| santa monica dream - (jessian&grace) |
| | (#)Dim 23 Fév 2020 - 17:51 | |
| Il était amusant de noter les changements dans vos vies. Ils étaient nombreux et se rappelaient à vous dès que vous aviez l’impression de remonter le temps. La présence ed Morgane dans la salon en train de dessiner était la preuve vivante que vous n’étiez plus ces deux adolescentes insouciantes qui se découvraient sur les plages du monde, dans les plus beaux hôtels où vous trouviez toujours des conneries à faire en masse. Aujourd’hui, Grace était installée dans un appartement et avait un chat, voilà quelque chose que tu n’avais jamais imaginé pour elle. Mais cette nouvelle vision de ton amie ne te dérangeait guère. C’était juste étrange car tu avais l’impression parfois d’être face à une inconnue que tu devais réapprendre à connaître. « Pour tout te dire, le chat c’était pas trop prévu. J’avais demandé un chien assistant à la base. Au final, les démarches étaient trop longues niveau sécu et je n’étais pas prioritaire dans les gens éligibles. Du coup, je me suis dit que c’est moi qui allais aider un animal, et j’ai pris Kim Possible dans un refuge. » Cela ne t’étonnait pas une seule seconde que Grace ait été chercher son chat dans un refuge. Ça par contre c’était totalement elle. La jolie brune avait toujours eu un coeur en or et même derrière les airs qu’elle se donnait à l’époque, elle ne trompait personne. Ce qui te surprit plus dans cette histoire c’est que Grace ait fait des démarches pour avoir un chien assistant. Tu ne t’étais jamais penchée sur le sujet mais l’on donne ces chiens aux personnes qui sont handicapées par quelque chose non ? Tu avais remarqué que la démarche de Grace était moins assurée qu’autrefois, que sa main droite ne bougeait pas vraiment et quelques autres petits détails mais tu ne t’étais pas attardée dessus. Et si cet accident qu’elle avait eu était beaucoup plus important que ce qu’elle t’avait laissé entendre ? « Kim Possible a eu de la chance que tu passes par là. Moi j’ai Morgane pour me tenir compagnie et je la laisse convaincre son père de prendre un animal de compagnie si elle en veut un. » Dis-tu un sourire en coin sur les lèvres en jetant un oeil à ta fille qui sourit en t’entendant dire cela. C’était un sujet qui revenait souvent sur le tapis et tu refusais de prendre un quelconque animal pour l’instant car c’était toi qui allais devoir t’en occuper, Morgane étant encore petite. Grace s’attarda ensuite sur les photos qui étaient affichées sur ton mur. Elles étaient nombreuses et de toutes les époques de ta vie. Tu fus surprise d’entendre que Grace avait gardé la plupart des photos que vous aviez prises à l’époque et elles étaient nombreuses … « Bien sûr que j’ai tout gardé. » Ton regard qui s’était perdu dans la pièce se recentre sur Grace sous la surprise. Vous n’aviez jamais parlé de sentiments à l’époque, vous n’aviez jamais osé aborder ce sujet certainement par peur de briser ce que vous aviez construit. Mais tu avais assez grandi depuis pour savoir reconnaître que tu avais aimé Grace, sans réellement t’en rendre compte à l’époque. Et cette question de la jolie brune te laissait penser que tu n’étais pas la seule. « Tu sais ce que tu étais pour moi, à l’époque ? Puis c’était mes plus beaux clichés, on va pas se mentir. Jamais flous, jamais hors cadre… J’allais pas jeter de telles oeuvres. » Un petit sourire timide se dessine sur ton visage alors que le moment disparaît. Grace ne t’a pas laissé le temps de lui répondre, elle a été trop rapide pour enchaîner sur la conversation. Pourtant, tu as envie de lui faire comprendre qu’elle avait été ton monde pendant vos mois de voyage. Elle avait été ton roc et tu n’aurais sans doute pas été aussi assurée sans elle. « Tu étais tout pour moi à l’époque. C’est grâce à toi que j’ai pu décoller et ouvrir mes ailes ainsi. » Tu devais beaucoup à Grace et tu voulais que cette dernière le sache, c’était important pour toi. Loin de ta famille, de ton pays, elle avait été cette personne sur laquelle tu avais pu t’appuyer.
