| WRIZZIE • you got the moon dust i got the sky |
| | (#)Lun 21 Oct - 6:45 | |
| Chercher à comprendre le fonctionnement du cerveau d'un Doherty relevait clairement d'une mission suicide. Ceux qui s'y attelaient finissaient par perdre pied parce qu'il y avait trop de problèmes à dénouer là-haut. Eux-mêmes ne se comprenaient pas réellement, alors comment demander à autrui de réussir l'exploit? Wren n'avait jamais demandé à quiconque de le faire, bien au contraire, il essayait toujours d'éloigner tout le monde car c'était beaucoup moins risqué pour eux de se retrouver avec un panneau stop qu'avec une entrée en pleine guerre nucléaire des neurones suédois. Doherty avait un instinct de conservation, mais pas tellement pour lui-même, surtout pour les autres. C'était celui-ci qui le poussait à toujours s'occuper du reste de sa famille, à choyer sa mère et jouer au chevalier servant avec sa petite soeur et c'était aussi celui-là même qui avait fait en sorte d'éloigner Lizzie de sa petite personne. Avec du recul, il se doutait que c'était la pire connerie qu'il ait pu faire parce qu'il n'avait jamais rien retrouvé de tel: aucune femme n'avait su le rassurer sur ce qu'il était, au contraire, les autres avaient toujours cherché cette part sombre de lui, c'était la seule chose qui les intéressait chez le suédois. Lizzie, elle, passait son temps à chercher la lumière au milieu de cette pénombre qu'il tâchait d'arborer et il n'aurait jamais pu la remercier suffisamment pour cela, sauf qu'à cette époque, il était bien trop idiot pour réaliser ce qu'elle avait pu faire pour le sauver de son ego. Maintenant, il était trop tard parce qu'il avait sombré, qu'il n'y avait pas de retour en arrière possible depuis qu'il avait actionné le briquet pour autre chose que d'allumer sa clope. Il se savait perdu et de ce simple fait, il était plus vulnérable que jamais. Qu'avait-il à perdre de plus? Wren n'avait plus grand chose: il n'était plus sain d'esprit, sa mère avait dit merde à la vie depuis longtemps et Freya n'avait plus tellement besoin de lui non plus. Alors, pourquoi s'emmerder à mentir au monde entier, pire à Lizzie Potter? "Non, c'est à cause de ça que je suis insomniaque, je dirais." Au moins, il avait encore cette répartie pour se sortir des remarques acerbes de la belle brune. Il ne lui restait plus que cela au pompier, son caractère de chien et ses manières de rustre, superbe combinaison évidemment. Bien évidemment, Lizzie n'allait pas rester là sans rien dire, elle voudrait savoir, c'était le besoin qu'avait l'âme humaine de tout contrôler, même un passé révolu depuis si longtemps. Wren avait arrêté le contact et la voiture s'était éteinte pour qu'il puisse faire face à ce silence loin d'être paisible. Il parlait et il n'aurait pas dû, remuer le couteau dans la plaie après douze années, à quoi bon, Doherty? Qu'est-ce que tu cherchais? A la reconquérir? Après tout ce que t'avais fait, on pouvait dire que t'étais culotté et un sacré monstre, ouais. Elle allait en souffrir encore si elle écoutait les discours de Wren parce que la vérité était plus douce qu'elle en avait l'air, si les mots s'échappaient, tout changerait et le jeune homme en avait assurément conscience. "Bien sûr que t'en as pas l'envie, tu voulais déjà pas monter dans la bagnole. Oublie tout ça, Lizzie, ça vaut peut être mieux, t'as raison parce qu'on est plus des gamins." Au fond, il en était encore un lui. Wren n'avait pas connu une enfance paisible avec des parents joyeux qui offraient de magnifiques cadeaux pour les anniversaires de leurs marmots. Ils n'avaient pas eu un sou la plupart du temps et leur père avait fini par faire brûler la baraque donc il devait y avoir certainement mieux comme mode de développement pour un gamin comme celui qu'il avait été. Impossible de se faire confiance depuis, Wren voyait le mal partout dans ses veines et plus celui-ci circulait, plus il essayait de se rattacher à la lumière... Et celle-ci, c'était Lizzie, ça avait toujours été elle. En un sens, elle l'avait sauvé de lui-même durant des mois et il n'avait pas pu la laisser continuer, de peur qu'elle se retrouve entraînée dans le siphon de sa noirceur. Alors, il la laissa chercher à comprendre, lui poser les questions qui n'auraient pas dû trouver de réponses parce qu'elles feraient mal. Ses raisons paraissaient absurdes soudainement et Wren le savait. Il savait tout. Il n'y avait qu'elle qui savait rien. "Je t'ai menti, ouais. C'est ça que tu voulais savoir? Pas un mot qu'est sorti de ma bouche ce soir là était vrai." Aller droit au but et ne pas la laisser attendre une explication à rallonge, Wren n'avait jamais été très à l'aise avec les mots de toute manière. "Je devais juste faire en sorte que tu t'éloignes de moi avant qu'il soit trop tard parce que, putain, Lizzie, t'appartenais pas à ce monde là. T'avais une vie à vivre, une carrière à construire, un talent à faire découvrir au monde et c'est pas en restant dans mes soirées de merde que t'allais t'épanouir, tu vois. Alors, ouais, je t'ai embobiné parce que si je te disais la vérité, tu serais restée, pas vrai? Et ça, c'était pas possible..." Il la regardait avec ses yeux si électriques qu'une ville entière aurait pu brûler, ou frissonner, au choix parce qu'avec Wren, il n'y avait jamais de demi mesure. Il n'y avait que ce putain de too much qui le constituait, qui était devenu son essence au fil du temps. Et là, il était cuit parce que dire la vérité à Lizzie Potter, c'était revenir au début et revenir à ce coeur qui se tordait quand elle était dans les parages.
