Quel est le pire endroit où aller pour réparer un coeur brisé ?
Un mariage.

Qu’est ce que fait Charlie habillé d'un blazer rouge ? (on dirait le début d’une mauvaise blague) Pour sûr qu’elle va à un mariage, la blondinette. Pour sûr qu’elle fait encore de très mauvais choix. Seulement, elle n’avait plus le choix de refuser, parce que ça fait presque un an qu’elle a renvoyé l’invitation en cochant le “yes”. Rien de tout ceci n’était supposé arriver en un an à vrai dire. Ni en un an ni en jamais. Peut être à contre coeur, certes, mais elle y va quand même, parce qu’il s’agit d’une vieille amie qui va vivre le meilleur jour de sa vie alors elle a intérêt à faire bonne figure elle aussi. Une simple soirée, ça ne sera pas si difficile que ça. La salle des fêtes est excentrée mais un bus rentre à 1:00, alors elle prendra celui ci. Le plus tôt. Le meilleur. Le plus censé, puisque de toute façon elle ne connaît personne. Elle y va pour faire plaisir, pour faire bonne figure, et elle rentre chez simple.
Simple. Basique.

La cérémonie à l’autel se passe, le truc religieux à souhait, Charlie qui lève les yeux au ciel, qui manque de souffler à chaque fois que le monsieur à la Bible prononce un nouveau mot. Elle a horreur de cet endroit encore plus que du mariage en lui même. Au moins, ils ont l’air heureux. Elle ne connait pas le marié mais elle l’aime au moins pour la manière dont il regarde son amie. La même manière dont elle regarde Tim. Regardait. Aïe. Lapsus. Douleur. Outch. Peut être que si elle pleure maintenant elle pourra mettre le tout sur le coup de l’émotion du mariage. Ca pourrait passer. C’est niais à souhait. Ca lui correspond bien, la niaiserie.

Heureusement qu’ils passent rapidement à la salle des fêtes, qu’ils s’y rendent en bus parce qu’il faut croire que les mariés ont réellement amené trois cent personnes et qu’ils se mouvoient tous comme une colonie de vacances habillés sur le trente et un. Sauf Charlie. Elle avait oublié le mariage, elle n’a même pas de robe. Peut être que parce que ça aurait fait ressortir son ventre qui commence à se bomber et que ce n’est pas franchement ce dont elle rêve à l’heure actuelle. Elle doit se contenter du Champomy de la table des enfants alors elle fait avec. Elle faisait. Jusqu’à ce qu’on leur annonce qu’ils ont prévu tout un tas d’activités (comme pour occuper les enfants en colonie, oui) avant le repas. Merde. Elle venait justement pour le repas, et surtout pour les macarons tant promis en dessert. Elle ne venait pas pour le plan de table qui l’avait mis à la table des vieux qui ne parlent que de chasse et de pêche, en tout cas. Ils ont dû l’oublier et la mettre là où il restait une place. Super. Magnifique soirée. A refaire, oui, c’est certain. A refaire quand ? Oh, jamais. ”Tout le monde forme un duo avec son ou sa partenaire !” C’est qu’ils ont engagé un animateur en plus. Tout comme en colonie, c’est génial. Si Charlie pouvait souffler encore plus fort dans sa paille, elle l’aurait fait, la joue écrasée par son poing pour ne pas finir par dormir à même la table. Même les enfants se trouvent tous un ami et elle refuse la main de trois vieux en âge d’être son grand père - le même qui est déjà décédé. Elle fera un duo avec elle même s’il le faut, mais certainement pas avec eux. De toute façon tous les couples finissent par se retrouver sur la piste de danse et les tables qui l’entourent sont toutes plus ou moins vides. Elles le sont toutes à vrai dire, sauf une où un homme est encore perché. A peine Charlie s’était-elle levée pour lui demander d’être son compagnon d’infortune qu’une autre femme la devance. Merde. Elle jure un instant et se retourne pour tomber nez à nez avec Tim. De toutes les choses les plus improbables de la soirée, rencontrer Tim ne faisait même pas parti de la liste. Depuis quand est ce qu’il va à des mariages ? Depuis quand est ce qu’ils ont des connaissances communes qui se marient ? Depuis quand il n’a pas trouvé une femme pour faire peu-importe-ce-que-l’animateur-a-prévu ? Depuis quand est ce qu’il est là, qu’elle ne l’a pas vu ? Tous ses sentiments s’emmêlent si rapidement quand il est là, même si elle met tous les efforts du monde pour devenir une adulte mature et tout le tralala qui va avec. Cela ne lui fera jamais oublier à quel point elle l’aime. Elle retourne s’asseoir sur le coup de l’émotion, le regard rivé sur les yeux bleus de son âme soeur alors qu’elle n’a aucune idée de quoi lui dire. Il n’est pas question de gêne cette fois ci, seulement d’une fille trop amoureuse qui a été prise de court. ”Tu ... veux être mon duo ? Enfin sinon on peut chacun prendre une chaise et tenter de leur faire croire que c’est un humain mais ils ont pas assez bu pour nous croire.” Sauf les chasseurs. Ils ont bien bu, ses chasseurs à elle. Au moins cette idée la fait sourire doucement, pour la première fois de la journée. ”T’es élégant. Ca te va bien.” Elle ne veut pas retomber dans ses faiblesses, mais les adultes ont toujours le droit de dire la vérité quand même, non ? ”Désolée, je … j’aurais jamais cru te voir ici.” Toujours aussi pataude dans ses mots, la Villanelle. Certaines choses ne changeront jamais. La gêne qu’elle génère en fait parti. Son amour pour Tim aussi.

Il n'avait rien à faire ici, Tim le savait fort bien. Pourtant, en tant que jardinier officiel de l'événement et surtout à la dernière minute, on l'avait forcé à venir au moins pour le bal. Timothy Decastel, à un mariage? On se croyait clairement dans un récit de science fiction. Il n'était jamais venu à ce genre d'événements de toute son existence, sûrement parce que son entourage était le plus triste du monde et les gens préféraient mourir plutôt que s'épouser. Il n'allait pas se sentir à sa place, c'était la seule pensée qu'il avait à l'heure actuelle et en se préparant, il se maudissait intérieurement d'avoir été le garçon gentil qui avait accepté l'invitation. Bon, d'accord, elle avait mis quelques roses sur une allée mais est-ce que cela méritait une reconnaissance éternelle? Pas aux yeux du soldat mais les gens étaient ce qu'ils étaient. Alors, il allait faire un effort, terminer de mettre cette chemise toute neuve et se rendre à la plus grosse fiesta de la décennie... Ironie, bien sûr. En vérité, Tim était pressé d'en finir pour pouvoir rentrer chez lui et se mettre sous la couette en attendant que Freya vienne l'y rejoindre. L'idée de se retrouver au milieu d'une foule à parler de tout un tas de banalités parce qu'il était de mise de faire connaissance avec son prochain dans ce genre de moments, tout cela l'effrayait au plus haut point. Tim avait eu beau être légèrement plus à l'aise en public ces dernières semaines, ce n'était pas pour autant qu'il était prêt à attraper le micro et faire du karaoké devant une foule d'inconnus. On ne lui demandait pas cela, certes, mais aux yeux du beau brun, c'était tout comme. Il ne connaissait de vue que les mariés et c'était évident qu'ils n'allaient pas s'intéresser à lui plus que cela, bien trop occupés par les festivités autour d'eux. Tim allait donc devoir trouver des distractions tout seul jusqu'à ce que l'heure soit suffisamment avancée pour qu'il puisse s'éclipser tranquillement. Déjà, il arriva en retard, au moment où la fête battait son plein et il paniquait déjà. Enfin, à l'intérieur parce que, en apparence, il avait l'air d'être un type lambda. Au moment où il entra dans la pièce, il vit des tas de couples se former, entendant au micro qu'il était temps de former des paires pour le reste de la soirée. On ne l'avait pas prévenu que c'était ainsi dans les mariages, il n'aurait vraiment pas dû venir parce que l'idée de se retrouver collé à une inconnue pour le reste de la soirée ne lui plaisait guère. Il respira un grand coup néanmoins et posa le pied à l'intérieur de la salle, se dirigeant vers les tables installées, espérant qu'on ne viendrait pas l'enquiquiner s'il se mettait plus vers l'extérieur, oui, prêt à s'enfuir. Il allait se diriger vers l'endroit parfait au moment où son regard croisa la silhouette d'une belle blonde et pas n'importe laquelle, il la connaissait par coeur et l'aurait reconnue entre mille. Charlie. A croire que le destin avait envie de s'amuser parce qu'il n'allait pas pouvoir l'éviter alors qu'il était debout et qu'elle était sur sa route. Le brun prit son courage à deux mains et s'approcha délicatement de la jeune femme. Elle tourna la tête vers lui et il vit le changement dans son regard, comme si l'amour y était toujours présent, comme si tout ce qu'ils avaient vécu n'avait entacher en rien ce qu'ils ressentaient l'un envers l'autre. Timothy se permit de sourire timidement en entendant sa remarque, peu assuré dans sa démarche à vrai dire. "Avec qui d'autre je pourrais former un duo, hein? Je me le demande bien, à part peut être le napperon sur la table là... Il y a plus que nous deux, ma sirène." Il avait les yeux rieurs, ce qui était une première depuis leur première nuit passée ensemble certainement. Tant de choses avaient changé depuis, ils avaient changé. "Pas autant que toi, mais merci. Moi non plus, je t'avoue. Tu connais les mariés? J'ai juste aidé à planter deux ou trois fleurs et ils m'ont forcé un peu la main pour que je vienne de mon côté. Comme tu t'en doutes, c'est pas trop mon délire tous ces gens." Là dessus, il restait constant, se murant dans le silence quelques secondes, quelque peu gêné en regardant autour de lui et constatant que tout le monde dansait. Ok, il était mal mais il tendit la main à Charlie. "Je crois qu'on est censés aller sur la piste alors... Tu m'accompagnes?" Il allait recommencer à être ridicule, mais retrouver Charlie avait l'air de calmer sa nervosité. Étonnant, non? Peut être pas tant que cela parce qu'elle restait la femme qui bouleversait toujours son être tout entier.

