"Je sais pas... On verra. Je sais pas ce que je vaux et c'est sûrement pour ça que je me suis engagé mais t'as sûrement raison, je vais m'en sortir. Les autres le font bien alors, pourquoi pas nous?" Et finalement, Timothy résumait plutôt bien l'un des problèmes de la vie des deux Européens. Une enfance entre rejet, désapprobation et abandon. Un manque d'amour, de considération, et de sécurité affective qui les avaient sans doute conduit à devenir les deux êtres perdus qu'ils étaient aujourd'hui sur le canapé de Clarke. Ce sentiment de ne jamais être assez bon, assez bien, de valoir assez, ce sentiment d'être perdu, incapable de réussir là ou pour d'autres les choses semblaient plus simples. Les autres s'en sortaient, alors pourquoi pas eux ? Pourquoi, ils ne pouvaient pas espérer eux aussi avoir droit au bonheur ? Tim le méritait ; de vivre son histoire avec cette fille. De vivre tout simplement, il méritait d'être heureux sans compromis, sans histoires parasites, juste heureux, amoureux, comblé. Pour Alex, l'histoire était quelque peu différente, parce qu'à l'inverse de Tim, elle avait déjà connu tout ça, le bonheur, l'amour, la stabilité affective et émotionnelle, la sensation d'être heureuse. Et elle avait tout laissé derrière elle, plongeant sans élastique dans le vide d'une vie sans amour, sans amitié, sans joie. Elle s'était construite avec eux à Brisbane, et d'un coup de pied elle avait détruite ses fondations, laissant juste un vide sur lequel elle ne pouvait plus tenir debout, et des souvenirs pour alimenter ses regrets. « Tu vas t'en sortir, tu le fais toujours. » Aucune référence à sa propre situation, c'était encore bien trop tôt pour elle. Elle lui avait promit de faire l'effort de ne plus se détruire, mais pour penser s'en sortir, c'était encore une autre démarche à faire, qu'elle n'était pas encore en mesure d'envisager. Pas alors qu'elle était plus que jamais en froid avec Caleb, pas alors qu'elle devait faire face aux conséquences de ses actes et rendre des comptes. Pour le moment, elle avait promit de ne plus se détruire, pas de s'en sortir, la nuance était faible pour les autres, pas pour elle. Elle sentait Tim qui lui caressait le bras, alors qu'elle se détendait un peu, son corps s'enfonçant dans le canapé et sa tête s'appuyant avec plus de force sur l'épaule du Français. Elle accueillait cette nouvelle émotion avec soulagement, se sentant un peu apaisée, moins angoissée. Elle écoutait Tim lui comptait la complexité de sa situation. Et ils auraient pu concourir pour la palme de la situation la plus complexe et ambiguë possible tout les deux. Tim en couple avec une femme, Charlie en couple avec un homme. Tim et Charlie qui allaient avoir un enfant. Et Charlie qui voulait qu'ils se remettent ensemble après ce qu'elle lui avait fait, alors qu'ils étaient tout les deux en couple. Et Alex devait se résoudre à le laisser gagner, il y avait tellement de protagonistes engagés que la situation semblait impossible à gérer pour Alex qui peinait déjà à s'occuper d'un jeune problème d'ex à la fois. « Regardes nous. Toi refusant de retomber dans les bras de la mère de ton futur enfant, et moi cherchant désespérément les bras de l'homme que j'ai privé d'un fils. Si c'était pas aussi douloureux, avoues que la situation aurait un potentiel comique incroyable. » Un sourire amer, une remarque qui se voulait légère mais qui ne trompait personne. C'était une situation inextricable et ils étaient voués à souffrir encore un peu, au moins le temps de démêler les nœuds dans leurs relations et accepter leurs situations quelque soit l'avenir qui se dessinait devant eux. Alex aimait Caleb, elle l'avait comprit après avoir succombé à nouveau au charme de l'Australien, après avoir partagé des moments d'intimités, après s'être donnée corps et âme, sans protection à cet ex qui avait gagné son cœur prêt de dix ans plus tôt et qui avait encore aujourd'hui une place de choix dans sa vie, dans ses souvenirs, dans ses secrets et dans ses désirs. Elle aimerait pouvoir tourner la page de son histoire avec Caleb, maintenant que le secret n'en était plus un, elle aurait aimé pouvoir aller de l'avant pour se reconstruire, mais elle ne pouvait pas se résoudre à tourner la page, à fermer le livre parce qu'elle aimait Caleb. C'était exactement ça son problème : elle aimait Caleb. Elle n'aimait que lui, elle ne voulait que lui, elle ne désirait que lui. Et si elle devait renoncer à lui, elle savait qu'elle retomberait dans ses veilles habitudes, qu'elle finirait par coucher avec des hommes à la recherche de sensations, d'émotions, qu'elle ne retrouverait jamais. Caleb était son passé, mais elle avait besoin qu'il soit aussi son présent et son futur. « J'ai couché avec lui, je me suis fâchée violemment avec lui par texto quand je lui ai dis qu'on avait fait une erreur. Puis je lui ai tout avoué une nuit, j'étais défoncée et je lui ai tout dit, je voulais pas mais c'était trop dur. On s'est revu après ça une fois pour parler, mais il ne veut plus me voir. Il m'a dit qu'il m'aimait mais qu'il avait besoin de temps pour digérer tout ça et qu'il était pas sur de pouvoir me pardonner. Voilà pour l'histoire avec Caleb. Il sait tout, de ma grossesse au fait que je me drogue, il sait tout et il doit me détester maintenant. Et en même temps, je ne pouvais pas m'attendre à une autre réaction de sa part, j'ai merdé hein Tim ? » Elle n'avait pas besoin que Tim confirme ce fait. C'était une réalité. Elle avait tout fait de travers avec Caleb. Absolument tout. Mais elle l'avait aimé sincèrement, et ses sentiments étaient eux aussi réels. Mais les sentiments ne pouvaient pas tout sauver, pas tout rattraper, pas tout combler. Et la situation de Tim et Charlie, était un bon exemple de situations ou malgré les sentiments, les choses n'étaient pas toujours aussi simples. « Tim, promets moi de faire attention à toi. Avec Charlie, mais avec les autres femmes aussi. Tu es heureux avec cette fille, dans ta nouvelle relation ? » Non, elle n'allait pas se mêler de la vie de Tim, elle n'allait pas aller menacer cette nouvelle fille, elle n'allait pas aller retrouver Charlie pour la prévenir d'arrêter de faire souffrir Tim et de le laisser vivre. Elle n'allait rien faire de tout ça, elle allait être une amie raisonnable et être une oreille attentive pour Tim, dans tout ce bordel affectif, il aurait sans doute besoin de ça lui aussi. Parler avec quelqu'un et Alex voulait retrouver cette place auprès de lui, sa place si particulière. Ensemble, ils étaient plus forts, ensemble, ils pouvaient surmonter leurs difficultés, du moins c'était le cas à l'époque, c'était peut être le moment de tester la force de leur amitié !

