Rester figé sur place, comme si ce simple fait allait réparer tout ce qui avait été brisé entre eux. Quoiqu'il puisse en dire, Wren en était le premier responsable, il était celui qui avait commencé après tout. Lizzie n'avait fait que répéter la tactique, ne se doutant même pas une seule seconde qu'elle ne fonctionnait pas le moins du monde. On pouvait toujours s'éloigner physiquement de la personne qu'on aimait mais elle restait fixée au fond de son coeur, quoiqu'il arrive. Doherty aurait certainement dû lui expliquer avant de partir la dernière fois mais il n'avait pas eu la tête à sortir des centaines d'arguments que Potter n'aurait, de toute façon, pas écoutées. Alors, comme d'habitude, le suédois n'avait rien dit, ce qui détonnait très nettement avec sa réaction cette nuit-là. Il parlait là, il en disait sûrement trop, pire il en faisait trop en se mêlant aux choix de la belle brune. C'était lui qui avait d'un coup de talon avait terrassé le flacon sans que, pour autant, elle ait pu dire adieu à son addiction. C'était juste symbolique bien sûr puisque le suédois en avait encore tout un stock quelque part mais il ne voulait plus discuter avec la Lizzie ombragée qu'il avait fréquenté ces derniers temps. Il voulait la vraie, la pure, la cent pour cent Potter dont il ne pouvait pas se passer. Elle occupait le moindre espace de son coeur et de sa tête, peut être même qu'elle s'était emparée de son âme, ce qui faisait de lui un être humain à part entière et Wren aurait dû lui en vouloir de cet acte ravageur mais une bonne partie de lui la remerciait de l'avoir rendu si vivant depuis douze ans. Alors, pourquoi s'entêtait-il à lui répondre sur ce ton? A blesser pour trouver les réponses qu'elle refusait de laisser apparaître à la surface? Doherty avait peut être encore envie d'y croire, savoir que l'issue n'était pas aussi fatale qu'elle en avait l'air et que, quelque part, au fond de ce corps si frêle se trouvait une femme qui était désespérément amoureuse de lui, autant que lui pouvait l'être d'elle. Le dealer n'en savait trop rien mais dans tous les cas, il avait tout sacrifié pour cela, même un flacon de drogue, ce qui voulait clairement dire beaucoup dans son langage. Forcément, Lizzie n'était pas d'accord avec cela et elle le giflait de nouveau, sur l'autre joue cette fois et Wren ne dit rien. Encore et toujours. Il méritait toute la violence du monde, de cela au moins il avait conscience, de la part de Potter était une évidence d'ailleurs. La laisser parler, la laisser croire tous les mensonges qui habitaient son cerveau alors qu'il restait neutre, aussi froid qu'à l'accoutumée. Connard précieux. Connard amoureux. Connard qui fonça sur ses lippes comme un animal en manque et il allait sûrement récolter la troisième gifle de la soirée mais il s'en fichait royalement. Là, tout ce qu'il voulait, c'était lui montrer qu'il aurait pu lui offrir le monde à ses pieds parce que quand il aimait, c'était fou, c'était fort, c'était inéluctable. Elle ne pouvait rien y faire, Lizzie, s'il l'aimait, elle ne l'avait pas choisi, pas plus que lui mais bon sang qu'il s'abreuvait de son parfum, la colère lui faisant perdre les pédales autant que l'affection qu'il avait pour elle à ce moment-là. Se détacher était difficile, respirer l'était d'autant plus mais c'était une nécessité, une obligation qu'il n'aurait plus une fois qu'elle aurait choisi de quitter sa vie pour de bon. "J'aurais pu te filer tout ce que t'as même jamais rêvé mais t'en as pas voulu, Lizzie. Par frousse. Par putain de frousse. T'as choisi la facilité, ouais, en te noyant dans ces merdes étalées au sol parce que putain, c'est tellement plus aisé de ressentir du factice, hein? Je sais de quoi je parle... A ton avis, pourquoi je suis de retour là, hein? A cette place de timbré, pourquoi?" Parce que sans elle, il n'y croyait plus une seule seconde. Sans elle, il hurlait dans le vide et il préférait largement le faire à ses côtés, la regardant avec ses yeux si clairs qu'ils auraient pu devenir des fantômes mais c'était ce qu'elle faisait ressentir en lui. Tout. Le bon comme le mauvais. Elle le guérissait même ce putain de mauvais, sans le savoir mais elle avait foutu en l'air leur destin. Foutu en l'air leur coeur respectif sans que Wren n'y comprenne rien et là, il n'avait plus rien à dire. Plus rien à exposer, son âme avait été étalé sur les lippes de Lizzie et elle pouvait de nouveau l'écraser, il ne cillerait plus face à cela.

Tout part de nouveau hors de contrôle. Tout ce qu’elle peut dire, tout ce qu’elle peut s’animer à essayer de lui faire comprendre, les mots qui partent, qui coulent, qui s’envolent de ses lèvres ne sont pas réfléchis. Déteste-moi mais garde-moi près de toi. Je veux faire encore partie de ta vie, quelque part, même si j’ai le mauvais rôle. Lizzie ne peut plus faire comme avant, comme l’adolescente perdue et en larmes qu’elle avait été, brisée à jamais par un coup sur un briquet. Là, Wren avait réduit à néant un flacon Ô combien précieux mais c’est son cœur qui subit le coup de savate. Des pilules qui raccrochent ce palpitant à des filaments de vie de façon grotesque, qu’elle se plait à croire que ça lui suffit pour errer dans ce monde.
Mais c’est loin d’être le cas.

