J’avais pesé le pour et le contre. Il était hors de question que je mette les pieds chez Bartholomew Bishop, et le fait de le rencontrer sur un terrain neutre ne m’intéressait pas, pas plus que je n’avais envie de dîner avec Carmina Farrell chez mon cousin. La voir pavaner dans une maison où elle n’avait rien à foutre m’aurait mise hors de moi, et si je n’avais pas envie de voir tous ces énergumènes entre mes murs je suis consciente que jouer à domicile joue en ma faveur. La maison d’architecte que j’occupe à Bayside avec Nolan est magnifique, j’adore y organiser des soirées et événements, et c’est finalement chez moi, dans une décoration parfaitement et de bon goût que avec un staff recruté pour la soirée que je sais pouvoir mener la danse. Et je ne suis pas de celles qui se laissent porter, qui laissent quoi que ce soit au hasard. Je ne sais qui je déteste le plus entre la pièce rapportée par Carlisle, cette petite héritière stupide et Bartholomew, mais ces derniers temps c’est avec lui que j’ai fait front uni. Lui je n’ai aucune chance de m’en débarrasser, son sang coule dans les veines de mon cousin, et malgré les différents qu’ils ont eus avec les années il reste son père. Quand mon cousin a évoqué l’idée de tous passer le réveillon de Noël ensemble pour apaiser les tensions, je me suis donc naturellement proposée comme hôtesse de la soirée.
C’est un peu avant midi, alors que je m’assure que le staff est en place et que le menu du soir est bien compris et la préparation lancée que mon téléphone sonne. Le nom de Nolan apparait et d’instinct, je sais que ce n’est pas bon signe. En déplacement professionnel en Nouvelle Zélande, il est censé arriver en début d’après-midi. A temps pour m’aider à finaliser les décorations, à temps pour compléter le tableau parfait du couple de magasine que nous formons. « Sky ? Mon vol a été annulé, je pourrais jamais être là à temps pour le dîner. » Ma mâchoire se contracte, et mon poing se resserre. Je tente de ne pas perde mon calme, mais pourtant je me sens trahie. Je lui ai demandé d’annuler ce voyage. Je lui ai demandé de rester à Brisbane pour m’aider à préparer les fêtes et les soirées que nous organisons pour l’occasion mais je l’ai senti tendu, fermé, et peu ouvert à la discussion. Il a mis sa décision sur l’importance de ce voyage professionnel, mais je sais qu’après avoir eu vent de ma décision de travailler avec Camil, son collègue et ami, sur sa campagne, il a ressenti le besoin de s’éloigner de moi. Et je ne supporte pas ça, je le vis mal, d’assister à la mort lente et certaine de mon mariage sans rien ne pouvoir y faire. Pas sans mettre ma fierté de côté. « C’est une blague ? » Je tente de réfréner mon énervement, vraiment, mais je pense que mon époux le perçoit. « Je vais tenter de prendre le premier avion qui décolle. Mais c’est la veille de Noël, la plupart sont complets. Je te tiens au courant. » Je sais très bien quel jour nous sommes. Je le sais puisque c’est la raison qui m’avait poussé à lui demander de rester près de moi. Pour ne pas dire quelque chose que je pourrais regretter je lui souhaite bon courage avant de l’embrasser et de raccrocher, les mains qui tremblent sous le coup de la frustration.
L’après-midi touche à sa fin lorsque je sors de la salle de bain, chignon travaillé et maquillage de fête impeccable. Vaniteuse je vérifie une dernière fois mon reflet dans le miroir, ajoute une touche de mon rouge à lèvre rose, avant d’attacher mes imposantes boucles d’oreilles qui hurlent que je touche une paie à six chiffres à la fin de chaque année et un compte en banque à huit. J’ai réussi, j’ai de l’argent et un mariage en apparence parfait, pourtant ce soir j’accueillerai mes convives avec une frustration qui me tord le ventre. J’enfile ma robe noire de couturier, et passe mes escarpins avant de descendre au rez-de-chaussée, pile à temps pour jeter mon grain de sel à la cuisson de la dinde sauce cranberries, citrouille et marron et autres mets prévu au menu de ce soir, ainsi qu’aux buches qui terminent de prendre au frais. Je ne fais pas partie de ceux qui font les choses à moitié. Ceux qui économisent leur argent et font les choses avec parcimonie. Je vis dans l’opulence, c’est écrit sur mon front et je suis du genre à faire en sorte que mes convives le ressentent. Carlisle n’en aura surement que faire, mais Bartholomew Carmina et moi parlons la même langue.
Il est dix-neuf heures lorsque la sonnerie de la porte d’entrée m’interpelle, et ne me dirigeant vers l’entrée je prie pour que mon cousin et sa compagne soient les premiers, l’idées de passer plus de quelques secondes avec mon oncle par alliance me débecte. Nous n’avions jamais rien eu à nous dire, mon père l’a toujours haï et lui déteste toute personne portant ou ayant porté le nom Bradford. Quand j’ouvre la porte, je constate avec un soulagement en demie teinte que c’est bien le couple – ou comment suis-je censée les appeler ? – qui est arrivé en premier. Un sourire aussi radieux que calculé sur le visage, j’embrasse les joues de mon cousin. « Carlisle je suis contente de te voir. » Mes yeux se posent sur la brune à ses côtés. « Carmina, sois la bienvenue. » Je m’efface pour les laisser entrer, agitant la main pour faire signe au personnel de s’occuper de leurs vestes, avant de les entrainer vers le salon ou un vinyle de jazz – appartenant à Nolan – tourne sur la platine. « Je peux vous proposer quelque chose à boire en attendant ton père ? » Mon attention focalisée sur mon cousin, c’est bien la seule chose qui m’aide à rester cordiale. « Enfin, sauf s’il nous fait le bonheur d’avoir un empêchement. » Je n’ai jamais cherché à dissimuler mon animosité envers lui, qu’il sait justifié par d’idiotes querelles familiales qui ne datent pas de notre génération. J’attrape une bouteille de scotch, que je montre avec un sourire. « C’est un Chivas, un vingt-cinq ans d’âge, vous devriez apprécier. » Et je ne peux m’en empêcher, la première pique de la soirée, légère et dans un sourire. « Enfin, sauf si vous avez encore un heureux événement à nous annoncer. » Mon dieu si c’était le cas ce réveillon gagnerait aisément la palme du pire de mon existence.
« Skylar nous invite pour le réveillon de Noël chez elle. » Il avait dégluti, conscient que cette nouvelle risquait de ne pas réjouir son interlocutrice. En même temps, comment aurait-il pu en être autrement ? Les deux Australiennes n’avaient aucun atome crochu – à croire qu’elles étaient trop semblables pour en avoir – et, pire encore, se détestaient de manière très officieuse. Il allait donc être compliqué pour l’ancien pilote de réunir sa famille et la mère de sa fille autour de la même table, pour les fêtes de fin d’année. A moins qu’elles ne décident toutes les deux de mettre de l’eau dans leur vin, et acceptent d’enterrer momentanément la hache de guerre. « Je sais que c’est beaucoup pour toi. Mais j’aimerais vraiment ne pas avoir à choisir entre ma famille, et toi. » Souffla Carlisle avec un air désolé. S’il refusait l’invitation de Skylar, il savait qu’il allait au-devant de quelques réflexions désagréables – et encore, s’il ne s’en tirait qu’avec quelques réflexions, il ne serait pas malheureux. « C’est juste le temps d’un repas, promis. » Déclara-t-il en souriant légèrement. Il avait d’envie de passer sa main sur sa joue, comme pour lui dire qu’il serait là et qu’il la soutiendrait, mais il s’abstint : il craignait que sa réaction soit mal interprétée. Depuis qu’il l’avait embrassée, quelques semaines plus tôt, Carlisle se trouvait dans un entre-deux qu’il détestait. Il s’était laissé emporter par les paroles de Mina, et par sa propre fougue. Lui qui veillait toujours à anticiper, à tout calculer, s’était complètement laissé emporter. Et le résultat n’avait pas été brillant – ou, plus exactement, il avait été en demi-teinte. « Et on passera le 25 en famille, tous les trois. » Dans leur bulle. Sans personne pour venir les troubler, les déranger, ou les juger. En paix. Réticente et méfiante, l’héritière Farrell prit quelques instants avant d’accepter cette étrange invitation. L’ancien pilote lui sourit largement, et tous deux s’accordèrent sur le déroulé de cette soirée. Carmina passerait quelques heures chez Carlisle pour s’occuper de Maya, pendant que lui assisterait à sa dernière réunion de l’année 2019.
Le trajet en voiture se passa dans le plus grand des silences, ce qui n’avait rien d’un bon présage. Une fois arrivé devant chez sa cousine, Carlisle coupa le moteur de son véhicule, et tous deux restèrent immobiles. « Ça va bien se passer. » Dit-il d’une voix ferme et assurée, après avoir jeté un coup d’œil à Mina, dont le visage était fermé. Elle devait sans doute appréhender de se retrouver dans la famille de l’ancien pilote, et ce dernier ne pouvait que la comprendre : le peu d’éléments qu’elle connaissait ne devaient pas l’aider à se faire une bonne image du clan Bishop. Faisant fi de l’apparente froideur de la mère de sa fille, il glissa sa main dans la sienne (premier geste de tendresse qu’il lui accordait depuis sa soirée d’anniversaire), et serra légèrement ses doigts. Il attendit patiemment qu’elle soit prête, et après une profonde expiration, ils descendirent du véhicule. L’ancien pilote détacha le maxi-cosi de sa fille, tout en prenant soin de ne pas la réveiller – Maya dormait profondément. Il dénoua légèrement son nœud de cravate pour mieux respirer, et se préparer à affronter cette improbable soirée.
