Il ronflait y'a 10 secondes encore, l'idiot.
« Je suis sexy même quand je dors, alors arrêtes de mentir ! »
L'imbu, l'égocentrique, le parfait connard.
« Je t'aime. »
Mon mari.

« Ouais, ouais, à d'autres. Montre-le que tu m'aimes, maintenant. » parce que moi je lui prouve direct, dans la seconde, quand le dernier oreiller que je lui lance pour qu'il se lève enfin atterrit presque doucement à sa gueule. J'ai minimisé l'élan, et ça mesdames et messieurs, c'est l'amour le vrai. Puis, je m'active, parce qu'apparemment c'est encore moi l'adulte dans ce couple. C'était moi quand je nous ai trouvé un appart pour enfin nous tirer respectivement des demeures familiales horribles dans lesquelles on a habités jusqu'à mes 16 ans et ses 45 (ouais, j'ai su très tôt dans notre relation à quel point il était vieux). C'était moi quand je l'ai forcé à envoyer son démo à toutes les boîtes de production musicale du pays au point où il s'était bloqué les canaux carpiens tellement il spammait les courriels de tout le monde. C'était moi quand j'avais abandonné mon rêve d'être auteure pour bosser dans n'importe quoi pouvant payer les factures. Et aujourd'hui, enfin, ça paie. « Tu m'as l'air bien réveillé. Ou alors tu voulais inaugurer notre premier jour en tant que mariés en me frappant à mort ? Attends au moins que j'ai fait quelques tubes pour que tu puisses ramasser un peu d'argent ! »

Et je pouffe de rire, mauvaise, ramassant mes cheveux en un chignon qui ne sert strictement à rien à voir les mèches qui s'en dégagent. « Pourquoi tu penses que j'ai dit oui je le veux si vite hier, hen? » le doigt que je lève à son intention qu'il verra dans le reflet du miroir devant moi, miroir dans lequel je replace une couette derrière mon oreille avant de lui envoyer un baiser soufflé.

« Oui madame. » qu'il me confirme finalement, quand il se lève, quand il ramasse ses affaires au passage, à travers notre bordel commun. « T'es chiant quand t'es obéissant. » c'est que je râlerais presque, maintenant que je le bloque entre ses propres allers et retours pour passer mes bras autour de sa nuque. Y mordre la peau, celle juste en-dessous du lobe d'oreille. Il déteste ça alors moi, j'adore.

Le high five que je lève à son intention quand il se réjouit que Kane et Levi aient à dédommager les frais, et la dernière bouteille qui reste dans le mini-bar, l'esseulée, que je prends malgré l'heure. Le soleil est encore en train de se lever c'est pour dire, mais l'alcool trouve bien mes lèvres et ma langue. La dernière gorgée que je file à Jet quand on finit par s'installer dans la voiture, lui derrière le volant. « Prête ? » « Nah, finalement on annule tout, remboursée. » je raille, cynique, mes lèvres contre les siennes, mon sourire qui s'additionne à celui qu'il exhibe comme le mec autant amoureux de moi que je suis amoureuse de lui.

D'un geste un seul, j'enclenche la radio alors que la bagnole se met en marche ; c'est la compil CD qu'il m'avait faite y'a des années de ça. Ça date du lycée ce truc ; et ça amalgame toutes ses chansons préférées de l'époque entrecoupées des miennes. « Sérieux j'ai toujours été celle qui avait les meilleurs goûts musicaux. » je me moque, augmentant le volume quand ce sont les miennes, le fermant quand ce sont les siennes. Mais le petit jeu arrête au moment où ma main va trouver celle qu'il a pas dédiée au volant, et avec laquelle je joue pendant une heure, deux, dix, je sais pas, je sais plus, seule chose que je sais c'est que je la lâche pas.

« On arrête. » y'a un restaurant sur le bord de l'autoroute, ça ressemble à un truc très crade, y'a des camions de transport stationnés à côté du commerce, un gros néon qui annonce les promotions sur le menu, le burger éponyme qui flash à toutes les deux minutes sur le panneaux illuminé. « Et j'ai oublié mon portefeuille, toi pareil. Merde. » une fois sortis de la voiture, je lance le dit portefeuille qui m'appartient sur le siège arrière, faufile ma main dans son jeans pour faire pareil avec le sien. À nouveau on prévoit notre prochain délit, celui-ci qu'on a commis des centaines de fois déjà. Commander tout ce qui se trouve sur le menu, attendre d'être remplis jusqu'à l'explosion, filer dès que la serveuse entre en cuisine chercher le dessert, jamais payer et surtout, jamais revenir.

« ça fait 15 ans que je te le montre tous les jours. » Plus je la fais chier et plus je lui montre que je l'aime. Ça a toujours été comme ça et ça le sera toujours parce que je la ferai chier toute ma vie. J'attrape un coussin pour lui renvoyer en pleine figure pour lui montrer moi aussi à quel point je l'aime, à quel point je suis content qu'elle ait fini par dire oui et à quel point j'ai hâte qu'on parcourt l'Australie tous les deux. « J'ai toujours su que t'étais une opportuniste Parker. » Oh que je mens. Parce qu'elle ne serait pas restée plus de dix secondes avec moi si elle n'avait pensé qu'à l'argent. Parce que si elle n'avait pas sacrifié une partie de sa vie pour que j'accomplisse mes rêves je serais encore le même gamin défoncé que je l'étais il y a 15 ans. Elle a toujours été l'adulte, mais maintenant, c'est moi qui vais la laisser accomplir ses rêves, je ferai tout pour qu'elle soit heureuse, toujours.

