pas se faire avoir par les déviations du moment. Il hocha la tête. « Merci. » qu’il se contenta de répondre avant de démarrer une bonne fois pour toute et quitter ce parking. « Tu penses revenir pour la vente des crêpes ou nous faire don de tes talents artistiques est la limite de ton implication pour la paroisse ? » qu’il dit, se moquant presque à présent, maintenant qu’elle avait avoué ne pas s’investir dans le bénévolat uniquement pour faire une bonne action auprès du Seigneur.
Il s’y dirigeait, vers Logan City, ce n’était pas si loin, mais ce n’est pas chez Evie qu’il avait l’intention d’aller pour finir sa course. Et pour le moment, elle ne s’en doutait surement pas, accoudée contre la portière, le chemin qu’il empruntait et qu’elle voyait défiler ne devrait donc pas la surprendre. Owen, savait à présent exactement où ils iraient et l’idée le faisait sourire davantage. L’idée de replonger plus de quinze ans en arrière, de retourner dans ses baskets d’étudiants inconscient, qui se foutait bien de tout et qui frôlait sans cesse la désinvolture. Arrivé enfin à proximité de SeaWorld, il emprunta cette fois un chemin qui ne menait plus vers chez Evie. Virage à gauche et petite route étroite où il était compliqué de se croiser à deux. Owen était bien curieux de voir s’il était toujours possible de passer à l’arrière du par cet se faufiler entre deux bâtiments abritant différents animaux marins. Il leur était déjà arriver de s’y rendre. Un grillage abimé leur permettait de passer en dessous, donnant accès à ces parties privés que seuls les employés du parc n’ont le droit de traverser. Evie et Owen s’y était rendu deux ou trois fois, grimpant par une échelle sur le toit d’un des bâtiments, la vue leur offrait l’ensemble du parc, les bassins marins, quelques otaries qui se promenaient encore jusqu’au coucher du soleil, les dauphins qui nageaient dans leur bassin. Ils ne s’étaient jamais fait prendre et heureusement pour eux, c’était sans doute ce qui leur avait permis d’y retourner. C’était aussi sur ce toit qu’Evie et Owen s’étaient embrassé pour la première fois. « J’voudrais vérifier un truc. » qu’il dit lorsqu’il commence à se rendre compte qu’Evie s’interroge. Il s’arrête un peu plus loin, là où il avait toujours l’habitude de se garer pour s’y rendre. Il a regarde, il sait qu’elle sait. « tu viens ? » il y a plus qu’à aller vérifier, voir si ce grillage est toujours en aussi mauvais état, plus qu’à vérifier s’ils peuvent encore y aller, grimper et observer le même spectacle qu’ils s’offraient avant…

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crédit/ hayleykiyokcsarchive (tumblr) ✰ w/ @owen baxton

"Attends un peu… je rêve, ou t'es en train de te moquer de moi ?" lança la jeune femme, délaissant un instant sa contemplation à travers le pare-brise pour accorder une nouvelle œillade à Owen. Pas courroucée le moins du monde, elle était en fait plutôt amusée qu'il profite de ce renversement soudain de vapeur pour lui rendre toutes les boutades qu'elle avait pu lui faire depuis qu'ils s'étaient revus, puis après, quand elle avait appris sa reconversion professionnelle. A partir de là, son humour s'était révélé, pour le meilleur et pour le pire – surtout le pire, comme en témoignait la colère du prêtre à ce sujet. Peut-être qu'elle s'empourpra un peu en se disant qu'elle méritait amplement qu'il tourne en dérision toutes ses pauvres tentatives de le voir, mais elle ne l'avouerait jamais vraiment, préférant mettre ça sur le compte de la chaleur suffocante qui régnait dans l'espace qui les séparait et qu'elle se prenait par vague. Des bouffées tièdes qui la firent se redresser dans son siège et serrer étroitement les genoux, tandis qu'elle fixait brièvement le profil du jeune homme qui avait enfin démarré en direction de Logan City.
