« Merde. »

On avait eu une longueur d’avance. On avait été capable de rejoindre le vaisseau, d’en faire le tour, de s’assurer qu’il n’y avait à notre connaissance aucun capteur sensible de dévoiler notre position à qui que ce soit. On avait passé le véhicule au peigne fin, elle autant que moi, sachant que si on laissait du leste, y’avait peu de chances de survie. Des heures complètes et dédiées à fouiller dans tous les moindres recoins, à retourner les cabines sans dessus dessous pour se confirmer hors de tout doute qu’il n’y avait rien, mais alors rien, qui donnerait nos coordonnées en mouvement sur un radar rebelle le moindrement à la recherche de leur bien volé.

« Merde, merde, merde. »

Et pourtant, here we were. Un vaisseau à notre gauche qui tire des lasers à n’en plus finir, un derrière qui nous rattrape à une vitesse beaucoup trop rapide pour que ça en soit pas stressant, et un devant, qui menace de nous foncer dedans si on l’évite pas à travers les quelques particules de planètes qui gravitent dangereusement dans notre sillage. Elle m’a laissé piloter parce qu’elle est mille fois meilleure que moi pour viser et faire du dommage à nos assaillants, mais en me mettant derrière le panneau de contrôle elle prenait le risque que je sois au courant de toutes les attaques qui nous ciblaient, et du bordel dans lequel on venait de se mettre par ma faute.

« Meeeeeeerde. » le vaisseau tremble, on vient de perdre des plaquettes de métal, on a été touché, pas assez pour que les sirènes de danger ne s’enclenchent mais suffisamment pour nous ralentir un peu. Je suis conscient que je sers strictement à rien d’autre qu’à stresser notre duo là de suite, mais pourtant, c’est pas dit que ma grande gueule de merde ne posera pas la pire question à laquelle quiconque pourrait s’attendre sur le moment : « Ok, on fait quoi maintenant? »

Foutus pour foutus. Et elle l'aide pas, pas du tout. Elle l'aide pas quand elle grogne, elle l'aide pas plus quand il entend l'impact que son corps fait sur le siège de merde où elle s'est postée, lui qui regarde d'office si elle s'est blessée, lui qui lâche l'espace et les dizaines de radars sur lesquels il se fiait jusqu'alors rien que parce qu'il a un regain de sympathie pour elle. Connerie.

« Putain je suis sure que t’as vérifié ta moitié du vaisseau comme un putain d’hybride. » « M'insulter servira à riiiii-iiien. » il chante, il est un idiot, un vrai, du genre à pas comprendre à quel point ils sont morts s'ils se font prendre. Oh mais il le sait Matt, il en tremble quand il change de direction et qu'il ressent chaque impact dans toutes ses vertèbres, tous ses nerfs, de la tête aux pieds.

Mais il panique plus du tout, quand il voit qu'elle est pire que lui, et que d'office, son rôle a changé - il devient la distraction de service, il devient le gars qui rage aussi, parce qu'il déteste être pris au piège, et encore plus insulté sur la seule et unique chose qu'il sait bien faire. Son boulot. Jusqu'à la récente preuve du contraire, on s'entend. « Maintenant on prie pour qu’ils nous achèvent rapidement. » ah, ahah, elle est cute quand elle s'y met. Et il lâche même un rire sec le merdeux, il le laisse voler aux oreilles de la brune comme si ça allait pas ajouter une nouvelle raison pour elle de le tuer, de le trucider sur place à la seconde où ils seront en sécurité si une telle variable est toujours existante. « C'est beau, rêver. »

Mais y'a rien de concret, y'a pas d'exit plan, rien du tout, si ce n'est un vaisseau franchement amoché et une flotte complète dédiée à leurs soins. « Putain mais qu’est-ce que tu veux que je te dise d’autre ? » il inspire, il sait bien qu'elle galère, il en mène pas large non plus mais il prend sur lui, il sait faire que ça en situation de crise, il vit que pour ça qu'il se rappelle. « Tu te poses ici et tu me lis le tableau de bord. » l'évidence. « Je pilote. » les rôles qu'il précise, sa voix qui change, sa tête qu'il tourne vers elle maintenant qu'elle est à proximité. « Je sais où on peut aller se planquer. Mais faut que tu me fasses confiance. Et que tu sois mes yeux. » et il pourra pas piloter comme il faut s'il a pas des iris acérés autre que les siens de vissés aux panneaux de contrôle. Ils peuvent plus attaquer - s'ils tirent, ils perdent en énergie, si elle est à ses côtés à le prévenir de ce qui les suit il sera à même de tout semer.