Il ne changera jamais. Toujours égal à lui même, à l’appeler par son surnom tellement souvent qu’on pourrait croire qu’il en a oublié son véritable prénom. Elle sait que ce n’est pas le cas et elle ne répond rien, se contente de sourire faiblement. Si elle avait su qu’il venait alors elle aurait sûrement fui, parce qu’être à ses côtés lui fait autant plaisir que ça la terrifie. Ils sont incapables de se retrouver sans que cela ne tourne au drame et elle n’a pas le droit de venir gâcher le mariage de son amie ni même d’effriter encore un peu plus la relation qu’elle a avec Tim. Il est le seul avec qui elle aurait pu former un duo ce soir, il a raison. Seulement triton et sirène pour un instant. ”Le napperon a vraiment un bon potentiel pour être le parfait binôme.” La blonde ajoute sans même regarder l’objet en question, bien trop concentrée sur son visage qui s’illumine pour la première fois depuis une éternité. Elle n’a jamais pu profiter de ces moments de joie avec lui et cette fois ci elle se jure de le faire, de mettre tous ses sentiments négatifs de côté et de seulement penser à lui. Il mérite de passer en premier, d’avoir ce même sourire sur son visage jusqu’à en avoir mal aux joues. ”Tes fleurs devaient être très jolies pour qu’ils t’invitent ce soir, alors.” Bien sûr qu’elles l’étaient, elle n’en doute pas une seule seconde. Il met toujours tout son coeur dans tout ce qu’il réalise et ce n’est vraiment pas quelque chose qu’elle pourrait lui reprocher, surtout quand ça leur permet de se retrouver contre toutes attentes. ”Je connais la mariée, j’ai accepté l’invitation il y a longtemps et … je serais pas venue non plus, si on m’en avait parlé récemment.” Pourtant ça a été le cas pour lui et il est là, face à elle, en costard et bien habillé pour l’occasion, ses yeux brillants sous les projecteurs. Il n’est définitivement plus le Tim qu’elle a connu avant un blockbuster. Il a bien changé, en quelques mois. Beaucoup évolué aussi et elle y est pour quelque chose, bien malgré elle.

La jeune femme garde un sourire constant, franc mais quelque peu gêné. Tout est bien pire quand ils n’ont rien à se dire et ça lui brise le coeur de savoir qu’ils en sont arrivés à avoir de sujets de conversation aussi futiles alors que même dans les toilettes leurs conversations étaient plus profondes. Son regard prend la même direction que celui de Tim, se pose sur tous ces couples qui ont suivi les mariés dans leur première danse. C’est gênant. Bon sang que c’est gênant. Ils vont devenir le +1 l’un de l’autre ? Il aurait sûrement préféré danser avec sa petite amie et elle, avec son ombre. Elle aurait pu tuer pour danser avec lui mais c’est lui même qui leur a dit qu’ils avaient besoin de grandir. Alors, est ce que ça fait parti du processus ? Parce que pour elle le moindre geste est une nouvelle mise à mort et à propos de tout ce “nous”, elle le laisse gérer. Il prend de bien meilleures décisions qu’elle, sûrement. C’est ce dont elle essaye de se convaincre, en tout cas.

Hochant doucement la tête, elle attrape la main de son partenaire d’un soir du bout des doigts avant de le suivre près de la foule. Au delà du simple aspect de la danse, elle ne le perd pas des yeux, incertaine qu’il se sente à l’aise au beau milieu d’inconnus. Bien sûr qu’il ne l’est pas. Bien sûr qu’il est la seule chose qui compte à ses yeux et qu’elle a appris à reconnaître les premiers signes de panique de sa parte. Malgré elle, encore une fois. Cette fois ci au moins elle a sa main dans la sienne et c’est un détail assez rare et important pour être notifié, parce que ce simple contact lui suffit à lui rendre le sourire pour un instant.
Ils finissent par se retrouver sur la piste de danse au milieu de tous ces couples d’inconnus et elle lâche sa main pour simplement venir passer ses bras autour de son cou. Ses mains se lient derrière sa nuque et ses yeux restent levés vers les siens. Toujours. ”Les seules références que j’ai proviennent des films, donc j’ai aucune idée de comment danser ces choses là.” La blonde murmure et finit par rigoler un instant. Ses éclats de rire laissent rapidement place à un sourire et elle bouge lentement sur le parquet, tentant au possible de n’écraser les pieds de personne et cela semble ô combien compliqué. ”On aura toujours la possibilité de terminer la soirée dans les toilettes. Des dragées, ça peut bien remplacer des MMs non ?” Au moins il n’aurait à craindre personne là bas, si ce n’est la blonde aka le pire de ses démons. Peu importe ce qu’il se passe ce soir, mais si tout pouvait rester figé dans le temps alors elle serait prête à tout.

En vue de leur dernière rencontre, Tim ne s'était pas attendu à une telle ambiance en la croisant au hasard à un triste mariage. Le jeune homme ne se sentait aucunement à sa place dans ce genre d'endroits et pourtant, il avait l'air d'être plus calme qu'à l'accoutumée, certainement aidé par la présence de la jolie blonde face à lui. Decastel savait à quel point Charlie comptait encore pour lui et cette place, elle l'aurait certainement toujours, quoiqu'il puisse faire pour se détacher d'elle. Elle avait tout changé pour lui, l'avait transformé en un homme nouveau, pas forcément meilleur en bien des points mais surtout, plus assuré dans ce qu'il pouvait être et dans les choix qu'il pouvait faire. Jusque là, il avait passé son temps à subir, à attendre que le destin se joue de lui et le mette dans une position d'infortune constante. Sa vie tournait autour de ce mauvais karma qu'il semblait se traîner comme la plaie alors qu'il avait montré ces derniers temps que ce pouvait être tout l'inverse s'il prenait les choses en main et se refusait de souffrir dans son coin. Ses résolutions payaient peu à peu, même si parfois, le garçon innocent qu'il était lui manquait beaucoup. Après tout, c'était ce garçon précisément qui avait tapé dans l'oeil de Villanelle, ce garçon qui avait réussi l'exploit de la faire tomber dans ses bras mais en aucun cas, il n'aurait pu la garder dans ce genre de conditions. Timothy en avait désormais la certitude car les femmes ne choisissaient jamais celui qui se laissait marcher dessus, qui acceptaient la fuite et le désespoir comme mode de vie. Elle voulait quelqu'un qui leur prouve constamment qu'on pouvait les aimer au delà de l'imaginable et ce n'était qu'à cette condition que Tim reviendrait vers elle. A l'heure actuelle, il appréciait simplement sa compagnie et les mots sympathiques qu'ils pouvaient avoir l'un envers l'autre même si le tout semblait manquer de profondeur, ce qui n'avait jamais été le cas entre eux jusque là. "Je savais que t'hésitais avec le napperon toi aussi, je l'ai lu dans ton regard." Comme s'il aurait pu avoir une préférence pour quelqu'un d'autre que Charlie au milieu de cette foule. Son regard ne s'était d'ailleurs posé que sur elle depuis son arrivée, ce qui était le signe clair que rien n'avait fondamentalement changé entre eux. "J'ai juste fait l'installation floral où ils se sont mariés mais c'était rien d'exceptionnel, le travail d'une petite semaine donc je comprends pas trop." Tim et son humilité, une constante également. Il n'était pas prêt de crier sur tous les toits qu'il avait des milliards de qualités et de talents, préférant se réserver pour des gestes plus que des mots. "Ça fait plaisir de te voir, en tout cas." Elle non plus n'avait pas voulu être ici mais le cours du destin avait décidé qu'ils devaient survivre à cette soiré ensemble, en s'élançant sur la piste de danse bondée. Un exercice qui aurait pu mettre mal à l'aise Timothy mais au bout de quelques secondes, il sentait ses muscles se relâcher, certainement parce que Charlie avait passé ses bras autour de sa nuque et qu'il pouvait la regarder avec le sourire. Comme avant, au moins le temps de quelques minutes, ignorer le reste du monde, être avec elle avant tout. "Je crois qu'on se débrouille assez pour pas qu'on nous remarque donc ça devrait aller... Des dragées? J'envisageais plus de voler le gâteau des mariés, histoire de marquer le coup, de monter en gamme après les M&M's." Il n'aurait pas dû être aussi insouciant en mentionnant des bribes de leur passé, un moment heureux, un des seuls qu'ils avaient eu la chance de partager. "Alors, tu deviens quoi depuis la dernière fois?" Il ne voulait mentionner que quelque chose de général, surtout ne pas laisser penser qu'il avait le bébé en tête, leur dispute ou bien Kane et Freya. Juste parler de Charlie et oublier l'univers.

