La torture continuait, irrémédiablement. Wren aurait aimé croire que les événements s'amélioreraient a fur et à mesure mais c'était plutôt l'inverse, à dire vrai. Le jeune suédois se sentait fébrile, tremblant, parce qu'il avait envie de craquer, de fuguer de cet hôpital et aller brûler deux ou trois bagnoles, juste histoire d'évacuer la frustration accumulée depuis plusieurs semaines. Il ne devait pas succomber cela dit parce qu'il avait fait tous ces efforts pour quelque chose, pour se rassurer sur le fait qu'il pouvait être un homme bien. Un homme digne de vivre. Autant dire que c'était une lutte constante et certains jours, comme celui-là, il avait juste envie de tout foutre en l'air pour retourner vers l'ombre. On ne l'avait pas maltraité quand il était dealer ou quand il s'amusait à brûler des poubelles, bien au contraire. C'était ce qui l'avait fait se sentir le plus vivant depuis qu'il avait quitté Lizzie, douze années auparavant. Pourtant, Wren voulait faire croire qu'il avait mûri, pris du galon et qu'il était capable d'assumer ses conneries. C'était un beau mensonge mais autant essayer de le faire vivre le plus longtemps possible. Il se promenait d'ailleurs dans les couloirs, durant la pause déjeuner avant la reprise de cette terrible thérapie comportementale qui lui donnait des envies de meurtre en plus de retourner à sa pyromanie. Lutte, Doherty, bordel, lutte. Heureusement, à ce moment là, il reconnut un éclat de voix dans la chambre qu'il venait de passer et happé par sa curiosité, Wren y jeta un oeil. Jillian McGrath. En chair et en os et en bon mec qui s'en foutait des conventions, il ouvrit la porte en grand pour faire une entrée théâtrale. "Mais ma McGrath! Qu'est-ce que tu fous ici entourée de fils et de conneries? Toi, tu m'as fait une belle connerie, je me trompe?" venant du mec qui se trimbalait avec un bracelet électronique à la cheville, on avait vu mieux niveau crédibilité.

Savoir qu'il n'était pas tout seul à péter un plomb entre les murs blancs cassés de cet hôpital rendait Wren plus heureux qu'il ne l'aurait pensé. Il détestait cet endroit et y traînait bien trop à son goût ces derniers temps. Certes, il avait l'habitude d'arpenter les lieux quand il était pompier mais maintenant qu'il ne faisait plus partie de cette élite, Doherty avait mal au coeur rien que de s'y trouver en tant que patient. Cela dit, il y retrouvait Jill, sa chère amie du lycée avec qui il avait tant partagé et avec qui il avait clairement trop déconné ces dernières semaines. La pauvre n'avait pas l'air d'être dans un meilleur état que lui, même si elle hurlait sur une équipe de médecins au moment où il arriva, le faisant sourire plus que de raison. Les blouses blanches s'éclipsèrent bien vite pour ne pas se prendre une télécommande de lit dans la face, ils avaient un bon instinct de survie, Doherty les félicitait à l'intérieurement. A son tour, il s'approcha du lit de son amie, s'asseyant sur la chaise attenante, remarquant bien son regard qui voyagea jusqu'à sa cheville. Des hors-la loi à l'hôpital, on aurait pu en faire un comic book. "Une overdose, toi? Depuis le temps que tu consommes, je pensais pas que ça pouvait t'arriver, merde!" Il n'en avait jamais faite de son coup et s'estimait heureux parce qu'il avait vu ce que le tout pouvait donner rien qu'avec une dose d'héroïne qui lui avait frôlé l'au-delà. "Je suis en thérapie comportementale, une bien belle expression pour dire que je suis un timbré qu'on a besoin de surveiller. J'me suis rendu aux flics après avoir cramé d'autres trucs que des poubelles. On fait la paire, hein?" Les désespérés qu'ils étaient, à croire que rien ne changeait radicalement, pas quand il s'agissait de ces deux-là. "Du coup, t'arrêtes la dope?" La rédemption, est-ce que c'était pour eux cela dit?

