Il est parti et ils m’énervent tous, à vouloir attirer mon attention, parce que j’en ai rien à battre d’eux, parce que toutes leurs voix m’agressent, parce que j’ai pas besoin de les entendre leurs consignes, parce que leurs formulaires sont tous les mêmes. Parce que Levi est nowhere to be found et que ça, ça, ça m’agresse bien plus que tout le reste.
L’infirmière qui était avec lui y’a quelques minutes finit par venir me trouver la conne, c’était pas trop tôt. Le numéro de sa chambre qu’elle me donne, les derniers détails pour ce soir qu’elle statue. Les visites auxquelles il doit s’attendre durant les prochaines heures, le repos qu’il devrait cumuler à travers. Mon regard fermé au possible devrait lui montrer à quel point elle m’apparaît être inutile, quand malgré son discours plein de bonne foi je sais très bien que Levi réussira jamais à dormir ici. Qu’ils vont l’épuiser encore plus avec leurs allers-retours, leurs coups d’œil entendus, leurs silences pleins de non-sens. Elle m’assure qu’il est entre bonnes mains, j’ai envie de lui cracher au visage et je me retiens à peine, avant de me rappeler que si je suis le moindrement sympa avec elle, on risque d’avoir une double portion de pudding un peu avant le changement de quart. Toujours garder les connes du service de nuit dans ma poche.
« Fancy night at the hotel, seems like. » je le trouve au détour d’un couloir, assis – désarticulé – dans son lit de fortune au beau milieu d’une pièce trop beige et trop grise. Ses fringues d’hôpital pliées à ses côtés et son regard aussi livide que perdu sur le mur face à lui. L’ironie dans ma voix est sèche, l’agacement est dur, mais j’avance doucement, chaque geste calculé avec une douceur envers lui que je ne me reconnais pas, que j’ai de plus en plus apparemment. « At least we got a TV. » un coup d’œil à la blouse qu’il ne daigne même pas accuser lui-même, et j’allume le téléviseur sur une chaîne lamba qui semble diffuser un documentaire animalier de milieu de nuit qu’on regardera probablement juste pour râler.
Les draps sous lui que j’entrouvre, le vêtement inutile que je tire au sol. Il bouge pas ou alors peu, je tente de l’aider à entrer sous les couvertures avant de m’y glisser à mon tour, manœuvrant étrangement sans chigner dans un lit simple qui me donne l’impression d’avoir un matelas composé de vis et d’écrous tant il est dur et qu’il grince. Un soupir qui part et un autre, évidemment.
Et l’urgentiste qui passe à la chambre, et le regard d’alarme qu’il tente de cacher à Levi. Et l’impression qu’on est tous sur le qui-vive, tous en état d’alerte. Ma main trouve la sienne à la seconde où on n’est plus seuls dans la chambre, qui la lâche pas pour autant quand à nouveau ils nous laissent – enfin – être juste tous les deux. « I never know if they treat you like royalty because you’re a reality show star or because having fancy McGrath as your last name does it all. » or because you look like shit and we should all be scared about what’s going to happen next. Je l’encourage à s’allonger un peu plus, dénote un frisson de sa part que j’ignore volontairement le temps de retirer mon hoodie pour le lui enfiler en plus de celui qu’il porte déjà, passer mon bras autour de ses épaules dans l’élan.
Il dort pas mais il bouge pas non plus. Quand ma joue quitte son crâne pour se poser sur l’oreiller commun, quand mes yeux trouvent les siens, quand à la télé y’a un aigle qui chasse un pauvre lièvre piteux, le traque au beau milieu d’une forêt de l'antarctique pour finir par saisir sa gorge de ses griffes acérées. « You’re my number one. » qui glisse, évident, alors que rien d’autre n’a l’air de l’être.
Dernière édition par Ariane Parker le Sam 19 Oct 2019 - 9:42, édité 1 fois
La porte s’ouvre de nouveau, tu reconnais la silhouette squelettique d’Ariane. Un sourire narquois s’affiche sur ton minois tandis qu’elle remet de la vie, du bon sens, de l’énergie dans la pièce exiguë. Le téléviseur s’allume, des bruits animaliers viennent se mêler à la symphonie hospitalière. « So fancy. » Tu rejoins, avant qu’elle ne tire sur le drap pour que vous vous installiez, qu’elle t’invite avec plus d’insistance à ce que tu t’allonges alors que tu rechignes pour deux raisons. La première : tu n’as pas envie de rester ici. La deuxième : tu redoutes une nouvelle offensive de tes poumons si tu optes pour l’horizontale. Mais tu finis par capituler, lui obéir, parce que de toute évidence, tu lui vaux bien ça et tu ne peux faire vraiment mieux dans les circonstances. Il est plus judicieux que tu t’oeuvres à être buté à une autre occasion.