En son for intérieure, elle trouva ça fort commode que l'habitacle soit plongé dans une semi-obscurité qui l'empêchait de se justifier à ce propos, et bien qu'un sourire remonta ses pommettes bien dessinées, elle se sentait étrangement embarrassée d'en être revenue à user de techniques aussi puériles dans l'espoir de soulager ses maux d'amour – ou qu'importe ce qu'il se passait véritablement lorsqu'elle croisait le regard d'Owen. Evelyn avait beau ne pas réussir à mettre des mots dessus, elle avait néanmoins la certitude qu'il se passait quelque chose et d'une curieuse façon, elle pressentait que ça dépassait largement le stade de la nostalgie comme elle l'avait cru au tout début ; il n'y avait qu'à voir la façon dont elle posait son regard sur lui, de plus en plus troublée par les reliefs du jeune homme qu'elle avait connu alors, et qui pointaient souvent le bout de son nez lorsqu'il n'y pensait pas. La main toujours plongée dans ses cheveux, le coude vissé au bord de sa portière, elle dévia graduellement les yeux pour ajouter, des sourires dans la voix malgré l'expression sévère qu'elle s'était donnée pour lui répondre "Je me suis engagée auprès d'Heïana alors oui, je vais venir. Sauf si tu continues à me tourner en ridicule… si c'est le cas, sache que c'était ma dernière tentative de faire la paix avec ton boss." Reste qu'en vérité, elle avait tout de même caressé l'idée de profiter de ses derniers restes de fille de bonne famille catholique pour répondre aux vieux désirs de feu son cher père de faire de ses petites-filles des honnêtes gens. Ce n'était cependant pas le moment de sortir les violons en lui expliquant qu'elle avait besoin de se rabibocher avec sa foi pour retrouver un semblant d'équilibre. Soudain, son attention fût détournée par la route que le jeune homme avait fini par emprunter.

Suspicieuse, se demandant si ses souvenirs ne l'induisaient pas en erreur, elle fût un long moment sans oser reprendre la parole. Et puis n'y tenant plus, et de plus en plus sûre d'elle, elle plissa les yeux "Je sais où tu m'emmènes, Owen." finit-elle par murmurer, puis elle se décolla du dossier de son siège pour suivre le chemin par la vitre. Y collant presque le nez, elle se mordit brièvement la lèvre inférieure, et sentit une excitation nouvelle l'envahir ; qui n'avait rien avoir avec ses bouffées de chaleur au demeurant, c'était simplement qu'elle n'avait plus remis les pieds dans cet endroit depuis des années maintenant et qu'aussi soudainement que la façon dont le jeune homme avait fait virer la voiture pour les dévier de leur trajectoire, elle se rappela tous les souvenirs qui étaient liés à cet endroit. Ils n'y étaient pas allés beaucoup de fois, mais ces visites avaient toujours été déterminantes dans l’évolution de leur relation. Ce fût sans doute pour cette raison qu'elle se sentit obligée de lui dire, continuant de fixer l'extérieur avec un intérêt évident "Tu pourras t'en prendre qu'à toi-même cette fois." Une mise en garde distraite à laquelle elle songea à peine, et qu'elle eut tôt fait d'avaler lorsqu'il s'arrêta et qu'il l'invita à la rejoindre. Elle opina du chef avec enthousiasme, puis laissant son téléphone et son sac derrière elle, elle ouvrit sa portière pour sortir de la voiture. Une fois dehors, elle regarda aux alentours, et quand Owen s'approcha d'elle, elle s'agrippa à sa main. Elle entremêla ses doigts aux siens sans véritablement en faire cas, sentant que braver cet autre interdit ravivait la flamme dans son ventre qui avait perdue de sa superbe face à l'idée qu'elle avait manifestement écourtée le temps qu'elle tenant tant à passer avec Owen. Elle le tira doucement derrière elle pour qu'il la suive "Je veux voir si c'est resté comme dans mes souvenirs, ça m'intrigue." dit-elle tout bas, parlant précipitamment pour ne pas éveiller les soupçons de qui que ce soit aux alentours. Resserrant ses doigts autour de ceux d'Owen, elle montra un coin légèrement escarpé avec son index de l'autre main, l'obligeant toujours à la suivre en l'emmenant dans son sillage. Les sourcils froncés, mais le visage lumineux dans l'opacité de la soirée qui était tombée sur Bisbane, elle fit une pause sur le chemin, le temps de lui demander avec un peu de candeur dans le ton "Le grillage était de ce côté, non ? Tu crois qu'ils l'ont raccommodé après tout ce temps ?"

