Il culpabilisait. Constamment. Alex, sa Alex, où était-elle? Que faisait-elle? Allait-elle bien? Les questions s'étaient répétées durant ces derniers mois, Tim se trouvant dans l'incapacité de la contacter. Pourtant, ils ne s'étaient pas dits des mots tendres lors de leur dernière entrevue et à peine la porte s'était refermée derrière la jeune femme, Decastel avait regretté. Il n'avait rien fait pour la rattraper cela dit, non, il avait juste continué à faire son sac et dès le lendemain, il se retrouvait dans un train en direction de Kapooka. Plus de nouvelles depuis, le détestait-elle vraiment? Qu'allait-elle pouvoir penser de lui, de cette personne qu'il était devenu, plus faillible que jamais? Il avait peur, oui, Tim était effrayé en arrivant dans le couloir qui menait à son appartement. Et si elle lui fermait la porte au nez? C'était une possibilité qu'il ne pouvait pas nier. Après tout ce qu'il avait dit, tout ce qu'il avait fait, le soldat n'était même pas certain de faire encore partie de ses amis. Il le désirait toujours, néanmoins, parce que sa chère Clarke avait toujours été importante pour lui et les événements récents n'auraient pas pu changer cela. Elle avait été une étoile dans son existence, il l'avait suivie durant des années, toujours prêt à la relever quand elle chutait, la porter s'il le fallait. Leur dynamique avait changé désormais car les vérités avaient été dites, elles étaient douloureuses mais c'était aussi ce qui était nécessaire pour pouvoir avancer. Qu'allaient-ils devenir désormais? Il n'y avait pas de réponse facile et ce n'était peut être pas ce que Timothy recherchait vraiment en toquant à la porte. Il attendait, patiemment, le souffle coupé. Il avait changé, physiquement déjà et ce serait peut être un choc pour elle. Ses cheveux en bataille, sa barbe naissante, ses yeux bleus plus ancrés que jamais dans la réalité et sa musculature plus imposante, non, l'armée ne l'avait pas brisé. Elle l'avait sublimé, ou en tout cas, lui avait appris à se prendre en main et assumer. Tout assumer, même ce qui faisait mal ou ce qui faisait peur. Ne plus rien laisser au hasard, être un autre homme, une personne meilleure qui méritait d'avoir un peu de bonheur au sein de son existence. Il ne savait pas ce qu'Alex avait pu vivre de son côté ces derniers mois et c'était bien ce qui l'effarait le plus. Elle ouvrit et il se retrouva silencieux, en incapacité de dire quoique ce fut. Leurs mots avaient été si durs, ils avaient lacéré son coeur et maintenant, tout devait se payer et surtout se réparer. "Alex... Je suis désolé de débarquer comme ça. Je voulais juste te présenter mes excuses pour tout ce qui s'est passé, t'es pas obligée d'accepter, tu peux même me claquer la porte au nez, je comprendrai mais... Je voulais juste que tu saches ça, que je suis désolé. Pour tout." Au moins, il avait parlé, même si le tout semblait si faible à côté de ce qu'il ressentait réellement.

Elle ne savait pas si elle pouvait être considérée comme sobre, elle ne savait plus à quand remontait sa dernière cuite, sa dernière soirée mais elle s'était calmée depuis cette dernière rencontre avec Caleb, et elle compensait son manque par la pratique de la boxe, son nouveau passe-temps. Sa nouvelle façon d'extérioriser, et ça lui laissait quelques jolies marques sur le corps qu'elle était justement en train de soigner, une poche de glace sur les côtes quand elle fut interrompue par le bruit d'un invité à sa porte. Elle jeta un rapide coup d’œil à son appartement, c'était pas le carnage comme ça avait pu être, mais c'était pas non plus dans un état digne de recevoir du monde. Et elle avait hésité à laisser la personne derrière la porte et à faire la morte le temps que son invité non prévu se lasse et parte. Mais elle avait finit par aller ouvrir, pousser par un élan de curiosité, faut dire que les invités ne sont pas nombreux chez Clarke. Et lorsqu'elle avait ouvert sa porte, elle fut happé par les yeux bleus de Timothy. Un regard qu'elle aurait pu reconnaître parmi des centaines et c'est justement parce qu'elle le connaissait si bien, qu'elle avait tout de suite remarqué ce petit  quelque chose de différent chez le Français. Dans son regard mais aussi dans son attitude. Ses muscles aidant un peu à renforcer cette impression d'assurance et de force qui émanait du Decastel.

Elle se frottait les yeux, toisait de haut en bas cet homme qui était devant sa porte. Elle le regardait, le dévisageait à la fois pour s'assurer qu'il était réellement là, que c'était bien lui réel devant sa porte, mais aussi pour s'assurer qu'il allait bien. Il était debout, entier, musclé et bien là face à elle. Et elle n'avait même pas réalisé que ça faisait déjà deux mois qu'il était parti. Qu'ils s'étaient quitté dans des au-revoir déchirants. Elle n'avait pas compté les jours jusqu'à son retour, elle n'avait même pas pensé qu'il reviendrait vers elle lorsqu'il remettrait les pieds à Brisbane. Parce qu'ils avaient été dur l'un envers l'autre. Parce qu'ils s'étaient quitté sur des mots trop violents et Alex avait tellement souffert de son départ, qu'elle avait fini par perdre l'espoir de le retrouver un jour. Et ces derniers temps, elle avait cherché le moyen de se rendre la réalité moins dure, et d'oublier un peu Decastel qui se formait au métier de militaire à l'autre bout du Pays. Elle l'avait oublié, du moins elle avait tout fait pour, pour ne pas avoir à supporter son absence, pour ne pas avoir à se remémorer ses mots et la porte qu'il avait refermé derrière elle après l'avoir invitée à quitter son domicile. Elle l'avait oublié pour ne pas avoir à supporter ce secret qu'elle gardait en elle, bien malgré elle. Parce que Charlie lui avait imposé cette option, parce qu'elle ne pouvait pas risquer de devoir dire à Tim qu'elle avait frappé la femme qu'il aimait, et qui portait son enfant. Alors, elle l'avait tout simplement oublié après avoir pensé à lui avec beaucoup trop de force, beaucoup trop de souffrance. Elle pensait à lui le jour ou elle s'était rendu pour un reportage sur la base militaire, elle pensait à lui le jour ou elle avait replongé dans la drogue, elle pensait à lui le jour ou elle s'était tellement défoncée qu'elle avait fini chez Caleb lui dévoilant tout son secret. Elle avait pensé à lui à chaque moment ou elle avait douté, mais il n'avait pas été là. Pas un message, pas un sms, pas une lettre, pas de nouvelles, jamais. Alors, elle avait tenté de oublier totalement, parce que vivre sans lui était toujours bien trop douloureux, alors l'oublier semblait être la seule solution. Mais comment oublier Decastel ? Comment oublier celui qui fut son premier ami, son premier confident, avant Caleb, avant Rachel. C'était impossible de l'oublier, il faisait partie de sa vie, et elle ne pouvait pas imaginer les choses autrement. Et pourtant, en le revoyant dans le couloir devant sa porte d'appartement, après le choc passé et après s'être assurée qu'il était entier, elle avait ressenti de la colère. Parce qu'il était parti, réellement parti et qu'elle avait vécu deux mois horribles sans lui. Sans nouvelles, à s'inquiéter pour lui, à se demander comment il allait et si la souffrance qu'elle avait perçu chez lui avait fini par le laisser tranquille. "Alex... Je suis désolé de débarquer comme ça. Je voulais juste te présenter mes excuses pour tout ce qui s'est passé, t'es pas obligée d'accepter, tu peux même me claquer la porte au nez, je comprendrai mais... Je voulais juste que tu saches ça, que je suis désolé. Pour tout." Et l'idée de lui claquer la porte au nez avait semblé tentante, un prêté pour un rendu, c'était ce qu'il avait fait après tout. Il lui avait fermé la porte au nez et il était parti la laissant pétrifiée de douleurs et de peurs, à pleurer dans le couloir de son appartement. Mais pourtant elle ne fit rien, elle n'avait pas cette force en elle. Elle n'avait pas le courage de le virer, parce que malgré toute sa colère, elle était soulagée de le voir entier et surtout de le voir chez elle. De voir qu'il ne l'avait pas oublié et que peut être, il avait vraiment réussi à lui pardonner et que ses reproches cette soirée là n'étaient que les effets d'un trop plein d'émotions ? « Tu as changé. » C'était une drôle de façon de célébrer les retrouvailles, et c'était aussi une constatation qui pouvait sembler bien pauvre d’intérêt tant ça coulait de source que l'homme avait changé et il n'avait sans doute pas besoin d'Alex pour s'en rendre compte. Mais ce qu'elle ne savait pas en revanche c'était s'il avait aussi changé à l’intérieur, si l'armée lui avait prit son Timi. Mais elle ne pouvait pas lui demander ça alors elle s'était contenté de cette remarque sur son physique. Et c'était vrai que le changement était flagrant et impressionnant. Et c'était fou qu'en seulement deux mois, les gens pouvaient changer autant. Et pourtant, elle était la preuve flagrante que l'on pouvait changer en deux mois, aussi bien physiquement que dans l'état d'esprit. « Comment tu vas ? Tu es rentré quand ? » Elle ne savait pas comment se comporter avec lui et ça lui faisait presque peur. Elle ne savait plus s'y prendre avec Timothy Decastel. Elle était presque mal à l'aise avec lui et c'était quelque chose de nouveau dans leur relation. Mais elle hésitait entre l'envie de le prendre dans ses bras et l'envie de lui dire qu'il pouvait retourner à l'armée. Et elle le regardait, il semblait pas plus à l'aise qu'elle, incapable de réellement savoir comment réagir après deux mois sans nouvelles. « Je suis désolé aussi Tim. Tu veux entrer ? » C'était un début, c'était tout ce qu'elle pouvait lui donner actuellement parce qu'émotionnellement elle avait bien trop souffert ces deux derniers mois. Parce qu'elle avait aussi beaucoup trop de choses à se reprocher et que ces derniers temps, elle semblait bien incapable de gérer les moments d'émotions sans déraper. Elle voulait retrouver Timothy mais elle avait peur de découvrir qui il était devenu, elle avait peur d'être déçue et surtout peur de le décevoir aussi. Et ça ne lui ressemblait pas d'être distante avec Tim, mais elle devait le faire, pour elle et pour lui. Parce qu'elle avait souffert sans lui et qu'elle ne voulait pas souffrir à nouveau. Et merde elle se mettait à comprendre la réaction de Caleb ... Elle voulait de Tim dans sa vie, mais elle avait peur parce qu'il avait un pouvoir important sur elle, et le pire c'était qu'il ne le savait sans doute pas. Alors avant de se précipiter dans ses bras, elle devait découvrir qui il était devenu et comment il allait. Et s'il comptait repartir bientôt. Parce qu'elle se souvenait des mots de l'Amiral, dans l'armée il ne fallait pas s'attacher, et elle ne voulait pas risquer de souffrir à chaque départ de Decastel.

La vie sans Alex n'avait pas tout à fait la même saveur et Tim en avait parfaitement conscience. Pourtant, il avait pris le temps avait de venir toquer à sa porte parce qu'il avait fallu qu'il réfléchisse aux mots qu'il allait prononcer, aux excuses qu'il pourrait lui faire. Tout ne s'était pas passé comme prévu ce soir-là et leurs blessures respectives avaient eu raison de leur bonne volonté habituelle l'un envers l'autre. Pourtant, Timothy aimait Alex et il aurait toujours tout fait pour elle, sa meilleure amie, sa plus grande alliée. Malheureusement, dans ces moments de doute et de chagrin, même les plus belles amitiés pâtissaient des états d'âmes de leurs propriétaires. Le problème, c'était que Decastel n'était jamais très virulent avec autrui, au contraire, il se montrait toujours patient et compréhensif, préférant recevoir des insultes que les donner. Il n'était pas ainsi, il ne prononçait jamais un mot plus haut que l'autre et ses émotions restaient bien souvent terrées, sa colère en tout cas. La tristesse, il n'avait jamais eu beaucoup de mal à la montrer, l'hypersensible qu'il était. Pourtant, Tim essayait de faire en sorte que tout cela change et peut être qu'au moment d'extérioriser sa peine avec Alex, il n'avait pas choisi les bons mots et il n'avait fait que le regretter depuis. Le soldat s'était retrouvé dans l'incapacité de lui donner des nouvelles parce qu'il attendait de la revoir pour qu'ils puissent réellement s'expliquer. Dans quel état serait-elle? Le brun ne pouvait qu'avoir peur parce qu'il avait conscience de ses fragilités, surtout depuis qu'il l'avait retrouvée mal en point dans son cimetière. Elle lui avait tout dit avec le temps mais cette fois, Tim avait été absent pendant deux mois et c'était lui qui avait décidé de ce départ abrupt. Alex n'avait pu que mal le prendre puisqu'il n'y avait eu aucun signe avant-coureur, juste une réalité poignante, un coeur brisé, une réalité morne et le jeune homme n'en désirait plus. Il ne s'était pas attendu à ce que Clarke puisse en saisir tous les tenants et aboutissants mais il n'avait pu que s'attrister de ce qui avait pu se passer entre eux malgré tout. Leur amitié méritait bien mieux que cela, bien mieux que cette haine qui s'était affichée dans leur regard respectif à cause de la rage momentanée. Timothy n'avait plus ce regard là en sortant ses excuses face à une Alex qui mit un certain temps à lui répondre. Il s'attendait à ce qu'elle rejette et de toute manière, il n'aurait pas réellement protesté, pas après tout ce qui s'était passé mais ce ne fut pas la solution qu'elle choisit en premier lieu. A la place, la belle Clarke cita un fait: il avait changé et Timothy ne put que la regarder, sans savoir ce qu'elle pouvait bien penser derrière ces quelques mots. "Pour le mieux, je t'assure. Je pouvais pas rester si fragile, ce monde m'aurait tué, Alex..." C'était un fait. Tim n'était pas fait pour cet univers avant de partir à l'armée, avant que Charlie ne le brise en mille morceaux mais désormais, il reprenait sa vie en main, redécouvrait les joies d'une vie simple, des petits bonheurs qu'on lui offrait et il entrait petit à petit dans sa première relation sérieuse. Tout n'était pas rose, bien sûr, c'était impossible quand on était un Decastel mais le ciel avait arrêté de s'assombrir, du moins et là, en cet instant, il espérait sincèrement que c'était la même chose pour Alex. "Ça va mieux, et toi? Je crois que ça fait deux semaines, environ. J'ai dû gérer pas mal de choses avant d'oser montrer ma face devant toi, je regrette tellement si tu savais..." Elle devait s'en douter, on pouvait le lire dans ses beaux yeux. Tim n'était pas un fan des conflits de manière générale mais lorsqu'il était question des relations qui comptaient le plus dans sa vie, c'était pire encore. Pour l'heure, il hocha la tête avec un sourire nerveux en suivant Alex au coeur de son appartement, sans savoir quoi dire ou quoi faire. "Qu'est-ce que je peux faire pour réparer ce qui s'est passé entre nous? Ou juste effacer ce que j'ai dit? J'ai besoin de toi, Alex, ça me tue de plus te parler." Voilà ce qu'il pouvait faire, essayer à tout prix d'obtenir son pardon pour qu'ils puissent repartir de zéro car il ne supportait pas d'être là, les mains dans les poches alors qu'il n'avait qu'une envie: la prendre dans ses bras pour s'assurer qu'elle était bien avec lui.

