Je rigole doucement lorsque mon père me dit que pour me retrouver il aurait tout simplement fait une recherche de Hashtag et secoue doucement la tête quand il m’avoue qu’il serait allez loin au point d’engager un détective privé «T’es pas sérieux … ? » soufflais-je avant d’arquer un sourcil « t’es sérieux.» mon ton est affirmatif cette fois-ci. Connaissant mon père, je le sais près à tout pour arriver à ses fins. Et si une de ces fins est celle de me retrouver alors il va de soit qu’il aurait mit toutes les chances de son côté. «ça m’étonne pas de toi » souriais-je, amusé. « Heureusement donc que je t’ai facilité la tâche hein» je laisse échapper un rire et secoue la tête avant d’attaquer ma pizza.
Bien évidemment, je ne peux m’empêcher de faire une remarque sur le physique de mon père. Remarque cent pour cent ironique car il est, malgré tout, encore parfaitement conservé. A part quelques rides de plus, les années ne semblent pas avoir laissé de traces sur lui. Bien sur il n’est plus aussi musclé que lorsqu’il avait mon âge, mais il reste parfaitement en forme. «Je ne te comprend que trop bien » répondais-je lorsqu’il me fait remarquer que cette pizza est trop bonne « ell’ ch’ont parfaites ichi» répondais-je la bouche plaine avant de faire passer le tout avec une gorgé de bière «Je viens toujours ici avec Maman parce qu’au final on gardé la tradition de la pizza après représentation » expliquais-je « On a testé pas mal de pizzeria mais celle-ci est clairement la meilleure» je pose mon regard sur ma boisson «Mais elle a jamais accepté que je prenne une bière. ‘c’est gras la bière, faut que tu fasses attention à ta ligne si tu veux rester dans le métier de la danse’ » imitais-je Sara avant de regarder mon père avec incompréhension « Maman, on est entrain de bouffer une pizza super grasse, vient pas me parler du fait de devoir garder la ligne !» m’exclamais-je avant de rigoler de bon cœur.
J’explique ensuite à mon père mes projets et mon rêve de broadway et lui demande s’il fait toujours de la photographie. Je n’aurais jamais imaginé que cette question pourrait être choquant au point qu’Allan s’étouffe presque avec un bout de pizza qu’il avale de travers ! Au final, il survit facilement mais me fait comprendre que je suis un sacré idiot d’avoir douté de cela et accepte de faire un shooting avec moi et de fouiller dans ses contacts pour une prise visuelle « aah ouais super ! génial » le remerciais-je avec entrain, large sourire sur les lèvres.
Au final, la discussion se dirige à nouveau vers moi et mon éventuel côté cœur qui est tout bonnement inexistant. Très rapidement, je retourne la question contre lui et lui demande, avec une peur sur jouée, si je dois craindre le fait qu’il me présente une éventuelle future belle mère. Pour toute réponse, il éclate d’un rire franc si fort que la plupart des gens se retournent vers nous. Ignorant les regards de ces derniers je me joins rapidement au rire de mon père. La réponse est évidente : il n’y a pas de belle mère. Et il n’y en aura sans doute plus jamais. « Eh tant que t’es heureux avec la situation et qu’elle te convient, hein» haussais-je les épaules, me calmant quelques peu avant de prendre une longue gorgé de ma bière «Bon en tout cas ça fait plaisir de te voir, vraiment » dis-je avec une sincérité sans précédente et un doux sourire.
J'écoute mon fils raconter ses virées post-représentation avec Sara. Une bouffée de nostalgie m'envahit alors que ses mots illustrent parfaitement les souvenirs que j'en ai. C'est tellement mon ex-femme de morigéner notre fils sur une commande de bière alors qu'il s'enfile une pizza quatre fromages ! Autant dire que sur ce point-là, j'étais moins pointilleux qu'elle. En même temps, "déso pas déso" comme disent les jeunes - eh zavez vu, j'suis encore dans l'ère du temps - mais je reste un bon Canadien d'Amérique dont le repas de base est le cheeseburger bien gras, avec un bon steak et du cheddar dégoulinant. Je ricane donc à cette image de mon ex-femme faisant la morale à Clément, et je réponds simplement: Ta mère a de drôles d'idées en tête parfois. Mais pour les lui faire lâcher, bon courage ! Malgré mon départ de Nouvelle-Zélande en 2012, j'ai tout de même vécu avec Sara plus ou moins vingt-cinq ans, alors même si les gens évoluent, je peux quand même me targuer être celui la connaissant le mieux aujourd'hui. Excepté notre fils, peut-être. Une fois passés ma presque-mort-par-étouffement puis mon fou-rire, le calme revient plus ou moins à notre table. Comme quoi, en une soirée, Clément m'aura fait passer par plus d'émotions que je ne l'aurais cru ! En même temps, des retrouvailles après cinq ans, ça ne pouvait que créer une soirée mouvementée. Mais j'ai de la chance: ça se passe vraiment super bien. J'avais plutôt imaginé un truc à la base "t'es qu'un vieux con de t'être barré comme ça et de te pointer comme une fleur, vas-y casse toi" ou peu s'en faut. Et j'aurais compris que Clément réagisse comme ça; à sa place, je n'aurais pas été plus fin, et même bien pire en fait. Mais non. On est ensemble à déguster une pizza et à boire de la bière en parlant de nous, de lui, de moi, à rire et à s'écouter l'un l'autre.