Aucun d'eux ne semblait être dans la posture idéale, comme au bon vieux temps, finalement. Alex était encore en proie à ses démons et Timothy était perdu dans la multitude de choix qui s'offraient à lui. Que choisir? Que faire? Comment prendre les choses en main pour se construire un avenir serein? Rien n'était simple, pas quand le flot de sentiments à l'intérieur se mêlait pour complètement bloquer son aptitude à prendre des décisions, les bonnes qui plus étaient. Tim était bien triste de constater que la jeune Clarke en était toujours dans cet état de tristesse incommensurable, complètement en proie à son passé, sans avoir la force de se confronter à son futur. Decastel comprenait très bien que rien n'était simple à l'heure actuelle, lui aussi faisait partie de ces gens qui n'étaient pas sûrs d'en sortir indemnes. La vie était parfois bien cruelle mais il fallait toujours rebondir, laisser de côté ses blessures pour se concentrer sur les points positifs car il y en avait toujours. Encore une fois, l'optimisme de Tim contrecarrait le pessimisme latent de sa jeune amie mais c'était ce point d'équilibre qui les rendait si proches l'un de l'autre. Alex permettait au brun de retourner à la réalité quand il commençait à rêvasser sur les mille façons d'atteindre le bonheur, même si tout cela s'annonçait surréaliste. D'un autre côté, Tim était toujours là pour tendre la main à une Alex qui ne croyait plus en rien. C'était ce qu'ils étaient l'un pour l'autre, un soutien sans faille, toujours en mesure de se pardonner leurs erreurs respectives parce que c'était ainsi qu'un duo amical fonctionnait. Rien n'avait été simple entre eux, c'aurait été mentir d'indiquer l'inverse mais aujourd'hui, toute trace d’ambiguïté avait disparu pour laisser la place à une véritable complicité, implacable et invincible. Même les mauvais gestes de Clarke envers Charlie n'avaient pas tué leur lien, même si Tim s'en était retrouvé profondément malheureux. Il avait bien évidemment détesté ce qui s'était passé entre eux au cours de ces derniers mois mais il avait encore la force de pardonner à l'anglaise les erreurs qu'elle avait faites. Il comprenait surtout, en tant qu'ami, qu'elle était perdue et que c'était de son soutien dont elle avait besoin et non de ses remontrances. Alors, maintenant, ils étaient collés l'un à l'autre et ils pouvaient de nouveau partager ce qui les effrayait et ce qui leur faisait mal également. Une aubaine. Enfin, en revenir au point de départ. A cette relation saine et essentielle à leur survie respective. Tim put sourire à Alex lorsqu'elle lui précisa à nouveau qu'il s'en sortirait malgré les complications récentes de sa situation et il n'essaya pas de la contredire. Peut être que la jeune femme avait raison, peut être qu'il avait encore les ressources nécessaires pour se sortir de là sans avoir subi trop d'égratignures, Tim n'essayait pas vraiment d'y penser pour le moment. Il se laissait juste emporter par le flot de la vie autour de lui, de Charlie enceinte, de son couple avec Freya, de cette nouvelle carrière dont il ne savait encore rien, les choses finiraient par se démêler d'elles-mêmes. Dans son crâne, en tout cas, c'était ce que le soldat envisageait. Il préféra plutôt se concentrer sur les mots d'Alex, sur son récit avec Caleb, les choses qui avaient dérapé récemment mais Timothy ne put que lui sourire en l'entendant dire que la vérité avait éclaté, que tout était parti en vrille mais que plus rien n'était caché désormais. "Très comique, en effet... Au contraire, Alex, t'as fait ce qu'il fallait. Il était temps que la vérité arrive pour que votre relation puisse évoluer. Pour le moment, il est en colère et déçu mais c'est normal. Pour autant, je suis persuadé qu'il reviendra vers toi quand il aura digéré et qu'il sera prêt, je m'inquiète vraiment pas pour ça. En attendant, tu guéris, toi. Tu te lances dans un sevrage et Caleb reviendra." Il semblait assuré dans ses dires mais c'était ce qu'il pensait réellement. Lorsqu'ils étaient plus jeunes, Tim avait constaté à quel point Anderson pouvait être accroché à Alex et il était certain que tout cela n'avait pas franchement changé. Pour le moment, c'était difficile forcément, comme lui avec Charlie mais cela ne voulait pas dire que ce serait toujours quelque chose de délicat. Il fallait que le temps fasse son oeuvre. "Je fais attention, ne t'en fais pas. Oui, très. J'ai fait le bon choix, je le sais. Cette relation me permet de me construire en tant qu'homme et d'arrêter d'avoir ces attitudes de gamin blessé, c'est vraiment ce dont j'ai besoin, t'as pas d'inquiétudes à avoir, tout va bien. Et tout ira aussi bien pour toi. Il faut juste se donner le temps et on verra bien ce qui nous arrivera... Moi, papa, toi avec Caleb. On verra." Il déglutit, apeuré pourtant par cet avenir qui s'annonçait étrange mais Timothy devait faire avec, l'accepter et foncer dedans à pleine vitesse parce qu'il n'avait pas d'autres choix. Aucun d'eux deux n'avait le choix, en réalité.

Elle avait presque l'impression de revenir quelques années en arrière, quand dans les bras de Tim, elle parlait de Caleb pour la première fois. Quand elle parlait avec son ami de ses sentiments pour un autre homme. Elle n'avait jamais été du genre à s'ouvrir rapidement, et à l'époque elle avait eu besoin de Tim pour lui montrer qu'elle pouvait être quelqu'un de bien, quelqu'un qui devait arrêter de toujours se cacher derrière un masque de sourire, de fêtarde, et d'être juste elle entière. C'était Tim, le premier à avoir percer la carapace d'Alex, à avoir eu le privilège ou le châtiment, de recevoir les doutes de l'Anglaise. Se pensant incapable d'aimer ou d'être aimé, enfants en manque de repères affectifs tout les deux, ils s'étaient compris. Ils avaient partagé leur difficulté à être eux, entièrement, à vivre sans craindre les sentiments et les émotions sincères. Ils étaient différents mais habités d'une même peur finalement, celle du monde extérieur, celle des autres et des blessures qu'ils pouvaient avoir. Ils le géraient différemment, vraiment différemment mais Tim avait été le premier à qui Alex avait pu montrer son vrai visage. Et il avait été tout naturel pour elle de venir confier ses sentiments nouveaux, ce désir nouveau qui naissait en elle après avoir fait la rencontre de Caleb. Et dix ans plus tard, c'était encore à lui qu'elle venait confier ses sentiments pour ce même homme. Qu'elle confiait ses faiblesses aussi, parce qu'elle n'avait pas peur du jugement de Tim, parce qu'il lui avait prouvé par le passé, et aujourd'hui encore, qu'il était capable de pardonner les faiblesses de l'Anglaise, et elles étaient nombreuses. La tête d'Alex reposait sur l'épaule du Français, comme une image du passé, quand tout était simple. Mais étaient-ils plus heureux pour autant ? Alex l'était en tout cas, plus heureuse à l'époque. Mais Tim, avait semblé tellement épanoui quand il lui avait parlé de cette fille la première fois. Tim avait aussi semblé totalement détruis la veille de partir s'engager à l'armée. Alors c'était ça leur vie ? Se retrouver tout les deux, partageant leurs peines ? Ils savaient maintenant combien aimer faisait du bien, mais combien ça faisait souffrir aussi. Et pourtant, Alex avait replongé dans les bras de Caleb et Tim s'était lancé dans une autre relation, refusant de renoncer à l'amour. Et c'était soit très con de leur part, soit inconscient ? Pourquoi courir au devant des problèmes alors que les problèmes semblaient venir à eux sans avoir à aller les chercher ? Est-ce que ça en valait réellement le coup ? De souffrir ? ''Caleb reviendra.'' Tim semblait persuadé de ses mots, et Alex avait presque envie de la croire. Et si Caleb revenait, alors oui ça valait la peine de souffrir, ça valait la peine de s'infliger ses moments de douleurs, et de culpabilités, en attendant qu'ils reviennent. Ça en valait la peine, l'amour en valait la peine. Et Tim semblait confirmer ce fait là aussi. Il avait fait ce choix, celui de ne pas renoncer, celui d'aller de l'avant et de risquer d'être blessé. Risquer de rendre sa vie encore plus compliquée, juste par amour. Alors soit ils étaient réellement inconscients tout les deux, soit, c'était la preuve que par amour, il fallait continuer d'essayer et d'y croire. Tim semblait convaincu de son choix, assuré de faire le bon. Et Alex enviait la force de caractère de son ami. Il avait tendance à se sous-estimer par moment, mais il était fort. Doux, mais fort et après ce qu'il avait vécu il aurait pu être aigri, méchant, en vouloir au monde entier, mais même pas. « Je m'inquiéterai toujours pour toi Decastel, et tu pourras toujours venir t'inquiéter avec moi si tu veux. Mais tu ne vas pas m'empêcher de m'inquiéter, je fais ça si bien. » Alex n'était pas du genre très optimiste, et c'était là un doux euphémisme. Et elle avait tendance à s'inquiéter pour ses amis, c'était son truc, parce que la vie lui avait montré que les gens n'étaient pas éternels et que le monde pouvait être cruel. Alors elle allait s'inquiéter des blessures que d'autres pouvaient infliger à ses proches, sans même se rendre réellement compte qu'elle pouvait être la première à les blesser. Mais s'inquiéter pour les autres, c'était aussi un moyen de ne pas avoir à se concentrer pendant quelques instants sur sa propre existence, celle qu'elle n'arrivait même pas à contrôler. « On ira bien Tim. Tu me le promets ? Tout va bien se passer. Tu vas être un papa génial, et moi, je vais essayer d'arrêter mes conneries. Ta copine t'aide à te construire en tant qu'homme, tu crois qu'elle peut m'aider à me construire en tant que femme aussi ? Parce que je crois que j'aurais bien besoin de grandir un peu. » Elle avait accompagné cette remarque d'un léger rire, comme pour dédramatiser la situation. Oui il fallait qu'elle grandisse, qu'elle laisse le passé derrière elle et qu'elle se pardonne. Mais elle n'y arriverait pas sans Caleb, du moins pas la partie qui demandait de se pardonner. Pour le reste, c'était son combat et personne ne pouvait le mener à sa place. Alors comme sur le ring, elle allait enfiler les gants et se bouger pour avancer. La drogue, l'alcool, les soirées de débauches, c'était l'ancienne Alex, elle devait aller de l'avant. Se comporter en adulte et accepter qu'elle ne pourrait pas s'en sortir seule. Accepter d'être vulnérable et faible. Pour un jour devenir forte ? « Tu sais que je vais vouloir rencontrer ta copine Tim. Je te promets de bien me comporter, mais ne m'oblige pas à te suivre pour découvrir qui elle est maintenant que tu as fermé tes réseaux sociaux je peux même plus te surveiller. » Elle souriait en regardant Tim, un peu hésitante tout de même à l'idée de faire cette blague, parce qu'au fond, c'était ce qu'elle avait fait pour retrouver Charlie pour qu'ensuite elle finisse par la frapper dans un bar. Donc c'était peut être maladroit, peut être trop tôt aussi pour tout ça, mais si la maladresse légendaire d'Alex commençait à s'exprimer, c'était aussi qu'elle commençait à réellement se détendre et à se sentir bien dans les bras de son ami. Malgré tout ce qu'ils venaient de se dire, d'échanger sur leurs situations respectives et sur leurs problèmes, elle se sentait assez à l'aise pour faire une blague, certes pas drôle, mais une blague quand même. « Merci Tim. Merci d'être là, d'être venu, d'être toujours le même avec moi et de ne pas m'accabler avec mes erreurs. Tu sais que je tiens à toi Decastel alors ne t'avise pas de disparaître ou de m'oublier un jour. » Une déclaration amicale inattendu mais qui se voulait à la hauteur du soutien qu'il venait de lui apporter. Malgré tout leurs problèmes, ils étaient ensemble, se soutenant, tentant de s'apaiser mutuellement, de se rassurer aussi, se promettant des jours plus calmes et plus beaux. Et en attendant qu'ils n'arrivent, Alex savait qu'elle pouvait compter sur Tim et c'était déjà un premier rayon de soleil dans sa vie. Un soutien sur lequel s'accrocher, c'était lui comme avant. Son ami.

