Une semaine d’arrêt. Pour commencer. C’est chiant mais c’était sûr. Une semaine je trouve ça optimiste. C’est pour ça que je dis « pour commencer ». Je sais qu’il va y avoir des rallonges. C’est vraiment chiant dans cette situation de pas avoir son travail pour se changer les idées. J’en ai besoin plus que jamais et je n’ai pas ça. Alors je fais ce qui me fait du bien aussi when my brain is overwhelmed, je chante. J’ai pris ma guitare, j’ai pris le train, pas envie de conduire, et me voilà à Gold Coast, installé sur le sable avec ma guitare. J’ai toute la journée à rien faire. J’ai toute la journée à encore me repasser les derniers SMS que j’ai reçu de Levi et Ariane. And it’s overwhelming… J’ai beaucoup écrit ces derniers jours. Ca fait un bien fou de tout coucher sur le papier. J’ai mon carnet rempli avec moi et je suis en train de mettre les phrases en ordre. De les arranger. D’en faire quelque chose plutôt qu’un gros mess. Et c’est comme ça que cette chanson a pris forme assez rapidement. Elle est venue à moi comme un rien. Elle avait juste besoin d’être mis en forme et je l’ai fait sans aucun mal. C’est une des chansons que j’ai écrit le plus facilement. C’est une des chansons qui me fait le plus de bien. Et ça fait une demi heure que je la chante en boucle. La plage n’est pas très rempli, je suis pas dans un coin des plus peuplé. Je suis tranquille. Ou du moins je le crois. Parce que la vérité c’est que je suis complètement dans ma bulle là. L’ocean sous mes yeux, ces mots qui me font du bien qui sortent de ma bouche. Je suis un peu en paix. Ca fait du bien.

« But the more that I look, the less that I see
The more that you go, the less that I breathe
The more that I lose, the more that I need
And it's overwhelming
But the more that I look, the less that I see
The more that you go, the less that I breathe
The more that I lose, the more that I need
And it's overwhelming »

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Ce n’était pas supposé se passer comme ça.
Il n’était pas supposé y avoir une bourrasque de vent. Ou ce coquillage sur lequel elle a marche. Ou que sa sortie en mer dure aussi longtemps, à tel point que le snack qu’elle avait au préalablement repéré soit en train de fermer. Elle avait vu leur carte des fromages, avec beaucoup de fromage supplément fromage et elle avait longtemps bavé dessus, se disant que ce serait parfait après avoir surfé une petite heure. Mais l’heure a eu un enfant et est devenue pluriel, si bien que l’horaire de fermeture a approché à grand pas et qu’elle était toujours joyeusement installée sur sa planche à flirter avec les vagues. Alors finalement rien ne s’est passé comme prévu et la suite est digne de Lily tout craché : gênante à souhait.

Bien sûr qu’elle avait oublié de prendre sa montre et qu’elle n’est sortie de l’eau une fois totalement épuisée et ses membres endoloris par l’exercice, et que c’est à ce même moment là qu’elle a vu au loin le magasin fermant ses portes. Elle leur a fait quelques signes de ses bras mais personne, si ce n’est une mouette, n’y a réellement porté attention. La plage est déserte et aucune touriste ne vient ici, elle doute même qu’ils aient eu un quelconque client aujourd’hui. Finalement, la planche toujours retenue à son pied avec un fil, elle a commencé à marcher rapidement puis réellement courir pour rejoindre la route derrière la plage. Sauf que, bien sûr, avec un fil accroché à sa cheville et une planche fort peu maniable, elle a finit par se prendre les pieds dedans. Ajoutons à ceci le fait qu’elle et son attention digne d’un enfant de trois ans ont été surpris à tourner la tête en direction du blond grattant de sa guitare et chantant sur la plage … et la voilà qui se retrouve à même le sable, mangeant quelques grains au passage. Elle jure une seconde à cause de son pied blessé n’ayant fait qu’un avec les rebords aiguisés d’un coquillage quelconque et du sang qui perle quelque peu sur la plage. Elle jure aussi de sa planche qui lui échappe des mains et qui vient se loger dans les cotes de l’inconnu, s’excuse de mille manières différentes par la même occasion. Elle se dit qu’au moins elle ne lui est pas tombée dessus et c’est déjà un petit exploit en soi, parce qu’elle en aurait largement été capable. “Désolée désolée désolée, d’habitude je ne m’exprime pas comme ça pour dire que les gens chantent bien. Je t’ai dit que je suis désolée ? Oh bon sang je suis vraiment désolée.” Elle panique légèrement, oui.