Et quand Wren s’éprend sur ses lèvres, c’est tout son monde qui vacille de nouveau. Cette bataille-là, elle ne veut pas non plus la lui laisser gagner et ce n’est pas la surprise de le sentir de nouveau entre ses lèvres qui change ça. C’est brûlant, c’est passionné, c’est frénétique et Lizzie n’a pas le temps de réfléchir que ses propres mains viennent quérir son visage pour ne pas qu’il parte. Bon dieu qu’il lui a manqué, bon sang qu’il est beau à en crever, bordel qu’elle pourrait fondre littéralement parce que c’est tout ce qu’elle est capable de faire à cet instant précis. Pourquoi ils s’infligent ça, est-ce que c’est une tactique pour lui faire regretter plus qu’elle ne l’est déjà ? Bourrée de larmes, bourrée d’alcool, bourrée de regrets. Et en manque de tout, mais surtout de lui, rien que lui alors qu’il s’éloigne.
Ses paroles ne font qu’accentuer ce sentiment d’une espèce de vengeance à son égard. Lizzie a le palpitant qui est en train de mourir et elle réalise une chose cruciale. Quelque chose qu’elle aurait dû se rendre compte bien avant. Elle ne pourra jamais être amie avec Wren. Elle ne pourra jamais se contenter de juste être là pour lui comme elle l’a si souvent répété. Elle l’observe parler mais c’est comme si ses oreilles ne l’entendent pas, ses yeux perdus dans sa contemplation la plus totale. Wren ne pourra jamais être traité comme les autres. Elle le savait déjà mais maintenant elle en est persuadée. Il a l’air de lui parler de tout ce qu’il aurait pu lui offrir et le temps employé démontre que ce n’est que du passé maintenant. Lizzie se réveille à ses dernières questions et ses yeux bruns se posent sans équivoque dans ceux de Wren, sa respiration n’ayant pas été calmée pour un rond par ce qu’il vient de se passer. « J’ai failli être violée, Wren, et tu me blâmes de vouloir ressentir du factice ? Que j’ai la frousse ? Tu sais ce que c’est, d’avoir un trou noir dans la tête et de se réveiller les vêtements arrachés sans savoir ce qu’il s’est passé ? Tu as peut-être oublié mais moi non, Wren. C’est incrusté, c’est présent partout et ça me bouffe toujours. Alors oui, j’ai déconné ce soir-là. Oui, je n’aurai pas dû t’embrasser et encore moins faire ce qu’on a fait. J’ai abusé de ta propre faiblesse et je n’aurai pas dû. Mais ne me dis pas que tu sais ce que je peux ressentir. » Sa mâchoire était crispée et se remémorer tout ça laisse perler des larmes de rage. Envers elle-même, envers Wren, envers cette putain de soirée qui a bousculé son existence entière. Et cette nuit, fichue nuit où elle a complètement déraillé parce qu’elle était faible et qu’il était là et qu’il lui faisait ressentir comme il n’a eu de cesse de le lui répéter, unique. Où elle ne s’était jamais autant sentie vivante et en paix avec elle-même qu’avec ses mains sur elle, la recroiser que la pierre la plus précieuse au monde. Et ça lui donne le vertige d’y repenser. Alors elle préfère occulter. « Dis-moi, vas-y, pourquoi t’es de retour ici si ce n’est pas à cause de moi alors ? » A son tour de le toiser. Même s’il fait deux têtes de plus qu’elle et qu’elle n’est nullement impressionnante. Mais Lizzie sait qu’elle a le même impact sur lui qu’il a sur elle. Qu’elle se perdrait en lui sans concession si elle se laissait aller. Une nouvelle fois et à jamais certainement.

Elle répondait à son baiser et c'était enivrant, plus que jamais, même si cet acte n'avait aucun sens. Est-ce qu'on devait chercher du sens en tout, d'ailleurs? Avec eux deux, c'était peine perdue. Ils se trouvaient pour mieux se jeter, ils s'aimaient pour mieux se mépriser alors autant dire que la logique n'avait jamais été leur alliée la plus précieuse. Wren s'en fichait de la logique à ce moment-là, tout ce qu'il voulait, c'était qu'elle éprouve ce qu'il éprouvait, qu'il l'aimait et qu'elle avait beau le meurtrir, ce n'était pas pour autant qu'il arrivait à l'oublier. Wren était dupe en bien des points mais pas sur celui-là parce que Lizzie avait toujours été l'éclair de son existence, celle qui le ramenait sur Terre quand il avait tendance à y creuser son trou. Ce soir-là encore, sa présence présageait peut être un sauvetage pourtant non désirée parce qu'il était évident que Doherty se serait enfoncé une aiguille dans le bras à peine le dernier client tournait dans la ruelle d'à côté, il n'était plus que ce type là. Sombre et chagrin. Rien d'autre qu'une accumulation de fioritures qui ne plaisaient plus à personne mais au moins, il était utile au plus grand nombre en refourguant sa came. Elle ne lui faisait plus autant d'effet d'ailleurs, pas autant que les lèvres de Lizzie Potter, cela il le savait, même s'il s'en détachait à contre-coeur. Il devait parler, sentant néanmoins que la jeune femme ne s'intéressait guère à son piètre discours. Quand est-ce qu'elle comprendrait? Quand est-ce qu'il lui dirait honnêtement ce qu'il ressentait? Avec le nordique, on n'était sûr de rien, jamais, sauf peut être de cette souffrance intrinsèque qu'il avait toujours mis sur le compte de sa famille dysfonctionnelle. Il devait assumer qu'il était fautif, qu'il était celui qui était en quête d'illusions, celui qui serrait les poings en écoutant la réponse de Potter. Celui qui s'enrageait à nouveau. "Parce que tu crois que ça m'a rien fait, à moi? J'ai peut être pas été touché physiquement, t'as raison mais putain, qui est-ce qui t'a trouvé comme ça? C'est moi! J'étais là, Lizzie, tu veux que je te raconte? Tu veux que je te dise que j'ai ai agi en monstre pour te sauver? Oui, c'est ce que j'ai fait et je regrette pas une seule minute d'avoir essayé de cramer le mec qu'a osé poser ses pattes sur toi. J'ai fait ça et les souvenirs de toi dans cet état, ça me hantera toujours. Alors, non, je sais peut être pas ce que ça fait d'être à quelques secondes d'un viol, mais je sais ce que c'est de flipper à l'idée de pas être à la hauteur de quelqu'un. J'ai rien oublié du tout alors tu fais chier avec tes regrets. Je les aime pas tes regrets, je les hais parce que bon sang, je regrette putain de rien, tu m'entends?" Même pas d'avoir sorti son briquet pour immoler un sale type. Même pas d'avoir répondu au baiser de Lizzie alors qu'il avait conscience qu'elle n'était pas prête pour autant d'intimité. Il était un connard égoïste et c'était ce qui le tuerait, assurément, mais pouvait-il regretter d'avoir tenu en vie l'amour de sa vie? Parce qu'elle l'était, là, à essayer de s'imposer face à lui alors que Wren desserrait les poings, sachant pertinemment que Lizzie connaissait déjà la réponse à toutes ses fichues questions. "T'as pas le droit de me demander ça, je crois. Et ma réponse changerait quoi, hein? Le pire, c'est que tu croirais à tous mes mensonges, on en a déjà été témoin." Parce qu'il serait obligé de lui mentir, lui sortir toutes les excuses bidon d'un passé qu'il n'avait pas su maîtriser, d'un père violent à une mère dépressive, d'une rage envers lui même quand tout le monde savait que le fruit de tous ses mauvais gestes résultait d'un trop plein d'amour inassouvi. Un amour que ses yeux laissait perler en la toisant à son tour, campé sur ses grandes jambes, trop proche et pourtant trop loin d'elle. Un paradoxe qui le bouffait de l'intérieur et qu'il voulait à tout prix annihiler.