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| | | | (#)Lun 21 Oct - 14:01 | |
| Wren lui affirme qu’au contraire, que cette image qu’il a de lui-même semble le maintenir éveillé la nuit. Dans un autre temps, Lizzie aurait mis toute son énergie et tous ce qu’elle peut pour lui faire effacer ces pensées. Elle pensait avoir réussi, de lui avoir offert un certain répit pendant leurs mois passés ensemble. Mais force de constater que tout n’avait été que du pipeau, un joli morceau de flûte. Que tout ce qu’elle avait pu lui murmurer et lui dire n’ont servi à rien. Pire même, il s’en fichait complètement. Il s’était purement moqué d’elle alors qu’elle avait toujours tout mis en œuvre pour être la plus honnête possible, pour lui démontrer qu’il est méritant d’amour et de tendresse comme n’importe qui d’autre. Lizzie avait été vraie, réelle, tellement elle, trop elle. Elle s’est peut-être perdue et fourvoyée en court de route, les ailes brûlées, ou plutôt un coup en plein cœur tellement que ça avait été brutal et rapide. Alors dans un sens, évidemment qu’elle l’avait pris pour un monstre. Un type immonde qui ne méritait que de finir au fond d’un caniveau, seul et perdu de tous. L’adolescente l’avait pleuré, elle l’avait maudit, elle l’avait haï. Et maintenant, Elizabeth n’a plus de mot pour réfuter ses propos. Elle veut le laisser croire qu’il l’est parce que c’est bien plus simple comme ça. Inutile de vouloir essayer d’aider quelqu’un quand la personne ne le veut pas. (Même si dans le fond, elle passe son temps à s’accrocher et à le faire parce qu’elle ne peut pas s’en empêcher.) « Bien sûr que t'en as pas l'envie, tu voulais déjà pas monter dans la bagnole. » Est-ce qu’il est en droit de la blâmer pour ça ? Revenir douze ans après, tel un fantôme non souhaité du passé, et en plus pour lui venir en aide. Finalement, la situation n’a pas tant changé que ça. Elle sur le bas-côté à attendre et lui à venir vers elle, involontairement, à chaque fois, comme un aimant. Il fallait que ce soit lui, il fallait qu’on le lui foute sous le nez pour lui raviver des douleurs lointaines. Lizzie n’a pas besoin de ça. Pas dans sa situation actuelle où elle a déjà assez à gérer avec sa mère et sa carrière. Les points de base qui n’ont jamais bougé, qui n’ont jamais flanché. Toujours les mêmes priorités et là, Wren s’ajoute sur la pile comme un cheveu sur la soupe. Ou une bombe en plein océan. Alors ce n’est pas tant l’envie qui manque mais la motivation. Le courage de vouloir gratter une nouvelle fois cette glace qu’elle avait déjà gratté et tenté d’élucider, comme le mystère de toute une vie dont elle s’est royalement plantée. Retenter l’expérience une deuxième fois ne serait pas sans conséquence. Et elle a peur Lizzie de ce que ça pourrait entraîner. « Oublie tout ça, Lizzie, ça vaut peut être mieux, t'as raison parce qu'on est plus des gamins. » Pourtant, ils avaient été beaux et bons ensembles. Les gamins qu’ils avaient été s’accordaient sur tellement de points en même temps qu’ils brillaient de leurs différences. Ce gamin-là, elle en avait été éprise plus que de raison donc non, elle ne peut pas oublier tout ça. Elle peut essayer de l’étouffer, de l’enterrer, de le camoufler, de faire croire que ça n’a jamais existé mais jamais elle n’oubliera. Parce que ça avait été court mais ça avait été intense et fort. D’où la chute brutale qui a écorché bien plus que juste ses genoux. « Ne demande pas l’impossible. Autant je peux la détester, autant notre histoire reste gravée là-haut. » Elle tapote sa tempe de deux doigts pour lui faire comprendre que non, encore une fois, il pourra dire ce qu'il veut, ça ne fonctionnera pas. Wren essaie de noyer un poisson et Lizzie veut savoir ce que c'est. Elle n’a pas détesté le voyage parce qu’il a été agréable et savoureux. C'est le terminus qui a été brutal et douloureux.
« Je t'ai menti, ouais. C'est ça que tu voulais savoir? Pas un mot qu'est sorti de ma bouche ce soir là était vrai. » Lizzie fronce les sourcils tout en se tournant complètement vers lui. Son cerveau est presque au ralenti, ses réflexes sont quasiment éteints et elle plisse les yeux pour l'observer, comme si une deuxième tête vient de lui pousser. « Je devais juste faire en sorte que tu t'éloignes de moi avant qu'il soit trop tard parce que, putain, Lizzie, t'appartenais pas à ce monde là. T'avais une vie à vivre, une carrière à construire, un talent à faire découvrir au monde et c'est pas en restant dans mes soirées de merde que t'allais t'épanouir, tu vois. Alors, ouais, je t'ai embobiné parce que si je te disais la vérité, tu serais restée, pas vrai? Et ça, c'était pas possible... » Et Wren balance, il déverse, il lui narre tout ça sans ciller, sans une intonation plus forte que l'autre. Tu l'as voulu, tu l'as eu, fais-en ce que tu veux. « Soit l'herbe était très efficace et me monte au cerveau soit t'es vraiment en train de me dire que tu m'as menti pour mieux me manipuler à m'éloigner de toi ? » Elizabeth est complètement paumée. C'est trop d'un seul coup, et pourtant, rien ne s'emballe parce qu'elle a fumé et qu'elle a pris un tranquillisant. Elle aurait préféré être la tempête, là, se laisser s'époumoner de tout son soûl et lui faire entrer dans le crâne que c'est injuste, qu'il ne reste qu'un enfoiré de première et qu'elle le déteste plus que tout. Utiliser une excuse pour justifier ton comportement… C'est bien l'hôpital qui se fout de la charité, tu ne trouves pas ? Alors non, Lizzie reste suspendu avec le temps, les yeux presque absents sur Wren qui vient de tout remettre en cause. En deux phrases, il lui a remis des doutes plein la tête, un questionnement nouveau dont elle n’a cessé de penser malgré elle. Elle a beau vouloir le détester de toutes ses forces, une partie