game over, try again

La drogue avait fait son petit bout de chemin dans son organisme. L’ébène n’était plus elle-même, ou en tout cas, elle était beaucoup moins réfléchie qu’à la normale. Son besoin imminent de se détendre s’était transformé en un moment de flottement et de joie intense sans en connaître vraiment l’origine. Si elle-même avait su que ça faisait cet effet-là, elle aurait peut-être mieux compris ce besoin d’évasion de la part de Joseph – sans connaître, néanmoins, le besoin express de satisfaire une addiction. Ironie du sort tout de même. Mais tout cela, c’était loin d’elle, d’eux… Raelyn, Deborah et le pseudo alligator qui s’était faufilé dans l’esprit de l’embrumée. Elle s’était alors redressée, se rapprochant dangereusement de la blonde – tout en prenant soin de ne pas faire de mal à l’alligator, autrement dit le canapé… ridicule. Elle se penchait à son oreille, comme pour lui dire un secret alors qu’au final, elle parlait tout à fait normalement. « Moi je dis qu’il est pas trop tard tu sais. Le roadtrip à dos d’alligator, ça a de la gueule. » C’était elle, en revanche, qui n’avait aucune gueule. Elle riait mollement de sa connerie, complètement défoncée.

« Si tu les prends pas, je les prends de toute façon. » Bah quoi ? Raelyn avait bien dit que si elle avait su, elle lui en aurait filé bien avant… c’était le bon moment pour lui en donner davantage, au regard de Deborah en tout cas. « Je serais encore plus docile puisque tu as l’air d’aimer ça. » Ce petit air mutin qu’elle venait de prendre et ce regard beaucoup trop rempli de gourmandise, ils étaient inattendus, même pour la concernée. Les champignons ne réveillaient pas que des hallucinations visiblement. Ils mettaient en exergue le besoin d’affection de Brody, les rapprochements physiques et plus si affinités… il fallait croire que ce soir, de l’affinité, elle en avait un peu trop pour Blackwell.

game over, try again

Hallucination puissante mais plus drôle que dangereuse. Pour Debbie, elles étaient à dos d’alligator – curieux qu’elle sache encore distinguer un alligator d’un crocodile d’ailleurs – et ça sonnait comme l’aventure de sa vie. Elle était complétement shootée mais elle était calme et sereine surtout. C’était là le plus important quand on connaissait le pourquoi du comment de sa venue jusqu’ici et de sa prise de psychotropes. Elle était d’ailleurs si bien dans cet état de planage total qu’elle lui demandait un second champignon, camouflant sa demande sous une espèce de chantage où si Raelyn ne le prenait pas, c’est elle qui allait le prendre. C’était là, la manifestation de son conscient qui se rendait bien compte qu’elle voulait juste rester dans cet état pour ne plus jamais ressentir la douleur vive qu’elle avait sentie en arrivant. Paradoxalement, la drogue douce devenait une bouée de sauvetage.

Après les hallucinations, arrivait rapidement une montée fulgurante de ses sentiments longtemps enfouis. La drogue venait chercher chez elle ce qui semblait lui manquer le plus pour mieux le mettre sur le devant de la scène, elle qui a tant tendance à cacher ses besoins d’affection jusqu’à explosion finale. Elle en venait littéralement à draguer Raelyn, par les regards, les mimiques de son visage, sa façon de se pencher vers elle. Aucun doute à avoir, elle cherchait clairement à lui faire de l’effet, se fichant bien de savoir qu’elles sont loin d’être amies à la base et que la blonde n’était absolument pas bi contrairement à sa comparse. Elle y croyait presque, Debbie, qu’elle avait réussi à l’avoir dès l’instant où Raelyn s’approchait encore plus, attrapant le visage de la droguée par le menton. Est-ce qu’elle avait un ton aussi mielleux que ce que Deborah entendait ou est-ce que c’était encore une hallucination ? « C’est toi-même qui l’a dit que tu aurais dû me filer ça plus tôt parce que je suis moins désobéissante. » lançait-elle non sans un sourire beaucoup trop rempli de charme. Non Debra, Raelyn avait dit désobligeante mais elle planait tellement qu’elle en venait à confondre quelque peu les mots.

Quand la poupée lâchait son visage, Debra restait un instant de marbre – le temps que ça lui monte au cerveau probablement. – Immanquablement, son regard dérivait sur les gambettes de Raelyn alors qu’elle se remettait bien dans le fond du canapé, soupirant lourdement avant de lâcher quelques mots dans un rire incontrôlé. « Tu as quand même dit que j’étais jolie. » Décidément, elle prenait tout ce que la demoiselle voulait bien lui donner. « T’es pas drôle, t’es pas ouverte d’esprit comme meuf en fait. » La réalité voulait que sobre, elle aurait parfaitement conscience qu’une orientation sexuelle n’était pas une question d’ouverture d’esprit ou non, ça ne se choisissait pas mais elle n’était plus sobre depuis un moment déjà. « Et puis un jouet bien choisi, ça fait tout aussi bien l’affaire. C’est même mieux parfois. » Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait chopé un orgasme avec un sextoy adapté et le nombre de fois où elle n’avait pas joui avec un mec. « Tu es même pas cap de m’embrasser si chaudement que ça en ferait pâlir la plus lesbienne des lesbiennes. » disait-elle en braquant son regard dans le sien. Voilà que maintenant ça partait en défi.