Il ne pourrait jamais s'empêcher de s'inquiéter pour Alex parce qu'elle essayait toujours d'être forte mais Tim avait conscience, plus que n'importe qui d'autre, qu'elle était plus fragile qu'elle s'en donnait l'air. Elle avait déjà bien trop vécu pour son jeune âge et le soldat était démuni parce qu'il ne savait plus vraiment comme l'aider. Il n'avait peut être jamais réellement su au fond, il avait juste fait acte de présence et au final, Clarke lui confiait ses états d'âme avec une aisance déconcertante. A l'époque, tout cela brisait le coeur de Timothy mais l'anglaise n'en avait aucune conscience. Maintenant, tout était différent, quoique toujours aussi difficile à entendre parce que la contexte n'était pas propice pour eux. Leur vie s'était bien compliquée en l'espace de quelques semaines et Decastel n'avait aucune réponse véritable à apporter à Alex. Pour une fois, il était lui-même perdu dans l'immensité des choix qu'un adulte responsable devait faire et il n'avait pas l'intention de prendre la moindre décision qui pourrait faire du mal à son entourage. Pourtant, c'était trop tard pour cela parce qu'il ne faisait que blesser autrui ces derniers temps. Il avait commencé par Alex justement en ne supportant pas ses mots avant qu'il disparaisse pour Kapooka et il ne lui avait donné aucune nouvelle en plus de deux mois. Puis, le tout avait continué avec Charlie parce qu'il était revenu vers elle pour mieux la quitter, se brisant certainement le coeur au passage mais Tim avait considéré que c'était un passage obligé dans son évolution. Voilà qu'il était de retour auprès de la belle Clarke mais là encore, les choses n'étaient pas simples parce que son amie avait cherché à blesser la mère de son futur enfant et Tim n'avait pas digéré instantanément l'information. Apparemment, l'être humain n'était bon qu'à cela, se faire du mal, constamment, par amour ou par haine, la ligne était toujours très fine. Le moment avait fini par s'apaiser mais Timothy n'était toujours pas très à l'aise dans les exercices d'élocution, invoquant le fait que l'amour d'Alex reviendrait. Qu'en savait-il, lui? Charlie ne lui reviendrait peut être pas et Freya le quitterait forcément un jour ou l'autre. Tim pensait avoir toutes les réponses mais aucune d'entre elles n'était viable en bout de course. Il allait fatalement souffrir des décisions prises et il était suffisamment idiot pour s'enfoncer dans son discours incroyablement optimiste. Il était temps qu'il arrête tout cela, qu'il devienne meilleur sans rester aussi naïf. Ce n'était, en tout cas, pas ce dont avait besoin sa meilleure amie à l'heure actuelle. "Tu devrais vraiment pas. T'as d'autres choses à gérer, Alex." Il s'en sortirait ou tout du moins, il essayerait de montrer que c'était le cas même si c'était le mensonge le plus infâme qu'il ait pu prononcer. Au fond, Timothy ne gérait rien du tout, il agissait par instinct, sans savoir s'il prenait le bon chemin. Certains jours, il avait surtout la sensation d'être à contresens parce qu'aucune personne normalement constitué faisait un enfant avec une femme qu'il avait laissé à un autre pour se retrouver en couple avec une suédoise. Rien n'était logique, rien n'aurait dû être aussi complexe et pourtant, cette situation était devenue sa vie et Alex se retrouvait au milieu de tout cela alors qu'elle avait une vie tout aussi bordélique à remettre sur pied. "Je pense pas, Alex. Je crois que ça doit être un travail que tu dois faire sur toi... Je sais même pas si c'est moi qui agis ou si c'est, sûrement un peu des deux mais grandir, c'est vraiment plus compliqué que ce que j'aurais cru. J'ai l'impression de suffoquer depuis trois mois, je regrette même le gamin que j'étais à ce moment là, celui qui pensais mourir seul à côté de ses tombes. Ce type là me manque." C'était dur de l'assumer et il pensait n'avoir jamais à le faire parce que ce n'était pas normal de regretter l'ancien Tim, celui qui n'avait aucune expérience et qui subissait ce monde plutôt que de le prendre en main pour le mettre dans sa poche. Pourtant, la peur gagnait parfois et c'était le cas ces derniers temps parce qu'il allait devenir père et qu'il n'y connaissait rien, que Charlie le méprisait, que Freya n'allait pas aussi bien qu'elle voulait s'en donner l'air et c'était la même chose pour Alex. Où était sa place dans tout cela? Timothy était perdu mais il lançait son plus beau sourire à son amie en la serrant plus étroitement contre lui, une vieille habitude qui n'aurait jamais dû disparaître, ne serait-ce que pour deux petits mois, c'était déjà trop long dans une vie aussi courte. "Je te la présenterai, t'en fais pas. J'attends juste un peu, histoire d'être sûr de tout gérer, je veux rien précipiter et puis, tu sais, les réseaux sociaux, c'est pas très sain. Ça fait du bien de couper un temps." Il y reviendrait sûrement mais quand il s'y sentirait mieux. Pour le moment, il n'avait pas envie de suivre la vie de Charlie sur un fil d'actualité parce qu'il savait ce qu'il perdait, pas nécessairement ce qu'il gagnait en contrepartie. "Jamais, Alex, tu le sais bien. On a beau plus se voir ou s'engueuler, ça change rien entre nous. De mon point de vue en tout cas, tu restes importante pour moi. Toujours." Il lui sourit avant de déposer un baiser délicat sur sa tempe: qu'importe ce qui arriverait, il comptait bien rester auprès d'elle et on verrait bien où le tout les mènerait.

