| TIMYA ● woke me up one touch and i felt alive |
| | (#)Dim 6 Oct 2019 - 19:09 | |
|
● woke me up one touch and i felt alive FEAT FREYA DOHERTY & TIMOTHY DECASTEL
Bouteille, bouteille, bouteille, putain mais où est ce qu'ils les rangent, ces fichues bouteilles ? Freya tape la main sur le plan de travail tout en fouillant dans chaque recoin de la cuisine des colocataires après avoir cherché en vain dans le salon. Elle est frustrée, elle se sent mal, rien ne va, et elle n'arrive pas à mettre la main sur une putain de bouteille. Elle est revenue du cimetière il y a à peine dix minutes et c'est un silence de plomb qui l'envahit entièrement. Elle qui voulait retrouver les bras réconfortants de son copain, il n'est pas là, il est absent et elle s'est retrouvée à pleurer pendant de longues minutes au pied de l'entrée face à ce simple fait. Une absence, un silence qu'elle ne veut pas et elle maudit Tim de ne pas être là quand elle en a besoin. Il lui avait promis qu'il serait là et il n'est pas là. Comme les autres. Personne n'est jamais là pour elle à point nommé. Freya n'est pas du genre à se traîner chez les autres quand elle est comme ça. Mais la journée avait été longue, elle s'est retrouvée à s'effondrer pour un rien, des larmes qu'elle haïssait, qu'elle débectait. Elle avait contemplé son téléphone pendant de longues minutes, caressant l'idée d'envoyer un message à Elias. Mais à la place, elle a appelé Tim et sa voix l'avait apaisé plus qu'elle ne l'aurait cru. Elle n'avait rien laissé transparaître parce qu'elle n'avait pas voulu l'inquiéter - elle n'ignore pas à quelle vitesse Tim peut froncer des sourcils ou faire apparaître un voile d’inquiétude dans ses yeux bleus à la moindre parcelle de contrariété. Mais il n’est pas là et c’est elle qui est contrariée. En colère même. D’être laissée seule face à sa propre solitude alors que pour une fois, elle veut partager son fardeau. Parce qu’il lui a dit qu’il serait là, bordel. Ses mains tremblantes cherchent, fouillent et elle finit par crier de rage tout en sentant de nouveau des larmes perlées. Elle n’a plus rien au cimetière, elle a tout fini dans l’après midi et elle en a besoin aussi. Purée, fais chier, il n’y a rien, que dalle, le néant. Pas de Tim, pas d’éthanol, rien pour l’apaiser. Freya a l’impression de manquer de souffle, qu’on est en train de lui compresser les poumons et qu’on lui pompe toute son oxygène. A travers ses yeux rougis, elle voit la porte entrebâillée de la salle de bain. Elle est le cul sur le sol, à essayer de reprendre sa respiration et la main sur la gorge pour tenter de se calmer. La suédoise a les membres qui tremblent, qui se laissent avoir sous les soubresauts de ses crises de larmes qui reprend de plus belle. Putain de merde. Elle pourrait résoudre le problème de sécheresse avec tout ce qu’elle déverse là.
Sur ses jambes tremblantes, elle se relève en se retenant contre les poignées des meubles. Freya pourrait aller se foutre sous la couette du lit à Tim mais elle ne veut pas sentir son odeur. Parce qu’elle décrète qu’il vient de la décevoir, qu’il aurait dû capter qu’il aurait dû être là, prêt à l'accueillir. Que même si elle a essayé de rien laisser paraître, il aurait dû savoir que ça n'allait pas. Là est toute son ironie ; elle traîne son boulet depuis plusieurs jours, plusieurs semaines même. Elle répond toujours que ça va alors que non, rien ne va, tout part en vrille et elle n’a aucun contrôle sur ça. Freya se dirige vers la salle de bain et ouvre les robinets d’une force insoupçonnée dans son état. Le silence se brise par le boucan provoqué par l’eau et la suédoise se déshabille, grimaçant devant l’effort que ça lui demande. Plongée dans la baignoire, la tête coincée contre le bord, Freya se laisse complètement happer par l’eau. Elle n’est bonne qu’à faire ça, de toute façon - rien. Se faire submerger, réagir comme il faut pas, s’enfoncer un peu plus. Elle a un manque cruel de force, là encore pire que d’habitude. Les conséquences de la boisson avalée dans la journée se font ressentir mais c’est surtout de quoi l’anesthésier un peu plus alors que l’eau augmente de niveau tranquillement et doucement. Elle a les paupières qui s'alourdissent, le corps complètement las et épuisé. Freya ne répond plus de rien à ce moment présent. Le bruit de l'eau jaillissante agit comme une berceuse, cette même eau qui l'engloutit dans un cocon protecteur. Elle a juste envie de dormir. Juste cinq minutes. Qu'elle trouve un réconfort auprès de Morphée.
Alors la jeune femme ne se voit pas partir. Elle ne se sent pas plonger dans l'inconscience du sommeil. Elle ne voit pas non plus l'eau qui continue de tomber et de se déverser et qui finit par sortir hors de la baignoire. Elle ne sent pas non plus son corps qui s'affaisse, sa tête qui plonge sous l'eau, ses cheveux s'éparpillent autour de son visage. Tout ce qu'elle ressent, c'est le néant. Le vide total d'un endormissement tant voulu. Le pays des songes est un endroit paradisiaque qu'elle ne veut plus jamais quitter.
- Spoiler:
Dernière édition par Freya Doherty le Jeu 17 Oct 2019 - 7:40, édité 3 fois |
| | | | (#)Dim 6 Oct 2019 - 20:07 | |
| Son inquiétude était grande, coincée au creux de son estomac. Tim ne comprenait pas ce qui le tracassait autant: certes, il avait eu Freya quelques secondes au téléphone et li avait gentiment demandé de rentrer à l'appartement. A son timbre de voix, Decastel avait vite deviné que quelque chose n'allait pas, même si elle avait déguisé le message derrière un entrain qui sonnait des plus faux. Cela faisait plusieurs jours qu'il constatait que la belle Doherty n'était pas dans son assiette, elle restait cloîtrée dans son mutisme des heures durant et même s'il était là, à essayer de la faire rire, il n'y avait pas grand chose qui se passait. Alors, Timothy s'était renseignée sur la bipolarité et il avait vite compris qu'elle était dans une phase dépressive et que, malheureusement, à part attendre qu'elle vienne le chercher, il n'avait pas grand chose à faire et cela le tuait plus que tout au monde. Il avait promis de toujours la protéger, prendre soin d'elle, faire en sorte qu'elle se sente bien et surtout heureuse. A l'heure actuelle, le jeune soldat avait plutôt la sensation d'être un échec ambulant car sa petite amie était loin d'être charmée à ses côtés. Passé les premiers jours, la nouveauté et l'affection qui les rendait si mielleux, la vie avait repris le dessus et le trouble psychique de Freya était revenu au galop. Tim avait été patient, ne surtout pas la brusquer, ne pas lui dire des mots qui pourraient la rendre agressive, rester ce garçon patient qu'il avait toujours été alors qu'il lui cuisinait des petits plats qu'elle ne mangeait pas. Il la laissait dormir un temps fou, lisant un bouquin à côté de son corps endormi en la regardant à intervalles réguliers, se rongeant les ongles parce qu'il n'avait aucune réponse pour la sauver d'elle même. Il savait pourtant qu'il n'y avait pas de miracle mais se sentir aussi impuissant le rendait fou. Alors, après ce coup de fil, Tim avait presque couru jusqu'à l'appartement, laissant en plan une connaissance qui lui avait demandé conseil pour son jardin en cours de création. Tant pis, il verrait les plans plus tard, Freya avant tout. Lorsqu'il fit tourner la clé dans la serrure, Tim tâcha d'écouter les bruits qui pouvaient passer à travers la porte... Rien. Elle lui avait dit qu'elle était là pourtant et qu'elle ne partirait pas tant qu'il ne serait pas revenu de sa course. Il referma derrière lui et appela son prénom, sans réponse. Timothy tendit l'oreille et crut entendre un robinet dans la salle de bain... Serait-elle en train de se faire couler un bain? Une idée qui semblait ingénieuse de prime abord parce qu'elle avait besoin de se détendre pour chasser ses idées noires. Decastel, toujours soucieux de s'imposer, frappa une fois ou deux contre la porte de bois mais là encore, aucune réponse. "Freya? T'es là?" Rien. Bordel, un noeud se formait plus grand encore à l'intérieur de lui et le jeune brun décida qu'il s'en fichait de la déranger durant son moment d'intimité parce qu'il était inquiet et que la crise d'angoisse n'était jamais loin avec lui. Il entra et constata que l'eau commençait à couler de la baignoire, le visage de sa petite amie noyée sous une trombe d'eau. Il ne mit même pas une seconde à réagir, courant vers la baignoire tout habillé pour fermer l'arrivée d'eau et sauter dans le bain pour la rattraper et lui faire retrouver la surface. "Freya, merde! T'as pas fait ça, Freya, reviens." Et il pleurait déjà en essayant de lui faire ouvrir les yeux, une main tendre mais tremblante calquée à sa joue. Il était au plus mal, prêt à sombrer et tout ce qu'il put faire, c'était de venir l'embrasser et attendre. Attendre qu'elle revienne parce que sans elle, il n'y avait plus aucune raison de respirer, là, tout de suite. "S'il te plaît, me laisse pas, qu'est-ce que je vais faire sans toi?" Elle respirait, il sentit son souffle proche du sien et il se mit à pleurer de plus belle. Elle était vivante mais il avait peur, terriblement peur encore, qu'elle l'abandonne, qu'elle se fasse du mal et qu'il s'en sente responsable... Parce qu'il n'était pas à la hauteur, il ne l'était jamais.
|
| | | | (#)Dim 6 Oct 2019 - 21:49 | |
| Une masse encore vivante dans l’eau, qui coule tranquillement parce que dormir, ça apaise tous les sens. On ne ressent plus rien, on se laisse juste porter. Dans le monde des songes, tout est possible et en général, la douleur disparait. Et Freya s’en contente, à chaque fois. Pour une fois, elle n’a pas encore au point de vouloir mettre fin à ses propres jours. La dernière tentative remonte à l’année dernière, ce qui est un exploit en soi. Mais la jeune femme se laisse happer avec délice par l’eau chaude qui l’enveloppe dans un autre monde, faisant taire chaque parcelle de sa peau et de son cerveau meurtri. Pourtant elle ne devrait pas. Mais ce n’est pas comme si elle le veut. Non, ça plus que n’importe quoi n’est pas de sa responsabilité. C’est tellement plus simple de se dire ça. De toute façon, qu’est-ce qu’elle y peut vraiment, dans le fond ? Sa famille est dingue, sa mère est tarée, elle finira comme elle, dans le noir, à broyer du noir, à rester inerte en contemplant les murs noirs d’une pièce noire. L’absence de chaleur, de lumière, voilà ce qui ce qui l’attend. L’absence humaine aussi. Doherty finira seule, à défaut de pas être née seule et unique en son exemplaire. Elle crèvera seule et on se dira qu’elle aura eu une vie bien pitoyable – pour le peu qu’on sache qu’il est. La jeune femme ne se fait pas d’illusions, elle sait qu’elle n’est qu’un grain de poussière sur la planète. Elle ne fera jamais avancer le monde, elle ne sera jamais présente pour faire honneur à une cause. Elle ne sert à rien, à vrai dire, et c’est une constatation qui la fait apprécier encore plus son sommeil inopiné.