L’urgentiste passe, stipule la vérité que vous connaissez déjà parce que vous n’êtes pas des newbies sur ce terrain-là, fait face à un silence de ta part quand il demande si vous avez des questions. Il a un instinct de survie assez développé pour ne pas soulever le fait que vous bafouez les règles de l’hôpital en partageant le même lit ni que tu n’arbores pas l’uniforme hospitalier. Plutôt, il annonce que tu feras rapidement une radio des poumons et que tu risques d’être transféré dans un autre service sous peu. De toute évidence, personne ne veut vous coltiner. « I never know if they treat you like royalty because you’re a reality show star or because having fancy McGrath has your last name does it all. » « Have you never used my name? » Tu questionnes, curieux, voix éraillée, conservant les autres provocations pour plus tard. Tu songes aux hypothétiques scénarii au cours desquels Parker aurait eu un gain à devenir McGrath. « It’s because they fear me. » Tu annonces, impétueux, orgueilleux. « They don’t want to cross us. » Et tu tousses, comme si l’univers se fichait de toi, tes poumons se moquaient bien de tes paroles.
Elle t’encourage à t’allonger davantage, te recouvre de son hoodie, te ramène contre elle. Vous vous taisez, Morphée te nargue, t’es incapable de vraiment dormir dans ces circonstances, avec la douleur, la toux, l’inconfort, le froid. Ariane aide forcément, mais elle ne fait pas de miracle. « You’re my number one. » Ta respiration se freine, tu fronces doucement les sourcils. Sa main est jamais bien loin de la tienne. Tu te rapproches de son corps, te blottis contre elle. « Didn’t we talk chronologically? » Tu souffles à son oreille. Parce que dans ce cas-là, tu peux très bien choisir ton ordre aussi.
La porte grince une énième fois, le ballet ne cesse jamais. Tu grognes légèrement alors que le brancardier et l’infirmier vous annoncent qu’il est déjà temps pour toi de quitter ce lit car un autre t’attend. « Will it be better than this one? » Tu tâtes, ne bougeant toutefois pas d’un pouce. « Bigger room. Less noise. Warmer. » Tes yeux sont ouverts, tu scrutes l’agent qui te fixe, comme si tu soupçonnais qu’il te roule dans la farine. Mais vraiment, vu le bruit environnant et l’urgentiste tannant, vous n’avez rien à perdre, si ? « TV? » « TV. » « 'Kay. » Et armé de tes innombrables couches de vêtements, tu migres d’un lit à un autre.
L’infirmier n’avait pas menti. Moins bruyant, plus chaud. Une chambre avec WC, même une vue. « Good to be a McGrath. » Good to have cancer, really. Vu que vous avez migré du service des urgences à celui d’oncologie. Un soignant t’annonce que ta radio aura lieu dans 10 minutes et malgré tes grognements, troque tes hoodies pour la blouse verte. Au moins, les couvertures sont plus épaisses. Rapidement, l’on te reprend tes constantes, puis te perfuse. Tu souffles, t’es exténué et Ariane s’est installée dans un canapé à proximité du lit, zappant de la télécommande à disposition.
« Have you never used my name? » « Only when I’m prank calling people. » la pure vérité ici, et ça remonte à bien plus loin qu’un simple mariage, qu’un échange de nom de famille à portée. Les pizzas commandées en quantité industrielle chez mes ennemis du moment à son nom, les insultes laissées sur des boîtes vocales au hasard signés vocalement par mon plus beau McGrath pour la forme.
Sa toux casse la connerie, serre mes lèvres, gratte l’intérieur de ma paume, tout au fond d’un plâtre qui me fait suffoquer de jour en jour. « It’s because they fear me. They don’t want to cross us. » je roule des yeux, ses potentielles explications qui sonnent faux, son allure qui me briserait le cœur si je m’autorisais à voir au-delà de mon boulot ici, à savoir garder les troupes au taquet, garder les espoirs au plus concret et tangible possible.
Et y’a un moment où on est que tous les deux – le premier j’ai l’impression, depuis 1000 ans, depuis 10 secondes. J’étais presque certaine que ça, il l’entendrait pas. Même si stupidement j’ai pris le temps d’accrocher mes yeux aux siens, avant de parler, avant de statuer quoi que ce soit. « Didn’t we talk chronologically? » il s’est blotti un peu plus Levi, il est remonté jusqu’à mon oreille pour répondre, quand on est tellement proches que là ou ailleurs, je l’aurais entendu parfaitement bien. « I talked chronologically. » you’re my number one. You’re the first.