« T'es chiante quand tu parles trop. » que je réponds du tac au tac, un sourire aux lèvres. Elle s'approche, elle mord Ariane et ça ne m'étonne pas. Mes mains descendent sur ses hanches pour lui pincer la peau parce qu'elle n'aime pas quand je fais ça. « T'es chiante quand tu fais ça. » Et je la mord au même endroit dans son cou pour lui montrer à quel point elle est chiante, à quel point je n'aime pas quand elle fait ça alors que moi j'adore lui faire.

On s'assoit dans la voiture et c'est moi qui conduis, comme souvent. Je la regarde en haussant un sourcil. « Vas y sors toi, je ferai le chemin sans toi ! » T'as plutôt pas intérêt à sortir de cette voiture Parker. Je finis la bière et pose une nouvelle fois mes lèvres sur les siennes. « Si tu continues de m'embrasser sans arrêts comme ça on partira jamais ! » Je râle mais je pourrais encore passer des heures comme ça que ça ne me gênerait pas le moins du monde. Mais on démarre, et elle met de la musique, elle râle encore la rousse et je soupire. « C'est grâce à moi que t'as appris ce qu'était de la vraie musique ! Toutes celles que t'as choisi toute seule elles sont merdiques. » Je chantonne quand mes chansons passent et fais mine de vouloir me jeter par la fenêtre quand c'est les siennes. « Et même si c'était possible que j'ai de mauvais goûts musicaux, j'ai une bien meilleure voix que la tienne. » On se taquine, et le temps passe vite.

On arrête parce que j'ai faim et qu'elle a une idée. Mon sourire s'agrandit quand on descend et que je sens qu'elle nous enlève nos portefeuilles. « Qu'est ce qu'on peut être tête en l'air ! » Je pose une main sur ma tête avant de la faire se tourner pour qu'elle soit à côté de moi et que je puisse glisser ma main dans la poche arrière de son jean. On entre dans le restaurant, on s'assoit et on commande tout ce qui nous fait envie. « J'espère que t'as pris que des trucs que j'aime sinon je te balance ! » Je mange les apéritifs qu'on nous a déjà ramené et mes lèvres se retrouvent déjà sur sa mâchoire en attendant qu'ils nous ramènent tous les plats qu'on a commandé.

« Qu'est ce qu'on peut être tête en l'air ! »
« Les pires du pire. »

C'est qu'une connerie parmi tant d'autres, c'est qu'un autre plan de merde duquel on est les deux personnages principaux et ça nous va, ça nous va parfaitement d'être les mauvais dans l'histoire. On l'adore le rôle, on se le partage, on le peaufine, on en est devenus si fiers au fil des années que c'est certainement pas aujourd'hui qu'on va s'assagir. Nés pour faire chier.

La commande est prise et il se rapproche, ma silhouette se love contre lui et sous la table, mes jambes investissent sans aucune douceur ses cuisses. « J'espère que t'as pris que des trucs que j'aime sinon je te balance ! » « T'es allergique à quoi déjà? Asking for a friend. » mes mots volent vers lui mais mes yeux restent scotchés sur la cuisine qu'on voit dans l'angle, où les dizaines d'assiettes que j'ai commandées sont à même d'être préparées. J'ai tout pris, de ce qu'il aime et de ce qu'il déteste - jusqu'aux extras et tous les micros détails que connaître quelqu'un depuis la moitié de sa vie suffit à mémoriser. Et on bouffe tout, bien sûr qu'on bouffe tout, on demande même à la pauvre serveuse de nous mettre ce qui reste dans des plats pour emporter, les cons, les hypocrites.

Et la seconde d'après, le plan fonctionne parfaitement, on se tire en duo, les voleurs, les cons, les amoureux. Vive les mariés.

***

« Oh, allez, juste un coup. » et je supplie, comme je supplie. Mes paupières battent la mesure et mes jambes qui se joignent à la cadence alors que je suis hissée sur le comptoir du bar qu'on a choisi pour ce soir, en bordure de la côte. Jet s'est engueulé avec j'sais pas qui pour j'sais pas quoi, j'ai pas écouté, je suis juste dégoûtée qu'il se soit gardé le type que pour lui à le frapper avec violence après que j'ai volé tout ce qui se trouvait dans son portefeuille pour nous commander le meilleur scotch de la maison. « C'est pas juste c'est toujours toi qui cogne ça m'emmerde. » pauvre gamine, pauvre petite Ariane qui ajoute au spectacle la moue la plus piteuse qu'elle a en stock. « S'te plaît. » là par contre, je pouffe de rire j'ai pas le choix, quand le barman arrive pour les séparer, mon verre que je termine d'un trait sans lâcher la scène des yeux.