Grace te surprit en te disant qu’elle ne buvait plus. Ce n’était pas un problème mais c’était tellement inattendu de sa part que tu ne pus pêcher la question de sortir de ta bouche ce qui sembla amuser la demoiselle. « Nan, t’excuse pas. Je dois aussi être la dernière personne de qui tu t’attendais entendre ça un jour. T’imagine pas que je suis toute sage et casée non plus, hein ! Mais je suis plus aussi pochtrone qu’avant. Même que j’arrive à courir plus de deux minutes à 5km/h. Tu serais impressionnée. » Tu ris à ces paroles. Alors que le sport était devenu pour toi essentiel, pour Grace, c’était un peu différent. Tu avais essayé de la convertir au footing sans grande réussite mais si elle avait réduit sa consommation d’alcool, c’était déjà un bon pas en avant. Un pas que tu n’avais pas encore franchi de ton côté. « Je ne pense pas pouvoir t’associer l’adjectif ‘sage’ un jour. Avec ou sans alcool, tu as toujours bien trop aimé n’en faire qu’à ta tête. » Et pour la bonne petite fille à papa que tu étais à l’époque, cela avait été une révélation. Tu avais fini par suivre Grace dans toutes ses conneries et vous vous en étiez souvent tirées grâce à tes petits yeux innocents accompagnés d’une chemise légèrement ouverte qui faisaient souvent oublier bien vite des méfaits de gamines. Une fois le jus d’orange servi, tu pris place à ton tour sur le canapé où tu réprimandais, amusée, ton amie sur l’usage de ses mots. « Ca se reproduira plus. » Tu levais un sourcil, n’y croyant pas une seconde vu son impulsivité mais Morgane avait sans doute entendu pire de ta bouche, tu doutais que cela changerait quelque chose. Tu confiais à la jolie brune tes doutes sur tes capacités à trouver un bon équilibre entre toutes les vies que tu menais de front. Celle de maman, celle de mannequin, celle de jeune femme … « Je suis sûre que t’y arriveras. T’as toujours réussi à créer ton équilibre au milieu du chaos. Et jusque-là j’ai l’impression qu’équilibre ou pas, tu t’en sors à merveille. » C’était amusant d’entendre ces mots de la bouche de Grace. Tu avais l’impression de vivre la tête sous l’eau la plupart du temps mais Morgane semblait en effet heureuse et c’était ce qui comptait. Est-ce que tu pourrais mieux faire ? Certainement. Mais tu n’en étais pas capable pour l’instant. « Merci. » Dis-tu simplement à Grace avant de lui retourner la question. « Moi, bah...comme je t’ai dit, après que tu sois partie à Londres j’ai continué à bouger aussi. C’est toi qui m’a décidée à repousser mes limites à mon tour. J’ai enfin pu faire de la photographie de paysages. On a fait un documentaire, aussi, avec une équipe que j’ai rencontré à Rome, on a direct accroché. Ils partaient en Finlande et je leur ai proposé d’aller à la rencontre des Sami. On est restés trois mois. Après tout ça je suis devenue photographe de plateau, et je le suis restée. Je crois que c’est un peu le documentaire qui m’a décidée, l’idée de capturer les gens dans leur essence, sans que ce soit mis en scène ou dirigé… » Tu écoutais la jeune femme te parler de la vie qu’elle avait menée ces dernières années, des chemins pris par sa vie professionnelle et tu ne t’offenses pas quand elle te parle du mannequinat et de l’absence de sincérité dans les photos. Tu ne peux pas le nier, tout est orchestré et pourtant, tu as toujours l’impression de laisser une partie de toi dans chaque photo. « Puis, ben, j’ai un peu été obligée de rester, après l’accident. Je pouvais plus trop me déplacer, et si j’avais essayé de repartir, ma mère m’aurait sûrement tuée avant. Tu sais comment elle est. » Lorsqu’elle mentionne l’accident, tu te figes. Tu peux comprendre que sa mère n’ait pas voulu qu’elle reparte, si c’était arrivé à Morgane, tu aurais certainement fait pareil. La manière dont elle le mentionne te laisse une nouvelle fois penser qu’il y a plus que ce qu’elle te dit et alors que tu t’apprêtes à lui poser une question, Grace enchaîne : « J’ai eu un AVC. J’avais tout le côté droit du corps paralysé pendant presque un an. Je fais de la rééducation, ça fait un peu plus de deux ans et demi et ça va beaucoup mieux, mais je suis toujours un peu clouée au sol. Enfin je marche, et tout, mais... Enfin, t'as compris. » AVC … Un mot que tout le monde connaît mais une réalité qui l’est