 "Pour le mieux, je t'assure. Je pouvais pas rester si fragile, ce monde m'aurait tué, Alex..." Et elle voulait bien le croire sur parole. Ce monde avait toujours été cruel pour lui, et elle avait pensé pouvoir l'aider un peu, elle avait pensé être un soutien pour lui, mais la vérité, c'était que lui l'avait aidé à se trouver, à se découvrir, à s'affirmer. Mais elle avait échoué. En tant qu'amie. Elle n'avait pas réussi, ni à l'aider à s'ouvrir sur le monde, ni à le protéger des souffrances de ce monde. Elle avait été lamentable comme amie, à l'époque et encore aujourd'hui. Elle n'avait pas pu le soutenir, elle n'avait pas été là quand il allait mal. Il était primordial à son bonheur, à son équilibre, mais elle ne servait à rien pour lui. Il pouvait vivre sans elle, l'inverse n'était pas aussi sûr. Et pour s'améliorer, et pour trouver le courage d'affronter ce monde, il ne s'était pas tourné vers elle, mais il avait fuit à l'armée. Il revenait changé, pour le mieux selon lui, mais elle craignait d'avoir perdu son Timi, sa douceur, son calme, sa présence rassurante. Elle avait juste peur que l'armée l'ait endurci au point de tuer celui qu'il avait été auparavant. Parce qu'à force de souffrir on finit par changer. Par protection, par nécessité, par peur de souffrir à nouveau, ou juste parce que la souffrance finit par gagner et que la seule option possible est de se laisser aller parce que résister c'est s'exposer à d'autres souffrances, encore et encore. Et Tim avait souffert, mais il avait tenu, du moins jusqu'à maintenant. Et peut être que l’enchaînement déception amoureuse + programme militaire avait fini par détruire ce qui faisait de lui ce garçon souriant et prévenant, celui qui avait toujours été là pour Alex. Et c'était la crainte actuelle de l'Anglaise. Ne plus pouvoir retrouver la complicité qu'elle avait avant avec Tim. Les gens changent, les choses changent, le monde avance, mais le changement fait peur surtout quand il vient s'immiscer dans les rares choses primordiales de la vie d'une personne. Et son amitié avec Tim était de ces choses là, primordiale pour elle.

Il lui répétait qu'il allait mieux, et qu'il avait eu du mal à venir la voir. Elle avait omis volontairement de répondre à sa question. Comment elle allait ? Même elle était incapable de répondre à cette question. Elle n'avait pas non plus relevé le fait qu'il avait attendu deux semaines avant de redonner signe de vie, avant de revenir vers elle. Pas même un texto en deux semaines. Mais elle restait silencieuse à la regarder, et elle ne s'énervait pas, parce qu'il regrettait et Alex le savait sincère. Elle le sentait, elle le voyait, parce que même si quelque chose dans son regard avait changé, il restait bien trop expressif, du moins Alex arrivait encore à lire ses expressions et à déceler sa nervosité et ses regrets. Face à cette sincérité, elle l'avait invité à entrer tout en s'excusant, sans réellement préciser les raisons de ses excuses. Elle aurait pu en faire une liste infinie d'excuse, mais elle cherchait avant tout à ne pas tout gâcher, à ne pas perdre son sang-froid, à ne pas se laisser emporter par ses émotions et ses craintes. Parce qu'elle savait qu'elle en avait la capacité, elle pouvait tout gâcher en quelques secondes et elle ne voulait pas. Pas avant d'avoir laissé une chance à leur amitié. Elle l'avait invité à s'installer sur le canapé du salon, et elle avait rejoins le fauteuil. Choisissant volontairement de mettre une distance physique entre eux, pour ne pas se laisser piéger par son regard bien trop expressif, pour ne pas plonger trop facilement dans une étreinte dont elle avait envie. Parce qu'il était là, il était vivant, et Alex savait qu'il suffirait qu'il la prenne dans ses bras pour qu'elle lui pardonne, parce qu'elle avait besoin de lui, parce qu'elle ne voulait plus être seule. Mais elle ne pouvait pas se laisser piéger, parce qu'il y avait toujours cette réalité. Il était à l'armée, elle avait merdé avec Charlie, avec ce putain de secret qu'elle devait porter, et elle avait encore bien trop peur qu'il puisse la repousser une nouvelle fois et elle ne le supporterait pas. Pas maintenant, alors qu'elle devait déjà vivre sans Caleb après lui avoir avoué ses sentiments. Elle ne pouvait pas s'ouvrir à nouveau et risquer d'être rejetée encore. Et elle restait silencieuse, l'obligeant à venir mettre fin à ce silence inhabituellement pesant entre eux. Et il lui avait demandé comment il pouvait arranger les choses. Il lui avait dit qu'il avait besoin d'elle. Et que ça le tuait de ne plus lui parler. Et au lieu de se montrer touchée par ses déclarations, elle avait été un peu trop sèche dans sa réponse. « Tu aurais peut être du y penser avant de t'engager à l'armée ? » Elle n'avait pas de méchanceté dans la voix et pourtant sa remarque était blessante et trahissait toute la douleur qu'elle avait ressentie après son départ. Parce qu'il était parti, c'était son choix et c'était elle qui s'était retrouvée à envoyer des messages à un téléphone qui ne répondaient plus. Elle qui avait été pleurer sur le palier de la porte d'un appartement qui ne lui avait jamais ouvert pour recueillir ses peurs. Elle qui avait continué à vivre dans une ville ou il n'était plus. Mais comme avec Caleb quelques temps plus tôt, en prononçant cette phrase, elle réalisait que cette souffrance qu'elle avait eu après son départ, elle lui avait fait subir quelques années plus tôt. La seule différence, c'est qu'elle, elle savait ou il était. Elle ne pouvait pas le contacter mais elle savait qu'il n'avait pas disparu du jour au lendemain. Elle savait les raisons de ce départ, elle savait qu'il ne faisait pas ça pour la blesser, elle savait que c'était bien moins injuste de sa part, qu'il l'avait prévenu. Il lui avait expliqué ses raisons, et elle avait juste refusé de les entendre parce qu'elle était aveuglée par sa peur de le voir partir. « Je crois qu'en faite la vie a décidé de me montrer à quel point j'ai été cruelle avec vous. Je t'en veux d'être parti Timothy, je t'en veux vraiment d'avoir utilisé mes erreurs contre moi et de m'avoir mise dehors juste avant de partir pour l'armée. Je t'en veux parce que tu m'as abandonné, parce que j'avais besoin de toi, mais j'ai fais tellement pire que je ne comprends même pas comment tu peux être là à t'excuser. » Elle aurait pu juste lui dire qu'elle était désolé elle aussi, elle aurait pu juste lui dire qu'elle avait besoin de lui parce que tout ceci était vrai. Mais elle ne pouvait pas faire les choses simplement. C'était plus simple de se blâmer que de demander pardon. Plus simple de chercher à comprendre pourquoi il cherchait à se faire pardonner, plutôt que d'avouer qu'elle avait ses tords elle aussi. « Tu vas repartir non ? Et un jour tu vas annoncer que tu pars dans un Pays en guerre. Un militaire m'a dit qu'à l'armée il fallait apprendre à ne pas s’attacher, je sais pas comment gérer tout ça Tim. Ce silence, cette distance, cette crainte pour toi constamment. J'ai besoin de toi mais je suis pas sûre de tenir avec l'idée de te savoir en danger. Je ne sais pas si je peux supporter de te voir partir encore. Je ne peux plus perdre encore quelqu'un, j'en ai pas la force. Tu comprends ? » C'était  cette fichue crainte de l'abandon, cette peur de perdre un proche qui s'exprimait encore. La peur d'être rejetée, délaissée. Et à force, elle commençait à se demander si rester seule n'était pas moins douloureux finalement. La solitude elle pensait pouvoir s'y habituer, la,perte d'un proche, beaucoup moins. Et elle devait être sûre que Tim comprenne sa position avant de pouvoir se lier à lui à nouveau.      

Était arrivée l'heure de la conversation qu'il redoutait tant. Avoir fait tant de mal à Alex en quittant la ville était une décision avec laquelle Tim avait bien du mal à vivre. S'il y avait une personne dont il ne souhaitait absolument pas le malheur, c'était bien elle, cette femme qui avait tant compté dans son développement affectif. Mine de rien, elle avait été présente dans les pires moments, alors qu'il découvrait les peines de l'âge adulte, devant gérer avec ses divers traumatismes en plus de sa réserve des plus inquiétantes face à autrui. Avec elle, il avait pu être lui même, se laisser aller aux confidences ce qu'il n'avait jamais fait jusque là, par peur du jugement autant que l'on se serve de lui d'une manière ou d'une autre. Decastel aimait croire que cela n'avait pas été le cas d'Alex, même si elle avait fini par le quitter elle aussi, pas pour lui faire du mal mais par nécessité. Il lui avait vite pardonnée mais Tim ne s'en était toutefois pas remis aussi aisément qu'il avait voulu le faire croire. Pendant des années, le jeune homme s'était de nouveau refermé sur lui-même, passant le plus clair de son temps au fond de son cimetière à attendre que la vie se passe sous ses yeux innocents. Puis, Alex était revenue, mal en point mais bel et bien vivante et son destin avait basculé à nouveau. Timothy l'avait prise dans ses bras et il s'était à nouveau senti entier. Enfin. Ses sentiments avaient changé, mais pas la dynamique de leur relation. Malgré le temps passé éloignés l'un de l'autre, il restait tout de même cet attachement grandissant, cette façon de protéger l'autre et d'espérer être assez pour lui. Tim s'en voulait désormais car il n'avait pas été à la hauteur d'Alex ces derniers temps, il n'avait fait que lui tourner le dos malgré ses supplications pour qu'il reste près d'elle. Decastel n'avait pas pu l'écouter, il avait juste besoin de partir un temps, d'aller guérir ailleurs en allant quérir encore plus de souffrances mais physique cette fois et c'était plus supportable pour lui. C'était ce qu'il avait toujours vécu et peut être que c'était sa manière bien singulière de survivre, devant désormais faire face aux conséquences de son face à elle. Alex avait souffert et son ton froid lorsqu'elle lui parla à nouveau lui fit froid dans le dos. Le Tim d'auparavant aurait certainement laissé échapper quelques larmes de la voir ainsi mais pas celui-ci. "J'ai fait de mon mieux. Vraiment." Il aurait pu l'attaquer lui aussi pour son départ huit années auparavant mais il n'en avait pas l'envie. A l'heure actuelle, Tim avait juste envie que le tout s'arrête, pouvoir être ami avec elle à nouveau, sans qu'il n'y ait plus jamais la moindre ombre au tableau. Belle utopie alors qu'il s'asseyait sur le canapé, timidement, sentant le silence pesant envahir la pièce pendant que Clarke prenait position à son tour. Se toiser là, bien des semaines plus tard, sans avoir de quoi réparer les fissures entre eux, voilà ce qui faisait atrocement souffrir Tim mais il ne dit rien de plus, attendant qu'elle parle. Qu'elle se libère du fardeau de sa culpabilité à son tour, un Tim muet l'écoutant attentivement. Il prit un peu de temps pour réagir, désirant choisir les bons termes, c'était ce que coûtait une réparation de leur connexion si particulière. "Non, t'es parfaitement en droit de m'en vouloir. J'ai dit n'importe quoi, tu le sais très bien. Je souffrais et je faisais plus la part des choses. J'aurais clairement pas dû partir aussi brutalement mais c'est vrai que j'avais besoin de ça à ce moment là, pour me sentir mieux. Et puis, pour grandir. Je sais pas si t'as fait pire... Je pense qu'au final, on a un peu fait la même chose à des moments différents, il faut juste espérer qu'on ait appris de nos erreurs maintenant." Il voulait croire que c'était le cas, que plus jamais ils ne se diraient des mots aussi affreux mais personne ne pouvait faire ce genre de promesses. Personne ne savait ce que l'avenir lui réservait, tout simplement et le discours d'Alex lui glaçait le sang. La mort était partout autour de lui, depuis toujours, mais elle n'avait jamais été aussi proche, c'était un fait mais lui n'en avait pas peur, c'était Alex qui en était effrayée. "Je comprends mais je vais pas te quitter. Je suis coriace, tu le sais ça et honnêtement, les risques sont plus les mêmes qu'autrefois... Alex, il faut pas tout voir en noir, il y a du beau partout et des soldats, il en faut. On n'en meurt plus autant et je vais pas mourir. Je vais pas t'abandonner, sauf si c'est ce que tu me demandes... Est-ce que tu ferais ça?" Il lui demandait réellement ses intentions parce qu'il était prêt à partir si c'était ce que la jeune femme désirait. Pour son bien, il le ferait. "Je veux juste ton bonheur. Je sais que c'est pas évident, que tout part en vrille depuis quelques temps mais ça, c'est quelque chose qui changera jamais, peu importe qu'on s'engueule ou non." Il l'aurait toujours dans son coeur, maintenant, il fallait juste qu'Alex l'accepte. Et ne le laisse plus partir loin d'elle, surtout.