Aux yeux de n’importe quelle autre personne présente dans cette salle, ils étaient en train d’avoir la conversation la plus ennuyante de l’histoire. Ils parlaient napperons et fleurs, qui est ce que ce genre de choses pourrait bien intéresser ? Mise à part eux deux, sûrement personne. Ce n’est même pas le sujet de discussion qui importe selon la blonde, tant qu’elle peut toujours le voir près d’elle, parler sans s’effondrer, et peut être même avec un sourire au coin des lèvres … C’est tout ce dont elle rêve dans ses plus beaux songes. S’ils doivent parler napperon pour qu’il laisse sous entendre qu’il est toujours capable de lire en sa blonde comme dans un livre ouvert, alors elle prend. Elle prend tout ce qui vient de lui, un geste tendre ou un sourire. Il aurait toutes les raisons du monde de la détester après tout ce qu’elle lui a fait endurer en à peine quelques mois et elle s’en veut terriblement de n’avoir fait qu’allonger cette horrible liste dernièrement. Ce soir au moins elle n’aggravera rien. Ils garderont un beau souvenir de ce mariage un peu bizarre, et même s’il s’effacera progressivement lorsqu’ils retourneront dans le lit de leur conjoint respectif cela n’importe pas. Il aura été vécu. C’est tout ce qui compte.

La blonde sourit quand il affirme avoir lu dans son regard et ajoute à cela un simple rire quand il lui avoue ne pas comprendre la raison de son invitation. Certaines choses sont immuables et son humilité en fait partie, et ça personne ne pourra jamais lui enlever. Charlie ne répond et se contente de ne pas lâcher ses yeux du regard, un fin sourire sur les lippes parce qu’elle n’a plus le droit d’être triste pour ce soir. Elle n’a pas le droit d’être triste quand Tim est près d’elle puisque ces moments sont tellement rares qu’elle doit tous les chérir, n’ayant aucune de savoir s’il y en aura un autre ensuite. “Ca fait plaisir de te voir aussi, Tim.” Qu’elle finit par répondre simplement pour ne pas avoir à lui répéter à nouveau ô combien elle l’aime. Cela ne servirait aucune cause si ce n’est celle consistant à leur briser le coeur. Leur temps n’est pas encore venu, voilà tout.

Leurs pas finissent par les guider au milieu de la foule et Charlie sait parfaitement que cet exercice est généralement très difficile pour son partenaire. Elle guette le moindre signe qui l’amènerait à proposer une pause, à feindre une douleur ou n’importe quelle envie de gâteau qui les aideraient à s’évader de cette foule. Il n’en est rien, pourtant. Il n’est plus le Tim qu’elle a rencontré et abandonné et elle ne sent aucun muscle se contracter ni dans son cou qu’elle entoure délicatement de ses mains. Ils sont seulement deux au milieu de cette piste de danse, le reste du monde a volé en poussières à la seconde où elle a croisé son regard. Ils n’ont pas intérêt à revenir, aucun d’eux.
Elle a une main posée dans a nuque et l’autre entre ses omoplates et pour absolument rien au monde elle ne désirerait d’être autre part en cet instant. Ils dansent lentement sans jamais se quitter des yeux et c’est peut être tout ce dont ils avaient besoin pour se comprendre à nouveau. Aucun mot et beaucoup d’amour. C’est ce qui les a toujours caractérisé depuis le début, mais ils n’ont pas su garder cette formule magique et le verre s’est brisé. Ils tentent de tout réparer avec des filaments d’or, mais personne n’oubliera qu’à un moment donné tout était en morceaux. Il en reste encore quelques uns de ci de là, et pas des moindres. “C’est vrai que leur gateau a l’air appétissant. Il faudrait qu’on court vite si on veut pouvoir le garder pour nous deux, par contre.” La blonde rigole après avoir jeté un regard à la pièce montée, sûrement presque aussi grande qu’elle. Est ce qu'ils auront le même gâteau à leur mariage ?
Son sourire devient un simple sourire de façade quand il lui demande de ses nouvelles “depuis la dernière fois”. Ladite dernière fois quand elle lui a fait une énième crise, un énième caprice, et que pour la première fois de sa vie il n’a pa cedé et l’a même repoussé. Ce même jour depuis lequel elle ne fait que jongler avec tristesse et tristesse, ayant entre temps rompu avec son petit ami avec qui elle entretient toujours une sorte de relation sans être capable de poser des mots dessus. Et au milieu de tout ça, cet enfant qui continue de grandir dans son ventre contre toutes attentes. “J’ai adopté un chiot au refuge.” La seule chose qu’elle trouve à lui dire, la seule qui n’implique pas directement Kane ou toutes les promesses d’un avenir avec le père de l’enfant à naître. “Il est mignon. J'ai pas d'autres nouveautés … Les anecdotes des clients au bar sont plus trépidantes que ma vie en ce moment, il n’y a même pas d’histoires d’installations florales au milieu de tout ça.” Non, elle ne lui dira pas qu’elle a rompu avec le pompier. Elle ne veut pas reprendre ce chemin là et en ressortir ensanglantée. Cela ne changerait rien, de toute façon. “Tu travailles dans les fleurs alors, maintenant ? Je savais que j’avais bien fait de te confier les miennes.” Qui sont mortes, depuis. Desséchées jusqu’à la racine. Plus aucun espoir de repousse. Cela n’empêche pas Charlie de lui sourire à nouveau, parce que lui au moins semble avoir trouvé sa voie et être heureux. “Et tu … d’autres nouveautés ?” On sait jamais. Peut être.