Sommeil brusqué et interrompu brutalement quand on l’attrape pour lui faire reprendre contact avec l’air. « Freya, merde! T'as pas fait ça, Freya, reviens. S'il te plaît, me laisse pas, qu'est-ce que je vais faire sans toi? » Cette voix, elle la connait. Elle la reconnaitrait entre mille parce que c’est sa voix, celle qui se murmure quotidiennement dans ses oreilles. C’est dans une inspiration subite que Freya revint à la surface. Ses yeux sont paniqués, elle est complètement déboussolée et il lui faut un moment pour se rappeler où elle est. Elle s’est perdue pendant un moment, elle n’a rien vu de tout ça se passer. Elle est à côté de la plaque mais tout revient. Putain tout revient, que ce soit son esprit qui parle ou son intérieur qui se compresse. C’est un véritable tumulte qui tempête, partout et sans arrête. On la maudit d’avoir trouvé un moyen de s’échapper. Et elle maudit Tim en retour, Tim qui est là, enfin, mais qui aurait dû être là avant. Là, Freya est bourrée, d’eau un peu, d’alcool moyennement et de reproches beaucoup. « Qu-… Putain, Tim, t’étais où ? Qu’e- Tu pleures ? Nan, nan t’as pas l’droit de pleurer, c’est moi qui pleure là, c’est moi qui vais pas bien, tu peux pas pleurer, Tim, t’as pas l’droit. » La suédoise note qu’il est habillé, qu’il a les yeux rougis, qu’il a les mains qui tremblent. Elle pourrait avoir de la peine pour lui et dans le fond, elle se maudira sûrement plus tard de lui avoir fait subir ça. Mais dans l’immédiat, Freya se la joue égoïste et il n’y a qu’elle qui compte. Elle est au fond du gouffre, il est son petit ami, il devait être là. Il a manqué le coche, il a loupé le moment où il aurait dû venir. Elle est injuste mais ça aussi, elle ne s’en rend pas compte. Parce qu’elle se sent légitime de le repousser, de se foutre de l’autre côté de la baignoire, se recroquevillant sur elle-même, les bras autour de ses jambes repliées. « T’étais pas là alors que t’as dit que tu l’serais. J’aime pas les promesses non tenues, Tim, ça m… Ca m’fait mal et j’ai pas besoin d’avoir plus mal qu’ça. » Chaque pore de son existence de chair souffre, il lui crie qu’elle veut retourner là où elle était. Mais en même temps, une parcelle est en train de lui dire de se foutre dans les bras de Tim pour se raccrocher à quelque chose, à la vie sûrement. Mais non, elle reste cloitrée dans son coin, totalement repliée sur elle-même. Freya a le regard qui se perd dans la contemplation de l’eau. « J’étais bien, bordel, Tim, pourquoi tu m’as pas laissé ?! Pas d’poids pour personne, plus d’contrainte plus d’voix plus rien ! » La suédoise commence à monter en octave, elle a le sang qui reprend le trajet de ses veines et qui s’accélère. Elle déglutit, elle a envie de crier et de pleurer, les deux en même temps. En attendant, Freya se balance sur elle-même tout en restant de son côté. Une distance de sécurité avec Tim qu'elle s'impose, parce qu'il l'a déçu mais quand même temps, elle débecte. Plus tard, elle s'en voudra. Plus tard, elle se maudira de faire subir ça à Tim.
Mais aujourd'hui, elle le prend pour argent comptant. Parce qu'il a signé, il l'a voulu, il le savait. A savoir si elle réussira à le faire fuir comme d'autres avant ou non.
|
| | | | (#)Dim 6 Oct 2019 - 22:15 | |
| Le voilà, son coeur qui se déchirait en mille morceaux parce que Freya était en face de lui mais elle n'avait plus l'air d'être là, plus l'air de lui appartenir. Au contraire, elle semblait le haïr parce qu'il n'avait pas su répondre à l'appel en temps et en heure, énième déception pour autrui. Au fond, c'était ce qu'il avait toujours été, il n'y avait qu'à se rendre à l'asile voisin pour aller poser la question à sa chère mère, elle pourrait vraisemblablement corroborer ce genre de propos. Son fils n'avait jamais su répondre aux requêtes de son entourage, il faisait des promesses en l'air, s'inventant en petite fille pour n'être qu'un petit garçon comme les autres, une abomination aux yeux de sa génitrice. Désormais, il était également un tyran aux yeux de sa propre petite amie car il n'avait pas été à l'heure sur ce coup-là, lui qui avait toujours été présent ces dernières semaines, au réveil et au coucher, dès qu'elle ouvrait les yeux pour les tourner vers lui. Il n'avait pas le droit à plus, pas dans ces moments là puisqu'il n'y avait que le désespoir qui teintait dans les yeux de sa chère et tendre. Bon dieu, ce qu'il pouvait se haïr de ne pas être suffisant pour elle, de ne pas être cet homme qui réussirait à lui arracher un sourire. C'était idiot, bien sûr, parce qu'il ne pouvait rien faire, absolument rien, tous les spécialistes lui avaient dit et il en avait contacté pas mal. Il fallait juste être patient, attendre que le choc la réveille à nouveau et qu'elle lui revienne. Apparemment, cette petite mort qu'elle lui avait offert en spectacle n'était pas encore ce fameux choc puisqu'elle s'éloigna de lui dès qu'elle eut recouvré ses esprits. Là bas, trop loin, recroquevillée sur elle-même, Freya avait l'air si fragile et il avait l'impression d'être un assassin, un homme qui allait la frapper parce qu'elle tentait de se protéger de lui par dessus tout. Était-il le monstre qu'elle prétendait? Avait-il échoué sur toute la ligne? Méritait-il tout ce qui se passait, Timothy n'avait plus aucune certitude, autrement que celle de ces gouttes d'eau qui tombaient le long de ses joues et que Doherty ne tarda pas à remarquer. "Je suis désolé mais j'ai eu tellement peur, j'ai cru que t'étais..." Il ne pouvait pas terminer sa phrase car les mots lui échappaient, son souffle aussi. Il ne put que fermer les yeux quelques secondes, se maudissant d'avoir quitté l'appartement ce matin là, au moment même où elle avait le plus besoin de lui. Tim devait être là, il allait tout faire pour l'atteindre et si elle devait souffrir à ce point là, il serait le réceptacle du moindre de ses chagrins, elle n'avait pas d'autres choix... Aucun autre choix. "Je sais, Freya, je sais. Je suis venu aussi vite que j'ai pu, je te promets et je suis là, maintenant. T'es plus toute seule, d'accord? Je vais pas partir, laisse moi juste être avec toi, s'il te plaît. Me rejette pas." Il avait autant mal qu'elle parce qu'il ne gérait pas la situation, évidemment qu'il n'y arrivait pas. Il n'avait pas son trouble, le flux de ses pensées était forcément différente de celui de Freya et il commençait à prier pour que ce fut lui qui ait hérité de tout cela. Pas elle, surtout pas elle. Ses mots le firent d'ailleurs flancher, trempé jusqu'à la poitrine parce qu'elle le suppliait de la laisser mourir. Avait-elle conscience de son discours, de ce que cela engendrait dans le coeur de Timothy? Probablement pas parce que c'était sa maladie qui parlait, pas la belle femme qu'il aimait. "T'es pas un poids pour moi. J'ai pas envie que tu disparaisses, je te veux avec moi, pas en dessous de l'eau. Jamais. Bats toi, Freya, je t'en supplie, reviens vers moi. Laisse moi te serrer contre moi... C'est pas assez, je sais, je suis pas assez mais je te donne ce que tu veux, n'importe quoi pour que tu souffres moins. Je peux pas te laisser, j'accepte tout de toi, je te l'ai déjà dit. Et même ça, je le prends, Freya alors, pleure, hurle, fais ce que tu veux mais n'arrête pas de te battre contre tes mauvaises pensées. C'est tout ce que c'est, des idées noires mais t'es plus forte que ça. T'es ma galaxie suédoise, plus haute qu'une étoile, plus forte qu'un soleil... Reviens vers moi." Il déglutit, tendant sa main tremblante vers sa compagne, retenant le flot de larmes qui menaçaient encore. Il ne l'abandonnerait pas, même si elle lui disait encore des mots terribles comme ceux-là. Tim trouverait la parade, il ferait n'importe quoi pour elle, ses yeux bleutés brillants d'affection pour elle et il n'échouerait pas cette fois-là. Pas avec elle.