 
J’ai les yeux fermés et je suis complètement dans ma bulle. Je ne la vois pas du tout arriver mais la douleur qui m’assaillit je la vois très bien. Je la sens fort. Je la sens comme je n’aurai pas cru parce que ça fait des jours que je fais attention à mes mouvements pour éviter ça. Ca me coupe la respiration un instant tellement c’est fulgurant. Je l’entends se fondre en excuse mais je ne traite pas le reste de ce qu’elle dit. Je vois des étoiles. Bon sang. J’ai les yeux fermés toujours, mais fermés fort. J’ai les larmes qui me sont montés tellement j’ai mal mais j’ai aucun son qui sort de ma bouche. Je garde tout à l’intérieur. Je sais pas pourquoi d’ailleurs. J’ai besoin d’un moment pour que ma tête pense à autre chose qu’à la douleur. Je suis bloqué, je sais pas comment me tenir pour me soulager. Ma guitare est complètement à l’abandon, je la dégage sur le côté et je m’allonge sur le dos. Ne plus soutenir mes épaules, ma tête. Me soulager au maximum. Je ne sais pas combien de temps passe mais c’est horrible. C’est un supplice. J’ai comme réflexe de respirer plus profondément mais ça n’aide en rien du tout.

« Are you trying to kill me? »

Je me rends pas compte que je peux sonner grave drama queen si elle sait pas ma condition. Moi je la sais que trop bien et du coup je pense pas à préciser. C’est ma réalité, ma douleur. Qui elle est celle là à me tomber dessus toute encombré. La vérité c’est que j’aurai très bien pu faire la même.

« Holy shit…! »

Je suis encore en souffrance, ça me lance. Et puis mes yeux s’ouvrent et se posent sur elle et je vois qu’une magnifique paire de seins. Oh… Hi. Ca me change les idées bizarrement. Ca me fait du bien.

Il se tord de douleur sur le sol et elle sait qu’elle en est la seule cause ce qui ne fait qu’augmenter son mal être. Voilà la pharmacienne qui se met à blesser les gens … elle n’est pas en manque de clients, pourtant ! Lily la maman qui met un point d’honneur à emmitoufler tous ceux qu’elle aime sous dix couche de vêtements pour éviter qu’ils se blessent et sa gaucherie qui revient au galop pour mettre à mal tous ses bons principes. “I swear I’m not.” Trop sérieuse Lily, elle prend chacun de ses mots au pied de la lettre. Il a du mal à respirer mais se la joue quand même drama queen, si elle n’était pas aussi inquiète pour lui alors elle aurait sourit. La brune se dit que la planche n’a pas frappé si fort, pourtant. Elle se dit que les côtes sont une zone sensible mais qu’il ne doit pas avoir si mal que ça, quand même. Pourtant son propre poing est fermé, comme si elle pouvait drainer sa douleur en se faisant mal elle même ; comme si cela pouvait changer quoi que ce soit à elle retombant à quatre pattes à quelques centimètres de lui. Et ses yeux qui, soudainement, fixent un point et un seul.
Et le poing de Lily qui se desserre, sa paume qui vient heurter la joue de Kane dans un bruit sonore. “In the eyes.” Qu’elle prévient, presque sévère, bien trop habituée à ce genre de choses. Cette fois ci elle n’a aucun mal à lui faire volontairement mal mais toute une partie d’elle ne peut s’empêcher de trouver une autre raison à tout cela, un peu plus légère. “It relocates the pain.” Ce n’est pas faux, au moins. Cela lui fait sûrement encore un peu plus mal à un autre endroit mais pendant une seconde il a dû oublier ses côtes. Sur le dos ou pas, elle n’a eu aucune honte à le frapper.
Sa main se bats avec la corde pour venir la détacher de sa cheville et elle se débrouiller pour avancer sur un pied jusqu’à lui, remonter son tee shirt pour observer les dégâts causés par la planche et ne peut s’empêcher de crisser légèrement. Non, elle n’a pas fait tout ça. Le bleu sur ses côtes n’est pas apparu dans la seconde, elle a simplement encore un peu plus accentué la douleur. Il doit la détester mais ça lui passera, sûrement. “Hold my hand and breath.” Elle lui tend sa main gauche par dessus son torse pour qu’il arrête de gigoter dans le sable et qu’il se concentre sur autre chose que la douleur (et pas ses seins non plus, si possible). “I have pain pills in my car.” Elle lui propose avec une moue sur le visage parce que c’est la seule chose qu’elle puisse faire pour lui, mise à part lui coller une seconde gifle sur l’autre joue.