Alex écoutait Tim parler, et pour la première fois peut-être, elle réalisait à quel point son ami pouvait être mal. Sa vie à elle, était tellement chaotique, qu'elle en oubliait parfois que les autres pouvaient aussi souffrir. Que ses proches avaient aussi leur problème, et qu'elle n'avait pas le monopole de la souffrance. Et en entendant les mots de Tim, quelques larmes s'étaient de nouveau échappées de ses paupières trahissant son émotion. Elle lui en avait tellement voulu d'être parti, de s'être engagé, de l'avoir viré de chez lui, de ne pas lui avoir donné de nouvelles. Elle lui en avait tellement voulu, à lui de l'avoir abandonné, de ne pas avoir vu à quel point elle avait besoin de lui. Elle n'avait pensé qu'à elle, à ses besoins, à sa peine, à sa colère, et tout ça l'avait rendu aveugle et égoïste au point de ne pas voir la souffrance de son ami. Au point de n'être incapable de comprendre qu'il était réellement en train de s'écrouler et elle, elle n'avait fait que lui reprocher de partir sans comprendre, sans le soutenir, sans être l'amie dont il avait eu besoin. Et aujourd'hui, sur son canapé, elle continuait de se plaindre, de geindre encore parce qu'elle avait mal, parce qu'elle était seule. Mais c'était sa faute, c'était elle la responsable de son malheur, des douleurs physiques comme des douleurs émotionnelles. Elle était la victime de sa propre connerie, et elle continuait à se complaire dans cette merde qu'était devenue sa vie. Rajoutant encore et encore des couches de conneries qu'elle viendrait ensuite subir de pleins fouets quand elle prendrait conscience de la débilité de ses choix. Mais c'était sa vie, sa faute et elle le faisait payer aux autres, à Caleb, à Jasper, à Tim. Tim qui continuait d'être là quand même, malgré tout, supportant tout les écarts de conduite d'Alex, alors qu'elle était aussi douée pour gérer ses amitiés que pour gérer sa vie. Elle était une amie affreuse, et elle n'avait même pas pu déceler l'ampleur de la souffrance dans laquelle avait pu être son ami. Et, elle le réalisait peu à peu au prix de paroles fortes venant de Tim. Parce que le Français semblait se livrer sans retenu, cette fois. C'était lui qui laissait ses émotions s'exprimer, et les mots venaient frapper la sensibilité d'Alex avec force et fracas. Tim allait si mal qu'il en venait à regretter celui qu'il était avant, seul, au milieu de tout les morts, au milieu de cette souffrance quotidienne qu'il partageait avec les inconnus qu'il accompagnait. Il regrettait le type qui pensait mourir seul, et pire ce type là lui manquait. La mort, la solitude, personne ne pouvait ressentir le manque de ces deux sentiments, de ces deux états. « Dis pas ça s'il te plaît. » Elle attrapait sa main pour la serrer fortement. « Je suis désolé de ne pas avoir été là pour toi, de ne pas avoir vu à quel point c'était dur pour toi. Mais Timi, n'abandonne pas, jamais. » Elle avait employé le surnom de Timothy en le regardant dans les yeux, cherchant à capter son regard, tout en posant sa paume de main sur son torse, elle ne pouvait pas laisser cette confession sans réaction. C'était trop fort, trop poignant. « Tu as un cœur en or, mais tu ne sais pas te ménager jamais, parce que tu donnes tout de toi, et après il ne te reste plus rien. C'est pour ça que tu suffoques, tu donnes ton énergie aux autres, ta force aux autres, ton amour aux autres, de façon inconditionnelle. Mais Tim, tu peux aimer quelqu'un sans tout lui donner de toi, sans te perdre. Tu peux te ménager aussi et dire stop, non ou je ne veux pas. Tu peux Tim, et tu dois le faire parce que toute cette situation va te consumer. Arrête de vouloir sauver les autres, arrête de vouloir prendre toutes leurs souffrances, tu ne peux pas tout porter sur toi tout le temps. Tim, je t'aime pour ça, mais vraiment ne joue pas au héros, ni à l'armée, ni avec cette fille, ni avec moi. Parce que tu vas sûrement réussir mais il restera quoi de toi si tu n'apprends pas à te ménager. Tu es un pilier dans ma vie, et je suis sûre que tu l'es sans doute aussi pour tout un tas de gens et que tu n'en as peut-être même pas conscience. Et tu laisses les gens s'appuyer sur toi, prendre ton énergie, ton temps, tes forces, tu donnes toujours sans compter aux autres, mais sur qui tu t'appuies toi ? » Alex faisait une pause, reprenant sa respiration, fixant son regard humide dans celui de Tim. C'était le moment ou c'était à elle d'être forte, d'être une amie pour lui. Et elle devait lui dire tout cela. Lui dire à quel point il comptait pour elle, à quel point elle avait peur aussi de le voir se perdre entièrement. Elle avait peur parce qu'elle le connaissait, et elle savait tout ce qu'il pouvait donner aux autres, sans rien attendre en retour. Capable de donner sa force, ses émotions, son cœur entier, il en avait fait son métier. Soutenant physiquement les familles éplorées, donnant toujours une épaule sur laquelle déverser ses larmes et sa colère contre l'injustice du monde, et donnant sa vie entière pour entretenir le dernier refuge des morts. C'était tout Tim, capable de sacrifier sa vie pour venir en aide à des inconnus. Alors, Alex n'avait aucun mal à l'imaginer se donner corps et âme en amour et si au moins en retour il obtenait autant, mais c'était toujours compliqué, toujours chaotique et finalement, la seule chose étonnante, c'était que Tim n'avait finalement pas craqué complètement. « Tu es quelqu'un d'incroyable, tu l'as toujours été et le pire c'est que tu n'en as même pas conscience. Mais tu es absolument nul pour prendre soin de toi, et tu dois apprendre et vite, parce que tu vas finir par t'écrouler et toutes les personnes que tu t'évertues à aider, vont s'écrouler avec toi. Alors arrête de tout donner sans ménagement, parce qu'un jour tu n'auras plus la force de rien donner et ce jour là, il sera trop tard. Et il est hors de question que ce jour arrive. » C'était dis avec une certaine force dans la voix, comme si elle tentait de lui faire comprendre que pour une fois, elle était certaine d'une chose. Tim ne pouvait pas s'écrouler, jamais, pas maintenant qu'il découvrait la vie. Alex se serrait encore un peu dans ses bras, oubliant même que ce geste était douloureux pour ses côtes endolories par la boxe. Elle oubliait sa propre douleur, parce que Tim avait mal et qu'elle n'avait rien vu. « Promets moi de te ménager. » Il le fallait. Alex s'inquiétait pour lui, et même s'il lui avait dit qu'elle ne devait pas le faire, elle ne pouvait s'en empêcher. Et d'autant plus maintenant qu'elle avait réellement réalisé la souffrance dans laquelle Tim pouvait être par moment. « Putain de vie de merde. » Elle lâchait cette phrase dans un souffle mais avec un entrain étonnant compte tenu de la situation, et cette phrase avait été accompagné d'un petit rire nerveux. Parce que merde au fond, ils en avaient assez bavé tout les deux non ? « Tu sais ce qu'on devrait faire ? On devrait boire. Se prendre une bonne cuite et tout recommencer demain, parce que ce soir, j'ai pas la force de faire face à tout ça. Je te promets qu'à partir de demain, je mets en œuvre ma promesse et toi la tienne. Mais ce soir, j'ai envie de boire et tu as en besoin aussi. Juste ce soir, un peu de répit, pour souffler. » C'était débile comme idée, mais l'alcool restait encore un moyen sur pour se vider la tête et arrêter de sentir cette pression constante qui rendait la respiration difficile. Elle voulait arrêter de s'inquiéter pour elle, pour Tim, pour l'avenir, pour la vie. Juste passer du temps avec lui, et sourire comme avant quand les choses étaient plus simples. Quand l'amitié de Tim lui suffisait à aller bien, quand à eux deux, ils se sentaient fort alors qu'ils ne l'étaient pas réellement. Mais ils étaient ensemble et c'était tout ce qui importait. Et elle voulait retrouver ça, avant de le laisser repartir à sa vie, à ses douleurs et à cette peur de voir tout cette situation s'envenimer encore un peu, parce qu'avec eux tout était possible finalement. Ils étaient programmés pour le pire, et Alex voulait voir un peu le meilleur pour une fois. Et elle y arriverait mais pas sans trois, quatre verres d'alcool forts. Pitoyable même dans l'idée du bonheur fantasmé.  