Il attend. Il attend qu'elle s'installe, il attend qu'elle comprenne, il attend qu'elle accepte que pour le moment, ils battent en retraite, il attend et il insiste, parce qu'ils ont plus le temps d'attendre. « Râle pas, j'serai doux dans les courbes. » il le sera pas, ils le savent tous les deux.

« Oui, mais ça fait du bien. » et elle me fait peur, pour être honnête. Parce que même si les rebelles sont des fous à lier, elle, si elle décide de m'éclater, elle a la proximité. Elle est juste à coté et y'a rien qui l'empêche de me démolir, de me faire vivre le pire calvaire du monde en un claquement de doigt. Surtout quand je lui dis quoi faire ; surtout quand je lui demande de me laisser conduire la danse. Y'a ses soupirs multiples auxquels je suis désormais étonnamment habitué, y'a ses roulements d'yeux qui pourraient limite me faire craindre pour ses rétines si j'avais pas mes prunelles à moi bien bloquées devant nous, à chercher le canal, l'infime partie de la galaxie que je veux désespérément trouver et qui fera office de meilleure planque pour le moment.  

Qu'elle fasse pas genre ça lui tente pas de fuir ; je suis pareil. J'aurais frappé, j'aurais combattu, j'aurais tout fait, mais là dans l'immédiat, rester en vie et les attendre au détour en mode guet-apens me semble plus logique vu leur nombre grandissant, et notre nombre qui stagne à deux seulement. « Qui t’a dit que j’aimais la douceur ? » « Ta soeur. » que je rétorque, sur le même ton qu'elle, même si j'ai jamais parlé concrètement avec sa soeur, même si je me tiens bien loin volontairement et qu'elle le sait. Je peux pas empêcher le sourire ravi de la voir dans l'angle qui s'installe sur le siège à côté du mien, qui râle ouais, mais qui finit par accepter à nouveau de travailler en équipe. Good. On a pas le temps de négocier entre nous, de toute façon. « Je te jure que si tu nous tue, je te pourrirais la vie en enfer. On va où ? » quelque chose me dit que je peux pas vraiment jouer au con là, que la garder dans le néant face à notre feinte sera pas à mon avantage. « C'est une toute petite galaxie - ils nous trouveront jamais là. » mon index suit mes mots, quand je lui pointe la direction sur le tableau sans lâcher l'espace des yeux. « Ton boulot ça sera de me dire quand on passe la constellation d'Abbel. À partir de là, on compte une dizaine, on évite les restes de Carcane et on devrait être bon pour passer le vortex vers la galaxie. » des étoiles par ci, les vestiges d'une planète par là, j'ai pas choisi le chemin ni la destination les plus faciles à manoeuvrer, mais dans l'instant c'est la seule option qui m'apparaît potentielle pour nous garder sains et saufs.

Et je pilote, et ses yeux suivent le trajet, et on évite des tirs, on en prend quelques uns sans que ce soit dramatique, du moins pour le moment. Des éclats de Carcane s'échouent sur la carcasse du vaisseau volé quand j'esquisse un coup de tête vers elle, un peu plus détendu maintenant que les rebelles ont l'air d'être trop loin pour nous rattraper à quelques minutes à peine du vortex. « Tu m'as pas dit encore mes yeux attrapent les siens, je sens un énième sourire en coin qui monte c'était quoi ta troisième condition secrète. »