On parle de le changer de chambre maintenant, et ça augure mal. Il négocie quand ses détails me font juste rouler des yeux, scruter chaque mimique des intervenants. Meilleure chambre veut dire séjour plus long, meilleur chambre veut dire pires malédictions. « TV? » « TV? » qu’on demande en même temps, comme si c’était la seule chose à laquelle on s’accroche – et apparemment, ça aussi, ils nous le cèdent. Fuck.
J’ai pris place dans le canapé ; autre mauvais signe, tu laisses pas des meubles confortables dans une chambre où un patient vient juste faire un quick tour. Le compte à rebours est lancé, 10 minutes avant son scan, 10 minutes avant qu’on sache, 10 minutes avant qu’on ajoute une nouvelle pièce au puzzle, 10 minutes avant que le trajet vers Miami ou vers Bali devienne un peu plus clair. Alors je m’occupe, j’y pense pas, je fais tout pour qu’il y pense pas non plus, à commencer par les chaînes que je zappe à la vitesse de l’éclair, parce que je sais que ça le fait chier, que ça l’étourdit. « Good to be a McGrath. » « Should I call your parents and put them on speakerphone so they hear this oh-so touching ode to your last name? » je le regarde même pas, trouvant maintenant un soap latino kitsch à fond, mettant les sous-titres pour au moins apprendre quelque chose dans l’attente. « Chronologically speaking, you were the first ever. » first I fell in love with, j’explique, détachée, les prunelles toujours rivées sur la fille à l’écran qui surjoue sa scène, aux cheveux couleur ébène, aux pommettes trois fois trop exagérées par le blush. « Don’t act like you didn’t know. »
Tu ne cesses de narguer, de provoquer, tu roules les yeux intérieurement quand elle rétorque user de ton nom de famille uniquement pour jouer des tours à ses innombrables ennemis. « Such a waste. » Tu réduis la distance entre ton corps et le sien, te raccroches à sa chaleur, à son squelette inconfortable. Les hoodies t’enlacent, le drap qu’elle a rejeté sur vos silhouettes fait son minable - mais non négligeable - effet. Ta respiration se déroute et ton coeur manque un battement tandis qu’elle annonce que si elle est ton numéro 4, tu es son numéro 1. Tu déglutis doucement, paupières closes, ton épiderme contre la sienne, ses cheveux flamboyant chatouillant ton cou, tes méninges frénétiques. Tu ne le réalises pas entièrement, mais tu t’accroches désormais à elle, tu resserres encore plus votre étreinte, comme si ce geste pouvait déblatérer les paroles auxquelles tu songeais. Tu rappelles la chronologie, elle ne se laisse pas démonter : « I talked chronologically. » Tu fronces les sourcils, incrédule. That does not seem right to you.
Tu n’as pas l’opportunité de poursuivre : deux agents hospitaliers font leur entrée. L’annonce d’un nouveau lit est faite ; de toute évidence, tu as obtenu un ticket pour plus qu’une fancy night. La présence d’un téléviseur assurée, vous montez les étages jusqu’à la chambre t’étant réservée. Tu rejettes tes réflexions quant à la sémantique de ce déplacement, cette chambre beaucoup trop confortable pour que ce soit rassurant, foncièrement agréable. Manifestement, ils ont prévu te garder pour plusieurs nuits dans les parages. Tu te sens comme un gros poisson qu’ils ont enfin finit par attraper, et avec lequel ils vont pouvoir s’amuser maintenant que tu demeures en leur possession, anéanti dans un de leurs lits. Tu ironies, toutefois ; justifies faussement le traitement de faveur par ton nom de famille. « Should I call your parents and put them on speakerphone so they hear this oh-so touching ode to your last name? » « They’re not the ones who come to my mind when I talk about my last name. » Tu renseignes, arrogant, tires faiblement les couvertures sur ton corps. Ça parle espagnol en bande sonore, tu suis des yeux l’infirmière qui se dérobe de la pièce maintenant que tu es pendu à une perfusion. Tu y lis les inscriptions mais c’est du pur charabia pour toi. Tu fermes les yeux quelques instants. « Chronologically speaking, you were the first ever. Don’t act like you didn’t know. » Tes sourcils se froncent davantage. « How could I know? I thought your first was Jet. I did not even suspect I was on your list. » C’est ce qu’il t’a toujours semblé le plus logique pour Jet - et le plus irritant. « I wish you would have dated me instead of him. » Tu lâches. Ça lui - vous - aurait épargné bien des maux.
