Goodbye for now ?

Ginny & Bailey

I’m drowning.

Cette sensation de me noyer dans mes propres pensées qui ne me quittent plus depuis quelques jours. La douleur physique qui se mêle à la douleur psychique, au manque de sommeil et au reste. Je n’ai pas quitté la maison depuis la visite d’Auden. Je reste là. Cloîtré chez moi à tenter de panser mes blessures. Jill est là, elle ne me lâche pas. Le premier jour, épuisé par les coups, par les mots, je me suis endormi contre elle. Je me suis réfugié dans le sommeil. Quelques jours plus tard, je ne compte plus les insomnies. Je ressasse dans mon coin. Je m’enferme à double tour dans ma tour. Je mets à mal mon couple. Ce sentiment d’inachevé qui me colle à la peau. La discussion a été laissée en suspend avec Ginny. Elle est partie sans se retourner, laissant entre nous cette rancœur beaucoup trop forte. Cinq minutes après son départ, je regrettais déjà mes paroles. Auden avait frappé sur les points les plus douloureux au sens propre comme au figuré. Je retenais trop de choses depuis trop longtemps. Jamais je n’avais voulu cacher Noah à sa mère. Jamais. Je voulais protéger le petit garçon, lui laisser du temps. J’avais pris les paroles d’Auden comme celle de Ginny, déguisé sous un masque différent. Auden était devenu le messager. Tout était devenu flou. La colère, la rage et la douleur, on prit le dessus. Ne laissant place qu’au regret et à cette envie de disparaître pour un temps. Sans Noah, on serait parti. Je le sais. Jill m’aurait suivi, elle en rêve tout autant que moi. On serait parti sans jamais se retourner, sans plus jamais donner de nouvelle. La fin du film parfait. On n’est pas dans un monde parfait…

Jill est partie travailler, son frère avait vraiment besoin d’elle pour quelque chose. Je suis seul et je tourne en rond. Je croise mon reflet dans un miroir. Le dessous des yeux décoré d’un mélange de bleu, jaune et vert. Les traits tirés. Un autre bleu sur la tempe. J’ai pris dix ans. Je devais me poser, je devrais me reposer. J’en suis incapable. Je ne cesse de penser à ce que je devrais faire, à ce que je devrais dire. Je ne veux pas laisser les choses comme cela. Dans cet état de suspens insoutenable. Auden est venu foutre un coup de pied dans la fourmilière déjà si instable. Je ne pourrais pas m’apaiser tant que les choses ne seront pas mieux, pas un peu plus clair, un peu plus calme. Tant que je n’aurai pas pris les distances nécessaires. On est dimanche. Je ne réfléchis pas plus longtemps. Chaussures aux pieds, clé de voiture, un mot pour Jill lui faisant savoir que je suis parti me balader, je quitte la maison. Direction son atelier. Lieu neutre. Le début de la fin ? Lorsque je me gare, le cours semble tout juste terminé, les différents élèves en train de discuter sur le parking avant de s’éloigner. Je rabats la capuche de ma veste sur ma tête vaine tentative pour cacher mon visage bleuté.

Je ne mettrais pas longtemps à la trouver. Seule. Pas d’Auden dans les parages. Elle range ses pinceaux, elle chantonne pour elle-même. « Ginny ? » De suite, elle relève la tête. Elle semble étonnée de me voir là. J’hésite un instant, mais fait tomber ma capuche avant de lever les mains légèrement, signe de paix ? « Je veux pas te déranger longtemps. » Je veux juste te dire au revoir. Pour un temps.      

« Ginny ? » et je la déteste, cette impression-là. Celle de ne pas savoir où me mettre avec lui, celle de ne pas savoir si une nouvelle dispute remontera, ou si ce seront plutôt des mots calmes qu'on échangera. Les choses avec Bailey qui sont instables, notre relation qui l'est autant. J'ignore s'il sait que je ne dors pas, que je dors peu depuis la dernière fois. Probablement. J'inspire profondément, ne laisse qu'une poignée de secondes à peine entre son arrivée dans un atelier désert pour faire lentement volte-face vers lui. Son visage me brise le coeur. Son regard finit le travail, et le voile de douleur bien plus profonde que simplement physique que j'y décèle a tout à voir avec la façon dont les choses ont été laissées la dernière fois.  « Je veux pas te déranger longtemps. »