|
| | | | (#)Dim 6 Oct 2019 - 23:24 | |
| Freya le rejette, elle ne veut pas le regarder, elle décrète qu’il ne le mérite pas. C’est bien là toute l’ironie. Elle se permet de juger son comportement, ou plutôt son manque de comportement, d’avoir brillé par son absence. Elle se permet d’émettre un avis sur le fait qu’il n’a pas été à sa botte quand elle a besoin sans jamais lui avoir dit quoique ce soit. Elle est injuste, elle est cruelle, elle est d’un égoïsme affolant et le pire, c’est ce qu’elle dira que ce n’est pas de sa faute. Mais jusqu’à quel point ce n’est plus de responsabilité ? Quand elle est partie dans le pays des songes qui aurait pu lui coûter la vie si Tim n’était justement pas rentré à temps ? Quand elle a essayé de calmer ses maux par des liquides divers, compagnons de fortune dont elle ne sait que trop bien comment les prendre pour qu’ils fassent du bien ? Quand elle bougonne, quand elle pleure, quand elle crie que le monde ne tourne plus rond, que l’humanité entière est vouée à sa perte et qu’elle la première, elle préférera crever plutôt que de voir ça ? Est-ce qu’elle refuse aussi sa responsabilité de créer ce gouffre entre eux, laissant l’eau se courber gentiment entre leurs deux présences dans la baignoire ? Appuyer là où ça fait mal, dire les mots cruels sans réfléchir, ça aussi, ça lui échappe totalement. C’est toujours facile de blâmer les autres, c’est plus simple de dire que c’est la maladie. Mais cette maladie ne se serait peut-être pas déclenchée si elle n’avait pas été conne dans le passé. Peut-être que si elle y était restée dans ce putain d’incendie, pour sûr qu’elle n’aurait jamais à infliger ça à ses proches. Surtout à Tim. Tim qui pourtant la regarde malgré ses tremblements, malgré ses larmes, malgré les mots qui sortent en guise de sa réponse – et ceux qui restent coincé dans sa gorge. « Crevée. T’as cru que j’étais morte. J’y ai cru aussi. Et j’ai bien aimé la sensation. » Mais il a fallu que tu m’attrapes, que tu reviennes finalement à moi, enfin, quand il fallait. Au moment où la bouche ne faisait que remonter de faibles bulles de soupir, signe que la fin n’était pas vraiment là mais qu’elle rôdait, pas loin. T’as été là à la minute qu’il fallait. Mais comme tu n’as pas été là à celle d’avant, et toutes celles qui ont précédé, ça ne suffit pas. Est-ce que ça suffira un jour ? Sur le moment, non. Freya a juste un vide au creux de son ventre et c’est celui que Tim peut combler d’habitude. Par son affection, sa tendresse, ses mots, ses gestes, ses attentions. Sa présence. Rien que sa présence suffit pour la combler. Plus le temps passe et plus elle s’attache. Physiquement, émotionnellement. Amoureusement sûrement. Mais là, elle ne l’aime pas. Elle a le cœur dur, il est sombre, il est noir, il est mauvais. Pour une fois, tout s’accorde, tout le monde chez elle est sur la même onde. Elle est pourrie, dégueulasse et moche jusqu’à la moelle. Freya se renfrogne un peu plus alors que Tim lui affirme qu’elle n’est pas seule. Qu’il ne va pas partir. Qu’il la supplie de ne pas le rejeter. Il a déjà connu tellement de rejet. Est-ce qu’ils le survivraient tous les deux si elle le repousse ? Ce n’est pas toi, c’est la maladie. La suédoise le voit venir gros comme une maison. Une excuse valable mais ô combien facile. Mais Freya s’y fera. Elle passera le reste de sa vie et celles d’après à tenter de se faire pardonner.
Tim étant Tim, il reste, il ne bouge pas. Malgré la souffrance qu’elle est en train de lui infliger, le bougre reste. Elle aurait préféré qu’il se tire, qu’il lui donne une raison de plus de rajouter à son envie de foutre sa tête sous l’eau. Qu’il lui fasse comprendre que non, c’est bon, il jette déjà l’éponge. Qu’elle n’en vaut pas la peine qu’on se mette dans tous ses états. Qu’elle n’est rien et qu’elle le restera à vie. Mais non. Dans sa perfection imparfaite, Tim la fait pleurer par ses mots. Elle l’entend, elle l’écoute, sa voix comme un écho au loin. La suédoise pose son front sur ses genoux, elle passe des doigts crispés dans la racine de ses cheveux, les dents serrés. Elle ne relève pas la tête quand il lui tend la main ni même quand il prononce un léger « Reviens vers moi. » suppliant. Freya tremble. « Arrête de promettre, Tim ! Arrête de m’faire croire à l’impossible, c’est cruel, bordel, tu m’entends ? C’est moche, les promesses, personne les tient jamais, c’est creux, ça a pas d’sens ! » Freya lève les yeux et la première chose qu’elle voit, c’est cette main tendue. Une partie de son être lui crie de la prendre, de lui donner ce qu’il veut – ce qu’elle veut – de le laisser la prendre dans ses bras, d’effacer le cadavre de ses larmes. Elle a tellement besoin de ta chaleur, Tim. Tu es tellement plus radiant et vivant qu’elle ne le sera jamais, tu es l’astre constant de son nouvel univers. Mais l’autre partie de son être la fait réagir autrement. « C’est facile de dire de m’battre. Tu crois que je l’ai demandé, tout ça ? C’est pas aussi simple, Tim, j’te l’avais dit, je t’avais prévenu ! J’suis fatiguée de m’battre, j’en ai marre, j’en ai assez ! Tes bras, j’en avais besoin tout à l’heure, pas maintenant ! » Elle regarde de nouveau sa main tout en secouant la tête. Freya la fourre de nouveau contre elle, son front sur ses genoux alors que les sanglots s’accentuent. Elle en tremble de partout et elle se maudit d’être aussi faible. Elle aurait aimé que Tim ne la voit jamais comme ça. Parce qu’il ne va pas la laisser, là, il va sûrement même faire l’inverse. Et Freya sait que malgré ses rejets, malgré ses mots, elle le laissera faire. Mais encore une fois, ce n’est pas de sa faute. Elle est juste trop abattue pour résister.
« C’est pas la peine de continuer. J’en vaux pas la peine, t’façon. » Combien de fois dans sa vie elle a pu sortir cette phrase ? Elle a perdu le compte. Et de continuer quoi, au juste ? Non, Freya ne fait même plus attention à ce qu’elle raconte parce qu’elle n’en pense pas un mot. Même si elle dit le contraire, ne la quitte pas, Tim, ne la laisse pas planter là.
|
| | | | (#)Dim 6 Oct 2019 - 23:47 | |
| Son monde s'écroulait peu à peu, miette par miette et Tim n'était pas un superhéros, il n'avait pas de colle magique à disposition, aucun moyen de tout réparer, de tout remettre en ordre. De revenir en arrière, à leurs débuts, à ces moments bénis dans leur petit jardin secret, à l'abri de ce monde qui les blessait tant. Freya avait mal et par extension, parce qu'il était Timothy Decastel, il en mourait lui aussi. Toujours aussi empathique, il tenait tant à récolter toute la misère humaine sur ses frêles épaules, la laisser gagner contre sa force vitale. Ce serait une fin qu'il accepterait volontiers: si c'était pour Freya, en tout cas, il le ferait. La jeune femme ne se rendait pas compte de tout ce qu'elle lui avait apporté en si peu de temps, simplement par sa présence, par quelques mots distillés ça et là, des gestes tendres ajoutés à la recette et tout allait beaucoup mieux dans l'existence de Decastel. Elle était précieuse, si précieuse et pourtant, elle n'y croyait plus une seule seconde vu l'état dans lequel elle se mettait, là, maintenant. Tim savait que ce n'était que les effets secondaires d'une phase dépressive qu'elle ne pouvait pas vraiment contrôler, du moins qu'elle avait essayé de contenir des jours durant plutôt que de l'exprimer dès les premiers instants et tout semblait si tragique désormais. Comme si son monde tout entier s'écroulait sous ses pieds, non sous leurs pieds, à tous les deux parce que Tim faisait aussi partie de cette histoire désormais. Ce contrat là avait été signé par les deux parties et même si Doherty essayait à tout prix de le rejeter, de se donner raison par le manque d'importance qu'elle pensait avoir aux yeux du brun, Tim n'en démordrait pas. Pas cette fois. Il avait déjà par trop de fois laissé les femmes de sa vie le faire abandonner une lutte qu'il aurait pu remporter s'il s'était montré suffisamment fort pour faire taire leurs mauvais arguments. Ceux de Freya étaient les pires parce qu'elle se considérait comme une personne inutile pour autrui, un fardeau supplémentaire pour son entourage alors qu'elle était tout l'inverse pour Tim. Les mots n'étaient pas faciles à dire parce qu'elle n'était pas franchement prête à les entendre dans ce genre de circonstances mais le soldat commençait à en avoir marre de tout garder pour lui, sous prétexte qu'il y avait des conventions, des moments tout indiqués pour dire certaines choses, pour se laisser aller à des confidences importantes. Il la laissa dire qu'elle volait crever, que c'était ce à quoi elle s'était attendue en se laissant choir au fond de la baignoire, tout comme il accepta qu'elle n'attrape pas sa main et se lance plutôt dans un discours enragé sur les mauvais actes de Decastel à son égard. Il était arrivé trop tard, il l'avait laissé sombrer et il était fautif de tout, voilà ce qu'il aurait dû retenir de ce monologue mais il n'en fit rien. Plutôt l'inverse. Tim la regarda avec ses grands yeux bleus et il parla le plus calmement du monde, ses sanglots semblant s'être apaisés au fil des minutes qui s'égrenaient. "Moi, je les tiens. Moi, je suis là. Et je continuerai de te tendre ma putain de main jusqu'à ce que tu l'attrapes, Freya, parce que ça marche comme ça, toi et moi, tu te rappelles? Tu me fuis, je viens te chercher et je vais continuer de le faire." Il contrôlait ses émotions, peut être pour la première fois de son existence parce que Tim n'était pas doué pour cela, pour tout terrer mais à ce moment là, c'était la seule chose qu'il devait faire, montrer à Freya qu'il n'avait pas peur d'elle, de cette pénombre qu'elle gardait au fond de son âme et qu'elle n'arrivait pas à accepter. Lui pouvait le faire pour deux en attendant qu'elle réussisse ce chemin toute seule. "T'en as encore besoin maintenant, Freya. Tu le sais bien. Tu veux juste me faire du mal pour que je m'en aille, parce que tu veux pas que je te vois comme ça, parce que t'as honte de cette part de toi, mais moi, j'ai pas honte de toi. Je te l'ai dit, j'ai pas peur, et tu me feras pas partir, pas quand tu dis des choses comme ça. Parce que t'as tort, tu vaux tout l'or du monde. T'es une galaxie, tu te souviens?" Il osa se rapprocher d'elle, entendant plus que jamais ses sanglots et il avait beau frissonner, certainement parce que la température de l'eau de la baignoire avait commencé à baisser et que l'adrénaline le faisait trembler de toutes parts mais Tim oubliait tout cela. A la place, il avait sa main tendue, sa main plus assurée cette fois qui s'approcha du visage de Freya et avec la plus grande des délicatesses, il releva son menton pour qu'elle le regarde dans les yeux, qu'elle arrête d'éviter cette communion parce qu'ils étaient ensemble et que les conditions étaient toujours les mêmes, rien n'avait changé, à part peut être l'essentiel... "Tu sais que je t'aime, Freya? Pas seulement la partie joyeuse, les éclats de rire et tout le toutim, mais même ce que tu crois qui vaut rien au fond de toi, je l'aime aussi. C'est comme ça, alors laisse moi entrer, tu pourras pas me faire te tourner le dos parce que c'est pas ce qu'on fait tous les deux... On se retourne toujours l'un vers l'autre. Toujours." Et il mentionnait ce passage dans la douche, un moment d'évasion de la part de Doherty, mais Tim ne ferait pas la même action, pas maintenant, alors qu'il la regardait avec tant de profondeur dans les iris bleutés. Il l'attendait, viens à moi, Freya et ne me quitte plus. Laisse moi t'aimer comme tu le mérites.