Et elle le rejoint, il lui a demandé presque poliment, le plus poliment qu'il pouvait, faut lui donner à Matt. Il est pas rustre, il a appris à manier les mots, il est nettement plus habile à piloter et à analyser la galaxie de ses yeux acérés. Mais à force de pratiquer sa répartie au fil des galaxies, il en est venu à s'en sortir pas si mal que ça avec les autres. Ça, c'est quand il n'exhibe pas ses meilleures (pires) blagues en croyant arriver ainsi à amuser la galerie.  « Tu sais si tu voulais m’emmener dans un coin discret, suffisait de demander, pas besoin de me kidnapper. Et pas besoin non plus de changer de galaxie. » « Oh, arrête, tu peux pas dire que je fais pas fort pour notre premier rendez-vous. » son sourire en coin qui répond au roulement d'yeux de la belle. Dans les faits, ça aurait tout d'un premier rencard s'ils étaient pas en train de lutter pour leur vie, s'il avait pas des sueurs froides qui lui bousillaient sa gueule d'ange Matt. « Si c’est sur ta planète d’origine que tu m’emmènes pour rencontrer tes parents, c’est un peu tôt. » là c'est à son tour de se tordre le nerf optique, et de pointer du menton le tableau de bord avec l'impulsion de celui qui est sérieux, de celui qui prend plus rien du tout à la légère. « C’est bon relax, j’ai compris. » elle aussi apparemment ; et c'est bien l'une des premières fois où ils sont en accord l'un avec l'autre. Dommage qu'ils puissent pas célébrer convenablement.

« C’est ni le lieu, ni le moment-là. » il a été curieux Matt, elle l'a remballé tout aussi vite. « Par contre. Je pense pas que ça te déplaira. » mais elle se rapproche et il y peut rien s'il hume son parfum, s'il inspire doucement, s'il en profite. « Can't wait. » qu'il souffle, elle est déjà loin. « Mais si on est morts tu pourras pas honorer ta promesse, alors concentre toi. » elle fait bien mieux son boulot que quiconque d'autre, et ça le fait chier Matt de déléguer une tâche aussi précieuse, de pas être capable de tout faire - il a mis son égo est aux oubliettes pour les prochaines minutes, et ça ne peut lui faire que du bien. « Si on crève, y'en a quelques uns qui vont donner cher pour nous ranimer rien que pour nous tuer à nouveau. Je parierais pas là-dessus. » simple rhétorique, avant qu'il n'accélère sous la confirmation qu'il le pouvait.

Et les éclats les heurtent, mais pas assez pour que ça fasse vraiment mal. Et le vaisseau tangue, il le rattrape, à un moment il flippe ; mais il n'en montre rien. Jusqu'à ce qu'il sente à nouveau un vrombissement, jusqu'à ce qu'il s'en veuille de pas faire partie de ces aliens qui ont des yeux tout autour de la tête, qui ont des antennes à n'en plus finir qui prédisent l'avenir. Il jure des dizaines de fois en usant de tous les noms de planètes qu'il connaît, incapable de voir une trace de leurs nouveaux assaillants, avant de filer un coup d'oeil à sa co-pilote qui elle aussi semble ne pas trouver la source malgré ses prunelles vissées au radar. Alors il va vite Matt, bien trop, il mise le tout pour le tout quand il presse les moteurs et que le vaisseau fait un boucan intersidéral. Toutes les plaquettes qui grincent, le craquement violent et soutenu qui annonce qu'ils sont dans le vortex, qu'ils y sont entrés bien trop vite, qu'ils risquent d'aboutir de l'autre côté en beaucoup trop de morceaux pour que ce soit naturellement normal.

« Accroche tout ce que t'as. » qu'il lâche, quand lui même boucle tous les harnais à sa disposition. Il est presque cute Matt, quand il lui prend la main, quand elle n'a pas autant besoin de réconfort que lui, mais qu'il le fait passer ainsi. « Et si t'as peur tu fermes les yeux et tu retiens ta gerbe. » évidemment, fallait qu'il ouvre la bouche et qu'il en rajoute.

« Si on sort vivants de là je te jure que je… » il a pas le temps d'entendre la suite qu'elle se coupe dans ses mots, que sa respiration est altérée par la ceinture qui la serre, il le ressent ça aussi. Les doigts de sa co-pilote qui enlacent les siens à lui en arracher la chair, il assiste à sa chute à elle comme à la sienne à lui. Chaque millimètre qui les secoue toujours moins pire que le prochain.