beaucoup moins. Tes parents sont en bonne santé, tes grands-parents morts depuis longtemps. Tu entends les mots que Grace prononce mais une seule pensée te traverse l’esprit. Grace aurait pu ne jamais se retrouver sur ton canapé, cela s’était certainement joué à quelques secondes. Tes yeux se pose sur sa main qu’elle ne bouge pas et tu sens ta gorge se serrer. Les AVC ne sont-ils pas censés arriver à des personnes d’un certain âge ? Pourquoi Grace ? « Et à la sobriété. Et à beaucoup de choses, en fait. Je suppose que j’ai pas encore atteint l’équilibre que je cherche, moi non plus. » C’est avec ces paroles que la jeune femme termine ses explications, le regard légèrement fuyant, il est évident qu’elle attend que tu lui répondes. Mais les mots te manquent parce que qu’est-ce que tu peux lui dire qui soit assez fort pour traduire tout ce que tu ressens à cet instant précis ? Tu avais remarqué que Grace boitait légèrement, qu’elle parlait plus lentement mais tu ne l’avais pas vue depuis tellement longtemps, tu n’avais pas pensé à t’inquiéter plus que cela. « Comment … Comment est-ce que c’est arrivé ? Pourquoi … ? » Tu es incapable de formuler ce que tu veux lui demander. L’association entre Grace est AVC se fait difficilement dans ton esprit. Tu ne comprends pas et tu n’arrives toujours pas à assimiler l’idée que tu aurais pu ne jamais revoir Grace à cause de cet ‘accident’. Légèrement tremblante à ton tour, tu lèves ta main et tes doigts effleurent la joue de la jeune femme alors que tu lui dis presque d’un murmure : « Tu es toujours la personne la plus forte que je connaisse. » Peu importe que Grace te croit ou non, c’était la vérité. Affronter l’AVC, la rééducation, reprendre une vie à peu près normalement, continuer à vivre, cela demandait à tes yeux une sacré force morale et physique. Tu laissais tes doigts tomber sur son poignet droit que tu caresses presque inconsciemment avant de plonger ton regard dans le sien : « C’est pour ça que tu es à Brisbane ? Pour trouver un nouvel équilibre ? » C’était peut-être une question bête mais tu avais besoin que Grace te le dise et surtout, qu’elle te dise qu’elle allait bien, qu’il ne lui arriverait rien à présente.
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| | | | (#)Lun 24 Fév 2020 - 22:38 | |
| Fût un temps où elle aurait tout fait pour Jessian, jusqu’au dangereux, jusqu’à l’impossible ; juste pour espérer une seconde de son attention, un rire plus ou moins fort, une poussée d’affection. Elle était comme ça, Grace ; crâneuse, à aimer être le centre de l’attention, bien trop souvent engoncée dans ce vieux rôle de pitre pour son propre bien. C’était alors, alternativement, l’un de ses plus grands charmes aussi bien qu’un défaut majeur, selon à qui on s’adressait. Fort heureusement pour elle, à l’époque, ça avait plu à Jessian. Elle aurait pensé quelconque rapprochement impossible : l’une, fille de riches mais vilain petit canard de la famille qui avait rejeté études et situation stable pour parcourir le monde ; l’autre, bien attachée à ses carcans et à une éducation un peu trop normée, un peu trop catholique pour que leurs personnalités se rencontrent et fassent bon mélange. Et pourtant Jessian l’avait suivie tête première. L’ego de Grace en avait eu le vent en poupe : elle, capable de convertir ainsi l’enfant sage, d’être sa première fois avec une femme, alors qu’elles s’étaient rencontrées en étant les plus opposées possibles. Puis, sans prévenir, alors que l’habitude des voyages permanents et des déménagements incessants commençait à s’installer, Grace était tombée amoureuse, de la plus bête des façons, comme on tombe à plat ventre en plein milieu d’une course effrénée. « Tu étais tout pour moi à l’époque. C’est grâce à toi que j’ai pu décoller et ouvrir mes ailes ainsi. » Alors, quand Jessian lui confirme, de façon plus ou moins indirecte, que le ressenti était mutuel, Grace se souvient de cette nuit où, la plus jeune, alcoolisée comme jamais, avait passé des heures à être malade avant de finalement s’endormir près d’elle, blottie dans ses bras, comme elle se souvient du moment précis où son coeur a manqué d’exploser. Et, dans l’intimité de l’instant qu’elles partagent devant l’ampleur de ces souvenirs, Grace sent ses joues se teinter de rouge.