Apprendre de ses erreurs, si seulement elle était capable de le faire … Vu le nombre d'erreurs qu'elle faisait constamment, elle aurait du en apprendre un paquet de leçons. Mais non. Elle était du genre à recommencer les mêmes choses encore et encore en espérant un résultat différent. Et si elle était capable d'apprendre de ses erreurs, peut être qu'elle n'aurait pas replonger dans la drogue. Peut être qu'elle n'aurait pas fini complément défoncée sur le sol de l'appartement de Caleb lui avouant toute la vérité de leur histoire ? Peut être qu'elle n'aurait pas frappé Charlie et qu'elle n'aurait pas à faire face à Tim en détenant un secret primordial pour son avenir. Peut être qu'elle n'aurait pas laissé sa vie devenir une telle merde, peut être qu'elle ne serait pas aussi fragile émotionnellement face à Tim. Peut être qu'elle n'aurait pas aussi peur de le laisser revenir auprès d'elle si elle n'avait pas laissé sa vie devenir aussi chaotique depuis deux mois ?

Et il parlait de beauté partout autour d'eux ? Au moins, il avait toujours une part d'optimisme en lui. Mais la beauté n'était plus que dans les posts instagram de la journaliste et dans ses sourires de façades qu'elle donnait chaque jour à des inconnus. Et dans les petits pilules, qu'elle continuait à prendre parce qu'elle en avait besoin pour ne pas sombrer. Elle réduisait sa consommation, elle essayait réellement, elle tentait de se mesurer, mais il n'y avait personne pour lui dire quand elle dérapait, et il n'y avait personne pour la soutenir quand elle se retrouvait allongée sur le sol de salon à lutter contre son cerveau qui lui sommait d'arrêter de résister et de foncer parce qu'elle aimait trop ça, cette décharge d'adrénaline, cette explosion d'émotions induite par la production d'hormone en trop grand nombre. Mais ce n'était plus que de la beauté éphémère et fausse, un sourire de façade, un sourire pour donner le change et faire croire au monde qu'elle allait bien et une pilule pour lui faire croire à elle même qu'elle était heureuse. Tout était faux finalement, et elle ne savait même plus si elle trouvait encore de la joie dans des choses simples de la vie sans l'aide de cette fichue drogue. Elle trouvait un certain apaisement dans la boxe, mais pas de la beauté parce que frapper quelqu'un ou se faire frapper n'était pas 'beau', c'était enivrant oui, c'était anesthésiant mais ce n'était pas beau. Alors, la beauté partout elle n'y croyait pas, et encore moins quand ce mot était associé de prêt ou de loin à l'armée. Parce que même si les soldats étaient moins amenés à mourir qu'avant, c'était un fait exact mais était-ce pour autant rassurant ? Les soldats mourraient encore, bon comme tout être humains sur cette fichue terre, mais eux ils allaient au devant de la mort et Alex avait fait ses recherches, mauvaise idée. Parce qu'elle avait vu que les soldats mourraient aussi à l’entraînement. Bon un soldat, mais ça suffisait pour qu'elle considère le risque comme étant réel. Et puis c'était sans compter les blessures, les déploiement à l'étranger ou le changement de base militaire à l'autre coin du Pays. Et l'Australie n'est pas un petit Pays. Enfin les risques, les contrariétés et les motifs d'inquiétudes étaient nombreux et Tim pouvait se montrer aussi rassurant que possible, Alex n'aimait pas l'idée qu'il soit soldat mais elle n'avait pas son mot à dire. Et c'était presque ça le plus compliqué. Devoir accepter un fait qu'elle ne voulait pas concevoir comme étant réel. Et là, après lui avoir dit qu'il ne l'abandonnerait pas, il avait quand même questionné Alex sur ses intentions et ses envies, se disant prêt à accepter de sortir de sa vie si c'était ce que l'Anglaise voulait. « Non. » C'était sorti de façon un peu trop brute, mais elle ne pouvait pas imaginer que Tim puisse penser qu'elle voulait qu'il l'abandonne. Elle ne voulait pas ça, elle ne supportait plus de voir les personnes auxquelles elle tenait s'enfuir, mourir, sortir de sa vie, l'abandonner ou lui demander du temps et de l'espace. Elle ne se sentait plus capable de perdre encore des proches, alors non, elle ne voulait pas qu'il l'abandonne, jamais. Mais elle n'était pourtant pas encore prête à lui ouvrir son cœur totalement. Parce qu'elle avait peur, peur de souffrir, peur de le décevoir, peur de le voir claquer la porte une nouvelle fois déçu par son comportement. Elle se protégeait désormais un peu trop, évitant de s'investir émotionnellement avec les autres, mais c'était Tim et c'était impossible de rester de marbre. Impossible de ne rien ressentir face à lui. « Je  ne veux pas que tu m'abandonnes. » Et en lui révélant cela, elle sentait au fond d'elle, qu'elle pouvait accepter de le savoir loin d'elle si elle avait confiance en lui pour toujours revenir. Elle ne le voulait pas hors de sa vie, elle ne voulait pas vivre dans un monde sans Decastel. Elle avait conscience que quoiqu'elle aurait pu dire, il était un soldat avec ou sans elle dans sa vie, c'était un fait qui ne changerait pas pour lui. Et Alex, devait savoir si elle préférait vivre avec ou sans lui, même à mi-temps ? Si elle était prête à souffrir pour leur amitié ou si elle préférait souffrir de l'avoir perdu ? Dans tout les cas elle souffrait de toute façon, alors autant souffrir pour lui. ''Je veux juste ton bonheur. Je sais que c'est pas évident, que tout part en vrille depuis quelques temps mais ça, c'est quelque chose qui changera jamais, peu importe qu'on s'engueule ou non." Et elle aussi voulait son bonheur finalement, elle n'avait pas toujours réussi à le montrer mais elle voulait qu'il soit heureux, parce qu'il méritait une vie de joie, loin des galères de la vie. Et elle sentait qu'elle commençait de plus en plus à vouloir quitter son fauteuil pour rejoindre Tim et se blottir dans ses bras en lui demandant pardon pour tout. Parce qu'elle le savait sincère quand il disait qu'il voulait son bonheur et que c’était une chose qui ne changerait jamais. Elle le savait sincère, parce qu'elle le connaissait et sur le moment, il le pensait sans doute réellement. Parce que c'était Timi. Mais s'il le pensait vraiment en le disant, Alex craignait qu'il se soit avancé un peu vite. Parce qu'il y avait encore beaucoup de choses qu'il ne savait pas. Il s'était excusé, il s'était expliqué, il avait été patient devant la distance imposée par Alex. Et alors qu'il semblait attendre qu'Alex lui annonce qu'elle lui pardonnait son départ, l'Anglaise repensait aux mots employés quelques minutes plus tôt par Tim. Elle repensait aussi à ses erreurs, et aux secrets qu'elle cachait à Tim. Et elle réalisait qu'au fond, accorder son pardon à Tim avant de lui dire la vérité, serait injuste pour lui parce qu'il avait tout autant le droit d'être en colère qu'elle, voir sans doute plus. « Ne dis pas ça. Tu ne peux pas employer les termes jamais et toujours, parce que c'est bien trop définitif comme terme et tu ne peux pas prévoir ce que tu ressentiras dans quelques mois ou même dans quelques minutes. Alors avant de me dire que ça ne changera jamais, avant de me promettre encore d'être toujours là pour moi, je dois t'avouer quelque chose. » C'était bien trop solennel comme prise de parole et ça ne présageait rien de bon comme nouvelle. Mais elle voulait être honnête avec Tim, elle voulait lui laisser la chance de partir avant de s'attacher à nouveau à lui. Avant de lui avouer qu'elle avait besoin de lui. Elle voulait se protéger et le protéger aussi. Enfin c'était ce qu'elle croyait. « J'ai fais une connerie Tim, et je sais que tu vas m'en vouloir, que tu risques même de regretter d'être venu mais je ne voulais pas. Je t'assure que je n'en avais pas l'intention vraiment. Je n'ai pas cherché, c'est arrivé seulement. » Et elle tournait autour du pot, cherchant ses mots, cherchant un moyen de lui avouer une vérité qu'il n'allait pas aimer. Et elle le savait, c'était ce qui rendait cet aveux si compliqué. Elle aurait pu se taire, et leur laisser un peu de répit, le temps de se retrouver et de digérer leurs retrouvailles. Mais non, elle sentait que c'était le moment, maintenant ou jamais. Etre honnête, pour une fois. Apprendre de ses erreurs, un jour ? « Tu as parlé d'apprendre de nos erreurs, et bien j'apprends, enfin j'essaye mais lentement et je fais encore bien trop de mauvais choix. Mais je ne veux plus te mentir. Je suis tombée sur Charlie dans un bar, je ne l'ai pas cherché, elle était là avec son mec, et j'avais bu. Beaucoup. Je suis désolé Tim, la voir sourire m'a mise hors de moi et je l'ai frappé. » C'était la première étape du secret qui était dévoilée, le premier moment d’honnêteté de l'Anglaise. Pendant tout son récit, elle n'avait pas osé assumer et avait préféré détourner le regard pour éviter de croiser les yeux bleus de Decastel. Elle aurait pu tenter de s'expliquer, lui dire que Charlie l'avait provoqué, lui dire qu'elle avait souhaité qu'il reste à l'armée et pire encore. Mais elle n'essayait même pas de partager les tords avec Charlie, c'était elle et elle seule qui avait frappé une putain de femme enceinte. Et c'était la deuxième partie du secret, et que c'était lourd à porter face à Timothy. Mais elle ne pouvait pas lui dire ça, pas maintenant. Elle préférait attendre sa réaction avec de lâcher cette bombe dans sa vie. Elle préférait attendre de voir s'il allait s'énerver ou juste partir. S'il allait regretter ses paroles et si leur amitié déjà bien fragilisée pouvait se remettre de ça. Leur dispute était partie d'une insulte de l'Anglaise envers Charlie, une simple insulte et Alex pouvait légitimement craindre la réaction de Tim suite à cette confidence. « Je suis désolé, vraiment maintenant si tu veux partir, je comprendrais. » C'était le moment ou jamais pour lui de fuir. Parce qu'il en avait encore l'occasion, Alex lui laissait l'opportunité de revenir sur ses paroles, elle lui offrait une porte de sortie, un moyen pour lui de se débarrasser de toutes responsabilités amicales envers Alex.