« Moi aussi. J’ai l’impression de ne pas t’avoir vue depuis une éternité. » Confia l’ancien pilote en se penchant pour saluer sa cousine. Ce qui n’était pas loin d’être le cas, à vrai dire. Elle n’avait encore pas vu Maya, et ce soir serait l’occasion rêvée de lui présenter officiellement sa progéniture. « Tu es superbe, comme toujours. » Et il n’exagère pas : aussi loin que ses souvenirs remontaient, il avait toujours eu l’impression de voir Skylar apprêtée, prête à sortir si cela s’avérait être nécessaire. Elle salua ensuite poliment Carmina, et Carlisle se tendit aussitôt : l’animosité entre les deux femmes étaient presque palpable. « Pourquoi pas. » Un verre, ça ne pouvait que détendre l’atmosphère. Il chassa la petite voix dans sa tête qui lui répétait sans cesse que cela pouvait aussi être le début des emmerdes. « Désolé de décevoir tes attentes, mais il va venir. » Répondit Carlisle, alors que sa cousine balançait une réplique acerbe sur son géniteur. Les relations n’étaient pas au beau-fixe dans la famille, mais ce soir, il était prêt à faire un effort avec chacun. Après tout, Skylar avait fait preuve de maturité en les invitant tous à sa table ; il pouvait bien suivre le mouvement, afin d’apaiser ce qui pouvait encore l’être. « Nous sommes juste sortis très tardivement du travail. » Et s’il avait écouté son père, il y serait encore. Mais ce n’était pas le moment de parler boulot ; il était en vacances jusqu’à l’année prochaine, et ça, ça le mettait sincèrement en joie. « Ma chère, on ne se refuse rien ! » S’exclama Carlisle après avoir sifflé d’admiration. Il connaissait sa cousine, et son goût pour le luxe – qu’elle aimait étaler à n’importe quelle occasion. « C’est toi, ou ton époux qui a de tels goûts ? » Cette question lui fit aussitôt réaliser que l’époux en question ne s’était encore pas montré ce soir. « Ou est Nolan, d’ailleurs ? » Demanda Carlisle, surpris que le mari de sa cousine ne soit pas encore venu les saluer. Il ne l’avait pas croisé très souvent, mais il lui avait à chaque fois fait bonne impression. Poli, discret, gentil, serviable et surtout, très amoureux : Skylar avait clairement décroché le gros lot. L’Australien était heureux pour elle : elle méritait d’être bien entourée. Il esquissa un léger sourire à Mina, et déposa le maxi-cosi à ses côtés, sur le canapé en cuir. Son sourire se craquela lorsqu’il entendit sa cousine parler d’une potentielle annonce de grossesse qu’ils pourraient lui faire. Elle ne pouvait pas s’imaginer à quel point elle était loin de la vérité, mais Carlisle s’abstint de lui faire remarquer. « Maya nous comble amplement. » Répondit-il avec un sourire sincère, en jetant un coup d’œil sur sa poupée endormie. « A toi de donner un peu du tien, maintenant. » Il la taquinait, bien sûr.
★ @Carlisle Bishop & Mina Farrell & @Skylar WhitakerQu’est-ce qu’ il lui avait pris d’accepter ? L’héritière se maudissait intérieurement de s’être laisser prendre par l’air abattu de Carlisle lorsqu’il lui avait annoncé qu’ils partiraient chez Skylar pour le Réveillon. Plutôt passer un week-end en Enfer que de mettre un pied chez cette garce. Leur dernière rencontre n’était pas passé et elle avait suffi à la jolie brune à se faire une idée sur la famille de l’ex-pilote. Ils ne l’aimeraient pas et tant pis, ce n’était pas bien grave puisque dans l’histoire c’était lui seul qu’elle voulait. Elle avait dit oui parce que ça semblait lui tenir à cœur, seulement elle n’avait pas mesuré ce que cela impliqué sur le coup. Il lui avait fallu quelques secondes pour se rendre compte qu’elle allait devoir passer le réveillon avec la dernière personne qu’elle espérait. Même dans ses pires cauchemars ce n’était jamais aussi horrible que la situation en elle-même et plus les jours approchaient plus elle tentait de dissoudre sa promesse. Pourtant à chacune de ses excuses, l’ancien pilote semblait trouvait une solution et elle n’était pas capable de lui faire de la peine, en lui avouant simplement qu’elle n’avait pas envie d’y aller. Pour l’occasion, elle s’était vêtue robe sequin dessiné par l’un de ces créateurs en vogue. Elle avait insisté d’ailleurs pour que la cravate de Carlisle et les chausson de Maya soient assorties à sa tenue. Il lui devait au moins ça puisqu’elle avait été assez folle pour accepter de se rendre chez son ennemie. Bien sûr, elle ne pouvait s’y rendre les mains vide et le choix du cadeau fut d’autant plus compliqué qu’elle savait d’avance qu’elle serait encore plus critiqué sur ce dernier. Elle en avait fait une affaire personnel, c’était sa réputation, déjà bien établie, qui était en jeu. « J’ai mal au ventre… » souffla-t-elle comme une dernière tentative d’esquive sur le chemin. Elle avait la sensation de se rendre à son jugement dernier, elle n’était pas totalement prête à se donner aussi facilement aux loups. Le père de Carlisle et Skylar n’en ferait qu’une bouchée, c’était certain. C’était pourtant un exercice auquel elle était habituée, il suffisait de tirer légèrement sur les zygomatiques et de donner l’impression qu’elle appréciait la compagnie de chaque membre de la famille.
Elle emboîte le pas de Carlisle, s’effaçant doucement derrière son grand gabarit. « Carlisle je suis contente de te voir. » cette voix… qu’on lui ouvre les veines, c’était probablement la seule chose qui pouvait la soulager à cet instant. Elle avait pris son souffle quelques secondes auparavant et aussitôt, elle avait la sensation que ses poumons manquaient de nouveau d’air. « Skylar ! Merci de nous avoir invité. » son sourire n’avait rien de sincère mais pour l’instant tout se passait bien. « Tu es superbe, comme toujours. » Il exagérait ! C’était Noël pas enterrement, quel idée d’enfiler du noir. Elle se garda bien de commenter quoique ce soit et tendit sa veste à la jolie blonde. « Je peux vous proposer quelque chose à boire en attendant ton père ? » du cyanure d’hydrogène pour abréger ses souffrances. À tous les coups cette sorcière en avait et avec un peu de chance, elle en glisserait d’elle-même dans le verre de l’héritière. « Pourquoi pas. » il semblait plus à l’aise qu’elle, à moins qu’il arrivait à masquer mieux qu’elle son malaise. « Enfin, sauf s’il nous fait le bonheur d’avoir un empêchement. » cette phrase rassura quelques peu Mina, la sensation qu’elle pourrait détourner l’animosité qu’on lui réservait sur le père de Carlisle ou mieux encore sur l’ennemi qu’il partageait ensemble : Skylar. Après tout, il n’avait jamais vu ni Maya, ni Mina et qui sait, il pourrait tomber sous leur charme. La jeune femme resta silencieuse, suivant Carlisle comme son ombre. En terrain hostile, il valait mieux prévenir. Elle se permit pourtant de lever les yeux pour scruter la jolie demeure. « C’est un Chivas, un vingt-cinq ans d’âge, vous devriez apprécier. » Si Carlisle semblait ne pas percuter sur la date de fabrication du scotch, Mina avait bien compris que ce n’était pas un hasard et que la blondinette avait volontairement choisi cette bouteille en fonction de l’âge de Mina. « Si j’avais su que tu étais amatrice de Scotch, je t’aurais rapporté le Royal Salute 38, mon préféré… » à vrai dire, Mina n’était pas vraiment fan de scotch ou de whisky, des boissons qu’elle se réservait normalement en temps de crise et qui n’allait pas sans lui rappeler son propre père. « Plus c’est mure, plus on adore. N’est-ce pas ? » accompagna-t-elle d’un large sourire faussement complice en direction de la cousine. « Ou est Nolan, d’ailleurs ? » c’est vrai ça, il ne s’était pas encore présenté et Mina avait hâte de mettre une tête sur le pauvre idiot qui avait choisi de se marier à une garce. [color:1ab6=color=palevioletred]« Enfin, sauf si vous avez encore un heureux événement à nous annoncer. » vraiment ? Elle manqua de s’étouffer trois fois dans son for intérieur. Elle avait eu du mal à trouver une petite place à Maya dans son cœur, un autre bébé serait de trop. Carlisle vint amortir les tensions en prenant la parole « Maya nous comble amplement. » elle accompagna sa remarque à son tour d’un nouveau sourire, tandis qu’elle vint glisser sa main dans celle du pilote comme pour marquer son territoire. « Carlisle est un bon père, notre fille a beaucoup de chance de l’avoir. » ajoute-t-elle adressant un sourire complice au pilote cette fois-ci. « Mais c’est vrai qu’avoir un enfant c’est du travail et pour l’instant je manque encore un peu d’exercice. » avoua-t-elle à mi-voix, alors qu’elle trompait délicatement ses lèvres dans le verre que Skylar lui avait tendu. « Je te souhaite honnêtement de connaître ça un jour. » Sky dans les couches et les morves, elle donnerait tout pour voir cela. Elle redescendrait probablement de ses tours.
Le sourire que j’accroche sur mes lèvres en apercevant mon cousin est sincère, et si certains griefs nous ont opposés et séparés ces dernières semaines, il reste un membre de la famille. Un avec lequel je n’ai que peu d’atomes crochus, mais tout de même. Je ne l’ai eu qu’au téléphone depuis la naissance de Maya, repoussant au maximum le moment où je me retrouverai dans la même pièce qu’un bébé, où Nolan se retrouverait dans la même pièce qu’un bébé, pas pour les mêmes raisons certes. « Moi aussi. J’ai l’impression de ne pas t’avoir vue depuis une éternité. » Le sourire que j’adresse à la brune accrochée à son bras me ressemble plus. Poli, froid, hypocrite. Le sien n’est pas plus sincère que le mien, alors qu’elle me salue d’un ton qui tranche avec celui que nous employions toutes les deux lors de notre dernière rencontre. « Skylar ! Merci de nous avoir invité. » Rajouter que la recevoir est un vrai plaisir est au-dessus de mes forces, et je me contente simplement d’accrocher dans l’entrée le manteau qu’elle me tend, quand mon cousin se débrouille lui par lui-même. « Tu es superbe, comme toujours. » Je me retourne et lui adresse un sourire. « Merci. » Bien sûr que je suis superbe, il n’y a pas une seule pièce dans mon dressing qui ne m’aille pas à la perfection. Retourne le compliment à sa compagne, ça aussi c’est au-dessus de mes forces.