 

« I swear I’m not. » Ouais ben j’en suis pas si sûr. Je vais mourir là. Mon coeur va pas tenir la douleur. Je fais de mon mieux pour me soulager. Quand je me prends une claque dans la tête je dois avouer que pour quelques secondes ça va encore mieux. Après la vue, la douleur ailleurs, ça fait du bien de penser à autre chose. « In the eyes. » Ouais ouais ok. C’est vrai. J’ai pas fait exprès ils étaient juste là, ils étaient parfait. Je vais me tenir maintenant. Je sais me tenir. J’étais juste trop obsédé par ma douleur et je me suis laissé emporté par ce court réconfort. « It relocates the pain. » Vrai. Je reste allongé et je ferme les yeux, essayant de caler mon ratio de respiration plus ou moins profonde avec la douleur que je ressens à chaque fois que je le fais. C’est tellement chiant. Je me sens comme prisonnier de mon corps de pas pouvoir respirer à ma guise sans souffrir. Je l’entends faire des trucs à côté mais j’ai les yeux fermés toujours. Peut être bien que j’ai peur de les laisser filer sur sa poitrine de nouveau. Je suis encore faible. Mon cerveau sait pas focaliser correctement encore. Et je sens qu’elle remonte mon t-shirt. « Hold my hand and breath. » J’ouvre les yeux. Elle parle comme une professionnelle. « I have pain pills in my car. »

« I’m just gonna lie here until I die. »

Je suis tellement une drama queen. Nan mais c’est vrai, c’est comme ça que je me sens là. Je sais pas pourquoi je suis obligé toujours de parler de la mort. C’est juste si présent tout le temps dans ma vie, depuis toujours. Mon quotidien au travail aussi. C’est un sujet comme un autre quand on y pense. C’est important. C’est la seule chose qui nous rassemble tous. On va tous mourir. C’est la seule vérité absolue sur cette planète. Je marque une pause brève avant de reprendre.

« I’ll be fine. Thank you tho. Or not thank you actually. »

Parce qu’elle care assez pour me donner des trucs pour que j’aille mieux. Pour qu’elle soit encore là à côté de moi à tenir ma main. Mais c’est elle aussi qui m’a mis dans cet état, pas complètement mais ouais, un peu quand même.

« Are you a medic ? »

Lily, elle fait ce métier pour aider les gens et les soigner, pas leur faire du mal. Elle a trois mains gauche et deux pieds droit parfois mais elle fait réellement de son mieux pour aider tout le monde. Ces années passées sur les bancs de l’école l’ont été dans un but précis, pour enfin apprendre à soigner les gens bien mieux qu’elle n’a su rafistoler Joseph pendant dix années. Elle voulait faire mieux et la voilà qui devient la seule raison d’une douleur intense et fulgurante dans les cotes d’un inconnu contre qu’elle n’avait meme pas envie de tuer. Il ne fait rien pour calmer sa culpabilité et serait surement prêt à rédiger son testament dans la seconde s’il en avait la possibilité. Elle sait que la douleur est intense et qu’il n’exagère rien mais elle aimerait réellement qu’il souffre en silence comme le faisait son frère. “You’re not gonna die Queen B.” Lily lui sourit enfin, parce que sinon il va réellement finir par croire qu’elle est un monstre sans coeur et c’est tout à l’opposé de sa véritable description. Ses yeux bleus tâtent les siens, amusés de ses réponses alambiquées. Il a mal mais il ira bien. Elle a étudié des cas bien plus graves, vu des choses bien plus atroces. “You’ll have a fun story to tell now. I guess it’s better than the original story.” Pour avoir des cotes dans cet état là et des bleus qui s’étendent largement plus loin que les parties de peau qu’elle a observé sous son tee shirt, ce ne devait pas être une histoire bien joyeuse. Il n’a rien d’un bagarreur, pourtant. “I take the thanks.” Il l’a dans les pattes, maintenant, impossible qu’elle s’en aille avant qu’elle ait fait un check up complet et qu’elle soit certaine qu’il aille réellement mieux - ou pas plus mal qu’il n’était avant qu’elle n’interfère avec sa vie.