Non, il n’a pas besoin de lui raconter, elle ne veut plus y penser. Stop, ça suffit. Et pourtant. Lizzie garde les yeux cloués vers lui, visés sur son apparence inhabituelle mais qui ne manque quand même pas de la charmer. Wren n’a pas besoin de grand-chose pour ça, étant juste le seul à capter son attention de la sorte. Parce qu’il y a tout le bagage qu’elle traine à son égard et que c’est tellement lourd que c’est impossible à passer outre. Lizzie se tapie un peu plus contre elle-même alors qu’il hausse le ton et qu’il lui martèle qu’il ne regrette rien. Alors qu’elle, elle regrette tout. Même de l’aimer car même ça, elle n’y arrive pas comme il faut. Totalement maladroite avec les sentiments et complètement paumée avec Wren. Pourtant, tout semble être aussi clair que de l’eau de roche. Mais ils s’aiment certainement beaucoup trop pour que ça soit sain et surtout qu’elle puisse tenir le cap. C’est bien trop puissant pour ses frêles épaules alors que son regard dévie vers le flacon qui gît au sol. « Tu vois pas que c’est là tout le problème, Wren ? Ton overdose car tu préférais partir plutôt que blesser tes proches, me blesser moi. Ce type qui t’a fait péter un câble, te poussant à l’extrême le plus total à cause de moi. Maintenant ta ‘reconversion professionnelle’ parce que j’ai été qu’une salope d’égoïste alors que tu venais seulement chercher de l’aide. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, là-dedans, tu peux le comprendre ? » Son pied vient tâter inutilement le flacon, comme s’il est plus intéressant que le suédois qui se tient devant elle. Parler mais sans l’affronter, se confier mais ne pas se montrer. Exploser sa vérité à elle sans savoir si ça a du sens, s’il l’acceptera et, pire, s’ils s’en remettront. La jeune fille s’accroupit mollement pour passer les doigts sur la poudre blanche mal écrasée alors que son visage grimace de douleur face à cette vision. « C’est moi, ta malédiction. » La boule au ventre, Lizzie finit par passer une main rageuse sur son visage parce que ces fichues larmes (de colère) ne cessent de s’échapper avant qu’elle prenne le flacon pour le faire vriller de l’autre côté dans un mouvement de rage. « Et t’as rien fait pour m’arrêter. Tu m’as pas stoppé, tu m’as laissé faire. Pourquoi t’as pas réagi ? T’aurais pu nous épargner tout ça mais t’as rien fait, absolument rien. » Tu m’as laissé t’embrasser, tu m’as offert l’opportunité de t’utiliser à des fins complètement narcissiques. Sa voix est accusatrice comme si ça lui fait du bien de pouvoir partager cette peine qu’elle se trimbale depuis des jours sur le cœur et dans l’esprit alors qu’elle se remet gauchement sur ses jambes, le regard brûlant sur Wren, ses poings se contractant pour lui donner la force de le confronter comme il se doit.