Carlisle accepte un verre, et alors que je me dirige sur le talon avec le petit couple sur les talons, j’en profite pour m’enquérir de la venue de Bartholomew. Je me doute qu’il sera là, la vermine est tenace, mais on peut toujours rêver, non ? « Désolé de décevoir tes attentes, mais il va venir. Nous sommes juste sortis très tardivement du travail. » Je lève les yeux au ciel, sans prendre la peine de faire preuve de subtilité. Mais je décide de me refuser à enfoncer encore plus le clou concernant la décision de mon cousin de travailler avec son père. « L’avantage c’est qu’au moins tu ne cours plus le risque de passer le réveillon coincé dans un long courrier. »Ou bien à l’aéroport… Ma colère à l’encontre de Nolan resurgit tout à coup. Aucune remarque sur ce cher Bart. Je grandi, je mûri, tout arrive. « Ma chère, on ne se refuse rien ! » Un sourire se dessine sur mon visage. Un sourire qui disparaît rapidement quand la brune, qui s’était par miracle tue jusque-là, décide de me piquer. « Si j’avais su que tu étais amatrice de Scotch, je t’aurais rapporté le Royal Salute 38, mon préféré… Plus c’est mûr, plus on adore. N’est-ce pas ? » Le regard que je lui jette est sans équivoque et ne laisse pas de place au doute : je n’ai pas plus confiance en elle que lors de notre dernière entrevue. Et aucune pitié à son égard non plus. Le blond décide de calmer le jeu en reprenant la parole avant que je n’ai le temps de répondre quoi que ce soit. « C’est toi, ou ton époux qui a de tels goûts ? » Mais il met sans le savoir les pieds dans le plats, et de mon côté j’utilise toute mes forces pour garder un sourire accroché sur mon visage, hors de question de tendre le bâton pour me faire battre à Carmina, hors de question de lui laisser deviner les fêlures de mon mariage. « Ou est Nolan, d’ailleurs ? » Cette fois ci continuer à sourire me coûte un peu plus, mais j’y parviens. « Il était à Christchurch ces trois derniers jours pour affaires, son vol retour a été annulé. Je ne sais pas s’il parviendra à se joindre à nous, mais il te transmet ses amitiés en tout cas. » En fait il m’a dit transmets leur mes amitié, et pas transmets lui, mais je ne m’embarrasse pas du détail. « Je ne sais pas s’il parviendra à nous rejoindre pour le digestif, mais il essaye de trouver le premier vol. » C’est ce qu’il m’a dit en tout cas, et j’ai envie de le croire, de croire que s’il a volontairement choisi de s’éloigner un peu de moi, il n’a pas choisi de me laisser en plan.
« Maya nous comble amplement. A toi de donner un peu du tien, maintenant. » Mes yeux se posent pour la première fois sur le maxi-cosi que mon cousin venait de poser sur le canapé. Etait-il réellement obligé de l’amener ? N’existe-t-il pas pleins de solutions de garde aujourd’hui ? Je ne dis rien mais n’en pense pas moins, et si je penche la tête pour observer le bébé endormi je n’essaye pas de feindre l’air attendri que tout le monde prend dans ce genre de circonstances. « Ah oui, Maya. » Je redresse finalement les yeux vers mon cousin, un sourire un peu plus pincé sur mes lèvres « Ne dis pas ça en présence de Nolan, moi qui continue à lui dire que nous avons encore largement le temps avant d’y penser. » Ce qui est vrai en soi. Je n’ai que 29 ans, mais ce qui l’est moins c’est que ce n’est pas quelque chose que j’envisage, ni maintenant ni dans plusieurs années. Mais bien sûr, il faut que la brune renchérisse. « Carlisle est un bon père, notre fille a beaucoup de chance de l’avoir. » Je lève un sourcil, un peu étonnée qu’elle ressente le besoin de préciser ça. « Oh, mais je n’ai jamais eu le moindre doute au sujet de Carlisle. » Je doute qu’il soit le père. Pas qu’il soit capable d’en être un bon. « Mais c’est vrai qu’avoir un enfant c’est du travail et pour l’instant je manque encore un peu d’exercice. »« Ne fait-il pas pratiquer pour s’améliorer ? Cela doit être compliqué en vivant à l’hôtel. » Je fronce les sourcils, comme si j’étais vraiment étonnée, comme si j’en avais vraiment quelque chose à faire, comme si je ne cherchais pas qu’à la piquer. Je croise le regard que Carlisle me lance, et finalement je décider de me calmer, pour l’instant en tout cas. « Je te souhaite honnêtement de connaître ça un jour. »« Merci. » Mais mon ton est plus froid qu’autre chose cette fois ci. J’attrape trois verres déjà disposé sur un plateau sur la table que je rempli, avant de les remplir de liquide ambré et de les tendre à mes deux invités. Je me tourne vers Carlisle, et me radoucis. « Alors comment se passent ces premières semaines avec ton père ? » Le mien sera ravi d’avoir le droit à un rapport détaillé sur cette soirée en tout cas, lui qui ne s’est pas retrouvé dans la même pièce que Bart depuis l’enterrement de Mary.
« Effectivement. » Il n’eut pas envie de s’étendre sur son propos, de lui dire que fêter le Nouvel An entre deux fuseaux horaires n’avait rien de désagréable. L’ambiance dans le cockpit, tout comme celle qui régnait dans le vol, était particulièrement bonne. Les passagers étaient tous dans le même bain, et préféraient plutôt en rire qu’en pleurer. « Quel dommage ! » S’exclama Carlisle en faisant la moue. « Je ne pensais pas que son métier l’obligeait à partir au cours des fêtes. Son patron est si tyrannique que ça ? » Demanda-t-il en arquant un sourcil. L’Australien savait que Nolan travaillait à la mairie, mais il ne savait pas exactement ce qu’il y faisait. A vrai dire, la politique était un domaine qui ne l’intéressait pas – ceux qui la faisait étaient trop faux à son goût. Il était bien sûr amené à les rencontrer et à les fréquenter, dans le cadre de son travail dans l’entreprise familiale, mais il détestait cette tâche. En bon scientifique qu’il était, le relationnel, ce n’était clairement pas son point fort – lui était plutôt doué avec les chiffres, les stratégies, les calculs. « J’espère qu’il trouvera de quoi rentrer au plus vite. » Il jeta un coup d’œil rapide à Mina, et murmura : « Tu crois qu’on pourrait essayer de faire quelque chose ? » Il savait que les relations entre les Farrell n’étaient pas au beau-fixe, depuis que leur seule et unique héritière avait fait un enfant avec un de leurs anciens employés. Pour être honnête, il s’en voulait d’avoir ainsi chamboulé l’équilibre – précaire, certes, mais équilibre quand même – de Mina. La perte de ses repères n’avait pas été facile à gérer.
Il savait que sa cousine ne baignait pas dans le sentimentalisme, et qu’elle n’était pas sensible aux traits de sa fille, qui allait bientôt fêter ses trois mois. Volontairement, et par peur d’entendre des médisances Maya, sur il choisit de ne pas épiloguer sur ce sujet. « C’est vrai. » Confirma l’ancien pilote en secouant légèrement la tête. « Mais en même temps, depuis combien de temps êtes-vous ensemble ? » Demanda-t-il, avant de poursuivre : « Quatre, cinq ans ? On ne peut pas lui en vouloir de se projeter un peu plus loin. » Carlisle n’avait pas encore trente ans, lorsqu’il avait rencontré Amal. Ensemble, ils avaient décidé que leurs carrières respectives étaient plus importantes que tout ; par conséquent, leurs projets de couple avaient été remis à plus tard. Et, quelque part en chemin, ils s’étaient perdus. Des fautes avaient été commises, de part et d’autre. Et quand le temps de l’apaisement et du pardon était venu, ils n’avaient pas été capable de franchir cette étape. « Sky... » Souffla l’ancien pilote en relevant les yeux vers sa cousine, qui faisait pernicieusement remarquer à Carmina Farrell que cette dernière ne passait pas le plus clair de son temps avec sa fille parce qu’elle vivait à l’hôtel. La situation des parents de Maya était plus complexe que les deux protagonistes voulaient bien l’admettre ; il y avait entre eux de nombreux non-dits, de nombreux silences qui pouvaient être interprétés de diverses façons. Mais tout cela ne regardait personne. Tout cela leur était personnel, et Carlisle ne comptait pas faire étalage de sa vie privée devant autrui – et certainement pas devant sa famille. Cependant, il consentit à un geste en direction de Mina. Sa main se superposa à la sienne, et il serra légèrement ses doigts. « Comme je suis très occupé ces derniers temps, Mina passe beaucoup de temps avec Maya. » Si au début, Carlisle avait catégoriquement refusé que mère et fille se retrouvent seules sans une tierce personne, l’Australien avait depuis révisé son jugement. L’héritière Farrell s’était montrée sérieuse, investie, attentive – et l’ancien pilote n’avait pas eu le cœur de mettre inutilement des bâtons dans les roues de la mère de sa fille. Il souhaitait, de tout cœur, que sa famille puisse être la plus normale possible. La moins meurtrie possible. La plus épanouie possible, aussi. « Je ne vais pas te mentir, elles sont particulièrement chargées. » Déclara-t-il en faisant la moue. Mais il ne s’en plaignait pas : s’ennuyer au travail aurait été un calvaire, pour lui. Il avait ce besoin perpétuel d’avoir l’esprit occupé, ou d’être en activité. Bien qu’il soit quelqu’un de casanier, Carlisle n’aimait pas pour autant l’inactivité. « Mais j’ai pris quelques jours, pour la fin de l’année. » Et il comptait bien en profiter pour changer d’air, et profiter d’une accalmie avant le début d’une nouvelle décennie. Il avait pour projet de partir sur l’île Moreton, au large de Brisbane, et espérait que Carmina accepterait de se joindre à lui pour s’occuper de leur fille. « Et toi ? Toujours à dicter leur conduite aux grands de ce monde ? » Son ton pouvait sembler moqueur, mais il s’agissait seulement d’une plaisanterie. Il savait que le travail de sa cousine était bien plus compliqué et plus passionnant que de simplement suggérer à quelqu’un la conduite qu’il devait avoir. Les jeux de pouvoir étaient nombreux, et il fallait être un véritable funambule pour s’en sortir sans égratignure.
