Elle fait exprès, là, à bouger sur mes cuisses, à appuyer là où ça fait mal, à faire rentrer ses os là où y’a les miens, à faire semblant de vouloir attraper le verre (vide) tout au bout de la table. Mais ça fait rien, parce qu’on fait quelque chose de bien mieux que tout ce qui peut être fait dans ce monde. On fait la liste de tous les moyens possibles et inimaginables pour faire souffrir Matt sans pour autant avoir à nettoyer derrière nous - parce que le sang, c’est chiant, ça colle, ça laisse des traces, on le voit à la lumière bleue … bref c’est la loose. Alors on innove, on parle arrache d’ongle, on parle phalanges brisées, on parle épaules déboitées, on parle de récipients placés sous lui pour collecter tout le sang qui s’échappera des entailles faîtes sur son corps (quoi ? trop glauque ? come on, c’était que l’introduction). Je lui donne toute l’imagination puisée dans les peintures de tortures du Moyen Âge, une sacré belle époque pour mourir. Elle donne de sa propre imagination, elle donne de ses propres rêves. Et chacun y met tout son âme dans ce putain de truc dessine sur le bout d’une serviette avec un stylo qui fonctionne à moitié, parce qu’en plus il est face à nous et il rigole comme un con avec une blondasse qui en plus d’être aussi ronde qu’un tonneau (pitié ne me dîtes pas qu’il va être père) rigole comme une conne aussi. Un fin duo. Quand on aura fait le tour des méthodes de tortures pour lui, peut être qu’on passera à elle. Ca m’irait tout autant. Ariane pue de plus en plus le scotch, je parie que cela ne fait qu’accroître son implication dans ce jeu inventé en une fraction de seconde et par la force des choses. C’est pas notre faute, après tout, s’il est pile en face de nous et qu’on a envie de le tuer comme on respire. Comme il respire.

”C’est bon là, il est mort et y’a pas de sang. Tu peux remplacer Dexter quand tu veux.” Ma patience a ses limites, mon attention aussi ; oui, même quand il s’agit de tuer le frère McGrath. Je dis ça aussi parce que mes yeux sont vissés ailleurs, parce qu’un autre vient de rentrer dans le restaurant pas encore bondé et que même s’il a toute l’allure d’un drogué il a des yeux bleus. Et ça, ça vaut son pesant d’or. Mon talon d’achille. Celui là même que je n’avouerai jamais à voix haute, yep. Mon regard suit son arrivée sans aucune délicatesse, je ne cherche pas à être discret en aucune seconde - pour quoi faire ? Au contraire, c’est encore mieux s’il nous voit, s’il nous remarque. On ne peut pas nous louper, avec Ariane surélevée car sur mes genoux, avec Ariane et ses cheveux roux qui renvoient toute la lumière de la salle. Hey sweetie boy. ”Laisse le moi, lui. Ce soir. S’teuplait. Je te balancerai pas aux flics quand Matt sera retrouvé mort avec le même mode opératoire que sur cette serviette.”

Auden ft. Ari
Charmatt en fond
Toby incoming

Dans sa tête, c'étaient des notes de jazz qui remontaient. Il y pouvait rien si l'hiver lui manquait à ce moment-ci de l'année, il y pouvait rien si les Fêtes sans neige l'ennuyaient. Alors il s'improvisait des flocons qui crissent, il s'imaginait des notes de saxophone, des cuivres qui englobaient son esprit toujours un peu embrouillé, toujours un peu envolé.

Ellie était avec des amies ce soir - ce qu'elle lui avait dit, ce qu'il s'était surpris à croire. Leur relation allait un peu mieux, pas bien, mais elle s'en sortait et si à pareille date l'année dernière ils étaient au beau fixe, force était d'admettre que douze mois plus tard, ils s'en sortaient. Et le piano lui fait de l'oeil à Jack, il le voit à l'autre bout de la salle, le restaurant bondé où il devait venir rejoindre des artistes, des musiciens de Vancouver de passage ici, d'autres âmes esseulées qui comme lui médisaient la température australienne trop chaude pour être prise au sérieux.

Il sillonne l'endroit comme s'il était à sa place, il rêve éveillé Jack, quand les notes ponctuent sa démarche, quand il entend des solos improvisés et irréalistes, alors que les conversations ambiantes sonnent comme des paroles qu'il évitera, impossible pour lui de s'y attarder quand son esprit compose de nouvelles mélodies. Mais il est immobilisé dans son élan Jack, quand une tornade à la chevelure ébouriffée l'emporte avec elle, quand il sent ses fringues devenir de plus en plus humides, le liquide ni trop froid ni trop chaud gagnant centimètre par centimètre. Elle a les joues rosies par la timidité la gamine, elle lève ses yeux noisettes vers lui pour se confondre en excuses, ses mots se perdent sur sa langue et il la détaille des yeux, il la reconnait sans l'avoir jamais vue. À la seconde où il tente de lui parler par contre, elle s'éclipse, file de son côté comme si elle n'avait jamais été là, laissant dans son sillage une forte odeur de menthe, de sucre, de café aussi. Drôle d'association qu'il remarque Jack, quand les tasses de café renversées au sol et ce qui semble être des mojitos jonchent ses souliers, qu'il n'arrive plus à la retrouver dans la foule.

Mais il n'en fait rien Jack, il sourit seulement. Ignorant le regard agressif qui brûle sa nuque. Ignorant les rires qui s'apparent à des gloussements que le garçon à la table à sa diagonale n'arrête pas de ponctuer des pires blagues immatures à travers, blagues qu'il n'écoute pas, ne retient pas non plus. Et il rejoint sa bande Jack, ils sont tous postés près du piano, ils en rêvent, leurs doigts se perdent sur le clavier. Et son attention au Epstein, elle se perd de suite, quand il remarque Auden à plusieurs mètres de lui. Quand tout l'univers entier s'arrête et que ses prunelles s'ancrent dans les siennes. On lui sert un whisky, il le savoure. Lentement, Jack, lentement. Savoure ça aussi, en attendant.