Il aurait aimé la revoir dans d'autres circonstances mais le destin avait envie de se jouer d'eux, a priori. Ni Wren ni Jillian n'étaient dans leur meilleur état, on pouvait même dire qu'ils s'étaient laissés aller au désespoir ces derniers temps. Les deux idiots qu'ils étaient avaient dépassé la limite, ils avaient tout simplement arrêté d'y croire. En tout cas, Doherty en avait mal au coeur de la voir branchée à des machines après avoir fait une overdose. Elle n'était pas aussi vulnérable, sa McGrath, bien au contraire, elle était toujours la dernière à lâcher les armes. Pourtant, elle était aussi humaine que lui et voilà qu'ils se retrouvaient à partager de nouveau leurs fautes et leurs peurs. Lui et le feu, elle et la drogue. Ils se comprenaient certainement mieux que personne et c'était sûrement pour cette raison que Wren s'épanchait avec facilité face à elle car elle ne la jugerait pas, jamais. Ils avaient chacun un mal qui les rongeait, ils devaient juste apprendre à vivre avec et ce serait la mission de leur vie, ce qu'il y aurait de plus dur à surmonter. Ils pouvaient le faire, en étant ensemble tout au long de cette route, à plaisanter même de leurs dangereux problèmes. "Ne jamais faire confiance, règle numéro une. Mais je te comprends, l'autre jour, j'ai failli faire une overdose d'héro' donc..." Il n'en était pas fier, surtout qu'il savait quelles pouvaient être les conséquences d'une addiction à ce genre de produits. On n'en sortait jamais vivants, tout simplement. "Je me suis laissé dépasser par le feu, ouais, loin de moi l'idée de faire des conneries sans toi... C'est rassurant de se dire qu'on craque au même moment, cela dit." Au moins, ils étaient deux à souffrir le martyr, Jillian dans ce lit et Wren avec ce bracelet autour de sa cheville. Ils n'étaient plus tout à fait maîtres de leur destins désormais et c'était ce qui blessait le plus, certainement. "On est aussi paumés l'un que l'autre, alors. Toi, la junkie. Moi, le pyromane. Je sais pas ce qu'on va devenir mais sur le papier, ça a pas l'air glorieux. Je me demande comment le monde serait sans nous... Sûrement meilleur." C'était en tout cas ce qu'il pensait ces derniers jours. Cette envie d'en finir restait ancrée, quand les flammes le consumaient et qu'il n'arrivait pas à s'en défaire alors, il ne put que relever des yeux verts d'eau tristes vers son amie. Et s'ils étaient fichus, tout simplement?

Au moins, ils étaient deux dans la même panade, les deux marginaux de Brisbane. Toujours incompris, un poil timbrés mais heureusement pour eux, ils s'étaient trouvés au lycée. Leur parcours n'avait pas été sans heurt parce qu'ils n'avaient pas des caractères équilibrés, qu'ils étaient tous les deux sanguins et impulsifs. Les conneries avaient fusé de part et d'autre, ils avaient risqué leur vie à maintes reprises, tout cela pour une dose de cocaïne supplémentaire. Le danger ne les avait jamais effrayés et il était évident qu'avec l'âge grandissant, les conséquences devenaient de plus en plus ingérables pour chacun d'eux: la preuve, on retrouvait McGrath au fond d'un lit d'hôpital et Wren avec un bracelet électronique à la cheville. Le temps ne les avait pas aidés à s'assagir et allez savoir si cela viendrait un jour. Doherty, en tout cas, se considérait plutôt comme un cas désespéré, à toujours tout faire foirer pour un passé lugubre. Mal aimé et mal aimant par procuration. "Il me semblait bien qu'on avait parlé de cette règle d'or, mais je l'avais oubliée à ce moment là. Je crois que j'ai voulu disparaître pendant les dix secondes où j'ai posé la seringue, c'était con." Oui, se suicider était l'idée la plus débile qu'il ait jamais eu, même s'il n'avait pas été réellement