Tim aurait pu faire demi tour, ne plus devenir soldat et reprendre sa petite vie tranquille au sein de son vieux cimetière mais, il avait la sensation qu'il devait aller jusqu'au bout, pour ne rien regretter ou pour se prouver qu'il pouvait le faire. Il avait conscience que peu de personnes pouvaient comprendre ce qui le motivait à continuer sur cette route tortueuse mais, Decastel avait passé trop de temps à errer entre des tombes pour considérer qu'il n'avait plus vraiment de temps à perdre s'il voulait faire quelque chose de sa vie. Trente deux ans déjà qu'il arpentait cette planète à la quête de réponses mais il n'avait jamais trouvé ce qu'il désirait. Cette fois, Timothy savait qu'il devait à tout prix réaliser cet acte désespéré, quitte à en mourir comme Alex pouvait le prétendre. Bien évidemment, il espérait ne pas avoir à en arriver là car il était bien trop jeune pour périr dans des circonstances affreuses. Tim voulait juste avoir un peu plus de vie, avoir plus de choses à dire aussi plutôt que de parler de la manière dont il avait détruit les mauvaises herbes entre deux mausolées de son petit cimetière. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'il désirait quitter Brisbane et voyager aux quatre coins du mode pour sauver les populations locales, non, il avait juste envie de se prouver qu'il pouvait le faire. Peut être qu'une fois qu'il aurait réussi cette bien périlleuse mission, il redeviendrait un pauvre gardien de cimetière et ne prendrait plus aucun risque inconsidéré. Pour le moment, Decastel n'en savait rien. Il n'essayait pas de faire du mal à autrui en tout cas, il cherchait juste à se trouver, lui, mais il se doutait qu'Alex avait du mal à comprendre tout cela. Au moins, Tim pouvait être rassuré au moment où elle parla à nouveau, elle ne souhaitait pas qu'il disparaisse de son existence, elle avait simplement peur qu'il meure. Leur relation n'était pas à l'agonie, du moins pas autant qu'ils avaient pu le croire si cette angoisse était encore présente entre eux. Timothy la regarda avec des yeux brillants, hochant simplement la tête en guise de réponse. Rien n'était simple, pas cette vie en tout cas, et pas les mots horribles qu'ils avaient pu se dire au moment d'exposer leurs souffrances avant le départ du soldat à plusieurs kilomètres de Brisbane. La suite, Tim l'attendait sans rien dire, les sourcils froncés parce que Clarke avait quelque chose à lui annoncer, semblait-il. Il s'enfonça dans le canapé et attendit le verdict, ne sachant pas réellement comment réagir. Alex lui raconta qu'elle avait rencontré Charlie dans un bar avec son petit ami et le ton avait monté, elle l'avait frappée. Decastel ne put rien dire, rien faire non plus car il était totalement sous le choc. Alors, il resta là, une bonne minute à essayer de trouver quoi répondre mais tout cela semblait surréaliste au possible. "Excuse moi, Alex, mais je comprends pas très bien... Comment ça frapper Charlie? Déjà, comment ça se fait que tu lui as parlé? Je veux dire, tout ça, ça avait rien à voir avec toi alors, je me demande..." Pourquoi? Quelles étaient les raisons derrière cette attitude de la belle Clarke? Tim le savait au fond, elle était blessée et elle avait porté Villanelle comme la responsable de tous ses maux parce qu'il était parti après leur nuit ensemble. "Je suis parti en sachant très bien ce que je faisais et peut être que c'était parce que j'avais mal par rapport à tout ce qui s'était passé avec elle mais, c'est moi que t'aurais dû frapper, pas elle. Charlie a été honnête avec moi, elle m'a dit qu'elle avait quelqu'un d'autre et j'ai réagi comme je l'ai fait. Je suis responsable si t'as souffert, Alex, pas elle." Il avait cette tendance à protéger la jolie blonde alors qu'elle était peut être tout autant responsable de cette débâcle que lui au bout du compte. "Elle est enceinte de moi. Et elle va le garder." Ses yeux pétillants se relevèrent vers Alex, le reste de son corps restant parfaitement stoïque. "T'aurais pu tuer mon enfant, Alex. Je voulais pas que tu t'en mêles... C'est ma vie ça. Et ça a plus la moindre importance en plus. Je sais qu'elle est avec quelqu'un. Moi aussi, je suis avec quelqu'un. On va faire au mieux pour l'enfant mais franchement, Alex, je comprends pas pourquoi t'oserais faire ça..." Il était bien trop fatigué pour se mettre en colère mais Timothy restait stoïque, totalement déboussolé par la révélation de la jeune Clarke. Pourquoi, comment? Les choses ne s'arrangeraient-elles donc jamais? Il n'aurait su le dire. Il était juste perdu, désormais.

Le silence de Tim terrifiait l'Anglaise. Elle n'osait pas le regarder, elle n'osait pas lui faire face alors sans contact visuel, sans réaction orale de Tim, elle était dans l'incapacité de savoir comment le Français prenait cette vérité. Et après de longues secondes de silence, il avait prit la parole, sans partir et au fond, c'était déjà un élément rassurant aux yeux d'Alex. Enfin ça l'était jusqu'à ce qu'elle prenne conscience qu'il semblait choqué par cette nouvelle. Elle sentait le choc et l'incompréhension chez Tim. Il cherchait à comprendre en la questionnant mais il faisait surtout part du fait qu'il ne cautionnait pas ce geste, et il allait jusqu'à défendre cette fille. Alex sentait qu'elle le perdait encore. Dire la vérité ce n'était pas toujours une si bonne idée finalement … Elle n'osait plus parler, elle n'osait même pas répondre à ses questionnements, elle savait qu'elle risquait d'envenimer encore un peu plus la situation. Alors, elle le laissait s'exprimer au risque qu'il finisse par se lasser et partir, dégoûté par l'attitude d'Alex. "Elle est enceinte de moi. Et elle va le garder." Alex était presque soulagée en entendant Timothy prononcer ces mots. Il savait, elle n'aurait au moins pas à lui annoncer que son ex attendait son enfant. C'était presque un poids qui l'a quitté d'un coup. Et pourtant elle réalisait peu à peu que s'il savait tout ça, c'était qu'il avait du revoir la fille en question et cette idée faisait un peu peur à Alex. Il était en train de la défendre alors qu'il ne savait rien de la teneur de l'échange entre les deux filles. Et finalement l'armée à coté de l'influence de cette fille ce n'était pas grand chose. Parce qu'Alex craignait plus la capacité de Charlie à les tenir éloignés l'un de l'autre que celle de l'armée. Ou peut être que finalement, ce n'était que ses propres actes qui risquaient de provoquer la rupture amicale entre eux ?

Et quand il lui avait dit qu'elle aurait pu tuer son enfant, elle avait reçu les mots avec douleur et une intense culpabilité. Oui, elle aurait pu et elle en avait conscience, mais merde, elle savait pas. Elle n'aurait jamais levé la main sur cette fille sinon. C'était une bien pâle excuse, s'en était même pas réellement une, elle n'avait pas à s'en mêler. Elle n'avait pas à aller cracher sa haine sur cette fille, elle n'avait pas à être violente, enceinte ou pas. Et il ne comprenait pas pourquoi elle aurait osé faire une telle chose ? Il ne comprenait pas, et pire, il semblait sidéré par cette nouvelle et Alex ne savait pas si elle pouvait trouver une explication suffisante pour donner un sens à son geste. « Je savais pas qu'elle était enceinte Tim, dès qu'elle me l'a dit, j'ai arrêté. Je ne voulais pas. » Honteuse, coupable, elle était fautive et ça se ressentait dans sa voix. C'était elle la méchante dans l'histoire, le jugement des gens du bar l'avait désigné coupable à l'unanimité et Tim semblait rejoindre l'avis général. Et si même lui, Tim, l'une des rares personnes sur cette Terre à la connaître réellement, ne pouvait pas comprendre pourquoi l'Anglaise pouvait en arriver à une telle extrémité. C'était un fait plus qu'inquiétant pour elle. Et c'était peut être le signe qu'elle était en train de se perdre complètement, qu'elle était en train de couler et de se trahir elle même tout en blessant ses proches. Mais au fond, elle n'avait pas besoin de ça pour en prendre conscience. Après tout, elle avait replongé, elle s'était déjà trahit. Elle avait blessé Caleb, elle avait blessé Tim. Elle mentait à ses proches. Alors finalement, elle n'avait pas réellement besoin de ça pour prendre conscience qu'elle s'était perdue, mais Tim, lui ne le savait pas. Et même s'il venait à le savoir, ça n'excuserait en rien les gestes de l'Anglaise, ça ne faisait que la rendre un peu plus pitoyable encore. Et pourtant elle ne pouvait plus se contenter de rester silencieuse. Elle ne pouvait pas le laisser sans réponses, même si les réponses ne seraient pas satisfaisantes. Elle lui devait au moins ça. Au moins l'opportunité de comprendre pourquoi et comment. « Tim tu venais de partir, et tout est parti en vrille, j'ai fais des conneries. Mais je ne voulais pas m'en prendre à elle. C'est vrai que je l'avais cherché sur les réseaux sociaux, parce que j'avais besoin de trouver des réponses, et que tu pouvais pas m'en donner, mais je n'ai pas voulu la frapper. Je ne voulais même pas me retrouver face à elle au fond, mais quand je l'ai vu, j'ai complètement déraillé. Mais je voulais juste lui dire à quel point je la détestais. Je voulais juste pouvoir faire part de ma douleur à quelqu'un. Mais j'ai craqué. Je n'ai pas voulu tout ça. Je n'ai jamais voulu qu'elle me balance qu'elle était enceinte de toi, je n'ai pas voulu qu'elle me dise qu'elle voulait que tu y restes à l'armée, je n'ai pas voulu qu'elle me provoque. Je sais pas ce que je voulais, mais pas ça. J'étais perdue, toute seule, je sais que ça n'excuse rien, mais j'avais tellement mal et elle semblait tellement heureuse. Je sais que c'est ta vie Tim, mais sur le moment je n'ai pensé qu'à moi, à ma colère, à ma tristesse et à ma peur. Et au faite que l'on s'était disputé à cause d'elle, ou à cause de moi, enfin à cause de cette histoire. Et que tu n'étais plus là. Je suis sincèrement désolé Tim de te décevoir encore, mais je tiens à toi vraiment et j'avais peur pour toi, pour nous, pour tout enfaîte. Je sais que c'est inexcusable ce que j'ai fais, je sais que c'est pitoyable mais si ça peut te soulager, j'ai payé pour mes conneries déjà. » Oh que oui, puisque c'était après cette soirée qu'elle s'était laissée tenter par des substances plus costauds pour oublier tout ce qu'elle venait d'apprendre. Pour oublier que cette fille ferait toujours partie de la vie de Tim. Pour oublier sa honte et sa culpabilité. Pour oublier les secrets qu'elle devait encore cacher à Tim. Pour oublier sa douleur. Et comme un coup de karma, c'était à cause de cette drogue qu'elle s'était retrouvé plus tard chez Caleb a lui montrer son coté sombre, à lui révéler son plus grand secret tout en dévoilant à quel point elle était devenue pitoyable. Alors elle avait largement payé sa dette mais Tim ne le savait pas tout ça. Il ne voyait qu'une fille hystérique, une fille qu'il ne comprenait plus, prête à taper sur une femme enceinte. Elle allait le perdre lui aussi, elle allait le voir partir déçu par son comportement. Déçu par ce qu'elle était capable de faire. « Je suis fatiguée Tim, fatiguée d'être dans une lutte constante, avec toi, avec Caleb, avec moi, avec les gens qui m'entourent. Je suis fatiguée de voir la déception dans les yeux des gens auxquels je tiens, je suis fatiguée d'être incapable de me comporter correctement et de laisser ma peine dicter mes choix. Je n'ai jamais voulu te blesser Tim, ni y'a huit ans, ni le soir de ton départ, ni aujourd'hui. Et pourtant je t'ai blessé à chaque fois. C'est pitoyable, parce que je ne le fais même pas exprès. Et toi, tu es encore là face à moi, à venir me demander pardon d'être parti. Tim, est-ce que je mérite réellement toute ton attention ? Est-ce que je mérite réellement que tu sois toujours prêt à me pardonner ? Est-ce que tu pourras me pardonner d'être cette fille dont tu ne comprends pas les actes ? Est-ce que tu pourras me pardonner d'être faible et d'avoir replongé ? Est-ce que je dois me préparer à vivre sans toi auprès de moi ? » Et elle ne lui avait pas laissé le temps de répondre, elle ne lui avait pas laissé le temps de lui apporter une réponse à ce genre de questionnement. Parce qu'elle ne voulait pas entendre une réponse, par peur, par lâcheté. Quelques minutes plutôt c'était elle qui semblait réticente à le laisser revenir dans sa vie, et maintenant elle avait juste peur, qu'il n'ait jamais la force de voir au delà de ses erreurs, de son geste contre la mère de son futur enfant. « Tu es heureux maintenant ? Tu as quelqu'un, tu vas être papa, tu sembles aller mieux. Tu n'as pas besoin de moi Tim pour être heureux non ? Alors tu vas repartir et m'oublier, un jour tu feras ça, ce soir ou un autre jour. Et le pire c'est que je pourrais te comprendre. Parce qu'au fond, je veux juste que tu sois heureux, et si tu dois être loin de moi pour ça, je pense que je pourrais l'accepter. » Après tout, elle avait bien accepté de laisser du temps à Caleb. Elle n'avait guère eu le choix, mais elle tenait le coup, elle gardait sa distance avec celui à qui elle avait avoué ses sentiments. Alors si Tim lui demandait à son tour de rester loin de lui, de sortir de sa vie et de ne plus jamais se mêler de ses histoires, elle pourrait le comprendre et respecter son choix. Elle pourrait le faire, et accepter la souffrance comme étant un juste retour des choses. Elle finirait sans doute par en mourir, de toute cette distance imposée, mais elle devait apprendre à penser aux bien être des autres un peu. Après les avoir tous fait souffrir, c'était la seule chose à faire. Les laisser décider de son sort, les laisser décider du sort de leur relation, quelque soit leur choix, il serait le bon. Tout choix serait le bon, tant que ce n'était pas à elle de choisir ! Elle s'en remettait à eux et à leur force d'acceptation et de pardon qu'elle avait déjà bien malmené. « Je suis désolé Tim. » Des excuses en guise de derniers mots avant de se taire et d'attendre le verdict de Tim. Elle commençait à gérer les coups reçus à la tête, elle commençait à gérer la douleur d'un coup reçu dans les côtes, mais elle n'était pas sur de pouvoir gérer ce coup ci à venir. Mais elle se préparait, essayant de rester droite, c'était pas simple, c'était son amitié avec Tim qui se jouait, mais elle ne pouvait pas craquer.