Jack ft. le Canada en entier
Ginny ft. sa maladresse
Matt's up next

Il a peut être tout perdu mais il garde quand même sa belle âme, Caelan. Il est doux, patient, observateur. Il la voit, la brune avec la tâche de peinture sur son jean. Il la voit et il sourit, parce qu’il se dit que ce rose corail là est vraiment joli, il se dit qu’il voit le même quand il est en plongée. Il se dit qu’il aurait bien aimé voir le mur qu’elle a rempli, la toile qu’elle a peinte - le tube de peinture qu’elle a explosé à son boulot ? Il en sait rien, elle est juste une inconnue. Elle est le genre qu’il rencontre tous les jours dans la nuit, ces personnes qui deviennent des visages d’inconnus dans ses rêves, celles là même qu’il oublie un jour avoir rencontré dans sa vie. Tant mieux, sûrement, parce qu’il finit toujours par faire du mal aux personnes qu’il aime alors que pourtant il leur souhaite tout le bonheur du monde.

Il se dit que pourtant il peut l’aider elle, au moins, que ça ne lui coûtera rien, que ça lui apportera peut être un peu. Il commande un café, il improvise sur le long ou court, sur tous les trucs que le serveur lui demande alors que le pauvre roux voulait juste un simple café. Juste un café, pas un interrogatoire, il en a déjà assez eu pour une vie. Juste un café c’est bien, s’il vous plait. Il demande seulement à ce qu’on y ajoute de la cannelle, parce qu’apparemment ça rehausse le goût, parce qu’apparemment ça rend cette affreuse mixture un peu plus buvable. Et il se retourne, il cherche la brune, il cherche la tâche de peinture. Il la trouve au bout d’un long, long moment. Il a tout d’un creep, là, à ne chercher qu’une seule inconnue dans la foule mais il n’a pas d’arrières pensées, il veut simplement rendre service, c’est promis.

A son tour de s’avancer dans la foule en essayant de ne rien renverser. Une seule goutte s’échappe de la tasse et glisse entre ses doigts, les rendant gluants, les brûlant au passage. Il s’en moque, il ne remarque pas. ”J’ai vu que ta tasse était tombée. Tiens. Y’a de la cannelle, ma femme … mon ex femme dit que ça donne bon goût. Je sais pas si c’est vrai mais en tout cas ça fait joli.” Le garçon de café a dessiné une fleur. Ou ce qui ressemble le plus à une fleur, en tout cas. ”Pardon, je ne te dérange pas. Je voulais juste te donner ta tasse. Bonne soirée.” Aussitôt arrivé, aussitôt reparti. Elle aussi l’aura bien vite oublié, le roux.

Caelin

Le plan était infaillible, j'avais trouvé la meilleure configuration après de longs calculs mathématique étalés sur deux brèves minutes, les tasses dans une main, les verres dans l'autre, le tout appuyé contre mon t-shirt informe qui s'accordait parfaitement avec mon jeans tout sauf mémorable. Et pourtant j'étais recouverte d'eau sucrée, collante, déguelassement collante. Mon poignet qui trouve mes lèvres la seconde d'après parce qu'il fallait être honnête, leur espresso était totalement délicieux. Et le créma qui tâchait ma peau avait tout à gagner à être célébré d'un coup de langue discret, que j'espère avoir masqué de tous les clients autour, ma silhouette s'engouffrant enfin derrière la porte des toilettes.

Je pensais pas faire pire, mais c'était sans compter sur l'aide du robinet que j'ouvre à plein régime, l'eau bouillante qui inonde mes vêtements de la taille aux genoux, le tout donnant non seulement l'impression que j'ai fait pipi dans mon pantalon, mais que j'ai également l'agilité d'une gamine de 4 ans perdue entre un rush de sucre et une sieste qui a duré trop longtemps. J'aurais véritablement dû rester à la maison ce soir et faire défiler tous les documentaires animaliers possible les uns après les autres, entrecoupés de mes scènes préférées d'Harry Potter pour la peine.

Mais il faut que je sorte de la salle de bain, il faut que j'assume ce pourquoi je suis ici, à savoir la soirée organisée pour souligner les Fêtes de fin d'année avec les étudiants des ateliers. Auden est censé être déjà arrivé mais je ne l'ai pas vu, le chercher n'étant pas ma mission première en sachant très bien qu'il apparaîtrait probablement au pire moment possible, qu'il n'attendait que ça, qu'il était programmé pour ça aussi, sûrement. Alors j'erre dans la salle, me perds autour du bar, retrouve l'inconnu souillé par mes soins en bordure du piano à qui je tourne instinctivement le dos sans comprendre pourquoi. ”J’ai vu que ta tasse était tombée. Tiens. Y’a de la cannelle, ma femme … mon ex femme dit que ça donne bon goût. Je sais pas si c’est vrai mais en tout cas ça fait joli.” et ce que je ne comprends pas aussi, c'est la tasse qu'un serveur tend vers moi, les explications qu'il apporte, la candeur avec laquelle il est posté là, sa douceur aussi. ”Pardon, je ne te dérange pas. Je voulais juste te donner ta tasse. Bonne soirée.” « Attends, je - » mais il s'éclipse et ma main toujours poisseuse malgré le savon que j'ai utilisé pour la laver - et je ne le réalise que maintenant, que je n'ai pas rincé - s'accroche au pan de son pull pour le retenir dans son élan.

« J'adore la cannelle. Personne y pense jamais. Merci. » c'était le truc de Matt, truc que je lui avais appris y'a des années de ça, truc que j'avais oublié depuis que la caféine à l'état pur sans altérant était devenue ma philosophie. « Tu veux goûter? » et ma tasse que je tend vers lui en retenant qu'il ne sait pas lui-même ce qui s'y trouve, pauvre inconnu que je monopolise égoïstement. « Désolée, tu peux retourner travailler. Promis, je renverse plus rien. Du tout. » ma main que je soulève pour faire amende honorable, main qui se rapproche de l'assiette dans laquelle la tasse se trouve, main qui rattrape le café avant qu'il finisse rejoindre mes autres vestiges au sol. « Pour au moins les 5 prochaines minutes.»