« Tu m’as tellement donné cette nuit-là et moi, je n’ai rien d’autre à offrir que l’envie de me terrer et de me protéger parce que c’est devenu une telle habitude que je ne sais pas comment réagir autrement. Et ça me terrifie, tu me terrifies. C’est moi qui ne suis pas à la hauteur de ce que t’attends. Mes regrets, c’est moi qui les porte et qui les subis. Je les chéris, même, car ils me permettent de garder un pied dans la réalité et de ne pas me laisser envoler trop haut. Parce que je sais, Wren, je sais ce qu’il se passera si je me laisse défaillir. Tu seras là, ça sera beau, ça sera magnifique mais ça finira par se retourner contre nous un jour ou l’autre. Et je refuse, je peux pas subir ça de nouveau. » Lizzie n’a pas la prétention d’avoir une boule de cristal et de lire l’avenir mais c’est bien ça qui est flippant. S’attacher de nouveau et prendre le risque d’une nouvelle séparation, elle n’est pas sûre qu’elle pourrait en survivre. « Alors je préfère peut-être croire tes mensonges car au moins, eux, ils m’éloignent de toi. C’est ce que tu voulais, à la base, non ? Tu m’as brisé pour que je ne t’approche plus et, bordel que ça a fonctionné. Pourquoi ça ne fonctionne pas dans l’autre sens, là ? Pourquoi tu veux tout compliquer, Wren ? » La jolie brune lui martèle ces mots tout en enfonçant son doigt puis son poing dans son torse pour le faire réagir, le faire bouger, le faire chanceler comme elle peut le faire. Mais il est plus solide qu’elle, Wren, malgré tout. « Et ne me dis pas que tu regrettes rien. Ne me dis pas que notre rupture était quelque chose que t’as accepté. J’y croirai pas. » Elle lui balance ces dernières paroles avec bien trop de proximité, pouvant presque déceler toutes les nuances de la couleur des yeux du suédois à ce moment-là. Il n’y a vraiment que lui pour la mettre dans des états comme ça, aussi passionnée que tempétueuse.

Est-ce qu'il avait encore un neurone, quelque part, à l'intérieur, qui accomplissait sa mission première? Wren n'en était même plus certain. Il était assommé de tous les mots que Lizzie lui disait et il aurait bien aimé y répondre au fur et à mesure, tenter de contrer ses attaques mais il était bloqué. Complètement paralysé. Peut être que c'était ce que la belle brune souhaitait, qu'il ne puisse plus réagir, qu'il se retrouve juste en face d'elle avec ses petits poings qui le prenaient en traître, en même temps que ses discours si perturbants. Elle allait vraiment résumer toute leur relation à une simple overdose de sa part? Qui n'en avait pas été une soit dit en passant mais Wren n'avait pas le temps de lui répondre, il ne pouvait que la laisser continuer, même si sa réponse était là quelque part au fond de son cerveau malade. Je le comprends, Lizzie, mais ça m'empêche pas de t'aimer comme un dingue. Rien. Le silence. Le débat continuait toujours, totalement unilatéral avec une Potter remontée à bloc qui ne tenait clairement pas à ce qu'il prononce le moindre mot. Elle devait avoir peur, le jeune suédois ne voyait que cela parce qu'il avait conscience du certain pouvoir qu'il exerçait sur elle et il n'était pas dupe, elle l'avait elle-même toujours su. Ils étaient liés, pour le meilleur et pour le pire alors, elle pourrait lutter tout ce qu'elle voudrait, sortir toutes les âneries qu justifieraient ses fuites, cela n'éloignerait pas pour autant leur indigne réalité. Elle continuait, elle l'assénait, elle s'assimilait à une malédiction et Wren eut un rictus maussade, forcément. Ou juste la plus belle chose qui me soit jamais arrivée. La seule chose, même. Rien. Le silence. Wren n'avait pas le temps de trouver les mots adéquats, lui qui les utilisait si peu et qui, pourtant, s'avérait être suffisamment talentueux dans l'exercice pour se sortir des pires impasses. Est-ce que cela marchait vraiment avec Lizzie Potter? Rien n'était moins sûr parce qu'elle faisait tout pour lui résister, qu'elle avait cette force d'esprit que Wren n'avait jamais essayé de tuer, bien au contraire, il tenait à la cultiver. C'était ce qu'il appréciait chez elle, ce répondant, cette manière qu'elle avait de le toiser, de continuer à marteler ses mots un à un, un doigt accusateur posé sur son torse. Wren immobile, mais Wren pas inconscient pour autant. T'arrêter, pourquoi t'arrêter? Tu sais très bien pourquoi je t'ai pas stoppé, on en revient toujours à ça, au fait que mon amour pour toi est trop fort pour que je puisse faire quoique ce soit de censé. Rien. Le silence. Et à nouveau, un monologue à la Potter qui n'en finirait peut être jamais. Wren essayait de suivre, il était présent autant que possible, à essayer de comprendre ce qui bloquait Lizzie. La peur. La frousse. La tétanie. La peur de l'avenir. La peur que cela se termine. La peur que leur histoire ne tienne pas la route. La peur qu'il parte de nouveau en courant dès qu'il se sentait mal en point. C'était elle qui l'éloignait pour ce qu'elle pensait être son bien mais bordel, qu'elle avait tort, bordel qu'il aimerait la contredire. Alors tu préfères ne pas vivre du tout, excellent choix, Potter. Ne pas prendre de risque, vivre une vie de merde, tout ça pour éviter une fin dont on ne sait rien. Rien. Le silence. Cette fois, elle arrivait au bout de sa litanie, Wren le sentait et il restait aussi impassible que possible alors que cette fois, c'était à elle d'en arriver au silence, essoufflée d'avoir autant parlé quand lui n'avait rien dit, mais il n'en avait pas pour autant moins pensé. Il laissa quelques secondes de pause parce qu'ils en avaient tous les deux besoin et puis, Wren ne parlait jamais pour ne rien dire, pas sans avoir choisi précieusement les mots qu'il allait utiliser, il ne rigolait pas là dessus. Jamais. "Peut être parce que j'avais dix huit piges et que j'étais con de penser que c'était une bonne solution. Ouais, j'étais jeune et con, j'ai fini par changer d'avis arrivé à trente ans. Je complique rien du tout, c'est toi qui le fais. C'est très très simple de mon côté. Depuis que j'ai joué au con avec cette fameuse rupture justement, j'ai eu le temps d'en faire des conneries, de me convaincre de plein de choses merdiques mais j'en reviens toujours à la base et peut être qu'à un moment donné, il faut accepter ça. Accepter que je suis pas ce gars qui ressent rien pour personne. Si tu comprends pas que je complique tout à tes yeux parce que je t'aime comme un dingue, Lizzie, là je peux plus rien pour toi, je t'assure." Trop. Le silence. Et Wren qui avait élevé la voix sur la fin en exposant cette putain de vérité qu'il était capable d'offrir qu'en ayant trois grammes dans le sang, que ce fut d'héroïne ou d'alcool, voire des deux en même temps. Là, il était sacrément sobre et il ne pourrait pas les oublier le lendemain.