« ... que tu quoi? » Matt qui rattrape le tir comme un gamin dans le silence pesant, dans le calme trop calme, presque troublant. Les lumières sont toutes closes, c'est le noir total s'il pouvait pas compter sur les feux de sécurité, sur les divers écrans disposés devant eux qu'il se retient pas de regarder. Il sait être optimiste, trop parfois, même plus stupidement qu'autrement. Mais là, il le sait bien que tous ces bruits, tous ces chocs, cette multitude d'impacts, ça les aura pas laissés indemne. « C’est comme ça tous les jours avec toi ? » elle se détache, se lève, reprend probablement contenance quand lui il enregistre chaque donnée à sa disposition, compile chaque résultat dans sa tête à la vitesse de l'éclair. « Fais pas comme si c'était pas le truc le plus intense que t'as vécu depuis longtemps. » il lui parle mais sa voix est distraite, évasive, il est pensif Matt, il réfléchit sérieusement comme il aurait dû le faire bien plus souvent dans sa vie. Pourtant, même sous la torture il ne manquera pas la moindre occasion de lâcher une remarque de merde au passage.

Il lui fera pas l'affront de lui cacher les dommages ; de toute façon, elle les verra bien vite si elle regarde le panneau de contrôle à sa suite. « Alors, tu vois l’étendue des dégâts ? » « C'est pas beau. » une aile arrachée, un réacteur amoché, les censeurs sur la coque complètement éclatés les empêchant de pouvoir faire confiance à quoi que ce soit sauf la génératrice qui focus sur le tableau de bord. Ç'aurait pu être pire, bien plus pire, mais y'a rien d'étonnant à ce que le vaisseau ait perdu en vitesse, que chaque manoeuvre soit plus difficile, plus ardue à garder précise. « Mais on devrait pouvoir atterrir en un morceau - kinda. » il est optimiste ; mais il est aussi réaliste. « Ma pauvre, pauvre main. » et il est con, comme si on avait pu l'oublier, quand il essaie de lui changer les idées sur leur potentielle situation de crise si justement, ils n'atterrissent pas vite en agitant avec une moue piteuse exagérée sa main vraiment pas si blessée que ça sous le regard de la brune.

Mais il garde le cap Matt, il reprend son poste même s'il est beaucoup moins facile à contrôler maintenant. « C'est fou à quel point ça fait du bien, quand y'a rien. » qu'il lâche, plusieurs minutes plus tard, quand finalement ils perdent doucement de l'altitude, et que par les grandes fenêtres de la cabine de pilotage ils peuvent voir l'étendue à perte de vue, la nature extraterrestre, l'absence de qui que ce soit, de quelque problème que ce soit. « On reste toujours? » elle est belle la vie quand t'es comme Matt, quand t'as aucune attache nulle part, juste des plans de merde qui te propulsent d'une galaxie à l'autre, avec le seul objectif d'un jour envoyer tout chier et te poser, butin et liberté à la clé.

Et il joue le con, il joue et il s'amuse et il est son meilleur public et par chance, parce qu'autrement ses blagues de merde feraient mouche la plupart du temps. « Ouais, mais ce tas de ferrailles doit plus valoir grand-chose. » alors il tourne la tête vers elle et exagère l'air bourré d'espoir, exagère l'oeil brillant, exagère même sa voix juste parce qu'il peut, juste parce qu'il a pas encore eu assez peur pour sa vie et qu'elle le claque ne serait que la suite logique des choses pour poursuivre dans son envolée d'adrénaline. « Avec un peu de chance les rebelles vont penser pareil et nous foutre la paix. » sa main qu'il voit passer dans son champ de vision maintenant qu'il s'affaire à décoder les tableaux de bord, et il râle parce que c'est un gamin au fond, depuis toujours. « Tu m’as dit d’accrocher tout ce que j’avais. Et si t’as mal là t’es clairement pas prêt pour moi. » du charme, du flirt, le vaisseau est pas en état terminal mais il est pas en état tout court. Faudra qu'il pense. « Essaie encore, juste pour voir. » mais pour l'instant, ses deux neurones encore actives pensent qu'à jouer, toujours.