Et mon regard qui glisse par-dessus son épaule pour remarquer Williams installé à une table, Ariane avec lui. J'additionne donc volontairement quelques minutes de plus avant d'aller le rejoindre, le rire de Lily qui agit comme un baume, que je reconnaîtrais entre mille et qui me sauve de jouer à l'immobile en plein restaurant, à patienter seule en espérant ne pas avoir coûté son boulot au serveur séquestré. Mon cou que j'allonge, mon visage et mon corps entier qui tournent sur eux-mêmes, je cherche mon amie, heureux hasard le sourire aux lèvres.

Caelin
Lily's somewhere
So is Auden

« Okay non, ils peuvent avoir le monopole des Martinis, mais je refuse de leur laisser les Mojitos! » j'ai appris dans la vie à choisir mes combats, et celui-là, c'est zéro possible que je leur laisse. Les Martinis ça fit avec eux, avec leur resto, avec la vibe bien bourgeoise qu'ils ont décidée de mettre en place ; mais c'est pas vrai qu'ils vont se targuer d'avoir les meilleurs Mojitos in town, surtout s'il y en a près de 10 variations sur la carte. Je les ai toutes commandées d'ailleurs, elles trônent fièrement sur le comptoir devant Charles et moi, et je les scrute, c'est juste si j'ai pas sorti ma loupe pour voir jusqu'à la plus fine molécule de breuvage - ok non j'ai pas de loupe pour lorgner sur les drinks de la compétition mais avouez que ça vous aurait pas étonné si ça avait été le cas.

Puis, l'éclair de génie qui remonte, je serais pas moi de ne pas être overprotective, de pas passer un commentaire quand je sais très bien que c'est une grande fille, que c'est une adulte, qu'elle a pas besoin de me l'entendre dire, mais que je le lui dis quand même pour ma conscience, pour être fidèle à moi-même, aussi étouffant puis-je l'être.  « Bois pas, mais renifle. » et je rapproche les verres de la blonde en m'assurant qu'en se penchant elle bloque pas bébé à 8 mois, 2 semaines, et 4 jours et demi entre le bois vernis, et le tabouret que je lui ai cédé, beaucoup trop confortable, beaucoup plus confortable que ceux du DBD.

Mon regard glisse par-dessus les verres pendant que Charlie, ma partner in crime dans la mission espionnage du soir, note tout ce qu'ils font de mieux que nous pour qu'on fasse quinze fois mieux encore. « Si on ramène l'uniforme comme ça Deklan va hurler à l'objectification. » du menton, je pointe les serveurs, les barmaids, toute l'équipe qui porte de jolies petites cravates distinguées, des chemises moulantes agencées. Au DBD, c'était un peu n'importe quoi niveau vêtements de travail, j'avais fait faire des chandails avec le logo une fois, mais ils étaient blancs, la loose, ça s'était fini sale et deg de tous les côtés. Yoko s'était lancée dans un trip de tie dye pour les rescaper et depuis on les portait juste quand on avait envie d'avoir l'air d'une bande d'hippies des années 80, c'est-à-dire quand Queen monopolisait le karaoke.

Mon sourire ne fait que s'agrandir quand je réalise qu'ils ont même la ceinture d'assortie, cliché à un niveau. « Okay on lui dit que ça fait partie des changements de 2020. » je me régale déjà, j'en rêve éveillé. « Et on voit combien de temps on peut le faire tenir avant qu'il capte que c'est des conneries. » bien trop occupé à noter mes propres idées pour voir ma soeur qui se faufile à l'autre bout de la ligne de cocktails commandés sans qu'on y touche encore, bien trop occupé à jubiler de la blague pour la voir s'éclipser avec la moitié des verres et des tasses de café en plus, bien trop occupé pour faire deux choses en même temps, de toute façon.

Gin was here.
Charles is still there.
And he's living in a world without Audriane.

Elle a invité la seule collègue du travail qui n’aime pas le vin. Elle prétend que si mais tout le monde voit ses sourcils froncés dès qu’elle en goûte. Et ça, ça arrange beaucoup Lily, parce que ce soir elle a prévu une super dégustation de vin (qu’elle ne va pas recracher, bien sûr que non, quelle infamie) et en plus de tester ses propres verres elle pourra prendre les siens en plus, histoire d’être réellement certaine à 200% de la qualité du vin qui a eu l’honneur, le privilège, de se trouver un instant sur ses délicates papilles. Et ça, voyez, c’est l’excuse parfaite.

Lily arrive telle une fusée, Lily sourit et salue tout le monde comme si elle les connaissait - pas un seul visage ne lui est familier, pas un, pourtant elle leur sourit de toutes ses dents avec ses yeux rieurs. Vera est une surprise pour elle, au restaurant, parce qu’elles se sont envoyés des photos de casquettes trop grandes et immondes toute la journée mais pas une n’a dit à l’autre qu’elles allaient au même restaurant. Et tant mieux, ou pas, ou peut être que si. Cela n’empêche pas Lily de l’attraper par le bout des doigts qui collent, d’entraîner la tasse dans leur danse, de faire tourner Vera sur elle même comme si elles venaient d’entamer une danse digne d’un balai. Niveau Lac des Cygnes, au moins. ”Ca sent la cannelle.” Elle s’arrête brusquement, rapproche son nez de la peintre, hoche la tête avec désaprobation, jette finalement son dévolu sur la tasse de café. ”J’adore la cannelle !” Qu’elle s’exclame comme si c’était pour elle, qu’elle goûte comme si c’était sa propre tasse. Elle laisse de son rouge à lèvre sur le bord de la tasse blanche, le café reste visible sur ses lèvres rosées quelques secondes avant qu’elle ne rattrape le tout avec sa langue. ”J’ai commandé la casquette du power ranger rouge, désolée, tu peux plus le prendre. Il te reste le jaune. Le jaune est cool, ça irait bien avec tes yeux.” La brune s’arrête subitement pour la fixer du regard, comme pour s’assurer que ses iris n’ont pas changé de couleur entre temps. ”On va faire une dégustation de vin, tu veux venir ?” Les yeux bleus de la trentenaire parcourent enfin la salle du regard, elle se pose une simple seconde, enfin, le temps de s'accommoder au lieu et d’enfin arrêter de faire tourner Ginny sur elle même (elle va vomir, c’est sûr qu’elle va vomir). Elle voit le roux qui n’a toujours pas bougé d’un centimètre, elle voit tout cet amas d’inconnu plus joyeux encore que d’habitude spécialement pour les fêtes. Elle voit Matthusan, au loin, mais elle ne dit rien à ce propos, parce que son cerveau refuse d’assimiler l’information et qu’il a l’air bien trop heureux pour qu’elle ne veuille y penser. Son attention se reporte sur Vera (elle a eu tous les prénoms du monde, l’artiste), tant par envie que par besoin.