Et le ton pourpre de ces dernières ne s’estompe pas quand les deux jeunes femmes repassent au salon, mais cette fois, pour une raison différente : elle doit expliquer péniblement qu’elle ne boit plus. L’anecdote, d’apparence anodine, ressort à ses yeux comme un nouveau monde de différences qui s’est creusé entre elles : elles qui se sont presque toujours connues soit éméchées, soit en gueule de bois n’ont plus ce point commun pour faire office de réunion. Grace met un point d’honneur à se défendre, pourtant, à assurer qu’elle n’est pas devenue un enfant de choeur en la quasi-décennie qu’elles ont passé sans se voir ; non non, même qu’elle est sortie la semaine dernière avec une rencontre Tinder et qu’elles ont fini par se mettre une murge à défaut de se trouver d’autres points communs après cinq minutes de conversation. Ca lui paraît tout aussi important d’assurer que, pour autant, elle garde sa forme physique - bras, jambe, et tonicité cérébrale en moins. « Je ne pense pas pouvoir t’associer l’adjectif ‘sage’ un jour. Avec ou sans alcool, tu as toujours bien trop aimé n’en faire qu’à ta tête. » Elle déteste que les réassurances de Jessian la fassent sourire, mais c’est ce qu’elles font. Elle déteste ressentir ce besoin de se justifier pour essayer de combler le vide entre elles. Elle déteste ce que le temps a fait de leur complicité, tout court. Elle aurait aimé rattraper le temps perdu en un soir, et elle tente de le faire tout en sachant pertinemment la chose vaine. Mais elle écoute avec un intérêt non-dissimulé Jessian lui raconter son parcours jusqu’à aujourd’hui, puis répond avec toute la passion dont elle peut faire preuve quant au sien. Et, à chaque mention de l’accident, qu’elle veut pourtant aussi anodine que possible, elle sent Jessian se tendre, s’interroger : elle en a trop dit pour ne pas conclure.
Alors elle lui explique, avec les mots les plus simples qu’elle puisse trouver, parce qu’elle-même n’a aucune envie de compliquer les choses. Les grands mots médicaux, ceux qui font peur, elle les déteste. L’AVC ischémique, l’UTOH pour se remettre, l’aphasie qui en a suivi, les anticoagulants pour limiter les risques de rechute, tout pour la séparer de la norme et pointer du doigt des besoins spéciaux qu’elle haïssait devoir avouer. En vérité, ça lui faisait tout sauf plaisir, de retrouver Jessian comme ça, de se sentir diminuée. Et malgré le point commun flagrant d’un destin qui leur avait été forcé, c’était un nouveau fossé qui les séparait, maintenant : l’une était mère, l’autre avait une épée de Damoclès constamment au-dessus de sa tête. « Comment … Comment est-ce que c’est arrivé ? Pourquoi … ? » Grace n’ose toujours pas regarder Jessian dans les yeux, mais elle sent le choc dans sa voix, l’impossibilité de réagir de façon adéquate - y a-t-il même une façon adéquate pour réagir à ça ? Grace pince ses lèvres entre elles, hausse légèrement les épaules : “Je sais pas. J’étais sortie, pour l’anniversaire d’une amie et… Je sais pas, c’est comme si mon crâne s’était déchiré en deux, et pendant cinq minutes j’ai été pliée en deux… Ma copine de l’époque m’a demandé si ça allait, et j’ai plus été capable de parler.” Le plus exact aurait été de dire qu’elle avait sorti une purée de mots incompréhensibles, comme si son cerveau avait arrêté