Ils ne pourraient jamais être des étrangers l'un pour l'autre, même si cette menace avait été réelle par le passé. Ils auraient beau tâcher par tous les moyens de blesser l'autre pour se sortir de cet amour enivrant, ils ne pourraient que mentir sur la portée de leurs mots. Tim, en tout cas, était bien incapable de faire disparaître Charlie de son coeur. Elle avait toujours eu une place prédominante parce qu'elle était la première qui avait osé le regarder autrement que comme le petit garçon perdu qui s'occupait d'un cimetière. Au contraire, elle avait vu en lui tout le potentiel qu'il pouvait avoir, tout l'amour qu'il avait au fond de lui et qu'il était prêt à offrir si on lui donnait une chance. Elle lui avait laissé cette opportunité mais peut être que l'intensité de tout cela l'avait effrayé, Timothy n'avait pas vécu les choses différemment. Il avait eu peur comme jamais quand elle était partie et il n'avait pas pu gérer ce rejet, pas plus qu'il n'arrivait à vivre sereinement sans elle. Il y avait toujours cette étincelle, même si les mots prononcés étaient d'une banalité sans nom, que rien ne semblait exister entre eux, aucun de leur coeur ne pouvait être dupe. Timothy et Charlie, c'était l'histoire de toute une vie, un déchirement constant pour ne pas avoir à succomber à un amour passionné et dont on ne se remettait jamais réellement. Ne pas être ensemble pour le moment semblait être la solution idéale pour ne pas subir autant de souffrance d'un coup, Decastel n'y était pas tout à fait préparé en tout cas, mais heureusement, cette soirée ne devrait pas leur rappeler la manière dont ils s'étaient parlés la dernière fois. Il s'agissait plutôt de se retrouver, d'être heureux de se revoir et cela se lisait sur les traits de Tim au moment où Charlie lui assura également le bonheur que ce pouvait être de l'avoir en face d'elle. Ils allaient pouvoir danser tous les deux, sans qu'il n'y ait de drames à signaler, juste deux coeurs qui se connectaient de nouveau. Alors, les mots ne comptaient pas tant que cela au bout de compte, tout se jouait dans l'intensité d'un regard, dans leur slow tendre et les sourires teintés d'affection. Tim se sentait bien pour le moment, à dire quelques bêtises avec sa jolie blonde et ne plus penser à rien, pas même à ce qu'ils allaient devenir maintenant que la jeune femme portait leur enfant. "On peut monter un plan ingénieux, je suis sûr... Vu notre importance dans l'événement, on peut se faire passer pour der serveurs et emporter la pièce montée ni vu ni connu. Bon par contre, pas sûr qu'on réussisse à manger tout ça, c'est une faille dans la stratégie." Tim les imaginait bien à jouer les agents de la CIA pour avoir un peu de gâteau dans les toilettes qu'ils avaient pris l'habitude de partager pour ne pas avoir à se retrouver entourés de centaines d'inconnus. De toute manière, Charlie savait que c'était un combat pour Timothy de supporter cette foule mais il tenait le coup, se montrait plus fort qu'auparavant car l'armée l'avait fait évoluer sur ce point, même si c'était loin d'être parfait à ce stade. Finalement, la conversation dériva vers les nouvelles à se donner, encore un point de discussion banal mais que dire d'autre? S'ils ne faisaient pas spécialement attention, ils partiraient vers des thèmes qui n'aideraient en rien les circonstances qu'ils devaient combattre pour le moment car ils n'étaient pas ensemble et leur vie respective ne se passait pas sur la même route. "Un chiot? Il s'appelle comment? Tu me le présenteras? Forcément, ça m'intéresse, je me rappelle encore de ce qu'on a dit dans les toilettes, c'est une sacrée étape le chien." Il lui fit un clin d'oeil, préférant mentionner ce moment heureux plutôt que tous ceux qui étaient arrivés après et qui les avaient séparés de manière tout à fait brutale. "Du coup, oui. J'essaye de créer des jardins avec mon temps libre là, de m'essayer à la créativité en plus de filer un petit coup de main au cimetière de temps en temps, mais rien de trépidant là non plus." Ils ne pouvaient pas parler de choses trépidantes, non, ou alors ils se blesseraient mutuellement et il en était hors de question. Pas ce soir. "Pas vraiment à part ça... Mais ça t'intéresserait un jardin à ton nom? Je veux dire, c'est juste un schéma pour le moment mais comme t'as parlé du chiot, j'ai aussi pensé au jardin et si je m'y mets, peut être que tu voudras y amener ton chien." Il lui souriait avec son air mignon, en continuant à danser avec elle, son corps plus détendu maintenant qu'il était uniquement concentré sur Charlie, oubliant le décor et les gens autour. Ils étaient de retour dans leurs rêves de gamin, dans leurs toilettes à se promettre des choses avec des M&M's mais ils avaient peut être besoin de cela, de fantasmer de leur avenir hypothétique. Sans penser à leur présent, loin d'être de leur côté.

Charlie a toujours eu beaucoup de mal à canaliser son trop plein d’énergie et danser calmement un slow. C’est simple, d’ailleurs : elle n’en a jamais dansé. Avec personne. Parce que personne n’aurait su canaliser son énergie alors que tout ce qu’elle aurait voulu aurait été de sauter sur place, lever les mains en l’air et crier plus fort que de raison. En temps normal il s’agit là de tout ce qu’elle désire, mais quand Tim est près d’elle il n’y a plus rien de normal. Il est son roc et même s’il s’est détaché de la falaise elle ne souhaite pas lui en tenir rigueur pour le moment, les conséquences se feront connaître plus tard. Pour le moment elle souhaite seulement profiter de ce moment alors qu’elle sent ses doigts glisser sur la peau du brun, chose rare. Elle se concentre sur son visage seul, en oublie le reste du monde alors qu’il rigole de leur futur plan de vol de gâteau de mariage. Ils ne feront jamais les choses à moitié, décidément, surtout par leurs incomparables plans sur la comète. ”Hey, ne sous estime pas mon appétit ; tu serais surpris.” Ne sous estime pas l’appétit d’une femme enceinte telle serait la variante possible de cette même phrase tout aussi réaliste et beaucoup plus crève coeur. Charlie repousse autant que possible le sujet du bébé, préférant largement se concentrer sur Tim.

Ainsi, le sujet du chiot arrive malencontreusement entre eux et elle s’en veut aussitôt, parce qu’avoir un chien était leur rêve à eux et pas à celui de Kane. Le pompier ne voulait même pas en entendre parler et c’est avec Tim qu’elle avait faire ce rêve, qu’elle avait rêvé d’eux dans un monde plus que parfait. Dans leur monde il y aurait eu le chiot, le bébé et la vie parfaite. Seul le bébé semble avoir daigné devenir réel et de tous les choix c’est bien le dernier qu’elle aurait priorisé. La vérité c’est qu’élever un enfant sans la personne qu’elle voudrait avoir à ses côtés … cela n’en vaut pas la peine. ”Le refuge lui avait donné le nom de Hope alors on a gardé ça.” Elle replace sa main près de son cou alors qu’elle commençait peu à peu à glisser mais ses yeux n’osent toujours pas quitter le bleu des siens. ”Bien sûr que je te le présenterai, tu n’auras pas d’autre choix que de craquer devant sa bouille.” La voilà qui esquive le sujet de leur plan, qui ne reprend pas sa remarque à propos de leurs plans pour le futur. Ils avaient prévu Hope et un bébé, mais certainement pas de cette manière là.

Le savoir se passionner pour de nouvelles choses fait sourire la blonde, elle est heureuse de savoir qu’il vit sa vie et qu’il l’apprécie. Il est doué de ses mains et a simplement besoin de s’en rendre compte. Elle le sait capable de merveilleuses choses. ”Moi je trouve ça plutôt trépidant au contraire. C’est bien que tu fasses ce qui te plaise, Tim.” Même si ça induit qu’il ne la choisisse pas et qu’il fasse sa vie avec une autre, oui. Il y a simplement une énorme dose de rancœur dans le coeur de la blonde. Elle rompt le contact visuel seulement quand il lui fait la proposition de jardin à son nom et elle souffle doucement. Bien sûr qu’elle aimerait qu’il pense à elle en faisant ses créations, mais ce ne serait pas sain. Peut être qu’elle finit par apprendre de ses erreurs et qu’elle devient peu à peu raisonnable, et bon sang que ça lui fait mal. Il a ce sourire si enfantin qui rend ses mots encore plus difficiles à prononcer. ”Tim … je suis certaine que ce jardin sera magnifique, et j’irai y promener le chien mais … tu sais que tu ne peux pas lui donner mon nom. Ca n’aiderait personne.” Elle pense à sa petite amie qu’elle déteste mais qui reste un être humain. Il a beau lui dire qu’il l’aime, elle sait qu’elle n’est que temporaire. Elle le sera peut être pour plusieurs années, mais le résultat reste toujours le même. Elle finira par repartir. Comme Kane. Ils ne sont que de passage dans le coeur, dans leur lit. Cela n’aura jamais la même intensité que leur relation à eux deux. Charlie finit par laisser sa tête tomber doucement sur sa clavicule et elle resserre encore un peu plus son bras autour de son cou. ”Désolée de tout gâcher, c’est juste que … c’est encore trop difficile pour le moment.” Au moins il ne pourra pas lui reprocher son manque de franchise. Même si ça fait encore plus mal de dire la vérité, en réalité.