Gemma/Ginny/Ginette/Vera/Virgo/... ft. Lily
Caelan la plante verte error 404
Matthusan background oublié

Bien sûr qu’ils se battront jusqu’au bout les Mojitos ! Mojito, c’est le nom que crie n’importe quel client paniqué à qui c’est le tour de commander au bar avant qu’il n’ait pu répéter sa commande dix fois dans sa tête, c’est le nom qui sort sans qu’il n’y réfléchisse, c’est le truc de base dont tout le monde oublie que ça fait rapidement tourner la tête mais seulement qu’il y a du citron et de la menthe et que c’est cool. Ils sont cools, au DBD. Ils ont besoin des Mojitos. Elle hoche la tête avec enthousiasme pour marquer les paroles de Matt.

Une seconde pendant laquelle elle est de son avis pour dix autres durant lesquelles elle va seulement souhaiter sa mort à être autant sur son dos. Elle l’aime, Matt, elle l’aime vraiment, mais elle le déteste autant qu’elle l’aime parfois. ”J’ai pas la capacité d’allonger mon nez encore.” Son odorat est certes plus développé mais ce n’est pas avec la distance de sécurité qu’il met entre elle et le verre en question qu’elle pourrait sentir quoi que ce soit. Alors elle le prend elle même, le verre, elle le colle à son arc de cupidon pour être certaine de sentir ce qu’il y a dans ce verre-ci et pas les pieds qui puent du dude face à eux, celui qui a des claquettes et les orteils à l’air.

Manière old school, le stylo entre ses doigts glisse sur le papier simplement intitulé “plan de domination du monde - la faute de Matt”. Elle note les ingrédients, elle note à quel point leur fauteuil à eux est quand même beaucoup mieux que ceux du DBD, à quel point il est vraiment vraiment bien plus confortable, à quel point ça serait vraiment une bonne idée de s’en procurer un, quand même. Et en dessous des dix pages de dissertation pour avoir un nouveau siège, elle se préoccupe des boissons, elle en note la composition qu’elle a trouvé elle même, y ajoute celle qu’elle a (pas du tout) subtilement substituée à un serveur qui n’avait pas pris la peine d’observer son ventre rond quand elle battait des cils. ”Decklan veut des oreilles de Minnie ou rien. C’est pas bientôt son anniversaire, d’ailleurs ?” Decklan va la tuer. Decklan va tuer Matt. Il fera un prix de groupe, du coup, ça sera plus simple pour tout le monde.
A l’énorme liste finit par s’ajouter “annonce 2020 : D va tuer M”, un sourire en coin. Les uniformes sont cools. Ils pourraient tenir une journée au DBD. Dans la version optimiste. Dans la version pied à terre, à peine déballés que de la bière leur tomberait dessus et ensuite ils se feraient piétiner. Dommage, elle les trouve cool Charlie. Sûrement parce que lorsqu’ils sont supposés arriver elle ne rentrera absolument pas dedans et échappera donc à ce massacre.

”Matt, Matt, Maaaaaaatt.” Ca y est, elle a haussé le ton, il va croire qu’elle a perdu les eaux. ”Ils ont des shots avec des sucettes en coeur dedans. Il nous faut ça. Il nous faut les sucettes en coeur. S’teuplaiit. Et des shots flambés aussi, parce que c’est cool. On fait rien brûler c’est promis juré.” Ils ne volent pas la concurrence, ils s’en inspirent seulement. Il se trouve seulement qu’ils ont des idées étrangement semblables et ça arrive parfois, hein ? ”Commande un shot, laisse moi la sucette.”

charmatt all by themselves

”Ca sent la cannelle.” et elle est là tout bonnement comme si de rien n'était Lily, elle a passé la journée à faire scintiller l'écran de mon portable, à faire vibrer mon téléphone jusqu'à ce qu'il se jette lui-même à plusieurs reprises en bas de mon chevalet où il était pourtant sagement posé. Elle éclate de rire et elle a le sourire qui rayonne, elle m'attrape le bras mais son dévolu est jeté sur la tasse qu'on vient de m'offrir, le serveur qui ne s'attendait probablement pas à créer autant d'émoi avec son choix d'épices, avec sa jolie fleur encore intacte. « Verdict? » ”J’adore la cannelle !” elle a trouvé le moyen de boire sans bousiller son rouge à lèvres, un art, c'est elle la vraie artiste de nous deux en fait. Moi, j'arrivais même pas à appliquer un trait de mascara sans me crever un oeil, elle, elle réussissait toujours chaque touche de maquillage à la perfection. « Ça vient de ; attends... je le trouve pas... » et j'en oublie son eyeliner d'une précision chirurgicale, quand ma silhouette tourne sur elle-même, et que je ne le vois pas, le roux qui est caché derrière l'une, qui est masqué derrière l'autre. Je sais pas pourquoi je le cherche, pourquoi il faut absolument que je le montre à Lily, que je veux les présenter alors que j'ignore le nom du garçon.