“Kind of.” Parce que Lily, elle voulait aider les gens sans avoir la responsabilité de leur vie, sans avoir à littéralement tenir leur coeur entre ses mains et avoir ce pouvoir de vie et de mort. Ce serait un pouvoir bien trop immense pour elle, quelque chose de bien plus immense qu’elle ne serait jamais capable de supporter. Alors pharmacien, c’est bien. C’est bien, pharmacien. Elle vend des pastilles pour la gorge à longueur de journée, fraternise avec tous les quatre vingt ans et plus du quartier ; c’est ce qu’elle aime. “Are you a singer ?” Elle écoutait, un peu. Etourdie mais pas sourde. “Nah, I guess you’re an actor. Practicing for the role of a dying character.”

 

« You’re not gonna die Queen B. » Elle me fait sourire. Elle s’en fou de mon côté drama queen. Elle me le met en pleine face et quand mes yeux croisent les siens je vois le sourire sur son visage. Elle plaisante. Elle a fait une réf musicale, je l'aime donc. Elle a l’air d’être quelqu’un de bien à première vue. Souvent la première impression est pas loin de la vérité. « You’ll have a fun story to tell now. I guess it’s better than the original story. » Yeah. Je préfère pas en parler. Je veux pas y penser. Mais ça se voit sur ma tronche qu’elle a tout à fait raison avec ce qu’elle avance. Elle a l’air d’avoir un bon instinct ou bien c’est juste super obvious. « I take the thanks. » Ouais elle peut. Elle mérite, un peu. Elle care. « Kind of. » Je l’avais senti. Je sais pas ce qu’elle fait et elle a pas l’air de vouloir le dire si elle me répond pas directement. Je veux pas dérangé les inconnus qui care pour moi. « Are you a singer ? » Je me demande comment elle sait que je chante et puis je réalise que j’étais en train de chanter avant qu’elle m’agresse. « Nah, I guess you’re an actor. Practicing for the role of a dying character. » Elle me fait grave sourire.

« I like to sing but I prefer to picture myself dying every minutes of the day. »

Pourquoi je dis ça ? Parce que ça va pas dans ma tête en ce moment. Ca va pas du tout. Je fais genre ça va mais je suis grave seul et déçu par des gens qui comptaient énormément pour moi. Ca fait trop mal. Pire que toutes les peines de coeurs que j’ai eu avec des filles. Je crois que plus rien pourra me faire plus mal que ça. Toute la situation est pourri. Je déteste. J’ai besoin d’un break. Je peux pas imaginer que c’est fini complet avec Ariane et Levi mais je suis tellement déçu que je sais que plus rien ne sera comme avant.

« I’m sorry. It’s dark. I’m sorry. »

Ma douleur commence à se dissiper. Je me redresse, lâchant sa main de la mienne. Je fais attention à ne pas respirer trop fort même si je crève d’envie d’une bonne inspiration. Je tourne la tête vers elle, cherchant à changer le sujet rapidement parce que j’ai pas envie de lui faire penser que je suis suicidaire avec tous ces trucs que je dis.

« You’re a surfer that likes to hold hands with strangers on the beach. »

Ca ne paraît rien, ça paraît être anodin mais le simple fait qu’il lui rende son sourire rassure infiniment Lily. Il n’est pas si mourant qu’il le laisse croire, pas à l’article de la mort non plus. Il ne va pas très bien mais ses blagues vaseuses ont au moins pour effet de lui faire penser à autre chose et c’est là tout le but de la manoeuvre. Son expression se fige quand elle aborde la raison de sa blessure aux côtes et elle comprend que tout passe directement dans la catégorie “tabou” et s’il y a bien quelque chose qu’elle respecte, ce sont les secrets. Elle n’aimerait pas que l’on s’immisce dans les siens alors elle ne s’immisce pas dans ceux d’inconnus. Tout comme elle ne les juge pas pour leurs mots, aussi noirs soient-ils. “Pretty cool.” Son visage affiche une moue faussement surprise. Il a des mots difficiles mais elle se souvient encore du sourie sur son visage qui disait le contraire et elle a donc décidé qu’elle ne garderait que la partie qui l’arrangeait puisque Lily ne broie jamais du noir. La vie est bien trop courte pour perdre son temps à ce genre de choses, surtout quand il fait encore aussi beau et chaud dans leur doux pays. La brune ne répond rien quand il s’excuse puisque cela ne fait pas réellement sens à ses yeux. Est-il réellement en train de s’en vouloir pour avoir pu parler librement, pour avoir été lui même ? Elle rêverait de le faire, elle aussi, de crier sa vérité au premier inconnu venu sans avoir peur du jugement d’un visage qu’elle ne reverra sûrement plus jamais.