d’elle ne peut s’empêcher de ressentir l’exact opposé. Comme pour bien enfoncer le clou plus profondément. « Tu m'as humilié et blessé pour… Me sauver ? Pour m'épargner ? C'est vraiment l'histoire à laquelle tu te raccroches pour te donner bonne conscience ? » Parce que c’est trop tordu pour être concevable. Il ne cherche qu’à se soulager, qu’à essayer de lui dire ce qu’elle veut entendre ou pire, essayer de l’embobiner une nouvelle fois. Mais ça ne fonctionnera pas. Pas cette fois-ci. Lizzie a ce noyau qui se creuse dans son ventre alors qu'elle tente vainement de peser le pour du contre. Elle range son téléphone décédé dans une de ses poches avant de passer les doigts dans les racines de ses cheveux, comme si dégager son visage allait pouvoir lui remettre les idées au clair. Un rire nerveux finit par s'échapper de ses lèvres et la jeune femme dirige son attention visuelle vers les buildings parce qu'elle a la flippe de craquer si elle continue à regarder Doherty. « Donc non seulement je passe pour une fille cocue et aveugle, mais en plus tu me rajoutes le rôle de la pauvre écervelée incapable de prendre ses propres décisions. Et toi, c’est quoi ta place là-dedans ? Le preux chevalier altruiste qui se sacrifie pour le bonheur d’autrui ? Okay, Wren, j'y vois plus clair tout d'un coup. Et ça pue la bouse cinématographique. » C’est un rôle qu’elle n’aurait jamais accepté de jouer si on le lui avait demandé. Lizzie a l’impression d’avoir une place faible, de s’être laissée berner du début jusqu’à la fin. Wren aurait joué une espèce d’ange sous couvert d’un démon ? C’est le flou complet, elle ne sait pas comment elle doit prendre tout ça. « Qu’est-ce qui me dit que t’es pas encore en train de me mentir ? » Pourquoi elle est encore dans cette voiture, déjà ? Si Lizzie était aussi sensée et raisonnable qu’elle pense l’être, elle se serait déjà extirpée et elle aurait forcé leurs chemins à séparer. Mais non, elle reste, comme une automate sans fonction apparente. « De toute façon, ça n’a plus d’importance. » Evidemment que ça en a. « Ce qui a été fait, on ne peut pas le modifier. » On ne peut que s’améliorer ? Non. (Oui.) Elle se pince l’arête du nez. « Je suis quand même contente de voir que tu n’as pas fini au fond d’un caniveau. » Ou alors elle se fourvoie une nouvelle fois et qu’il réussit à cacher son jeu… Une nouvelle fois. « Sache que si c'est vrai et si on en avait parlé, je serai restée et on aurait pu modifier la trajectoire ensemble. Tu n’as jamais été une cause perdue, Wren. »
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| | | | (#)Lun 21 Oct - 17:37 | |
| Elle était bien trop proche de lui pour que Wren conserve tout son cerveau en état de fonctionnement. Il n'aurait jamais pensé retrouver Lizzie Potter un jour ou l'autre parce qu'il l'avait bannie de son esprit, question de survie. Pour autant, tout le monde savait que la jolie brune avait été importante pour Wren, n'importe qui aurait pu le dire. Il lui avait menti cela dit et elle l'avait cru. N'importe qui d'autre aurait crié au scandale parce que c'était de Wren Doherty dont on parlait, le type qui avait été incapable de vivre une relation de plus de trois heures et il était resté de longs mois avec l'adolescente. Des dizaines de filles avaient d'ailleurs crié au scandale, ne comprenant pas ce que cette petite brune avait de plus qu'elles pour qu'elle réussisse aussi aisément à garder le grand dadais à ses côtés. Elle était juste elle, en fait. Pas superficielle, pas intéressée par l'énigme qu'il représentait mais par les bribes de vérités qu'elle arrivait à percevoir chez lui. Au fond, elle ne le voyait pas comme un appât parfait pour obtenir un peu plus de popularité, non, elle le considérait comme ce garçon qui la faisait se sentir plus vivante. Le jeune suédois n'avait pas compris comment ou pourquoi mais c'était ce que Lizzie avait fait, ou avait vu en lui. Elle était restée à ses côtés pour tout ce qu'elle connaissait de lui, sans jamais se démonter quand elle partait en vrille parce qu'elle avait conscience de ses failles mais ce n'était pas pour autant qu'elle tentait de la changer. Au contraire, Potter l'avait toujours accepté comme il était et Wren ne l'avait jamais mérité. C'était ce qui l'avait tué d'ailleurs avant qu'il ne mette un terme brutal à leur relation parce qu'il savait qu'elle serait toujours meilleure que lui, qu'il ne serait que le boulet à ses pieds, celui qui la verrait grandir et devenir la femme parfaite... Sans pouvoir en dire autant de son évolution. Il avait changé néanmoins, il était devenu pompier, il avait arrêté d'être le dealer du quartier, il avait même eu un semblant de vie respectable si on excluait les histoires sans lendemain qui continuaient de fuser à intervalles régulières. Wren s'était posé, il aurait presque pu prétendre avoir une vie normale, avant de tout foutre en l'air. Encore. A cause d'un briquet placé au mauvais endroit, au mauvais moment et désormais, il n'y avait plus aucun moyen d'effacer cette erreur de parcours, juste s'y plonger parce qu'il était bien incapable de vivre avec ce choix désastreux. C'était peut être pour cette raison qu'il osait parler à Lizzie de tout ce qui s'était passé, être enfin honnête avec elle, oui avec douze années de retard parce qu'il était persuadé qu'il ne pourrait plus jamais en revenir. Wren avait franchi la limite et si c'était le dernier choix à faire, il se devait de laisser la vérité éclater pour que la belle Potter comprenne qu'elle n'avait rien fait de mal. Elle était juste trop bien pour lui, voilà sa seule faute, si on pouvait considérer que c'en était une. Alors, il ne dit rien. Il ne commenta pas le fait que leur histoire avait laissé une marque indélébile dans son esprit, tout comme il ne chercha