Tout avait changé en un éclair et Tim ne savait pas réellement comment le gérer. Quelques semaines auparavant seulement, il fêtait ses retrouvailles avec Alex et sa vie était si simple à ce moment là. Son amie, elle, s'était montrée malheureuse mais Decastel avait fait la promesse de la soutenir et voilà où ils en étaient quelques mois après cet instant si doux. Ils se regardaient et n'étaient pas tout à fait sûrs de se comprendre, ou tout du moins d'être sur la même longueur d'ondes. Il leur était arrivé tellement de drames en trois mois, Timothy n'aurait pas réussi à résumer l'affaire sans omettre des détails importants: sa vie était un bordel incomparable et il était certain que la jeune Clarke vivait le même genre de tragédies. Enfin, non, la sienne devait être différente parce qu'aucune fille n'était enceinte d'elle, une fille avec qui il n'était pas car elle avait choisi un autre... Non, son histoire ne devait pas être du même acabit mais cela ne voulait pas dire qu'elle souffrait moins, ce devait être l'inverse. Alex restait la même, trop sensible pour ne pas se prendre en pleine face les vents rageurs autour d'elle et Tim n'avait pas été présent pour elle. Pour une fois, il avait failli à sa tâche car il avait enfin décidé de vivre sa vie pour lui, pas juste pour les autres, à toujours leur courir après pour s'assurer que leur bonheur était assuré. Oui, Decastel s'avérait plus égoïste ces derniers temps mais il fallait que tout cela arrive après trente deux années à vivre en étant en mode veille, à attendre que jeunesse se passe. Ce n'était plus possible de vivre ainsi et tout ce retard accumulé, Tim le rattrapait à une vitesse hallucinante, loin de gérer le flot des événements, entre son lien intangible avec Charlie, sa relation récente avec Freya, l'armée, sa mère, ses déchirements avec ses amis dont Alex... Comment gérer tout cela sans faire quelque chose de travers? Timothy apprenait enfin ce que cela voulait dire d'être faillible, de ne pas avoir la bonne réponse à toutes les interrogations que d'autres pouvaient lui poser. Cette fois, il ne savait pas plus qu'Alex comment réparer ce qui s'était altéré entre eux. Elle parlait pourtant, elle tâchait de lui expliquer les causes de ce geste malencontreux vis à vis de Charlie et Tim ne répondait rien. Il la laissait faire parce qu'il n'avait pas de mots véritables pour elle, pas d'excuses données d'avance. Même s'il n'était pas avec la blonde, Timothy avait toujours du mal à accepter qu'on puisse lui faire du mal, comportement clairement masochiste et qui finirait mal pour lui. Pire que tout, c'était de son bébé dont on parlait et même si rien de tout cela n'avait été voulu et préparé, il savait que cet enfant, il l'aimait de tout son être et jamais il n'accepterait qu'on puisse lui faire du mal. Alex, pourtant, avait posé sa main sur lui et cela déchirait le coeur de Tim. Pas elle. Pas sa meilleure amie. Ses mots le percutaient, ses excuses également, il comprenait qu'elle avait mal mais lui aussi souffrait. Que faire lorsque la situation était inextricable? "Tu peux être désolée, oui... T'avais pas à te mêler de ça, c'est entre Charlie et moi tout ça et ta souffrance justifiait pas de la blesser de la sorte. On s'est pas disputés à cause d'elle nous deux, on s'est disputés parce que j'ai pris une décision et t'étais pas en accord avec ça. Tu voulais pas que je parte parce que t'arrives pas à vivre avec toi-même, Alex, alors tu comptais sur moi pour t'aider à rester debout. Sauf que ça peut pas toujours marcher comme ça... Tu peux pas toujours compter sur les autres pour t'apprécier. C'est à toi de faire ce travail, de te pardonner, d'avancer, j'en sais rien, mais on peut pas être ceux qui sont blessés parce que tu veux te faire du mal en premier lieu." Il pensait à Caleb autant qu'à lui parce qu'Alex avait ce comportement autodestructeur, elle l'avait toujours eu. Huit années auparavant, elle l'avait déjà et Timothy avait dû la remettre debout à bien des occasions parce qu'il avait les épaules pour supporter les malheurs du monde entier sur ses épaules mais désormais, ce n'était peut être plus autant le cas. "Je sais pas ce dont j'ai besoin, je suis certainement le type le plus paumé de la Terre, tu sais... Je vais être père, ouais, avec une femme qui est avec un autre. Je construis une relation au milieu du bordel ambiant dans mon crâne parce que je sais pas vraiment ce que je fous dans l'armée, tu vois, j'en sais pas plus que toi mais ça veut pas dire que je veux vivre sans toi. Je veux juste que t'arrêtes ça. Ce comportement là. Je peux pas être à tes côtés si tu me promets pas de pas blesser quelqu'un d'autre que j'aime ou de continuer à te foutre en l'air à petit feu... Parce que ça me blesse quand tu fais ça, Alex. Ça nous blesse tous et c'est pas juste." Les mots s'échappaient de leur propre fait et Tim tenta de déglutir après en avoir fini. Ses yeux brillaient d'émotion et peut être que dans le temps, il n'aurait pas retenu ses larmes. Désormais, il le faisait parce qu'il voulait être plus fort que cela. Plus fort que ce malheur qui les happait tous les deux.

 Et si lui arrivait à contenir les larmes à l’intérieur de lui ce n’était pas le cas de l’Anglaise qui venait de se prendre une claque. On était même plus proche du KO que de la petite claque qui remettait les idées en place. C’était tout son monde, son mode de vie, qui était remit en question. Toute sa façon de gérer, ou en l’occurrence de ne pas gérer justement qu'il dénonçait. Il avait passé deux mois loin d’elle et pourtant il avait résumé en quelques mots la vie d’Alex. Il avait été d’une telle vérité dans ses propos qu’Alex les prenaient de plein fouet avec un peu trop de violence. Mais la vérité ne peut pas être cruelle, parce que ce n’est que la vérité. La vérité ne peut être blessante que si elle est vraie, et elle l'est vraiment trop pour le coup. Et si Alex se sentait faiblir à ce point c’était que les mots de Tim arrivaient à pénétrer toutes ses barrières. Faibles barrières ... Il pointait avec beaucoup trop de justesses les failles d'Alex, ses erreurs, son comportement destructeur. Et il lui rappelait à quel point elle était faible et dangereuse pour elle et pour les autres. Elle merdait constamment dans ses relations. Elle merdait à les protéger, elle merdait à être juste avec eux, elle merdait à leur éviter des souffrances. Et elle merdait avec elle même. Les comportements à risques faisaient partie de sa vie depuis bien trop longtemps, mais entendre Tim lui dire qu'il ne pouvait plus être prêt d'elle si elle continuait ainsi, c'était bien trop dur à encaisser. Et elle aurait aimé être capable de lui promettre qu'elle pouvait arrêter ses conneries, mais pour ça, il aurait encore fallu qu'elle soit capable de comprendre pourquoi elle agissait de la sorte, tout le temps. La seule chose qu'elle savait, c'était qu'elle était incapable de prendre soin d’elle par elle même. Parce qu’elle n’avait jamais eu de modèle pour ça. Parce qu’elle ne pensait pas en valoir la peine non plus. Mais après Caleb c’était au tour de Tim d’en souffrir. D'être blessé, d'être déçu. Et ce n'était pas ce qu'elle voulait. Parce que si elle voulait se faire du mal au fond c’était son problème mais elle oubliait, trop souvent, qu’elle entraînait avec elle les gens auxquels elle tenait. Et c’était encore des souffrances qu’elle amenait dans leur vie. Comportement auto-destructeur classique. Un comportement qui pouvait aller quand elle était à Londres parce qu'elle était seule. Mais elle ne pouvait plus infliger cela à ses amis, c’était ce que lui annonçait Tim avec une violence si inhabituelle qu’il avait désarmé l’Anglaise qui restait silencieuse à réfléchir aux mots de Tim. Et elle aussi en avait marre de ces conflits constants. De ces luttes incessantes contre elle même, contre le monde, contre ses proches. Elle aussi en avait marre de souffrir mais elle ne savait plus faire autrement. La douleur, la souffrance, la culpabilité à force c’était beaucoup trop à gérer. Et elle n'y arrivait tout simplement plus. Alors ajouter à ça l’alcool, la colère, la drogue, les séparations et Alex se sentait défaillir. Elle était revenue à Brisbane avec l'espoir de trouver la paix, de pouvoir se pardonner pour retrouver un peu d'apaisement et de sérénité. Mais la seule chose qu'elle réussissait à faire, c'était de décevoir encore et encore. Et elle était en train de se foutre en l’air comme le disait Tim avec trop peu de tact. Elle était en train de tout gâcher dans sa vie. Encore. Elle avait toujours détestée voir sa mère au plus mal, et finalement elle prenait la même direction qu’elle. Elle avait juste choisi un autre chemin, un peu plus long pour arriver à la même conclusion. Parce que si elle continuait elle finirait elle aussi par se détruire totalement et par la rejoindre. C’était la conclusion pathétique mais si réaliste qu’elle retenait des mots de Tim.

« Je peux pas être à tes côtés si tu me promets pas de pas blesser quelqu'un d'autre que j'aime ou de continuer à te foutre en l'air à petit feu... Parce que ça me blesse quand tu fais ça, Alex. Ça nous blesse tous et c'est pas juste. » Elle avait déjà fait ce genre de promesse à Caleb, mais c'était pas une grande réussite pour le moment même si elle faisait des efforts, qu'elle essayait de bien se comporter. Mais il y avait des choses qui restaient hors de son contrôle, parce qu'elle était incapable de s'en sortir seule ou du moins de trouver la force de la faire seule.

Elle regardait Tim, et ses yeux brillaient. Il était touché par ce moment, elle savait qu'elle l'avait blessé lui aussi. Par son comportement, par son attitude, par sa façon de réagir. Elle le blessait lui, elle blessait Caleb, elle blessait les gens et la solution la plus simple aurait été de les écarter, de s'échapper encore pour les protéger. Mais elle n'avait même plus la force d'envisager la suite de sa vie sans eux. C'était égoïste, mais elle ne voulait plus être seule. Et, Tim menaçait de sortir de la vie d'Alex si elle continuait à ce comporter ainsi. C'était une menace assez convaincante pour faire paniquer l'Anglaise. Une menace assez importante, pour qu'elle commence à réaliser qu'il fallait peut être qu’elle accepte l’idée de demander de l’aide. Parce qu’elle était incapable de le faire seule. Parce que c'était peut être la dernière chance qu'il lui restait pour prouver aux gens qu'elle était digne d'eux, le seul moyen de les convaincre de ne pas l'abandonner. Mais avant ça elle devait relever la tête et tenter de faire face avec le peu de courage qu’elle pouvait réunir en elle pour Tim. Parce que c’était son amitié avec lui qui se jouait et que ça méritait de se faire violence. Que ça méritait qu'elle se montre honnête et franche quitte à paraître faible. De toute façon, elle l'a toujours été faible. Et Tim méritait un peu plus que des larmes comme réponses. Il méritait autre chose que la douleur dans le regard d'Alex. Il ne méritait pas la colère qu'elle ressentait contre elle même et aussi un peu contre lui. En l'entendant parler, Alex avait presque eu envie de le frapper pour avoir été si dure avec elle. Mais c'était elle qu'elle détestait pas celui qui lui ouvrait les yeux et lui montrait la réalité.

« Pourquoi tout est toujours compliqué Tim ? » Il venait pourtant de lui affirmer que lui aussi était paumé. Que toute sa vie était remise en question mais elle continuait à chercher des réponses auprès de lui. Même si les réponses risquaient de faire mal, elle avait besoin de lui. De leur relation. « Est-ce que tu regrettes d'être tombé amoureux ? Est-ce que tu regrettes de t'être ouvert à la vie ? Quand on avait rien, on ne pouvait rien perdre, j'en ai marre de tout perdre. Tu penses que le bonheur vaut vraiment le coup ? Parce que si derrière on souffre autant, ça vaut peut être pas le coup finalement ? » Elle ne savait pas si elle parlait encore pour Tim ou si elle parlait de sa condition, mais au fond ce questionnement pouvait s'appliquer à leurs deux situations. « C'était plus simple avant. Quand on était tout les deux. Je sais qu'on était pas heureux, enfin pas pleinement heureux, mais au moins on était bien. Maintenant j'ai juste mal tout le temps et je sais pas gérer. On est pas conçu pour souffrir tout le temps non ? Et toi regardes, tu es complètement perdu. Tu fais tout bien, et pourtant tu souffres aussi. Alors est-ce que ça vaut le coup de se battre ? Comment tu fais pour construire une autre relation dans tout ce bordel ? Tu as pas peur de souffrir encore ? Moi je suis juste paumée Timi et je ne sais plus en quoi croire. Je ne sais pas ou tu trouves la force de ne pas t'écrouler Tim, mais moi je suis faible. » Ce n'était pas réellement une confession très positive. Peu rassurante et qui avait même tendance à confirmer les propos de Tim sur sa capacité à s'auto-détruire et à se faire du mal. Mais elle était juste en recherche de réponses, et elle n'avait pas peur d'être totalement transparente face à lui. D'être elle même complètement. Elle le pouvait face à lui. « Parfois je me demande juste si c'est pas plus simple d'abandonner. De laisser tomber, de renoncer au bonheur pour éviter de souffrir. Mais même ça j'y arrive pas, parce que je ressens encore des trucs, j'aime Caleb, et putain je tiens à toi et ça me fait mal. J'ai promis à Caleb de prendre soin de moi, je peux te le promettre aussi Tim, je peux te promettre d'essayer au moins. Je peux te promettre de ne plus me mêler de ta vie, de ne plus te blesser. Mais ne me hais pas. » Et si Tim venait à la haïr, ce serait le coup de grâce. Lui, son meilleur ami, son confident, le seul à qui elle s'était confiée sur son secret par choix. Timothy Decastel, celui sur lequel elle avait l'habitude de venir déverser ses doutes et ses peines. Et si c'était lui qui était le responsable des larmes de l'Anglaise, vers quelle épaule elle allait pouvoir se tourner pour reposer sa tête et se laisser aller ? Il voulait qu'elle se prenne en main, mais elle cherchait malgré elle un point de repère auquel se rattacher et comme la jeune fille paumée qu'elle était dix ans plus tôt, elle cherchait la présence rassurante de Tim. Posant sa main sur celle du militaire, elle espérait simplement qu'il prenne sa main, qu'il la serre en guise de soutien, en guise de lien intact entre eux. Elle n'avait pas besoin de plus pour le moment, juste qu'il attrape cette main qu'elle lui tendait, qu'elle le sente encore là avec elle. 