Je sens mon coeur bondir dans ma poitrine lorsque mon fils me dit être heureux de me revoir. Je lui dédie un de mes rares vrais sourires, sans trace d'humour, de sarcasme ou d'ironie, juste une marque de véritable bonheur. Mon visage s'illumine un instant, ça ne fait aucun doute: je ne me vois pas moi-même, mais au vu de l'affolement que je ressens à l'intérieur de mon corps d'un coup suite à ses mots, je ne peux pas en douter. Cependant, ceci me ramène à une autre réalité qui me plaît beaucoup moins. Puisqu'on en est à parler de sentiments familiaux, autant en profiter. Je ne veux pas que tu rentres chez ta mère ce soir. Alors oui, c'est dit d'une manière un peu autoritaire, mais c'est plus de l'inquiétude qu'autre chose. Je pique dans ma dernière part de pizza et en mâche un bout. Je crains la réaction de Billy lorsque mon fils rentrera chez sa mère, et que ce salaud sera là, et moi pas. Cependant, je ne risque pas de le dire à haute voix ça, ce n'est pas moi. Que chacun interprète mes faits, gestes et paroles à sa guise, mais ce n'est pas aujourd'hui la veille qu'en dehors de brefs moments d'adrénaline, Allan Winchester livrera ses craintes et inquiétudes. Et puis quoi encore ? Je n'ai pas à me justifier de mes pensées. Viens dormir chez moi, que j'ajoute d'un ton plus enclin à la proposition qu'à l'ordre, mais quand même assez ferme. S'il fait preuve d'un chouilla de bon sens, Clément acceptera mon offre. Et puis, y a largement assez de place pour nous deux dans mon loft.
Je souris doucement lorsque mon père me dit que ma mère est connue pour avoir des idées tordues et qu'il faut tout le courage du monde pour les lui faire lâcher. « C'est maman» répondais-je simplement en haussant les épaules. Malgré tout ce qui s'est passé ces dernières années, ma relation avec ma mère n'a jamais été aussi forte qu'elle ne l'est actuellement. Et même si je ne supporte pas Billy et que je trouve ce choix très exécrable, j'aime ma mère et je ne veux que son bonheur. J'avoue que, quelque part en moi, une partie aurait adorée que cette sortie au restaurant se fasse en famille, avec mon père et ma mère et que nous rigolions et parlions comme au bon vieux temps. Mais je sais parfaitement que jamais ce ne sera possible. J'aimerais bien dire 'plus tard peut-être' mais ça fait maintenant 5 ans que mon père a quitté la famille, je sais très bien que le 'plus tard' est déjà dépassé depuis longtemps et qu'il n'y aura plus jamais de retour en arrière.
Après être passé par une phase de rigolade, je reprend mon sérieux en avouant à Allan être sincèrement de passer la soirée avec lui. Ce à quoi il réussi à me mettre mal à l'aise en m'avouant qu'il ne souhaite pas que je rentre chez ma mère et me propose de dormir chez lui. Je le fixe, hésite puis pince les lèvres en une moue contrite et secoue légèrement la tête « C'est pas possible» soufflais-je « Franchement, j'adorerais rentrer avec toi pour tout un tas de raisons, mais je ne peux pas lui faire ça, à maman. Pas maintenant ...» je déglutis et picore avec ma fourchette dans ma pizza «Une prochaine fois, ok ? » je relève mon regard sur Allan «Mais pas aujourd'hui » je lance un coup d'oeil à ma montre puis sur mon portable et vois les dizaines de messages envoyés par ma mère «D'ailleurs je pense que je vais y aller » dis-je en me redressant «Ce n'est pas contre toi papa, vraiment » reprenais-je en posant mes couverts sur la table, attrapant ma bière «Mais je crois qu'il vaut mieux que je rentre » je fini ma boisson et me relève «Je ... » j'attrape mon sac à dos et en sort un stylo ainsi qu'une feuille dont j'arrache un bout sur lequel je griffonne mon numéro de téléphone avant de la mettre devant mon père «On garde contact, ok ? » je fixe mon regard dans celui d'Allan avant de sourire doucement, n'ayant définitivement aucune envie que cette rencontre soit la dernière mais plutôt la première d'une très longue série.
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