conscient de son geste. Non, il ne l'avait pas vraiment désiré, juste se débarrasser de cette envie de feu perpétuelle. Sa folie le tuait à petit feu, c'était en tout cas la seule réalité qu'il avait et Wren était usé de la vivre. "Du coup, ça voudrait dire que c'est mieux quand on se voit plus? C'est bien triste ce que tu dis, McGrath. Je crois qu'y a pas grand chose à dire, je me suis juste déçu... J'ai tenu quinze ans sans rien faire et j'ai perdu le contrôle, navrant, hein?" Il savait qu'elle pouvait le comprendre. Jillian fonctionnait comme lui sur bien des points: tous deux, de beaux idiots qui se mettaient dans de bien jolis draps de façon régulière. "Ouais, on va s'en sortir, on y croit hein." Il caressa la main de sa vieille amie, convaincu qu'à deux, ils pourraient vaincre leurs démons. Seuls, c'était un tout autre combat. "Tu sors quand de ce trou à rats? Tu sais ce que tu vas faire exactement?" Lui, en tout cas, non et il avait peur. Oui, peur de ce vide à venir.

S'ils avaient appris à se fixer des limites dès l'adolescence, aucun d'eux n'en serait là à l'heure actuelle mais il était clairement trop tard pour réécrire l'histoire. Ni Jill ni Wren n'avaient su dire non, elles s'étaient même noyés sous les appels du vice, jusqu'à en oublier même le but de leur existence. Si Doherty avait cru s'en sortir durant de nombreuses années, ces aventures récentes tendaient à prouver le contraire. Il avait plongé de nouveau, s'enfermant même jusqu'à la pire des extrémités... L'héroïne. Il n'y avait rien de plus fatal que ce concentré piquant qui se distillait dans des veines jusqu'à ce qu'elles éclatent. Ce n'était pas arrivé, il marchait encore mais le suédois se retrouvait tout de même face à une McGrath dans un état similaire au sien, à tenter de se remettre sur pied après une tentative de trop. Remettre les limites à leur place, calmer leurs ardeurs complètement folles, reprendre la course du droit chemin et ne plus jamais s'en détacher, comme si c'était chose aisée avec des gens comme eux. "Je risque pas d'oublier, c'est pas super sympa la descente d'héro'. Je te conseille pas en tout cas." Heureusement qu'il n'avait pas tenté qu'une seule dose car l'addiction arrivait certainement bien plus vite qu'avec une simple pilule ou un bon rail. Rien ne valait les effets extravagants de la seringue et cela, Wren l'avait bien compris. "Ah ouais? Jillian McGrath a déjà pensé à disparaître alors?" Ce n'était pas leur genre de se morfondre en réalité, plutôt de faire chier le monde jusqu'à ce que les autres le désirent à leur place mais la vie était pleine de surprises, ce jour-là le prouvait fort bien. Qui s'attendait à des retrouvailles entre vieux amis dans une vulgaire chambre d'hôpital? "Et tu crois qu'on arrivera à être sages en se côtoyant? Non, parce que je crois que c'est jamais arrivé depuis qu'on se connaît..." Il avait beau réfléchir, Doherty ne trouvait pas un seul moment où il n'avait pas tenté le diable, ils étaient vraiment insupportables ensemble. "Tu m'étonnes, c'est pas le genre d'être enfermée entre quatre murs, hein? Bah écoute, moi, je suis en thérapie forcée là donc j'ai pas le choix du tout sinon ce petit machin à ma cheville sonne et on me balance en taule, plus ou moins. Cela dit, ils ont été cléments parce que j'me suis rendu, sinon j'aurais pris cher. Être voisin de cellule de son paternel, quel cauchemar!" Pour lui, c'était juste l'enfer incarné pour être honnête vu à quel point il le méprisait depuis quinze ans. "Je savais que j'aurais dû ramener de la vodka sous mon manteau, fais chier. On peut pas fêter notre résurrection dignement." Comme si c'était tout à fait le moment pour ce genre de délires. Merci, Wren.