Il voulait croire qu'il allait mieux, que ses expériences récentes l'avaient fait grandir mais Tim n'en savait pas grand chose au final. Il naviguait entre deux eaux, incertain de ce que l'avenir lui préparait. Tout ce dont il avait conscience, c'était qu'Alex était en train de sombrer et il était responsable au même titre que d'autres personnes. C'était lui qui lui avait dit des choses horribles et en vue de leur lien de proximité, pour sûr que la jeune femme s'était précipitée dans le gouffre parce que Tim avait toujours été proche d'elle. C'était vrai que Timothy avait toujours tout pardonné à Alex avec une facilité déconcertante: quand elle le laissait tomber pour partir dans des soirées où elle trouvait quelqu'un d'autre avec qui s'amuser, lorsqu'elle était partie à l'autre bout du monde sans rien lui dire, lorsqu'elle était revenue et qu'elle avait fini par lui expliquer qu'elle était tombée enceinte de Caleb et qu'il avait fallu qu'elle parte d'ici... Decastel avait tout pardonné, d'un claquement de doigts, comme s'il n'avait pas été blessé par les attitudes de sa meilleure amie. Cette fois, les choses étaient peut être différentes parce que la jeune Clarke avait agi sans rien lui dire, elle s'était mêlée de sa vie et de ses choix sans qu'il n'en sache rien. Retrouver Charlie et oser la frapper, c'était quelque chose que Tim ne pouvait pas accepter, pas alors qu'ils avaient discuté entre adultes dès son retour et maintenant, tout semblait bien plus clair. Avec son comportement, Alex avait failli tout foutre en l'air et cette fois, Tim ne pouvait pas fermer les yeux sur ce qu'Alex était en train de devenir. Elle se détruisait et dans l'entreprise, elle atteignait également son entourage parce qu'elle agissait sans réfléchir, ne pensait pas aux conséquences pour eux tous, que ce fut lui ou bien Caleb. Lorsqu'elle agissait de la sorte, elle les blessait autant eux qu'elle-même, sauf que personne n'avait assez de jugeote pour la mettre en face de ses failles. Tim, pourtant, avait enfin trouvé le courage de lui exprimer ce qu'il ressentait vis-à-vis de tout cela, certainement parce que l'armée l'avait changé et qu'il avait pris conscience qu'il ne pouvait pas toujours tout garder pour lui. Ce n'était pas viable sur le long terme de terrer ses blessures les plus intimes car, arrivait fatalement un moment, où les rancoeurs finissaient par s'exprimer et c'était dans ce genre d'instants où des coeurs étaient brisés. Alors, Tim avait parlé. Sans rien garder. Mettre Alex face aux faits accomplis, face à ses failles et ses blessures qu'elle transmettait aux gens proches d'elle. Timothy exprimait toute la vérité, laissait sortir plus de dix ans de déceptions qu'il ne pouvait plus réellement cacher, autant pour son propre bien que pour celui de la jeune femme. Après tout, la vie d'Alex était loin d'être terminée et c'était maintenant qu'elle devait agir pour réparer ce qu'elle avait brisé au fond d'elle car, oui, c'était encore possible et le bonheur n'était pas aussi loin qu'elle pouvait le penser. Maintenant, elle savait tout et Timothy restait fermement ancré au fond de son siège à attendre sa réaction. Il se doutait que ce n'était pas des mots aisés à entendre, surtout pas après tant d'années à se faire du mal de toutes les manières possibles et imaginables. Etant son ami cela dit, il n'aurait pas pu prendre meilleure décision que celle-ci: enfin être à la hauteur de son statut, ne plus se cacher au fond de son esprit et laisser les mots sortir... En espérant qu'elle comprenne. Qu'elle agisse en conséquence. Alors, Decastel l'écouta en retour, il sentit son trouble et ses doutes face à ce que la vie attendait d'elle. Pourquoi souffrir autant? Comment s'échapper de cette spirale loin d'être vertueuse? Elle l'interrogeait mais Tim, forcément, n'avait pas toutes les réponses.Il savait juste qu'il était question de se prendre e main, de refuser de subir cette vie mais au contraire, de prendre les devants pour ne plus avoir à autant souffrir et lorsque c'était tout de même le cas, ne pas laisser la vie remporter la bataille face à leur force de caractère. C'était tout ce qu'il savait et c'était peut être la seule chose qu'il pouvait répondre à la jolie Clarke, un air déterminé ancré dan ses pupilles bleutées. "Il y a deux mois, je t'aurais sûrement dit que je regrettais amèrement... Mais plus maintenant. Tout ça, ça m'a fait grandir et ça  m'a fait comprendre que je pouvais pas toujours me cacher au fond d'un cimetière et vraiment, souffrir, ça vaut bien plus le coup que ne rien être du tout. Alors, non, Alex, je regrette rien. Ce que j'ai vécu, c'est ce que je suis devenu et si c'était à refaire, je le referai exactement de la même façon. Je coucherais encore avec Charlie, je la laisserais me jeter, je m'engagerais et je reviendrais plus sûr que jamais que la vie vaut le coup d'être vécue, même quand tout paraît si noir. Le bonheur, même s'il est fugace, vaut toujours le coup." Il était redevenu l'optimiste d'antan, sauf que cette fois, Tim avait de meilleures réponses à apporter que ce Decastel gardien de cimetière qui rougissait face aux premiers événements qu'il ne maîtrisait pas vraiment autour de lui. Aujourd'hui, il était en mesure de s'extérioriser, de faire des choix et surtout de les assumer jusqu'au bout. Alex n'en était pas arrivée là encore, mais il était certain que cela viendrait. L'électrochoc apparaîtrait lorsqu'elle ne le verrait pas venir. "J'ai pas ce genre de réponses, Alex. Je sais juste que si tu veux remonter la pente, il faut te reprendre en main...Je te dis pas que je suis pas paumé les trois quarts du temps mais je prends des décisions, j'accepte le cours de mon destin. Et non, je n'ai pas peur de tomber à nouveau en me mettant avec quelqu'un, je crois que c'est un cadeau de partager autant avec une autre personne. Se découvrir, tout donner à quelqu'un et peut être, oui, qu'il y aura de la souffrance quelque part mais c'est aussi ça la définition de vivre. Alors accepte ça, Alex. Une fois que tu l'auras fait, t'auras beaucoup moins peur et crois moi, tu peux gérer toutes ces émotions... On peut tous le faire, y survivre et t'es pas plus faible qu'un autre. Commence à le croire et tout se passera mieux pour toi." Il sentit sa main se poser sur la sienne et son regard se releva vers le sien au moment où il commença à la serrer. C'était dans la logique des choses car, quoiqu'il arrive, Tim ne vivait pas à cent pour cent s'il n'était pas en bons termes avec Alex. Cela ne voulait pas dire qu'il lui pardonnait tout, il espérait juste qu'elle prendrait les bonnes décisions, qu'elle changerait de manière de penser pour pouvoir arrêter de s'autodétruire, et eux avec. "Je te hais pas, Alex, jamais. Je veux juste que tu te reprennes parce que, contrairement à ce que tu crois, t'es pas seule. Je suis là, Caleb est là et ce que tu fais, ça nous affecte tous. Alors, reviens à toi, je t'en prie. Reviens, prends le temps qu'il te faudra mais redeviens la Alex qu'on aime, pas celle qui veut juste se tuer doucement et nous avec. Fais ça, s'il te plaît." Et si elle acceptait ce contrat, Tim serait là à chaque étape parce que rien n'était facile mais il restait son ami. Envers et contre tout. Si elle faisait cela pour lui.

 Il semblait si serein, que même dans ses incertitudes, il semblait capable de faire preuve de sérénité. Il acceptait la vie telle qu'elle était. Avec les épreuves, les déceptions et les joies. Il acceptait la souffrance pour quelques instants de bonheur préalablement vécus. Il ne regrettait rien et pourtant la vie ne l'avait pas épargné. Son père qui avait fuit, sa mère qui avait détruit le petit garçon puis l'homme en devenir, et cette fille, la première a qui, il avait osé s'ouvrir, se confier. Il avait plus que quiconque le droit de se plaindre et de maudire la vie, mais il ne le faisait pas. Il était toujours prêt à voir du positif même dans les pires épreuves, parce que pour lui le bonheur valait le coup. C'était ses mots. Accepter de ne pas tout savoir, accepter de ne pas tout contrôler et accepter ses émotions. Accepter le bonheur au risque de le perdre. Voilà la clé pour vivre, tomber et se relever ? Il en était capable lui, Clarke avait perdu sa capacité de se relever. L'avait-elle au moins eu un jour ? Pas seule en tout cas. Et c'était ce qu'ils attendaient d'elle. Qu'elle se relève et accepte les souffrances engendrées par ses choix de vie. Qu'elle prenne soin d'elle et qu'elle arrête de se détruire. C'était en soit une demande plus que raisonnable, mais elle n'avait pas le manuel pour prendre soin d'elle. Elle  ne pouvait pas se protéger d'elle même, c'était peut être ça le plus frustrant. Sa seule menace, c'était elle même. Ses comportements à risques, ses problèmes d’addictions, ses regrets, ses souffrances, ses blessures. C'était elle qui s'infligeait ses plus grosses douleurs, encore et encore. Et, Tim lui demandait de mettre fin à ça. D'accepter la souffrance de la vie. Survivre et avancer. Elle pouvait survivre, elle le faisait déjà, mais c'était pour avancer que la problématique arrivait. Et la seule façon pour elle d'avancer, aurait été de se pardonner ou d'oublier. Mais l'un comme l'autre, elle n'y arrivait pas ou elle ne voulait pas. Se pardonner lui était impossible. Et oublier, n'était pas envisageable. Oublier, signifierait l'oublier aussi lui. Les oublier eux. Tous. Ceux qui l'avaient connu avant, ceux qui avaient compté pour elle à une époque ou elle n'était pas que l'ombre d'elle même. Elle ne pouvait pas oublier, parce que si Tim avait dit une chose forte et qui sonnait comme une petite révélation pour Alex, le bonheur même fugace vaut toujours le coup. Et si elle souffrait autant aujourd'hui, c'était parce qu'elle avait été réellement heureuse à l'époque. Et quiconque ne connaissait pas une telle intensité de bonheur, ne pouvait pas comprendre la douleur avec laquelle vivait l'Anglaise depuis qu'elle avait tout perdu. Elle avait perdu sa vie, elle s'était échappée de Brisbane et elle avait laissé derrière une partie d'elle même, et elle avait aussi laissé sa vie. Et durant huit ans, elle n'avait finalement fait que chercher à combler le vide dans sa vie. Avec les études, avec l'alcool, avec la drogue, avec les soirées, avec le sexe, sans réussite. Parce qu'elle savait ce qu'était le bonheur grâce à eux. Grâce à Tim, grâce à Caleb, grâce à Rachel. Et sans eux, elle s'était perdue, incapable de combler le manque qu'ils avaient laissé dans sa vie.