C'était bel et bien une constante chez Timothy Decastel, son altruisme à toute épreuve. Il ne pensait qu'aux autres, tout le temps, quitte à oublier tout ce qu'il constituait à côté d'eux. Son entourage avait toujours eu une importance plus conséquente que sa propre existence, certainement parce qu'il n'avait jamais compris quel était le but de sa vie. Que faisait-il ici, en réalité? Avec tout ce qu'il avait vécu, sa question était légitime puisque les gens avaient eu cette tendance à le blesser plutôt qu'à l'aider à s'élever au sein de ce monde. A force de côtoyer la haine, Tim l'avait intégrée dans son subconscient et maintenant, elle faisait partie intégrante de ce qu'il pouvait ressentir envers lui-même. Il n'avait jamais l'air de s'estimer, se trouvant toujours loin d'être à la hauteur des missions qu'on pouvait lui offrir. Même à l'armée, Decastel l'avait vécu de la sorte parce qu'il était trop respectueux de la moindre existence pour oser aller au delà de ses valeurs. Il s'en voulait instantanément parce qu'on lui avait demandé d'agir, il en était incapable. La seule chose qu'il avait au fond de lui, perpétuellement, c'était cet amour persistant de son prochain, même si c'était futile étant donné tout ce que ce monde semblait vouloir mettre sur son chemin. Des gens qui l'abandonnaient, des mots qui faisaient mal, des parents qui étaient indifférents face à lui. Le brun n'avait pas été épargné et c'était presque normal qu'il se fut perdu au milieu de tout cela, ne sachant plus réellement quel chemin emprunter au milieu de toute cette affaire. Devait-il rester dans l'armée? Avait-il pris la bonne décision en désirant garder son enfant avec Charlie? Avait-il bien fait de se jeter dans une première vraie relation amoureuse alors qu'il n'était pas stable pour un sou d'un point de vue psychologique? Toutes ces interrogations le taraudaient constamment et les mots de la jeune Clarke, à ce moment précis, remettaient tous ces problèmes sur le tapis. Elle avait raison: Tim pensait trop aux autres, se laissant aller à régler leurs soucis avant de penser au sien, justement parce qu'il avait trop mal dès qu'il pensait à lui. A tout ce qu'il avait dû traverser pour en arriver là et à cet avenir plus qu'incertain vers lequel il se dirigeait. Tout cela était bien trop compliqué à gérer pour un garçon comme lui, quelqu'un qui n'avait pas connu l'innocence plus de trois années et qui s'était retrouvé propulsé dans le monde des adultes à peine sorti de ses couches culottes. Maintenant, il devait faire face et c'était ce qu'il tentait de faire depuis des mois, s'inquiétant pour Alex et sa descente aux enfers, pour Charlie et ses changements de décisions, pour Freya et son trouble mental, pour son frère et ses disparitions en chaîne, pour sa mère qui se tuait doucement à l'asile... Tout le monde sauf lui. Il écoutait alors sa jeune amie, les larmes menaçant de perler à nouveau parce qu'elle tapait où cela faisait mal, il n'était pas grand chose pour lui même. Un sacré rien, en résumé. Il ne savait pas tellement quoi dire au final, juste qu'elle lisait en lui comme personne d'autre parce qu'ils s'étaient tout dits au moment où ils étaient devenus amis, à peine sortis de l'adolescence. Même si le temps les avait séparés, il avait également été suffisamment clément avec eux pour leur rappeler qu'ils pouvaient toujours compter l'un sur l'autre, quoiqu'il puisse se passer. "Je n'abandonne pas, Alex. Je suis juste un peu fatigué mais c'est rien. Je sais que je donne beaucoup pour les autres, j'essaye d'être sur tous les fronts parce que j'aime trop les gens pour mon propre bien. Je les préfère à ma petite personne et tu as beau me dire de faire attention, je sais pas si j'arriverais un jour à penser à moi avant eux. Je suis pas sûr que ce soit dans mon caractère mais je sais pas... Je suppose que tout le monde change un jour. Je peux puiser de l'énergie dans ce genre de moments quand même, tu sais. Quand on est tous les deux et que tu me dis tout ça. T'as pas à t'inquiéter en tout cas, pas pour ça." Pour tout le reste, peut être, mais pas sur sa capacité à survivre en voulant s'occupant de tous les gens autour de lui. Mine de rien, Decastel s'était toujours montré solide. Il avait survécu aux brûlures de cigarettes, aux coups et aux cicatrices diverses et variées, ce ne serait pas une consommation d'énergie trop conséquente qui l'abattrait. Il avait même l'impression d'être utile à quelque chose dans ce genre d'instants et c'était ce qui lui procurait le plus d'énergie, en somme. "Je vais pas m'écrouler, je t'assure, Alex." C'était tout ce qu'il pouvait lui dire, même s'il était exténué. La preuve, il relâcha les épaules de son amie, et finit par s'allonger, sa tête sur ses genoux, comme ils pouvaient le faire dans le temps. Que ce fut Alex sur ses genoux ou Tim sur les siens, tout dépendait des déprimes du moment. Il la regardait, sentant la détresse dans sa voix quand elle mentionnait son besoin d'alcool. "Non, Alex, l'alcool va rien résoudre. Ni pour toi, ni pour moi. Je crois qu'il faut qu'on grandisse et qu'on accepte nos blessures et nos malheurs. Alors, on va pas boire, on va dormir à la rigueur, parler jusqu'au bout de la nuit comme on le faisait quand on était ados mais on va pas sombrer comme ça... Parce que je suis là pour te remonter et pas tomber avec toi, tu te rappelles? Et cette mission commence maintenant." Il lui fit un nouveau sourire en venant caresser sa joue d'une main délicate. S'il était son meilleur ami, il ne devait pas la laisser tomber, encore moins l'accompagner dans la débauche. Au contraire, tout lui faire accepter et être là pour elle. Avec elle. Pour toujours.

Elle écoutait Tim lui annoncer qu'il n'allait pas s'écrouler, et il n'avait même pas intérêt de le faire. Accueillant la tête de Tim sur ses genoux, elle caressait ses cheveux comme elle le faisait à l'époque. Quand leur amitié était la seule chose réelle et forte à laquelle elle pouvait se raccrocher.  Avant même Caleb, avant même que la jeune Clarke ne découvre l'amour dans les bras du cuisinier, avant même qu'elle ne se lie d'amitié forte avec Rachel. Il y avait eu Tim et Alex. Au moment précis ou Alex ne savait plus du tout qui elle était, ce qu'elle était et ce qu'elle avait à donner au monde. Une petite fille perdue dans l'immensité d'un monde dont elle ne connaissait pas les codes et qu'elle ne savait pas fait pour elle. Du moins pour celle qu'elle était au fond. Alcool, drogue, fête, sourire tout était faux chez elle avant qu'elle ne croise la route du Français. Jamais assez bien pour ses parents, elle en avait conclut que si elle ne pouvait pas plaire à ses propres parents, elle ne pourrait plaire à personne sur cette terre. Et c'était sans doute pour cette raison qu'elle avait vécu avec excès ses premiers mois en Australie. Et sans Tim, peut-être qu'elle serait devenue cette fille. Celle des soirées de riche, abusant d'alcool et de drogue, souriant au monde sans jamais montrer qu'au fond elle était pleine d'incertitude et de doute. En manque d'attention, en manque de confiance en elle, en manque d'amour et de reconnaissance. Tim l'avait aidé, Tim lui avait montré qu'elle pouvait montrer son vrai visage, ses joies et ses peines. Qu'elle avait le droit de rire sincèrement et de pleurer avec tout autant de sincérité. Tim avait été le premier à découvrir le vrai visage de Clarke, et peut-être aussi qu'elle s'était découverte à ses cotés. Et forcément quand la construction de soit se retrouve aussi intimement lié à quelqu'un, les liens restent forts, peut-être parfois difficilement explicables pour les autres autour. Caleb avait été le premier à ne pas comprendre, à ne pas apprécier et si depuis, certaines révélations avaient été dans le sens des propos jaloux de l'Australien, Alex ne laisserait pas la révélation de vieux sentiments passés venir perturber sa relation avec Tim. Il était amoureux, peut-être un peu trop d'ailleurs, de trop de personne en même temps, mais ce n'était pas à Alex de juger cela. La seule chose pour laquelle elle se battrait, ce n'était pas pour l'amour de Tim, mais pour des moments comme celui là. Parce qu'ils leur faisait du bien à tout les deux, parce qu'ils étaient la pour leur apporter un peu de force là ou elle en manquait cruellement alors que lui s'évertuait à en donner à tout le monde jusqu'à en être dépourvu pour affronter ses propres combats. Elle se battrait pour leur relation particulière, mais primordiale. Ils n'étaient pas destinés à s'aimer, pas comme un couple du moins. Mais Alex savait qu'elle ne pouvait pas avancer sans lui dans sa vie. Elle continuait de jouer avec les cheveux de Tim, passant ses doigts au travers de sa chevelure. Elle regardait le plafond, laissant sa tête retomber en arrière sur les coussins de son canapé. Il refusait de boire avec elle, il refusait de l'accompagner dans ses déboires et pire encore il refusait qu'elle boive elle aussi. « L'alcool ne va peut-être rien résoudre pour toi, mais j'ai besoin de boire. » Elle ne le regardait toujours pas, laissant ses yeux fixer le blanc neutre de son plafond. Elle ne pouvait pas le regarder alors qu'elle se sentait si minable de faire ce genre de révélation. « J'ai un tas de problème et l'alcool en fait partie Tim. » Elle aurait pu délicatement repousser la tête de Tim et se lever de son canapé pour aller se chercher un verre. Elle aurait pu, elle était chez elle après tout. Mais elle ne faisait rien. Elle restait sur son canapé, à admirer avec une attention toute particulière le néant que représentait