Il y a un flottement dans l’air à la fin de ses paroles. Comme si ça avait été la chose la plus épuisante qui lui a été donnée de faire ces derniers jours, un marathon de mots qui s’enchainent et qui se chevauchent, dépassant sa capacité totale à toute retenue, à toute contenance. Elle est essoufflée, elle est complètement achevée par ce qu’elle vient de dire, qui énumère chaque chose qui part en vrille dans sa tête. Elle a ouvert les casiers et toutes les boites de Pandore dans un but qui lui échappe. Avoir la satisfaction de voir Wren silencieux ? Non, certainement pas ça. Elle n’a jamais aimé quand il est silencieux, quand il se contracte sa mâchoire sans rien dire, que ses yeux sont bien suffisants pour montrer qu’il y a une tempête à l’intérieur qui n’attend que de surgir. Lizzie a toujours mis un point d’honneur à ce qu’il lui parle au moins à elle, qu’il ne garde pas tout pour lui. Pour justement éviter tout ce qui est en train de se passer, que ça le bouffe, ça le ronge et l’entraine vers une trajectoire qui n’est pas digne de lui, pas digne de ce qu’il peut apporter au monde. Ni même à elle. Avoir réussi à mettre un sens à ce qu’elle ressent, à exploser comme une grenade en attente depuis bien trop longtemps d’exposer ce le tic-tac incessant qu’est son cœur. Lizzie ne devrait même pas rester, elle n’aurait même pas dû tout lui dire car ça la rend vulnérable et face à Wren, c’est dangereux. Car il va réussir à la mettre ko en retour, il va pouvoir l’utiliser contre elle, il va vouloir contrer tout ce qu’elle a dit. Il va peut-être vouloir lui prouver à quel point elle a tort et peut-être qu’il va prendre son pied à la torturer un peu plus. Elle n’en sait rien, Lizzie, car il reste silencieux et que l’interprétation est vague et incertaine, tout comme cette rencontre surprenante et détonante. La brune n’aurait pas pensé le revoir aussi tôt, elle n’aurait pas songé une minute qu’elle le reverrait surtout dans ces conditions. Elle en manque, lui en dealer, c’est juste un portrait pitoyable. Deux âmes qui se déchirent au lieu de se quérir. A quelle fin, à quel but ? Juste le plaisir de se voir souffrir ; mais cette souffrance est proportionnelle à leur amour, forte, dingue, complètement folle et à en perdre la raison. Et la vie certainement.

Quand le suédois finit enfin par s’exprimer, Lizzie est attentive comme jamais. Ses yeux plantés sur ses lèvres qui parlent, même lèvres qui arrivent aussi bien à la tuer qu’à la soulager, la scinder qu’à la remettre en place. Il n’y a pas de demi-mesure le concernant. Le sujet Wren Doherty est un cas sensible car il réveille bien trop de choses, il secoue alors qu’elle ne veut rien ressentir. L’impression d’avoir sa liberté prise au piège dans des mains bien trop grandes qui ne sont pas les siennes. Être dépendante de cachets est déjà une chose mais qu’est-ce qui se passe quand son cœur ne vous appartient plus et qu’il ne bat qu’aux rythmes et grés d’un autre ? C’est exactement ce qu’elle ressent à ce moment-là alors que Wren lui expose la simplicité même du sujet. Sa voix augmente, se répercute à travers le creux de la ruelle et Lizzie ne l’entend que trop bien jusqu’aux propres parois de son for intérieur. Elle a une douche froide qui semble l’accueillir quand il s’arrête - ou alors c’est ce que provoque un cœur à l’arrêt ?

“si tu comprends pas que je complique tout à tes yeux parce que je t'aime comme un dingue”
“je complique tout à tes yeux parce que je t'aime comme un dingue”
“parce que je t'aime comme un dingue”
“je t'aime-”
Elle arrive là, la troisième gifle de la soirée.
« La ferme, Doherty. »

Les câbles ont pété, les fusibles ont grillé. Si Lizzie tremble, ce n’est plus vraiment à cause du manque, ça sera pour plus tard sûrement. Pour l’instant, c’est l’effervescence du moment qui l’emporte, qui la scinde, qui la fait revivre d’une certaine façon. Elle devrait sûrement réagir autrement, être envoyée plus près des cieux et s’abandonner pleinement à cette déclaration qu’elle a cherché sans vraiment le savoir. Il devrait y avoir un poids en moins, une légèreté soudaine de l’entendre prononcer ces mots. Mais ça fait tout l’inverse. Lizzie n’est pas prête à les recevoir, pas plus que les ressentir. Wren a toujours eu une force dans sa façon d’être et d’aimer qu’elle est à mille lieux d’avoir. Alors dans toute son indignation la plus totale, ce sont ses propres yeux bruns qui lui jettent des éclairs, impétueux et flamboyants. Toujours plus vivante pour lui, même si elle se meurt un peu plus de ce qu’elle laisse partir. « T’as toujours été un beau parleur. Si c’est ta façon de me montrer à quel point je t’ai blessé, ta propre petite revanche personnelle, c’est réussi. T’as gagné. » Préférer voir là un mensonge, une façon de prendre sa propre revanche envers l’utilisation qu’elle a eu de lui, voilà ce qu’elle peut faire. Ramasser les débris de son palpitant en même temps que de ses pilules. Ne pas accepter cette putain de déclaration fortuite et spontanée qu’elle sait être brûlante de vérité parce que Wren le lui a prouvé, il le lui démontré par leur nuit passée ensemble. Dans chaque geste caressant, chaque baiser fiévreux, chaque regard délicat porté sur elle, doux et protecteur, à l’inverse total de maintenant.