« They’re not the ones who come to my mind when I talk about my last name. » ouais, ouais, je sais. Relation complexe avec ses parents, on les tient à l’écart, on les aime pas, on pose pas de questions Ariane, on touche pas à ça. Whatever.
Il est en train de gigoter en périphérie à mettre sa blouse ou à s’arracher ses perfusions, je dirai rien si le second scénario est en cours, parce que je déteste autant que lui tout ce qui touche de près ou de loin aux cochonneries qu’ils lui renvoient dans les veines, quand dans ma grande logique implacable c’est pas lui envoyer des trucs à l’intérieur qui le soignera ; c’est d’exorciser le venin vers l’extérieur à la place qu’il lui faut. Qu’ils fassent leur boulot – enfin – et je râlerai plus. J’attends.
Puis y’a les pendules que je mets à l’heure, un peu au même moment où Salvador éclate en larmes sur le porche beaucoup trop décoré de fioritures dorées de Diaz. « How could I know? I thought your first was Jet. I did not even suspect I was on your list. » qu’il ragerait presque, le rire que je laisse échapper à la suite de ses mots qui aidera sûrement pas à le calmer avant le scan. « So you’re not just a prick, you’re blind too. » je soupire, me replace dans mon canapé. « I did not love Jet. » les yeux toujours fixés sur la télé, la nuque qui se pose sur le rebord d’un coussin au hasard. « I wanted him to love me, I wanted him to want me and only me. Now I get that was some nasty ego bullshit going on. But I did not love him. Not like that. » not like you. Comme si ça avait pu être aussi clair pour Levi que ça l’avait toujours été pour moi. J’aurais cru, pourtant, j’étais pas la plus subtile à l’époque - still ain’t.
« I wish you would have dated me instead of him. » « Do you, really? How could I know? » que je snap, et je rage de poser les mêmes questions que lui, encore plus de me retrouver à ressasser une option qui n’avait jamais été possible à l’époque, et qui ne sert donc strictement à rien d’être ramenée maintenant. « You left for London. Then Maze happened. Then Joel. And then the navy. » the rest is history – mon ton est las, il explique, il narre, il aligne des mots que je n’entends pas, que je n’entends plus. « But you were on the list. Top shelf spot and all. » ça bouge dans le couloir, mon coup d’œil passe du générique publicitaire à l’horloge annonçant fatalement 5 minutes avant qu’on vienne le chercher.
Tes doigts effleurent distraitement la couverture abritant ton corps courbaturé, exténué. Tes paupières lourdes recouvrent tes prunelles tandis que le liquide de la perfusion intègre progressivement, pernicieusement, ton organisme. Le chemin vers Morphée se réduit drastiquement, dialogues espagnols en trame sonore ; et tout s’écroule dès qu’Ariane prend la parole. La surprise chasse promptement la fatigue, ta bouche sèche communique tes doutes. « So you’re not just a prick, you’re blind too. » Son soupire te parviendrait presque malgré les mètres de distance, il te fait frémir par automatisme. La silhouette cadavérique se replace dans le canapé qu’elle a investie, avant qu’elle ne statue : « I did not love Jet. » « That would have capped it all. » Tu railles, désapprobateur de tels sentiments. Autant tu appréciais grandement le fait que Parker indique n’avoir jamais aimé Jet, autant tu n’oubliais assurément pas qu’il avait fait partie intégrante de sa vie beaucoup trop longtemps - et avec bien trop d’ampleur. « I wanted him to love me, I wanted him to want me and only me. Now I get that was some nasty ego bullshit going on. But I did not love him. Not like that. » Tu fronces les sourcils, incrédule - choqué. Au moins, elle réalisait qu’elle avait de conséquents soucis. « Is this insane nasty ego bullshit still going on? ‘Cause that’s way worse than cancer. » Tu t’enquiers, ne te privant pas pour ajouter un adjectif au mal. Ce comportement jouissait de tous les pouvoirs pour la mener impétueusement à sa perte totale, la démolir sans merci ni retenue, réduire à néant l’entièreté de son avenir. « I don’t get why you needed him. Did you not have enough love with us? » Entre Kane qui était perpétuellement à ses basques, Joel qui fantasmait sur la rouquine en permanence, et les autres mâles lambdas qui pouvaient graviter autour de son aura blafarde tels des moustiques assoiffés de sang, pourquoi avait-elle ressenti le besoin de finir entre les griffes acérées du rapace de la pire espèce que compose l’Etish ?