Je n'y pense pas. Je ne réfléchis pas une seule seconde. Je sais pourquoi il est là, je sais à quel point il se torture à l'intérieur. Je sais qu'il ne pensait pas un seul mot qu'il a dit, je sais qu'il est une bombe à retardement. Je peux arriver à voir chacun de ses muscles se contracter, chaque geste qu'il force tant il est las, tant il est blessé. Si Auden n'a pas non plus fière allure depuis leur bagarre, je dois avouer que les quelques jours à ne pas côtoyer Bailey me font voir ses ecchymoses probablement plus grosses, plus graves encore qu'elles ne le sont vraiment. Mon pinceau que je pose donc sur le rebord de mon chevalet. Et mes baskets qui grincent au sol, la distance que je réduis entre nous deux. Mes bras que j'impose autour de lui, d'une douceur infinie, évitant au mieux tous les endroits sensibles, fragiles, encore plus que nous ne le sommes tous les deux. Ma tête se pose dans son cou, mes mots remontent à son oreille.

« Tu t'en vas, c'est ça? » je l'ai ressenti. À la seconde où il a croisé mes prunelles, à la seconde où il a parlé. Je l'ai senti qu'il partait, j'ignore où, mais c'était clair, limpide. Il est comme Noah, et Noah est comme lui. Il a besoin d'air, il a besoin d'espace, il a besoin de temps, il a besoin d'être seul. Et j'espère de toutes mes forces, et je prie qui que ce soit assez attentif pour l'entendre, et je respire difficilement, mais je respire pour nous deux. « Reviens. » j'ignore quand, j'ignore pourquoi, pour qui. J'ignore si Jill le suivra, je me hais d'en douter, j'espère tant pour ça aussi. « Quand tu voudras, quand tu pourras, n'importe quand. » mon visage que je dégage de sa nuque pour plonger mes iris noisettes dans les siens. Ce sont pas des larmes qu'il y verra, mais l'espoir qu'il trouve ce dont il a besoin, qu'il se retrouve à travers. « Mais reviens. »

Goodbye for now ?

Ginny & Bailey

En un regard, elle a compris. « Tu t'en vas, c'est ça ? » Mon cœur qui se serre. Et déjà, je me mords l’intérieur de la joue afin de ne pas laisser transparaître mes émotions. Je n’ai pas besoin de lui confirmer. Elle sait. Elle a compris. Il faut croire qu’elle me connaît trop bien. J’aurais pu rester chez moi et couper contact. Ne plus lui répondre, m’éloigner de tout le monde. Cela aurait été le choix de la simplicité, mais je refuse que l’on soit en conflit. J’ai besoin que les choses s’apaisent. Il est question de ma santé mentale. J’ai besoin de mettre les choses à plat avec Ginny pour partir l’esprit tranquille. Je ne pourrais pas m’apaiser si ce n’est pas le cas.

Elle s’approche de moi et je sens mon corps tout entier ce tendre. Je n’oublie pas l’intervention d’Auden, les mots qu’il a eus envers moi. Une partie de moi rester persuader que les paroles d’Auden n’étaient pas anodines, qu’elles faisaient écho à ce qu’il avait pu entendre quelque part. Je voudrais me persuader du contraire, mais c’est compliqué. Pourtant, lorsque les bras de la brunette se referment autour de moi, je me laisse aller dans cette étreinte. J’en avais tellement besoin. Une grimace m’échappe alors que j’enroule mes bras autour de son corps frêle. Un instant, on se laisse emporter dans un calme que l’on ne connaissait plus. Je ferme les yeux. Profite de l’instant. « Reviens. Quand tu voudras, quand tu pourras, n'importe quand. Mais reviens. » Je la serre contre moi. Embrasse sa tempe. Lorsque son regard croise le mien, je sais qu’elle va y trouver des larmes. Je ne voulais pas en arriver là. « J’aurais tellement aimé que ce soit différent. » J’aurais aimé qu’on soit capable de communiquer plus facilement. J’aurais aimé que notre situation familiale soit bien plus simple. J’aurais aimé ne pas être si compliqué. Un soupire et nos regards qui se croisent de nouveau. Je sais qu’elle comprend. Que je n’ai pas besoin d’en dire plus. Et pourtant. Je ne veux plus laisser de non-dits. On c’était promis d’être honnête, sans détour. « Je serais jamais bien loin. » J’en suis incapable et j’ose espérer qu’elle le sait. Je ne l’abandonnerai jamais pleinement. « Et je compte tenir mes promesses auprès de Noah. » Oh que oui. Je ne veux plus jamais décevoir le petit garçon. Je lui ai promis que l’on irait à un concert ensemble, qu’il pourra venir dormir à la maison aussi souvent qu’il le souhaite et surtout que je prendrais plus de temps pour lui. Je ne reviendrais pas là-dessus. Il a déjà trop souffert de mon absence. Avec Ginny, c’est différent. Elle est une adulte, elle comprend mieux. « Mais je crois que c’est devenu nécessaire Ginny… On se fait plus de mal qu’autre chose ces derniers temps et… » Je laisse ma phrase en suspens. Et… Je n’ai tout simplement plus la force de supporter. Je n’ai plus la force de rien. « J’ai besoin de m’isoler avec Jill. » Je lui avais promis d’être honnête même si cela doit faire mal. « On va partir quelques semaines. » Peut-être même un mois entier, mais on va partir. Se ressourcer, se retrouver. On reviendra, c’est certains, mais pas tout de suite. « J’en ai trop besoin… » Je t’en supplie ne m’en veux pas.  