Mais la brunette, toujours fidèle à elle-même, reprend le fil d'une conversation qui date de plusieurs heures mais qui reste totalement fraîche à nos oreilles. ”J’ai commandé la casquette du power ranger rouge, désolée, tu peux plus le prendre. Il te reste le jaune. Le jaune est cool, ça irait bien avec tes yeux.” mes yeux qui arrêtent de farfouiller la foule pour venir se planter dans ceux bleu azur de ma meilleure amie. « J't'ai fait de la psychologie inversée, je t'influençais à prendre la rouge parce que justement c'était la jaune que je voulais. T'es tombée direct dans le piège, trop faciiile. » j'exagère, je bombe le torse même, j'ai absolument pas l'air d'avoir été stratégique, quand au final, j'arrive pas à cacher ma joie qu'on s'aligne pour avoir l'air des deux pires dorks que la Terre ait portées quand on recevra les dites casquettes, qu'on fera la liste de toutes les occasions et de tous les lieux où on se doit, absolument, de les porter. Point boni pour les endroits publics avec le plus d'yeux rivés vers nous, et pour les événements sérieux où on s'imposera avec notre connerie enfantine.

Lily qui vient d'arriver, Lily qui pense déjà à partir. ”On va faire une dégustation de vin, tu veux venir ?” « Hum. » mes lèvres que je pince, pensive, me mettant sur la pointe des pieds pour repérer cette fois-ci Auden - et Ariane qui n'a pas l'air prête à le lâcher de sitôt on dirait. « Juste une coupe. » le plus j'évite la Parker, le mieux je suis. Une coupe donc, juste une, quand je suis attendue ailleurs, et que croiser Lily ici n'est qu'une autre de nos éternelles coïncidences. La trame de fond change, aux conversations commencent à se mêler de douces notes de piano, on nous rappelle que c'est bientôt Noël quand les mélodies sont toutes tirées des classiques festifs qu'on reconnaît facilement, qu'on murmure du bout des lèvres. « Faut que j'aille rejoindre Aude après, sinon il va dire que je suis arrivée en retard à mon propre dîner de Noël d'atelier et j'en ai pour 150 ans minimum à ce qu'il utilise ça pour me faire du chantage. » on sait toutes les deux qu'il ajoutera sûrement un éventail d'anecdotes complètement erronées où je serai pointée du doigt comme la pire fautive, et d'où il sortira comme l'éternel héros.

Lilinny ft. la cannelle
Ambient Audriane
PianoJack in the making

Oh, qu'il est inconfortable quand il s'y met. J'aurais pensé qu'à son âge c'étaient pas que des rumeurs et que d'office passé 35 ans tu te retrouvais avec un dad bod, à croire qu'Auden faisait gaffe pour pas se transformer en ramassis de muscles affaissés au fil des années. C'était tout à son honneur, clairement, mais quand tu grimpes sur ses cuisses en t'attendant à troquer une chaise parfaitement confortable pour ça, ça prend un minimum de bide. M'enfin, passons.

Il a trouvé le meilleur jeu de toute l'histoire de l'humanité quand il m'a posé la plus douce question possible à l'oreille, à savoir comment je truciderais Matt si j'en avais la chance. Le résultat tient sur une serviette en papier et quatorze dossiers mentaux savamment alignés. ”C’est bon là, il est mort et y’a pas de sang. Tu peux remplacer Dexter quand tu veux.” on en est arrivés au scénario parfait en additionnant nos forces et nos connaissances, c'est clair que la prochaine étape de notre carrière sera de devenir animateurs d'un truc documentaire qui suit des cas de meurtriers. Ça serait toujours mieux que son histoire de mariage à un inconnu. « Damn it, le kit de nettoyage tout inclus est sold out. J'suis trop deg. » mon portable que je lance sur la table rageusement, ça fait tinter les verres et lever les regards vers nous, j'y tenais au nettoyant citron et basilic qui allait alléger l'air de toutes particules néfastes - et dégager la moindre trace restante de Matt quand j'en aurais hypothétiquement fini avec lui. Noël cette année, c'est lame.

Il s'active sous moi, mon bras autour de ses épaules se resserre. ”Laisse le moi, lui. Ce soir. S’teuplait. Je te balancerai pas aux flics quand Matt sera retrouvé mort avec le même mode opératoire que sur cette serviette.” et y'a mon sourcil qui se hausse, quand je passe une jambe de chaque côté de ses cuisses pour lui faire face et surtout, surtout, ancrer mon regard sur la silhouette de son nemesis qui vient de sortir de son champ de vision. J'ai l'air d'un oiseau de proie prête à attaquer, un peu comme d'habitude finalement. « Et moi j'te balancerai pas aux flics parce que vous avez clairement un historique qui t'incriminerait si tu me décris tout ce que tu lui feras en détail et en ordre chronologique de ce qui fera le plus mal en premier. » que je murmure à son oreille. Il sait pertinemment que je décolle pas tant qu'il m'aura pas fait le portrait exhaustif de leur passif, c'est même pas la peine d'y penser.

And then, I'm bored. Je pars de là aussi vite que je suis arrivée, dérive vers le bar, repère un barman tellement occupé à régler les commandes d'un groupe à l'autre bout du comptoir que je passe dessous, et me retrouver du côté des bouteilles. Ni vu ni connu, on me tend même des billets pour prendre les commandes, je m'improvise mixologue en m'ajoutant quelques shots au passage pour mes bons et loyaux services. Personne ne m'a encore repérée quand moi je repère Charles et Matt qui se sont rapprochés du bar entre temps. ”Ils ont des shots avec des sucettes en coeur dedans. Il nous faut ça. Il nous faut les sucettes en coeur. S’teuplaiit. Et des shots flambés aussi, parce que c’est cool. On fait rien brûler c’est promis juré.” attentive, amusée, je me rapproche d'eux, mon verre de scotch bien plein que je porte à mes lèvres la seconde d'après. ”Commande un shot, laisse moi la sucette.” je sens le coup d'oeil de Matt qui brûle dans ma direction, s'il savait à quel moment j'avais prévu sur mon plan de match lui crever les yeux il me regarderait pas si intensément. « Quoi? J'avais besoin d'un nouveau job pour arrondir les fins de mois. » que je justifie ma présence, fausse à souhait.