« I wish you would have dated me instead of him. » « Do you, really? How could I know? » « You obviously couldn’t, since you’re a blind prick too. » Tu rétorques, sa rage ne te déstabilisant certainement pas. Ari s’amuse à rejouer votre chronologie, tu empruntes une mine impatiente devant tant de futilités. « Yeah, I know all that. I was there. » Tu rappelles, ton intonation arrogante jurant désormais avec la lassitude de ton interlocutrice. « But you were on the list. Top shelf spot and all. » « “Were” » Tu répètes, parfait perroquet, sourcils froncés, butant sur le temps utilisé. L’arrivée de soignants te prive d’enchérir davantage, de creuser, de fouiner, d’aguicher, d’animer. Tu grognes, agacé, mais consens à te rendre à l’examen. Plus vite il sera réalisé, plus vite tu seras de retour dans ta chambre et plus vite tu sortiras de ce centre hospitalier. Une quinte de toux orne ta blouse de nouvelles gouttelettes de sang le temps du trajet et une quarantaine de minutes plus tard, tu reprends place dans ton lit.
Glissant mollement tes jambes sous les draps et couverture, tel un enfant docile respectant pieusement son couvre-feu, tu attends que l’infirmière quitte la pièce et referme la porte derrière elle pour rejouer au perroquet. « You said that I am your number one first. » Qu’est-ce que ça change, vraiment ? Pourquoi ça t’intéresse, Levi ? Pourquoi ce revirement grammatical te choque tant ? « Come. » Tu l’invites à te rejoindre dans ton lit. « Please. » Ask more or less accordingly.
« Is this insane nasty ego bullshit still going on? ‘Cause that’s way worse than cancer. » la comparaison qui est aussi horrible que possible, l’humour noir qui nous a sauvé des dizaines de fois déjà et qui finit encore par être la seule valeur sûre de notre duo. Les aiguilles de l’horloge en trame sonore me feraient paniquer pour je sais pas quelle crise d’angoisse inutile et tout sauf bienvenue, si mon regard restait pas scotché à la télévision, à la telenovela qui joue beaucoup trop fort pour que je pense au compte à rebours avant son prochain scan.
J’ai envie de lui hurler à la gueule, quand il prend son air d’insolent de service pour insinuer qu’il reste peut-être des bribes de quelque chose entre Jet et moi. Mon soupir lui répond d’abord, un « It’s over. We’re over. » qui clarifie ce qu’il reste à clarifier non sans gratter distraitement l’intérieur de ma paume plâtrée presque par automatisme. La vérité, c’était que tout s’était fini avec Jet le jour où il m’avait frappée pour la première fois, mais j’étais encore trop furieuse contre moi-même pour le statuer ici et maintenant, pour accepter d’avoir été assez idiote et d’être restée avec lui si longtemps après. « I don’t get why you needed him. Did you not have enough love with us? »
« Looks like I wanted more. » que je réponds sur le même ton que lui, une note plus blasée par contre, lasse. Mon regard noir qui quitte l’écran pour se planter dans le sien, et y’a l’accusation qui me brûle et les lèvres et la langue, qui part à son intention une seconde avant qu’on vienne le chercher « You obviously couldn’t, since you’re a blind prick too. » « It’s easy saying that a thousand years later. Thank you for trying so hard back then. »
« “Were”. » il part et je suis sa silhouette des yeux, le lâchant pas une seule fois sans bouger le moindre centimètre de mon corps enfoui sur le canapé. J’ai eu le temps de le maudire comme de l’aimer des centaines de fois quand Levi revient finalement dans la chambre qu’il semble voué à habiter pour les prochains jours. Je demande rien en lien à l’examen, convaincue que s’il veut en parler - ce qu’il veut jamais - il le fera. Et apparemment il veut parler, mais pas de ça. « You said that I am your number one first. » « I did, you are. »
Le silence plane un moment, on fait rien ni l’un ni l’autre contre. Il assimile, je fais pareil. « Come. Please. » ma protestation qu’il arrête d’office, sa politesse qui m’arrache un rire un seul et la télécommande que j’amène quand même avec moi. Parce que s’il est épuisé, moi je suis encore bien trop réveillée pour me mentir et croire que le sommeil est proche. Ma silhouette finit par se faufiler entre les draps, rattrape des parcelles d’un Levi toujours frigorifié, ramène une couverture sur ses épaules en rageant qu’il l’ait pas fait lui-même d’abord et qu’il se retrouve ainsi à geler comme un idiot.