Cela n'aurait jamais dû se passer ainsi, pas entre eux deux. Pas quand deux personnes s'aimaient autant. Le destin avait été cruel avec leurs sentiments respectifs mais les deux protagonistes avaient fait leurs choix, même s'ils n'avaient pas été très bons au bout du compte. Tim aimait croire que c'était pour le mieux mais bien sûr, il en doutait encore, surtout quand elle était là, à danser avec lui. Dans ce genre d'instants, le jeune soldat regrettait amèrement de ne pas être retourné vers elle parce que c'était de Charlie dont on parlait, la même Charlie avec qui il avait vécu toute ses premières fois et la même femme avec qui il serait toujours persuadé de vivre toutes ses dernières. Alors, leur situation n'avait aucun sens quand on savait tout cela parce qu'ils auraient dû être ensemble plutôt que de donner leur coeur à d'autres personnes qui seraient fatalement des dommages collatéraux dans leur petit univers loin d'être parfait. Decastel essayait de ne penser à rien à l'heure actuelle, s'amusant du peu qu'ils pouvaient encore partager parce qu'ils étaient tous les deux dans la retenue, rien d'étonnant après tout ce qui avait pu se passer la dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés. L'ambiance était plus légère et Tim ne pouvait que rire en hochant la tête parce qu'il savait tout cela, l'appétit que pouvait avoir la belle blonde parfois et le tout devait certainement être plus intense qu'elle mangeait pour deux. Ce n'était pas l'heure pour le mentionner pourtant et Decastel se tut, sachant fort bien qu'ils n'avaient pas besoin d'un énième rappel sur les décisions qu'ils avaient prises récemment. Il suffisait juste de se laisser porter par l'instant, sans imaginer ce à quoi ressemblerait le lendemain, même si Timothy se doutait qu'il ne serait pas aussi clément. Au moins, la nouvelle de l'adoption d'un chiot par Villanelle permettait de retarder l'échéance et ce fut avec des yeux rieurs que le soldat put accueillir ces quelques mots. "J'ai aucun doute à ce propos, tu sais à quel point j'aime les animaux. Bon, pas autant que les requins marteaux mais on fait avec ce qu'il y a de disponible." Comme cela, il pouvait lui sous entendre que Nemo allait bien et qu'il en prenait soin, même si Charlie ne lui avait rien demandé. Peut être même qu'elle ne voulait pas le savoir puisqu'ils semblaient ne plus rien avoir en commun, ne plus rien avoir à partager maintenant qu'ils vivaient deux vies distinctes mais Tim avait encore du mal à s'y faire, comme s'il n'assumait pas tout à fait cette affaire. "Je sais pas vraiment ce qui me plait..." Non, il ne savait rien parce qu'il s'était engagé et qu'il avait quitté Charlie. Est-ce que la vie avait un sens? Peut être pas maintenant que la jeune femme coupait court à son entrain pour lui rappeler qu'il n'avait pas le droit de parler, juste de se taire et d'arrêter de faire couler cet espoir qu'ils se retrouveraient un jour. Il en eut mal au coeur mais il hocha de nouveau la tête, comprenant ce qu'elle voulait dire par là, bien sûr. "Est-ce que tu veux que je parte pour te rendre les choses plus faciles? Je ferais ce que tu voudras, Charlie." Il s'était retenu de dire ma sirène, relâchant le corps de la jolie blonde, restant idiot au milieu de la piste de danse, de nouveau dans la peau de ce garçon timide et désespérant mais il n'avait aucune idée de ce que désirait Charlie. Le quitter sûrement et il la comprenait. Il aurait fait pareil qu'elle, il se serait haï pour tout ce qui s'était passé et intérieurement, il le faisait sûrement déjà, de toute manière.

Bien sûr qu’elle sait à quel point il aime les animaux. Elle sait ça et un demi million de choses sur lui, parce qu’elle le connaît par coeur et la réciproque est toute aussi vraie. Ils se connaissent trop pour être incapables de s’aimer et ils s’aiment trop pour être ensemble, tel est leur paradoxe à eux. Ils doivent désormais se contenter de vivre ces moments hors du temps tant qu’ils le peuvent parce que la réalité saura les rappeler rapidement à eux. Il retournera à sa belle vie de petit ami énamouré et elle à la même chose au féminin. Ils sont deux lignes de vie qui évoluent en même temps mais à des endroits bien différents. Au moins il la fait rigoler alors qu’il évoque leur fameux requin marteau, une référence qu’eux deux pourraient être capable de comprendre. Une pierre de leur monde à eux, un simple grain de sable sur la plage qui revête pourtant tant d’importance à ses yeux. Et à ceux de Tim, aussi. Toujours. Il lui prouve ne pas l’avoir oublié et ça lui réchauffe le coeur, ce même organe vital criblé de balles. Au moins peut-elle continuer à paraître insouciante pour quelques temps encore, laisser glisser ses doigts sur la peau si fine de sa nuque et faire comme si de rien n’était. Si seulement elle n’avait pas été aussi égoïste, elle aurait pu être celle qui rentrait avec lui ce soir pour partager une même et unique chambre, une peluche au milieu.
Seulement voilà. Charlie reste elle même, jeune femme vouée à toujours rompre ces moments de joie à la moindre occasion, sans même le vouloir. Alors que Tim fait un pas vers elle, elle se souvient encore des horribles mots qu’il a eu à on égard et oublie tous ceux d’amour. Elle opte pour la solution de repli sans avoir pris en considération toutes ses possibilités et fait donc deux pas en arrière à son tour. Deux pas, et coup de poignard. C’est devenu presque habituel entre eux, maintenant. Ils sont deux être voués à se faire du mal jusqu’à la fin des temps et il serait bien difficile d’affirmer le contraire désormais. Comme rien n’est jamais facile entre eux, elle ne peut cependant pas le laisser partir alors qu’il est si proche d’elle. ”Non Tim, je ne veux pas … C’est pas ce que je veux.” Elle le laisse se détacher à contre coeur, les yeux suppliants. Non. Pas déjà. Ils ne peuvent pas déjà se quitter à nouveau alors qu’ils n’ont aucune idée de quand est ce qu’ils se reverront, si jamais ils se revoient un jour. ”Je veux qu’on danse. S’il te plait. Juste tous les deux. Juste danser.” Ces juste qui signifient pourtant tant de choses. Juste une danse pour réparer son coeur ; quelques minutes encore qu’elle continuera de garder dans son esprit pour les mois à venir et encore plus ensuite. Elle vient replacer une de ses mains au dessus de sa hanche et replace sa propre main derrière sa nuque, comme avant. Dansez, dansons. Danse, Tim, oublie avec elle. Laisse des ailes te pousser dans le dos pendant quelques minutes encore, et oublie. Rapidement elle finit par passer ses deux mains derrière la nuque du brun et se coller à lui pour danser encore un peu plus près de lui. Juste une danse. ”On pourra continuer à se voir ? En tant qu’amis ? Allez boire des cafés ensemble, ou faire des trucs comme ça … Je sais pas trop comment faire ça mais je veux pas que tu partes parce que ça arrangerait rien, Tim.” Elle murmure proche de son oreille alors qu’elle se colle encore un peu plus à lui pour un ultime slow. ”Mais tu veux quoi, toi ?” Cette question qu’elle n’a jamais jugé bon de lui poser et qui est pourtant vitale à l’existence d’un eux, d’un nous.