J'attrape sur les tablettes qui me sont accessibles alors qu'elles le devraient pas une bouteille de rhum blanc importé, le truc qui semble être leur ingrédient secret et que McGrath aurait tout à gagner à ajouter à son menu s'il me demande. Mais il me demandera pas - on a deux egos surdimensionnés, bien trop pour même se parler plus que pour quelques mots et encore. « Ça, t'en a besoin chez toi. » et leurs fameux shots flambés arrivent, et mon attention dévie par là, bien sûr que oui. « Ouh, hello there. » et évidemment que je demande pas avant d'en prendre un, me servant dans leurs rations le sourire aux lèvres.

Bad Audriane
Charlatt encore et toujours

Pour être le plus discret possible, il faut agir en plein jour. Le moins ça semble être discret, le plus ça l’est. Même le plus con des abrutis apprend rapidement ce genre de choses quand il n’a pas d’autres choix pour survivre et se faire une place dans un gang. Sa bonne idée de la soirée consiste à apprivoiser la clientèle du Burrow, laquelle correspond plus ou moins à toute la ville et ses alentours. Parce que tout le monde va là-bas, du fréquentable au beaucoup moins. Des gens normaux à Tobias. Mais ce soir, promis, il va faire comme les gens normaux. Il va ressembler à un gars normal. « Ouh, hello there. » Et il jure qu’il ne l’avait pas vu, Ariane, mais ce n’est pas de sa faute à lui si elle a toujours ses cheveux roux flamboyants et qu’elle est impossible à manquer, encore moins quand elle virevolte en se pensant la plus intéressant dans la pièce.

La vérité c’est que Tobias a vu les flammes. Il a vu les flammes des shot flambés, bleues et dangereuses. Les plus belles, à son humble avis. ”Ouh, hello there.” Il lui prend le verre des mains à la dernière seconde et en fait tomber quelques gouttes dans l’aventure. Il se moque du brun et de la blonde, ne défie qu’Ariane du regard. Il est loin d’abaisser les barrières avec elle pour autant, Doherty sait pertinemment que de tous les acheteurs elle serait sûrement la seule à pouvoir prendre sa came sans jamais rien payer en retour. Elle a tout d’un ange et pour cela il ne faut surtout pas croire qu’elle en est un ; il n’en a jamais douté. ”Dis moi q’t’as un truc plus intéressant d’prévu ce soir ? Flambé c’est un peu mieux mais t’m’as habitué à mieux.” Si elle n'a rien de mieux, il sortira ses propres cartes.

tobiane
charmatt next to 'em

Il était prêt à faire demi tour et ne plus jamais revenir, parce qu’après tout il n’est venu que pour lui redonner un café qu’elle avait perdu en chemin. Il aurait réellement fait marche arrière si elle ne l’avait pas retenu aux mailles de son pull. Il se contente de sourire humblement quand elle le remercie d’avoir ajouté de la cannelle, il refuse poliment sans même réfléchir quand elle lui proposer de goûter ce qu’il lui a amené. « Désolée, tu peux retourner travailler. Promis, je renverse plus rien. Du tout. » Ses mains se lèvent au ciel comme s’il était un bandit venant se rendre devant la police. ”Oh non je … je ne travaille pas ici.” Peut être qu’il devrait, finalement, qu’un job de serveur ça serait bien mieux que rien du tout. Sans doute qu’après une journée de travail il n’aurait pas détruit toutes les assiettes du restaurant et ça serait un miracle en soit. Le roux rigole doucement quand elle risque de mettre à mal sa dernière promesse en faisant tomber la tasse. Elle est aussi maladroite que lui.

On s’imisce entre eux, on les sépare, la brune virevolte avec une autre, il sourit face au spectacle enfantin. Des notes de piano s’élèvent et accompagnent leur danse, tout le monde autour se recule pour ne pas recevoir un coup de coude sur le visage - ce qui ne serait même pas étonnant. ”Ginger est avec toi ? Il a l’air cool, on le prend dans notre team, il te remplacera quand tu m’abandonneras pour aller voir ton Aude” La nouvelle brune l’invite dans la dégustation de vin à laquelle il n’était pas du tout impatient de participer mais la vérité est qu’il n’a pas eu le temps d’en placer une pour pouvoir refuser l’invitation.

Lily finit par les attraper tous deux par le poignet pour les emmener sur une table marquée réservé, laquelle est déjà encombrée de mignardises et de verres encore vides. ”Tu as un atelier ? Tu connais tout le monde ici, alors ?” Il note mentalement les informations qui arrivent au compte goutte tout en sachant qu’il ne s’en resservira sans doute jamais. ”Le jaune est ma couleur préférée.” La complémentaire du bleue, aussi. Surtout.

caelilinny
jack au piano (pour quelques temps encore)

Il reste le pauvre, il reste et il reçoit mes questions et mes commentaires et il est bombardé et tout ce qu'il répond, le plus calmement du monde, c'est ceci : ”Oh non je … je ne travaille pas ici.” mes yeux s'écarquillent, ma bouche s'ouvre lentement, formant un O parfait après un nombre trop élevé de secondes pour ce que soit socialement acceptable. « Mais, je vais te rembourser, attends. » ma main se perd dans la poche de mon jeans, ne trouve rien, file dans celle de l'autre côté, puis les deux à l'arrière. Elle finit dans mon sac d'où je dégaine pinceaux, palettes, livre #1, livre #2 et livre #6 de ma sélection du moment, mais pas le moindre billet, ni même monnaie. Mince. Mon regard peiné trouve le sien, je me sens mal là, impolie surtout.