Ses yeux entraînés scrutent le moindre de ses gestes lorsqu’il se relève, cherchent un autre muscle ecchymosé, fatigué, blessé, sans pour autant y parvenir. Tout son ventre et ses cotes, cela semble être un assez bon début apparemment. Elle ne dit rien de tout ça, bien sûr, se contente d’enfin relâcher la pression et laisser aller un peu de sa culpabilité. “Yup. And it may be surprising but usually people call me Lily. Maybe because it’s shorter, who knows.” La plupart du temps elle se balade sur les plages avec une glace dégoulinante à la main et bizarrement personne ne souhaite lui serrer la main devenue collante et aux couleurs de l’arc en ciel. Cette fois ci au moins, pas de faux pas de ce côté là. “Do you like picturing yourself as Captain Obvious too ?” Elle se moque facilement Lily, la faute à avoir été élevée avec un grand frère qui ne lui faisait pas de cadeau. Elle a du apprendre à survivre, à se battre pour la dernière cuillerée de confiture, le meilleur des deux sandwichs confectionné par maman.

“Do you have water ? Cos I’m gonna bleed out.” Elle en serait presque crédible si elle avait arrêté de sourire et si la plaie microscopique sur son plaie s’étendait sur plus d’un centimètre. N’empêche que maintenant qu’elle ne s’inquiète plus pour lui, son pied la picote et elle pourrait très bien assurer qu’elle est sur le point de mourir d’une seconde à l’autre. Sans exagérer quoi que ce soit, bien sûr.

 

« Pretty cool. » J’ai bien noté qu’elle fait aucune remarque de plus sur le pourquoi de mes marques. Thank you. Le changement de sujet se fait sans encombre, elle enchaîne elle aussi et j’apprécie énormément. Cette fille est réellement quelqu’un de bien aux premiers abords du moins. Je sais que j’ai tendance à m’emballer avec les gens mais j’ai quand même retenu mes leçons. Je ne vais pas m’imaginer qu’elle est mon amie juste parce qu’elle s’est inquiété pour moi et qu’elle est resté à mes côtés un moment. Ce que j’apprécie vraiment beaucoup. « Yup. And it may be surprising but usually people call me Lily. » Lily. Ok, je retiens. J’aime bien qu’elle me donne son prénom. J’avoue je le demande pas forcément parce que j’essaie de pas m’emballer mais j’aime savoir à qui je parle. « Maybe because it’s shorter, who knows. » Elle me fait sourire. Elle a de l’humour. Mon genre d’humour en plus.

« Lily it is then. »

« Do you like picturing yourself as Captain Obvious too? »

« I’m trying to be funny. Don’t ruin my groove. »

Je fais genre je suis fâché mais le sourire sur mes lèvres gâche tout (not).

« Kane is shorter tho. »

Mes côtes me lancent plus très fort. La douleur toujours là, mais supportable. Ma vie ces derniers jours en somme. « Do you have water ? Cos I’m gonna bleed out. » Je fronce le nez, j’ai pas d’eau, et je la prends au mot comme le naïf que je suis.

« I don’t. »

Je capte le sang en question, j’avais pas fait gaffe parce que je suis self centered avec ma douleur. Je pense pas à grand chose d’autre dans ces cas là.

« My first aid kit is in my car… And I came by train. »

Je fais une petite moue parce que du coup je suis désolé pour elle de pas pouvoir l’aider.

« But there’s a pharmacy nearby, we should go there. »

Tranquille je m’inclus. Peut être que j’ai envie de prendre soin d’elle vu qu’elle l’a fait pour moi en premier lieu. After she tried to kill me tho. Je fais pas de remarque sur le fait qu’elle va pas mourir d’hémorragie parce qu’elle a l’air de savoir déjà. Elle fait que plaisanter. Je sais pas ce qu’elle fait comme boulot mais elle sait. Je le sens dans sa façon de faire depuis qu’elle s’est penché sur mon cas.

