« Tant que ça implique pas mon frère cul nu à faire des trucs chelous, j’veux tout savoooir. » Freya pourrait presque rajouter qu’elle n’est plus une putain de gosse mais elle se retient. Wren va vouloir comme d’habitude ne rien lui dire alors son regard porté sur Jill est rempli d’espoir et d’attente. Après tout, l’adolescence de Wren, elle ne s’y est pas attelée plus que ça, à l’époque, bien trop occupée à vivre la sienne. La preuve est qu’elle n’a jamais vu Jillian avant le mois d’août dernier. Mais comme on ne change pas une équipe qui gagne, son aîné a le droit de vu sur sa vie mais pas sa cadette. Alors elle sera la dernière à dire à son amie de se refréner – à part si c’est en dessous de la ceinture. Même ses oreilles ont des limites, quand même.

Freya roule des yeux face aux propos de son frère, avec Jillian qui renchérit. « Ça, c’est la punition pour avoir fait des conneries. » Qu’elle affirme sans ciller. Elle n’ignore pas ce que c’est, d’être coincée dans un lit avec une équipe médicale qui vous tourne autour, constamment, sans arrêt. On passe son temps à comater, à dormir, à s’ennuyer, à regarder les dalles défraîchies du plafond. « C’est un sauveur né, mon frère, c’est bien connu. » Sauf pour lui-même visiblement. Parce qu’avant d’être pyromane, il est pompier. Enfin, était. Freya en soupire tout en se caressant le sourcil avant de tirer la langue à Wren. Et de pincer le bras de Jill quand cette dernière sous-entend qu’elle ne sait pas partager. « J’ai la notion du partage mais pas avec ceux qui crament des forêts ou qui frôlent la mort. » Parce que ça, c’est quand même encore un peu amer, il faut bien l’avouer. Elle a beau en rire ou s’en moquer, ils lui ont quand même foutu une trouille monstre, ces cons. Freya finit par s’asseoir en bout de lit, une main dans les cheveux. « Tu sors bientôt, Jill ? La dernière fois que j’ai été coincé ici, ils m’ont pas lâché avant au moins trois semaines. » Il faut dire qu’elle avait failli passer l’arme à gauche aussi donc forcément. Pour une overdose, combien de temps est la sentence ? « Et toi, big bro, tu tiens l’coup, hein. T’es sérieux dans ta thérapie, j’espère. » Pas de question mais une affirmation pure et simple. Parce que son frère ne peut pas suivre la voie de leur père, il ne peut pas lui faire peur comme son jumeau peut le faire un peu plus chaque jour. Freya le refuse catégoriquement.

La situation aurait dû être gênante mais avec Wren, peu de choses pouvaient entrer dans cette fameuse catégorie de l'embarras. Il ne faisait pas spécialement attention au regard des gens, même si celui de sa soeur entrait bien plus en ligne de compte, il fallait l'avouer. Pour autant, allait-il se retenir de lui dire la vérité? "Bon bah on te dira rien parce que ça implique ça, entre autres." Il fit un clin d'oeil à sa soeur, laissant échapper un joli sourire à Jillian. Ils n'avaient pas été des personnes très stables et saines lorsqu'ils se côtoyaient au lycée et Wren savait fort bien que sa cadette n'était pas dupe sur ses activités extra scolaires à cette époque. Depuis, Doherty avait changé, du moins presque puisqu'il n'avait plus consommé jusqu'à son craquage récent, à croire qu'il commençait à faire de réels efforts pour survivre en société. "Un sauveur en carton, mais ouais, dans l'idée. J'suis doué pour faire fuir les blouses blanches, c'est un talent non négligeable dans un contexte comme ça." En fait, c'était surtout la brune qui les avait fait flancher en leur hurlant dessus mais l'image avait beaucoup fait rire Wren, son amie ne changeait pas et ce, malgré l'épreuve du temps. "T'es dure comme la pierre, Freyou, là. On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a... Des vices certes mais bon. Et puis, déconnez pas, j'ai été un super modèle dans ma jeunesse." En tout cas, il avait tout donné à sa petite soeur, même si le tout s'avérait insuffisant une bonne décennie plus tard, Wren, oui, s'était battu comme il avait pu. "C'est chiant comme la mort, la thérapie, mais ça fait partie du deal, il paraît... Comme tu le dis, j'avais qu'à pas être un petit con avec le coeur en miettes, hein. Et toi, tu nous fais pas de conneries récemment, j'espère?" Avec tout cela, il n'avait même pas eu le temps de suivre les aventures de sa petite protégée mais cela allait changer, c'était une certitude désormais.