|
| | | | (#)Lun 7 Oct 2019 - 18:25 | |
| A ce moment précis, la misère humaine n’est rien comparée à ce qu’elle vit. Cette sensation que rien n’a de valeur, rien n’a de sens, rien n’a de goût parce que la souffrance est telle que la misère du monde vous passe au-dessus de l’épaule, et de la tête. Il n’y a que la sienne qui compte, parce qu’il n’y a que la sienne qu’elle ressent dans ses veines. Être inutile, une moins que rien, un grain de poussière gênant dans ce vaste monde, quelqu’un qu’on regarde avec pitié, sans avenir certain, ni glorieux. Freya était déjà vouée à sa perte quand elle était gamine, dès sa naissance, dès qu’on a posé son nom de famille sur le livret familial. Une forme de malédiction familiale. Mais ça aussi, c’est bien trop facile. Blâmer son père pour tout ce qu’il leur a fait subir. Blâmer sa mère pour ne pas avoir été à la hauteur et n’être qu’un portrait fantomatique d’un futur que Freya refuse de voir. Blâmer son aîné de ne pas les avoir conduits là où il fallait. Blâmer son jumeau d’être toujours aussi con, aussi dangereux. Blâmer Elias, qui brille par son absence, avec qui elle a rompu dans tous les sens du terme il y a deux mois mais dont elle lui en veut de pas être venu la chercher. Blâmer aussi Lukà, parce que son cousin vit sa vie, il a une copine, il ne lui a rien dit, à part pour colporter des mauvaises nouvelles. Elle blâme, elle les déteste, elle les pointe du doigt parce qu’ils sont aveugles, ils ne font aucun effort, ils ne viennent pas savoir si elle va bien. Ils s’en fichent d’elle et, mon dieu que c’est tellement plus réconfortant de se dire que le problème ne vient pas totalement d’elle. Que d’autres facteurs étrangers à son jugement, hors de sa portée, échappant à son contrôle, la rendent comme ça. Et il y a Tim. Tim qui est actuellement le premier en ligne mire. C’est lui le soldat mais c’est elle qui tire à balle réelle. En rafale, sans pensée secondaire (ou presque), sans ciller. Elle tire, elle appuie sur la gâchette tout en espérant peut être que ça suffira pour le blesser, pour le faire partir. Mais il reste, toujours et encore et c'est beaucoup trop. « Tu finiras par en avoir marre de venir me chercher. » Freya en aurait marre d’elle-même, elle en a déjà sa claque de l’existence qu’elle tient à continuer à mener. Aucune volonté de vouloir faire mieux, juste vivre l’instant présent en osant espérer que demain, elle fera mieux (ce n’est jamais le cas). Mais parce que c’est Tim, parce qu’il est bon, putain, il est naturellement bienveillant, il est honnêtement sincère. Ses yeux bleus ne trahissent pas son insécurité, ils contiennent même une force qu’il est en train de se bâtir. Pour elle ? Freya se refuse de s’y laisser berner.
« T'en as encore besoin maintenant, Freya. Tu le sais bien. » Evidemment qu’elle en a encore besoin. Elle les refuse mais elle les pleure, ces bras qu’elle avait espéré voir en rentrant mais qui n’étaient pas là parce que… Parce que quoi, d’ailleurs, il fichait quoi ? Maintenant qu’elle y pense, est-ce qu’il a revu cette fille qu’il a foutu enceinte ? Bordel, ce n’est pas possible, elle angoisse, elle est terrifiée, elle pleure encore plus. « Tu veux juste me faire du mal pour que je m'en aille, parce que tu veux pas que je te vois comme ça, parce que t'as honte de cette part de toi, mais moi, j'ai pas honte de toi. » Je n’ai pas honte. Oui je ravale ma douleur depuis plusieurs jours, sur des semaines épuisantes à s’engouffrer un peu plus. Mais je n’ai pas honte. Je veux juste que tu contemples dans quoi tu t’es engagé - sans jeu de mot. (Mais dans le fond, sa gamine intérieure se terre et se morfond parce qu’elle est faible, elle pleurniche, elle geint pour rien et pour tout. Et ça, c’est honteux, c’est affligeant. Pas la première expérience qu’elle veut lui faire vivre dans un si jeune couple.) « Je te l'ai dit, j'ai pas peur, et tu me feras pas partir, pas quand tu dis des choses comme ça. » Qu’est-ce qu’il faut dire, alors ? Je te déteste (c’est faux), t’es nul (archi faux), je ne veux plus de toi (s’embourber dans le mensonge pur), va-t’en (reste) ? « Parce que t'as tort, tu vaux tout l'or du monde. T'es une galaxie, tu te souviens? » Persistante à garder son visage coupé du sien, Freya secoue quand même la tête avec une vigueur assez forte considérant sa situation. « Arrête. » Sa voix est presque inaudible mais ça n’empêche pas Tim de s’approcher, elle le sent. Il est grand et la baignoire, bien trop petite pour les contenir à une distance partagée. Trop clos pour pouvoir se cloîtrer comme il faut. « Une galaxie, ça peut aussi se consumer et disparaître. » Ou en tout cas mourir dans le néant le plus total.
Freya continue à trembloter, non pas de froid mais de sanglot. Elle déteste tellement ça, elle commence par se dire qu’elle aurait préféré s’enfermer dans sa chambre, comme elle le fait d’habitude. « Tu sais que je t'aime, Freya? » Claquement de dents. La douche froide qui n’a rien avoir avec l’eau autour d’eux. Il lui balance ça comme ça, sans cérémonie, sans avertissement. Elle est où, la piste d’atterrissage d’urgence, le matelas de sécurité ? Freya a envie de croire ses paroles. Douces, merveilles, magnifiques paroles qui combleraient n'importe qui, surtout elle dans d'autres circonstances. Dans une situation différente, elle aurait eu un sourire à faire fondre la banquise tellement qu'il aurait été radiant. Mais la main de Tim paraît brûlante contre sa joue, son menton, ce contact dont il appuie les paroles pour lui affirmer sa présence, une volonté sans faille que non, elle n’arrivera pas à le faire déguerpir. Elle veut qu’il la déteste, même un peu, même un brin mais non, il lui dit qu’il l’aime, putain. « Tu racontes n'importe quoi. Tu dis ça pour m’réconforter. Faut pas dire ce genre de choses à la légère, Tim. » Parce que ce sont des mots qui apportent un plein trop d’espoir, qui laissent à imaginer tellement plus fort que ce qu’elle peut recevoir et entendre à ce moment précis. Son cœur gonfle, sa carapace s’effrite doucement parce que ça reste Tim, qu’il vient de lui dire ces mots et que même si ça la rebute, elle ne peut pas rester de marbre face à ça. « On se retourne toujours l'un vers l'autre. Toujours. » Même s’il a levé son menton, dans une tentative désespérée qu’elle le regarde, Freya louche sur le côté, derrière lui, partout sauf lui. Parce que si elle croise ses yeux, elle sait qu'elle sera paumée, qu'il aura gagné et… Ce n'est pas ce qu'elle veut. Cruellement. Injustement. Mais il l'a choisi, c'est lui qui a voulu tout ça. « Pourquoi tu peux pas faciliter les choses et juste me détester ? T'en as le droit. Et je comprendrai puisque j'me déteste. » demande-t-elle d'une voix faible et bourrée de tremblements. Une enfant, voilà ce qu'elle est à présent. Elle a la sensation d’être traitée telle quelle. « Tu grossis mon importance dans ton histoire, là, j’peux- j’peux pas, j’peux pas, j’peux pas. La galaxie, les étoiles, tout ça, c’est là-haut et nous, on est sur Terre et faut se réveiller, faut ouvrir les yeux, Tim. » Peut-être que si elle le répète assez, Freya finira par y croire. Par revenir sur Terre et que dans son injustice la plus totale, on finira (encore) par l’abandonner. Ça serait tellement plus simple s’il pouvait lui aussi hurler de tout son soûl, de crier à l’injustice de la situation. Tu pourrais la haïr qu’elle comprendrait mieux que ce sentiment qui semble naître au creux de ton cœur et que tu affirmes pleinement, Tim. « Tu peux pas m’- » Si lui n’arrive pas à prononcer le mot commencer par un grand M, elle a dû mal avec celui qui débute par un grand A. Il reste coincé au fond de sa gorge et elle referme la bouche comme un poisson manquant d’air.