Freya avait promis à Jill qu'elle reviendrait la voir quand les choses seraient un peu plus tassées. Elle n'a pas vraiment attendu très longtemps depuis sa dernière visite, ceci dit, bien trop curieuse de savoir comment son amie s'en tire entre l'équipe médicale et le petit rouquin tempétueux qui lui colle aux basques certainement plus que maintenant que jamais. Elle peut très bien comprendre l'effet que ça fait. La suédoise juge qu'elle a eut assez de personnes qui s'effondrent d'une overdose autour d'elle. Et elle mettra dans un coin de sa tête dans une boîte en double fer forgé fermé à triple serrures ce qu'elle entreprend en ce moment. Elle oubliera, elle fera l'impasse sur le sujet, sa responsabilité n'étant pas sienne de toute façon. Pause repas oblige, elle s'autorise à aller à l'hôpital qui est, de façon convenient, à quelques pas du cimetière. La chambre, elle n'a pas besoin de demander la direction ni le chiffre, elle connaît déjà. Elle attrape une pomme qu'elle croise sur un plateau pour croquer dedans. Au moins, elle aura sa ration de fruits, qu'on ne lui dise pas le contraire. Doherty se permet de sortir une petite fiole dans l'ascenseur, sous le regard courroucé d'une infirmière. « Quoi, je m'hydrate, soyez contente. Vous devriez essayer, vous avez l'air aussi tendue qu'un string sur l’cul d’une vache espagnole. » Et elle a cette petite mine satisfaite quand elle porte le goulot à ses lèvres alors que l'ascenseur s'arrête à son étage et qu'elle file sans demander son reste.

C’est donc sa pomme d’un côté et sa fiole de l’autre que la mini Doherty débarque dans la chambre de son amie sur une phrase pleine de bon sens. « Si on a pas de vodka y'a certainement un moyen de se shooter à quelque chose dans cet hôpital. » « Si j’te vois te shooter à quoique ce soit que d’la flotte, j’te shoot en retour, B, capté ? » Apparemment, Jillian n’est pas seule. Grand gringalet élancé qui lui tourne le dos, elle le reconnaitrait entre dix mille alors qu’elle s’avance vers le lit de son amie. « Putain, qu’est-ce qu'tu fous là, Wren ? T’as toujours autant une sale tronche que la dernière fois que j’t’ai vu ici. » La jeune femme eut un moment d’arrêt en les regardant tous les deux, son regard sillonnant de l’un à l’autre. « J’en conclus que vous vous connaissez ou Wren a trouvé un nouveau terrain d’chasse ? » Son dandy de frère en serait tellement capable, en plus. Elle n’a aucun scrupule à porter sa fiole à ses lèvres et ils pourront ramper pour en avoir ne serait-ce qu’une goutte. « Mon bro et ma bff qui s’connaissent, le monde cessera jamais de m’épater. Du coup, c’est une sorte de réunion entre toxico et pyro, est-ce que la bipo peut s’joindre ou pas ? » Ou l’alcoolo mais ça, jamais elle ne l’affirmera. Freya trouve ça assez étrange de savoir ces deux êtres se connaissant mais en même temps… Pas tant que ça.