game over, try again

« Tu sais que trouver quelqu’un joli, ça veut pas forcément dire que tu veux passer du bon temps avec lui. » Et elle se pointait du doigt, montrant l’entièreté de son corps comme une évidence qu’elle n’aurait jamais osé faire si elle avait été sobre – parce qu’elle est trop loin de l’idée de se la jouer en temps normal. « Regarde-moi ça ! Je comprendrais que tu trouves ça joli, je me le dis tous les matins dans le miroir. » C’était faux, bien qu’elle ne se trouvait pas moche non plus, il ne fallait pas déconner. Le matin, ça se résumait surtout à vérifier qu’un bouton disgracieux n’avait pas fait son apparition dans la nuit, annonciateur de cycle menstruel prochain… et aussi à regarder si elle n’avait rien entre les dents, certes.

« Dommage. » haussant les épaules à l’idée que la blonde n’était pas fournie avec drogue et partie de jambes en l’air, elle semblait presque résignée, de nouveau calme au fond du canapé. Mais Raelyn devait être au courant mieux que personne. Les champignons avaient cette tendance à filer des hallucinations mais aussi à avoir un effet euphorisant. Debra sentait qu’au fond d’elle, elle ne serait pas capable de lâcher le morceau, comme si c’était son objectif et qu’elle chercherait à tout prix à faire craquer Raelyn. Peut-être qu’inconsciemment, elle cherchait à avoir le dessus sur la blonde en lui donnant tort sur ses convictions. C’était n’importe quoi, complètement, mais c’était elle, quelque part et elle ne pouvait pas s’empêcher de lui lancer un défi idiot parce que tout le monde sait qu’un instant charnel commence toujours par un baiser fougueux. Au moins Raelyn la faisait rire. « T’es sûre que ça serait moi qui m’en remettrait pas ? Tu ne seras pas la première fille que j’embrasse tu sais. » Debbie se faisait peut-être des idées mais elle avait la sensation que ça serait sûrement le premier baiser que la demoiselle allait échanger avec une femme. Tout du moins, un premier aussi chaud, consenti et sans influence de drogue ou d’alcool.

Elle avait peut-être tort mais l’idée l’amusait beaucoup et ça la faisait sourire avec une malice palpable. « Si tu es aussi bonne que tu le prétends l’être, j’ai un doute. » Et elle se mettait à rire parce que l’évidence était là. Si elles commençaient à s’embrasser sans retenue, elle n’était pas sûre de savoir s’arrêter si Raelyn ne l’arrêtait pas elle-même. « Essaies et tu verras, c’est peut-être toi qui voudra plus me laisser tranquille après. Une sorte de révélation tardive. » Le rire au bord des lèvres, elle la poussait clairement à réaliser ce défi débile. Affaire à suivre.

game over, try again

« Moi non plus. » Murmurait-elle comme si le fait qu’elle soit prétentieuse reste entre elles. Le sourire sur ses lèvres ne faisait qu’accentuer l’idée que la drogue faisait bien trop d’effet dans son organisme et elle n’était pas prête de redescendre – en avait-elle envie de toute façon ? il y avait bien un doute. Elle finissait même par éclater de rire sous la demande de la blonde, tournant son regard vers elle pour mieux se perdre dans son regard et lui répondre avec un calme fort déconcertant tant c’était improbable. « J’ai rêvé que c’était moi qui te poussait dans la fontaine quand on s’est rencontrées, c’est pas bien gentil roooooh. » Elle faisait alors la même tête que les gosses qui avouaient ce qu’il semblait être inavouable. « Tu le diras pas à Raelyn surtout, elle va se fâcher. » Est-ce qu’elle voyait une autre personne que la concernée en face d’elle ? Difficile à dire tant elle serait fort capable de se parler à elle-même tant ses pensées lui semblaient venir d’ailleurs, comme une troisième personne dans la pièce, une pseudo conscience qu’elle finissait par museler sous l’effet du champignon mais aussi du défi qu’elle venait de lancer à la demoiselle. C’était davantage le petit diable sur son épaule qui avait pris le dessus, l’obligeant à ne pas lâcher le morceau jusqu’à faire céder son interlocutrice. Le plus problématique finalement, c’était que Raelyn entrait plus ou moins dans son jeu. Si elle n’enfonçait pas une porte ouverte, elle laissait quelques espoirs de victoire à la brune et ce n’était pas le mieux à faire pour la faire redescendre. C’était fort probable que celle qui se jouait davantage de l’autre, c’était bien Blackwell finalement.

