Être sincère n'était pas toujours un exercice aisé, surtout pas avec une personne qu'on aimait plus que tout. Tim aurait beau essayé de tout effacer, de faire en sorte que Charlie n'entre plus dans ladite catégorie, il ne pouvait pas vraiment faire autrement que d'accepter qu'elle y serait toujours. Elle était la première, la plus belle histoire de toute sa vie parce que c'était elle qui était le plus capable de le détruire. Être amoureux de quelqu'un, c'était se laisser subir ce genre de mauvais instants et pour Villanelle, Tim était capable de tout. Il pouvait se plier en quatre, manger des pissenlits par la racine et sauter d'un train en marche, tout lui semblait possible pour sa sirène et c'était ce qui était le plus effrayant dans cette affaire. Decastel avait conscience qu'il devait se détacher d'elle, au moins pour un temps, parce qu'il n'avait pas la force d'esprit de résister à tout ce danger autour de lui. Pourtant, il accourrait toujours vers elle, c'était écrit quelque part à l'intérieur de son âme, qu'il était hors de question qu'il abandonne Charlie purement et simplement. Tout homme sensé l'aurait fait avant lui pourtant, dès le moment où elle li avait volé son coeur en même temps que son innocence mais Timothy n'était pas comme les autres. Il était profondément gentil et surtout, il avait foi en l'humanité. Charlie était trop importante pour qu'il ne la regarde pas dans les yeux à ce moment là, avec des yeux brillants d'amour parce qu'il ne pouvait pas le cacher. Il ne le pourrait jamais vraiment, même si leur situation était loin d'être idyllique à l'heure actuelle. "Je me prépare psychologiquement dès maintenant à devoir lui courir après, alors... Mais ces cinquante pour cent de chance sont parfaits comme ça." Après tout, cet enfant avait de Charlie en lui et c'était ce que Tim aimait par dessus tout, elle dans sa globalité. Il ne pouvait plus lui dire alors Tim préféra ne rien dire, du moins pendant une petite minute. Les questions lui brûlaient les lèvres pourtant et il ne savait pas ce qu'il avait le droit ou non de demander. Tout était différent entre eux désormais et Tim n'était pas certain de maîtriser toutes les frontières qu'ils devaient mettre entre leurs deux êtres. "Plus jamais seul... Ça fait rêver quand tu le dis comme ça." Il avait envie de lui soutenir qu'elle était exceptionnelle bien évidemment mais Tim bloqua les mots dans sa gorge avant qu'ils ne s'échappent. Hors de question d'atterrir sur un terrain glissant alors qu'ils s'empiffraient de bonbons en parlant sans honte et sans retenue. Le soldat avait l'impression de retrouver Charlie dans ce genre de circonstances parce qu'ils avaient été longtemps ainsi l'un envers l'autre, à s'écouter et se rassurer, il adorait cela et il adorait encore plus la manière dont sa sirène réagit à son interrogation. Ses joues rosirent instantanément et Tim dût prendre quelques secondes pour retrouver une contenance, comme au bon vieux temps. "Je m'enfuirai jamais. Je serai toujours là, pour toi et pour lui. Je suis désolé que ton rêve se réalise comme ça, Charlie, vraiment. C'était si beau quand on en parlait tous les deux... Mais moi aussi, je suis content de vivre tout ça avec toi." Il avait le droit de lui dire, cela, non? Il osa même poser ses doigts sur les siens cinq petites secondes en souriant parce qu'elle lui manquait. Constamment. Il en souffrait comme elle mais Tim ne devait rien montrer, juste se concentrer sur la suite des paroles de Charlie et espérer qu'elle ne capterait pas vraiment son trouble. "On va s'en sortir en tant que parents toi et moi, hein? Je devrais pas m'inquiéter autant parce que tu as raison, ce sera parfait comme c'est et on sera à la hauteur de la tâche. On est capable de beaucoup tous les deux et j'ai foi en ce qu'on va faire. Ensemble." Ils n'étaient pas ensemble pourtant, pas à proprement parler mais Tim savait qu'ils devraient être un duo quoiqu'il arrive, pour que cet enfant ait un équilibre et ce, même s'il devait voyager entre deux endroits. Tim avait d'ailleurs senti son coeur se serrer en entendant la jolie blonde le mentionner mais elle avait raison, c'était ce qui allait arriver puisque c'était ce qu'il avait choisi. "Je sais mais... Récemment, on a pas été supers l'un envers l'autre alors, tu vois, je sais pas trop sur quel pied danser. J'ai envie qu'on puisse se parler comme on le fait, qu'on se dise tout sans filtre mais j'ai toujours peur de remuer le couteau dans la plaie. Ou de te faire du mal, ce qui me fait du mal par extension. Mais je te suis, je veux qu'on soit bien et s'il y a quelque chose que tu veux me dire ou que je fais mal, tu pourras toujours me le dire, hein?" Il en était encore là, à avoir peur de tout, constamment. "T'as peur, Charlie, de tout ça?" Il ne lui avait jamais demandé ce qu'elle ressentait mais Tim voulait savoir parce que c'était elle et qu'il voulait qu'elle se sente bien. Parfaitement à l'aise. Heureuse.