de faire le lien avec sa bouche. Elle passe la terreur d’après, le transport à l’hôpital, la rééducation d’un an, la sortie difficile de la dépression. “Et pourquoi moi ? Je sais pas. J’avais pas le rythme de vie le plus sain, mais… Je sais pas d’où ça vient. On a pas su dire. On saura jamais.” Juste un caillot de sang bloqué dans un vaisseau de son cerveau, pour aucune raison précise, juste parce qu’il se trouvait là - on ne saurait jamais pourquoi elle, pourquoi ce soir, pourquoi si tôt. Encore moins si ça recommence et que cette fois ça la tue, a-t-elle envie d’ajouter, mais pas sûr-sûr que le trait d’humour soit approprié dans ces circonstances. Elle relève la tête de son verre de jus d’orange, enfin, maintenant qu’elle a compté toutes les pulpes, et elle voit le regard peiné de Jessian qui lui redonne presque immédiatement envie de baisser les yeux. Elle ne le fait pas, cette fois. Elle laisse la main tremblante de son ancienne amante se poser sur sa joue et elle résiste à l’envie de placer sa main par-dessus la sienne, pour la garder là plus longtemps, sentir le soulagement une demi-seconde de plus. Mais elle l’enlève rapidement, vient plutôt la poser sur son poignet droit, le membre froid, celui qui sent à peine son contact. C’est à son tour de chuchoter un “merci”, mais il se perd dans sa voix un peu éteinte.
« C’est pour ça que tu es à Brisbane ? Pour trouver un nouvel équilibre ? »
La jeune photographe se reprend d’une grande inspiration et se redresse dans le canapé. Elle se rappelle d’un coup que derrière elles, Morgane dessine innocemment sur une feuille et elle espère que la petite fille n’a pas entendu leur conversation. “Ouais, j’imagine.” Elle se mord l’intérieur de la joue, fait un tour visuel de la pièce, puis repose son regard sur son amie : “J’ai vécu deux ans avec Jeremy, on habitait pas loin de l’hôpital et j’avais besoin de quelqu’un qui m’aide pour… les trucs du quotidien, me motiver à bouger, tout ça. Et j’adore mon frère, mais cette sensation de dépendance… Ca m’étouffait, vraiment. J’avais besoin d’ailleurs, sans appel de ma mère tous les jours pour savoir si j’étais pas morte dans la baignoire…” Elle aurait voulu préciser qu’elle avait aimé se sentir aussi aimée, accompagnée, même si ç’avait été jusqu’à l’étouffement, parce que ça l’avait aidée à se redresser et c’était bien plus qu’elle n’en aurait fait toute seule. “Puis j’ai vécu une rupture, aussi, récemment. Puis il n’y avait pas de jobs sur Gold Coast, je m’étais trop repliée pour avoir gardé des amis... Bref, j’avais besoin de m’éloigner de tout ça.” Elle n’a pas envie de regarder l’heure, mais elle se sent acculée, parce que trop a été dit d’un coup et qu’elle a besoin de respirer un peu, de laisser les choses se poser avant d’y revenir. Les informations lui donnent le vertige et le fossé au-dessus duquel elles se penchent aussi. “Et merde, il est tard, et je bosse demain, et vous aussi sûrement, désolée.” Coup d’oeil à Morgane : “je veux dire zut.” Et le tour est joué, son sourire complice est de retour. “Vous devez être crevées, je vais vous laisser vous reposer et…” Et quoi ? Et à bientôt ? Et à jamais ? Grace passe la main gauche dans ses cheveux, pince ses lèvres entre elle, semble débattre avec son for intérieur pour en venir à une conclusion.