« Don’t let the number-one thing get to your head. » ma tête se pose sur son torse, « Arm. Please. » son bras que je force autour de mes épaules le plus doucement que je puisse dans la manoeuvre. « Our timing sucks anyways. Nothing new here. » back then, and still is. Ma main retrouve la sienne lovée contre mon épaule, mes doigts s’y enlacent naturellement pour finir par jouer avec l’alliance qu’il porte depuis que le courrier express a résulté en mon genou mis par terre pour lui passer la bague à l’annuaire.
« I can’t believe you never noticed. » and I can’t believe I never noticed either. « Why are you saying something about this just now? » and why are you, Ariane?
Jeremiah Etish qui dérange de tout son être, tache votre présent tant il a impacté le passé. Tu scrutes ardemment le dos d'une Ariane absorbée, davantage par force de caractère que par passion, par la telenovela retransmise sur le poste télévisé de la chambre d'hôpital. Désapprobateur, tu fronces les sourcils, méprisant le Jet du plus puissant de ton âme, ne lui souhaitant que calvaires et finalités. « It’s over. We’re over. » Et tes pupilles ne cessent de dévisager le dos de la rouquine. Tu ne la crois pas : cette aventure sera achevée seulement quand le britannique disparaîtra une bonne fois pour toutes. Il reviendra toujours, il vous l'a prouvé à de multiples reprises. Jet incarne la vermine même, on ne s'en débarrasse pas parce qu'on le souhaite mais seulement parce qu'on fait en sorte de l'exterminer.
Et ça te chagrine, le fait qu'elle l'ait laissé pénétrer sa vie et la régir comme il en a tant joui. Ça t'irrite qu'il ait été promu à ce rôle de petit ami quand il n'était que violence, manipulation et narcissisme malveillant. Tu t'en sens coupable : si tu avais été un soutien indéfectible pour Parker, elle n'aurait pas cherché l'attention d'un tel vautour qui ne recherchait qu'une proie supplémentaire pour agrémenter son tableau de chasse. « Looks like I wanted more. » Et ce sentiment dont tu t'accuses prend de l'ampleur, rugis et range tes entrailles. Tu quittes enfin la silhouette féminine du regard, fermes les yeux, rageur, déçu. Une quinte de toux secoue ton corps exténué, les aveux parsèment les microbes. « I wish you would have dated me instead of him. » « Do you, really? How could I know? » « You obviously couldn’t, since you’re a blind prick too. » « It’s easy saying that a thousand years later. Thank you for trying so hard back then. » Et tu te mords la langue, parce que vraiment, la seule finalité de cette discussion est de causer des réminiscences de traumatismes, de regrets et de remords. Puis, spontanément, tu persifles : « You were sleeping with Kane when I wanted to make it obvious. »
Et le silence plane, les minutes s'écoulent, même tes poumons t'accordent une pause salutaire. Tu abandonnes tes forces contre le matelas, quêtes un lien du passé au présent : « I did, you are. » Puis l'agonie du sablier devant trop lourde, la salle progresse vers le glacial, tu pries Ariane de te rejoindre dans le lit. Son rire répond d'emblée, son corps finit par obliger ta demande. T'inspires doucement lorsqu'elle est enfin à tes côtés, se glisse sous la couverture - à tes yeux inutile car trop fine - qu'elle s'est appliquée à rabattre sur tes épaules tendues, apporte enfin une véritable chaleur à ton être via le sien. « Don’t let the number-one thing get to your head. » What's that supposed to mean now? « Arm. Please. » Elle demande mais se sert, s'installe contre toi, te mouve tel son pantin. « Our timing sucks anyways. Nothing new here. » Ma main presse son épaule, la sienne vient la retrouver. « You can't take it back. » Tu articules, ses doigts jouant avec ton alliance. You can't take back the number-one thing nor the ring. « And there's not such thing as timing. There's only seizing. » Seize the day, seize the moment. T'as jamais cru que vos histoires suivaient une quelconque chronologie, que vous étiez prédestinés à quoi que ce soit. T'as jamais voulu attendre pour obtenir ce que tu souhaitais. Le temps, tu le fais. Les résultats, tu les causes. Les conséquences, tu les assumes parce que t'en es le générateur. Si on attend un quelconque moment, on ne l'aura jamais puisqu'il se crée.
« I can’t believe you never noticed. Why are you saying something about this just now? » Ta joue s'appuie contre son front, tu déniches davantage de confort, t’assoupirais presque. « I was seizing. » Tu expliques. « We were both. » Tu signales, Ariane n'étant nullement une victime dans cette affaire et ayant sa pleine part de responsabilité. « It better feels right to you. I don't do kinda. » Tu questionnes, faisant écho à votre conversation sur son mariage avec Joel which felt kinda right at the time.