« Okay, TMI, j’veux pas savoir. » Il y a des limites à respecter, quand même. C’est son frère, c’est sa meilleure amie et, ew, non, à vrai dire, son imagination est bien trop vaste qu’il faut qu’elle se foute un stop à elle-même alors qu’une grimace apparait sur son visage. Ils ne sont pas des saints et Freya est persuadée que coucher ensemble n’a pas été la seule connerie qu’ils ont faites - si on peut dire que c’est une connerie en soi. A quel point ils ont dépassé les bornes tous les deux ? Est-ce que l’un a entrainé un peu plus l’autre dans les excès ? Franchement, vu leurs états actuels, la jeune femme s’en inquiète un peu. Est-ce qu’ils comptent refoutre tous en l’air pour s’amuser ? Est-ce qu’ils ne vont pas s’influencer tous les deux dans la mauvaise trajectoire ? Et est-ce qu’elle n’est pas un peu en train de dramatiser ? Freya se pince les lèvres en les regardant se plaindre des blouses blanches, de la mauvaise bouffe, des interrogatoires à répétition. Elle peut leur faire confiance d’aller mieux, n’est-ce pas ? Il faut qu’ils aillent mieux parce que sinon, tout ça, ça n’a aucun sens.

« T’inquiètes pas, j’ai déjà eu l’droit à ma place ici et même ma chambre attitrée, B. J’compte pas y revenir prochainement. » Un an et demi avant, presque un mois à trainer ses pattes ici. Quelle idée d’avoir eu sa tête presque triomphé et avoir frôlée la faucheuse de peu, aussi. Ce n’est pas un évènement dont elle parle de toute façon. Le genre de trucs qu’on garde tassé au fond de soi en espérant qu’à force de l’ignorer, on pourra prétendre que ça n’est jamais arrivé. Même si c’est avec presque fierté que Freya se soulage de voir qu’elle n’est pas retombée aussi bas depuis plus d’un an. « Un modèle, ouais. Et nous, on est des saintes, hein. » dit-elle en regardant Jill tout en secouant la tête avec un léger sourire. « Le cœur en miettes, tout d’suite les grands mots. T’façon, j’croyais que c’était moi, la femme de ta vie, mmh ? » La suédoise passe la main pour ébouriffer les cheveux de son grand frère dans un sourire encore plus large, et encore plus amusé, avant de railler aux propos de Jill. « J’devrai foutre une caméra cachée car j’aimerai bien voir à quoi ressemble une Jill parfaite et patiente. » Une image qui doit en valoir le détour, à ne pas en douter.
Quand la conversation lui revient à la figure, parce que Wren est malin comme un renard, Freya fait la moue tout en se grattant le derrière de l’oreille. Pour le coup, il doit y avoir plus de choses que Jill sait que son frère et franchement, pas sûre qu’elle veuille que son aîné soit au courant de ces choses-là. Alors elle hausse les épaules, tripotant ses doigts entre eux. « Vos conneries surpassent les miennes, et de loin. » A peine. « J’vais mieux en tout cas depuis un moment et heureusement, parce que j’aurai pas pu supporter tous vos trucs à quelques jours près. » Plus forte qu’il y a quelques jours, la pente qui remonte doucement mais sûrement, les épaules assez larges pour avoir pu encaisser les nouvelles. La jeune Doherty se frotte le front tout en fermant les yeux et soupirant. « J’veux pas que vous prenez ça à la légère. Vous avez réellement foutu la flippe à tout l’monde. Et essayer pas de dériver la conversation sur moi, ça fonctionnera pas. C’est vous, l’problème, là, pas moi. » Pour une fois.

Parler de leurs problèmes n'était pas forcément agréable: en tout cas, Wren essayait toujours d'éviter les sujets de conversations qui dérivaient sur sa piètre existence d'homme fantomatique. Il n'était franchement pas fier de son mode de vie récemment, oscillant entre brûler des forêts et se piquer avec une seringue d'héroïne, on avait vu mieux en termes de self control et de respect de la nature. Il faisait ce qu'il pouvait cela dit, relativement avec les moyens du bord donc puisque les Doherty n'avaient pas été gâtés à la naissance avec leur patrimoine génétique défaillant. Cela dit, l'aîné pouvait en rire, se targuant d'observer la réaction de sa soeur en apprenant que Jillian et lui, cela remontait à un bon moment et que tout n'avait pas été un rêve éveillé. Elle ne voulait pas savoir, c'était franchement mieux ainsi puisque le grand brun avait un rôle à tenir dans cette affaire et hors de question que sa cadette arrête de le respecter avec toutes les conneries qu'il lui avait cachées jusque là. Il y en avait un certain nombre certes, mais le suédois se doutait bien que Freya n'était pas en reste de son côté, il interrogerait sûrement McGrath à ce sujet à un moment donné, d'ailleurs. "La confiance règne, super. Qui t'a élevé, Freyou, déjà?" Bon, ok, il l'avait gardée en vie et la nuance était importante. Wren n'était pas le modèle idéal en termes d'éducation, voir en termes de quoique ce fut si on voulait résumer. Au moins, il avait eu le mérite d'être présent, contrairement à leurs cinglés de parents. "Mais tu l'es... C'est juste que je t'ai pas vu beaucoup dernièrement. Je sens bien que t'as un autre homme dans ta vie et tu me dis rien, je suis brisé." Il fit une moue digne d'un enfant, plus amusé qu'autre chose: l'important, c'était qu'elle prenne soin d'elle et qu'il ne la croise pas dans le lit voisin de Jillian. "Nous, le problème? Je dirais qu'on fait du mieux qu'on peut, t'es pas d'accord, Jill? Bon, ok, on est un poil défaillants mais tu nous aimes quand même donc... Et puis, justement, fais nous revenir dans le droit chemin, raconte nous toutes tes joies, ça nous intéresse." Dériver encore. Dériver toujours, les sauver tous deux d'une sacrée soufflante de la part de la tornade version miniature des Doherty.