L’habitude de sourire pour un rien est une bonne habitude. Aux yeux de Lily, il n’y en a pas de meilleures. Elle sait l’apprécier chez elle, le remarquer chez les inconnus. Adèle l’a aussi, et c’est une des milliers de raisons pour laquelle elle aime beaucoup trop cette gamine. Ca devient aussi une bonne raison pour laquelle elle commence à apprécier Kane is shorter tho. Dommage que son affection ne vienne pas en même temps qu’une bouteille d’eau, ça aurait pu lui être utile. Elle en avait une mais elle a joué avec un chien et cette dernière s’est percée … donc elle n’en a plus. Fin de l’histoire tragique de la bouteille de Lily. Mais même si elle va sûrement mourir d’une hémorragie sous peu, elle ramène sa planche vers elle et la fait glisser sur la sable pour venir s’assoir dessus puis s’y coucher, les yeux rivés vers le sien. En langage Lily cela signifie qu’elle n’a pas la motivation d’aller où que ce soit et qu’elle aura bien le temps de mourir de beaucoup d’autres choses plus tard. “I got mine in my car.” Elle est indissociable de son kit de premier secours. Des ses kits de premier secours, même ; un partout où elle passe. Elle est une fille quelque peu bordélique mais il y a certaines choses avec lesquelles elle ne plaisante jamais, ses kits de premiers secours en font parti. “Guess I’m just gonna lie here until I die.” C’est trop facile de reprendre ses mots alors qu’elle a ce sourire en coin, ses mains repliées derrière sa tête et ses yeux qui regardant tout sauf lui. “And then I’ll heal it myself.” Elle annonce, sérieuse, comme si elle parlait d’une plaie profonde et difficile à traiter. Comme si l’entaille dépassait réellement la taille de l’ongle de son petit doigt. “Nobody ever has first aid kits. You’re the one who’s a medic ?” Celui qui a plus de courage qu’elle, peut être. Cette fois ci elle ne rigole pas, parle avec un sérieux qu’elle n’arrive jamais réellement à garder très longtemps.

“This cloud looks like your jawline. Like Ezra Miller’s one.” C’était un fait important à préciser.

 
« I got mine in my car. » Je suis même pas surpris. Ca fait tout son sens vu les conclusions que j’ai fait depuis un moment déjà. She’s a nurse? Elle a pas l’air de vouloir cracher le morceau d’elle même. « Guess I’m just gonna lie here until I die. » Le rire qui me vient sans que je me rende compte me fait mal à la poitrine. Fucking ribs. Mon rire est remplacé par une petite grimace du coup mais ça va. C’est rien. Juste la surprise. Je suis habitué maintenant. « And then I’ll heal it myself. » J’hoche la tête, l’air tout aussi sérieux qu’elle. Ca me parait un bon plan de se guérir. Dans tous les sens du terme. Je sais pas pourquoi je suis en train de voir plus loin que juste les dégâts physiques. « Nobody ever has first aid kits. You’re the one who’s a medic? » Elle revient là dessus, je l’ai rendue curieuse avec ma phrase.

« Yeah I am. Part time kinda. »

Je pense que y’aura aucune surprise dans cette affirmation. « This cloud looks like your jawline. » On me l’avait jamais fait celle là. « Like Ezra miller’s one. » Celle là non plus.

« I take it as a compliment. »

Parce qu’il a une vrai gueule ce gars là. Il a l’air d’être quelqu’un de bien aussi. Me souvient d’une conversation que j’ai entendu entre Léo et Charlie avec Léo qui était très clairement un grand fanboy si mes souvenirs sont bons

Lily a pas l’air de vouloir bouger. Elle doit pas avoir trop mal. Je l’observe, faisant très attention à ce que mes yeux restent pas de manière évidente sur ses seins. Parce que oui, bien sûr qu’ils dérivent par là plusieurs demi secondes.

« Is your car far ? I would not want to do an emergency amputation on the beach… »

J’essaie d’être sérieux le plus longtemps possible mais mes lèvres se fendent en un sourire.

« Or I can call my colleagues to rescue you and give you a tour on the fire truck. »

Vraiment j’ai envie de me facepalm de cette façon que j’ai pris pour lui dire mon métier sans le dire directement. Je suis si awkward y’a rien de nouveau là.

« I am a firefighter. »

Ok donc je m’enfonce en faisant cette précision alors qu’elle a sûrement très bien compris. Pourquoi je suis comme ça ? J’aurai dû rien dire. Medic à temps partiel c’était déjà bien comme info.

« What do you do? You’re a nurse? »

Pourquoi je pose la question et je tente d’y répondre aussi ? Je peux pas juste attendre qu’elle dise ce qu’elle a envie de dire ? I’m just trying to talk about something else fast so I forget how awkward I am.