Ce serait facile de juste continuer à s'attaquer l'un l'autre, à se reprocher ce qui compte pas tant que ça et c'est probablement pour ça qu'on le fait encore, qu'on joue, qu'on pique, qu'on blesse. Mais reste qu'au final, qu'il ait fait quoi que ce soit ou pas et moi pareil, le résultat reste le même. Il a pas bougé de ma vie depuis presque deux décennies, et j'ai été aussi tache dans la sienne. « You were sleeping with Kane when I wanted to make it obvious. » ah ouais, on joue à ça maintenant? « You left in the blink of an eye way before I slept with him. » your first summer, in Brisbane, when you left us, when you left me behind to get back to your parents, does it ring a bell? C'était là où j'avais mis une barrière, c'était là où j'avais mis un filtre, c'était là où ironiquement malgré le fait qu'il avait toujours traîné officieusement dans ma tête et dans mon coeur, je l'en avais chassé officiellement.
Son bras que je force autour de mes épaules, sa tête qu'il pose lourdement sur la mienne. On fait pas dans le doux, ça a jamais été notre marque de commerce de prendre les gestes comme les paroles avec des pincettes. Qui ça étonne. « You can't take it back. » mes doigts se resserrent un peu plus fort contre son alliance, pincent la peau en même temps. « Good. Means you can't either. » je garde le number four en tête, je garde la bague aussi, et le noeud, et la vraie, et tout le reste, surtout le reste. « And there's not such thing as timing. There's only seizing. » mon soupir qui se heurte à son mutisme, à son regard qui dérive quand je regrette comme une enfant gâtée qu'il ne voit pas le phénoménal roulement d'yeux dont je le gratifie. « Are you trying to go all-Eckhart Tolle on me? » qu'on mette ses derniers mots sur un beau fond d'écran de plage, et qu'on publie ça sur Pinterest, ça presse.
Et on était où, quand maintenant on est là? On pensait quoi, quand maintenant, on pense qu'à ça? « I was seizing. We were both. » « We sure were. » je regrette pas, rien, étrangement. Je regrette pas les mots ni les actions, je regrette pas grand chose dans ma vie au final, et ça je lui dois. Il m'a tellement fait chier à me répéter de toujours tout assumer, qu'à force, j'en suis restée marquée.
Le poids de son crâne sur le mien, la chaleur de sa silhouette qui recommence à avoir un minimum de température corporelle correcte. J'ai remarqué les bâillements et les soupirs, j'ai remarqué tout ça, parce que j'ai toujours enregistré à l'encre indélébile tout ce qui concernait Levi du plus loin que je me souvienne, bien avant 2017 et sa première vague de maladie. Sue me. « It better feels right to you. I don't do kinda. » je sais pas comment j'y arrive, mais mes yeux se plantent directement dans les siens. Ils y notent toutes les teintes de vert, font le portrait de l'émeraude et du sapin, les pâles et les sombres, ils les notent et les mémorisent et les revoient encore. « So needy, stop asking for it. » et je roule une fois de plus du nerf optique, avant de me replacer un peu plus confortablement, avant de me tourner de façon à être face à lui, à pas lui laisser une seule chance de feindre quoi que ce soit, de jouer encore, de jouer et rien que ça. « It's real, as it's right. No kinda on my part. » and on yours?
Mais la conversation est trop lourde là, et il est épuisé. Et je veux pas être celle que je détesterai, demain, dans une heure, dans une poignée de minutes, de l'avoir égoïstement gardé éveillé, quand tout ça, on a une vie entière pour en parler. « And you should definitely sleep now. »
Kane l'omniprésent, la part du marché bon gré mal gré, celui auquel l'on finit toujours pas orienter nos pensées, celui qui a su composer un pilier mais aussi un indéniable lien. Alors que tu rappelles Ariane qu'elle devenait intime avec son meilleur ami, ce qui réduisait à néant tes propres révélations, elle met sur le tapis ton absence foudroyante. « You left in the blink of an eye way before I slept with him. » « So what? D'you really believe in the "out of sight out of mind" saying? » Question rhétorique, tu cherches mollement une position confortable dans le lit, Parker ne tardant pas à arrimer les éléments de vos deux entités afin de l'instaurer. « Absence makes the heart grow fonder. » tu glisses à son oreille, cet adage-ci te semblant beaucoup plus approprié à votre relation.
Absence makes the heart grow fonder, tu songes, te répètes intérieurement. A toutes ces fois où tu songeais à elle, où Morphée la sommait en protagoniste principal de tes rêves comme de tes cauchemars. A tous ces SMS récalcitrants, ces lettres répugnantes, ces séances Skype épineuses. A toutes ces planification de retrouvailles ne rimant qu'à des altercations, à tous ces appels à l'aide incitant religieusement l'autre à parcourir les kilomètres vous séparant pour que la défaite soit inexistante. Mais ultimement, tu reconnais que your heart did grow fonder, pour la simple et bonne raison qu'elle te manquait effrontément.