Il se pourrait bien qu’Owen se moque, qu’il lui rende un peu la pareille de ce qu’elle se permettait depuis qu’ils s’étaient revu. Il se rendait bien compte comme c’était ridicule d’avoir reprocher tout ça à Evie parce qu’il savait très bien que c’était pas le problème. Qu’il s’était pas vexé pour des remarques sur ce qu’il était devenu, qu’il était pas si susceptible et surtout, qu’elle disait jamais aucune remarque avec un mauvais fond, dans le simple but de le blesser. Ce qu’il avait mal pris, c’était qu’elle avait affirmé qu’elle l’avait embrassé sans raison particulière. Qu’il aurait aimé qu’elle lui dise qu’elle en avait vraiment envie, que c’était pas juste une pulsion incontrôlable. Et Owen pouvait pas dire le contraire, depuis, il avait envie d’y gouter à nouveau, à ses lèvres… « Je me suis engagée auprès d'Heïana alors oui, je vais venir. Sauf si tu continues à me tourner en ridicule… si c'est le cas, sache que c'était ma dernière tentative de faire la paix avec ton boss. » rictus, s’il savait son boss… enfin, il sait surement déjà tout. Il sait lire dans ses pensées et il sait voir ce qu’il se passe. C’était étonnant qu’il ait pas déjà envoyé un signe à son bon père Baxton. Une mise ne garde, n’importe quoi qui le remette dans le droit chemin car vu comme c’était partie, le prêtre était sur une mauvaise pente. Mais pour lui, c’était une descente, il était sur un vélo, les roues libres, sentant des sensations fortes, sentant la vitesse et les hauts le cœur. L’impression d’avoir des ailles et de ne plus pouvoir s’arrêter. Il ignore quand arriverait la fin de la descente, quand il sera temps de remonter et pédaler à nouveau, galérer à retrouver le sommet. Mais il n’en voyait pas encore le bout, c’était à l’aveugle qu’il avançait et il n’allait pas s’en priver, il avait plus de frein, il arrivait plus à s’arrêter. « Mon boss doit pas être fier en ce moment… » qu’il lâcha sans vraiment assumer le contenu de ses paroles. Le prêtre poursuivait sa route, déterminé à emmener à nouveau Evie sur ce toit. « Je sais où tu m'emmènes, Owen. » Elle comprenait enfin, et elle savait tout autant que lui toute la symbolique que ce lieu avait pour tous les deux. Owen se laissait totalement guider par son cœur et absolument pas par sa raison. Sa raison qui lui criait qu’il allait devoir rendez des comptes, que ça allait lui tomber dessus tôt ou tard, que tout finissait par se savoir et qu’il risquait gros à rester si proche d’Evie. Son cœur qui lui disait que personne ne pouvait lui dicter quoi que ce soit et que si ca ne plaisait pas, tant pis, il finirait par tout plaquer. Il ne pouvait plus résister comme il avait su le faire jusqu’à présent, ou plutôt, il ne pouvait plus nier. « Tu pourras t'en prendre qu'à toi-même cette fois » il allait être prêt à assumer cette responsabilité-là. Alors qu’il ouvre la portière d’Evie, celle-ci prend les devants, déterminée à son tour, Owen pouvait sentir l’excitation que lui procurait ce retour sur ces lieux. Ses doigts qui se glissaient entre ceux d’Owen et la poitrine du prêtre qui se met à gronder, prête à exploser après ce simple contact. Il dégluti, avale sa salive et se contente d’apprécier ces sensations qui lui font peur autant qu’elles lui plaisent. C’est comme s’il les découvrait à nouveau… comme une première fois. Owen n’avait plus rien ressentie d’autre que de la tristesse et de la colère depuis le décès de son père. Onze années à présent à se sentir vide, à ne plus voir plus loin que demain, sans faire de plans, sans se projeter. Il avait appris à sourire à nouveau, à rire à nouveau et à se demander de quoi serait fait le lendemain, à nouveau. Mais apprendre et ressentir tous ces sentiments, c’était un retour qu’il n’attendait pas. Des sentiments qu’il s’était déterminé à apprêté à ne plus ressentir, quoi qu’il en advienne. Pour lui, ce n’était plus intéressant, plus dans ses plans. Et pourtant… « Je veux voir si c'est resté comme dans mes souvenirs, ça m'intrigue. » il l’entendait à peine, ses chuchotements pour ne pas qu’on les entende, mais il avait compris, et lui aussi se retrouvait tout aussi pressé de voir si le grillage était encore abîmé, il y croyait pas, il s’attendait à ne plus voir aucune faille à ce système mais il voulait tenter quand même. Car quand bien même ils ne pourraient remonter sur ce toit, rien que de venir sur ce sentier pouvait ramener Owen loin en arrière et partager ce moment avec Evelyn.