J'ai tout mis en sourdine à la seconde où Bailey est arrivé. J'ai nié ses insultes, j'ai rangé loin ses accusations, j'ai oublié ses discours tous plus durs les uns que les autres pour simplement plonger mon regard dans le sien, pour détester ce que j'y voyais autant que l'épée de Damocles qui flottait entre nous deux depuis trop longtemps déjà. Je refuse de garder une rancoeur envers lui, pourtant je refuse également de passer l'éponge sur la perception qu'il a eue de moi, sur les torts dont il m'a affublée alors que, mieux que quiconque, il devait savoir que jamais je n'aurais fait quoi que ce soit pour le mettre en danger, pour le mettre à mal.

« J’aurais tellement aimé que ce soit différent. » mes sourcils se froncent lentement, doucement, mais je le laisse parler, sa voix que je n'entendrai plus pour un long moment, je le sais déjà, je le prédis le coeur lourd. « Je serais jamais bien loin. » et il sait, que j'y pense, à toute cette distance. Il le sait dès l'instant où ses bras me rapprochent de lui, où ses prunelles trouvent les miennes pour s'y loger sans broncher, pour y rester malgré le coin de ses paupières humectées. « Et je compte tenir mes promesses auprès de Noah. » « Je sais. » je sais tout ça. Je sais qu'il ne quittera jamais vraiment nos vies. Je sais qu'il tiendra le cap, pour Noah. Je sais qu'il y tient à tout ce qu'on a bâti, à tout ce qui chambranle, à tout ce qui tient par un fil désormais. Il ne serait pas ici aujourd'hui, il ne me dirait pas tout ça s'il ne voulait pas nous laisser une chance, peu importe lorsqu'il sera prêt à le faire.

« Mais je crois que c’est devenu nécessaire Ginny… On se fait plus de mal qu’autre chose ces derniers temps et… » oui, beaucoup trop mal. Je retiens tous mes mots, je retiens toutes mes pensées, je les retiens parce qu'elles ne servent à rien à froid, parce qu'elles ne nous feront pas avancer. Je retiens les questions que mes lèvres brûlent de lui poser, je retiens ses regards que j'ai besoin de l'entendre m'expliquer. « J’ai besoin de m’isoler avec Jill. » j'avais pas remarqué, tout ce temps, que j'avais oublié de respirer. L'expiration qui glisse sur mes lèvres est douce, salvatrice. Il sera avec Jill. Jill qu'il a choisi, Jill qui est une évidence dans sa vie. Jill que je nie aussi pour le moment, et ses paroles encore plus. « On va partir quelques semaines. J’en ai trop besoin… » j'hoche doucement de la tête, accepte ce qu'il m'impose sans me sentir légitime de le faire. J'acquiesce et j'entends, j'enregistre, sa liberté qu'il s'est lui-même rendue le jour où il a retiré son alliance, sa liberté qu'il prend enfin pour lui et pour lui seul.