★ @Carlisle Bishop & Mina Farrell & @Skylar WhitakerPlus la soirée avancée et plus Mina se demandait ce qu’il lui avait pris d’accepter l’invitation. Carlisle l’avait attiré là, tandis que tout doucement le piège se refermait derrière elle sans qu’elle ne puisse rien faire. De ce qu’elle avait compris, Skylar était la partie meringuée de cette famille dysfonctionnelle et si jusque-là, elle n’avait encore jamais rencontré le grand-père de son enfant c’était pour une bonne raison. À entendre Skylar et Carlisle c’était un tyran. Elle aurait pu être inquiétée par toutes ces mauvaises choses qu’ils racontaient sur lui, seulement, elle avait été élevée par la même énergumène et elle avait hâte d’enfin pouvoir mettre une tête sur ce cher Bartholomew. Carlisle interrogea la jolie blonde sur son mari. Mina espérait qu’il ne soit pas comme son épouse et que mieux encore, elle puisse s’accrocher à lui comme bouée là où tout le monde semblait vouloir sa peau. « Je ne pensais pas que son métier l’obligeait à partir au cours des fêtes. Son patron est si tyrannique que ça ? » Aussitôt Mina posait son regard sur l’ex-pilote. Il semblait oublier qu’elle avait autrefois été ce patron tyrannique mais que sans ça Maya n’aurait probablement jamais pointé le bout de son nez. À moins qu’il essayait de faire passer un message, auquel cas elle n’eut pas le temps d’émettre une objection puisque Skylar répondit à sa question « Il était à Christchurch ces trois derniers jours pour affaires, son vol retour a été annulé. Je ne sais pas s’il parviendra à se joindre à nous, mais il te transmet ses amitiés en tout cas. » l’héritière ne s’attarda pas sur ce détail, tant pis, ce dîner se ferait sans lui et elle avait vu sa lueur d’espoir disparaître en une fraction de seconde. « Tu crois qu’on pourrait essayer de faire quelque chose ? » Elle ne l’avait pas proposé, rendre service à Skylar c’était probablement la dernière chose qu’elle ferait mais puisque Carlisle prenait les devant, elle se contenta d’hausser les épaules. « Il doit bien avoir un vol pour ce soir de Cathay Pacific mais je doute qu’il soit quand même là pour le dîner… Je vais appeler mon père. » Ce n’était trois fois rien pour elle, en un coup de fil et le malheureux pourrait retrouver sa sorcière de femme. À moins qu’il ne veuille pas qu’on lui rende ce service. Peut-être, qu’il utilisait l’excuse de voyage d’affaire pour s’éloigner un peu plus de la jolie blonde. Elle pianote sur son téléphone quelques recherches avant de trouver et lâche un « Ah ! » de satisfaction. Elle jette un œil sur Skylar et lui demande : « Si tu as son numéro de passeport, il y a un vol qui part ce soir à 23h de Christchurch. » ce n’était pas pour elle que le faisait mais pour que Carlisle voit les efforts qu’elle voulait bien déployer pour sa famille et une partie d’elle espérait qu’il voit le mal qu’elle se donnait. « Avec un peu de chance, il rentrera plus tôt pour te voir… » le sourire qu’elle lui adressait était tout sauf sincère. Il était plein de sous-entendus que seule une autre peste serait en mesure de voir.
La conversation s’étendit sur Maya qui dormait toujours paisiblement dans son landau. Mina ne comprenait d’ailleurs pas comment elle pouvait autant roupiller avec autant de bruit autour. Bien qu’elle vantait les mérites de Carlisle, Skylar trouva la brèche pour l’attaquer suivi aussitôt d’une petite réprimande de Carlisle. Il vint même la défendre à sa plus grande surprise. « Comme je suis très occupé ces derniers temps, Mina passe beaucoup de temps avec Maya. », il exagérait les faits dorant aussitôt le blason de la mère de sa fille. Elle avait encore du chemin à faire mais ça la touchait que Carlisle prenne conscience du mal qu’elle se donnait pour les reconquérir. « Ce n’est rien… » dit-elle, serrant doucement la main de son partenaire. « Ta cousine s’inquiète seulement pour toi… » Elle se tourne aussitôt vers Skylar tandis que son sourire reste dessiner sur ses lèvres pour ne pas lui donner la sensation qu’elle était atteinte par ses attaques : « Tu penses toujours que Maya n’est pas notre fille ? » Elle ne posait pas sa question innocemment. Elle dévoilait volontairement leur petite conversation devant Carlisle histoire qu’il sache combien sa cousine était une peste. « Si nous sommes venus là aujourd’hui, c’est parce qu’on se fait une joie d’enfin présenter notre fille à sa grande cousine et son grand-père. » Elle s’incluait exprès dans le ‘on’ pour que sa nouvelle rivale accepte enfin qu’ils étaient un bloc uni, qu’elle le veuille ou non. Si la discussion dévia sur le nouveau travail de Carlisle, Mina n’écouta l’échange que d’une seule oreille alors qu’elle bouillonnait à l’intérieur. Et elle vit le réveil de la petite Maya comme un miracle puisqu’elle s’empressa de la prendre dans ses bras pour la cajoler alors qu’ils s’étaient mis à discuter du travail de la petite blonde. Aussitôt elle eut une idée machiavélique et elle prit son air le plus innocent et demanda à Skylar : « Tu veux la prendre ? » Elle ne l’avait quasiment pas regardé de la soirée et c’était à peine si elle s’était émoustillée de sa présence. Mina se réjouissait de voir la donneuse de leçon à l’œuvre…
« Quel dommage ! » Je me retiens mais la moue sur mon visage en dit long. Lèvres pincées et regard fuyant, je n’ai pas envie de parler de ça. Mais il faut croire que mon cousin ne sait pas lire en les lignes, puisqu’il ignore ces quelques signaux pour continuer, pour creuser le sujet. « Je ne pensais pas que son métier l’obligeait à partir au cours des fêtes. Son patron est si tyrannique que ça ? » Je lève les épaules, comme si tout ça me laissait indifférente. « Son patron se est parti en vacances à l’autre bout du globe. Mais Nolan est un bourreau de travail, et tu me connais, je peux difficilement le lui reprocher. » Nous nous sommes parfaitement trouvés sur ce point-là, il s’agit d’une évidence. N’importe qui aurait pris jambes à son cou en me voyant me dédier corps et âme à mon boulot, mais Nolan comprends. Il comprenait en tout cas, et nous formions autrefois un couple si assorti, rarement en désaccord. Qu’est ce qui avait bien pu changer avec les années ? Quel est le grain de sable, et pourquoi ne l’ai-je pas vu arriver plus vite ? « J’espère qu’il trouvera de quoi rentrer au plus vite. Tu crois qu’on pourrait essayer de faire quelque chose ? » Il se tourne vers l’héritière, alors que je continue de tenter de rester de marbre, portant mon verre à mes lèvres pour me donner une contenance. Elle ne doit pas être ravie de m’aider la gamine. « Il doit bien avoir un vol pour ce soir de Cathay Pacific mais je doute qu’il soit quand même là pour le dîner… Je vais appeler mon père. » Elle pianote, alors que je lève un sourcil, peu convaincue par la démarche, pas son numéro de jeune femme serviable. « Ah ! Si tu as son numéro de passeport, il y a un vol qui part ce soir à 23h de Christchurch. » Je déteste l’idée de lui être redevable, mais je ne peux pas refuser. Autant parce que je ne veux pas passer pour une gamine devant mon cousin et qu’il est hors de question de lui faire ce plaisir là à elle que parce que j’ai envie de voir mon époux rentrer pour le réveillon de noël. « Avec un peu de chance, il rentrera plus tôt pour te voir… » Je lis à travers les lignes, là où le grand naïf à ses côté ne verra qu’un grand sourire et de la sollicitude. Je sais jouer au jeu de l’hypocrisie aussi bien qu’elle, alors que ça n’a jamais été le domaine de Carlisle. « Bien sûr, je le lui demande. » Je pianote sur mon téléphone, ne m’interrompant que pour le relever les yeux vers la brune, avec le même sourire sur les lèvres. « Merci Carmina. » La tension est électrique, et le pire dans tout ça c’est que mon adorable benêt de cousin ne doit se douter de rien : pensant que tout va mieux dans le meilleur des mondes. Quoi qu’il en soit un vol direct entre Christchurch et Brisbane durant au minimum 3h30, Nolan ne sera jamais à temps, même pour le dessert. Tant pis. Je n’ai pas besoin de lui à mes côtés pour affronter la petite peste.
Une fois le problème Nolan résolu et sa place sur le prochain vol de la compagnie de la famille de la demoiselle réservé, le blond trouve le moyen de mettre les pieds dans le plat. Et saute sur l’occasion de me présenter sa progéniture, comme si j’en mourrais d’envie. « C’est vrai. Mais en même temps, depuis combien de temps êtes-vous ensemble ? » Je ne suis pas sure d’apprécier la tournure que prend la conversation. « Quatre, cinq ans ? On ne peut pas lui en vouloir de se projeter un peu plus loin. » Je pousse un simple soupir. « Un peu plus de cinq ans. » Six à l’hiver 2020 en fait. Je n’arrive pas à croire que le temps ait filé si vite. J’ai l’impression que ma vie m’échappe par moments. « J’ai vingt-neuf ans. Ne m’enterre pas tout de suite grand père. » Je me souviens des paroles de mon père qui jurait que Carlisle mourrait sans descendance, tant je lui dessinais le portrait d’un homme réticent à s’engager. Et bien il a eu tort, et je sais que mon paternel me mettra lui aussi un jour la pression, certainement dans un futur pas si lointain. « On croirait entendre ma mère. » Elle vivait pour enfanter. Les sept années d’échec qu’ils ont essuyées avant mon arrivée ont été une vraie épreuve pour elle, une période sombre alors qu’elle enchainait les fausses couches. « Et je ne voudrais pas te voler la vedette. » Que je rajoute avant de changer de sujet, d’aller sur un terrain miné avant d’être rapidement rappelée à l’ordre par mon cousin. « Sky... » Je plante mon regard dans le sien, et l’air le plus innocent du monde je lève les sourcil et hausse les épaules, comme si je ne voyais pas le mal, comme si je ne pensais pas à mal, alors que j’avais volontairement piqué la brune. « Comme je suis très occupé ces derniers temps, Mina passe beaucoup de temps avec Maya. » La surprise par contre je n’ai pas besoin de la feindre. J’ai de sérieux doutes à ce sujet. Mais je ne rajoute rien, consciente d’avoir déjà joué avec la limite. « Ce n’est rien… Ta cousine s’inquiète seulement pour toi… » Qu’est-ce qu’elle peut-être agaçante, dès qu’elle décide d’ouvrir la bouche. « Tu penses toujours que Maya n’est pas notre fille ? » Si elle pense me mettre le dos au mur elle se trompe. J’ai déjà eu cette discussion avec Carlisle, il sait ce que tout le monde pense dans la famille, il sait que tous, moi incluse, qu’il est idiot de ne pas demander de test de paternité pour la gamine, dont la beau est d’ailleurs aussi brune que celle de sa mère, bien loin des teints pâles comme le mien ou celui de Carlisle, qui courent dans la famille. « Je pense que tu conviendras que dans notre milieu, il vaut mieux éviter de croire les gens sur parole sur ce genre de sujet. » Parce que nous sommes des cibles faciles, Carlisle le grand naïf encore plus, et le fait qu’elle ait de l’argent ne change rien à ça. Si ce n’est la fortune de mon cousin, elle en a à mes yeux après sa stabilité, quand ils sont tout le contraire, elle et ses multiples amants. « Elle a un magnifique teint hâlé en tout cas. Félicitation Carmina, elle ne pourrait plus te ressembler. » Difficile donc d’attribuer sa paternité à qui que ce soit : cette enfant est le portrait de sa mère. « Si nous sommes venus là aujourd’hui, c’est parce qu’on se fait une joie d’enfin présenter notre fille à sa grande cousine et son grand-père. » Et bien en ce qui me concerne, les présentations sont faites. « Je ne vais pas te mentir, elles sont particulièrement chargées. Mais j’ai pris quelques jours, pour la fin de l’année. » La discussion revient sur le travail, sujet avec lequel je suis beaucoup plus à l’aise. « Et toi ? Toujours à dicter leur conduite aux grands de ce monde ? » Je trempe les lèvres dans mon verre, un sourire qui les étire. « Je fais ce que je peux pour que mon père et le conseil remarquent enfin que je ferais une parfaite future associée. Tu sais ce que c’est, les vieux hommes blancs de plus de soixante ans. » Et leurs préjugés, leur vision démodée du monde et de la femme. Celle qui n’aspire à rester auprès de son foyer. Ce que je ne serai jamais, voilà à quoi je pense en posant mes yeux sur Maya. « Tu veux la prendre ? » Et prendre le risque qu’elle vomisse sur une robe dont le prix affiche un montant à quatre chiffres ? Plutôt mourir. Je pousse un soupir là alors que la jeune maman attrape déjà sa fille pour se rapprocher de moi. « Allons-y » Foutue pour foutue, au moins ce sera fait. Je me serai extasiée environ deux minutes trente sur cet être dépourvu de cheveux et on pourra passer à autre chose. La petite chose touche mes bras et je retiens une grimace d’inconfort.