« Le grillage était de ce côté, non ? Tu crois qu'ils l'ont raccommodé après tout ce temps ? » il affirma de sa tête. « Ouais, c’était bien par ici… » mais s’il le fallait, il était prêt à parcourir l’ensemble du grillage pour s’assurer que leurs mémoires ne leurs jouent pas des tours. « viens… » a son tour de la guider, il passe devant, ne quitte pas une seconde ses doigts, qu’elle le suive, qu’elle reste près de lui. Il a pas envie de faire face à un mur. « c’est peut être plus haut… » ou plus bas. Il sait plus vraiment, il sait juste qu’ils sont derrière le bon bâtiment, que c’est bien de ce côté qu’ils se rendaient.
Le prêtre remarqua un faisceau lumineux à peine à dix mètres d’eux. Il fit un pas en arrière. « Chut… » il ne fallait pas qu’ils attirent l’attention. Il avait l’impression que quelqu’un faisait une ronde avec une lampe torche. « viens… » il recule, deux mètres en arrière pour se cacher entre deux arbres touffu, les feuilles se mêlant dans les cheveux d’Evie. Le prêtre l’observa en riant dans sa barbe alors qu’il flippait tout autant de se faire surprendre. La lumière s’éloignait doucement et ils étaient visiblement tranquille. Owen passa sa main dans les cheveux d’Evie pour lui retirer une ou deux feuilles et remis tout en place. « Désolé ! » il avait l’impression de devoir se rendre à l’évidence… « j’ai l’impression que ça va être plus compliqué que ce que je pensais… » et que même, son plan allait tomber à l’eau… « j’aurai aimé pouvoir grimper à nouveau sur le toit… » qu’il chuchotait, toujours craintif. Devait-il se résigner à retourner à la voiture et déposer Evie chez elle, comme c’était prévu ? Il retourna sur le sentier, retournant à la voiture, détachant ses doigts de ceux de son ex petite amie.

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crédit/ hayleykiyokcsarchive (tumblr) ✰ w/ @owen baxton

Quinze ans après, Evelyn avait des doutes quant à leur possibilité à jouer de nouveau les téméraires. Pas parce qu'ils avaient perdu leur petite côté rebelle, il suffisait de les voir braver les interdits à propos de leur proximité pour savoir qu'ils n'avaient visiblement rien à envier aux jeunes gens qu'ils étaient à l'époque ; mais juste parce que les failles dans le système finissaient toujours par être solutionnées, et que le grillage dont elle parlait devait avoir été raccommodé il y avait bien des années, quand les responsables de la sécurité s'étaient enfin rendus compte que des jeunes des environs se glissaient au travers pour rejoindre ce qui leur apparaissait alors comme une bulle protectrice par-delà laquelle ils devenaient totalement invisibles, coupés de tout et de tout le monde. D'un côté, ça l'ennuyait un peu trop d'être si lucide à ce sujet alors qu'elle mourrait d'envie de retourner sur ce toit où ils s'étaient embrassés la première fois ; mais de l'autre, elle prit conscience que l'incertitude d'Owen à sa mention du grillage était une preuve qu'il n'avait jamais plus remis les pieds ici après elle, après leur histoire. C'était un réconfort inattendu, ne se sachant pas aussi sentimentale pour accorder de l'importance à un détail qui n'en était manifestement pas un, et qui lui donna envie de tenir plus fort sa main en se rapprochant de lui, son autre main lui enveloppant le poignet pour être sûre de ne pas briser ce contact innocent qu'elle avait initié.