« Moi aussi, j’t’aime, big bro. » Et elle se permet même d’ébouriffer les cheveux de son frère parce qu’évidemment qu’elle lui fait confiance. Mais ça reste un Doherty et n’est pas encore vécu le jour où un membre du trio sera un ‘modèle’ ou un ange. Mais l’espoir fait vivre parait-il. « Tu s’ras toujours le seul qui comptera, Wren, voyons. » Freya sourit, amusé, mais ne parle pas plus sur le potentiel autre homme de sa vie, bien réel et bien présent. « Il est bourré de surprise, ce grand suédois, faut pas croire. » Il a de la ressource et malgré ses conneries, Freya a foi qu’il réussira toujours à trouver la solution de repli.
Comme Jill, qui la fait éclater de rire. « Okay, je pensera à appeler Bailey… S’il veut bien m’voir parce que j’te rappelle que j’l’ai toujours pas revu depuis… Enfin, tu sais, toi. » Franchement, elle n’a pas très envie de dire à son frère qu’elles se sont faites coffrées pour vol et bagarre, plus consommation de substances illicites. Ce n’est vraiment pas dans le menu du jour, tout comme ça n’arrangerait pas l’idée qu’elle a de vouloir absolument à centrer le sujet sur eux. Mais ils sont casse-pieds et ils en rajoutent une couche, et en cœur ne plus s’il vous plait. « Il s’passe rien, que dalle, le vide et le néant. » C’est exactement à quoi pourrait résumer le mois qu’elle a passé. Enfin, même si techniquement Jill est plus au courant des conneries qu’elle aurait pu avoir faite - volontairement ou non - que Wren. « J’suis quand même rassurée d’savoir que vous allez bien. Mais évitez ce genre de trucs en cœur, hein, j’risque de pas y survivre non plus, sinon. » Freya réinstalle son sac sur son épaule tout en souriant. « Si cette conversation commence à tourner autour d’moi, c’est le signal pour que j’vous laisse. C’est d’vous qui faut vous occuper en prio. » La suédoise prend Jill dans ses bras pendant de longues minutes, toujours rassurée de la savoir toujours pleine de vie. « Ma partenaire de crime me manque, B. » Puis elle fait le tour du lit et passe ses bras autour de son frère. « Plus jamais ça, s’te plait. Tu m’fais flipper quand tu t’diriges vers cette direction, tu l’sais. » Freya se redresse et se dirige vers la sortie de la chambre. « Allez, à plus tard, les moches ! Attendez-vous à c’que j’vous appelle, hein. » Elle claque des doigts avant de sourire et de sortir de la chambre.

Au moins, pour aujourd’hui, tout va bien. C’est l’essentiel.

Spoiler:

Elle avait toujours réponse à tout, sa petite soeur, bien évidemment et Wren arborait un grand sourire en la laissant raconter tout ce qui lui passait par la tête, et surtout tous les sujets qui ne l'évoqueraient pas, elle. Freya avait grandi bien sûr, mais parfois, le suédois avait du mal à s'y faire. A ses yeux, elle restait encore cette petite boule d'énergie qui courait partout, si innocente et si apte à faire partie de ce monde. Elle aussi avait changé, comme tout bon Doherty qui se respectait car les drames les poursuivaient. Au moins, là dessus, ils n'étaient pas totalement seuls puisque Jillian avait l'air de chercher le karma autant que leur petite famille. Wren s'autorisait à la regarder par moments, se demandant comment elle avait pu en arriver là et ce qu'elle avait pu vivre au cours de cette décennie parce qu'il n'avait pas vraiment cherché à avoir des nouvelles, véritablement. Le lycée était loin d'eux désormais et leurs conneries d'adolescents n'avaient plus lieu d'être à leur âge. Pourtant, la dynamique était encore bel et bien présente, en témoignait la manière dont ils avaient brûlé des poubelles lors de leurs retrouvailles et depuis, l'apocalypse faisait partie de l'ancien pompier. Il observa sa cadette dire au revoir à McGrath avant d'en faire de même avec sa propre personne, lui faisant une grimace pour suggérer qu'il avait bien saisi le message. Puis, la porte se referma derrière elle, laissant les deux dégénérés du moment seuls au monde, à nouveau. "Maintenant quoi, McGrath? Tu me présentes ton fameux copain là? Jillian McGrath, se caser? Bon sang, je comprends pourquoi le monde part en cacahuètes, tiens." Il lui fit un clin d'oeil en riant parce que c'était la même chose avec lui, assurément.