C’est la sonnerie de la porte qui me sauve, et je repose l’enfant dans le bras de sa mère comme si son contact m’avait brûlé. « Ton père, surement. » Je préfère encore affronter Bart, à choisir.
L’absence de Nolan à cette soirée fit tiquer l’Australien, mais il n’épilogua pas : Skylar n’était visiblement pas à l’aise avec le sujet. Il se promit d’en reparler avec elle ultérieurement, lorsqu’ils ne seraient que tous les deux : peut-être avait-elle des choses à lui dire. « Qui ne l’est pas, dans cette famille ? » Demanda Carlisle en souriant, en faisant référence aux bourreaux de travail. Que ce soit les Bradford ou les Bishop, ils avaient toujours été particulièrement impliqués dans le monde des affaires. Ils n’avaient pas peur de passer des heures au bureau, pas peur de se retrousser les manches si cela était nécessaire, pas peur de prendre des risques pour voir les choses avancer. Il n’était donc pas surpris d’entendre que Skylar avait un époux qui lui ressemblait, sur ce point.
« Déjà. » Commenta simplement Carlisle, surpris de constater que le temps avait filé si vite. Et malheureusement, ça n’allait pas en s’arrangeant. « Alors, tu appréhendes ton arrivée dans une nouvelle dizaine ? » Demanda-t-il, ouvertement moqueur. Lui-même venait, en début de mois, d’entrer dans la quarantaine. Ça ne lui avait fait ni chaud, ni froid – mais il fallait admettre que l’arrivée de Maya dans sa vie avait remis pas mal de choses en perspective. « Ne t’en fais pas, ce n’est pas moi qui vais te mettre la pression à ce sujet. » Assura-t-il en souriant. Premièrement, parce que ça ne le regardait pas. Et deuxièmement… « Qui mieux que moi pour te comprendre ? » Pendant plus de dix ans, d’un commun accord avec Amal, ils avaient fait passer leurs projets de couple au second plan. Le mariage pouvait attendre. Faire un enfant pouvait attendre. Et ils étaient arrivés au bout du chemin, sans même s’en rendre compte. Usés par les compromis et les concessions, d’une certaine façon. « Ça m’arrangerait, pourtant. J’en ai marre d’être regardé comme une bête curieuse. » Grommela-t-il en levant les yeux au ciel. Sa cousine n’était d’ailleurs pas en reste ; seulement, contrairement aux autres, elle avait eu l’honnêteté de lui faire part de sa suspicion et de sa méfiance à l’égard de sa fille. Ça n’avait pas été agréable – mais Carlisle ne pouvait pas la blâmer : il est vrai que l’année 2019 avait été particulièrement dense, le concernant. « Quel intérêt ? » Demanda l’ancien pilote, curieux d’entendre les raisons pour lesquelles chaque membre de la famille Bradford semblait sceptique quant à sa paternité. Le motif ne pouvait clairement pas être l’argent : en qualité d’héritière de la compagnie aérienne Cathay Pacific, les finances de la famille Farrell étaient au beau fixe. « Je sais que vous n’approuvez pas, mais je ne doute pas. » Clarifia l’héritier Bishop. D’un point de vue timing, tout concordait parfaitement : neuf mois très précisément après leur nuit à New York, Carmina avait donné naissance à Maya. Et puis, il y avait eu tous ces chamboulements dans leurs vies respectives. « C’est ce qu’on pouvait lui souhaiter de mieux. » Plaisanta Carlisle, alors que Skylar constatait à voix haute la ressemblance entre Maya et sa mère. Il savait que cette remarque n’était pas anodine, et qu’elle ne visait qu’à semer le doute dans l’esprit de l’ancien pilote. Mais il lui suffisait de croiser le regard bleuté de Maya pour comprendre qu’il ne pouvait pas en être autrement : il était son père, un point c’est tout. Il préféra ne pas s’attarder sur le sujet, conscient que ce différend ne serait probablement jamais réglé. « Tu seras la meilleure. » Répondit l’Australien en souriant, sans douter une seule seconde de ses propos. L’ambition de Skylar était sans limite. « C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont du mal à t’accorder leur confiance : ils savent qu’à partir du moment où tu seras leur associée, tu vas vouloir faire bouger les choses. » Et si lui trouvait cela parfaitement intéressant, il savait aussi que les actionnaires se montraient toujours frileux, voire carrément réticents, quand il s’agissait de procéder à des changements ou des modifications. Certaines habitudes étaient bien ancrées.
« Sans doute. » Confirma-t-il en hochant la tête, après avoir jeté un rapide coup d’œil à sa montre. Il observa Skylar disparaître de son champ de vision, et sentit aussitôt un poids peser sur son estomac. Son appréhension était réelle, sincère : le fait de réunir tout ce beau monde dans une si petite pièce lui semblait désormais suicidaire. Et, malheureusement, les relations entre père et fils étaient incertaines, parce que tumultueuses. Qui apaiserait les tensions, ce soir ? Qui serait le garde-fou ? « Tout va bien ? » Demanda l’Australien en posant sa main sur l’épaule de Carmina. Il savait que les moments qu’elle passait n’avaient rien d’agréable ; sa tension était presque palpable, et il s’en voulut de l’avoir convaincue de l’accompagner. Peut-être avait-il été trop exigeant. Peut-être avait-il abusé. « J’essayerai de limiter les dégâts. » Promit-il à voix basse, tout en sachant que la tâche serait compliquée. Entre Skylar et Bart, il aurait fort à faire. Aucun des deux n’acceptait la présence de Mina et l’impact qu’elle avait soudainement eu dans la vie de Carlisle, et ils lui faisaient clairement ressentir. Mais ils tiendraient bon. Ils faisaient désormais front ensemble, et c’était l’essentiel. « Bon courage. » Ajouta-t-il finalement, avant d’embrasser furtivement sa joue. Il quitta à regret sa place confortable dans le canapé, pour accueillir convenablement son géniteur.
Il glissa une main dans le creux du dos de Mina, qui berçait toujours Maya, et l’invita d’un geste à faire un pas en direction de son père, qui venait d’apparaître dans leur champ de vision. Carlisle fût le premier à aller à sa rencontre, et le salua poliment d’une poignée de main franche. « Je suis content que tu sois venu. » Confia le fils Bishop, en toute sincérité. Les relations avec son père n’avaient jamais été simples, et Carlisle avait pris le parti de saluer chaque pas que son père consentait à faire. « J’avais hâte de te présenter Maya. » Souffla-t-il, alors que Mina faisait un pas en avant pour que Bartholomew Bishop puisse finalement voir, en vrai, sa petite-fille. Il déglutit, et attendit patiemment que son père ait un semblant de réaction – et connaissant l’homme, il pouvait s’attendre à tout. « Quant à Mina… Je crois que vous vous êtes déjà rencontrés, par le passé. » Fit remarquer l’ancien pilote, tout en sachant pertinemment que la dernière fois où leurs chemins s’étaient croisés, Carmina Farrell n’était encore pas majeure.