Mais l'innocence de ce geste ne collait pas à ce qui se mit à lui tourner dans la tête à l'instant où Owen la poussa dans un coin, près des arbres, pour qu'ils échappent au faisceau de lumière qu'ils avaient distingués sur le sentier. Elle eut l'impression de retenir sa respiration quand il posa son regard sur elle. Alors qu'il la surplombait de plusieurs centimètres, elle dut lever la tête pour verrouiller son regard au sien pendant ce qui lui apparut comme une éternité. Il lui adressa un sourire qu'elle ne réussit pas à lui rendre, troublée par la manière avec laquelle sa main vint effleurer ses cheveux et la départir de ces feuilles qui s'y étaient glissée ; Evie paraissait au bord d'un précipice, hésitant à sauter par crainte de se vautrer lamentablement. Elle s'aperçut que c'était la première fois de sa vie qu'elle ressentait quelque chose de cette portée – un mélange d'excitation, d'hésitation, de crainte et de désir profond qu'elle était contrainte de refouler simplement parce que les conséquences seraient dramatiques pour quelqu'un d'autre qu'elle-même.
Elle gardait à l'esprit qu'ils n'avaient pas le droit. Pourtant, elle se tenait assez proche de lui pour avoir toute conscience de la chaleur qu'il dégageait et du rythme de sa respiration sur laquelle elle se cala sans y penser, la poitrine se soulevant et s'abaissant en même temps que la sienne. Ils n'avaient pas le droit, mais elle n'avait jamais été du genre à se plier aux règles qu'on lui imposait. Ça avait été toute sa vie, de se contraindre à aller à l'encontre des autres pour se donner les moyens de devenir quelqu'un qu'elle avait vraiment envie d'être ; elle n'était pas douée pour respecter les règles, Evelyn, mais elle avait grandie, et elle devait admettre qu'elle n'était pas sûre d'être prête à supporter le poids qui tomberait sur ses épaules à l'instant où elle braverait la flamme qui dansait devant ses yeux et qu'elle s'y jetterait pour se laisser entièrement consumer par le feu avec lequel elle jouait depuis trop longtemps maintenant. Mais elle avait envie de savoir, elle avait envie de trouver la confirmation que ce n'était pas juste ce qu'il représentait qui la rendait curieuse... elle pensait trop, elle se le reprocha intérieurement lorsqu'Owen se ranima pour qu'ils puissent sortir du coin dans lequel ils étaient restés quelques instants. L'opportunité venait de lui être offerte sur un plateau, et elle l'avait laissée filer, trop concentrée sur ses propres pensées.