Ils se retrouvaient à nouveau dans une situation délicate, à croire que c'était ce qui était écrit pour eux. Charlie et Tim, les deux désespérés, incapables de s'aimer sans se faire du mal. On pourrait certainement en faire un film, voire une saga puisque leur réunion ne se passait jamais comme prévu. Cela dit, Decastel n'avait pas vraiment envisagé de croiser la route de la belle Villanelle ce soir là. Il était venu à ce bal pour faire plaisir aux mariés, pour leur signifier qu'il avait été heureux de leur filer un coup de main pour préparer leur grand jour. Rien n'était écrit que la jolie blonde allait se retrouver à une table toute seule au moment où des duos se formaient pour la soirée. Non, se retrouver sur cette piste de danse, collés l'un à l'autre pour un slow n'avait pas été anticipé de la part du soldat et ce n'était pas pour autant aussi gênant qu'il l'aurait cru. Il tâchait d'oublier tout ce qui s'était passé entre eux la dernière fois, pour se concentrer uniquement sur les sensations qui l'étreignaient quand Charlie était proche de lui. C'était aussi beau et intense qu'au premier jour, même si c'était également diablement interdit puisqu'ils avaient chacun fait leur vie, l'un sans l'autre, même si tout cela semblait surréaliste en vue des sentiments qu'ils partageaient depuis leur première rencontre. Forcément, il fallait que tout cela dérape à un moment donné, puisque la quiétude, ce n'était pas Charlie et Timothy. C'était intense, toujours, dangereux, constamment et douloureux, surtout cela, oui. Alors, le jeune homme s'était détaché d'elle, ne sachant pas trop où se mettre au moment où elle lui avait laissé entendre qu'il ne pouvait pas prononcer de genre de discours, pas alors que leurs vies n'étaient plus liées par autre chose que par l'enfant qu'elle portait dans son ventre. Tim avait mal d'y repenser, il avait mal d'être là et de ressentir tout cela alors que le bonheur était partout autour d'eux et que tout semblait si bien aller dans leur vie respective. C'était sa faute tout cela, Decastel en avait conscience et il continuait à lui faire du mal, quel monstre il pouvait être parfois. Pourtant, il sentit Charlie se rapprocher de lui à nouveau pour le supplier de continuer à danser, de ne faire rien d'autre que cela, ses bras passant de nouveau autour de sa nuque, leurs corps plus collés que jamais. Tim put respirer à nouveau en passant délicatement ses mains dans son dos. Il aurait pu pleurer là, tout de suite, parce que tout cela était dur à vivre, même pour lui, le décisionnaire de toute cette mascarade. "D'accord, juste danser. Parfait." Il ne la regardait pas, sa tête dans son cou, humant ce parfum qu'il chérissait tant depuis leur premier baiser et il savait que tout cela lui manquerait toujours. Leur proximité. Leurs rêves partagés. Les rires, les pleurs, le réconfort, le sexe et l'amour. Tout ce qu'ils étaient l'un pour l'autre et qu'on ne pouvait pas effacer d'un revers de la main. Jamais. "C'est tout ce que je veux aussi. Qu'on arrête de se déchirer et qu'on puisse se parler comme au début, rire et pleurer ensemble, être juste présent l'un pour l'autre sans se faire du mal. Tu crois qu'on peut faire ça? Je ferais tout pour qu'on en arrive là, en tout cas parce que toi et moi, ça a démarré de ça et c'est ce qu'on est capable de faire bien, ensemble." Tout le reste avait mal tourné mais les prémisses de leur relation avaient été de cet ordre là, eux deux à se réconforter, être là quand l'autre en avait besoin, ne pas juger, jamais. Tim se détacha de son cou légèrement pour la regarder en souriant. Ils allaient peut être pouvoir retrouver tout cela, se comporter comme des adultes, enfin. "Et Nemo adore les cafés, donc ça tombe bien, non? Promis, je te ferai plus de mal comme ça." Je t'aime trop pour ça. Bien sûr, mais il ne le dirait pas, lui faisant un clin d'oeil avant de la faire tournoyer, un sourire éclatant aux lèvres et ses yeux bleutés brillants d'une nouvelle lueur... L'espoir était là.

Ils seront à jamais incapables de juste danser pourtant c’est ce que disent leurs mots et c’est ce que leurs coeurs essayent de croire aussi. Il est bien stupide que de croire une chose pareille, que de les penser capable de prendre autant de recul à propos de leur relation et faire comme s’il n’y avait jamais rien existé entre eux. Ah, ah. Tim a su le faire à un moment donné mais Charlie n’en sera jamais capable. Elle est peut être la plus expérimentée des deux mais elle est aussi la plus jeune, celle qui fonce toujours tête baissée sans jamais prendre garde aux conséquences qu’auront chacune de ses moindres actions. Pour le moment elle continue de resserrer encore un peu plus son étreinte sans ne rien attendre en retour, espoir stupide. Le nez de Tim se frotte doucement contre sa peau et elle est parcourue de frissons, parce qu’ils en sont à ce stade où ils doivent se contenter d’un rien à défaut d’avoir tout gâché quand ils avaient accès au “tout”. Même si en réalité c’est elle qui avait tout gâché, par ses mots trop durs et trop hâtés. Qu’aurait-elle fait si c’est Sky qui lui avait dit de telles choses, des années auparavant, alors qu’elles venaient de se découvrir pour la première fois ? ”Je ne sais pas ce qu’on peut faire ou non, Tim. Je ne sais plus.” Elle souffle à peine, las de tout ça. Ils se sont crus capable des plus belles choses et le retour à la réalité n’en aura été que plus douloureux. S’ils ne se croient capable de rien alors ils ne pourront qu’avoir de bonnes surprises, hein ? A défaut de vivre dans un monde qu’ils apprécient, ils pourront au moins se reposer sur l’espoir d’un avenir meilleur. Comme s’ils n’avaient jamais été capable de se contenter d’espoirs. De se contenter de quoi que ce soit, d’ailleurs. ”Mais je veux qu’on essaye au moins. On a fait cet enfant tous les deux, ça veut dire qu’on peut faire de belles choses parfois. Pas juste … tout le reste.” Cet enfant n’est pas encore né mais il sera assurément la plus merveilleuse chose jamais créée sur cette Terre et voilà au moins un sujet sur lequel ils s’accorderont sans problème. La jeune femme profite des dernières secondes d’étreintes qu’il lui reste pour s’arrêter de danser un instant et simplement serrer encore un peu plus ses mains autour de son cou. Elle aimerait ne jamais le laisser s’envoler à nouveau et rester dans cette même position pour les cent ans à venir. Eux deux ou eux trois, peu importe, tant que Tim est là elle sera comblée. Tim reviendra à un moment. Il lui a promis. Il ne ment jamais. Viendra un moment où ils se retrouveront, un moment où elle aura le droit d’être heureuse à nouveau parce qu’elle pourra se réveiller auprès de son brun préféré.
Charlie accepte de se détacher de lui quand il le fait en même temps mais sa main reste posée sur son omoplate pour qu’ils recommencent à danser au rythme de la musique. Elle n’a d’autres choix que de répondre à son sourire par un autre sourire, parce que ce genre de chose est communicative. Parce qu’elle l’aime bien trop pour ne pas sourire en sa présence. Elle l’aime comme une folle, comme une conne. Elle sourit niaisement à l’évocation de Nemo, de leur petit jardin secret à eux, mais se met subitement à mordre sa lèvre inférieure quand la suite de la phrase se fait entendre. Promis, je te ferai plus de mal comme ça. Elle est émotive et à fleur de peau et il fait de bien trop belles promesses pour qu’elle puisse désormais en croire un traître mot. Le pire a déjà été fait, de toute façon. Elle lui a dit, elle a prévenu, elle a hurlé, elle a prévenue à nouveau et elle a pleuré des torrents de larme. Il a fait son choix et bien qu’elle soit loin de le respecter, elle ne peut que l’accepter maintenant. Elle lui avait fait bien trop de mal pour rester impunie, de toute façon. Ses actions ne pouvaient pas éternellement rester sans conséquences. Sa main se pose sur le coeur de son compagnon et elle baisse les yeux un instant, parle dans un simple souffle. ”T’en sais rien, Tim. Me promets pas ça s’il te plaît, tu ne sais pas ce qu’il va se passer.” Elle en a simplement marre de se raccrocher à des rêves impossibles parce que quand elle se rend compte de leur nature, ça lui faire encore plus de mal. Elle en a marre, d’avoir mal.

Il la fait tournoyer une dernière fois sur le parquet de danse et la jeune femme se met à rire et sourire innocemment, comme si elle venait déjà d’oublier leur douloureuse discussion. Comme si cette même discussion n’avait jamais existé. La jeune femme ne quitte pas sa main du bout de ses doigts et commence déjà à l’entraîner vers les tables, fatiguée. Peut être à cause du bébé, peut être à cause du trop plein d’émotions. Toutes les raisons semblent se valoir désormais et elle n’en donne finalement aucune à Tim, les entraînant tous deux vers la table déserte des enfants. Parce que les enfants à un mariage, ça court de partout. Ça ne reste pas sagement assis à une même et unique table pendant des heures, ce qui leur laisse ce gâteau fait de bonbons rien que pour eux deux. Charlie n’a de toute façon pas le droit aux crustacés et c’est ce qui remplit l’entrée de ce soir, alors l’excuse est toute trouvée. Déroulant une langue de chat autour du dôme, elle s’amuse à en croquer un coin avant d’en proposer l’autre à Tim, le sucre lui collant aux doigts. ”On a jamais parlé de nos bonbons préféré, et je trouve que c’est une honte. Tu mangeais quoi quand t’étais petit ?” Son sourire s’est agrandit à nouveau et elle redevient l’innocence incarnée avant que leur prochaine bourde n’arrive.