★ @Carlisle Bishop & Mina Farrell & @Skylar WhitakerDepuis qu’ils avaient franchi le seuil de la porte, les secondes s’étaient soudain transformées en minutes, les minutes en heures, et l’heure en journée. Dès qu’elle ouvrait la bouche, elle avait l’horrible sensation d’être épier. Et quoi qu’on en dise, elle n’était pas la bienvenue dans cette maison. Elle n’avait qu’une seule hâte que ce Noël finisse en vitesse pour qu’elle puisse rejoindre sa suite d’hôtel s’inhiber pour oublier la manière dont elle avait été traité par la famille de Carlisle. Une part d’elle tentait de se rassurer. Cette soirée était peut être mieux que celle qu’elle aurait passé avec ses proches. Parce que s’il y avaient bien des gens qui étaient pire que Skylar, Bartholomew et tout l’entourage Bishop c’était bien les Farrell. Elle n’avait qu’à se rappeler comment leur dernier dîner avait tourné pour finalement relativiser sur sa situation. Seulement en plus de s’ennuyer, Mina trouvait difficilement sa place et elle accusait le coup. Skylar voulait la mettre sur le banc de touche jusqu’à la fin de la soirée, elle avait tout fait pour ne pas la mettre à l’aise. L’héritière avait trouvé refuge auprès de son bébé, une façon de s’éclipser et d’éviter toutes les niaiseries qu’ils pourraient partager. Elle leva une seule fois les yeux aux ciel lorsque Carlisle lança « Tu seras la meilleure. » à sa cousine. Une part d’elle espérait qu’il n’en pense pas un mot et que sa seule intention était d’apaiser les tensions entre les deux jeunes femmes. Et à dire vrai, elle avait réellement du mal à se rappeler ce qui l’avait poussé à venir jusque-là. Son plan machiavélique tomba aussitôt à l’eau lorsque le père Bishop arriva. Elle regretta d’avoir raté l’occasion de descendre à son tour la jeune femme. Du coin de l’œil elle la regarda s’en aller, alors que son sourire hypocrite s’effaça aussitôt que la blonde s’éloigna. « Tout va bien ? » elle secoua la tête de gauche à droite pour lui signifier qu’elle ne se sentait pas bien. « Je veux m’en aller… » chouina-t-elle, comme pour le convaincre que ça serait probablement la meilleure chose à faire. Malheureusement, il ne sembla pas réceptive à son mal être puisqu’il promit de limiter les dégâts. « Bon courage… » osa-t-il même lui lancer avant de déposer un baiser sur sa joue. Ça ne changeait rien et il le savait au regard à la fois triste et accusateur qu’elle lui lançait. Elle suivit néanmoins ses pas lorsque le vieil homme apparu dans la même pièce qu’eux. Elle reconnut l’homme qu’elle avait par le passé déjà croisé. Comme toutes les personnes dans la pièce il ne semblait pas ravie d’être là non plus, ça lui faisait au moins un point commun avec elle. Elle s’habilla de son plus beau sourire, tandis qu’elle tandis sa main au grand-père de sa fille. Une bise aurait été informel probablement et de ce que Carlisle lui avait dit, son père était à cheval sur le protocole. « Je vous rencontre enfin… » dit-elle, alors qu’il décida d’ignorer totalement sa présence. Il jeta un regard furtif sur l’enfant puis sur Carlisle et Mina, s’engouffrant finalement dans la pièce sans le moindre mot. Bête, Mina regarda Carlisle dans l’espoir qu’il prenne le contrôle de la situation. Puis, maladroitement elle tente de reprendre la parole : « On s’est aux soixantième anniversaire de la compagnie. »
« Qui ne l’est pas, dans cette famille ? » Je lui adresse un sourire, et Carlisle semble comprendre qu’il n’est pas nécessaire de s’appesantir plus sur le sujet, qu’il me rend mal à l’aise et que je n’ai aucune envie de laisser paraître la moindre faille, pas en public. Mais il n’a pas tort cela dit, il n’y a personne qui ne soit pas constamment accroché au téléphone dans nos familles respectives, et mon époux s’est parfaitement intégré dans ce joli tableau. Il ne vient pas du même monde que Carlisle et moi et certainement pas du même monde que les Farrell et mon héritage me rendra bien plus fortunée qu’il ne le sera certainement jamais, mais son ambition l’a portée loin, assez pour qu’aujourd’hui il n’ait pas à rougir de ses origines. « Déjà. Alors, tu appréhendes ton arrivée dans une nouvelle dizaine ? » Je hausse les épaules, comme si je m’en fichais, alors que la sensation d’approcher la trentaine est belle et bien vertigineuse. « C’est plus à toi qu’il faudrait poser cette question. » Puisqu’il a passé la dizaine supérieure, qui me fait bien plus peur encore. « Ne t’en fais pas, ce n’est pas moi qui vais te mettre la pression à ce sujet. Qui mieux que moi pour te comprendre ? » Effectivement, sans cet accident je reste persuadée que mon cousin n’aurait jamais sauté le pas. L’engagement le terrifiait à en croire les dires d’Amal, à laquelle je n’avais partagé le fond de ma pensée, à savoir que j’avais l’impression qu’il en était de même pour elle. « Ça m’arrangerait, pourtant. J’en ai marre d’être regardé comme une bête curieuse. »« Attends d’être le seul père cinquantenaire qui viendra chercher son enfant à la sortie des classes. » Je le taquine sans aucune méchanceté : nous n’avons jamais réussi à devenir réellement complices et proches mais je ne lui veux aucun mal.
« Quel intérêt ? Je sais que vous n’approuvez pas, mais je ne doute pas. » Je croise mes bras sous ma poitrine en silence un instant, avant de lui répondre. « Ce n’est ni le moment ni l’endroit, mais tu sais ce que je pense de tout ça. » Je lui ai déjà partagé le fond de ma pensée. L’argent n’est pas la seule source de motivation possible. Une jeune femme de vingt-trois ans qui tombe enceinte alors qu’elle trompe son fiancé à tout va, rien d’étonnant à ce qu’elle recherche la stabilité et le premier venu qui semble heureux d’être père. Mon cousin a certes un compte en banque moins fourni que le sien mais c’est ce qu’il représente : la maturité, la stabilité. Loin du golden boy auquel Carmina était fiancé, et très certainement loin de ses nombreux amants. « C’est ce qu’on pouvait lui souhaiter de mieux. » Je lève les épaules, pas réellement d’accord avec tout ça. Bon trop conservatrice je préfère le teint pâle qui nous caractérise tous les deux, mais je ne veux pas faire d’esclandre à ce sujet. Au moins elle a nos yeux, c’est déjà ça.
Le blond change de sujet, certainement désireux de détendre l’atmosphère, et il me connait assez pour savoir sur quels terrains me lancer. « Tu seras la meilleure. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont du mal à t’accorder leur confiance : ils savent qu’à partir du moment où tu seras leur associée, tu vas vouloir faire bouger les choses. » C’est à mes yeux plus parce que je suis une femme et que je suis encore jeune que certaines réticences persistent, mais je n’en dis pas mot. Encore une fois une personne me semble de trop dans cette pièce pour réellement pouvoir me confier. L’arrivée du père de Carlisle en rajoute une seconde, et je dois puiser tout au fond de mon pour réussir à trouver la forcer d’accrocher un sourire chaleureux sur mon visage alors que Bart passe la porte. « Bartholomew, bonsoir. » Je lui embrases les joues en retenant le frisson de dégout que je ressens. « Je suis content que tu sois venu. » J’aurais préféré qu’il s’abstienne, mais tant pis, il est là à présent. Nos échanges ont jusqu’ici été très limités, je ne l’ai rencontré qu’en arrivant sur Brisbane et me suis contentée des politesses d’usages, la guerre entre lui et moi père ayant pris trop de place pour qu’il en soit autrement. Carlisle m’a rapporté qu’il m’avait trouvée distinguée et d’une certaine classe, j’ai pris ça comme un point positif, mais je sais qu’il repousse aujourd’hui tout ce qui peut lui rappeler sa défunte femme, et d’après mon père je ressemble beaucoup à sa sœur. Un mauvais point pour moi donc. En bonne hôtesse je reste silencieuse lorsque Carlisle fait les présentations, mais ne peux m’empêcher de noter avec un sourire que Bart ignore royalement Carmina. Parfait. « Je vous rencontre enfin… » Elle a l’air bien moins à l’aise, bien moins sure d’elle que lorsque je l’ai confrontée à l’hôtel et ce n’est pas pour me déplaire. « On s’est aux soixantième anniversaire de la compagnie. » Tentant d’alléger l’ambiance déjà bien lourde, je finis par croiser mes mains et reprendre la parole. « Maintenant qu’on est tous là je vous propose de passer à table. Je suis désolée Bart, Nolan ne se joindra pas à nous, il travaille. » Plus une politesse qu’autre chose, et j’entraine les convives vers la salle à manger, avant de m’éclipser en cuisine une seconde pour demander à la jeune femme embauchée pour la soirée de lancer les entrées. Lorsque je reviens et prends place en bout de table – place généralement réservée à Nolan, j’attrape la bouteille de champagne pour servir les coupes des invités. « Pas de champagne pour Maya, je suppose ? »
« L’âge n’a jamais été un problème, pour moi. » Répondit l’ancien pilote en haussant les épaules. Il avait vite pris conscience que le temps défilait, et que rien ne pourrait l’arrêter. Sa mère était morte depuis longtemps, et pourtant, il avait l’impression que c’était hier. À l’inverse, sa relation avec Amal lui paraissait être lointaine, très lointaine - presque comme si elle appartenait à une autre vie. Pourtant, un an plus tôt, c’était bien son ancienne fiancée qui partageait encore sa vie. « Outch, ça fait mal. » Commenta simplement l’Australien en faisant la moue. Skylar n’avait même pas pris la peine de dissimuler son attaque, très personnelle. Qu’avait-elle imaginé ? Que croyait-elle ? Que tout était simple et qu’il vivait désormais d’amour et d’eau fraîche ? Pensait-elle qu’il n’avait pas déjà pensé à tous les tracas qu’impliquait le fait d’être père à quarante ans ? Son regard s’attarda sur Maya, qui dormait paisiblement dans son maxi-cosi. Il débordait d’amour pour sa progéniture, et reconnaissait volontiers que sa naissance avait positivement bouleversé sa vie. Mais il savait aussi que des défis l’attendaient, et que ce ne serait pas toujours une partie de plaisir. Son âge pourrait effectivement devenir problématique, comme le sous-entendait clairement sa cousine. Son équilibre précaire avec Mina pouvait s’écrouler à tout instant. Mais il s’était fait une promesse : il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour passer le plus de temps possible avec sa fille. Pour partager des moments uniques, exceptionnels. Pour assister à ses plus grandes réussites, et pour la réconforter lors de ses plus gros chagrins. Il tiendrait bon, le plus longtemps possible. N’en déplaise aux différents membres de sa famille. « On en reparlera, à l’occasion. » Déclara l’Australien, d’une voix calme et posée. Mais l’apparente indifférence qu’il affichait était trompeuse ; il avait du mal à accepter qu’on remette en cause la légitimé de sa nouvelle famille, alors que lui-même tendait à s’épanouir. Il avait fait un enfant avec l’héritière Farrell, et ils tentaient aujourd’hui de se donner une vraie chance. Alors non, ce n’était pas conventionnel. Non, ça ne rentrait pas dans les cases. Et non, ce n’était pas la chose la plus mature et la plus raisonnable qu’il ait fait dans la vie. Mais c’était arrivé, et il l’avait pleinement assumé : il espérait juste que les autres respectent son choix et son mode de vie, désormais.
Il s’en voulait, de l’avoir convaincue de se rendre dans ce guet-apens dont ils ne ressortiraient pas indemnes. Le ton plaintif et la mine renfrognée de la mère de Maya ne trompait personne : elle passait des instants difficiles, et être ici était tout, sauf une partie de plaisir. L’ancien pilote se fit la promesse mentale de la remercier, encore et encore, d’avoir accepté cette séance de torture pour lui faire plaisir. Il avait cru que le fait d’être vus, ensemble, contribuerait à arranger les choses ; il n’en était vraisemblablement rien. « Je sais. Je te promets qu’on ne s’éternisera pas. » Murmura-t-il à voix basse, alors que la paume de sa main droite venait couvrir celle de la mère de sa fille. Il était compliqué, pour lui, de jongler entre les liens du sang et ceux du coeur. Mais ils devaient se serrer les coudes et faire front, ensemble. « Je n’aurais pas dû t’imposer ça. » Admit-il, la gorge nouée. Si lui s’en tirait plutôt bien, elle, malheureusement, subissait les assauts répétés de sa cousine. Carlisle tentait de faire bonne figure pour deux, réagissant en faveur de Mina lorsque cela s’imposait. Et l’arrivée imminente de son père n’augurait rien de bon : lui non plus ne l’épargnerait sans doute pas. Bartholomew Bishop n’était pas connu pour sa douceur, sa délicatesse, et sa tolérance. C’était plutôt l’exact contraire, à vrai dire.