Les yeux de la jeune femme se reposent sur lui un instant, au même moment où à son rire se mêlent des grognements de douleurs. Elle joue beaucoup d’ironie mais tout son corps ne peut s’empêcher de s’inquiéter pour lui, quoi qu’elle puisse dire. S’inquiéter pour le reste du monde est une constante dans la vie de la brune et ce depuis les premières heures. A son tour à elle de rigoler lorsqu’il évite de répondre clairement à la question sur son métier. Ils sont tous les deux deux sortes de médecin, alors. Elle n’a rien à tirer de cette information mais au moins cela a le mérite de continuer à la faire sourire alors qu’elle repose ses yeux en direction du ciel, tentant vainement de trouver une forme logique aux nuages.
Finalement Kane is shorter finit par rentrer dans son jeu du qui va mourir le premier et propose rapidement une amputation ce qui laisse un nouveau sourire naître sur le visage de la brune. Il a gagné son pass d’entrée dans la liste des personnes qu’elle apprécie. Cette dernière est sûrement bien plus longue que de raison mais la présence de chacune des personnes lui tient à coeur. “You dropped your fireman joker card so fast. That was too easy.” Qu’elle râle, qu’elle se plaint, qu’elle souffle alors qu’au fond elle préfère de loin le tour en camion de pompier plutôt que l’amputation sur la plage - à choisir. "Nurse could be cool." Et elle avait réellement envisagé de devenir infirmière, mais c'était avant que cela lui rappelle son passé et qu'elle revoit ses ambitions à la baisse. "But you know what's cooler ? Pharmacist." Si on la laisse, elle va commencer une tirade pour vanter sa promotion. Parce qu'elle aime réellement ce qu'elle fait au quotidien. Parce que de toute façon elle a déjà assez gênante pour l'instant et peut être être même qu'elle vient de trouver quelqu'un de pire. "I'm giving pills everyday and feeling like a drugdealer. People think it's cool too." Et c'est tout ce monde là que Joseph côtoie et qu'elle évite, c'est une des nombreuses choses qu'elle n'arrête pas de lui reprocher depuis toujours. Sauf qu'aux yeux du monde son frère n'existe pas alors il n'y a pas besoin d'en parler. "You like it ? Your job."

 

« You dropped your fireman joker card so fast. That was too easy. » Je fais une moue. Je savais pas qu’on était en train de faire un jeu. J’aurai tenu plus longtemps. Mais je voulais aussi qu’elle sache que je peux l’aider si elle a besoin avec les moyens du bord. Parce que j’ai pas grand chose sur cette plage et son kit de secours est dans sa voiture mais elle a pas l’air de vouloir aller le chercher. « Nurse could be cool. » J’hoche la tête. J’ai envisagé de faire ça avant de me lancer sur pompier. Je voulais changer ça aurait pu être cool comme elle dit. « But you know what’s cooler? Pharmacist. » Oooooooh ok. Ca y est. Je comprends. Je la voyais plutôt en infirmière et pas du tout parce que je fantasme beaucoup. J’hoche la tête, quand même assez content qu’elle ait lâché sa carte pharmacienne enfin. « I’m giving pills everyday and feeling like a drug dealer. » Un rire s’échappe de ma gorge. « People think it’s cool too. »

« I like the way you see this. »

« You like it? » Yeah I just told you. « Your job. » AH. J’hoche la tête assez rapidement parce que oui, je l’adore mon job.

« Yeah. It’s not easy and I always thought I’ll be the first of my friends to die, but yeah. I like it. »

Thought. Au passé. Parce que je ne sais pas s’ils sont toujours mes amis. J’ai toujours cette liste dans ma tête de qui est le plus susceptible de mourir en premier et j’y vois plus rien dessus. C’est flou.

« So what good stuff can you sell me? »

JE PLAISANTE BIEN SUR. On a dit plus de drogue avec Charlie. Lily est chill alors je me tente dans l’humour de ce côté là au lieu de la soigner. Parce qu’elle bouge toujours pas.

Joseph l’a bien entraîné à paraître impassible alors qu’au fond elle voudrait lui crier mille questions et lui montrer d’un millier d’autres façons qu’elle se fait du soucis. Cela n’aurait rien de curieux pour Kane, il l’a déjà vu se morfondre en excuses (à raison) et tenter de se rattraper en voulant le soigner. Elle le trouve curieux, pourtant, à n’avoir que des idées noires alors que la journée est si belle et la plage rien que pour eux. Il pourrait faire comme elle, faire semblant. Tout le monde fait semblant à un moment ou à un autre, peut être que ce devrait être son tour et il se sentirait mieux ensuite. Un mensonge pour une bonne cause. “Thought ? Cos you found the philosopher’s stone in the meantine ?” Et elle le sait, pourtant, à peine a-t-elle prononcé ces mots, qu’il ne faut pas aborder ce genre de sujets alors qu’on ne connaît rien de la personne en face. La voilà qui saute dans le plat à pied joints, qui se noie toute seule dans sa maladresse. Son sourire ne rattrape rien, aussi franc soit-il.