« C’est fou ce que t’es sensible. » il s'est levé en la voyant faire, détacher les derniers liens qui le gardaient sur son siège pour tenir sur ses pieds. « On a pas d’autre choix non ? Ce tas de ferraille ne volera pas bien plus longtemps sans réparations, s’il est capable de voler à nouveau… » elle abonde dans le même scénario que lui, non sans lui confirmer ne pas y croire, à ce qu'ils puissent se tirer d'ici un jour. « Il volera à nouveau. » en soit, ce sont des pièces à changer, des moteurs à réparer. Il a des bases en mécanique Matt, il a pas eu le choix vu les galères dans lesquelles il s'est foutu depuis toujours, pourtant là, la simple envie qui le démange c'est de prendre l'air, c'est de sortir de ce cockpit en piteux état, c'est de pas avoir à sauver sa peau à toutes les deux secondes pour une fois. « Et j’ai besoin de me dégourdir les jambes. » ça tombe bien, lui aussi.

Ils sont dehors depuis un moment déjà. Le sol est sablonneux, poussiéreux. Y'a de la végétation qu'il n'a jamais vue ailleurs mais qui n'est pas extravagante, aucune couleur éclatée ni même de forme variée. Juste, il se sent dépaysé, il se sent ailleurs et il sent quelque chose aussi, de différent. « C'est bizarre ça. Respire un coup. » il fait pareil, inspire et exagère. « Qu'est-ce que tu sens? » avant de trouver, avant de presser le pas, de l'amener en lui prenant le poignet question qu'elle reste pas derrière. Devant eux, derrière une carrière de rochers tous plus hauts les uns que les autres, y'a des vaisseaux de course qui sont en train d'être remplis d'essence, d'où l'odeur distincte que Matt a reniflée, d'où le sourire qui orne désormais son visage. « J'me demande c'est quoi le prix, si on participe. » et qu'on gagne, mais ça, c'est rhétorique. S'ils participent, ils gagnent pour sûr.

« Ouais, permets moi d’en douter. Ils connaissent ton identité ? Parce que si c’est le cas ta tête est certainement déjà mise à prix. » il choisit ses combats Matt. Si certaines causes lui tiennent un peu plus à coeur, si certaines situations le stressent plus qu'il ne le montre - même s'il le montre parfois bien trop qu'il ne le devrait, n'en reste qu'il est capable de voir quand il doit ouvrir sa grande gueule, et quand il doit la fermer. Il l'a appris à la dure, se l'est fait dire par des claques une bonne infinité de fois, et suffisamment pour qu'il voit que là, le mieux, c'est de pas trop en dire. « Nah, ils connaissent rien de moi. Un vrai ninja. » ils doivent avoir sa tête en poster dans leurs vaisseaux, au gars. Ils doivent savoir exactement qui est le merdeux qui leur fait de l'ombre avec ses manoeuvres de cowboy des temps modernes, ils doivent savoir pertinemment qu'il est un p'tit nuisible récalcitrant qui reste, peu importe ce que tu lui fous comme coup, peu importe ce que tu lui envoies dans les pattes. Il s'accroche Matt, et réalise que s'il le lui mentionne à Rae, elle risque de voir le signe monétaire bien trop haut au-dessus de sa tête pour penser à autre chose. Autant y aller pas à pas.

La joute de gamins à laquelle ils s'affairent aide tout de même à ce qu'ils sortent du vaisseau en s'occupant de se piquer l'un l'autre plutôt que de constater de trop proche les dégâts causés par leur fuite, sans parler des quelques blessures que Matt ravale dans un égo qui lui est propore, en s'extirpant un peu plus lentement que d'habitude de la cabine.

« Dans tes rêves. »
« Oh, allez, me fait pas te supplier. »
« Prétentieux. »
« Confiant. » il bat des paupières l'idiot, l'enfant.

Mais tout de même, l'air leur fait du bien, il pourra pas nier. En vrai, s'il avait pu marcher encore un peu sans rien faire d'autre, sans avoir de destination précise, sans foi ni loi il l'aurait fait, il en aurait profité. Ça arrive pas souvent qu'il se retrouve sans horaire à suivre, sans délais aussi serrés qu'irréalistes à respecter et ça lui donne envie de tout plaquer, con qu'il est. Il garde ça pour lui un temps, le lui partage pour qu'elle s'en moque ; il roule des yeux, arrête de marcher aussi.