pas plus à corroborer les mots de Lizzie. Oui, il avait parfaitement bien résumé la situation: Wren l'avait manipulée pour qu'elle le méprise, que pouvait-il dire de plus? Rien, alors, comme souvent, Doherty ne réagit pas. Il resta coi, impassible en apparence à attendre que le cocotte minute de la brune finisse par exploser, c'était inévitable après les mots qu'il venait de prononcer. Voilà qu'il lui annonçait qu'il ne l'avait jamais trompé, qu'il n'avait jamais pensé un traître mot de ce qu'il lui avait dit en l'abandonnant au beau milieu d'une soirée de dépravés. "Tu peux pas en avoir le coeur net, c'est vrai. C'est juste à toi de définir si tu me crois ou pas, je peux pas vraiment te convaincre de toute manière." Il ne s'offusqua pas qu'elle le considère comme un vilain dans un film relativement minable, elle avait bien raison de toute façon. C'était ce qu'il avait été, un menteur doublé d'un lâche, le type qui l'avait laissé sur le carreau avec un coeur brisé et la certitude de ne pas être assez pour garder son petit ami à ses côtés. Elle avait cru ne pas être aimée par sa faute alors que c'était tout l'inverse, justement. Le coeur du problème avait été là pour le suédois et il était sûrement toujours là. "Attends, ma vie n'est pas finie, je pourrais très bien y finir dans un futur plus ou moins proche." Plus proche que loin s'il fallait être honnête mais cela, Wren n'irait pas le dire à Lizzie. Pas comme cela, pas maintenant, pas alors qu'elle lui narrait ce qu'il avait justement voulu éviter en agissant comme un sale con. "Justement, Lizzie, je voulais pas de ça. Je sais très bien que si je t'avais parlé, tu m'aurais fait vriller... Tu m'aurais convaincu et qu'est-ce que j'aurais fait, moi? Je t'aurais laissé me suivre parce que, bordel, est-ce qu'on peut être plus heureux qu'être avec toi? Et tu serais restée la copine d'un dealer sans avenir, tu voulais ça pour toi? Parce que moi, je savais parfaitement ce que tu valais et c'est pas ça, justement. T'es belle, drôle, intelligente, t'aurais bousillé ta vie pour moi parce que tu voyais quelque chose en moi qui est pas là, tu comprends. Je pouvais pas te laisser faire ça. Je suis le plus gros con de cette planète, c'est une évidence mais je devais te libérer de moi. Du fardeau que j'étais." Du fardeau qu'il était encore mais ce n'était pas ce que son regard laissait transparaître pourtant, parce que Wren ressentait encore tout avec une puissance incommensurable et c'était ce qui le rendait si fragile quand on atteignait son coeur. Lizzie y arrivait. Elle le ferait toujours. "Je m'y suis pris comme un manche parce que je voulais pas que tu crois que tu méritais pas d'être aimée et que t'étais pas assez. Au contraire... T'étais trop tout ça." Trop aimée, trop importante, du moins pour lui. C'était ce que le message laissait sous entendre mais Wren ne pouvait pas nier quelque chose qui faisait partie de lui depuis plus de douze ans puisque c'était la seule part d'humanité qui lui restait. Elle était la seule part de beauté qu'il avait encore.
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| | | | (#)Mar 22 Oct - 4:49 | |
| Wren ne réagit pas, les secondes se transforment en minutes et l’accumulation du temps commence à peser doucement sur l’ambiance dans la voiture. Lizzie aurait déjà dû le laisser derrière elle, le planter après ces retrouvailles non voulues, non planifiées. Elle aurait dû se faire le plaisir immense de claquer la porte comme il l’avait fait quelques années plus tôt, lui faire un côté un centième de ce qu’elle avait pu ressentir à l’époque quand il l’a balayé de la main comme une vulgaire nuisance de sa vie. Ce que lui raconte Wren n’a aucun sens. Faire en sorte à ce qu’elle le déteste assez pour s’éloigner de lui ? C’était totalement absurde. Bien sûr que Lizzie serait restée si elle l’avait su sous cet angle. Bien sûr qu’elle se serait accrochée un peu plus fort, qu’elle aurait voulu contrer toutes ses excuses stupides. Elle l’aimait, putain qu’elle l’avait aimé. Il n’a pas l’air d’en prendre conscience, de ce léger détail qui avait fait toute la différence. Son cœur avait battu follement pour lui, ses membres ne semblant réagir qu’en sa présence. L’adolescente avait été dévastée, elle avait été anéantie sur tellement de tableaux différents quand il l’a quitté. Sur le plan émotionnel, rentrant en pleurs après une journée où elle avait pu le voir au loin, si loin, trop loin, son attention aucunement portée sur elle. Sur le plan physique, son organe palpitant ne demandant qu’à sortir de sa cage, ses bras jugés trop petits pour l’encercler comme les siens de le faisaient. Sur le plan social, en se moquant d’elle, en lui tournant le dos, en l’ignorant superbement. Wren avait été une protection en plus de lui avoir apporté des connaissances mais personne n’est resté, tout le monde l’a lâché pour le roi de la basse-cour. Naturellement, Lizzie s’y était attendue mais il n’empêche pas que ça fait mal de devoir raser les murs et marcher rapidement pour éviter d’entendre ou prétendre de ne pas voir les ricanements lointains. Doherty était un nom populaire là où elle était scolarisée, même si leur réputation n’était pas des plus glorieuses. Wren l’avait laissé sur le carreau et maintenant, il veut lui faire croire que les raisons n’étaient pas les bonnes. Que ce n’était qu’une ruse, qu’une manipulation habile pour qu’elle le rejette totalement. Au final, alors que Lizzie a les yeux portés sur la ville, les pensées tourbillonnent dans sa tête, se chevauchant et s’entrechoquant sans vraiment réussir à former une cohérence certaine. Elle n’arrive pas à être énervée, elle ne peut pas l’être. Ses muscles sont engourdis, sa tête est sur veille, la jeune femme n’est pas en pleine capacité pour réagir