« So what good stuff can you sell me? » Et là, cette fois ci, à ce moment précis … C’est lui qui aurait dû se taire. C’est lui qui aurait dû savoir qu’on ne rigole pas non plus de drogue avec des inconnus, sans doute encore moins lorsqu’il s’agit de la raison de l’emprisonnement du grand frère de ladite inconnue. ”If you’re looking for blue pills you’ll only get viagra.” Qu’il essaye même pas de lui demander de l’oxycodone, bleu énorme sur le torse ou non. Ils deviennent tous accro à ces choses et ça les tue. Elle ne veut pas voir quelqu’un tomber à nouveau et ne plus jamais arriver à se relever. Ils finissent tous par tituber. ”And if you’re looking for anything else I won’t hesitate to slap you again.”
Sa tête roule sur la planche, ses yeux toisent à nouveau ceux du blond. ”I’m not kidding.” Il n’y a que peu de sujets à propos desquels elle s’avère être intranssigeante - celui ci est en tête de liste. ”Broken ribs ? Or does it only hurt as fuck ?” Revers de la médaille. Sujet facile. Elle est désolée mais c’est la seule manière qu’elle a de se défendre et ses yeux bleus ne lâchent plus les siens.

 
Elle me reprend sur le temps que j’ai employé à ma phrase. Better not going there.

« No, cos I don’t have friends anymore. »

Mais j’y vais à fond, à pied joint. Je m’en fou. J’ai toujours pas compris comment je peux me retrouver si mal à l’aise avec eux deux dans une même pièce mais ça fait bien trop longtemps que ça dure et c’est juste allé de pire en pire. Plus rien ne sera comme avant entre nous et j’ai pas encore pris le temps de tenter quoi que ce soit pour réparer tout ça. Maybe I don’t want to. La blague. On sait tous qu’à un moment ou un autre je vais reach out parce que ça peut juste pas se finir comme ça. Maybe it can. Voir qu’ils cherchent pas à me recontacter ça fait mal. Je me remets en cause à chaque fois que je laisse mon cerveau sans quoi que ce soit à faire. Je suis venu ici pour me changer les idées et y’a cette chanson qui m’est venu. I’m learning to lose it all… Parce qu’au moins, ça peut pas être pire. « If you’re looking for blue pills, you’ll only get viagra. » Elle me fait sourire. J’en ai pas encore besoin mais j’avoue avoir essayé un jour et avoir regretté aussi. J’étais jeune. J’avais pas été en cours parce que mon érection voulait juste pas partir même le lendemain. Horrible. J’ai cru que ça allait me tuer. « And if you’re looking for anything else I won’t hesitate to slap you again. » I’ll slap myself too. « I’m not kidding. » Elle ferait presque peur là. Elle est grave sérieuse et elle avait pas besoin de faire la précision. Ca se voit. Ca se sent.

« I don’t want anything. »

Les pilules c’est de trop mauvais souvenirs. J’ai été kinda addict à ça y’a de longues années. J’en suis encore plein de honte de ces moments là. Bien sûr j’ai le visage d’Ariane qui me vient en tête là. Parce que sans elle je serai sûrement un vrai junkie dans un squat avec Jared. « Broken ribs? Or does it only hurt as fuck? »

« Broken ribs. »

J’hoche la tête. Je vais pas aller plus en profondeur dans le détail. J’aime pas. Ce moment me hante encore. On est devenu tout de suite beaucoup plus sérieux dans nos propos elle et moi. Je vois qu’elle est en colère. That’s just one more to the list. Une nouvelle liste que j’ai fait.

« Broken heart also. »

Parce qu’hier c’était mon anniversaire et y’a personne des gens que j’aime le plus au monde qui me l’a souhaité. Ca fait bizarre. Charlie, je crois qu’elle sait pas c’est quand mon anniversaire. Mais avoir aucun message, rien du tout de la part de Ariane ça fait super mal. I learn to lose it all…

« But you don’t want to know that. It’s boring. Sorry. »

Je regarde l’océan, ça me fait du bien à l’âme. Let the ocean take me.

« I’m sorry for whatever I said that made you mad. »

Parce que y’a un truc qui a changé mais je sais pas quoi. J’ai l’impression c’est une mini version de tout le bordel entre Levi, Ariane et moi. On se dit rien et on est en colère les uns contre les autres. On sait pas tout. On suppose et voilà comment ça fini. On se déteste.