CHARLIE & YOKO ⊹ I swear to spill the tea, the whole tea and nothing but the tea.

Personne bosse réellement au Death Before Decaf — les gens sont là pour l’argent, les papiers et les potins et ils ont bien de la chance d’avoir Matt comme patron ; ça serait différent avec un autre, ils le savent tous très pertinemment. Au commentaire de Charlie sur l’éventuelle bonne journée d’anniversaire de Clément passée en compagnie de son père, Yoko hausse un sourcil sans faire de remarque, légèrement surprise. La jolie rousse ne dit presque jamais rien de positif en parlant du jeune danseur et c’est peut-être bien la première fois que Yoko semble voir sur son visage une expression différente de celle d’un dédain profond — times change. Prenant un air de réflexion intense pour faire le calcul sur le temps de connaissance entre Charlie et Léo (et trouver la réponse de deux ans assez rapidement ; même si le calcul mental n’est pas sa passion), la petite nippone lâche un rire avant de répondre. « Depuis— » (elle compte dans son esprit les années qui défilent) « —trois ans, quand j’suis rentrée dans la compagnie. Le temps passe vite même avec ces deux tocards, purée » ; rire léger qui s’envole entre les murs du bar. La grande différence entre les deux amitiés est que si l’une est fraternelle sans aucun changement possible, l’autre est pleine d’ambiguïté dont Yoko peine à saisir les nuances ; depuis leur dernière discussion sur Léo, la petite coréenne n’a pas osé réaborder la question avec Charlie — comme si les sentiments, les liens, tout ce beau bordel des émotions, étaient un thème interdit. Après tout, c’est plus facile de commenter les derniers commérages autour d’un café que d’ouvrir son cœur et ses peurs les plus ancrées. « J’ai pas pris la pire, j’avoue— j’ai été gentille en fait » et sur le ton qu’elle emploie, elle mime une certaine fierté, comme si soudainement, elle était en effet devenue une super amie. Ça les fait rire ; ça les fait rire alors qu’elles feintent de travailler en nettoyant vaguement les verres lavés mais quelques minutes après, le son cristallin se dissipe dans l’air, comme si un coup de vent avait fait volé le nuage des festivités — et cette bourrasque porte le nom de Primrose. Bras bloqué dans les airs dans une attitude qui arrache un sourire moqueur à Yoko (qui ne capte pas du tout l’ouragan qu’elle vient probablement de créer), Charlie mêle l’humour et l’interrogation dans sa phrase, où perce le début d’une tempête. Yoko s’arrête dans son mouvement, une expression ravie sur le visage. « Attends, tu connais Primrose Anderson ? » (elle a ce large sourire sur les lèvres, l’éternel et indéfectible rayon de soleil) « C’est genre— ma meilleure amie ? J’dirais même plus, c’est comme ma sœur. On est parti en Corée ensemble l’année dernière, elle est venue chez moi passer les vacances. Imagine... elle a rencontré la Grande Inquisitrice et elle a survécu. C’est vraiment une super nana ! J’en reviens pas que tu la connaisses— le monde est trop petit » ; toujours aussi heureuse, sans connaître le lien entre Primrose et Charlie, elle continue sur sa lancée, n’imaginant nullement ce qu’elle peut potentiellement déclencher. « Comment ça s’fait ? Enfin j'veux dire— d'où ? » (main droite calée sur sa hanche, elle réfléchit à un potentiel lieu de rencontre) « Soirée étudiante toi aussi ? » — ah, Yoko ; si tu savais.

Quand on a un tocard pour meilleur ami, y’a une faille spatio temporelle qui fait que le temps passe cent fois plus vite. C’est prouvé. Einstein en a parlé, je vous jure. Peut être qu’il a pas utilisé ces mots là, les siens étaient plus longs et pas trop compréhensibles. Mais je vous jure que c’était à peu près ce qu’il disait. C’est ce que Charlie en a déduit en tout cas, et ça lui fait plaisir qu’ils pensent la même chose, tous les deux, et avec Yoko. Les deux amies peuvent bien s’entendre sur le fait que quand on traîne avec quelqu’un qu’on aime très fort - même si c’est un tocard - alors on perd rapidement toute notion de temps. Deux ou trois ans, ce n’est qu’un chiffre, et au fond de leur coeur ça fait au moins cent ans qu’elles supportent leur tocard respectif. ”Si jamais tu dois vider le stockage photo de ton téléphone à un moment, tu sais que je suis toujours là pour aider une amie dans le besoin.” Et même que cette harpie de blonde lui tend un clin d’oeil entendu, toujours présente pour devenir le réceptacle des pires photos de Clément. Bien sûr qu’elle les garderait pour elle, bien sûr que non elle ne les laisserai pas filtrer une à une tel un décompte jusqu’à son anniversaire qui tombe dans … Oh, dans un an. Oh, mince alors, presque 400 photos à trouver pour combler le vide, c’est bien triste. Heureusement qu’elle sera là pour être la plus présente possible pour Clément, parce qu’il est connu de tous qu’ils s’entendent parfaitement bien.

Après quelques secondes d’arrêt sur image, elle finit par reposer lourdement son bras sur le comptoir après avoir rangé le verre dans les air. Si c’est vraiment la Rose de Titanic qu’elle connaissait alors ça aurait été sacrément cool, quand même. Beaucoup plus cool que la nana avec qui son ex l’a trompé, ça c’est clair. Et Yoko en vient à expliquer ce qui la lie à Primrose, faisant fondre Charlie sur place. Elles ont l’air très liées et ça l’étonne presque que son prénom ne soit pas arrivé plus tôt au milieu de leurs innombrables conversations potin-esques. Sa soeur. C’est fort. Ca la fait sourire. La nippone a des petites étoiles dans les yeux, elle est beaucoup trop mignonne. Cute af. Comme Primrose, si on a pas le point de vue de Charlie. L’étudiante aussi a un bon fond et c’est au moins quelque chose que la blonde ne peut pas nier, pas même après tout ce qu’elles ont eu l’occasion de vivre et de se dire. Finalement, Yoko lui offre une porte de sortie et elle décide de la prendre, parce que c’est sûrement encore trop tôt pour la livraison express de drama Primrose/Charlie. Ca lui fait encore beaucoup trop mal au coeur, aussi. Elle est son passé et c’est sans doute mieux comme ça. ”Ouais, la meilleure soirée de toute ma vie. Elle avait l’air cool. Et si elle a survécu à la Grande Inquisitrice alors c’est vraiment la nana la plus incroyable que je connaisse !” Pour de bien d’autres raisons, elle l’est. Vraiment.