Au diable la thérapie et toutes ces conneries, Wren avait juste envie de s'enfiler une bouteille de whisky entière, histoire d'oublier qu'il était interdit de flammes. Interdit de faire son métier, bordel, pouvait-on être plus sadique encore? Pauvre Doherty, il ne serait jamais heureux dans ce monde de brutes mais au moins, il n'était pas seul et la présence de Jillian le réconfortait, même s'il n'aurait probablement pas dû se réjouir autant de la retrouver dans un lit d'hôpital à brailler sur tout le personnel. Cela prouvait au moins qu'elle n'avait pas changé depuis la dernière fois, toujours portée par sa folie et ses envies avant de réfléchir au sens de ses actes. C'était ce qui lui avait toujours plu chez elle, cela et le fait qu'elle venait se droguer avec lui, un plus non négligeable, il devait l'avouer. "Ouais, on va se calmer sur la drogue, pas d'héro, rien... Même si, clairement, on va continuer à s'enfiler de bonnes bouteilles, faut pas déconner non plus." Ne pas être des enfants de choeur comme elle le suggérait si bien, Wren appréciait l'idée, même s'il aurait dû tenter avant tout de se canaliser pour éviter de partir en vrille à peine deux semaines après le début de son programme de sauvetage inopiné. "Aussi utile que quand je me suis piqué dans le bras donc je te laisse imaginer le deal mais bon..." Phrase non conclue puisque la voix derrière lui le fit tiquer. Sa petite soeur chérir. Est-ce que le monde allait cesser d'être petit à un moment donné? A croire que tout le monde connaissait tout le monde à Brisbane et déjà, les déclarations d'amour, se soldant par un joli doigt d'honneur accompagné d'un grand sourire de la part de Wren avant qu'il ne se lève et vienne la prendre dans ses bras. "C'est comme ça que tu traites ton grand frère d'amour? Mais ouais, on se connait depuis le lycée, longue histoire, ma petite." Il déposa un baiser sur sa joue avant de se rasseoir aux côtés de Jillian, amusé par la situation. Quel sacré bordel, pour changer. "Si tu nous files un peu de ce qu'il y a dans ta flasque, ça doit se négocier, baby sis, non?" Il lui fit un clin d'oeil, évidemment que Wren l'accepterait quoiqu'il arrive, il l'aimait trop pour qu'il en fut autrement.

Freya se dirige quand même vers les bras de Jillian pour la saluer. « Tu devrais. Après les putains d’frayeur que vous venez d’me foutre, faut pas sous-estimer ma capacité à être terrifiante. » Elle sourit tout de même à son amie avant de se tourner vers Wren pour le frapper derrière la tête. « Grand frère d’amour qui m’fait un doigt d’honneur, va te faire voir. » La sœur repousse Wren alors qu’il lui plante un bisou sur la joue – il peut vraiment aller se faire voir, lui et ses marques d’affection quand il a fait une connerie. Et bordel qu’il les a enchaînés récemment. Elle pourrait le cramer elle-même pour qu’il réalise un peu la portée de ces gestes. Mais la chaîne qu’il a autour de la cheville est déjà un début de satisfaction pour la jeune femme. « Joli gadget. » dit-elle d’un ton dédain avant de reposer les yeux sur Jill.
Elle passe la main sur son arcade en les écoutant dire que ce n’est qu’une ‘très longue histoire’. Franchement, ils doivent la prendre pour une idiote. Elle connait très bien son frère et elle commence à beaucoup mieux connaitre Jill. « Vous connaissant, ça doit pas être le genre d’histoires où l’un a été le soutien scolaire de l’autre et ça s’est fini en jolie romance hein. J’suis pas une vierge effarouchée et encore moins une sainte. Allez, vous avez fait quoi ? Coucher ensemble, sniffer ensemble, picoler ensemble ? » Elle est tenace, la petite. Surtout quand ça concerne son frère, dont elle est sur le dos depuis des mois pour qu’il la laisse un peu plus rentré dans cette vie mystérieuse qu’elle ne connait finalement pas tant que ça. La preuve, comment aurait-elle peut penser qu’il connaîtrait Jill ?