Mais c'était plus fort qu'elle, et elle y songea davantage sur le chemin du retour jusqu'à la voiture. Elle se reprit à temps toutefois, l'empêchant de lui lâcher la main en s'accrochant à la sienne avec fermeté, mais avec douceur aussi "Attends, attends…" fit-elle quand elle sentit que ses doigts se desserraient des siens. Le bras d'Owen était tendu, prêt à la libérer pour qu'elle remonte dans la voiture, aussi combla-t-elle l'espace qui les séparait en s'avançant près de lui pour que son visage se retrouve proche du sien. Trop petite pour affronter ses yeux, elle se hissa sur la pointe des pieds. Tenant à marquer son point en le regardant fixement, elle lui dit enfin, se sentant comme obligée de chuchoter près de ses lèvres ; sans pour autant rompre le contact visuel  "Je vais t'embrasser. Je te le dis parce que j'en ai envie depuis tout à l'heure, et que je ne veux pas que tu penses que je te l'impose. Je sais ce que ça implique pour toi, vraiment." Elle savait sans doute plus que n'importe qui ce que ça impliquait pour lui, mais pour elle aussi… sauf que le désir était là, et sa raison avait beau lui rappeler qu'elle n'était pas taillée pour ça, qu'elle n'était pas prête à supporter la suite des évènements et à vivre avec, elle savait aussi que rester dans l'incertitude lui serait plus insupportable encore. Elle avait passé l'âge de se complaire dans l'ambiguïté, et être aussi tatillonne n'était pas ce qu'elle préférait.
La main toujours dans celle d'Owen, elle la récupéra doucement pour la glisser sur sa poitrine – elle y joignit l'autre en la glissant, elle, sur sa nuque, et pendant ce cours laps de temps, son front toucha le sien. Une seconde après, elle prit une petite inspiration, se reculant juste un peu, puis elle poursuivit sur le même ton bas et légèrement hachuré. Elle baissa un instant le regard sur le bas de son visage avant de le remonter pour le fixer de nouveau droit dans les yeux "Je te le dis aussi pour que tu ne te sentes pas coupable de me repousser. Je comprendrais que tu le fasses, je t'assure." Elle laissa échapper un mince sourire, opinant du chef en même temps que ses doigts assurèrent leur prise sur la nuque du jeune homme dont le souffle lui caressait la joue. Elle approcha son visage encore un peu, assez pour que son nez frôle le bout du sien pendant qu'elle ouvrait de nouveau la bouche pour ajouter "Je dois le faire. Si je te laisse me raccompagner à la maison toute de suite, je vais avoir l'impression d'avoir manqué une autre opportunité. Je ne veux plus me sentir obligée de faire comme si de rien n'était, j'en ai beaucoup trop envie." Elle aurait probablement dû se sentir embarrassée à ce propos, mais elle se rendit compte que ce n'était pas le cas, et que de toute façon, autant faire les choses à fond puisqu'elle ne pouvait plus faire marche-arrière. Elle ne comptait pas le faire, malgré cette voix qui se mit à lui énumérer dans l'ordre tout ce dont elle devrait répondre si elle cédait ici et maintenant. Et elle céda, non sans démontrer une extrême délicatesse, en posant ses lèvres sur celles d'Owen.

C’est déçu qu’Owen rejoint la voiture avec Evie. Décu de ne pas avoir pu remonter le temps, de ne pas avoir pu retrouver ce gout d’adrénaline et d’excitation que leur provoquait le fait de passer ce grillage, d’aller sur le toit du monde. C’est ce qu’ils avaient l’impression d’être : les rois du monde. Surplombant le parc, ayant repoussé les limites. Qui sait ce qu’il serait arrivé s’ils avaient été pris en flagrant délit ? Pas grand-chose, une amende, un avertissement, un rappel à l’ordre, ca valait pas un détour en garde à vue, sans doute, mais c’était enfreindre une règle. Owen qui était du genre à faire l’idiot, à faire le malin, mais jamais à enfreindre la loi, pas trop de risque, c’était bien la chose la plus folle qu’il aurait pu faire. Il l’avait fait pour Evie. Il se sentait au-dessus de tout, comme si ca ne leur était permis qu’à eux. Mais à en voir l’état du grillage à l’époque, ils n’étaient surement pas les seuls à s’y rendre sur ce toit. La sécurité aujourd’hui avait été renforcés, les risques que quelqu’un s’introduise dans le parc était sans doute bien trop gros. Si Owen et Evie n’avaient pour ambition que de grimper sur un toit, sans doute que bien d’autres avaient des projets plus grands et plus cruels. Il y a bon nombre d’animaux dans ce parc et certains en voie de disparitions ou ont une valeur très grande. Le parc ne doit pas être à l’abris de voleurs ou de personnes mal intentionnées.