son plafond. Elle avait besoin de boire, c'était une chose réelle, la preuve ultime qu'elle était une alcoolique, elle en avait besoin. Pas envie, juste besoin, mais avec la tête de Tim posait sur ses genoux, elle ne bougeait pas, ne se levait pas préférant continuer à parler sans rompre le contact avec Tim. « Et je crains que parler ne puisse rien changer à ça. La boxe m'aide, mais je doute que tu acceptes de me laisser te frapper et pire que tu acceptes de me frapper. » Elle lâchait un petit rire, parce qu'elle même trouvait la situation pathétique, et la violence n'était pas vraiment le sujet favori du Français. Enfant maltraité, c'était sûrement pas à lui qu'elle devait parler de sa nouvelle lubie, alors au lieu d'argumenter sur ça et comme il ne la laisserait pas boire, elle continuait à vider son sac. « Tu vas être papa Tim. » Et c'était comme si elle disait ces mots pour la première fois ou du moins qu'elle en prenait réellement conscience. « Tu vas avoir un enfant avec une femme qui te fait souffrir, Rachel a eu une fille et maintenant cette fille n'a plus de mère, et j'ai accouché d'un bébé qui est quelque part en Australie. Tu vois quelque chose de logique la dedans ? Dis moi que ce merdier ne te donne pas envie de boire toi aussi ? Parce que c'est la merde Tim. On peut grandir, accepter nos blessures, ça reste la merde, la plupart du temps. Alors oui boire ne règle rien mais dormir, parler ça ne règle pas nos problèmes non plus. Et puis tu sais quoi, depuis que je suis de retour à Brisbane, en plus de mes cauchemars dans lesquels j'entends encore ses pleurs, je me surprends à regarder les enfants et à me dire que ça pourrait être lui. Je ne peux pas en parler parce que je n'ai pas le droit de me plaindre c'est ma faute, mon choix et je dois assumer. Mais comment je peux résister contre l'envie de boire après tout ça ? Est-ce qu'on peut me reprocher de vouloir boire pour vivre dans un flou bien plus acceptable que la vie que j'ai ? » Au delà des paroles qui semblaient venir de nul part, c'était surtout le calme avec lequel elle dévoilait tout ça à Tim qui pouvait étonner. Elle n'était pas du genre à faire preuve de calme ou à savoir tempérer ses émotions quand elle parlait de choses qui la touchait autant. Et pour la première fois, elle trouvait la force de parler de cet enfant, qu'elle avait abandonné mais qui semblait faire plus que jamais parti de sa vie, surtout depuis qu'elle avait vu la photo de ce nouveau-né. Elle évoquait ses cauchemars qui revenaient qu'elle soit défoncée ou sobre. Elle évoquait aussi cette nouvelle pensée qui venait la perturber en présence d'enfant, qu'était-il advenu de cet enfant ? Et pourtant, elle ne voulait rien savoir, elle ne voulait rien connaître, mais cette petite pensée s'infiltrait parfois dans son esprit et elle se surprenait à regarder les enfants d'environ huit ans avec une attention différente. Et elle ne voulait pas de ça dans sa vie, et elle préférait boire pour oublier. Elle préférait monter sur un ring et se faire défoncer jusqu'à en avoir la tête qui tourne pour ne pas avoir à surmonter tout ça. Parce qu'il y avait encore tellement de choses qu'elle gardait en elle, soit par peur d'assumer, soit par crainte de rendre les choses réelles si elle venait à en parler. Tim ne voulait pas qu'elle boive, il ne voudrait sûrement pas l'aider à faire taire ses pensées, mais il pouvait l'écouter et ça au fond d'elle, elle le savait. Il avait été le seul à qui elle avait osé raconter la vérité sans s'effondrer totalement, le seul à qui elle avait choisi de lui révéler son secret, sans être défoncée, sans être en pleine crise de nerf. Le seul vers qui elle se sentait capable d'être vulnérable, et pitoyable aussi, sans craindre un jugement. Parce que Tim lui avait promit il y a longtemps déjà, il serait là pour elle et elle le croyait.

Elle et lui contre le reste du monde, c'était le plan initial et malgré les embûches, les quelques déviations, ils y étaient revenus plutôt aisément. Tout aurait pu déraper, ils auraient même pu finir par se haïr avec tout ce qui s'était déroulé mais il s'avérait que leur amitié était bien plus forte que tout le reste. Tim aurait pu changer d'avis après avoir dévoilé ses sentiments passés envers la jeune femme, Alex aurait pu s'offusquer de cette réalité, elle aurait pu le mépriser éternellement pour les mots qu'il avait osés prononcer envers elle avant de partir pour Kapooka. Apparemment, ils étaient capables de se remettre de tout, c'était ce qui faisait leur force, ce qui prouvait que le monde n'était pas aussi laid qu'on pouvait le prétendre. Rien n'était parfait bien évidemment, mais quelque part au milieu de toute cette cruauté, il y avait des liens uniques de ce genre-là, cette communication silencieuse entre deux êtres que tout, ou presque, séparait. Après tout, ils n'avaient jamais vécu dans le même monde, Alex n'avait pas évolué dans un milieu semblable à celui de Tim. En contrepartie, le jeune homme n'était pas passé par toutes les étapes difficiles qu'avait eu à vivre l'anglaise mais cela ne les empêchait pas de se rencontre à l'équilibre. Parfois, c'était bancal, un peu comme leur vie respective mais tant qu'ils étaient en mesure d'être présents l'un pour l'autre, Decastel était certain que tout irait bien. Pour le moment, c'était difficile, autant pour elle que pour lui puisque tout allait trop vite, trop fort, trop loin. Ils n'avaient pas le contrôle et encore moins les réponses mais Timothy voulait faire preuve d'optimisme, encore et toujours. La vie était loin d'être terminée et même s'il n'avait aucun contrôle sur sa paternité future ou sur ses sentiments envers les femmes de sa vie, il avait encore cet espoir, peut être futile certes, que tout finirait par rentrer dans l'ordre, que les solutions seraient trouvées sans qu'il n'ait à faire de choix infâmes. Il était encore un gamin à côté d'Alex dans ce genre de contextes, elle était loin de croire en l'avenir et les mots qu'elle avait pu dire ce soir-là le prouvaient plus que jamais. Elle voulait boire, elle voulait sombrer et surtout, elle voulait que Tim l'accompagne dans sa débauche. Quelques semaines auparavant, il aurait certainement accepté la proposition, totalement désespéré de tout ce qui lui tombait sur le coin du nez mais maintenant, il avait retrouvé le droit chemin. Plus ou moins. Alors, ses yeux bleutés se perdirent vers le visage d'Alex, elle qui regardait le plafond en lui caressant les cheveux, apparemment hyper concentré sur le blanc sans saveur qu'elle pouvait y trouver. Timothy sentait qu'elle ne plaisantait pas lorsqu'elle lui apprit qu'elle était une alcoolique, que c'était une question de besoin avant tout et ce genre de faits brisaient le coeur du français. Elle en était arrivée là alors, à ce point de non retour, à accepter la réalité sans même essayer de la détourner. Tim ne pouvait pas la laisser faire, son amie ne pouvait pas se laisser mourir sous ses yeux naïfs. "Justement, je suis là pour t'aider à arranger tes problèmes, Alex, pas à les aggraver. Si l'alcool en est un, on va faire en sorte que ce soit plus le cas et ça commence là. M'entraîne pas avec toi sur ce genre de chemins." Il ne pouvait plus vriller, Tim ne s'en sortirait pas indemne et au moins, à ce sujet, il avait des certitudes. Il s'était vu faire n'importe quoi en revenant de Kapooka, après la catastrophe avec Charlie et les instants de doute sur sa carrière dans le même temps. Decastel ne voulait plus être cet homme-là, celui qui agissait par impulsivité, créant le malheur autour de lui. "On fait un punching ball avec trois casseroles au pire et hop, problème réglé. C'est qu'une question de volonté et tu sais que j'en ai pour te résister." Il lui fit un clin d'oeil en souriant, la partie était loin d'être terminée. En effet, Alex se relança dans un discours acharné, rappelant à Tim les responsabilités qui lui incombaient maintenant qu'un enfant viendrait au monde de son fait. Puis, la tristesse des propos de la jeune Clarke, à nouveau. Elle y pensait à cet enfant qu'elle avait abandonné, évidemment mais devait-elle autant culpabiliser? Tim se releva doucement, son regard ne lâchant pas celui d'Alex alors qu'il restait ancré si proche d'elle. "La vie, ça a rien de logique et je crois qu'il faut pas chercher des causes ou une histoire de destin. Il faut juste accepter ce qui nous arrive, même si ça fait mal et accepter d'être faillible aussi... Tu l'es, oui, moi aussi mais est-ce que tu dois pour autant te laisser noyer comme ça? T'as fait un choix, assume le. Cet enfant doit être heureux quelque part parce que t'as décidé de le laisser aux mains de personnes qui étaient prêts pour lui, pour lui créer une belle vie. Ce que t'as fait, c'est un choix merveilleux, Alex. Tu as pensé à lui, tu t'es sacrifiée pour lui offrir ce que tu n'étais pas prête à lui donner à ce moment là. Ça veut pas dire que t'es une mauvaise mère ou une mauvaise personne de manière générale, au contraire, ça montre que t'es forte et rien que pour ça, je pense que l'alcool est contre indiqué. T'en as pas besoin, Alex. Tu crois en avoir besoin mais t'es plus courageuse que ça, tu vaux bien mieux, crois moi." S'il y avait bien une personne qui savait ce qu'elle valait, c'était Tim. Il savait tout d'elle et il lui montra dans la force d'un sourire, ses yeux déterminés cherchant à lui prouver qu'elle était parfaite comme elle était. Loin d'une bouteille d'alcool. Loin du mal qu'elle s'évertuait à se faire pour un passé qu'elle avait réussi à gérer du mieux qu'elle avait pu.