Freya tilte direct en entendant ‘schizo’. Elle a complètement zappé ce pourquoi elle est venue en premier lieu – entre autres. Mais Wren étant là, la jeune femme ne se voit pas aborder le sujet maintenant. Cependant, elle regarde intensément Jillian, le cœur fébrile, parce que c’est bien la première fois qu’elles l’évoquent sans vraiment en parler de ce qui se trament dans leurs têtes respectives. Son frère la distrait en lui demandant le contenu de sa fiole, sur quoi Jill réenchérit, et la suédoise secoue la tête. « Même pas en rêve. » Et pour bien le prouver, elle boit cul sec le reste de son rhum et, merde, ça monte vraiment trop rapidement. Freya leur fait un sourire mielleux tout en retournant la fiole où une simple goutte tombe. « Plus rien. » Elle rebouche le bazar, le fourre dans son sac et s’assoit maladroitement sur le lit – oui, s’asseoir lui semble tout d’un coup une très bonne idée. Elle passe la main sur le visage. « Désolé d’avoir interrompue votre conversation. J’étais venue voir Jill, j’savais pas que t’étais dans les environs. » dit-elle en regardant son frère. Puis son regard passe de l’un à l’autre. « Comment vous allez ? Et genre vraiment. Pas de nuage de fumée en guise de réponse – sans mauvais jeu d’mot. » Parce que de toute façon, cette passion étrange pour le feu, elle ne l’a jamais comprise.« J’arrive pas à croire que Bailey ait pas planté sa tente dans un coin de ta chambre pour faire le guet. » Freya rigole légèrement à sa propre remarque stupide mais qui ne serait pas vraiment étonnant quand ça concerne l’être aimé, n’est-ce pas ?

Ce n'était jamais le genre d'endroits où Wren avait envie de retrouver sa soeur et pourtant, il avait la sensation que c'était fréquent. Avec la malédiction familiale, il n'aurait pas dû en être étonné cela dit puisqu'il fallait toujours qu'ils se retrouvent au beau milieu d'une crise familiale d'envergure. Cette fois, néanmoins, ce n'était pas lui que Freya venait voir mais Jillian, une réunion des plus étranges pour ce trio et Wren fit semblant de s'offusquer des réactions de sa cadette. Avec son caractère de merde, là non plus, il n'aurait pas dû être surpris qu'elle allait se vexer et lui en vouloir pour le millénaire à venir mais il ne se montrait pas spécialement perturbé, reprenant sa place d'origine de son côté de lit, ayant une envie incroyable de fumer, se disant que c'était bien merdique cette interdiction dans un lieu de ce genre. Il était en thérapie donc il allait se refréner, ne plus y penser pour les quelques minutes à venir, observant la conversation des deux jeunes femmes, en n'essayant pas de trop commenter parce que la parole n'était pas son arme préférée, de toute manière. "Un assez bon résumé, soeurette." Pas la peine de préciser, non, qu'ils avaient échangé un beau paquets de rails ensemble, faisant toutes les conneries ensemble alors qu'ils n'étaient même pas encore majeurs. Freya était encore son petit bébé à cette époque là et Wren ne voulait pas ruiner cette image de perfection qu'il conservait encore pour l'adolescente qu'elle avait été, même si c'était n'importe quoi. Un Doherty n'était jamais immaculé, évidemment. "Bah écoute, on se traîne à l'hosto donc je pense qu'on peut assurer avec certitude qu'on va super bien, hein, McGrath?" L'ironie, elle, était une vieille copine et il fit un clin d'oeil à sa petite soeur, s'asseyant plus confortablement, pour sûr que la discussion allait être intéressante, même si Freya leur refusait l'accès à l'alcool. Wren allait tenter de ne pas faire sa figure paternelle en voyant sa cadette se bourrer la gueule sous ses yeux et ce n'était pas chose aisée pour lui, toujours là pour la protéger. "Je pensais t'avoir éduqué la notion de partage, soeurette, je suis déçu. Tu penses pas à nos pauvres petits êtres en désintox et thérapie, tout le toutim..." Ils étaient des bordels ambulants, on pouvait le dire, oui.