Et à ce moment, peu importait leurs différents, leurs disputes, ou même la déception de Tim à son égard. Elle avait besoin de lui. De ses bras, de sa force, de son amitié et de sa bienveillance. Elle avait besoin de lui, parce qu'elle avait déjà perdu un pilier de sa vie en la personne de Rachel. Et elle ne reviendrait pas, jamais. Elle laissait un vide définitif dans la vie d'Alex et l'Anglaise n'avait aucun moyen pour changer ce fait. Elle avait perdu Rachel et Caleb lui imposait une distance bien trop difficile à gérer, une distance qu'elle peinait à supporter mais qu'elle devait accepter. Elle n'avait pas le choix, il l'avait décidé pour eux et elle avait trop de tords pour aller à l'encontre de sa demande. Alors il ne restait plus que Tim, la seule relation qu'elle pouvait encore tenter de sauver. Le seul pour qui elle pouvait encore tenter d'agir sans tout gâcher définitivement. Il ne lui restait plus que lui comme pilier et elle avait aussi failli le perdre. Pas à cause de l'armée, pas à cause de Charlie mais uniquement à cause d'elle même et de son comportement aussi destructeur pour elle que pour ses proches. Elle avait peur au moment ou elle posa sa main sur celle de Timothy. S'il venait à la rejeter, ce serait sans doute le coup de grâce. Mais, après quelques secondes, elle avait senti la main de Tim qui ne refusait pas le contact et qui en plus venait serrer la sienne. Il était là, encore là avec elle malgré tout. Et il relevait les yeux vers elle, lui faisant face. Acceptant de la regarder. Un geste qui aurait pu sembler anodin mais qui ne l'était pas. Une main tendue vers lui qu'il avait saisit tout en lui annonçant qu'il ne la haïssait pas. Un regard posé sur elle qui prouvait à l'Anglaise qu'il n'était peut être pas totalement écœuré par l'attitude immature et destructrice d'Alex. Elle l'espérait sincèrement. Et il semblait le confirmer au moment ou il lui avouait qu'il ne la haïssait pas, jamais. Et l'Anglaise avait pensé qu'il y avait encore un 'jamais' de trop dans sa phrase, mais elle n'avait rien dit. Elle l'avait laissé parler, elle l'avait laissé dire qu'il était là pour elle. Elle l'avait laissé finir, et quand Tim avait demandé à Alex d'arrêter de se tuer doucement, elle avait dégluti et resserré un peu plus sa main sur la sienne. Elle était devenue sa mère. Cette personne qui faisait souffrir ses proches tout en se tuant lentement. Elle n'était plus qu'une fille à problème dont il fallait s'éloigner pour ne pas se retrouver au centre des problèmes. Et elle s'en voulait d'être comme ça. D'être devenue cette fille là et de leur infliger des souffrances qu'ils n'auraient pas eu à gérer si elle avait choisi de ne pas revenir, ou de ne pas partir. L'un dans l'autre, c'était ses choix et elle les avait imposé aux autres, sans qu'ils n'aient réellement leur mot à dire. Elle partait et revenait dans leur vie amenant avec elle son lot de problème. L'Anglaise imposait ses choix, ses besoins, ses envies à ses proches sans tenir compte de ce dont ils avaient réellement besoin. Elle n'avait encore jamais eu assez de recul et assez de sérénité pour réfléchir aux raisons qui la poussaient à blesser les gens auxquels elle tenait, encore et encore. Et même si elle en avait conscience de les blesser, elle ne le souhaitait pas. C'était peut être là, le fait le plus triste. Sa peine, sa colère, ses souffrances et sa haine d'elle même, toutes ses émotions se retournaient autant contre elle même que contre les personnes autour d'elle. C'était pitoyable, parce qu'au fond, elle ne voulait faire de mal à personne. Elle n'était pas comme ça, du moins pas à l'époque. 'Redeviens la Alex qu'on aime.'

« Et si celle que j'étais, celle que vous aimiez, n'existait plus ? » C'était la première chose qu'elle avait pu répondre alors qu'un lourd silence commençait à s'installer entre eux. Il ne la haïssait pas mais il voulait qu'elle redevienne celle qu'elle était huit ans plus tôt. Avant tout ça. Mais si ce n'était pas possible ? « Est-ce que tu pourrais m'apprécier quand même ? Malgré tout ce que j'ai fais ? » C'était une question à laquelle il serait presque impossible de répondre, ni pour lui, ni pour personne d'autre, parce que même si elle n'était plus la même qu'il y a huit ans, cela ne permettait pas de savoir qui elle était devenue derrière son côté destructeur et en souffrance, que restait-il d'elle-même ? C'était peut être là, la plus grande des interrogations à laquelle elle se devait de répondre. Qui était-elle devenue ? Et comment accepter ce changement ? Parce qu'elle avait changé, sa vie avait changé et elle devait l'accepter. Accepter ses erreurs et accepter son passé. Elle ne pouvait faire que ça. Espérer que malgré ses failles, ses erreurs, ses choix, il restait une partie d'elle-même que les gens pouvaient apprécier au delà de tout le reste. Et qu'il restait une partie d'elle-même qui avait encore la capacité de s'ouvrir au bonheur et d'apprécier les choses à leur juste valeur. « Je ne veux pas me tuer Tim, je te promet. » Elle tenait toujours fermement sa main dans la sienne, ses yeux perdus dans le regard bleuté du Français. « Sinon je me serais engagée à l'armée. » Et visiblement l'humour dans un tel moment, sur un tel sujet, c'était loin d'être l'idée du siècle mais elle ne se laissait pas démonter par sa remarque maladroite et elle reprenait avec plus de sérieux. « Mais je suis fatiguée de devoir me battre contre un fantôme. Je ne peux pas gagner. Parce que j'ai tout gâché et que quoiqu'il puisse se passer dans ma vie, il restera toujours cette part d'ombre dont je ne peux pas me débarrasser. Quoique je fasse ça restera toujours là à me rappeler ce que j'avais, celle que j'étais. C'est trop dur à porter, j'ai pas les épaules pour. Je ne peux pas être la même qu'avant, vouloir les mêmes choses alors que c'est impossible. Il y a des choses qui nous changent Tim, pour toujours. » Parfois le changement avait du bon, pour Tim ça semblait être positif, mais Alex n'arrivait pas encore à accepter que les choses étaient différentes. Parce qu'elle n'était pas en mesure de voir que la vie même différente pouvait encore lui réserver de belles choses. Elle n'en était encore pas là, trop coincée dans la vision d'un passé qu'elle continuait à regretter. « Mais je te promets d'essayer Tim. » Essayer d'aller mieux, essayer de relever la tête, essayer d'être digne d'eux. Essayer d'être elle, celle qu'ils ont apprécié, qu'ils ont aimé. Essayer encore de trouver la force de demander pardon et de se pardonner. Essayer encore parce qu'il y avait encore des choses auxquelles elle tenait. Son amitié pour Tim faisait partie des choses qui valaient la peine qu'elle se batte. Au moins essayer, pour lui, pour eux. Parce qu'il avait la capacité à tout lui pardonner, qu'elle le savait et qu'elle devait commencer à être à la hauteur de la bonté de Tim. « Je veux être là pour toi Tim. Pour tout ce qu'il t'attends. A défaut d'être celle que je veux être, je peux être celle dont tu as besoin, laisse-moi être là pour toi comme tu l'es pour moi. Et je te promets de faire de mon mieux pour ne pas tout gâcher. Pour ne pas te blesser. » Elle se levait de son fauteuil sans lâcher la main de Tim et elle s'installait à coté de lui sur le canapé, venant déposer sa tête contre son épaule, elle avait besoin de lui. Maintenant, tout le temps. Il était son Tim, et elle avait besoin de lui dans sa vie, prêt d'elle. Elle avait besoin de leur relation, de son amitié, de son sourire. Elle pouvait arriver à accepter que sa vie changeait, mais elle ne pourrait jamais voir sa relation avec Tim s'effriter encore et encore. Elle ne pouvait pas continuer ainsi, pour lui, pour eux, pour elle.

Il n'avait jamais été question de continuer à faire sa vie sans qu'Alex n'en fasse partie. Tim n'avait jamais menti: elle avait toujours eu une place essentielle au sein de son existence. Certes, il avait été amoureux d'elle pendant de nombreuses années mais, même si tout cela n'était plus qu'à conjuguer au passé, la présence de la jeune femme à ses côtés n'était toujours pas quelque chose de négociable à ses yeux. Il était évident qu'elle avait fauté et plutôt deux fois qu'une vu le récit qu'elle venait de lui faire mais Timothy n'était pas quelqu'un qui avait la rancoeur tenace, plutôt le contraire même. C'était encore pire avec les gens qu'il aimait et quoiqu'il arrive, il aimerait Alex Clarke. Il l'aimerait même pour deux si elle n'était pas capable de le faire pour elle-même. C'était certainement ridicule de penser ainsi parce qu'il était plus que temps que la jeune femme réussisse à atteindre cet exploit, c'était même nécessaire si elle ne voulait pas mourir prématurément. Tim avait mal de l'imaginer dans un état aussi pitoyable, à ne plus savoir qui elle était et la place qu'elle méritait au sein de cet univers des plus cruels. Decastel aurait aimé avoir des réponses à lui apporter mais la vie ne fonctionnait pas ainsi: tout le monde devait fauter, tout le monde devait enchaîner les choix hasardeux jusqu'à trouver la paix. Lui même était au beau milieu de ce processus, plus perdu qu'autre chose, entre les traumatismes du passé, les envies d'avenir et ce présent si tortueux. Il ne savait pas tellement s'il prenait les bonnes décisions mais il se dirigeait franchement sans boussole, sans se douter que c'était la meilleure solution pour apprendre et grandir. C'était au tour d'Alex de faire ce chemin là, même si ce n'était jamais quelque chose d'évident à opérer parce que cela demandait de prendre du temps pour soi, de faire cette fichue introspection et se retrouver face à ses failles mais c'était la seul manière d'enterrer le passé pour envisager l'avenir. Tim lui serrait la main en retour, essayant de laisser un léger sourire naître sur ses traits mais ce n'était pas encore tout à fait naturel, sûrement parce qu'il était perdu dans ses propres pensées, tiraillé entre cette rancoeur qu'il aurait dû avoir parce qu'elle avait blessé Charlie et cette peine parce qu'on parlait d'Alex et qu'elle était plus mal que jamais. Tout cela n'avait plus aucun sens au bout du compte et Tim se retrouvait muet. Il n'était pas le plus bavard du lot de base, bien évidemment, mais avec Alex, il était rare qu'il se laisse aller à se murer dans le silence plus de cinq minutes. "On change tous d'une manière ou d'une autre. Regarde, je suis plus le Tim d'il y a trois mois, encore moins celui d'il y a huit mais mais est-ce que tu m'apprécies moins? Peut être que oui, remarque mais c'est normal, Alex. On évolue et c'est pas pour autant que je t'apprécierai moins. J'accepte chaque nouvelle partie de toi parce que notre amitié, c'est ça, et ça changera pas." Il le pensait vraiment, même si elle lui avait fait du mal en se blessant elle-même. Tim savait aussi qu'il avait une patience hors du commun et qu'il était capable de supporter énormément avant de craquer. Cela ne voulait pas dire qu'il était invincible ou que les actes d'Alex ne l'atteignaient pas mais plutôt qu'il trouverait toujours la force de lui pardonner si elle lui promettait de faire les efforts nécessaires pour se remettre sur pied. Ce qu'elle semblait faire à ce moment précis, face à un nouveau sourire sur les lèvres de Decastel. Promettre d'essayer était déjà un pas de plus vers la guérison et c'était la seule chose qui comptait pour Timothy à l'heure actuelle. "Consciemment non, mais inconsciemment, Alex, qu'est-ce que tu veux? Penses-y." Timothy savait la réponse, c'était la même que la sienne lorsqu'il avait signé ce fichu papier pour s'engager dans l'armée australienne. Il ne pensait pas désirer côtoyer la mort mais en fait, il allait carrément la chercher. Inconscient jusqu'au bout et c'était exactement la même chose pour Alex, dans un contexte différent néanmoins. "Laisse le passé où il est dans ce cas. Embrasse ton présent. Construis la nouvelle Alex en occultant tout ce qui t'a mis à terre parce que rien n'est définitif et c'est pas parce que t'as merdé hier que tu vas forcément le faire aujourd'hui. Aie confiance en toi et tout viendra, peu importe si tu changes. Les gens qui t'aiment changeront pas ça." Il la rassurait au moins à ce sujet parce qu'il serait forcément présent dans l'équation, tant qu'elle ne le virait pas de là bien évidemment. Elle n'avait pas l'air de compter là dessus pour le moment puisqu'elle le rejoignit sur le canapé et cette fois, sa tête se posa dans le creux de son épaule alors que le bras de Decastel vint l'entourer avec fermeté parce qu'il se voulait sécurisant et qu'il sentait qu'elle avait besoin de cela. Besoin de lui. Enfin. "Ça me va parfaitement, Alex. Faisons ça. Tu promets de prendre soin de toi et je te promets de m'appuyer sur toi pour tout ce qui va venir parce que j'ai peur, tu sais. Tellement peur..." De ne pas être à la hauteur. De mal aimer Freya. De faire encore du mal à Charlie. De n'était qu'un poids pour tout ce beau monde et être un mauvais père. Surtout cela oui, ça l'achèverait assurément.