Et elle fait exactement ce qu’elle ne voulait pas. Ses yeux se posent automatiquement dans ceux de Tim. Elle serre ses jambes de ses bras un peu plus contre elle. Ses iris se noient dans de nouvelles larmes parce que l’expression de Tim la brise. « J’suis désolée. »
|
| | | | (#)Mer 9 Oct 2019 - 21:31 | |
| Evidemment, Tim l'attendait. Il voulait que Freya revienne vers lui, comme elle l'avait déjà fait par le passé parce qu'elle avait beau ne pas le penser, le jeune homme avait besoin d'elle. Il avait envie d'être avec elle, envers et contre tout et ce, même si son trouble mental apportait bien du désordre dans leur duo iconique. Decastel avait peur, plus que jamais, parce qu'il comprenait désormais que sa belle petite amie n'était pas totalement en contrôle de ses actes dans ce genre de moments. Elle avait bien failli se tuer, elle n'en avait peut être pas eu l'intention mais le résultat avait été visible et si Timothy n'était pas arrivé à ce moment là, elle aurait peut être disparu. Pire encore, c'aurait été le soldat qui l'aurait retrouvée inerte dans son bain et il ne s'en serait jamais remis. Le jeune brun aurait vécu toute sa vie avec cette culpabilité au creux des entrailles, de ne pas avoir été à la hauteur de cette femme qu'il aimait et qu'il aurait dû chérir avant tout le reste... Pourtant, il n'avait pas été là à l'instant opportun et c'était le premier reproche que la belle suédoise lui avait fait. Elle avait raison, il n'avait pas géré la gravité de la situation et il se retrouvait habillé dans une baignoire, à essayer de tendre la main à cette femme qui refusait tout contact avec lui. Voilà ce que cela pouvait donner d'être en couple avec quelqu'un qui subissait les pires moments de la bipolarité, on n'était jamais sûrs de rien, sauf peut être de cette souffrance que l'autre pouvait avoir au creux des entrailles mais ne rien pouvoir faire pour la faire taire. C'était, en tout cas, ce que ressentait Tim à l'heure actuelle parce qu'il ne savait pas quoi faire d'autre pour récupérer Freya entre ses bras rassurants. Elle se refusait à lui parce qu'elle lui en voulait, son absence avait dû être terrible pour elle et cette baignoire avait été son salut au moment où elle s'était laissé couler. Alors, Timothy ne pouvait que laisser les larmes lui échapper, rien n'était simple. Tout faisait mal. "Jamais." Ce n'était qu'un mot mais celui-ci était tangible parce que Decastel revenait toujours vers elle. C'était lui qui initiait le contact, lui qui lui courait après, même quand elle faisait tout pour le fuir. Elle ne pouvait pas croire qu'il ne donnerait pas tout pour elle parce que Freya avait tort. Il s'était jeté dans cette baignoire, il avait pleuré tout ce qu'il avait pu et il essayait tant bien que mal de gérer sa panique intérieure. Voilà ce qu'il y avait au creux du coeur de Tim, un surplus d'émotions, des mots qui lui échappaient et une réaction de Doherty qui l'effrayait encore un peu plus. Allait-elle le croire à un moment? Allait-elle arrêter de le contredire? Tim savait que c'était sa maladie qui parlait, et pas sa belle galaxie suédoise qui faisait preuve d'un pessimisme sans faille face à lui. Comme s'il allait la laisser agir, sans rien faire. "Pas ma galaxie suédoise. Pas tant que je serai là pour faire briller ses étoiles." C'était son seul désir et il attendait encore, ne sachant pas quoi faire d'autre, de toute manière. Puis, les mots à nouveau. Ils faisaient comme bon leur semblait et il ne contrôlait pas le flot des émotions qui lui happaient le coeur et l'esprit. L'amour, voilà de quoi il s'agissait mais c'était la réalité dans laquelle Freya se devait de vivre parce qu'elle avait accepté Tim dans sa vie et elle aurait dû savoir que cela arriverait avec quelqu'un comme lui. Il ressentait tout mille fois plus fort que les autres et il donnait toujours tout son coeur pour les autres... Pour elle, en premier lieu, depuis qu'ils étaient ensemble alors, qu'il ose lui offrir ce genre de discours n'était pas choquant. Pas avec Timothy Decastel. Freya sembla sous le choc, ou sous le coup de l'émotion, Tim n'aurait pas su le dire réellement, sa main tremblante encore levée vers elle, voyant bien que sa carapace s'effritait. Il l'atteignait, il allait la retrouver, il le sentait et son coeur battait plus vite en conséquence. Il la laissait parler, lui demander de la haïr, lui répéter qu'il se mentait en osant croire qu'elle avait autant d'importance dans sa vie mais il ne répondait rien. Pas tout de suite, pas encore parce que ses yeux étaient coincés sur elle et il attendait qu'elle lui retourne son regard, qu'elle se laisse consumer par lui. Ce qu'elle fit, des yeux embués croisant les siens et une simple excuse. Juste cela. Tim ne pouvait plus attendre alors, il s'approcha et vint la prendre délicatement dans ses bras, en espérant qu'il faisait comme il fallait, qu'il lui avait offert assez d'espace pour qu'elle ait le temps de se remettre de cette aventure mais pas trop non plus pour qu'elle ait le temps de le fuir, en contrepartie. "J'ai les yeux bien ouverts et je t'aime, Freya. Tu pourras dire ce que tu veux pour me contredire, ça marchera pas. Alors, laisse moi faire ce que je fais de mieux... Ça. T'aimer, être là pour toi et te prendre dans mes bras." Il vint déposer un baiser sur sa tempe, sa main tremblante glissant contre sa joue, ses yeux bleutés montrant son inquiétude en inspectant chaque trait de son visage. Il avait failli la perdre, bordel, et il en aurait crevé. "J'ai eu tellement peur de te perdre." Il ne pouvait pas ajouter quoique ce fut d'autre parce que les émotions étaient trop intenses à l'heure actuelle et il n'avait pas envie de pleurer maintenant, pas au moment où elle avait besoin qu'il soit fort pour elle. Alors, il essayait de l'apaiser d'une main délicate et légère, de l'aimer d'un regard tendre mais affirmé. Il essayait de ne pas la lâcher. Jamais.
|
| | | | (#)Jeu 10 Oct 2019 - 12:16 | |
| « Pas ma galaxie suédoise. Pas tant que je serai là pour faire briller ses étoiles. » Et qu’est-ce qu’il se passe, le jour où les étoiles disparaissent ? Qu’elles se consument, qu’elles s’effritent, qu’elles s’évaporent ? Qu’est-ce qu’elle fera, la galaxie, à tourner toute seule dans le néant absolu, dans le noir le plus total, une ignorance complète ? Freya en pleure d’y penser, elle en pleure cruellement parce qu’un jour, Tim finira par faire comme tous les autres, il finira par partir, elle en est certaine. Il n’y a pas de contrat entre les étoiles et l’univers, il n’y pas de lien, c’est juste la nature des choses qui veut ça. Et la nature des choses peut être parfois cruelle et sans pitié, vous faire mal à en crever. Et Tim, il la laissera, si ce n’est pas aujourd’hui, ça sera demain. Il l’abandonnera, peut-être parce qu’il sera fatigué, peut-être parce qu’il n’aura plus la force… Peut-être parce qu’il va être père et, bordel, qu’est-ce qu’elle peut rivaliser contre ça ? Il va être père, il va avoir la responsabilité d’un petit être innocent, d’un être fragile, il n’aura pas le temps pour elle. Ses yeux bleus seront forcément tournés vers sa petite progéniture, elle passera sûrement au deuxième plan. Pire, au troisième plan si on compte la mère. Cette mère qui plane constamment dans la tête à Freya parce qu’elle est bourrée d’insécurité, parce qu’elle pense toujours au pire. Parce qu’elle sait qu’elle n’est pas un cadeau, qu’elle n’est pas une jolie fleur qui sent bon la douceur. Elle pique, Freya, elle serait sûrement une plante carnivore qui se mettrait à pleurer à chaque insecte avalé.
La jeune Doherty se recroqueville toujours un peu plus mais elle se laisse avoir. Elle semble s’ouvrir un peu plus parce que Tim finit par s’approcher encore un peu plus en pensant ses bras autour d’elle. Sa mâchoire se crispe, son cœur manque de déborder de sa bouche et elle tremble encore plus fort. Qui est la peste, qui est l’antidote entre les deux, là ? C’est forcément elle le poison de toute façon. Qui s’infiltre dans les veines, qui pourrit de l’intérieur et qui détruit à petit feu. Ce n’était pas ce qu’elle avait voulu pour Tim et pourtant, au lieu de se barrer, il la rapproche d’elle, voulant certainement s’assurer qu’elle est bien vivante. Respirante. « J'ai les yeux bien ouverts et je t'aime, Freya. Tu pourras dire ce que tu veux pour me contredire, ça marchera pas. Alors, laisse moi faire ce que je fais de mieux... Ça. T'aimer, être là pour toi et te prendre dans mes bras. » Elle déglutit une nouvelle fois, elle se mord la langue alors qu’il embrasse sa tempe, alors qu’il lui caresse la joue, qu’il observe chaque trait bien vivant et palpitant de son visage. « J'ai eu tellement peur de te perdre. » Freya sent de nouveau ses lèvres trembler, l’émotion l’envahir et elle craque.
Elle se laisse aller contre Tim, la frayeur, la honte, la douleur, tout ça la secouant de nouveau spams de pleurs. La suédoise reste les bras autour de ses jambes mais son visage vient se blottir contre le creux de son cou, les yeux fermés, l’odeur de Tim la saisissant et la faisant chavirer un peu plus dans ses émotions négatives. « Ça va pas, Timothy, ça va pas du tout, rien ne va. Tout débloque, tout disjoncte et j’me sens pitoyable. D’être comme ça avec toi, alors que je devrai être la plus heureuse du monde. J’suis nulle, j’te mérite pas, j’me montre pas à la hauteur. » Désolée d’être ce que je suis, désolée de pas me battre plus, désolée de te faire subir ça. C’est sa première relation et elle fait tout foirer. Elle se déteste, purée qu’elle se déteste. « J’suis désolée. » qu’elle lui répète, elle qui pourtant ne s’excuse et ne se désole jamais de rien. Freya sent ses ongles s’enfoncer dans sa peau, signe d’une frustration évidente de la situation actuelle.