“Est-ce que je peux te proposer d’aller prendre un verre dans la semaine ? Ou plus tard. Quand tu es libre, en fait, du moment que je te perds pas de vue. J’ai pas envie de te perdre à nouveau de vue.” |
| | | | (#)Lun 6 Avr 2020 - 9:00 | |
| Retrouver Grace c’est replonger dans un passé où Morgane n’existait pas, où Abel n’existait pas non plus et où seules tes envies et tes contraintes professionnelles étaient la limite. Cela te semble complètement fou aujourd’hui que tu aies pu avoir si peu de responsabilités, que tu aies pu vivre dans la plus grande insouciance pendant quelques années. Tu étais heureuse de l’avoir fait et tu devais énormément à Grace. Cela ne te surprenait pas que tu sois tombée amoureuse, c’était même une évidence. Tu ne l’as pas vu venir, incapable à l’époque envisager d’avoir de tels sentiments pour une femme mais cela avait fini par arriver, petit à petit, sans prévenir. Grace avait été là pour t’accompagner dans cette découverte et dans toutes celles qui étaient venues après. Loin de tes parents, loin de leur éducation, tu avais ouvert les yeux et tu avais pu te découvrir toi-même. S’il y avait une chose que cette soirée mettait en avant c’était que vous aviez toutes les deux changées. Vous n’étiez plus les jeunes femmes qui s’étaient quittées pour de nouvelles aventures. Toi, tu étais maman désormais, face à des années qui n’avaient pas toujours été tendres. Et puis Grace, qui s’était assagie et qui ne buvait plus d’alcool. C’était étrange pour toi de la redécouvrir ainsi même si évidemment, tu n’avais jamais imaginé qu’elle serait exactement la même. Grace avait été une part si importante de ta vie que la retrouver suffisait à te chambouler. Alors quand elle te confia qu’il y a quelques années elle a eu un AVC, c’était comme si tu faisais une chute de plusieurs étages. Incrédulité et incompréhension devaient se lire sur ton visage. Très peu malade, tu ne t’étais jamais trop intéressée à toutes ces maladies mais en entendant parler les autres, tu l’avais toujours associée à une maladie qui arrivait quand on prenait de l’âge. Plus ou moins tôt en fonction des gens mais bien plus tard que votre jeune âge. Tu n’arrivais pas à comprendre comment cela pouvait être possible et ta question fut sûrement maladroite mais Grace tenta de t’expliquer : « Je sais pas. J’étais sortie, pour l’anniversaire d’une amie et… Je sais pas, c’est comme si mon crâne s’était déchiré en deux, et pendant cinq minutes j’ai été pliée en deux… Ma copine de l’époque m’a demandé si ça allait, et j’ai plus été capable de parler. Et pourquoi moi ? Je sais pas. J’avais pas le rythme de vie le plus sain, mais… Je sais pas d’où ça vient. On a pas su dire. On saura jamais. » Tu as l’impression d’avoir la tête qui tourne face à ces informations. Tu aurais pu perdre Grace sans même le savoir … Tu aurais pu la perdre pour toujours sans te douter que tu ne pourrais jamais la recroiser par hasard comme cela avait été le cas aujourd’hui. Soudain, tout ce que tu as vécu ces dernières années et qui pèse sur tes épaules te semble s’envoler. Parce que cela n’est rien par rapport à ce qu’a dû affronter Grace, cette personne merveilleuse qui ne le méritait pas une seule seconde. La vie est parfois injuste … « Je suis désolée que cela te soit arrivé. Je suis tellement heureuse que tu sois là. » Tu sens les larmes te monter aux yeux mais tu les retiens. Tu n’as pas le droit de te laisser aller, après tout c’est du passé et Grace est bel et bien là aujourd’hui, sur ton canapé à rattraper le temps perdu. C’est presque naturellement que ta main vient se poser sur sa joue. Tu imagines ce que la jolie brune a dû traverser ces dernières années et tu n’arrives pas à te faire une raison, tu n’arrives pas à l’imaginer réellement. Et toi tu étais à l’autre bout du monde, dans l’ignorance la plus totale. « Merci. » Un léger sourire se dessine sur ton visage. Grace avait toujours été pour toi une personne forte. Elle t’avait portée à bout de bras lors de tes découvertes adolescentes. Et encore aujourd’hui, elle n’avait rien laissé tomber. Ni sa passion, ni