Ils s'étaient perdus en chemin mais c'était une déviation inévitable. Charlie et Tim n'auraient jamais pu rester aussi innocents qu'au premier jour, à se regarder dans le blanc des yeux, se murmurer des promesses stériles sur un avenir des plus incertains. Mûrir était dans l'ordre des choses et dans le cas de Decastel, c'était même devenu une nécessité. Il était hors de question qu'il reste aussi naïf qu'il l'avait été, pas à l'aube de ses trente trois ans car il y avait bien trop de choses en jeu. Leur avenir, en premier lieu. Pas juste celui de Charlie ou celui de Tim, mais leur futur commun parce qu'il y en avait bel et bien un, même si leur présent ne semblait pas l'indiquer aussi clairement. Timothy n'était pas de ceux qui abandonnaient des rêves avec facilité et celui de vivre une vie sereine et idéale aux côtés de sa sirène restait le fantasme le plus vivace dans son esprit. Bien sûr, il essayait avant tout de le faire taire parce que ce n'était pas le moment de voir aussi loin, pas quand leur existence était sans dessus dessous, qu'ils ne partageaient plus rien sauf d'interminables disputes qui n'arrangeaient en rien leur situation. Ils allaient avoir un enfant et certes, ils n'étaient pas ensemble mais cela ne voulait pas dire qu'ils ne pouvaient pas avoir la moindre relation alors, cette histoire d'amitié semblait être l'alternative parfaite aux yeux du brun. Tim se doutait que ce n'était pas si facile que cela en avait l'air parce qu'être ami avec une personne qu'on aimait ne donnait jamais rien de bon sur la durée mais c'était mieux que rien. Mieux que de ne plus avoir la blonde dans sa vie. La faire tournoyer entre ses bras, la voir rire ou simplement sourire, se mettre à rêver en harmonie avec ses beaux yeux bleus. Timothy voulait obtenir encore ce droit là, à défaut du reste, de tout ce que Kane devait vivre avec elle à sa place et il ne devait pas être jaloux. Il ne le pouvait plus, de toute manière. "Je sais pas vraiment, non plus... Je le crois aussi, qu'on peut faire ça. Je veux pas que tu quittes ma vie de toute façon alors... Faisons ça. Essayons ça." Oui, essayer parce que faire, c'était peut être un peu trop ambitieux pour le moment. La preuve, Tim mit à peine trente secondes à foutre en l'air l'ambiance plus apaisée de la conversation avec ses promesses en l'air. Il devait se taire, ne plus rien dire, ne plus parler de tout cela, des occasions manquées, de tout ce qu'il voulait faire de meilleur pour pouvoir obtenir un avenir en compagnie de Villanelle. Alors, il hocha tout simplement la tête, se taisant par obligation. La danse se termina à cet instant précis et Charlie l'entraîna vers la table des enfants, un endroit qu'ils allaient sûrement voir autrement d'ici quelques mois, quand leur bambin aurait poussé son premier cri dans ce nouvel univers. Pour l'instant, il n'était pas question de voir dans le futur, juste de s'asseoir à côté de Charlie alors que le reste de l'assemblée prenait place autour des tables d'adultes responsables pour picorer un véritable repas. Eux allaient consommer des bonbons, une tradition qu'ils avaient mis en place, lors de leur rencontre et qui tenait le coup, malgré leur connexion chancelante depuis. Si je dis les M&M's, c'est cliché ou pas? Après, je peux pas te dire que j'en mangeais beaucoup, c'était pas trop le genre de ma mère de nous acheter ce genre de trucs. Et toi, t'étais comment quand t'étais petite?" Il avait pu voir quelques photos d'elle adolescente mais Tim n'avait finalement pas tellement creusé l'affaire. Le jeune soldat savoura donc sa sucrerie en lançant un sourire en direction de la blonde à ses côtés, la mère de son futur enfant et peut être que tout irait bien, en fin de compte. Peut être qu'ils allaient dans la bonne direction, ensemble.

Faisons ça. Essayons ça. Ce sont peut être les mots les plus censés qu’ils se soient échangés depuis bien longtemps. Il y en a eu, des mots passionnés, ça oui, mais ils ont tous fini par se retourner contre eux pour leur faire mal plus que de raison. Il en a été de même avec tous ces mots haineux qu’ils ne pensaient pas tant que ça, au fond. Elle aimerait se promettre qu’il ne sera plus question de ce genre de blessures entre eux à partir de maintenant mais ce serait bien mal la connaître. Dès qu’elle voit une fissure elle ne peut faire autre chose que s’engouffrer dedans et y faire son chemin à l’intérieur. Et Tim n’arrive jamais à rien lui cacher alors ainsi recommence leur cycle, encore et encore. Un instant de joie, un long moment de malheur. Et ça recommence sans jamais s’arrêter. Peut être au moins que dans le monde des enfants, à leur table, les soucis n’oseront pas s’y inviter. Sa vie ne se fonde que sur de maigres espoirs, désormais.

La jeune femme essaye de se contenter de vivre le moment présent sans penser au passé et encore moins au futur. Ils sont seulement deux amis rétrogradés au rang d’enfant lors d’une soirée et cela leur convient parfaitement. Ils s’amusent de tout et surtout de rien et le simple fait de donner à manger une langue de chat à Tim remplit le cœur de Charlie de joie. Son sourire simple mais bien présent se fait rapidement entendre. ”Les M&Ms seront toujours une bonne réponse.” Elle répond, assurée, certaine de cette phrase qui ne veut rien dire pour qui que ce soit d’autre qu’eux deux. Ces bonbons seront toujours la réponse à tous leurs problèmes, quoi qu’il advienne. Ils en reviennent à ça encore aujourd’hui, c’est pour dire qu’ils ont pris une importance capitale dans leur vie. Ses yeux énamourés se perdent un instant sur le sourire de Tim, en analysent chaque centimètre, se remémorent de chaque millimètre. Ce genre de moment est devenu si rare entre eux.
Peut être qu’elle est celle qui le fait sourire, maintenant. C’est même certain.
Les longs doigts de la jeune femme s’activent à décrocher tous les bonbons composant ce gâteau artificiel et elle les regroupe par catégorie dans différentes assiettes en plastique. ”On ne me donnait pas vraiment de sucreries non plus, sûrement parce que j’étais déjà assez hyperactive sans.” Pas hyperactive hyperactive, mais elle courait assez de long en large dans la maison pour rendre folle sa mère. Les sucres ont donc rapidement été proscrits pour elle et désormais elle sait apprécier les plaisirs de la vie d’adulte consistant, entre autre, à pouvoir manger tous les bonbons qu’elle désire. Charlie est heureuse de partager quelques moments de sa vie et de son enfance avec Tim. Ils ont ce don particulier de tout faire dans le mauvais ordre mais au moins prennent-ils le temps d’en apprendre plus sur l’autre maintenant. Elle a cependant eu le temps d’apprendre à propos du passé difficile du brun et c’est la raison pour laquelle elle préfère éviter les questions à propos de leur enfance, de peur de lui faire encore plus de mal que déjà fait. Ressasser le passé est parfois autant difficile que de penser à un futur impossible. Ils sont encerclés de toute part et elle n’est pas la meilleure pour trouver des esquives. ”Tu pensais que t’aurais un enfant ? Avant tout ça, tu pensais à avoir des enfants ?” Elle est ô combien maladroite mais pourtant, à sa façon, elle tente de choisir les bons mots et elle lui épargne le “fonder une famille”. Puisqu’il n’y aura pas de famille, apparemment. C’est lui qui l’a dit. Elle se contente de subir désormais.