Pour Tim, elle s’excusera, elle se fera pardonner, elle trouvera quelque chose. Parce qu’il lui a dit qu’il l’aime, ça vaut bien tous les pardons et les désolations du monde.
|
| | | | (#)Jeu 10 Oct 2019 - 22:06 | |
| Il en avait mal au coeur, plus que jamais. Voir Freya dans cet état le touchait bien plus qu'il n'aurait pu le concevoir et pourtant, la jeune femme l'avait prévenu de tout ce qui adviendrait lorsqu'elle se retrouverait dans une phase dépressive. Ce n'était donc pas quelque chose qu'il découvrait mais avait-il imaginé que tout cela pourrait être aussi tragique? Non, il n'avait pas pensé qu'un simple bain dans son appartement pouvait approcher sa petite amie de la mort alors qu'il n'avait vu son habitat que comme un cocon rassurant et sûr pour elle. Tim s'était bien trompé et il se sentait tellement responsable de ne pas être à la hauteur de ce qui la tourmentait. Il aurait aimé pouvoir absorber toutes ses peines et toutes ses peurs avec, mais il savait que c'était impossible car il n'était pas né bipolaire et qu'il ne comprendrait certainement jamais ce qui la rendait aussi vulnérable. Il avait beau avoir vécu des centaines de traumatismes au cours de son enfance, rien ne devait arriver à la cheville des sensations qui étreignaient le coeur de sa tornade suédoise. Elle tremblait, elle pleurait et Timothy ne pouvait que l'attirer entre ses bras, une tentative désespérée de l'apaiser. Il n'avait aucune idée si c'était ainsi qu'il fallait agir, s'il l'aidait réellement en s'immisçant dans son espace mais on ne lui avait pas donné le manuel pour gérer ces situations d'urgence alors, il y allait à l'instinct. Juste laisser son corps faire et mettre son cerveau en mode off. Il n'avait jamais été très doué à ce sujet, ce qui expliquait les multiples crises d'angoisse qui avaient bercé le flot de son existence mais pour Freya, il pouvait tout tenter. Il étalait des vérités, sentant l'émotion encore plus palpable à l'intérieur du corps de sa frêle Doherty mais il ne la lâchait pas une seule seconde, ses bras l'entourant sereinement quand il sentit sa tête se relâcher au creux de son cou. Elle ne se rendait pas compte du mal que tout cela lui faisait, qu'elle puisse envisager qu'elle le déçoive ou qu'elle ne le mérite pas... Elle avait tout faux, bien sûr qu'elle était en dehors de la vérité. Très loin, même. "Dis pas ça, c'est la bipolarité qui parle, c'est pas ma Freya. Tu mérites le monde et je t'oblige pas à être la femme la plus heureuse du monde à tous les instants du jour et de la nuit, je veux juste que tu sois vraie... Ce moment est vrai parce que ça fait partie de toi aussi et je t'aime pas moins à cause de ça. Au contraire, t'es bien courageuse, Freya, de vivre tout ça, toutes les émotions aussi fortement, je t'admire. Vraiment. Alors, t'excuse pas, pas avec moi, t'es parfaite comme tu es." Il essaya de capter son regard, ses doigts se promenant sur sa joue trempée. Pourvu qu'elle l'entende, qu'elle arrête de trembler comme cela et qu'elle se laisser aller à fermer le flux de ses pensées négatives parce qu'il était là pour elle et que cette fois, comme toutes les autres qui viendraient, Tim serait présent. Every step of the way.
|
| | | | (#)Jeu 10 Oct 2019 - 23:37 | |
| C’est complexe, ça n’a pas toujours de sens et cela, malgré tous les écrits, les magazines, les textes, les bouquins traitant le sujet. Ce qui est ironique, c’est sûrement le fait que jamais une personne atteinte de maladie ira lire un truc traitant du sujet en question. Freya l’a dénié trop longtemps, elle l’a refusé trop longtemps. On le lui a diagnostiqué aussi tardivement alors que les symptômes trainent sûrement depuis son adolescence. Les conneries avec Terrence n’ont aidé en rien, même si elle, elle ne pensait que c’était les simples effets secondaires de tout ce qu’elle prenait, buvait et fumait. Finalement, il n’y a pas grand-chose qui a changé des années après. Seulement maintenant, Freya est responsable de ses actes, sa bipolarité a été reconnue et affirmée et rajoutée sur son dossier médical. Elle pourrait dire qu’elle ne se drogue plus – faux – elle pourrait dire aussi qu’elle ne boit plus – faux, faux, archi faux. Mais pourtant, elle voulait épargner tout ça à Tim. Comment elle a pu penser un seul instant qu’elle peut entamer une relation avec quelqu’un tout en cachant à la personne le package complet qu’elle est ? En cachant toutes ses faiblesses, en taisant sa maladie, en faisant comme si tout va toujours bien. Chassez le naturel et il revient au galop, parait-il. Une maladie, ça ne disparait pas en un claquement de doigt. Et pourtant, elle a réussi à tenir presque deux mois sans vague dans sa tête, un faible espoir mais qu’elle a pourri avec toutes les conneries enchaînées. C’est ce qu’elle sait faire de mieux, de toute façon, noircir ce qu’elle touche. Une question de gènes ou quelque chose comme ça. Il n’y a pas de lumière, il n’y a pas de soleil, pas de chaleur dans son monde. C’est de l’eau, c’est glacé, c’est froid, comme en ce moment dans la baignoire. La seule source de chaleur, c’est Tim. Parce qu’il est radiant, il est tellement différent, il est tellement bon. Son contraire, sur tellement de points. Des traumatismes communs mais des parcours différents. Et il s’accroche, il se tient à elle, plus que le contraire, parce qu’elle vient de lui faire vivre une flippe monumentale. Elle s’en veut, Doherty, elle laisse les larmes s’échapper de plus belle parce qu’elle est en train de le pourrir alors qu’ils viennent juste de commencer quelque chose. Freya essaie de l’écouter, mieux, elle essaie de l’entendre, de laisser ses mots percuter sa boite crânienne pour tenter de calmer ses tourments internes. Parce que si lui n’arrive pas à l’atteindre à ce moment précis, personne ne pourra.
La suédoise essaie tant bien que mal de reprendre sa respiration, un semblant de palpitants correct qui arrêtera de la faire trembler. « C’est pas une entité en soi. C’est pas une excuse qui doit tout justifier. J’ai pas besoin de c’te merde visée au crâne pour savoir que j’vaux que dalle. Que j’enchaîne les conneries et les mauvais choix. » Elle se laisse faire quand il veut croiser son regard. « Même si là, c’est moi qui suis ton mauvais choix. Et ton admiration, j’la mérite pas. Et ton… » Freya s’interrompt de nouveau tout en clignant des yeux pour faire perler les dernières larmes. Elle lève docilement et sans réfléchir sa tête vers lui et ferme légèrement les yeux quand il balade sa main sur sa joue de nouveau. « J’suis bien vivante, Tim, tu peux arrêter, t’sais. » Et pourtant, Freya est comme morte de l’intérieur. Elle est vidée, elle est lasse, elle est fatiguée. Sa tête est lourde, ses paupières encore plus et elle finit par passer un bras autour du cou de Tim tout en reposant de nouveau son visage dans son cou. Son odeur, sa respiration, sa veine palpitante au gré de son cœur, vouloir qui lui laisse échapper un léger soupir de contentement. La place où elle doit être, voilà la sensation que ça lui donne. S’accrocher à Tim comme s’accrocher à l’espoir que demain ou plus tard sera plus heureux. Et ça, elle ne peut le savoir qu’en vivant encore un peu.
|
| | | | (#)Dim 13 Oct 2019 - 15:49 | |
| Avait-il déjà eu aussi peur au cours de son existence? Tim n'en était pas certain. Pourtant, on parlait d'un garçon qui avait subi des sévices terribles de la part de sa génitrice: quelques traces de brûlures de cigarettes perlaient encore sur son torse, des cicatrices de part et d'autre de son corps montraient qu'il avait vu des moments de douleur incommensurable mais rien n'arrivait à la hauteur de ce coeur qui s'était arrêté au cours de la minute où il avait essayé de ramener Freya chez les vivants. Tout ce qu'il avait subi avant d'arriver à ce moment paraissait tellement peu important finalement, parce qu'il avait bien failli la perdre, à peine quelques semaines après l'avoir eu à ses côtés et c'aurait été cruel de lui retirer sa jolie suédoise. Il n'aurait jamais pu respirer de nouveau normalement car toutes les personnes de sa vie semblaient enclines à le blesser ou l'abandonner, ne lui laissant jamais quelques semaines de répit pour se construire et se sentir heureux. S'il avait fini par se remettre peu à peu des douleurs physiques, celles qui étaient les plus dures à effacer restaient les sévices mentales. Il en avait tant connu et pour sûr que cette image de sa suédoise évanouie au fond du bain, prête à se noyer et la laisser seul sur cette planète, le hanterait jusqu'à la fin de ses jours. Et si elle ne s'était pas réveillée? Si elle n'avait pas fini par accepter ses bras d'homme autour d'elle? Et si elle l'avait fui? Encore une personne qui n'aurait pas pu supporter de vivre aux côtés de Timothy Decastel, l'homme maudit. Au bout du compte, le jeune homme n'avait pas à penser à tout cela car sa galaxie suédoise était en vie, qu'elle sanglotait dans ses bras, s'accrochant à sa nuque, respirant vivement contre son cou et Tim pouvait arrêter de pleurer de son côté. Elle était encore avec lui et il la gardait contre lui, pour ne plus qu'elle essaye de s'en aller. Elle ne le fuirait plus et d'un geste tendre, il la tourna pour que son dos se colle à son buste et que ses bras desserrent doucement ses mains du contour de ses genoux. Il les déplia tout délicatement pour qu'elle soit allongée, entourée de son corps réconfortant. Tim fit retomber doucement la tête de sa Freya contre son épaule et il entoura son ventre de ses bras si doux. C'était ce qu'il était après tout, doux malgré tout, jamais dans la virulence, même quand il avait peur ou qu'il avait mal. A l'heure actuelle, il essayait d'écouter les dires de la jolie Doherty mais il n'entendait que le négatif de son discours, ce n'était pas ce qu'il voulait alors, il ouvrit de nouveau la bouche, des mots déterminés s'y échappant. "Chut, Freya. Je crois pas un mot de tout ça. Tu me feras pas changer d'avis sur ce que je ressens pour toi, quoique tu dises. Si tu crois pas en toi, je le ferai pour deux jusqu'à ce qu'en t'en arrives là, d'accord?" Tim baissa la tête, laissant quelques gouttes d'eau de ses bouclettes glisser sur l'épaule de sa belle avant qu'il ne vienne la baiser, délicatement. "Justement, t'es vivante. Laisse moi le temps de le réaliser et d'effacer l'image de ma tête. Je veux juste que tu restes contre moi et qu'on oublie tout... Sauf le fait qu'on est tous les deux, vivants. Ensemble." Il avait un regard si mignon à ce moment là quand il chercha les yeux de la belle Doherty, un sourire nerveux accroché à ses lèvres. La peur s'y lisait encore mais l'amour y était aussi énormément présent: dans ces circonstances, Freya ne pourrait plus jamais nier ce qu'il avait au fond de lui. Tout ce qui était sienne, maintenant.