Les promesses s'ancrent, les paroles s'éternisent, la vérité se clame futilement, et petit à petit, au fil d'une discussion qui tourne de plus en plus au ralenti via ton esprit exténué, votre cocon de chaleur et de confort se reforme. Cette bulle salutaire, de laquelle tu perpétues à transmettre des provocations, cependant. « It better feels right to you. I don't do kinda. » « So needy, stop asking for it. » Elle se mouve, tu la devines s'orienter davantage vers toi, daignes élever de nouveau tes paupières lourdes de manière à parcourir son portrait sévère. « It's real, as it's right. No kinda on my part. » Les souvenirs de votre dernière virée sur Cadence te happent, un sourire épris de contentement se dessine sur tes lippes en conséquence. It's real, so make it right. Tes pupilles se posent sur son annuaire, avant de remonter au creux de ses yeux. « No kinda on our part. » Tu corriges, intransigeant.
Tu portes ton avant-bras contre ton visage de manière à étouffer une énième quinte de toux, perçois la voix de Parker qui t'invite à capituler au sommeil quand tu ne fais que résister depuis des heures. « So do you, » tu rétorques, insolent, ne bougeant pas d'un seul pouce quand une infirmière et un médecin s'immiscent dans la chambre avec les résultats de tes derniers examens. Tu captes péniblement le personnel médical justifiant ton état par une infection des poumons, élaborant sur la semaine minimum que tu devras rester hospitalisé, développant la masse de traitement qu'il s'apprête à injecter dans tes veines dans le processus. Ils laissent de l'oxygène à disposition si tu éprouves la bonté de donner un break à tes poumons mais n'émets le moindre geste pour leur faciliter ce combat. Qu'ils s'endurcissent, plutôt que de choper les cochonneries environnantes. « Kiss goodnight. » Tu déclares et exécutes, la porte refermée sur les blouses blanches, votre duo à nouveau seuls entre ces quatre murs aussi blancs que détestables.
« No kinda on our part. » et il pointe Levi, il s’assure de préciser, il me vole le dernier mot le connard, et il le fait avec le sourire aux lèvres. Mes yeux se plissent en une forme de jugement comme une autre, le scrutent de plus belle dans l’espoir de voir une faille, juste une, quelque chose qui justifierait qu’il se moque, qu’il prend pas ça au sérieux. Qu’il me charrie rien que pour me remettre sur le nez que je suis stupide, que j’ai tout sauf vu clair dans son jeu. Mais il tient mes prunelles et il tient bon, et c’est tout ce dont j’ai besoin.
Sa toux qui secoue son corps de plus belle, le soupir que j’exagère rien que pour ajouter une lourdeur de plus, un argument supplémentaire à la nécessité qu’il dorme et vite. Son insomnie que je ne tolérerais pas, surtout quand il s’est mis dans cet état et que j’ai été aussi lente avant de réagir. « So do you. » « For once, I’m not the one who looks like a corpse. You first, I’ll follow the lead. » et mes paupières battent sur elles-mêmes de condescendance quand je crois presque avoir gagné la manche, quand il ne bouge pas d’un centimètre et que je jure que je vois sa tête se reposer un peu plus sur l’oreiller.
On entre et on nous dérange et j’aurais pas pu dévisager plus fort et avec plus de rage quiconque ait eu la lourde tâche de venir incomber notre calme qu’eux deux. Avec les dossiers, avec leurs résultats, avec le séjour de Levi qu’ils fixent à une semaine au moins. Je bouille, furieuse, mais j’écoute tout à la lettre pendant qu’il somnole, chaque terme enregistré entre lesquels je fais des liens et des analyses, les classant ensuite dans les dizaines de dossiers taggés McGrath que ma mémoire retient vitalement.
Ce n’est que lorsqu’ils sortent de la chambre que Levi parle à nouveau. « Kiss goodnight. » il annonce, il oblige, ses lèvres trouvant les miennes la seconde d’après. Je force rien de plus que ma paume sur son crâne, massant sa tempe comme il me l’a fait pour me rassurer des tas de fois lui-même depuis une décennie de ça. Jusqu’à ce que je sente son corps un peu plus lourd, sa respiration un peu plus calme. « I love you, prick. » qu’à son oreille je raille aussi, une minute à peine avant de m’assoupir à la plus grande surprise de tous, moi la première.