« Si ça avait été différent, tu serais pas là. » ma voix est rauque d'être restée muette pendant de longues minutes. Mon pouce se libère pour grimper jusqu'à sa joue, pour caresser doucement la naissance de sa tempe, là où une larme a commencé à sécher. « Je sais que c'est difficile, je sais que ça fait mal ; mais ça serait pas toi, ici, si ça avait été différent. » les circonstances de notre rencontre, de notre mariage sont horribles. Tous les éléments qui ont été mis sur notre chemin le sont tout autant. Pourtant, je continue à croire que de tous les et si, que de toutes les circonstances, de toutes les décisions que j'aurais voulu, dû changer et qu'il me reste en travers de la gorge, notre histoire à Bailey et moi n'en fait pas partie.

J'inspire une dernière fois, mes iris qui scrutent les siens, qui essaient d'y voir au moins un espoir, une lueur même minime qui me confirmera que la prochaine étape pour lui sera meilleure. Ce n'est que lorsque je crois la voir que j'esquisse un pas pour me détacher, pour lui rendre son espace, si vital cocon qu'il nécessite. « J'attendrai. Y'a que le temps qui peut y faire quelque chose, de toute façon. »

Goodbye for now ?

Ginny & Bailey

La dernière fois, c’étaient des paroles en l’air. Cette fois, la décision est bien plus réfléchie. J’ai besoin de m’échapper, besoin de m’éloigner de Ginny. On a tout vécu ensemble, les hauts, mais surtout les bas. On a traversé des épreuves que je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi, même pas à mon frère. Nos familles ont tout fait pour nous détruire. Le lien qui a fini par se tisser entre nous est unique en son genre. Dans le fond, je sais que rien ni personne ne pourra réellement nous séparer. On a juste besoin de faire une pause, de se recentrer. J’ai besoin d’aller mieux. Je ne sais pas si je le serais un jour pleinement, mais je sais que je me traîne des démons bien trop vieux. Pour la première fois de ma vie, j’envisage un avenir meilleur. Une vie de couple avec Jillian, une nouvelle perspective professionnelle. Prendre un nouveau départ sans Ginny. Elle sera toujours l’une des femmes que j’aime le plus dans ma vie, mais je me dois de la destituer de son piédestal. Je me dois de tourner la page. Notre mariage n’est plus. Elle a sa vie, il est temps que je pense à la mienne. À trop vouloir accommoder tout le monde, je me suis perdu en cours de route. C’est devenu trop douloureux. Je sais que je ne tiendrais pas plus longtemps. Couper les fils qui m’entravent afin d’aller de l’avant.

Je sais qu’elle comprend. Malgré la douleur que je lis sur son visage, je sais qu’elle ne m’en veut pas. Qu’elle sera toujours là, dans un coin, pour me soutenir. Juste pour être présente. On peut compter l’un sur l’autre jusqu’à la mort. On ce l’était promis après tout. Je lui impose ma décision et j’en suis désolé, mais je ne veux plus attendre la permission de qui que se soit. Je veux me montrer fort, mais c’est tout le contraire qui se produit. J’ai mal de partout. Au cœur, à la tête, aux poumons. J’ai besoin d’air. Les larmes qui coulent silencieusement, signe du mal-être profond. Je souffle longuement tandis que son pouce vient doucement caresser ma peau. « Je sais que c'est difficile, je sais que ça fait mal ; mais ça serait pas toi, ici, si ça avait été différent. » Une nouvelle fois, je hoche la tête. Les épreuves que nous avons vécues nous on forger. Elles ont fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Elles nous ont détruites jusqu’au dernier morceau, il est temps de se reconstruire. L’un sans l’autre. « Je ne t’abandonne pas. » Affirmation inutile et pourtant si nécessaire. Elle devait l’entendre de ma bouche. Je ne l’abandonnerai jamais.

« J'attendrai. Y'a que le temps qui peut y faire quelque chose, de toute façon. » Mes muscles qui se relâchent soudainement face au soulagement. Elle attendra. On ne s’abandonne pas. On se protège, on en a tellement besoin. Je ne peux m’empêcher de faire un pas vers elle, la reprendre dans mes bras un instant. Ultime au revoir. « Sois heureuse Ginny. » C’est tout ce que je lui souhaite, tout ce que j’espère si fort pour elle. Premier sourire qui se dessine sur mes lèvres alors que mes iris trouvent les siennes. « Je l’aime beaucoup cette Ginny qui réclame son indépendance, qui ne laissera plus jamais quelqu’un décider pour elle. » Je hoche la tête doucement et viens poser mon doigt sur le bout de son nez comme je l’ai si souvent fait à Noah en souriant. « Il est temps que tu prennes ton envol. » Et il est temps que je prenne le mien. Chacun de son côté. Même si la séparation est douloureuse. Même si j’ai la sensation de m’arracher un membre. « Garde Isy près de toi. C’est un homme bien. » Elle n’a pas besoin de ma bénédiction, mais je sais aussi à quel point elle doute à ses côtés. Je la connais si bien. Elle pense ne pas mériter quelqu’un comme lui. Si elle savait comment elle se trompe. J’espère qu’il pourra lui donner l’apaisement dont elle a besoin. Je l’espère de tout cœur.