Sa propre mâchoire se raidit alors qu’elle fait un pas osillant puis un deuxième en arrière.
C’est pour le bien d’eux deux et un jour Wren le comprendra.

La gifle lui martelait la joue, mais pas aussi fort que le coeur. Il avait à peine fini de parler qu'elle lui assénait le coup fatal et sa lèvre inférieure saignait en conséquence parce qu'il l'avait mordillé d'angoisse en se rendant compte de ce qu'il venait de dire. Finalement, était-ce sa lèvre ou son coeur qui saignait? Le deuxième plus que le premier alors que Wren laissait un petit rire courir dans ses cordes vocales parce que, évidemment, que Lizzie allait assimiler de tels mots à des mensonges. Evidemment, qu'elle allait trouver la parade pour fuir en le traitant de beau parleur, ramassant ses pilules écrasées comme une junkie en manque. Et là, en cet instant, il la trouvait injuste, il la trouvait immonde et peut être qu'une part de son coeur la détestait enfin. Cela faisait plusieurs fois maintenant qu'il s'offrait corps et âme à la petite brune et voilà ce qu'il récoltait à chaque fois: des mots cruels, des gifles qui tuaient le reste de ses petits neurones et il n'y avait plus rien de vivant chez Doherty, plus rien qui ne valait le coup parce que Potter reculait à nouveau mais est-ce qu'il allait la laisser faire? Est-ce qu'il allait la laisser gagner comme elle l'avait laissé gagner douze ans auparavant en s'en allant malgré ses protestations? Non, parce que Wren n'était pas ainsi, il n'était plus ainsi en tout cas et c'était la seule chose qu'il voulait lui dire, la seule chose qui faisait encore sens dans son cerveau détraqué. Alors, il s'approcha malgré la distance imposée par Lizzie, sourire aux lèvres, provocateur jusqu'au bout parce que, bon sang, elle savait très bien qu'il ne lui mentait pas. Il lui avait menti une seule et unique fois et il en avait payé le prix pendant douze ans, à quoi bon recommencer maintenant alors qu'il était déjà dix pieds sous terre? "Ferme là toi même, Potter. Avec tes putains de réactions de môme là. Tu fuis encore, quelle surprise. Wren Doherty t'aime et toi, hop direct, tu ramasses tes petites pilules à la con en reculant parce que c'est trop dur à supporter d'être aimée par quelqu'un. T'as peut être raison, peut être que je mérite mieux que quelqu'un qu'a pour seule réaction un ta gueule et barre toi avec une bonne gifle quand il ose enfin laisser son coeur s'exprimer. C'est ça que tu voulais, me briser? Bah, t'as réussi, Lizzie Potter parce que si tu ruines mon coeur encore cette nuit, je pourrai plus jamais te le donner, il a assez pris entre tes doigts. Alors, ouais, je t'aime mais crois moi que si tu fais ça, que si tu fuis, si tu restes faibles, je vais te détester de toute mon âme et tu pourras pleurer tout ce que tu veux, je te laisserai dans ton coin. Fini les sauvetages, fini les belles attentions, fini les moments de faiblesse où je suis le connard qui croit que t'offrir ce que tu désires, ça te permettra d'ouvrir les yeux sur ce que tu ressens. Fini, tout sera fini et là, Lizzie, ce sera ta faute, tu entends ça? Ce sera ta putain de faute parce que j'étais là, que je me suis offert à toi et t'as pas saisi ta chance. Pas une fois, pas deux fois, trop de fois. Putain de merde." Il était enragé en la toisant parce qu'il ne lui ferait pas le plaisir de lui tourner le dos, plus jamais. C'était à elle de le faire, elle de tout ravager et Wren la laisserait agir parce qu'il ne reviendrait plus vers elle. Son choix serait fait.

Le réflexe qu’elle aurait eu de porter sa main sur cette lèvre amochée qui perle, une boule d’excuses prête à être déversée à la seconde même. Lizzie garde cependant sa main pour elle, se contentant de cette vision où Wren se met à rire, le genre sans chaleur, sans émotion, vide. Elle se sent soudainement tellement ridicule, salement amochée elle-même, fierté qui a été secouée et distillée un peu partout autour d’eux comme une carcasse d’animal dépecé. La tête lui tourne, plein rien n’a de sens à part… A part Wren qui se redresse et Wren qui s’approche. Alors Lizzie a le réflexe de reculer, mais il ne perd pas sa trajectoire, un sourire aux lèvres sans qu’elle puisse l’interpréter. Clairement elle est la proie et lui le carnassier qui cherche à la bouffer alors qu’il la toise, déferlant toute sa rage et son énervement dans ses paroles. Violentes, une nouvelle fois, mais brillantes de passion et d’énergie.