Mais Lily sauve tout avec sa conversation, avec nos envolées sur les fameuses casquette achetées, avec son sourire communicatif qui rendrait heureux même le plus déprimé des hommes. ”Ginger est avec toi ? Il a l’air cool, on le prend dans notre team, il te remplacera quand tu m’abandonneras pour aller voir ton Aude” Ginger, que je trouve impoli comme surnom mais il ne semble pas tiquer, lui qui ne bouge pas non plus, lui qui n'a pas de nom pour l'instant, mais qui ne nous en tient pas rigueur. « C'est pas mon Aude. » que je réplique pourtant, moue renfrognée de gamine butée, calmant la Keegan qui joue de ma corde sensible en mentionnant que je l'abandonnerai à une soirée où on n'était même pas censées de retrouver. Mon Aude que je ne vois plus maintenant, ne sachant pas s'il est toujours à notre table mais caché par d'autres clients, ou s'il s'est juste volatilisé. Je sors mon portable pour lui envoyer un message et m'assurer qu'il a pas profité de la première occasion pour filer, quand le mouvement de notre trio improvisé fini par se précipiter vers la table réservée par Lily et ses potes. « Tu aimes le vin? »  que je demande, ma tête se tournant vers Ginger, ma main qui finit le mouvement en se tendant à son intention.

« Moi c'est Ginny, en passant. Même si on a attendu longtemps avant de faire les présentations et que maintenant c'est étrange de le faire autant que c'est nécessaire. » j'inspire, toujours autant awkward, fidèle à ma réputation. « Je crois. Je pense. C'est pas grave si tu veux pas me dire ton nom. J'aurais dû te vouvoyer, hen? » ”Tu as un atelier ? Tu connais tout le monde ici, alors ?” il me tutoie, je soupire d'aise, un sourire si soulagé ornant enfin mes lèvres de voir que ça va, que j'en fais toujours trop avec les nouveaux visages, c'est pas une surprise. « Pas tout le monde, juste les plus cool. » ma voix rétorque, presque mystérieuse, Lily étant clairement dans la catégorie des cool, Auden juste quand les astres étaient alignés. Mais ceux qui se rapprochent de la table de Lily par contre, je ne les connais pas du tout, et il le verra sûrement quand tous se saluent, quand tous se parlent en évitant clairement de dériver à ma hauteur, ni même d'oser un regard. ”Le jaune est ma couleur préférée.” « Je te trouverai quelque chose de jaune alors. Et de cool. Pour payer le café à la cannelle. » la monnaie d'échange m'apparaît logique, évidente.

Et ils sont tous là, les collègues de mon amie, ou du moins les autres convives attendus pour la dégustation de vin. Elle est belle à voir, à butiner entre eux, à savoir exactement quoi dire, à rire quand il le faut. « Y'a combien de gens qui dégusteront, en vrai? » que je glisse à son oreille, quand elle finit par voler à mes côtés, que je m'en voudrais de la monopoliser quand je viens clairement de m'incruster dans son moment à elle. Mais on me met une coupe de rouge entre les mains, on me la dédie et on me la remplit et mon regard alarmé se tourne vers l'intrus aussi intrus que moi qui finalement n'est pas du tout intrus dans mon scénario de base. « Je peux pas boire tout ça, et si je crache, je vais en mettre partout. À l'aide : toutes tes suggestions sont les bienvenues. » j'ignore si Lily viendra à ma rescousse, ou si ce sera Ginger qui encore une fois sera exactement au bon endroit au bon moment. Seul l'avenir et le rouge le diront.

caelilinny
with a touch of caelinny
and some ginauden on the side

Et quand ses doigts se perdent sur les notes, il oublie tout, un temps.

Jack qui laisse la musique faire le reste, Jack qui lève plus la tête, Jack qui entre dans la mélodie. Celle qui est lente, celle qui lui rappelle ses meilleurs souvenirs, celle qui adoucit un Noël sans neige, celle qui semble être tout ce dont il a besoin. À ses côtés, ses potes commandent et discutent, le bar se remplit peu à peu. Il n'a pas besoin de rien d'autre que de musique Epstein, il pourrait rester installé au clavier toute la soirée, toute la nuit qu'il n'en demanderait pas plus.

À un moment par contre, il fait l'erreur de relever la tête, de dégager ses prunelles des blanches et des noires, de son whisky à travers. Il fait l'erreur parce qu'il remarque à nouveau Williams à l'autre bout du restaurant. Et si la chanson est douce, si les gammes sont calmes, si l'ambiance est feutrée, sa respiration à lui s'accélère de plus en plus. Ses prunelles se verrouillent à la silhouette de l'italien, il espionne chacun de ses mouvements, il enregistre chacun de ses pas. Il remarque de nouvelles cicatrices aussi, son poignet qu'il semble manoeuvrer différemment. Jack qui mémorise tout ce qu'il peut, qui anticipe les meilleurs endroits autour d'eux pour lui éclater le crâne, qui rêve des meilleurs scénarios pour lui arracher les membres.

On lui parle mais il n'écoute pas, le prédateur. On lui parle, mais il prévoit quatre étapes d'avance, cinq mouvements à la fois. Il calcule s'il est entouré Auden, il reconnaît près de lui la tête brune un peu éméchée, la gamine maladroite qui s'est foulé dans son sillage. Et il attend, surtout. Il attend le bon moment, il en rêve. S'il ne l'attaque pas dans ce restaurant, ce sera dehors. S'il le laisse passer la porte et le trottoir, ce sera pour l'amener avec lui dans la ruelle d'à côté. Mais ce soir il attendra autant qu'il le faudra. Et il l'aura Auden, il l'aura une bonne fois pour toute.