Et avant que la douleur me submerge à nouveau, je fais un pas en arrière. Pour la première fois depuis dix ans, j’impose une réelle distance entre nous. Elle durera le temps qu’il faudra, mais on se retrouvera, j’en suis certain. Pour Noah, mais aussi pour nous. « Je t’aime. » glissais-je doucement alors que mes lèvres viennent doucement se poser sur sa joue. On ne parlera pas de Noah. Je sais qu’elle me donnera la liberté de voir le petit garçon quand l’envie me prends. Je sais qu’elle ne s’imposera jamais entre nous. C’est acté. On se verra pour lui, en gardant nos distances. Un temps. « Je vais tenter d’aller mieux et je reviendrais. » Soit en sûre Ginny. Je pourrais lui répéter pendant des heures que je ne l’abandonnerai pas, mais cela serait vain. Il est temps que nos chemins se séparent. « Je te le promets. » Une dernière promesse.   

« Je ne t’abandonne pas. » je sais, ça aussi. Même si ça fait tout comme, même si on n'a jamais eu une conversation avec cette finalité, avec cette conclusion. This is just goodbye - ce ne sont pas des adieux, mais je dois me le répéter encore et encore, le goût amer sur ma langue qui ne part pas malgré toutes ses paroles, malgré tous ses regards. « Sois heureuse Ginny. » « Écoute-toi, Bailey. » les conseils qu'on se donne, ceux qui font office de dernières notes de bas de page, ceux que tout le monde ne lit pas mais sur lesquels on presse attentivement, de toutes les forces qu'il nous reste.

Et je me suis dégagée ; même si ça me brise le coeur, même si la distance de quelques centimètres entre nous n'a rien avec celle, béante, qui s'immiscera dans les prochains jours. « Je l’aime beaucoup cette Ginny qui réclame son indépendance, qui ne laissera plus jamais quelqu’un décider pour elle. Il est temps que tu prennes ton envol. » mais lui il refuse déjà de partir, et je ne le remercierai jamais assez d'insister. Lorsqu'il esquisse un pas vers moi, lorsqu'on allonge les secondes et l'étreinte, lorsque qu'on sait que la vie nous sépare pour qu'on puisse un jour mieux se retrouver. « Je l'aime beaucoup moi aussi. » mon front se pose sur son épaule, mes paupières se ferment sous l'impact délicat. « Garde Isy près de toi. C’est un homme bien. » ma tête se dégage doucement, mon index remonte vers son front, puis vers son coeur que je tapote au fil de mes mots. « Laisse Jill entrer là, et ici. » parce que je sais que Bailey se protège, parce que je sais qu'il est comme moi, qu'il prend son temps. Que comme j'ai fait avec Isy, on garde nos masques un moment, on apprivoise avant de s'ouvrir complètement. « T'as pas besoin de te protéger avec elle. » mais je sais qu'elle l'aime, je sais qu'elle veut son bonheur, je sais tout ça, et j'ai confiance en eux deux ensemble maintenant.

Ses lèvres scellent notre au revoir, sa silhouette quitte la mienne. « Je t’aime. » mon regard répond, tout l'amour que j'ai pour lui, qu'on n'arrivera jamais à vraiment définir, mais qui ne s'alternera pas, surtout quand je comprends tout ce par quoi il passe. Surtout quand je sais que son évolution est aussi inévitable que la mienne, je sais que la prochaine fois où nos chemins se recroiseront, autant lui que moi nous serons enfin nous, vraiment. « Je vais tenter d’aller mieux et je reviendrais. Je te le promets. » et j'hoche de la tête, accepte son offre et tous les petits caractères qu'y s'y additionne. Ma main finit par quitter la sienne, un long moment après. J'inspire, j'adapte même mon souffle à celui de Bailey, première fois depuis des mois qu'on est un peu plus en symbiose la minute d'après que celle d'avant. « Prends tout le temps dont tu as besoin. » mais reviens.