Ils étaient tout les deux comme avant. Juste eux deux, sur le canapé d'Alex à se partager leurs peines et leurs doutes, et ils en avaient un sacré paquet. Des plus ou moins avouables, des plus ou moins gérables, la vie n'avait pas été tendre avec eux. Mais ils étaient de nouveau ensemble à se confier l'un à l'autre. Et Alex en avait besoin, de cette présence qui lui permettait de se livrer avec un minimum de retenu. Elle se dévoilait, elle. Ses pensées qu'elle n'osait dévoiler à personne. Ses problèmes avec l'alcool. Elle pouvait lui en parler à lui, parce que c'était Tim. Et il était là avec elle, essayant de trouver les mots devant les confidences fortes d'Alex. Elle avait délaissé la vision du plafond pour se plonger dans le regard azur du Français. Cherchant à s'y perdre pour ne pas avoir à gérer tout ce qu'elle ressentait. Et il essayait de la reconforter, il essayait de valoriser encore un peu Alex et alors qu'elle continuait à le regarder ne pouvant détacher son regard du sien, elle se demandait si elle pouvait croire en ses paroles. Pouvait-elle encore le croire ? Alors qu'il lui disait qu'elle n'avait pas besoin de l'alcool, alors que son corps tout entier lui prouvait le contraire ? Est-ce qu'elle pouvait le croire quand il lui disait qu'elle était forte alors que son esprit lui faisait croire qu'elle était faible constamment ? Est-ce qu'elle pouvait s'accrocher à lui, à ses gestes, à sa douceur, à leur relation, à sa présence et oublier tout le reste ? Est-ce qu'elle pouvait se voir comme lui semblait la voir encore ? Elle n'était plus totalement sûre de pouvoir le croire sur parole, pas qu'elle n'avait plus confiance en lui, mais parce qu'elle le pensait pas totalement objectif. Pas quand le sujet c'était elle et qu'il voulait l'aider. Tim avait toujours eu les mots pour l'apaiser, pour lui donner confiance, mais est-ce qu'elle pouvait encore se référer à lui et le croire alors que tout dans la vie d'Alex semblait donner tord au Français ? Elle n'était pas forte, peut-être pas totalement faible mais au mieux elle était lâche. Ça elle en était certaine. Quand elle avait eu un problème dans sa vie, elle avait toujours choisi de fuir. Quand ses parents avaient été un problème, elle avait réglé le soucis en quittant l'Angleterre. Pour certains c'était un geste qui demandait une certaine force de caractère, mais c'était juste une première fuite. Fuir ses parents avait donc été le début d'une logique propre à elle pour éviter d'avoir à régler ses problèmes et après ça, elle avait développé la technique jusqu'à devenir une experte, réglant chacun de ses problèmes en fuyant. Que ce soit en quittant un Pays ou en se réfugiant dans des substances pour fuir la réalité. Elle était véritablement devenue une experte de la fuite, et ça ne faisait pas d'elle quelqu'un de forte, loin de là. « Je ne suis pas forte Tim, je ne l'ai jamais été. J'ai fais semblant, mais c'était toi, Rachel, Caleb qui me donnait un semblant de force. Je n'ai jamais été forte moi mais il est tant que j'arrête de me voiler la face Tim. Je ne suis pas forte mais je ne suis pas obligée d'être faible non plus. Tu sais que j'aimerais te croire vraiment parce que la façon dont tu me regardes me donne vraiment envie de te croire, mais tu me vois plus courageuse que je ne le suis réellement. Tu arrives à voir derrière mes pires gestes quelque chose de positif, et c'est pour ça que je t'adore Tim mais tu sais les gens parfois font des choses juste parce qu'ils ont peur, ou mal, ou parce qu'ils sont perdus. Ou parce qu'ils sont cons. Il n'y a pas toujours une bonne raison pour faire de mauvaises choses, et je suis la preuve de ça. Mais je sais que tu veux m'aider Tim, je sais que tu es présent pour moi, mais je t'ai dis que tu ne pouvais pas donner toute ton énergie aux gens autour de toi, et ça marche pour moi aussi. » Accepter de ne pas être forte, accepter qu'elle ne pouvait pas tout contrôler toute seule, accepter qu'elle avait besoin des autres pour se lever, pour se relever. Accepter de demander de l'aide, c'était peut-être la seule façon de faire preuve de force, accepter ses faiblesses et chercher un moyen pour avancer. Elle leur avait promis à Tim et à Caleb auparavant. Elle leur avait promit d'arrêter de se détruire. Et elle venait de demander à Tim d'arrêter d'user son énergie pour sauver tout le monde, alors elle devait lui montrer qu'elle pouvait se sauver sans lui. Ou du moins essayer. Parce que c’était peut-être le moment de tenir ses promesses ? Du moins d'accepter de faire un pas en avant. « Il faut que j'accepte de demander de l'aide, mais ce n'est pas à toi que je veux demander cette aide là. Parce que tu as trop de choses à gérer pour toi. Je te promets de faire ce qu'il faut pour arrêter, et d'arrêter de faire toutes les conneries que je fais quand j'ai mal, je te le promets. Mais ce soir, je ne suis pas prête pour ce combat. » Elle avait déjà livré plusieurs combats aujourd'hui. Sur un ring en premier lieu et face à Tim, en se livrant ainsi, en acceptant d'avouer ses erreurs, en lui demandant pardon, en se dévoilant à lui et en accueillant les propos de Tim. Elle avait utilisé ses forces que ce soit les forces physiques ou émotionnelles et même si Tim était là avec elle, il lui fallait au moins un verre. Pas pour se mettre la tête en vrac, pas pour fuir ses souffrances ou ses problèmes, mais juste pour soulager le manque physique et émotionnel qu'elle commençait à ressentir. C'était une alcoolique et que ça  plaise ou non à Tim, elle était faible face à l'alcool. Honteusement, elle s'était écartée de Tim, le laissant sur le canapé pour se diriger vers la cuisine. Elle regardait la bouteille face à elle. Elle la fixait réellement. Elle repensait à Tim dans son salon, elle repensait à ses mots à son égard. Au pardon qu'il lui avait accordé, à toutes ses erreurs qu'il lui avait déjà pardonné. Elle attrapait la bouteille posée sur le comptoir et elle balança la bouteille de vodka qui explosa dans l'évier dans un bruit sourd. Alex regardait les dégâts de ce mouvement de colère, sa main tremblait et elle se sentait coupable. D'être comme ça, de s'être laissée sombrer si bas. Elle n'avait aucune estime d'elle même à ce moment et pourtant, elle se sentait prête à lutter. « Tim, je ne bois pas mais tu restes avec moi ce soir, s'il te plaît. Ne me laisse pas seule. Je ne peux pas être forte sans toi. » Elle était une alcoolique, elle l'acceptait petit à petit et c'était quelque chose qu'elle devait gérer avec sa conscience. Elle allait avoir un vrai travail à faire, et le travail commençait ce soir, avec Tim. Grâce à Tim et aussi un peu pour lui. Parce que ce n'était définitivement pas pour elle qu'elle allait s'infliger une nuit de sobriété. Elle n'avait pas assez d'estime d'elle même pour ce genre de geste. Elle s'installait sur le canapé contre lui, et elle tentait de se concentrer sur leur amitié et uniquement sur ça. C'était la seule chose à laquelle elle devait s'autoriser à penser, à lui, à eux, et aux souvenirs qu'elle avait de leur complicité. Il était là, il n'était pas à l'armée, il n'était pas en train de risquer sa vie, il était là avec elle et elle devait se concentrer sur ça.