La timidité de Tim revenait au galop dans ce genre de contextes. En effet, comment se comporter quand on avait tout vécu avec une personne? Quand on l'avait aimée, chérie, adulée? Maintenant, que pouvaient-ils représenter l'un pour l'autre? Le flou était total et Decastel n'avait jamais été très doué pour nager dans les incertitudes. Il pouvait juste faire semblant de tout maîtriser, une tâche des plus ardues puisqu'on lisait en lui comme dans un livre ouvert en règle générale. Charlie était une experte en la matière étant donné qu'elle le connaissait bien mieux que la plupart des gens: elle devait se douter qu'il ne savait pas vraiment sur quel pied danser et comment se comporter pour ne pas lui faire plus de mal et surtout, ne pas remuer le couteau dans la plaie. Cette situation, après tout, c'était le soldat qui l'avait choisie parce qu'il aurait très bien pu tout jeter et sauter sur l'occasion de faire perdurer cette relation exceptionnelle aux côtés de la belle blonde mais en son for intérieur, il avait simplement senti que ce n'était pas une solution adaptée à l'heure actuelle. Tout ce que les deux jeunes gens savaient faire depuis qu'ils se connaissaient consistait à se blesser l'un et l'autre, se venger dans le vouloir vraiment, se rendre fou de l'autre mais plus apte à gérer ses propres émotions. Tim n'était pas encore prêt à gérer tout ce que cela impliquait car il était encore un homme bien fragile, en pleine construction même et pour aboutir à la meilleure version de lui même, il avait besoin de prendre conscience de ce qu'il était capable d'accomplir loin de Charlie. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'il était en mesure de l'oublier, de l'effacer totalement de sa vie, c'était même plutôt l'inverse. Tim voulait continuer à avoir cette chance de la côtoyer, mais pas comme il l'avait fait jusqu'ici, soit dans le surplus de passion soit dans la haine d'un choix non partagé. Il voulait une relation saine, s'amuser avec elle, pouvoir rire et pleurer sans que la cause ne fut leurs sentiments l'un envers l'autre. Oui, Timothy voulait être un soutien pour la mère de son enfant et il espérait qu'elle voudrait obtenir le même rôle envers lui. Ils étaient bien partis pour en tout cas comme ils se retrouvaient à la table des enfants à manger des bonbons. Pour une heure encore, ils pouvaient retourner en arrière, revivre leur enfance, même si, dans le cas de Tim, il n'y avait pas vraiment de nostalgie concernant cette époque. Au contraire, il était parfaitement heureux d'arriver à la vie d'adulte, loin des douleurs perpétrées par ses deux géniteurs. Désormais, il n'y pensait plus, pas en cet instant alors qu'il faisait un clin d'oeil à Charlie pour cette histoire de M&M's. Il y avait beaucoup de signes relatifs au lien qu'ils partageaient et cette friandise en faisait partie. "Toi, hyperactive? Je veux voir une vidéo de bébé Charlie qui court partout, pour la science bien sûr." Il lui souriait, incapable de se rappeler lui-même à quoi il pouvait ressembler quand il était môme. Tim n'avait pas le droit de faire grand chose de toute manière, si on excluait de s'enfermer dans les placards pour s'éviter des moments gênants en compagnie de sa mère, occupée à lui faire des couettes et autre coiffures loin de plaire au petit garçon qu'il était. Clairement, le jeune Decastel n'aurait jamais pensé en arriver là bien des décennies plus tard, il n'était rien à cette époque et il n'avait pas eu le temps de rêver énormément alors, la réponse à la question de Villanelle était toute trouvée. "C'est peut être le dernier truc auquel je m'attendais, pour être honnête. Avec mon histoire familiale, c'est pas très étonnant sûrement et puis, tu m'as connu avant... Je veux dire, faire un enfant avec un gardien de cimetière qui rougit à la moindre phrase qu'on lui dit? Il fallait quelqu'un d'exceptionnel pour sauver ce gars là de sa solitude." Elle était cette personne là, celle qui avait tout changé chez lui: son mode de vie, son attitude, ses sentiments et Tim ne pourrait jamais la remercier pour cela. "D'ailleurs, je voulais te demander un truc, t'es pas obligée de me répondre parce que bon... Tu crois que je vais gérer dans le rôle de père? Je veux dire, t'as vu le mien? J'ai pas envie d'être comme lui et ça me fait flipper de pas être à la hauteur pour toi et le bébé." Il était si honnête et si sensible, c'en était presque trop déstabilisant parfois. Tim était entier, tout simplement et se confier à Charlie était tout naturel pour lui. Ce le serait toujours.

Les M&Ms deviennent leur fil rouge et elle accueille le clin d’oeil du brin dans un sourire. D’un point de vue extérieur, ils ont tout l’air de jeunes adultes flirtant ensemble pour la première fois, souriant à la moindre occasion et se lançant des regards énamourés à la moindre occasion. Ce sera toujours eux, tout ça, quoi qu’il arrive. Quoi qu’il se passe ils ne pourront jamais oublier tout ce qu’ils ont vécu ni même nier tout ce qu’ils vont vivre dans quelques mois à peine. ”Pour la science. Tu veux savoir ce à quoi notre enfant a 50% de chances de ressembler ?” Elle répète, questionne dans un sourire qui cache son rire. La vérité c’est qu’elle n’a aucune idée de ce à quoi pourrait ressembler leur enfant, la seule certitude restant qu’il aura les yeux bleus. Aura-t-il la sagesse de son père ou la fougue de sa mère ? Il préférera le bleu ou le rouge ? Voler ou nager ? Elle a beaucoup trop de questions et aucune réponse, malheureusement.

Elle l’observe hésiter, se reprendre, baisser les yeux. Pendant un instant elle arrête de jouer avec les friandises, bloque son regard sur lui, se pare à toutes éventualités allant du mal au pire. Finalement il se confesse à elle et elle accueille ses paroles dans un léger souffle rassuré. ”Il y avait seulement besoin de te voir. T’es sorti de l’ombre un instant et ça a suffit. J’ai rien d’exceptionnel … et maintenant au moins tu sais que tu ne seras plus jamais seul.” Qu’il soit avec Charlie ou avec une autre, peu importe. Elle sait au moins que désormais il aura toujours quelqu’un pour le rattraper s’il chute à nouveau et c’est le principal. Même s’il n’y a plus de raison qu’il tombe, maintenant qu’il a coupé tout lien avec sa mère et que Charlie lui a déjà dit le pire. Il ne lui reste que sa vie à vivre, à savourer, à aimer dans chacun de ses aspects et il mérite chaque instant de bonheur.

Ses questions ajoutent une tristesse infini dans le coeur de Charlie, elle s’en veut de ne jamais avoir été capable de lui dire à quel point il est un homme extraordinaire et qu’il sera un meilleure père encore. Si elle l’avait fait alors il ne serait pas en train de lui demander s’il ferait un bon père. La jeune femme n’a aucun doute à ce sujet et elle n’en aura jamais non plus. Mille et une choses l’inquiètent, mais la capacité de Tim à être un bon père ne s’ajoutera jamais à la liste. ”T’es à la hauteur, Tim. T’es déjà à la hauteur. Tu le seras toujours plus tard. T’as déjà fait beaucoup alors qu’il n’est même pas né. T’aurais pu t’enfuir mille fois et je ne t’en aurais même pas voulu, tu sais. Mais regarde toi. T’es là, même ce soir.” Il est aussi là aussi dans ses rêves et dans ses cauchemars, dans ses souvenirs et dans ses espoirs. Cela restera leur secret de polichinelle, avec tout ce qui va avec. Leur amour réciproque mais apparemment impossible, et tout le reste qui ne fait aucun sens entre eux. ”Je t’avais raconté que je voulais des enfants. Deux. Le premier jour où on s’est rencontré. Je ne pensais pas que tout allait arriver aussi tôt mais ce n’est pas pour autant que j’ai des regrets. Enfin si … j’en ai plein. Mais le fait de construire ça avec toi, c’en est pas un. Je n’aurais pas voulu personne d’autre. J’aurais voulu attendre, j’aurais voulu que ça se passe autrement entre nous … mais dans tous les cas ç’aurait été avec toi.” Elle est désormais trop sérieuse dans ses propos pour continuer à entortiller des bonbons autour de son pic. Ses yeux fatigués et émus se posent sur les siens, scrutent la moindre de ses réactions. Ils n’ont jamais parlé de cet enfant sans crier ou sans pleurer. Ils n’ont jamais réellement parlé de cet enfant, à vrai dire. De toutes les questions qu’il devrait se poser, ce n’est pas de savoir si oui ou non il sera un bon père mais si elle sera une bonne mère. Parce que la réponse est non, et heureusement qu’il ne lui demande pas. Il s’inquiète pour le mauvais parent parce que ce ne sera jamais lui le problème. Rien n’a jamais été à cause de lui.

”Tu n’es pas ton père et je ne suis pas ta mère. Il sera un garçon qui pourra porter du rose s’il le veut, ou elle sera une fille qui sera un chevalier. Et si c’est une fille qui veut porter du rose et un garçon qui veut devenir chevalier, alors d’accord. Ca sera notre enfant et … et même s’il vit avec papa d’un côté et maman de l’autre on continuera à le faire passer avant tout. Tu sais quel modèle ne pas suivre et tu vas toi même devenir l’exemple à suivre.” Elle esquisse la possibilité qu’ils ne se soient toujours pas retrouvés dans six mois et ça lui crève le coeur, parce que passer six autres mois sans être capable de considérer Tim comme sien et elle comme sienne, ça semble le bout du monde. Ca semble impossible. Elle n’a pas sa force, pas sa patience. Il peut continuer d’en aimer une autre pendant longtemps encore peut être, mais pour ce qui en est de Charlie elle a déjà abandonné ce jeu là. Kane ne méritait pas qu’un jeu se passe autour de lui sans même qu’il n’en soit au courant.  ”Pourquoi est ce que tu pensais que je n’allais pas te répondre ? Tu sais qu’on peut parler de tout. Je répondrai à tout aussi, Tim. Y’a jamais eu de filtres entre nous, je ne veux pas que ça change.” Ils ont déjà évoqué le pire. Ils ont déjà crié, pleuré, aimé. Ils n’ont pas eu longtemps, mais ils ont déjà vécu beaucoup. Ils peuvent tout vivre encore.