L’indifférence de son père ne l’avait guère surpris et, finalement, ce manque de réaction était peut-être la meilleure chose qui puisse leur arriver. Il jeta un coup d’oeil entendu à Mina, et ils emboîtèrent le pas de leur hôte. Carlisle prit soin de s’installer aux côtés de la mère de sa fille, signifiant visuellement qu’ils étaient tous les deux, ensemble. Encore une fois, cette idée de devoir faire front uni lui traversa l’esprit. « Qu’est-ce que tu nous as préparé de bon ? » Demanda-t-il, alors que Skylar prenait place en bout de table, tandis que son père optait pour la place en face de celle de son fils. « Compte sur nous pour l’initier dès qu’elle aura l’âge. » Répondit l’ancien pilote en souriant, avançant sa coupe en direction de Skylar pour qu’elle puisse plus facilement le servir. Elle s’exécuta, et en fit tout autant pour ses autres convives. « Que puis-je vous souhaiter, à chacun ? » Demanda l’Australien alors qu’ils étaient sur le point de trinquer. La réponse de son père fusa, sans surprise : « Que les affaires soient prospères. » Carlisle ne s’inquiétait pas à ce sujet ; il n’avait jamais eu à négocier aussi âprement pour obtenir quelques malheureux jours de congés, alors que tous les voyants étaient au vert. Il posa ensuite son regard sur Skylar, curieux de savoir ce que sa cousine espérait pour cette nouvelle année à venir.
★ @Carlisle Bishop & Mina Farrell & @Skylar WhitakerA choisir, elle aurait probablement préféré passer sa soirée avec sa famille plutôt que celle de Carlisle. Elle avait de plus en plus de mal à supporter l’hypocrisie de chacun, là ou de nature elle excellait en la matière. Mina n’avait pas l’habitude de passer en second plan mais pour lui, elle avait accepté de faire des concessions. Jusque-là, elle avait essayé de prendre avec maturité chacun des piques que pouvaient lui envoyer sa cousine. Aussi, elle s’était mordue la langue lorsque le père Carlisle avait décidé de l’ignorer comme une moins que rien. Elle ! Mina ! Elle avait l’horrible sensation de se faire bizuter par une famille qui ne voudrait pas d’elle quoiqu’elle fasse. Son regard se posa sur celui de l’ex-pilote, lui non plus n’avait pas l’air à l’aise dans cette comédie qui se jouait sous ses yeux mais il tentait du mieux qu’il pouvait de rattraper les apparences. Il voulait probablement bien faire et faire plaisir à tout le monde, seulement au lieu de ça, il avait rassemblé trois personnes dans la même pièce qui ne pouvaient pas se supporter. Son amour pour les trois était probablement justifié, d’un côté son père, de l’autre sa cousine puis elle. S’ils n’avaient jamais réussi à définir leur relation, elle était certaine d’être plus qu’une amie pour le pilote. Elle était la mère de leur fille mais aussi celle qu’il avait volontairement embrassé le soir de son anniversaire. Et même si elle n’avait pas obtenu le fin mot de cette histoire, elle était persuadée qu’elle pouvait désormais se prétendre elle aussi détentrice d’un morceau du cœur du jeune père. Pour cette raison, elle avait accepté de le suivre jusqu’aux portes de l’enfer et bientôt elle regrettait d’avoir laissé parler son cœur plutôt que sa raison. Elle suivit la cadence jusque dans la vaste salle à manger, priant pour que ce dîner soit vite écourté. La rencontre avec son beau-père était à l’image de ce que Carlisle avait présagé et elle regrettait presqu’il se soit abstenu de commentaire. « Pas de champagne pour Maya, je suppose ? » elle faisait le service elle-même, ce qui agaça presque l’héritière qui avait l’habitude d’être choyé par le petit personnel. « Je crois que je vais prendre son verre. » formula-t-elle à haute voix, ayant de plus en plus de mal à cacher son malaise alors qu’elle terminait en une traite son verre. Elle finit par lâcher un sourire comme pour rassurer l’entourage du pilote que ce n’était qu’une plaisanterie. « Je plaisante… » dit-elle finalement pour clarifier un peu plus la situation, alors qu’un fossé semblait se creuser à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche entre elle et le reste du monde. Elle avait la sensation de suffoquer tandis qu’elle transpirait presque en plein milieu de décembre. Heureusement, Carlisle pris place face à elle comme pour la rassurer un peu plus. Naturellement, son père décida de s’asseoir à côté de son fils. « Que puis-je vous souhaiter, à chacun ? » de quitter au plus vite cet endroit et de ne plus jamais y mettre les pieds ? Elle haussa les épaules alors que l’ennui s’était soudainement mis à la dévorer la poussant à se comporter de façon bizarre. « Que les affaires soient prospères. » souffla père fouettard tandis que le sourire de l’héritière s’élargit alors qu’elle décida de pimenter la soirée à sa manière. Doucement, elle vint chercher le pied de son partenaire, tentant désespérément d’attirer son attention par un jeu de pied qui se voulait coquin. Il l’avait embrassé le premier, ce qui lui donnait en partie le droit de le provoquer un peu. Voyant qu’il ne réagissait pas, elle décida de monter un peu plus haut son pied tandis que la voix de Bartholomew se fit entendre, tirant aussitôt Maya de son sommeil. « Mais !! » commença-t-il, alors qu’elle se rétracta aussitôt comprenant sa bourde. Son regard jongla entre celui de Carlisle qui avait l’air de ne pas comprendre la situation et son père qui s’était levé d’un coup très en colère. Skylar avait perdu depuis longtemps le contrôle de sa soirée. Quant à Mina, elle resta un instant interdite ne sachant pas si elle devait rire ou pleurer de la tournure que prenait ce dîner…
« L’âge n’a jamais été un problème, pour moi. » Je jette un coup d’œil appuyé à la brune. Effectivement, l’âge, tout comme le quotient intellectuel, n’a jamais été un problème pour lui. Je sais déjà que cette phrase fera beaucoup rire Amal, lorsque je l’aurais au téléphone pour lui faire le débriefing du diner que je lui ai tant promis. « Outch, ça fait mal. » Je hausse les épaules : je n’ai pas dit ça dans le but de le blesser, mais il a choisi ce qui lui arrive encore une fois, en partageant son intimité avec une femme aussi jeune, aussi imprudente et de toute évidence sans prendre la peine de se protéger. Je le soupçonne même d’être celui qui l’a convaincue de mener sa grossesse à terme, l’héritière me semble bien trop égoïste pour l’avoir souhaité d’elle-même, sans un pauvre type comme mon cousin prêt à la rassurer et à promettre qu’il serait à ses côté tout du long. Mais je me tais, peu désireuse de déclencher une guerre alors que nous n’en sommes qu’à l’apéritif, et l’arrivée du père de Carlisle fait aide aussi à désamorcer la situation, aussi surprenant que cela puisse paraître. Je sais que cela ne durera pas cela dit, Bartholomew ressemble beaucoup trop à mon père : fier, il pardonne peu et ne mâche pas ses mots.
Les inviter à passer à table me semble être la solution indiquée pour tenter de calmer le jeu, pour que les choses ne dégénèrent pas avant même que nous ayons entamé le plat de résistance. Je prends la place en bout de table, celle qui revient généralement à Nolan lorsqu’il est présent, et laisse les convives s’installer à leur guise, bien décidée à lâcher prise, à ne pas me mêler de leurs conflits internes, ceux qui ne me concernent pas, comme je l’ai promis à mon époux.
Sauf que Nolan n’est pas là ce soir, et que je doute de réussir à me maîtriser.
« Qu’est-ce que tu nous as préparé de bon ? » Comme s’il y avait la moindre chance que ce soit moi qui soit passée en cuisine, que je n’ai pas simplement fait appel aux talents d’une cuisinière. Je ne cuisine que peu, alors il est évident que l’on ne me verra jamais passer une journée entière à préparer un repas de fête. J’ai choisi le menu évidement, et attachée aux traditions j’ai opté pour du conventionnel. L’un des grands classiques en Australie, entrée composée de crevettes passées au barbecue et présentée sur une feuille géante de bananier, le tout dans un service en argent, jambon de noël glacé au miel et sa sauce cranberries, et sans oublier la traditionnelle Pavlova garnie de mangues et de framboises en dessert. D’un air distrait je récite le menu, avant d’adresser un clin d’œil à mon cousin. « …Mais le tout préparé par un chef, tu t’en doutes. » Si je ne sers pas les plats, je mets un point d’honneur à remplir les coupes de champagnes moi-même, mon père avant moi a toujours tenu s’en charger le soir du réveillon. « Compte sur nous pour l’initier dès qu’elle aura l’âge. » Je lui adresse un sourire poli avant de distribuer les coupes de champagnes alors que le personnel réquisitionné pour la soirée apporte l’entrée à table. « Je crois que je vais prendre son verre. » Je jette un regard à Carmina, qui fait disparaître le contenu de sa flute en moins de temps qu’il ne m’en faut pour terminer de servir. Je fronce les sourcils, rapidement imitée par Bart, devant le manque de classe flagrant de l’héritière. « Je plaisante… » Je ne réponds rien et me contente de hausser les épaules, mais la ressert : il ne sera pas dit que je suis pingre, et surtout je compte bien profiter de son malaise, mais ne pas y ajouter, pour rester blanche quand viendra le temps des reproches. Et il viendra, j’en suis persuadée. « Que puis-je vous souhaiter, à chacun ? » Il est presque attendrissant à tenter une pirouette pour changer de sujet, je serais attendrie moi aussi si je ne nourrissais pas une telle haine pour celle qu’il préserve. « Que les affaires soient prospères. »« Evidement. » Je lève les yeux au ciel, mais renvoie à tous un hypocrite sourire lorsqu’ils tournent les yeux dans ma direction, ainsi qu’un haussement d’épaules innocent. Il ne se déride pas Bart, et je trouve presque ça risible de le voir si tendu et sur la défensive. « Excusez-moi Bart, où est passée ma politesse. Comment se passent les choses avec Carlisle au bureau ? Depuis le temps que vous rêviez de le voir vous rejoindre. » Un regard appuyé à mon cousin, celui qui trahit ma déception de l’avoir vu céder à son père pour des considérations futiles. Pour une aventure futile. Il a gâché sa vie pour cette fille à mes yeux, et mon respect pour lui en est sérieusement entamé. « Mais ! » Je braque mes yeux sur le père de Carlisle, puis sur la brune, et mets, je l’avoue quelques secondes à comprendre ce qu’il est en train de se passer. Elle ne sait donc pas se tenir ? Je ne pensais pas possible de la voir encore descendre dans mon estime, et pourtant elle réussit ce tour de force, et moi je tente de ne pas m’étouffer avec une crevette avant de lever les yeux au ciel, de façon bien distincte ce coup-ci. « Calmez-vous Bart. Je suppose qu’il s’agit là d’une erreur de la part de notre jeune amie ici présente. Vous savez, la fougue de la jeunesse… Cela m’étonnerait toutefois qu’elle se mette à faire du gringue au paternel du père de sa fille. » Je plante ma fourchette dans mon plat, incapable de résister à l’envie de rajouter un simple « Quoi que. » Avec elle, plus rien ne peux me surprendre.