Vous voyez, le problème avec Auden c’est qu’il est comme un enfant en bas âge. Abaissez votre garde, laissez le seul plus de deux secondes et vous pourrez être certain que son cerveau pensera à la prochaine connerie qu’il pourrait faire pour attirer l’attention. Le problème, aussi, avec Auden, c’est qu’il a largement dépassé l’âge d’être considéré comme un enfant et qu’il a été forgé par les décennies, son esprit toujours plus paré à trouver de nouvelles manières d’attirer l’attention. Pour le meilleure, parfois, quand il ne fait pas exprès, et pour le pire, le reste du temps.

Alors il sème les graines de la discorde, Auden, lui qui a eu tout le temps du monde d’observer Matt de loin, d’entendre Jack au piano, de recevoir mille messages de Ginny sa baby sitter. Et maintenant qu’il n’a plus Ariane pour le clouer sur la banquette et enfoncer les os de son bassin dans ses muscles, il est aussi libre que l’air, le con. Alors il s’approche de Matt et du trio de blonde, rousse et brun qui l’accompagne désormais, il fait tomber les quelques verres de shot encore pleins sur le comptoir, il lève les mains au ciel pour s’excuser, il a ce sourire de débile qui pourrait peut être faire marcher les deux inconnus mais que Matt et Ariane ne connaissent que trop bien. ”Oups, pardon, la prochaine c’est ma tournée.” Mais il s’envole déjà, Auden, il s’en va chercher la pièce maîtresse du puzzle nommé Matt, il s’en va cherche mini-lui, mini McGrath, celle qui prend une place tout sauf minime dans sa vie. Elle lui a envoyé sa position exacte dans le restaurant, elle était à ça d’y ajouter les coordonnées GPS précises ainsi qu’une photo en 360 degrés pour qu’elle soit certaine qu’il ne se perdre pas entre le point A et B. Et il ne le fait pas, il la trouve entourée d’inconnus, encore une fois. Serait-ce une spécialité familiale que de ramasser les premiers venus et former un gang avec eux ? Cela ne le freine pas pour autant, il se glisse derrière la banquette pour se concentrer sur Ginny et Ginny seule, passant ses mains sur ses épaules, les rapprochant doucement de son cou pour faire ce qui ressemble de loin à un massage (pour elle, il appuie trop fort et à des endroits douloureux, sûrement). Son sourire qui ne le quitte pas, il lui murmure à l’oreille la première chose qui lui vient à l’esprit, ses yeux pourtant rivés dans ceux de son aîné. ”J’ai une blague zoophile. C’est un thon qui rentre dans un bar.” Et il est fier, et les graines s’accumulent en même temps qu’il passe sa langue sur ses lèvres par habitude. Le puzzle de Matt enfin terminé, il s’en attaque à un autre, qui le titille depuis bien plus longtemps.

”Jack, mon pote. Tu nous joue quoi ? J’suis certain qu’on peut faire un truc, à deux.” Il vient ajouter ses mains sur le piano, ses doigts se tâtent tantôt aux touches blanches et tantôt aux noires tout en essayant de suivre la mélodie et le rythme dicté par le musicien.

Une seconde avant impact.

Elle ne devrait pas être là. Elle aurait dû retourner à l'intérieur du Burrow bien avant, elle n'aurait pas dû accepter sa clope qu'elle est sortie fumer avec lui à l'entrée du restaurant, elle n'aurait pas dû plonger ses yeux dans les siens, elle n'aurait pas dû lui répondre quand il s'est faufilé à ses côtés au bar, la remarquant dans la foule inopinée. C'était qu'une seule et unique fois, qu'elle s'était promis y'a une semaine à peine de ça, alors qu'elle enfilait son jeans, alors qu'elle s'était éclipsée de son appartement sur la pointe des pieds sans même un regard par-dessus l'épaule pour s'assurer qu'il n'était pas réveillé. Elle ne faisait pas dans les seconds rendez-vous, elle ne faisait pas dans les débuts d'histoires, elle ne faisait pas les numéros échangés, Chloe.

Pourtant le hasard les avait remis sur le chemin l'un de l'autre ce soir, pourtant elle tirait à nouveau sur la cigarette qu'il lui avait partagée, glissée entre ses lèvres carmin. Pourtant elle avait laissé s'échapper un rire lorsqu'il avait passé un commentaire sur une référence qu'ils avaient en commun mais qu'elle avait déjà oubliée.

Il tente de la retenir lorsqu'elle s'invente un prétexte pour entrer à nouveau dans le restaurant, il tente de lui prendre la main qu'elle lui dérobe d'un sourire désolée. Elle s'excuse Chloe, elle est polie ou presque s'il n'a pas conscience qu'elle lui ment effrontément, qu'elle n'est pas venue avec quelqu'un mais qu'elle est bien seule. Qu'elle s'en contente amplement. Elle ne veut juste pas le blesser dans son orgueil, elle ne veut simplement pas qu'il s'incruste plus longtemps non plus.

Mais il la suit et ça l'énerve. Assez pour allonger la nuque, suffisamment pour chercher avec un désespoir qu'elle masque parfaitement un visage connu, n'importe lequel, même un lien d'une autre vie s'il le faut rien que pour se greffer à quelqu'un d'autre et se débarrasser de la silhouette de son ancienne conquête qui la suit comme son ombre.

C'est sur Caelan que ses prunelles se posent, lui qui arrive à sa rescousse sans même s'en rendre compte, quand elle dévie à la table où il est posté, quand elle ignore qui que ce soit d'autre évolue autour de lui pour passer avec un naturel désarmant son bras sous le sien, pour l'attirer à elle en chuchotant un « 5 minutes et ensuite tu seras libre de retourner à tes plans. Désolée du dérangement. »  complice, suppliant. Chloe qui croise maintenant le coup d'oeil de son incruste du moment, il fronce les sourcils, il attend elle sait pas quoi, lorsqu'elle entame un pas vers le bar à l'opposé de lui, le Leckie auquel elle s'accroche en se jurant qu'elle lui rendra ce service au centuple dès qu'il aura besoin.