efficacement. De toute façon, est-ce que s’énerver et tempêter pour quelque chose qui a eu lieu il y a si longtemps servirait à quelque chose ? C’est complètement inutile, on ne peut pas revenir en arrière. Mais apprendre que tout ça s’est arrêté non pas parce qu’il l’avait trompé mais que justement, il avait voulu l’épargner… La flèche change de direction mais elle reste coincée sous la pluie et les nuages pour l’instant. Et effectivement, seulement elle peut sentir s’il est sincère ou pas. Il ne cherchera pas à la convaincre, il ne veut donc pas se batailler un peu plus. Lizzie ignore totalement comment elle réagirait si ç’avait été le cas. Comment ils l’ont souligné, c’est un véritable sac de nœuds qu’il lui fout entre les mains. Et la jeune femme ignore quel bout est honnête et quel bout ne l’est pas. C’est la confusion totale et elle en soupire une nouvelle fois, fatiguée de devoir repenser malgré elle à tous ces instants qui appartiennent au passé mais qu’elle doit voir sur un angle nouveau. « Attends, ma vie n'est pas finie, je pourrais très bien y finir dans un futur plus ou moins proche. » Encore une fois, s’il pense être drôle, le regard furtif mais rempli de reproches le rappelle à la réalité. Qu’il arrête de jouer avec elle, d’adopter ce ton détaché pour se descendre plus bas que terre, il n’a pas besoin de ça. Pas face avec elle. Lizzie a beau lui en avoir voulu, avec le temps, elle avait fini par caresser l’idée qu’il s’en était sorti. Est-ce qu’il s’était trouvé quelqu’un d’autre ? Est-ce qu’il était heureux ? Elle avait eu assez de présence à ses côtés et son point de vue sur le monde pour savoir que la vie n’avait jamais été tendre avec lui. Que derrière ses sourires charmeurs et son assurance (presque) sans faille se cachait quelqu’un (justement) aux mille et une failles et qui se démenait pour sa famille. Elle l’avait respecté, elle n’avait jamais rien dit, elle avait fermé les yeux. La jeune femme n’a jamais été du genre à juger autrui sur le train de vie que les gens choisissent et pour Wren, le moindre qu’elle a pu faire avait été d’être là, de lui promettre d’être toujours présente à ses côtés quoiqu’il arrive, même s’il craque, même si sa carapace se brise un moment ou un autre. Alors le bonheur, elle juge qu’il en avait le droit aussi. Parce que Lizzie reste une personne au fond bienveillant, la méchanceté n’étant jamais que temporaire chez elle. Tout son discours sont des mots dont elle ne s’est pas plus attendue. Comme toute cette situation grotesque dans lequel l’univers l’avait placé. « C’est vraiment insensé de penser que j’aurai pu t’aider ? Non, il a fallu que tu prennes la décision pour deux. T’as choisi l’option de facilité, tu as préféré me traîner dans la boue et me faire passer une fille aveuglée par ses sentiments plutôt que d’essayer de changer. Je ne t’aurai pas jugé, tu le savais parfaitement, ça n’a jamais été mon genre. Est-ce que c’est si mal de vriller quand c’est du bon côté de la balance ? Je m’en foutais de ce que tu faisais, je voulais simplement être avec toi. C’est une excuse trop facile de dire que tu n’es qu’un fardeau. » Trop facile, trop simple, trop lâche aussi. Wren a préféré tirer une balle dans le pied à leur relation au lieu d'essayer d'y voir une fin plus heureuse, plus positive. Il en aurait parlé à Lizzie qu'elle aurait été la lumière à son obscurité et qu'elle l'aurait pris avec ses deux mains pour lui faire voir le monde sous un angle différent. Elle aurait pu ôter cette image qu'il a de lui même, ou au moins l'adoucir, et lui faire voir ce qu'elle, elle avait vu. Wren aurait pu choisir une autre destinée et il a préféré se réconforter dans le pire scénario qu'il soit. Sa zone de confort qui ne l'ait pas du tout pour l'australienne. « Je ne sais pas ce qui est pire. Savoir que le mensonge était lui-même un autre mensonge caché ou que tu n’avais aucune volonté de changer. Même pour moi, même pour nous. » « Je m'y suis pris comme un manche parce que je voulais pas que tu crois que tu méritais pas d'être aimée et que t'étais pas assez. Au contraire... T'étais trop tout ça. » Une nouvelle fois, un rire nerveux sort de ses lèvres. Il essaie de lui transmettre quoi comme message? Lizzie ne veut pas prétendre pouvoir lire entre les lignes, pas quand elle s’est laissée berner autant de fois alors qu’elle pensait mieux le connaître. « J'étais surtout trop bonne et trop conne. C’est exactement la sensation que tu m’as laissé. Que je n’étais pas suffisante, que j’en valais pas la peine. Que je ne m’étais pas assez battue, que j’avais été trop faible pour garder ton attention. Si j’avais été tout ça, tu ne serais pas allé voir ailleurs, tu n’aurais pas joué avec moi. » Et elle déballe, elle dégouline ses mots, tout ce qu’elle a pu contenir et se reprocher durant toutes ces années. C'est vraiment ironique de sa part de lui balancer tout ça. Surtout sous ces termes là. Parce qu'au final, c'est à cause de ses mots et de l'insécurité qu'il lui a foutait en pleine tronche qu'elle s'est protégée de tout sentiment. Elle aurait pu aimer, Lizzie. Elle aurait pu mettre son cœur sur l'étalage de nombreuses fois. Mais elle se l'était interdite. A cause de tout ça. Qui n'est qu'un tissu de mensonge aussi. Potter détend ses doigts dans un geste machinal et distrait, se rendant à peine compte à quel point ses poings avaient été tendus et serrés durant les dernières minutes. « J'ai passé trop de temps à me remettre en questions et à penser que la faute venait de moi. Mais en faites, je paie juste les conséquences de ta lâcheté. » Qu'il ait trompé ou non, qu'il ait voulu la repousser pour son bien ou non, ça ne change rien au final. Les effets de cause sont là, elle a tout clôturé par sa faute et il n’y a aucun retour en arrière.