Ils retournent quelque peu dans leur monde à eux, là, assis autour de cette table qui n’est pas la leur, dans un mariage auquel ils ne s’identifient avec des inconnus qu’ils ne connaissent pas. Ils sont en marge de tout, à simplement manger des friandises et se confier à l’autre comme ils en avaient tant l’habitude autrefois. Les bonnes habitudes reviennent rapidement entre eux, lorsqu’ils arrivent à éclipser tristesse et frustration. Tim pourra courir après leur enfant et ne plus jamais être seul, tel est l’avenir dont rêve Charlie. Un père courant au ralenti après son bambin arrivant à peine à aligner deux pas, un père entouré de sa famille et de tous ceux qui l’aiment pour le reste de sa vie. Elle l’a perdu une fois et ce fût la pire erreur de sa vie, elle ne laissera pas une telle chose se reproduire. Son rêve ne ressemblait pas exactement à ce qu’ils sont en train de vivre en ce moment mais la blonde ne doute pas que rêve et réalité finiront par se rencontrer à nouveau un jour, tôt ou tard. Quand ce sera le bon moment, ils finiront par se retrouver. Quand ce sera le meilleur moment.
Les yeux de la jeune femme se dérobent de la pièce montée de friandises alors qu’il pose sa main sur la sienne. Le monde s’arrête un instant, sa main reste immobile, ses yeux se plongent dans les siens. Pourtant ce moment de paix s’arrête bien vite et sa main se retourne sur la table malgré elles, chacun de ses doigts se mettant faiblement en quête de la chaleur de la peau de Tim. Trop tard. Encore une fois, trop tard. Son poing se referme lentement et bien malgré elle. ”On va s’en sortir parce qu’on sera tous les deux.” Ses lèvres s’étirent, son sourire fin mais bien présent tente de le rassurer au possible. Tout doit bien se passer parce qu’elle n’a pas prévu de plan de secours. Tout ne peut que bien se passer. Ils iront bien, ils seront bien, et leur enfant ira bien lui aussi. Il grandira joyeux et en pleine santé ; ils ont encore quelques mois pour remettre de l’ordre dans leur vie respective, assez pour accueillir une nouvelle âme dans leur vie. ”Faut qu’on continue de tout se dire Tim, oui. On a arrêté pendant un temps et c’était la pire chose à faire. Mais maintenant ça va mieux, hein ? On va mieux. On est pas parfaits mais on apprend petit à petit. On ne se fait plus de mal, surtout. C’est fini ça.” Promis, juré. Plus de larmes, plus de cris, plus de désespoir. Ils ont assez donné, maintenant il est temps d’arrêter ce jeu qui n’a de jeu que le nom. Il est temps pour eux d’être heureux.

Alors qu’il lui renvoie la question, son pouce caresse nerveusement les autres de ses doigts alors qu’elle se retourne vers lui. Sa mâchoire se serre un moment, elle déglutit, souffle, lâche son regard un instant pour venir trouver sa main de la sienne. Ses doigts osseux viennent entourer les siens, son pouce se perd dans la paume de sa main qu’elle caresse d’un geste quasi maternel et assurément amoureux. ”Pas si on le fait ensemble. Je n’ai pas peur quand je suis avec toi.” Jamais.