« On est pas tout seuls. » elle a résumé ce qu'il sentait, il fronce les sourcils, oublie la vanne qu'il voulait lui renvoyer, pas de pique nécessaire au programme pour l'instant. Le nécessaire, c'est leur survie apparemment. « C’est une course illégale. » merde. « Et les courses illégales, elles sont organisées par les rebe… » merde, merde, merde, mer- « Tu te retournes doucement. Et tu la ferme. » merdeeeee.

« Vous êtes qui? Vous venez d'où? » il l'aime pas lui, et encore moins le fait qu'il foute un flingue direct sur elle, encore moins qu'il la regarde avec des yeux que Matt aimerait bien crever là de suite, il s'en donnerait à coeur joie en fait, faut pas se leurrer. « Pourquoi t'es pas là-bas avec eux? » tout, tout doux Matthew. Pas besoin de charger, pas besoin d'attaquer, mais en soit il apporte un bon point là, parce que tout le monde est en bas, parce que tout le monde est occupé à parier, et à courser et y'a pas une once de sécurité dans les ravins ou dans les montagnes, pas de ce qu'il voit d'ici en tout cas, Matt. « Tu veux crever tout de suite ou après elle? » tiens, tiens. Il répond pas, il attaque à son tour. Matt qui est idiot mais pas assez pour manquer ça, pour le noter mentalement. Et ce qui en rajoute, ce qui rend ça encore plus évident que leur ennemi a beaucoup plus en commun avec eux qu'avec les rebelles tout en bas, c'est qu'à la seconde où il entend un bruit suspect derrière lui, il se penche et il se cache. Le type ; il se dégage, il flippe, et c'est trop beau, trop parfait pour que Matt le souligne pas.

« T'as pas plus le droit d'être ici que nous. » l'évidence. Et le pire, c'est que le fameux bruit sourd, c'était rien, absolument rien. Un craquement de branche, des cailloux qui ont volé who cares ; l'important maintenant, c'est qu'il ont peut-être bien rencontré un nouveau genre d'allié.

Bon. Il tente un truc Matt, il tente et il est confiant, il l'est sûrement trop. Mais c'est ça, c'est la seule chose qu'il retient, c'est la seule chose qu'il ose toujours au final ; la dernière chance, le dernier mile, le dernier droit. « Achève moi avant, tu me rendras un immense service. » oh, qu'elle est dramatique. Il roulerait des yeux si elle daignait lever la tête vers lui, il s'en foulerait le nerf optique rien que pour qu'elle voit à quel point si elle rage de son humour de merde, lui il rage de sa condescendance à son égard. Same old.

« Tiens, si tu veux m’abattre, fais-moi le plaisir de le faire de face. » oh, elle joue maintenant. Et il redresse les épaules Matt, il la lâche pas des yeux. Quand elle se mouvoit, quand elle fait exactement tout ce qu'il faut, qu'elle sait parfaitement comment jouer les prochaines cartes ; c'est elle qui a tout le jeu. « C’est vrai ce qu’il vient de dire ? T’es pas avec eux ? » sa voix est mielleuse, elle aura toutes les infos dont elle a besoin en un claquement de doigts et il serait presque jaloux Matthew. « Tu peux me le dire à moi… » qu'elle arrive si vite à ses fins, et qu'elle regarde l'autre intrus avec ces yeux-là. Comme il est con le pilote, comme il se fout dans la merde là de suite, encore plus qu'à son habitude.

« Si vous dites quoi que ce soit, vous êtes morts. » encore et toujours la menace de les tuer, et il en a assez Matt. Il étire le bras, il profite d'une fraction de seconde à peine d'inattention de l'autre idiot pour lui prendre son arme. Ça se fait vite, il aurait pu se faire buter à tous instants. Mais il l'a son fusil entre les mains, il l'a et il vise le gars, il place direct la cible à hauteur de crâne et de suite, il se sent mieux. « Ouais, ouais. Et t'offres quoi en échange du silence sinon? »