Lizzie n’a pas l’impression que ce qu’il essaie de lui dire l’apaise et la soulage. Au contraire, ça compresse un peu plus son coeur de réaliser qu’ils auraient pu continuer leur histoire, qu’ils auraient pu aboutir à quelque chose d’encore plus vrai et plus fort. Douce mélancolie l’enveloppant, elle ignore quelle version elle préfère au final. Mais dans les deux cas, il reste toujours quelque chose de brisé entre eux et en elle. Comme un briquet éparpillé en mille morceaux sur le sol.
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| | | | (#)Mar 22 Oct - 11:11 | |
| Qu'avait-il à ajouter? Wren avait certainement tout dit et vu son mutisme habituel, il devait avoir parlé pour deux ou trois générations de Doherty. Il détestait tout cela, avoir à se justifier pour des actes passés, plus impulsifs que raisonnés parce qu'il ne savait pas pourquoi il était ainsi. Il aurait aimé avoir les réponses lui aussi, oui comprendre la personne qu'il y avait sous le masque pour ne plus avoir à faire souffrir autrui pour ses soucis d'ego. Wren n'y arrivait pas pourtant: il n'était pas l'homme assuré qu'il prétendait être, pas plus qu'il n'était le monstre qu'il cherchait à être à tout prix. Il y avait un juste milieu quelque part, un équilibre même s'il jouait tout le temps d'instabilité pour se prouver qu'il se sentait vivant. C'était peut être cela qu'il recherchait justement: les sensations fortes, de quoi se convaincre qu'il avait un but sur cette planète et qu'il savait où il se rendait. Il était paumé pourtant, plus que n'importe qui d'autre: qu'avait-il accompli au juste en douze ans? Est-ce qu'il avait réussi à se sauver? A changer suffisamment pour être digne d'une personne comme Lizzie Potter? Le suédois en doutait fortement, cependant, il essayait à tout prix de trouver le moyen d'obtenir ce résultat. A croire qu'il avait développé un masochisme hors du commun durant ce laps de temps parce qu'il aurait donné n'importe quoi pour être à la hauteur de la belle brune. Celle-ci était définitivement en colère après les révélations tardives du pompier et ce ne serait pas Wren qui pourrait le lui reprocher puisqu'il aurait pu tout faire différemment. Elle avait raison, il aurait pu l'inviter à s'asseoir autour d'une table et d'un verre et se mettre à parler de ses doutes et ses appréhensions pour l'avenir. Concernant Lizzie, elle l'aurait rassuré et aurait pris le temps de lui faire comprendre qu'il méritait qu'elle y croit pour eux deux et ils seraient repartis plus liés que jamais. Ce n'était pas ce qu'il avait fait parce que Wren était attiré par la pénombre et s'il fallait y aller à tout prix dans ce fichu trou noir, il avait tout intérêt à rejeter toutes les personnes importantes de sa vie. Celles qu'il aimait. Il l'avait aimée, Lizzie Potter, tellement aimé. C'était pour cette raison principalement qu'il lui disait tout maintenant, alors que de l'eau avait coulé sous les ponts, que tout était trop tard, parce qu'il l'aimait et qu'elle méritait de se trouver un avenir brillant maintenant qu'elle n'avait plus à vivre dans l'ombre d'une relation déchue. Une relation qui l'avait détruite. Oui, Wren avait été suffisamment égoïste pour se laisser faire cela, lui faire du mal à un tel point qu'elle avait arrêté de croire en l'amour. En tout cas, dans ses paroles, Doherty entendait tout le malheur qu'elle avait traîné avec elle ces dernières années. Lizzie Potter était devenue une solitaire, une femme sans attache et qui recherchait à tout prix à éviter les relations trop perturbantes pour son palpitant et c'était Wren le responsable. Il ne pouvait rien dire de plus néanmoins, parce qu'il avait conscience de ce qu'il avait fait et il n'avait aucune excuse comme elle n'arrêtait pas de le répéter. C'était un acte ridicule d'un adolescent perdu, d'un gamin qui était convaincu de ne pas voir ses vingt ans. Il y avait survécu pourtant, tant bien que mal et maintenant, Doherty n'était pas assuré de voir l'aube de ses quarante. Toujours à chercher le malheur, toujours chercher à sombrer, ne jamais remonter à la surface, à part quand il relevait la tête comme il le fit pour soutenir le regard ébène de son interlocutrice. "Et tu te serais crevée pour ça, Lizzie. Je sais tout ça, bordel. Je sais que t'aurais été là et que t'aurais été parfaite mais est-ce que ça t'a traversé l'esprit que peut être moi, j'étais pas prêt à être la petite merde à côté de toi? Parce que c'était ce que j'étais. Le dealer avec un père en taule et une mère dépressive, toi, t'étais une star et t'allais le redevenir à un moment donné. Alors, non, je voulais pas que tu m'aides si c'était pour que tu t'éloignes de la belle personne que t'étais et qui allait l'être bien plus encore dans le futur, merde." Il commençait à monter le ton, lui Wren Doherty. C'était presque surréaliste vu à quel point il se montrait détaché habituellement. Avec Lizzie, ce n'était pas une résolution qu'il arrivait à tenir parce qu'elle arrivait à faire saigner son coeur de quelques phrases, voire d'un simple regard, parfois. Là, c'était tout à la fois et il ne put que reprendre sa respiration en l'entendant trouver la conclusion la plus dure à vivre. Oui, c'était ce qu'il avait fait. Oui, il devait l'assumer. "J'ai changé mais je devais être seul dans ma merde pour y arriver." C'était tout ce qu'il pouvait lui répliquer parce qu'elle avait raison sur toute la ligne. Il avait menti pour de la merde et il continuerait sûrement à le faire si une situation identique se présentait. Wren n'avait rien d'un homme stable et en qui on pouvait faire confiance, il était juste un Doherty et en tant que tel, il se devait de se considérer comme le cas désespéré typique. Encore une fois, il ne comprenait pas comment Potter avait toujours pu le voir autrement que de la sorte. "Je suis désolé pour ça. Vraiment. Mais est-ce que je peux réécrire le passé? Non, Lizzie, je peux pas. Je peux juste assumer la connerie que j'ai faite avec toi, te laisser quand j'avais le plus besoin de toi, quand j'avais jamais été aussi heureux avant ou depuis. Je peux rien changer de ce qui nous est arrivé mais je peux au moins espérer que tout ce que je t'ai avoué là t'aidera à construire ton avenir. Même si on se revoit jamais..." Parce qu'elle ne le voudrait pas. Lui était prêt à se relancer à coeur perdu dans les yeux bruns de Lizzie Potter. "Je te demanderais pas ça, Lizzie, de me supporter à nouveau dans ta vie parce que ce serait très égoïste de ma part après ce que je t'ai fait, mais si t'as l'envie, tu peux m’appeler ou venir me voir. Pour n'importe quoi. Même si c'est pour te défouler sur un punching ball vivant." Il esquissa un sourire en déposant un vieux bout de papier avec ses coordonnées sur les genoux de la brune, elle pouvait le déchirer, le brûler... Qu'importe, Wren y survivrait parce que la brune était son plus beau souvenir. Son plus bel avenir, également.