Enfin arrivés près de la voiture, Owen s’apprête à ouvrir la portière d’Evie avant que celle-ci ne l’interpelle. « Attends, attends… » il sent son bras qui se tend, Evie qui le retient et il se retourne vers elle, curieux, tenant toujours ses doigts entre les siens. Ses yeux se posent d’ailleurs sur leurs mains entrelacées. Il lève à nouveau les yeux et Evie est si proche de lui. La poitrine d’Owen ressent les battements de son cœur qui accélèrent. « Je vais t'embrasser. Je te le dis parce que j'en ai envie depuis tout à l'heure, et que je ne veux pas que tu penses que je te l'impose. Je sais ce que ça implique pour toi, vraiment. » il s’attendait pas ou, si peut être qu’il l’attendait, mais pas dans le sens où Evie lui formulerait clairement. Il l’attendait comme un môme attendait Noel, impatient, excité et à la fois timide. Il ose pas répondre, il a surtout pas envie de lui dire non, de la repousser, il a surtout pas envie de passer à côté de ça parce que ça fait bien trop longtemps que l’idée de gouter à nouveau ses lèvres lui parcours l’esprit. Et cette idée qui le quitte plus. Il y pense et repense, il se torture encore et encore. Il rejette à chaque fois, mais ça revient et il a plus le choix que de se faire à l’évidence. « Je te le dis aussi pour que tu ne te sentes pas coupable de me repousser. Je comprendrais que tu le fasses, je t'assure. » Il secoue la tête, timidement, il dit non, non il veut pas la repousser. Il ose pas sortir un seul mot de sa bouche, simplement parce qu’il sait pas quoi dire maintenant. Il sent le souffle d’Evie qui s’écrase sur son menton, il sent sa chaleur qui dégage de son tout entier, contre lui. Et elle peut surement sentir les vibrations de son cœurs, le sang qui file entre ses veines. « Je dois le faire. Si je te laisse me raccompagner à la maison toute de suite, je vais avoir l'impression d'avoir manqué une autre opportunité. Je ne veux plus me sentir obligée de faire comme si de rien n'était, j'en ai beaucoup trop envie. » et elle attendait plus. Evie qui dépose ses lèvres sur celles d’Owen avec la plus grande délicatesse, comme si elle voulait encore s’assurer qu’elle ne le brusquerait pas, comme si elle craignait qu’il se réveille trop tard et la repousse encore. Mais il le fait pas, par ce qu’il a aucune envie de la repousser et qu’il apprécie bien trop le moment. Il se permet briser le contact de leurs mains pour oser poser les siennes sur la taille de la jeune femme. Il est maladroit mais les réflexes reviennent bien vite, comme le vélo, on oublie jamais… Il se recule doucement et regarde Evie un instant avant de fermer les yeux… Il n’était encore pas trop tard pour arrêter les bêtises, un baiser, Dieu lui pardonnerait… mais à cet instant, il pourrait dire à son Seigneur d’aller au Diable s’il en avait la possibilité. « Ca commençait à faire un moment que j’en avais envie aussi… mais t’as du le remarqué… » il souris bêtement, le prêtre. « Je sais pas bien où j’vais là Evie… » c’est une interrogation légitime et c’était pas un reproche. C’était même pas sa préoccupation première en réalité. Et comme un gout sucrée qu’on a envie de gouter à l’infini, Owen se garde plus de déposer ses lèvres à nouveau sur celle d’Evie, il évite juste d’avoir les mains trop baladeuses, préfère les garder là où elles sont, car rien que ce contact avec elle lui donne suffisament chaud et malheureusement, les années étaient nombreuses depuis qu’Owen n’avait plus goûter aux lèvres d’une femmes ou à sa chair même. Il ressentait rapidement que son corps tout entier lui réclamait plus, et c’est des idées moins sages qui lui parcouraient à présent l’esprit, l’obligeant à lâcher soudainement Evie et se reculer, gêné. Il cogna la voiture derrière lui et chercha ses clés, précipitamment. « Il commence à être tard nan ? »