sa vie avec ce déménagement à Brisbane. Tu ne pus t’empêcher de lui demander si ce qu’elle cherchait à Brisbane c’était un nouvel équilibre. « Ouais, j’imagine. J’ai vécu deux ans avec Jeremy, on habitait pas loin de l’hôpital et j’avais besoin de quelqu’un qui m’aide pour… les trucs du quotidien, me motiver à bouger, tout ça. Et j’adore mon frère, mais cette sensation de dépendance… Ca m’étouffait, vraiment. J’avais besoin d’ailleurs, sans appel de ma mère tous les jours pour savoir si j’étais pas morte dans la baignoire… Puis j’ai vécu une rupture, aussi, récemment. Puis il n’y avait pas de jobs sur Gold Coast, je m’étais trop repliée pour avoir gardé des amis... Bref, j’avais besoin de m’éloigner de tout ça. » Tu peux comprendre ce sentiment de dépendance. Tu l’as vécue dans une moindre mesure quand tu es revenue vivre chez tes parents peu après la naissance de Morgane. Tu leur es reconnaissante pour tout ce qu’ils t’ont apportée cette année-là mais quand tu as acheté cette maison, tu as été soulagée de retrouver ton indépendance. Tu continues à t’appuyer sur tes parents pour garder ta fille mais cela n’est rien par rapport à ce que c’était avant. Il est évident pour toi que ces dernières années ont été compliquées pour Grace et quand elle mentionne sa rupture, tu comprends que c’est encore un sujet sensible alors tu ne pousses pas le bouchon. « Tu vas voir, Brisbane est une ville extraordinaire, j’espère que tu y trouveras ce que tu cherches. » Lui dis-tu le plus sincèrement du monde. En tout cas, de ton côté tu espérais pouvoir être là pour ton amie désormais et tu comptais bien lui montrer que ce n’était pas des paroles en l’air. Tu vis Grace regarder l’heure et tu fis de même avant de te rendre compte qu’il était tard. « Et merde, il est tard, et je bosse demain, et vous aussi sûrement, désolée. Je veux dire zut. Vous devez être crevées, je vais vous laisser vous reposer et… » Tu regardes Morgane et son petit air innocent te fait comprendre qu’elle savait pertinemment qu’elle avait dépassé l’heure de se coucher et qu’elle ne s’était pas privée pour ne pas te le rappeler. Ce n’était pas très grave, même si tu essayais de respecter les horaires, des fois cela t’échappait. « Dis au-revoir à Grace et file te préparer pour aller au lit, j’arrive. » Dis-tu à ta fille qui ferma son feutre et fit exactement ce que tu lui dis de faire. Entendant ses petits pieds montre sur les marches, tu ajoutais : « Ne t’en fait pas, elle dormira un peu plus demain matin, ce n’est pas bien grave. » Tu n’avais jamais été une maman stressée et tu ne comptais pas commencer aujourd’hui. Grace passa une main dans ses cheveux et te demanda : « Est-ce que je peux te proposer d’aller prendre un verre dans la semaine ? Ou plus tard. Quand tu es libre, en fait, du moment que je te perds pas de vue. J’ai pas envie de te perdre à nouveau de vue. » Ton coeur se serra et un grand sourire se dessina sur ton visage. Toi non plus tu n’avais pas envie de perdre Grace de vue. Tu ne savais pas à quoi ressemblait ton agenda ces prochaines semaines mais tu trouveras toujours du temps pour la jeune femme. « Ce sera avec grand plaisir ! On a encore tellement de choses à se dire ! » Lui dis-tu avant d’attraper ton téléphone et de lui dire : « Rentre ton numéro, je t’enverrai un message pour que tu aies le mien. » Veillant à déverrouiller l’objet, tu le lui tendis et tu la laissais rentrer son numéro. Quand elle te le rendit, tu rédigeais rapidement un petit sms avant d’ajouter : « Je regarde demain le soir où je peux me libérer et je te tiens au courant. » Vous aviez avancé vers la porte d’entrée et tu l’ouvrais pour laisser Grace quitter ta maison. « Je suis contente de savoir que tu es à Brisbane, ça m’a fait vraiment plaisir de te revoir. » Lui dis-tu avant de déposer un baiser sur sa joue. « A bientôt ! » Fermer la porte n’était pas aussi simple que tu l’aurais aimé mais tu allais revoir Grace. Maintenant qu’elle était à Brisbane, tu ne la laisserais pas disparaître de ta vie, tu te l’étais promis.
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