Il n'avait pas gardé de contacts avec les gens qu'il avait côtoyés dans un passé lointain. De toute évidence, Wren n'était pas de ceux qui aimaient faire des retours en arrière, surtout pas vers une époque qui ne lui avait apporté aucune réelle fierté. Au lycée, il pavanait énormément, finissait la plupart du temps complètement alcoolisé et on ne pouvait pas dire qu'il arrivait franchement à assumer les différents pans de sa vie. Du côté familial, il n'était clairement pas à la hauteur, toujours à aller dealer à droite ou à gauche pour une poignée de billets qui ne satisfaisait jamais sur la durée. Du point de vue sentimental, il terminait ses nuits avec plus ou moins la première personne qui passait, sauf quand il avait été avec Lizzie mais son coeur brisé ne l'avait pas aidé à se remettre sur le droit chemin une fois qu'il eut disparu des couloirs de son lycée. Niveau travail, il n'avait jamais postulé à rien du tout de convenable, toujours dans l'économie souterraine, à faire croire qu'il avait tout sous contrôle alors que ce cher Doherty ne faisait que mentir pour vivre. On s'habituait bien vite à ce genre de mode de vie qui n'apportait pourtant rien de bon à un coeur déjà bien frêle. Jillian avait été une part importante de ce passé là justement, celui dont il n'était pas fier mais ils avaient changé tous les deux, peu importe la situation dans laquelle ils se trouvaient à l'heure actuelle: elle, après une overdose, lui, après un acte pyromane. Elle était amoureuse, il le lisait sur son visage et serrait sa main avec une certaine fierté. Pour elle. Parce qu'elle avait réussi là où il avait trop échoué. "Il doit être sacrément exceptionnel, ouais. Alors, bien sûr que je veux le rencontrer. Promis, je lui dis pas tout ce qu'on a fait, hors de question de te décrédibiliser auprès de l'homme qui a l'air d'être prêt à t'épouser un jour. Non?" Comme si c'était une option pour les gens comme eux, le mariage, mais allez savoir, peut être que McGrath y arriverait. Wren en serait heureux pour elle, en tout cas.

Avec Jillian, il avait toujours pu être totalement vrai, sans artifice, sans chercher à se cacher derrière de faux semblants. Ils s'étaient toujours compris tous les deux parce qu'ils partageaient les mêmes failles, les mêmes sales habitudes qui les butaient à petit feu et voilà qu'ils se retrouvaient dans un état équivalent au même moment. A croire que le destin avait envie de continuer à les relier, leur faire comprendre qu'ils avaient besoin l'un de l'autre pour ne pas totalement sombrer tout seuls quand cela devait arriver par la force des choses. Au moins, la jeune McGrath avait l'air d'être prête à se remettre sur pied parce qu'elle avait trouvé quelqu'un et que son équilibre sentimentale l'aiderait certainement à repartir sur de bonnes bases et ne plus jamais chuter comme elle venait de le faire pour atterrir dans cet hôpital de fortune. "Evidemment qu'on en sera encore capables! Ce sera pas forcément la même chose, certes, mais on va pas devenir des gens rasoirs, tout ça parce qu'on a craqué une misérable fois. On va juste changer de façon de se marrer mais promis, on arrêtera pas d'être nous-mêmes." Ils trouveraient d'autres manières de passer du bon temps, sans avoir besoin de cramer des poubelles ou s'enfiler des shots de drogues en tous genres. L'amusement n'était pas fini juste parce que les limites étaient plus fines, désormais. "Wow, Jill, ne pas cacher un mec, non vraiment, je suis sur le cul. Avec plaisir, ouais, quand on sera de nouveau d'attaque, on se prévoit ça... Et tu m'invites au mariage, hein?" Il lui faisait un clin d'oeil sarcastique en se levant de son lit, non sans avoir serré sa main d'abord parce qu'il allait devoir retourner à sa thérapie mais il était tout de même content d'avoir renoué avec elle.