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| | | | (#)Mar 22 Oct - 17:07 | |
| « Et tu te serais crevée pour ça, Lizzie. Je sais tout ça, bordel. » Parce que tu as une boule de cristal qui te permets de savoir ce potentiel passé au futur qu’il n’arrivera jamais ? « Je sais que t'aurais été là et que t'aurais été parfaite mais est-ce que ça t'a traversé l'esprit que peut être moi, j'étais pas prêt à être la petite merde à côté de toi? Parce que c'était ce que j'étais. » Tu as la chance que je sois trop stone et que je n’ai aucune capacité de violence en moi car autrement, tu aurais fini la tête contre ton volant – parle d’un potentiel futur qui n’arrivera pas non plus. « Le dealer avec un père en taule et une mère dépressive, toi, t'étais une star et t'allais le redevenir à un moment donné. » Une star de pacotilles, juste une pâle image de quelques années de gloire qui sont depuis longtemps perdues dans la chasse d’eau, déchet constant de l’humanité entière. « Alors, non, je voulais pas que tu m'aides si c'était pour que tu t'éloignes de la belle personne que t'étais et qui allait l'être bien plus encore dans le futur, merde. » Tu finis sur une note un peu plus furibonde et moi, ça me cale un peu plus dans le siège, comme si l’idée de me confondre avec est bien plus séduisante que tout le reste. Elizabeth contemple un moment ses pieds, attendant peut-être que la courte mais bien présente pique d’énervement retombe. Ce n’est pas un geste de peur – elle n’a jamais eu peur de lui, à part quand il s’agit de la confiance… entre autres – mais un instinct de repli automatique. Lizzie n’a jamais vraiment apprécié le conflit. Elle a toujours été pour les conversations calmes et posées. Mais ce qui la gêne le plus c’est le culot qu’il a de finir son discours sur cette pointe-là alors que logiquement, c’est elle qui doit être en colère. C’est elle qui doit être le cyclone, là, qui doit lui arracher la peau, les boyaux, son enveloppe corporelle toute entière. Wren n’a pas à avoir cette place entre eux, il n’a pas à avoir ce rôle. Mais Potter n’est pas comme ça. Elle a fumé, elle est sous tranquillisant – deux plutôt qu’un, heureusement, vu les circonstances – et ses yeux bruns commencent à voguer sur d’autres horizons. Un de ses ongles se gratte contre son jean sur sa cuisse, machinalement, sans faire attention, signalement anodin d’un bout d’esprit qui n’est pas tout à fait serein malgré tout. « J'ai changé mais je devais être seul dans ma merde pour y arriver. »
Elizabeth finit par se racler la gorge. « T’en sais rien. Tu m’as pas laissé- non, tu nous as pas laissé le choix de voir comment ça aurait pu se passer. Je n’aurai pas crevé pour toi, je t’aurai aidé. J’aurai pu le faire, Wren. J’aurai fait n’importe quoi. Tu avais juste à me faire confiance. Mais non, tu… » Il a préféré la tromper ? Ou il a voulu se faire passer pour un monstre ? Elle ne sait plus, Lizzie, et elle ignore même quelle version choisir parce que c’est absurde. L’un dans l’autre, le résultat est le même – même si ça veut dire qu’il ne l’aurait pas trompé. Même si dans une de ces versions, il essaie de lui faire comprendre à mi-mots qu’au final, elle avait été assez. ‘’Trop.’’ Et ça, son stupide cœur ne peut pas s’empêcher de s’emballer furieusement. La ferme. Ce n’est pas le moment. Ce n’est qu’un détail. Il t’a détruit, il ne mérite pas que tu te revives pour lui. « Et regarde un peu la star que je suis devenue. Je travaille dans un putain de théâtre, j’ai essuyé échec sur échec et ma mère m’enfonce un peu plus tous les jours. Oui, ça aurait pu être pire, mais ça aurait aussi pu être mieux. » Si t’avais été à mes côtés, si t’avais été là, si tu m’avais accompagné. Est-ce que Lizzie aurait fait dix fois le tour du monde si elle n’avait pas eu cette douleur qui avait mis du temps à partir ? Est-ce qu’elle aurait eu le courage de faire un doigt d’honneur à sa mère tout en claquant définitivement la porte de la maison familiale ? Est-ce que tout ça avait été porté par une recherche constante de sa place dans le monde, pour camoufler la souffrance et la déception face à ses échecs aussi bien affectifs que professionnels ? Les scénarios sont tous possibles et imaginables. Des portes qui s’ouvrent et qui se referment aussitôt sur des histoires qui ne verront jamais le jour. « Et comment t’as changé, Wren ? » Une question dont Elizabeth n’est pas certaine de vouloir la réponse, ses grands yeux sombres posés de nouveau sur le jeune homme.