Tim détestait la voir si fragile, lui qui gardait un souvenir des plus vifs d'une Alex pétillante et pleine de joie de vivre.Quand ils s'étaient connus, c'était elle qui entraînait toujours Tim dans les soirées et elle le faisait danser alors qu'il avait peur comme personne de se retrouver au milieu d'un public. Pour sa belle amie, il aurait supporté n'importe quoi et cela ne changeait pas tant que cela. Aujourd'hui, néanmoins, Alex montrait qu'elle avait bien changé en plusieurs années: elle s'était laissé aller à subir le désespoir d'une existence qu'elle n'avait pas su contrôler d'une main de maître. Elle avait sombré dans la drogue et l'alcool parce que c'était le choix de la facilité, un choix qu'il avait lui même fait en revenant de Kapooka. Bien sûr, Decastel avait su s'arrêter au bon moment parce que ce n'était pas ce à quoi il aspirait dans la vie. Il se voulait plus fort que tout cela alors, il avait pris son courage à deux mains et il avait assumé son malheur en le portant à bout de bras. Il avait fini par remonter la pente, même s'il souffrait encore de cette bien étrange situation dans laquelle il se trouvait. Rien n'était jamais simple et c'était ce qu'Alex devait comprendre. Elle devait trouver la solution idéale pour se sortir de cette mauvaise passe parce qu'elle en était capable, Timothy en était persuadé. Bien sûr, Clarke n'allait pas le croire sur parole avec beaucoup de facilité, elle n'était pas comme cela. Alex avait besoin qu'on la rassure durant des heures avant d'accepter de lâcher du lest et de prendre soin d'elle. Le soldat serait là pourtant, pour ces fameuses heures à venir, ces moments où elle broieraient du noir avec l'envie de se jeter la tête la première par la fenêtre parce que c'était trop dur de résister à l'appel du vice. Tim ne la laisserait pas tomber, pas elle, pas sa meilleure amie, celle qui connaissait tout de lui et qui ne l'avait jamais traité différemment. Pas comme tous les autres. Ceux qui s'étaient moqués, ceux qui l'avaient harcelé, ceux qui voulaient plus que tout le voir sombrer. Alex n'était pas comme eux et ce soir là, Timothy lui rendrait la pareille et elle recommencerait à vivre avec aisance, pas avec la vie idéale mais avec un semblant de bonheur dans ses pupilles. "Je suis contente que tu veuilles avancer comme ça, Alex. Je suis sûr que tu réussiras à te remettre sur pied et tu sais que tu peux compter sur les gens qui t'aiment si jamais t'as un coup de mou, ou si tu sens la rechute venir. On va pas t'abandonner." Surtout pas lui, peu importe la difficulté de sa propre situation. Il était clair que sa vie n'était pas la plus gérable ces derniers temps mais Tim était fortement capable de tout lâcher pour accourir au chevet de son amie si elle avait besoin de lui. En attendant, il la regarda s'éloigner vers la cuisine, espérant qu'elle ferait le bon choix après tout ce qu'elle venait de lui dire. Decastel entendit le bruit du verre qui se brisait et il comprit qu'elle venait de sacrifier une bouteille d'alcool pour préserver sa sobriété et commencer le travail dès ce soir. Qu'il pouvait être fier d'elle à ce moment là alors qu'elle apparaissait de nouveau dans son champ de vision pour s'asseoir à ses côtés. "Je vais rester, bien sûr. Tu veux te reposer? Je bouge pas, promis." Si elle voulait aller se coucher, Decastel resterait dans les parages pour prendre soin d'elle, ce qu'il avait toujours fait de mieux, de toute manière. A croire qu'il était né pour cela, suivre Alex Clarke à la trace pour vérifier qu'elle était heureuse et en un seul morceau. Il continuerait jusqu'au jour de sa mort.

Elle l’avait retrouvé son Timi, l’oreille attentive, l’ami fidèle et précieux. Celui qui avait toujours été là pour elle, répondant présent à chaque moment où elle avait eu besoin de lui. Le cœur sur la main, sa vie dédiée aux autres, Tim n’avait finalement pas tant changé que ça, il s’assumait plus, il était plus musclé mais il restait le même avec elle. Calme, les mots justes et une croyance en elle qu’elle ne pensait pas avoir mérité et dont elle continuait de douter malgré les mots de Tim. Mais il voyait en elle ce qu’elle ne pouvait pas voir, il voyait au delà de ses faiblesses, il l'a connaissait mieux qu'elle ne se connaissait elle même finalement. Il avait été son confident, il avait été celui à qui elle s'était confiée en premier lieu, quand elle s'était retrouvée seule à Brisbane après avoir quitté sa famille dysfonctionnelle. Il la connaissait et son avis avait toujours été important pour Alex, les mots du Français avaient toujours eu une importance pour Alex. Alors quand il tentait de lui faire croire qu’elle pouvait résister face à ses démons intérieurs, elle se devait de l'écouter, un peu. Et même si elle en doutait très sérieusement, ce soir là avec lui et pour lui, elle allait tenter de résister. Tenter de le faire parce qu’elle voulait lui donner une bonne image d’elle même, parce qu’il méritait qu’elle se montre à la hauteur de lui. Sa vie à lui était en train de lui échapper mais il ne craquait pas alors elle pouvait le faire. Elle pouvait s'infliger une soirée de sobriété, comme une preuve pour Tim qu'elle allait essayer d'aller mieux. Comme un gage d'espoir aussi, pour elle et pour eux. Elle n'avait pas été obligé de s'en prendre à la bouteille, elle aurait très bien pu faire demi-tour, quitter la cuisine et ne rien faire, mais elle avait eu besoin d'évacuer sa colère, sa haine, sa douleur et étonnamment exploser la bouteille n'avait pas fait disparaître son besoin de boire, mais elle avait pu évacuer un peu de sa colère dans ce geste. Laissant les morceaux de verres en vrac comme témoin de son élan de colère mais aussi preuve de sa résistance, elle avait rejoins Tim sur son canapé. Et après avoir prit soin de déplier le canapé et de sortir un plaid pour leur permettre un peu plus de confort. Elle s’installait à ses côtés déposant un baiser sur sa joue comme un signe de remerciement d’être là pour elle sans la juger, et aussi par affection pour son petit Français. Elle s’était mise dans la merde toute seule et il aurait pu lui dire qu’elle méritait d’être seule et de se débrouiller seule mais il n’en avait rien fait. Il était là lui promettant même de ne pas bouger alors qu’elle avait peur de rester seule. « Je ne sais pas, je veux juste que tu restes là comme avant. » Elle s’allongeait prêt de lui, ne sachant absolument pas comment elle allait passer ses prochaines minutes, ses prochaines heures. Elle n'en avait aucune idée, elle ne savait pas si elle allait souffrir, si physiquement son corps allait manifester des signes de manques, si elle n'allait pas craquer s'imaginant déjà léchant le sol de sa cuisine incapable de se contrôler. Idée au passage complètement conne, parce que l'alcool ce n'était pas ce qu'il manquait chez elle. Mais elle n'avait réellement aucune idée de comment elle allait passer outre cette sobriété qu'elle s'imposait. Alors, elle ne voulait pas qu'il parte, parce qu'elle ne voulait pas être seule. Elle avait besoin de Tim, de Caleb, comme elle avait eu besoin d'eux huit ans plus tôt. Comme elle avait eu besoin de Rachel pour la soutenir dans toutes les épreuves. Elle pouvait surmonter les choses, mais elle ne pourrait jamais le faire seule, c'était un aveux de faiblesse qu'elle était prête à accepter. Elle s'allongeait contre Tim, sa tête reposant sur ses genoux, comme il l'avait fait quelques instants plus tôt, comme ils le faisaient à l'époque quand leur relation était tout ce qu'ils avaient l'un et l'autre. Alex plongeait son regard dans le regard azur de son ami, y trouvant le réconfort dont elle avait besoin. « Merci Tim d'être venu. » Elle n'aurait jamais eu le courage de se rendre chez lui pour lui demander pardon, elle n'aurait jamais eu la force de faire le premier pas, parce qu'elle aurait eu trop peur d'être une nouvelle fois rejetée par Timothy. Mais elle le regardait ses yeux rougis par les émotions de la soirée mais derrière sa tristesse, il y avait aussi beaucoup de reconnaissance envers cet ami dont elle ne pouvait pas se passer.Et Alex en avait conscience qu'ils allaient devoir affronter leurs problèmes chacun de leur côté. Son alcoolisme, ses sentiments pour Caleb et sa culpabilité. Et Tim devra se débattre avec ses sentiments pour deux femmes, cet enfant à venir et son choix de carrière. Ils allaient devoir faire face à leur vie respective compliquée mais désormais Alex le savait, et en était persuadée ; Tim serait là pour elle, toujours. Et chaque fois qu’ils en ressentiraient le besoin, ils pourront se retrouver sur le canapé de l’anglaise comme avant. Comme les deux âmes perdues qu’ils avaient été et qu’ils sont encore parfois. Chacun avait un grand combat qui se profilait devant eux mais Alex avait maintenant une certitude, elle n'était plus totalement seule. Tim était revenu dans sa vie. Après les 8 années loin de lui, après cette dispute et l’armée, Tim était de nouveau là, pardonnant ses erreurs et soutenant l’anglaise. « J'espère que tout va s'arranger pour toi Tim, mais quoiqu'il arrive je serais là et mon canapé sera toujours là pour t'accueillir. » Ils allaient galérer mais ils seraient là l'un pour l'autre, prêt à affronter le monde et à accepter de faiblir parfois dans les bras l'un de l'autre. « Tu m'as manqué Timi. » Elle fermait les yeux tout en tentant de se concentrer sur la respiration de Tim pour faire abstraction de ses mains qui commençaient à trembler. Cette nuit s'annonçait dur, mais il était là avec elle, Tim était revenu et elle pouvait d'or et déjà se libérer de la culpabilité d'avoir tout gâché avec lui puisqu'il était là avec elle et c'était tout ce qu'il comptait à l'heure actuelle. Sous l'éclairage unique de la lune, Alex voulait se concentrer sur son amitié avec Tim, et sur le fait que tout n'était peut-être pas totalement gâché. Encore fallait-il qu'elle survive à cette nuit de sevrage forcé, et à toutes les autres sans Tim à ses côtés. Sans Caleb dans sa vie.

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