« Nous ne mourons pas d’empoisonnement ce soir, alors. » Commenta l’ancien pilote en souriant. Il taquinait volontiers sa cousine, qu’il savait être une piètre cuisinière. Elle ne cuisinait pas, ou très peu, et manquait donc de pratique. L’Australienne dévoila les mets qui allaient être servis ce soir — ce serait sans doute un régal. Les quatre adultes prirent place autour de la table, se répartissant de part et d’autre de la table. « Il était grand temps qu’il prenne ses responsabilités et me rejoigne. » Les mots étaient vifs, acérés, tranchants : le père Bishop savait ce qu’il voulait, et ce qu’il ne voulait pas. Parfois, Carlisle se demandait ce qu’il serait advenu de lui s’il avait été un adolescent moins contrarié. Son père l’aurait-il soumis plus tôt ? L’aurait-il empêché de réalisé son rêve, et forcé à travailler directement dans la société familiale ? Est-ce que sa vie aurait été différente, si sa mère avait survécu à la maladie ? Aurait-elle joué un rôle prépondérant dans cette relation chaotique ? « Ce n’est pas le travail qui manque. » Précisa-t-il, toujours fier de faire état de sa réussite. Carlisle hocha la tête, mais préféra ne pas épiloguer sur le sujet : il savait très bien que les deux femmes présentes autour de cette table n’approuvaient pas son choix. Skylar le prenait pour un minable ayant plié sous le poids de la pression familiale ; quant à Carmina, elle lui avait déjà proposé de retourner travailler dans la compagnie aérienne — mais Carlisle avait poliment décliné. Être employé et en même temps avoir une fille avec l’héritière de l’entreprise ? C’était comme se tirer une balle dans le pied.
Il avait naïvement pensé que le pire était derrière eux ; malheureusement, il se fourvoyait complètement. Alors que les convives goûtaient silencieusement aux entrées qui venaient d’être servies, le père de Carlisle se redressa brusquement, offusqué. « Mais !! » L’Australien, surpris, eut tout juste le temps de relever les yeux et de constater la rougeur qui envahissait les joues de la mère de sa fille. Les yeux de Mina balayait le sol, tandis que ceux de Bartholomew lançaient des éclairs, foudroyant la jeune mère du regard. Carlisle le connaissait suffisamment pour savoir qu’il était à la fois choqué, et en même temps agacé. « Tes goûts sont franchement discutables. Mais ça, ce n’est pas nouveau. » Qu’avait-il dit, ou fait, qui puisse justifier une telle réaction ? Il écarquilla les yeux, et lentement, les pièces du puzzle s’assemblèrent. Et, finalement, il comprit quels avaient été les desseins de Mina. Un couple qui cherchait encore à s’apprivoiser, une situation particulièrement stressante, et une table garnie qui dissimulait les méfaits accomplis : le cocktail aurait dû être parfait. Une telle audace ne l’étonnait pas — elle s’était toujours montrée très sûre d’elle, et ça ne lui avait pas déplu, bien au contraire. En d’autres circonstances, il aurait probablement éclaté de rire. Parce qu’il fallait bien le reconnaître : la situation était cocasse, et ne manquait pas d’humour. Malheureusement, l’ambiance n’était pas au beau fixe et la moindre sur-réaction mettrait le feu aux poudres. Il allait relativiser lorsque son père, passablement énervé, siffla d’une voix sans appel : « Ce qu’on lit sur votre compte est donc vrai. » L’ancien pilote releva les yeux, s’attendant à tout — mais surtout au pire. Son père ne faisait habituellement pas preuve de diplomatie et, surtout, se fichait royalement d’être cruel. « Votre nom prestigieux ne vous dispense pas d’un minimum d’éducation. Vos coups d’éclat ne vous rendent pas justice, et la petite allumeuse que vous êtes ne trompe personne. » Les propos étaient durs, violents, humiliants. Carlisle en avait l’habitude, mais il aurait préféré que la mère de sa fille n’en fasse jamais les frais. « Mon fils s’est peut-être laissé berner, mais en ce qui me concerne, écarter les cuisses ne suffira pas à me distraire. Vous n’êtes personne, Carmina Farrell. » Le coup de grâce. Comment pouvait-on se montrer si froid et si mesquin ? Qu’avait-il à y gagner ? Ne pouvait-il pas, pour une fois, se taire ? Faire preuve de respect, de tolérance ? Il reprit place comme si de rien était, et commenta le plat qui lui avait été servi : « C’est délicieux, Skylar. » Carlisle, la gorge nouée, fut incapable de manger. Incapable de passer au-dessus des monstruosités qui venaient d’être dites. Incapable de se laisser faire sans rien dire, alors que sa famille — la sienne, celle qu’il avait commencé à construire — était injustement pointée du doigt et critiquée. Pour l’ancien pilote, c’était tout bonnement intolérable ; qu’on s’en prenne à lui, c’était une chose. Qu’on fasse vivre un enfer à Mina, et potentiellement à leur fille, lui était insupportable. Il jeta un coup d’oeil à Maya, qui dormait paisiblement, et sentit son estomac se dénouer. « C’est la mère de ma fille. » Fit remarquer Carlisle, sa fourchette s’appliquant à déplacer les cranberries sur le bord de son assiette. « Retire ce que tu as dit. » Réclama Carlisle, dont les doigts de la main gauche pianotaient frénétiquement sur la table. Pendant une fraction de seconde, agresser son père avec la fourchette qu’il tenait dans sa main lui parût être une idée brillante — mais sa bienséance le rappela vivement à l’ordre. Non, faire usage de la force n’était clairement pas la meilleure chose à faire. « Skylar, t’es priée d’éviter les commentaires désobligeants. » Siffla-t-il. Parce que si elle le cherchait sur ce terrain, elle le trouverait sans problème. Est-ce qu’il faisait état de l’absence de son mari, alors qu’ils fêtaient Noël en famille ? Est-ce qu’il commentait ses décisions, ses ambitions, ses envies ? Est-ce qu’il la jugeait parce qu’elle ne voulait pas donner à Nolan ce qu’il désirait le plus au monde — un enfant ?
★ @Carlisle Bishop & Mina Farrell & @Skylar WhitakerCette soirée n’avait rien de bon, en plus d’avoir mal commencé, la tournure qu’elle prenait jouait en la défaveur de Mina. Elle avait été folle d’accepter de suivre le pilote chez sa famille dans l’espoir d’enterrer la hache de guerre et commencer sur une nouvelle base. Les Bishops n’avaient jamais voulu d’elle dans leur famille à en croire Carlisle, ils n’étaient pas du genre à changer facilement d’avis. Jusque-là, Mina avait pris sur elle, tentant du mieux qu’elle pouvait de faire meilleure impression et d’arrondir les bords à chaque fois qu’un pique lui était adressé. Et puis, elle avait la sensation de refouler ce qu’elle était depuis le début parce qu’elle n’avait pas envie de blesser de nouveau Carlisle. Tout ce qu’elle voulait c’était montrer sa bonne foi devant son père et sa cousine. Si dans le fond, elle se moquait un peu qu’ils l’apprécient, pour Carlisle et pour Maya elle voulait de meilleures relations entre sa famille et elle. L’arrivée de Bart n’avait pas arrangé la situation. En plus de n’accorder aucun regard à la mère de sa petite-fille, il avait concentré toute son attention autour de son entreprise et de ses affaires. La soirée n’avait rien d’agréable et le temps semblait se transformait en heure. Ce n’était clairement pas la meilleure idée qu’elle avait jusque-là eux, mais la réaction de Bart fit passé la jeune femme par toutes les couleurs. « Ce qu’on lit sur votre compte est donc vrai. » pendant un instant, Mina eut du mal à retrouver l’usage de sa langue. Seulement, il était hors de question qu’elle continue à s’écraser ainsi devant la famille du jeune père. Elle fronça aussitôt les sourcil face à cette première phrase. « Votre nom prestigieux ne vous dispense pas d’un minimum d’éducation. Vos coups d’éclat ne vous rendent pas justice, et la petite allumeuse que vous êtes ne trompe personne. » Elle chercha aussitôt le regard de son amant, incapable de supporter plus longtemps cette humiliation. « Mon fils s’est peut-être laissé berner, mais en ce qui me concerne, écarter les cuisses ne suffira pas à me distraire. Vous n’êtes personne, Carmina Farrell. » était-il prêt à parier là-dessus. La colère pris le dessus sur le malaise, à son tour, elle se leva prête à lui enfoncer sa fourchette dans le bras pour faire taire le vieillard. « Calmez-vous Bart. Je suppose qu’il s’agit là d’une erreur de la part de notre jeune amie ici présente. Vous savez, la fougue de la jeunesse… Cela m’étonnerait toutefois qu’elle se mette à faire du gringue au paternel du père de sa fille. » « Quoique… » c’est vers la jolie blonde qu’elle décida finalement de retourner sa colère, alors que Carlisle avait choisi de la défendre face à son père. «Vraiment Skylar? Tu veux qu’on parle de toi ?» Elle pouvait continuer son petit jeu encore longtemps, mais elle ignorait encore à qui elle se frottait. Jusque là, Mina avait fait en sorte de ne pas entrer en conflit mais la guerre était officiellement déclarée. « Une chance que Nolan ne soit pas là, j’aurais été ravie de lui parler de certaines choses… » elle resta vague alors que son regard se posa finalement sur Bart. « Quant à vous, Beau-papa, il est dans votre intérêt de traiter un peu mieux la seule personne qui veut encore de vous. Votre fils se faisait une joie de vous présenter sa famille mais vous n’avez pas l’air d’être concerné. » Elle recule finalement, incapable finalement de toucher son assiette puis s’approche de sa fille. « Merci pour l’invitation Skylar, mais nous allons rentrer maintenant. »