« Je suis désolé pour ça. Vraiment. » Moi aussi. Cruellement, affreusement, passionnément. « Mais est-ce que je peux réécrire le passé? Non, Lizzie, je peux pas. » Non, évidemment que tu ne peux pas. Sinon peut-être que tu serais revenue vers moi d’une quelconque manière, tu aurais essayé de faire quelque chose. Tu n’aurais pas attendu que le destin nous force la main pour se retrouver face à face. « Je peux juste assumer la connerie que j'ai faite avec toi, te laisser quand j'avais le plus besoin de toi, quand j'avais jamais été aussi heureux avant ou depuis. » C’est triste à en crever ce que tu dis. J’ai beau nourrir de la rancœur, j’aurai aimé apprendre que tu as eu le temps d’être heureux pendant un moment en douze ans. Malheureux de constater que ce n’est pas le cas. « Je peux rien changer de ce qui nous est arrivé mais je peux au moins espérer que tout ce que je t'ai avoué là t'aidera à construire ton avenir. » Lizzie secoue la tête parce que ce n’est pas un simple bouton. Voilà plus d’une décennie qu’elle vit, qu’elle agit comme ça. Qu’elle est lâche à son tour, qu’elle fuit elle aussi à la moindre étincelle, qu’elle tourne le dos aussi bien que lui à des personnes qui veulent plus fort et plus grand ? Tous les reproches qu’elle a pu lui faire, toutes ces actions qu’il a pu faire, elle les reproduit, comme la plus grosse ironie que le monde n’est jamais porté. Guidée par un modèle qu’elle a voulu effacer de sa vie, celui-là même qui la rendu comme ça. Lizzie peut se féliciter de n’avoir jamais trompé, mais elle n’a jamais donné l’occasion à personne de s’attacher à elle de cette façon. « Même si on se revoit jamais... » On l’a déjà fait une fois, on peut le refaire encore. « Je te demanderais pas ça, Lizzie, de me supporter à nouveau dans ta vie parce que ce serait très égoïste de ma part après ce que je t'ai fait, mais si t'as l'envie, tu peux m’appeler ou venir me voir. Pour n'importe quoi. Même si c'est pour te défouler sur un punching ball vivant. »
Elizabeth le tient sur le fil de son regard et de son sourire pendant un moment avant de baisser le visage pour attraper le papier défraîchi sur ses genoux. Elle pourrait le froisser un peu plus, elle pourrait en faire une boule et le lui balancer à la figure. C’est égoïste et c’est osé de prétendre qu’elle puisse avoir l’envie de l’appeler. Pire, de le revoir. Lizzie essaie en tout cas s’en convaincre parce que c’est la solution la plus simple, la chose la plus rationnelle à penser. Rester à sa place, chacun sur sa route, sans jamais ne se chevaucher ni se toucher. Regarder ailleurs sauf dans la même direction. C’était réconfortant jusqu’à maintenant. Juste avant qu’elle se retrouve de nouveau devant ce vert brillant d’un éclat presque dangereux au fond de l’iris. Quand le problème est loin, il est bien plus facile à ignorer. Quand la douleur est passée, elle est bien plus facile à tasser au fil du temps. Mais l’australienne garde le morceau de papier entre ses doigts. Elle aura l’occasion de le jeter plus tard. Si le cœur lui en dit (absolument pas ; la ferme j’ai dit). Quand elle reporte son attention sur lui, Lizzie note à quel point il est bien trop proche pour son confort. Sa proximité la perturbe bien plus qu’elle ne veut le laisser croire. De vieilles sensations remontent doucement à la surface ; va commencer la bataille intérieure. Merci, Wren. « Okay. » Une simple affirmation, presque lasse et fatiguée. Cette entrevue va les amener où, exactement, à part dans une station-service ? Lizzie n’en sait rien parce que si on ne peut pas réécrire le passé, on ne peut pas non plus prévoir l’avenir. Est-ce qu’elle veut de nouveau Wren dans sa vie ? Est-ce qu’elle serait capable de le laisser entrer dans son monde ? Mais surtout, est-ce que la confiance peut être instaurée de nouveau ? Elizabeth finit par se redresser puis sortir de la voiture dans un bruit de portière sonore. Elle se prend le bourdonnement de la ville et elle regretterait presque le calme de l’habitacle. Mais il est devenu trop proche, il prend trop de place, dans la voiture, dans sa vie, de nouveau. Glissant le papier dans sa poche, Elizabeth reste un moment à observer le mouvement animé de la ville avant de se retourner pour se pencher, les bras croisés par-dessus la vitre ouverte. « Mon avenir ne va pas changer subitement parce que t’as décidé de nettoyer ta conscience, Wren. » Il reste aussi incertain que le futur peut l’être. Comment on est censé finir une conversation pareille ? ‘‘A la prochaine’’ ? ‘‘J’ai été contente de te revoir’’ ? Elizabeth peut rajouter une ligne de plus dans la liste des choses qu’elle ignore. Alors elle se pince les lèvres, se mord la lèvre inférieure, plisse le nez puis se redresse de nouveau. « Merci de m’avoir déposé. » En bonne grande fille que je suis, je peux prendre le relais seule. Lizzie lâche un sourire mais sans y mettre vraiment de la chaleur. Plus un sourire machinal en guise d’au revoir, d’adieu, d’à plus tard, d’un peut-être. Et sans un mot de plus, elle tourne les talons pour se diriger vers sa préoccupation du moment. A savoir sa jolie petite voiture perdue au milieu de nulle part. C’est ça, garder cette information en tête, ne se préoccuper de rien d’autre parce que rien d’autre n’est important. N’est ce pas ?
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| | | | | | | | WRIZZIE • you got the moon dust i got the sky |
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