Alors elle continuait d’argumenter, elle cherchait le détail qui pourrait la faire craquer. Parler trop. Il était là le détail qui poussait Raelyn à réagir et à s’approcher de la droguée, très près, trop près. Immanquablement, Deborah avait pivoté son visage vers elle, ses yeux s’accrochant aux siens, comme si elle n’y croyait déjà plus. Comme elle l’avait si bien prévu, son parfum venait chatouiller les narines de sa partenaire, mettant ses sens en éveil. Elle ne savait pas si c’était voulu mais elle trouvait que pour quelqu’un qui se refusait à elle jusque-là en disant haut et fort que les femmes ne font pas partie de la catégorie des êtres humains en capacité de la faire sienne, elle se voulait vachement séductrice tout de même. Des pensées qui se stoppaient de courir dès l’instant où les lèvres de Raelyn pressait les siennes. Debra se laissait naturellement guidée – parce que le défi n’était pas pour elle déjà et probablement parce qu’elle ne s’y attendait pas non plus – et à l’instar de la jeune femme, l’une de ses mains se perdait sur sa nuque, à l’orée de ses cheveux. Le baiser se voulait fougueux et montait davantage encore en intensité quand Raelyn l’invitait à plus de familiarité encore, de quoi faire sourire Deborah de façon mutine contre ses lippes dès lors qu’elle sentait sa langue rejoindre la partie.

Dire que ça ne lui faisait aucun effet serait mentir – d’autant plus que les effets en question étaient sûrement accentués par la drogue. Son corps tout entier appelait le sien à beaucoup plus et maintenant qu’elle l’avait près d’elle, elle n’allait certainement pas se priver pour le faire savoir. Habilement, sa seconde main rejoignait la première autour du visage de la poupée, multipliant les embrassades plus ou moins appuyées, plus ou moins sexualisées. Ses dents accrochant ses lèvres, sa langue contre la sienne, son corps tout entier qui s’approchait encore et encore. Elle finissait par se mouvoir pour mieux grimper à califourchon sur Raelyn, n’utilisant pas le poids de son corps pour la coincer pour autant. C’était simplement plus pratique d’être l’une en face de l’autre pour boucler ce défi insensé qui n’avait fait que la rendre plus chose encore. Assez pour que lorsque ses lèvres quittaient les siennes, c’était pour mieux suivre les traits de sa mâchoire jusqu’à son oreille. « C’est pas mal du tout pour une débutante. » Est-ce qu’elle cherchait à la provoquer ? Evidemment. Elle en voulait plus et elle savait très bien que Raelyn était celle qui réagissait le mieux à la provoc. C’est qu’elles commençaient à se connaitre bien malgré elles. « Je te croirais pas une seconde si tu me dis que ça ne t’a rien fait. Ton corps parle beaucoup trop pour toi. » Parce qu’un baiser était un baiser, il avait tout aussi bien provoqué des réactions physiques chez Raelyn tout comme chez Deborah. Cette poitrine qu’elle sentait poindre contre la sienne, ces frissons qu’elle engendrait quand ses lèvres frôlaient son cou et que sa langue s’y perdait un peu, ça ne mentait pas. « Arrête-moi si j’ai tort. » un murmure plus que sensuel contre ses lèvres alors que ses doigts faisaient lentement glisser la bretelle de cette robe qu’elle trouvait en trop depuis trop longtemps…
_______

Le soleil caressait sa peau à travers les rideaux. Elle était rentrée tard hier soir et elle n’avait visiblement pas pris le temps de fermer les volets. Elle avait terriblement mal au crâne, sa bouche était pâteuse au possible. Qu’est-ce qu’elle avait soif ! Un instant de latence où elle s’étirait comme un chat et lentement, les souvenirs remontaient à la surface. « Oh putain ! » Elle se redressait d’un seul coup, la tête entre ses mains. Elle peinait à vraiment ouvrir les yeux mais elle constatait sans mal qu’elle se trouvait dans sa chambre. Le puzzle était en train de se remettre en place. Elle était fatiguée hier soir, elle avait pleuré, trop et ensuite c’était le trou noir. Est-ce qu’elle avait bu au point de lui faire oublier sa soirée ou est-ce qu’elle était vraiment aller voir Raelyn pour une dose d’hallucinogènes et ça avait fini par déraper entre elles ? Sur le sol, son ‘pyjama’ se mêlait à ses fringues qu’elle portait la veille. Elle se penchait alors un peu pour attraper son pantalon et fouiller ses poches. Un petit sachet plastique, vide… Elle ne savait plus quoi penser. C’était si possible qu’elle en avait un sérieux doute et que la seule qui serait capable de répondre à cette question était la seule personne qu’elle n’allait pas aller voir pour lui demander… Raelyn serait à jamais la seule à savoir qu’il ne s’agissait que d’un rêve quant bien même, elle ne serait même pas au courant de celui-ci !

Fin du rêve