|
| | | | (#)Mar 15 Oct 2019 - 20:56 | |
| Elle tremble de partout, Freya. Elle a eu peur, elle a frôlé cet arrêt total d’existence et elle ne s’en est même pas rendue compte. Elle avait un peu trop bu (comme d’habitude), elle était en colère (comme souvent) mais surtout, elle était vidée. Se réveiller ce matin, sortir du lit, poser les (deux) pieds par terre lui avait demandé des forces insoupçonnées. La seule chose qu’elle a réussi à faire était de pleurer. Dans tout son soûl, constamment, sans presque s’arrêter. Un véritable enfer quand on travaille dans un endroit où il faut être un minimum au contact de d’autres personnes. Freya s’est enfermée plus d’une fois dans ce qui sert de bureau, faisant la morte si on venait y frapper à la porte. Parce qu’elle ne pouvait pas, pas aujourd’hui, pas maintenant. Elle n’a pas eu la force de supporter les critiques des vieilles, de devoir répondre aux questions de personnes qui cherchent la tombe de leurs proches ou même juste de simples badauds qui veulent savoir si l’église peut les accueillir. Elle s’en fout, Freya, de tout ça. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent pourvu qu’ils me foutent la paix. Mais la paix, elle n’est pas encore prête à la trouver dans le repos éternel. Il est encore trop tôt et, pour une fois, Freya se surprend même à penser qu’elle est trop jeune pour ça. Elle a eu une frayeur qui dépasse l’entendement, elle qui n’a pas eu d’acte réel depuis plus d’un an et demi. Et il a fallu qu’elle fasse subir ça à Tim. L’adorable mais l’anxieux Tim. La jeune femme le voit s’inquiéter pour elle, elle le sent veiller sur elle au loin, de tenter de la distraire encore et toujours. Il n’est pas envahissant, il n’insiste pas, il ne la brusque pas, il ne lui demande rien. Il est juste parfait avec elle et voilà comment elle le remercie. Par la pire des façons qui soit. Freya se maudit encore et toujours tout en se répétant qu’elle ne le mérite pas. Cette phrase qui finira par se mourir sur ses lèvres et ne jamais être prononcée de nouveau parce que Tim ne l’entendra pas de cette oreille. Et elle n’a pas la force de batailler sur le sujet. Encore moins alors qu’il lui dit qu’il l’aime, qu’il la prend dans ses bras et qu’il la presse contre lui comme un truc fragile et délicat. En temps normal, Freya aurait sûrement rechigné à cette idée, préférant plus la passion à la niaiserie, mais ce n’est pas un temps normal. Alors elle se laisse faire, elle le laisse la manipuler à sa guise parce qu’elle sait que Tim ne lui fera pas de mal de toute façon. Non, au contraire, il veut être le pansement, l’antidote, le vaccin, le médicament de tous ses problèmes et ça la rend encore plus en rage contre elle-même. Parce qu’elle, elle lui fait du mal, elle lui fait peut-être revivre des choses, ressentir des émotions qu’il préfère terrer au fin fond de lui-même. Le genre de sensations que l’on préfère occulter totalement tellement qu’ils peuvent vous briser en un claquement de doigts. Et Freya, elle n’aime pas. Depuis le début de leur histoire, elle se sait sur la pente glissante vers le bas, de toute façon. Elle s’est raccrochée à Tim dans l’espoir qu’il sera son rayon dans cette fichue brume – et dans un sens, il l’a été. Mais elle en est venue au point de se dire qu’il n’avait pas réussi à briller assez fort et à rejeter une partie de la faute sur lui. Elle a été mauvaise dans ses pensées envers son copain, celui-là même qui en ce moment se montre d’une détermination sans faille face à ce qu’elle peut dire. « Chut, Freya. » Elle renifle tout en baissant la tête. « Je crois pas un mot de tout ça. » Tu devrais. Ne serait-ce que pour ton bien. « Tu me feras pas changer d'avis sur ce que je ressens pour toi, quoique tu dises. » Les mains deviennent moites malgré l’eau, le cœur qui s’enflamme un peu plus, c’est normal que ça provoque une telle réaction ? « Si tu crois pas en toi, je le ferai pour deux jusqu'à ce qu'en t'en arrives là, d'accord? » « Tu vas devoir attendre longtemps. » Freya s’abandonne un peu contre Tim, ses mains finissant par se poser sur ses bras, des petits tics nerveux au bout des phalanges torturant légèrement la peau du jeune homme avant qu’elle se décide de lier ses doigts entre eux pour ne pas lui faire mal. Elle en a déjà bien assez fait. (Et il lui embrasse l’épaule, bordel, comment il peut faire ça ?)
« Justement, t'es vivante. Laisse moi le temps de le réaliser et d'effacer l'image de ma tête. Je veux juste que tu restes contre moi et qu'on oublie tout... Sauf le fait qu'on est tous les deux, vivants. Ensemble. » Freya tourne la tête pour choper ce regard qu’il lui lance, en même temps qu’une expression un peu plus incertaine placardée au visage. Elle se mord la joue avant de secouer lentement la tête. « Ensemble. » Ses yeux bruns vacillent sur ses lèvres et Doherty se redresse légèrement pour l’embrasser à la bordure avant de placarder leurs lippes pleinement ensemble. Un simple baiser chaste mais qu’elle espère suffisant pour lui aspirer cette putain d’image qu’il a dans la tête. En tout cas, c’est suffisant pour lui redonner un semblant de réconfort, ce soutien qu’elle a attendu toute la journée. « Tu m’as manqué. Cruellement. J’ferrai ce qu’il faut pour t’effacer cette image de la tête. C’est pas l’empreinte que j’veux avoir. » Surtout sur lui. Freya repose sa tête contre son épaule, une de ses mains commençant à jouer avec l’eau. Comme une gamine. Elle se sent comme une gamine.
Une gamine avec le cerveau qui gesticule, qui n’arrête pas, qui lui parle, en mal surtout. Qui fait ressortir les doutes, les craintes, les peurs, les faiblesses. Et il y en a une, une qui est forte, une qui revient et qui manque de tout détruire parce qu’elle a besoin de savoir. D’être au courant de ce détail qui ne peut que l’accabler au final. Comme si Freya offre le bâton pour se faire battre un peu plus. « Et la mère de ton gosse, tu l’aimes aussi ? »
|
| | | | (#)Mer 16 Oct 2019 - 20:34 | |
| L'angoisse l'étreignait encore et elle le ferait pour les semaines à venir, à n'en pas douter. Tim avait vu la mort sous toutes ses formes: le lot quotidien d'un gardien de cimetière mais comble du dérisoire, il ne l'avait peut être jamais vu d'aussi près. Freya avait failli se laisser tenter par les abysses, sans qu'il ne puisse en comprendre les raisons. Rien n'était logique dans ce geste, jamais, il le savait bien, à force de côtoyer des familles qui semblaient vivre dans l'incompréhension d'un geste de désespoir venant d'un de leurs proches. Il en était arrivé là, lui aussi, à ne pas savoir quoi faire, quoi dire, ni comment se comporter de manière générale parce qu'il ne saisissait pas tous les tenants et aboutissants de la situation. Il n'était que Timothy Decastel, un garçon banal qui ne comprenait pas grand chose à la bipolarité et à tout ce que pouvait ressentir sa belle Doherty lorsqu'elle était avec lui. Certes, il s'était renseigné, épluchant tous les livres de la bibliothèque de son quartier en plus d'avoir épluché des heures durant les sites internet sur le sujet mais pouvait-il se considérer comme un spécialiste pour autant? Loin de là, très loin même. Tim restait juste cet homme là, celui qui avait peur de tout et surtout de perdre les personnes qu'il aimait, Freya en faisait partie. Bien évidemment, elle le nierait parce qu'elle n'avait aucune considération pour elle-même mais comme le soldat le disait si bien, il ferait en sorte de palier le manque si elle n'était pas en mesure de répondre à ses propres inquiétudes. Elle se méprisait, voilà ce qui avait motivé son geste et Tim ne pouvait pas comprendre pourquoi parce que, lui, il l'aimait comme elle était, même si cela n'avait pas de sens ou de but précis. Il s'attachait juste aux gens, naturellement, se laissant guider par leur nature agréable, voyant toujours le positif dans ce qu'ils avaient à apporter à autrui et Freya avait toujours cette image dans son esprit. Elle était belle, évidemment, drôle et pétillante, avec une personnalité qu'on ne pouvait pas oublier et comme tous les hommes de ce monde, Decastel était faible face à un tel tableau. Elle l'avait eu, avec une facilité presque déconcertante et maintenant, c'était à lui de la tenir debout, ou tout du moins à la surface de l'eau, son corps la soutenant autant que possible pour qu'elle s'y adosse. Hors de question qu'elle plonge à nouveau, Timothy ne la laisserait plus jamais se noyer. Il n'aurait, de toute manière, pas la force de la perdre, elle et ses jolies pommettes, son sourire communicatif et son brin de folie qui avait tant manqué à son existence des plus mornes. "Je suis le garçon le plus patient du monde, tu le sais." C'était vrai, bien sûr. Tim n'abandonnerait pas cette lutte qui semblait perdue d'avance aux yeux de la suédoise parce qu'il considérait qu'elle avait encore tant à apporter à ce monde, tant à lui donner, à lui, ce misérable petit être qui ne maîtrisait rien du tout quand il s'agissait d'amour et de sentiments. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était se laisser porter par l'écho des mots de sa belle Freya, enfin dans ses bras, son corps berçant le sien pour calmer la panique intérieure qui menaçait encore d'imploser. Il baisait sa peau et son rythme cardiaque pouvait reprendre un rythme plus normal, même si les mots de la jeune femme ne lui permettaient pas totalement d'atteindre un équilibre convenable parce qu'elle l'embrassait, à nouveau. Il respirait mieux après cela, il se sentait plus vivant d'un seul coup parce qu'il était dans son monde et elle, dans le sen. Exactement là où ils devaient être, ensemble. "Du moment que t'es là, le reste m'importe peu. Te force à rien, Freya." Pas à effacer ce mal être, pas à arrêter d'être toi parce que c'est ce que je veux, entièrement, irrémédiablement. Pourtant, il sentait que Freya était encore en proie à des troubles intérieurs. Elle jouait avec l'eau mais son esprit ne pouvait que vagabonder vers ce qui la travaillait réellement et Tim se retrouva avec un coeur qui s'arrêta brutalement. Charlie. Bien sûr qu'ils devaient parler d'elle puisqu'elle était une partie intégrante de sa vie, bien plus encore s'il fallait être parfaitement honnête mais Freya s'inquiétait de cette présence dans leur vie commune et quelque part, elle avait raison. "Freya... Pourquoi me demander ça maintenant? Je suis avec toi, là. Tu sais que je te mens pas, jamais. Je peux pas te cacher qu'elle est importante pour moi et elle fera toujours partie de ma vie, c'est ma première, tu le sais... C'est celle qui m'a fait croire à un monde meilleur, que je pouvais être quelqu'un de plus important que le mec invisible au fond de son cimetière et il y a notre enfant, oui." Il posa sa main en dessous du menton de sa suédoise pour qu'elle le regarde, néanmoins, parce qu'il avait tant à dire sur le sujet, même s'il aurait préféré partir vers des contrées plus légères désormais. "Est-ce que t'as déjà vécu ça avec quelqu'un? Je veux dire, savoir que cette personne est importante mais dans le même temps, tu sais qu'elle te fait trop de mal pour que ce soit viable sur la durée parce que c'est ce qu'elle est pour moi à l'heure actuelle... Toi, c'est différent, Freya. T'es celle à qui je donne tout là, maintenant, et je suis désolé, vraiment, si je suis pas assez pour soigner ton coeur et tes plaies béantes parce que tout ce que je veux, c'est que tu sois heureuse. Et que tu sois capable de m'aimer... Comme je suis, avec mes failles et un passé à traîner. Je peux pas faire mieux que ça, ma galaxie suédoise, je peux pas te proposer mieux mais je te promets de tout te donner jusqu'à épuisement de tout ce qu'on peut partager. J'irai jusqu'au bout avec toi. Pour toi. Si tu me promets de pouvoir faire pareil. On s'épuise et on verra. On s'oubliera pas, même si ça va pas aussi haut qu'on l'aurait voulu. Est-ce que tu veux faire ça, avec moi?" Il lui proposait cela avec une pointe d'innocence dans la voix parce qu'il n'avait pas mieux en stock, la vie était complexe, la leur encore plus que d'autres en vue de leurs problématiques à gérer. Pourtant, Tim voulait aller au bout de l'aventure, se laisser aller à l'aimer autant qu'il pouvait la serrer contre lui, ses doigts caressant la peau de son ventre sous l'eau alors que sa tête chutait contre son épaule. Silencieux. Il attendait. Il l'attendait, elle.