Il lui répète ce qu’elle sait déjà mais l’entendre le dire est percutant et la voilà de nouveau contre ce fichu mur, la seule chose solide que l’on retiendra de cette confrontation. Parce que le reste, tout semble être dans un épais brouillard irréaliste, sans qu’elle ne sache vraiment comment ils en sont arrivés là. « Je sais déjà ce que je ressens. Je suis absolument dingue de toi et ça me rend vulnérable, ça donne trop d’impact sur tout en moi et ce n’est pas possible. Je t’aime encore à crever, et c’est- Putain c’est terrifiant, Wren ! T’as un pouvoir total de vie et de mort sur moi et je sais pas si c’est normal, si c’est sain comme sentiment. » Et pourtant, ça lui semble tellement naturel, l’aimer comme respirer. L’accepter et être digne du sien en retour est une autre paire de manche. Une manche que Wren ne comprend pas, qu’il n’arrive pas à assimiler parce qu’il s’en fiche. Il lui fout un dilemme pur et simple dans la figure et Lizzie ne veut pas prendre de décisions, pas celle-là.
La jeune femme ne peut pas retenir les nouvelles larmes qui coulent, d’épuisement, de faiblesse, d’énervement, de désespoir. Et elle ne retient pas non plus ses mains qui viennent se poser sur chaque côté du visage de Wren, si proche et cruellement bien trop loin. « S’il te plait, Wren, ne me rayes pas complètement de ta vie pour ça. Je peux essayer d’aller mieux, on peut encore essayer de le faire ensemble mais juste pas comme tu le voudrais. Pas maintenant. Ne claque pas la porte définitivement, s’il te plait, Wren, ne fais pas ça, je pourrai pas le supporter. » Un esprit peut être masochiste que de vouloir rester dans sa vie coûte que coûte. Parce que Lizzie préférerait encore avoir le trou de judas sur sa vie qu’une porte blindée la coupant définitivement de tout.

Cette histoire allait beaucoup trop loin et Wren n'avait pas eu le droit à la moindre préparation mentale avant d'en arriver là, à cette déchirure. Il la ressentait jusqu'au bout de lui-même et sa respiration en prenait un sacré coup parce que Lizzie parlait encore et que le tout détonnait avec le message qu'elle avait essayé de porter jusque là. Elle l'aimait. Elle doutait de la valeur de leur amour cela dit et c'était quelque chose qui faisait mal, quelque chose que Wren n'aimait pas non plus parce que c'était normal de se laisser aller quand on aimait quelqu'un aussi fort que cela. Pourquoi continuait-elle de le rejeter, de le mettre de côté, de le blesser? Ce n'était pas ainsi que les événements auraient dû s'enchaîner, tout comme il n'aurait jamais dû la quitter à la base mais c'était ce qui était arrivé et on ne pouvait pas revenir en arrière. Alors, maintenant, est-ce qu'ils pourraient revenir de tous les mots qu'ils avaient prononcés? Wren n'était plus certain de quoique ce fut, il ne savait même plus ce qu'il faisait ici en réalité, encore moins ce qu'il était devenu. Il enchaînait les déceptions, les moments où il pensait guérir pour mieux sombrer deux minutes plus tard et il se refusait de continuer à subsister sur cette montagne russe émotionnelle qui l'usait jusqu'à la moelle. "Depuis quand on en a quelque chose à foutre de savoir que c'est sain ou pas? C'est là, c'est tout et qu'est-ce que ça va changer si tu les enfouis tes sentiments? Qu'est-ce que tu vas faire de plus?" Parce que lui n'en savait rien de son côté. Wren n'était pas sûr qu'il ait réussi un jour à vivre sans eux: il avait survécu, plus ou moins, mais sans avoir de réelles sensations au quotidien, pas comme toutes celles qu'il avait pu ressentir en une seule nuit de retrouvailles avec Potter. Rien ne valait cela et en fou d'adrénaline qu'il était, il se fichait pas mal des conséquences d'une telle prise de décision, du moment qu'il pouvait réitérer l'expérience, du moment qu'il pouvait l'aimer. Elle le suppliait d'ailleurs, son visage entre ses mains et Doherty se sentait tout de suite plus petit, même si ce n'était qu'une métaphore supplémentaire dans la longue liste qu'il avait en la présence de la brune. "Et je fais quoi moi en attendant? Je te regarde sombrer encore en espérant que tu te réveilles avant qu'il soit trop tard? Tu crois que c'est viable pour moi? Je peux te soutenir tout ce que tu veux mais il y a rien qui m'indique que tu me choisiras en bout de course parce que je sais pas qui est cette Lizzie Potter. Je la comprends pas. Elle m'aime mais elle veut pas de moi. Elle souffre mais mon aide la détruit. Elle me sauve mais elle essaye de me briser. Je te suis pas, Lizzie parce que moi je te demande un choix clair et net. Pas des demi promesses d'un j'irai peut être mieux je sais pas quand exactement et à ce moment là, on verra. Tu sais très bien qu'on va se faire plus de mal que de bien en choisissant cette alternative parce que tu seras pas avec moi et que je le vivrais mal alors je te ferais du mal et tu me le rendras. Comme maintenant. Je crois que cette fois, c'est à toi de partir, Lizzie, parce que c'est ce que tu veux mais t'oses juste pas me le dire. Je m'en remettrai, t'en fais pas, même si je t'en voudrai." Mensonge. Il ne se relèverait pas sans avoir le coeur de Lizzie entre ses doigts, sans lui offrir le sien mais là, il était trop meurtri pour supporter des mois dans un contexte pareil, il l'aimait trop pour être à ses côtés sans être à elle, la voilà la vérité et ses yeux la lui disaient, brillants d'émotion qu'il terra comme il put. Saloperie de mensonge.

Qu’est-ce qu’elle va faire de plus ? La question serait plutôt de savoir ce qu’elle ferait de moins ? Lizzie n’en a aucune idée, aucune solution ne semble trouver grâce à ses yeux de toute façon. Elle a ce réflexe de protection en ne voulant pas lui accorder ce qu’il veut. Elle a aussi cet instinct de renflouer ses sentiments parce que c’est ce qu’elle a fait pendant des années. Et Lizzie Potter se prélasse fort bien dans ce qu’elle sait faire. C’est rassurant, c’est réconfortant et au moins, il n’y a pas de surprise. La seule surprise étant d’avoir laissé voir à Wren l’étendue de ce qu’elle ressent pour lui et tout ce qu’elle se prive elle-même en plus de lui dans cette histoire. Mais comment est-ce qu’elle peut elle-même lui offrir le meilleur alors qu’elle est complètement cassée de l’intérieur ? Lizzie ne peut pas n’être que l’ombre d’elle-même avec lui, ce n’est pas possible, Wren mérite bien mieux que ça. Il mérite quelqu’un d’entier, un égal, une personne qui saura le chérir et le prendre dans ses bras comme il le faut. L’australienne met de côté les pensées sur la perfection qu’ils sont quand ils ont été ensembles, unis et réunis comme jamais, ce lien plus puissant et fort qu’avant. Elle les met de côté avec force car ça augmente sa douleur, en plus des paroles de Wren qui prouvent qu’il est complètement perdu. Lizzie se déteste tellement alors que ses mains restent autour de son visage, observant les traits fins du suédois réagir sous ses propos. « J’ai passé des années à les faire taire. J’ai l’habitude. » C’est justement les assumer et les vivre qui est plus compliqué. Et ça, Lizzie ne se sent pas apte encore à le faire.