Tim l'écoutait, la rassurait et osait même un sourire au milieu de toutes ces confidences. Ils s'étaient perdus et retrouvés. Ils s'étaient fâchés et ils étaient à nouveau en train de reconstruire leur amitié Sur des bases instables, eux même l'étaient instables, incertains. Mais ils se retrouvaient et se livraient l'un à l'autre, partageant leurs faiblesses et leurs douleurs, comme avant. Parce qu'il y avait des douleurs trop lourdes à porter pour une seule âme et les partager semblaient être le premier pas pour se décharger un peu de tout ce poids. Tim avait toujours eu ce rôle, une sorte de soupape de sécurité qui permettait de réguler les émotions de l'Anglaise, bien incapable de gérer tout seule. Il tempérait les émotions d'Alex, que ce soit dans les émotions positives ou négatives. Il était en quelque sorte le garent de l'équilibre précaire de la jeune British, qui se cherchait, se découvrait, se testait et vivait ses premières joies comme ses premières déceptions. Et presque dix ans plus tard, finalement, ils en étaient un peu au moins point tout les deux. Alex lui avouant ne plus savoir qui elle était et lui écoutant, soutenant et rassurant la femme qui se retenait de pleurer encore. Il avait raison, ils changeaient, ils évoluaient, mais finalement, ils restaient les deux même ensemble. Leur relation restait la même, leur amitié résistait à tout ça. Aux échecs, aux erreurs, aux déceptions et aux changements. Et il tentait de ramener Alex sur des questionnements et une dynamique plus productive. « Je sais pas ce que je veux Tim. Je crois que je veux juste arrêter de souffrir et arrêter de vous faire souffrir. Mais je n'arrive pas à laisser le passé derrière moi, parce que j'étais heureux avant. Je t'avais toi, j'avais Rachel et j'avais Caleb. Tu sais je me suis rendu compte que je l'aime encore, et je sais pas si lui pourra m'aimer encore un jour, alors je fais comment pour accepter le présent si je dois renoncer à lui ? Le passé n'est pas facilement oubliable dans mon cas Tim, j'aimerais l'oublier et en même temps je m'y accroche parce que j'ai des souvenirs heureux dans ce passé. » Alex tentait d'expliquer la difficulté avec laquelle elle devait gérer son présent et son passé. Son passé l’empêchait d'avancer et de profiter de son présent. Mais son présent lui rappelait sans cesse tout ce qu'elle avait perdu dans le passé. C'était un cycle sans fin. Elle voulait oublier la douleur, mais elle ne voulait pas renoncer à l'idée de retrouver ce qu'elle avait eu. Et elle ne pouvait rien construire sur un souvenir, elle ne pouvait rien construire sur des remords, et pourtant elle continuait à se faire souffrir en s'accrochant à ce passé qu'elle savait disparu à jamais mais qu'elle continuait d'envier avec souvenirs. Était-ce pour profiter du présent ou en souvenir du passé qu'elle était venue poser sa tête sur l'épaule de Tim ? Elle n'y pensait pas à ce moment, elle profitait juste de ce moment ou blottie dans les bras de Tim, elle s'était sentie en sécurité. Protégée du reste du monde, elle n'était plus seule pour combattre, il était là avec elle. Comme avant. Ou plutôt comme toujours. Un élément du passé qui se conjuguait au présent, son amitié avec Tim. Elle pouvait arrêter de s'accrocher au passé auprès de lui, parce que leur relation existait au présent et elle se sentait soulagée et un peu plus légère dans ses bras. Peut-être un peu plus forte aussi, parce qu'elle savait qu'il était là, prêt à supporter les confidences avec elle, prêt aussi à encaisser les coups avec elle si elle le lui demandait. Et même si Alex n'avait pas la force de Tim, elle pouvait aussi encaisser les coups pour lui. (Elle avait prouvé qu'elle pouvait en donner, alors en recevoir semblait logique!) Mais il n'était pas question de coups, mais plutôt de soutien, de main tendu et de paroles rassurantes et sincères. Et Alex pouvait le faire. Parler à Tim, le rassurer sur ses capacités. Parce qu'elle l'avait toujours apprécié cet homme, apprécié ses qualités, sa présence et sa bienveillance. Elle avait toujours aimé vanté ses mérites et ses qualités, au grand dame de Caleb. Alors quand il avait évoqué ses peurs, elle avait tout de suite, cherchait à les apaiser. « J'ai peur aussi Tim, pour tout. Mais pas pour toi, enfin j'ai peur quand tu enfiles ton fichu treillis, et que tu te formes pour rejoindre le rang d'une armée qui ne te mérite pas. Mais je n'ai pas peur pour tout ce qui va arriver pour toi, je te connais Tim. Ça va sûrement te demander un effort fou pour surmonter toutes les épreuves qui t'attendent mais je sais que tu y arriveras, quoiqu'il arrive. Parce que même si tu ne sais pas comment gérer dans l'immédiat, tu sauras au moment venu ce que tu dois faire, parce que tu es quelqu'un de bien Tim. Peut être même un peu trop bien pour ton propre bonheur. Sois toi même et cet enfant aura de la chance. Charlie aussi.» Et ça lui avait brûlé la gorge de prononcer ce prénom, de l'imaginer encore faire souffrir Tim sans qu'elle ne puisse rien y faire. Mais Charlie était enceinte de Tim, et visiblement Tim prétendait qu'ils allaient garder l'enfant. Alors Alex devait s’accommoder de cette réalité, ne plus se mêler des histoires de Tim et prier pour que tout se passe pour le mieux. Parce qu'elle voulait qu'il puisse être heureux parce qu'il le méritait. Ce petit frenchie perdu, renfermé, regardant le monde tourner sans y participer réellement, dévouant sa vie à s'occuper des morts au lieu de vivre. Il avait plongé dans le grand bain de la vie avec Charlie, et pourtant Alex avait l'impression que son ami n'avait jamais été aussi proche de la mort que depuis qu'il avait rencontré cette fille. Et après l'avoir achevé en le quittant, elle venait asséner un nouveau coup sur Timothy, avec cette grossesse et cet enfant à venir. Et Alex savait à quel point une telle annonce pouvait faire voler en éclat toute une vie, tout un avenir. Elle l'avait vécu et très mal vécu. Alors s'il a une chose qu'elle pouvait comprendre, c'était les peurs de Tim à ce sujet. Des peurs légitimes, des peurs qui l'avaient peu à peu consumé à l'époque au point de faire des choix définitifs. Et même si c'était dur pour elle de parler de ces choses là, elle venait de dire à Tim qu'elle voulait être présente pour lui et elle devait le faire dès maintenant. Dépasser ses propres peurs pour devenir une amie solide (ce qu'elle n'était pas, mais au moins faire semblant!) « Je comprends que tu puisses avoir peur parce que tu as pas eu de modèles mais tu es bienveillant, attentif aux autres, présent pour les gens que tu apprécies. Tu es un mec génial, tu as passé ta vie à apporter ton soutien aux familles en détresse. Tu t'es effacé au profil des autres, sans les délaisser. Tu as fais passer les sentiments des autres avant les tiens. Il n'y a pas une once de méchanceté en toi. Tu ne seras pas un père parfait, personne ne l'est, mais au moins tu feras tout pour et c'est ce qui fera de toi un bon père. Ne laisses pas ta famille venir semer le trouble en toi. Retiens que tu n'es pas ton père, que tu n'es pas ta mère. Et ne les laisses pas te gâcher tout ça et te faire douter. Ne les laisses pas te prendre ce moment, ça t'appartient. Mais si tu veux en parler, je suis là. Comment tu vis tout ça ? » A vouloir le rassurer elle en avait même oublié de lui demander son ressenti sur la question. Elle n'avait aucun doute sur les raisons de la peur de Tim, du moins elle pensait vraiment que c'était lié à cette nouvelle donne, à cet enfant, le sien à venir. Mais elle ne savait même pas comment il vivait les choses, autrement qu'avec une trouille énorme de voir débarquer un enfant dans sa vie.  

L'un ne fonctionnait pas décemment sans l'autre, c'était écrit quelque part sans qu'ils ne le réalisent. Pourtant, Tim s'en était douté pendant pas mal de temps: quel désespoir il avait ressenti lorsque Alex avait disparu de la circulation. Néanmoins, il avait continué d'aller toquer à sa porte des semaines durant, pas prêt à lâcher l'affaire, pas sans savoir si elle allait bien. Le jeune homme avait dû se faire une raison au bout d'un moment mais la blessure avait été béante pendant de longues années. Il n'avait jamais vraiment pu faire confiance à autrui après cela, toujours persuadé qu'on allait le laisser de côté, ou pire, le quitter sans rien dire. C'était peut être pour cela principalement qu'il s'était réfugié au fin fond de son cimetière, prétextant ce genre de chagrins pour ne plus se laisser approcher par un quelconque être humain. Le tout avait duré huit ans, jusqu'à ce que la jolie Clarke revienne justement. Elle n'était pas dans un meilleur état que lui cela dit, triste à en pleurer, plus que malheureuse, comme quoi son départ n'avait rien arrangé. Tim avait juste désiré être là pour elle, ne pas la juger pour sa manière d'agir et ce, même s'il avait été atrocement blessé par ses actes. Il s'en était remis, tout cela était à conjuguer au passé, du moins c'était ce qu'il aurait aimé penser. Rien n'était enterré en réalité car il était toujours question des mêmes protagonistes dans cette histoire: Alex, Caleb et lui. Tout était toujours intimement lié et les secrets avaient fini par les rendre amers. En plus de ce passé tortueux, il s'était ajouté à tout cela cette affaire avec Charlie, les actions d'Alex pour lui faire du mal, certainement par colère par rapport à tout ce qui n'allait pas au sein de son existence. Timothy avait forcément été enragé d'apprendre qu'elle avait osé poser la main sur la jolie blonde parce qu'elle était enceinte et que tout aurait pu arriver, surtout le pire. C'était Alex, il aurait dû s'en douter: son seul désir avait toujours été de le protéger, tout comme lui aimait le faire avec elle. C'était bien souvent maladroit parce qu'ils n'étaient pas les plus habiles en termes de relations humaines mais, leurs intentions étaient toujours pures. Maintenant, qu'allaient-ils devenir? Pourraient-ils réparer ce qu'ils avaient brisé entre eux ces dernières semaines? Entre le départ de Tim, les mauvaises actions d'Alex, tout était clairement flou. Il était surtout question de se pardonner mutuellement au final, de faire table rase de ce passé douloureux pour repartir sur de meilleures bases. Ils en prenaient le chemin en tout cas puisque la tête de l'anglaise s'était posée contre l'épaule de Timothy et li l'avait serrée plus étroitement contre son corps. Il ne pouvait jamais être en colère contre elle très longtemps et ce, même s'il n'était plus amoureux d'elle. Alex restait essentielle à son existence et il était évident que sans elle, quelque chose ne tournait pas rond dans sa vie. Il avait agi n'importe comment lorsqu'elle n'était pas dans les parages pour le dissuader et il n'y avait rien qui ne regrettait plus que cela. Il était parti sans rien dire à personne, ou presque, brisant bon nombre de relations au passage et il s'était reposé sur ses acquis, considérant que personne ne lui en voudrait pour cela... Quel idiot. Tim n'était pas égoïste, jamais et cette fois, il l'avait été pour toute une vie. A cet instant là, il se promettait de ne plus jamais l'être et le tout commençait maintenant, avec son cerveau concentré sur les mots de sa camarade. La rassurer, lui dire que tout irait bien, caresser son bras et espérer qu'elle reprenne vie, voilà ce qu'il pouvait faire, au moins cela. "C'est pas simple, Alex. Je peux pas te dire le contraire, surtout vu l'expérience que j'ai eu avec Charlie récemment. Je crois qu'on renonce jamais vraiment à de telles histoires mais c'est pas parce que vous êtes pas ensemble ou en bons termes maintenant que ce sera pas le cas dans le futur. Rien n'est jamais définitif, tu sais, il faut que t'y crois. C'est tout ce qui te reste, l'espoir. Et surtout, ne ressasse pas le passé, il est révolu et il faut avancer maintenant." Il jouait les grands sages alors qu'il avançait autant à reculons qu'elle s'il fallait être parfaitement honnête. Timothy n'avait pas le monopole de la sagesse et des bons gestes, pas en ce moment, pas après tout ce qu'il avait fait. Il voulait juste croire que tout était encore possible, que rien n'était gravé dans le marbre, que ce qui était brisé aujourd'hui ne le serait pas nécessairement dès le lendemain. Tout cela, c'était du travail, sur soi en premier lieu et Alex, autant que lui, avait besoin de ce genre de moments d'introspection. "Je sais pas... On verra. Je sais pas ce que je vaux et c'est sûrement pour ça que je me suis engagé mais t'as sûrement raison, je vais m'en sortir. Les autres le font bien alors, pourquoi pas nous?" Il avait peur mais il n'allait pas abandonner la lutte pour autant, pas maintenant qu'il avait retrouvé Alex, que tout allait beaucoup mieux entre eux deux parce qu'ils se respectaient bien trop pour totalement s'abandonner, en témoignaient les paroles de la belle Clarke. "Tant de compliments, tu me gâtes. Comment je le vis? Je suis paumé, c'est pas simple. C'était pas écrit de faire un môme là, tout de suite et encore moins que Charlie se trouve un autre mec pendant ma formation à l'armée, pas plus que je me mette avec quelqu'un en revenant. Tu sais qu'elle m'a dit qu'elle voulait qu'on se mette ensemble? Et j'ai refusé. Je suis pas prêt pour tout ça, je sais même plus qui je suis au milieu de tout ce bordel. Tu vois, je suis pas mieux que toi au final. Mais bon, si on est ensemble, peut être qu'on arrivera à quelque chose... Et toi, tu me racontes pour Caleb?" Il n'avait jamais vraiment osé poser la question mais s'ils étaient de si bons amis que ce qu'ils prétendaient, c'était un sujet obligatoire à aborder. Le sourire de Tim se voulait réconfortant alors qu'il posait son regard plus fermement sur elle, Alex avait besoin de lui maintenant et il ferait ce qu'il fallait pour qu'elle sache qu'elle n'était pas seule. Plus jamais.