|
| | | | (#)Jeu 17 Oct 2019 - 22:40 | |
| « Freya... Pourquoi me demander ça maintenant ? » Parce que c’est dans l’ordre des choses, Tim. Le couteau dans la plaie, la jeune femme aime bien le remuer, le tordre un peu, faire en sorte que ça fasse un peu plus mal. Se donner plus de raison d’en rajouter, de se sentir encore plus mal qu’elle ne l’est. Un besoin de se sentir à la fois vivante et détruite. Même si dans les faits et dans le fond, elle le comprend. On n’oublie jamais sa première fois. Freya le sait, elle l'a ressenti quand elle a revu Terrence après tant d'années. Sa première fois, son premier copain, son premier amour. Elle n'ignore pas de la plaie béante que la rupture avait provoquée, de la blessure géante que l'on pense ne jamais pouvoir se refermer. Et même si cela remonte à des années, la sensation reste présente. Avoir revu Terrence était une épreuve en soi, une espèce de fantôme du passé qui lui revient en pleine figure sans qu’elle ne s’y attende. Mais pour Tim, tout est bien plus différent. Elle est récente. Elle est importante. Elle est encore là. C’est à cause d’elle qu’il est parti et… Est-ce que c’est à cause d’elle qu’il avait avec Freya maintenant ? Le chemin que prend sa tête ne lui plait pas et ça la fatigue. Et ça la rend jalouse, aussi. Cruellement ça aussi. Mais ce n’est pas tant la jalousie qui la bouffe mais l’honnêteté de Tim. Pourquoi il ne peut pas juste lui dire qu’elle ne compte pas, qu’elle est un souvenir du passé ? Parce qu’elle « est importante pour moi et elle fera toujours partie de ma vie. » Pour une fois, Doherty aurait préféré qu’il mente, qu’il raconte un mensonge aussi gros que la terre, ne serait-ce que pour la rassurer. Elle aurait pu s’en contenter, elle aurait très bien pu s’en satisfaire. Mais non. Freya ne perd pas ses yeux du regard un seul instant. Elle sait qu'il ne ment pas. Tim est bien trop bon pour ce genre de choses. Et elle le maudit d’être aussi sincère. De ne rien vouloir lui cacher, même si ça fait mal, même si ça ne lui plait pas. Prends ça et fais-en ce que tu veux. Voici les faits et démerde toi pour le reste. Tu l’as cherché, tu l’as trouvé.
Et il y a notre enfant. Freya pourrait pousser le bouchon plus loin, en demandant si Tim la lâcherait au moindre signe de la mère, s'il la laisserait tomber dès la naissance de leur gamin, s'il abandonnerait tout, elle en première, si la mère le lui demandait. Elle pourrait poser toutes ces questions mais elle ne le fait pas. Elle n’est pas très sûre de vouloir la réponse. Elle est certaine que la réponse ne lui plairait pas. Qu’elle lui donnerait encore plus envie de pleurer, de se morfondre et de le repousser. Ces interrogations lui donnent le tournis, elle en aurait presque envie de vomir. Parce que ça lui tord les boyaux d'avoir cette fichue ombre sur la tête. Et il y a notre enfant. Tim n'est pas le genre de type à ignorer une femme qu'il aura mis enceinte, elle commence à le comprendre, à le connaître. Quoiqu'il arrive, il voudra être dans la vie de son gamin, et donc celle de la mère. Ça semble logique. Honorable pour l'enfant. Freya veut lui faire confiance – elle lui fait confiance. Mais elle n'a jamais eu confiance aux électrons extérieurs. Aux inconnus, surtout ceux avec un E et un ballon dans la cage. Elle ne connait pas cette fille, elle ne sait pas à quoi ressemble son caractère, est-ce qu’elle va vouloir le récupérer, est-ce qu’elle se montre jalouse, possessive ou au contraire, est-ce qu’elle s’en fiche ? Freya a pensé qu’il était avec elle quand elle l’attendait, parce qu’il tient en général ses Ils n'en ont pas vraiment parlé jusqu'à maintenant parce que tout était bien trop beau, bien trop parfait pour tout gâcher. Enfin, jusqu'à ce que sa tête décide qu'il fallait tout gâcher. Parce qu’il faut toujours qu’elle ruine tout.
« Est-ce que t'as déjà vécu ça avec quelqu'un? Je veux dire, savoir que cette personne est importante mais dans le même temps, tu sais qu'elle te fait trop de mal pour que ce soit viable sur la durée parce que c'est ce qu'elle est pour moi à l'heure actuelle... » That hits close to home. Ses pensées vrillent un moment sur Elias. Leur dernière rencontre qui remonte déjà à trop loin. Une absence dont il brille par son éclat. Parce que ça aussi, elle le lui a demandé. Son meilleur ami, celui qui l’a embrassé et dont elle ne sait plus trop où le caser dans sa vie. Elle déglutit. Elle serre le poids. Elle n’a pourtant pas de force mais elle y arrive. Parce qu’Elias lui manque, putain. Même si Doherty ne le dira jamais à voix haute parce que ça rendrait la chose bien trop concrète. Non, elle préfère se terrer et ignorer. C’est bien, l’ignorance. C’est la meilleure des armes, parait-il. Le reste des mots de Tim sonne bizarrement dans ses oreilles. Il veut tout donner mais qu’ils s’épuisent ? Il veut qu’ils s’en brûlent les ailes, qu’ils finissent par se planter ensemble ? C’est confus, Freya ferme les yeux et rompt le contact visuel entre eux tout en commençant à s’agiter dans ses bras. « C’est pas- C’est pas toi, le problème. T’as pas à être la solution de tout, Tim. T’y arriveras pas. Et c’est pas de ta faute. » Pourquoi il cherche à se démonter, à s’excuser ? Ce n’est pas le plus important. Son état mental, c’est à elle de le gérer. Elle se tourne à moitié vers lui, ses mains tenant les bords de la baignoire, le palpitant s’emballant sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi. « Evidemment que j’veux tout faire avec toi, Tim. Pourquoi tu cherches à te justifier ? J’veux juste savoir si tu l’aimes encore. Les fantômes du passé, je sais c’que c’est. Quand ça t’revient dans la tronche, ça peut être brutal et violent. Si elle revient demain, qu’e- Nan, j’préfère pas savoir. » Doherty se mord la lèvre, elle se détache de lui pour s’éloigner le buste et regarder la pièce. Est-ce que tu m’aimes comme tu l’aimes elle ? Est-ce que tu aimes trop vite, trop fort, trop simplement ? Est-ce que tu crois que je peux te confier mon bien le plus précieux et le plus fragile ? Freya a le cœur au bord des lèvres et elle ne se sent pas mieux. Elle se sent physiquement malade, elle commence à avoir froid et elle se mord la langue avec vigueur pour ne pas trembler de sanglots une nouvelle fois. « Ne pas aller aussi haut, comme ne pas aller aussi loin ? C’est comme si tu condamnes tout avant même que ça ait commencé. Tu plantes déjà une vis dans le cercueil. Bien sûr que je peux t’aimer mais j’peux pas faire ça si tu penses que c’est déjà voué à l’échec. » Parce que même si le discours de Tim peut sonner autrement, c’est ainsi que Freya le perçoit. Comme un glas de fin avant même le début de quelque chose. Et ça, ce n’est pas quelque chose qu’elle peut se permettre de faire. « T’es quelqu’un d’important, Tim. Si elle a pu te le faire croire, je peux te le prouver. »
|
| | | | | | | | TIMYA ● woke me up one touch and i felt alive |
|
| |