« T’as raison, c’est pas viable. C’est bien ce que j’essaie de te faire comprendre. Je suis pas digne de ça, de tout ce que tu veux m’offrir. J’ai besoin d’aller mieux dans ma tête pour laisser que- non, te laisser entrer. Tous mes chemins me ramèneront toujours à toi. Tu n’as pas à douter de ça. Il faut juste que je trouve la bonne direction. » Est-ce qu’elle peut lui demander du temps ? De la patience ? De l’attendre ? Est-ce qu’elle est légitime dans ces propos ? Est-ce qu’il peut croire qu’elle peut revenir vers lui un jour, dans une semaine ou dans six mois ? Est-ce qu’il sera déjà passé à autre chose ? Si en douze ans il ne l’a pas fait, est-ce que maintenant il la détesterait vraiment pour l’oublier et tourner la page ? Penser que Wren puisse mettre un trait définitif sur elle l’éreinte complètement de l’intérieur. Des années à se chercher pour se retrouver et mieux se quitter. Ce n’est pas comme ça que c’est censé se passer. Lizzie passe une main hésitante dans ses cheveux avant d’embrasser sa joue faiblement. Elle laisse choir sa tête contre cette même joue, les yeux fermés. « Je suis désolée. Vouloir te faire du mal n’a jamais été mon intention, bien au contraire. S’il y a bien une personne au monde que je veux voir heureux, c’est toi. Force de constater que je casse tout sur mon passage. Tu t’en remettras pas parce que t’as échoué ici à cause de moi. Un jour j’aurai la force de te sortir de là. Je te laisserai pas pourrir, Wren Doherty. » Si ça n’est pas une motivation pour qu’elle se reprenne en main, rien ne peut l’être.

Il connaissait déjà la réponse évidemment, il savait ce que Lizzie allait faire parce que c'était joué d'avance, dès le matin où il s'était réveillé tout seul dans le lit de la brune. Dès cet instant, il avait su qu'elle ne resterait pas, qu'elle ne retiendrait pas à ses côtés, pire encore, qu'elle ferait tout pour l'en éloigner. Cette fois, Wren arrêtait de se battre contre un idéal inatteignable, Potter avait gagné, elle l'avait fait sombrer et il acceptait son sort. Il ne parlait plus, sentant simplement les mains de la belle actrice contre son visage avant que ses lèvres ne viennent se poser contre sa joue, son regard abaissé vers le sol. Il essayait de retenir ses émotions, de ne pas lui montrer à quel point lui briser le coeur était la pire chose qui lui arrivait et qu'il l'avait vécu deux fois désormais. Doherty avait juste la sensation que cette fois, il ne s'en relèverait pas. Il n'y aurait plus aucune raison de subsister dans une existence où Lizzie Potter ne lui laissait pas une place et bordel que cela lui faisait mal. Alors, il préféra se taire, indigne de recevoir de tels mots, de sentir le discours de Lizzie contre sa peau parce qu'elle s'excusait de son départ mais lui, est-ce qu'il allait lui pardonner? Après tout, on parlait d'un Doherty qui avait tout donné de lui, le pire comme le meilleur, tout cela pour se faire rabrouer quelques temps plus tard et là, vraiment, il était épuisé de ne pas être assez aux yeux de quelqu'un comme Lizzie, la seule qu'il ait aimé. Sa main remonta délicatement dans les airs pour venir se poser sur une des siennes qu'il caressa doucement, la faisant disparaître tellement elle était petite en comparaison des pattes suédoises. Il essaya de tenir le coup, reprenant une réelle respiration, n'écoutant qu'à peine la promesse de Potter de revenir le sauver de lui-même quand elle aurait réussi à vaincre ses démons. Ce n'était pas ce qui intéressait Doherty désormais, il voulait ne plus rien ressentir, se fermer à tout et tout le monde pour ne pas sentir cette souffrance qui lui bousillait le coeur. Il devait l'évacuer, une larme coulant le long de sa joue, atterrissant sur le doigt de Lizzie, la seule qu'il pouvait faire tomber, la dernière avant un long moment parce qu'il acceptait enfin que le diable prenne possession de son âme, si c'était la seule solution qu'il avait pour ne plus avoir mal. Il rouvrit donc les yeux avant de murmurer, presque indélicatement. "Adieu, Lizzie." Il ne pouvait pas lui promettre qu'il reviendrait de son côté, qu'il la laisserait de nouveau entrer dans sa piètre existence parce qu'il était ce monstre tant attendu, celui contre lequel il avait tant lutté mais c'était fini tout cela, il n'avait plus à le faire. Wren était sombre, en se dégageant des mains de Lizzie, s'échappant de son emprise pour aller récupérer toute sa came et la balancer dans son sac de voyage, prenant à peine dix secondes avant de s'en aller parce que la belle Lizzie avait fait son choix et que Wren, lui, laisserait le sien le hanter dans les pires exactions possibles. Monstre de chaos plus capable d'aimer.