Ils ont beaucoup parlé, les ambulanciers. Ils ont dit beaucoup de choses, à elle qui n’arrivait pas à écouter, à Tim qui était toujours inconscient, à Matt qui se montrait fort pour tous alors que ce n’aurait jamais dû être son rôle. Pendant tout le trajet, elle garde les yeux rivés sur le visage fermé du brun, elle le regarde bouger lors des aléas sur la route, elle l’observe parfois grimacer et elle est certaine qu’il a mal, même s’il ne peut rien dire. Elle a enroulé une main autour du bras de Matt et garde l’autre sous son ventre par simple réflexe naturel. Sa tête, désormais calmée et lestée de plusieurs litres de larmes, est posée sur son épaule et se laisse mouvoir au gré des tours et détours de la route. Ses yeux bleus sont perdus dans le vide, sa respiration, bien que plus calme, est toujours encore trop rapide.

Sa tête est enroulée dans un ruban blanc devenu rosé à l’arrière de son crâne, la blonde ne dit rien mais fait attention aux gestes de quiconque s’approche de lui, que ce soit dans l’ambulance ou une fois arrivés à l’hôpital. Parmi les nombreuses questions qu’on lui pose, elle n’est pas capable d’en répondre à certaines et ça la fait encore plus enrager. Son groupe sanguin, son putain de groupe sanguin. Elle n’a aucune idée de la lettre, encore moins du rhésus. Ils vont avoir un enfant ensemble et elle ne connaît même pas ce genre de détail, énième preuve qu’ils sont encore une fois allés trop vite et trop fort pour seulement en venir à foncer droit dans le mur.

On lui propose à boire, on lui propose à manger, on lui propose d’aller faire un tour dehors mais elle refuse tout. Ce n’est pas elle qui va mal, qui est alitée et inconsciente. Ce n’est pas elle dont il faut s’occuper et cela ne fait que l’enrager encore un peu plus à chaque fois qu’on lui montre une nouvelle forme d’attention. Seul Matt a le droit d’aller chercher du café imbuvable, de lui faire croire que c’est pour lui avant de le donner à elle. Il est le seul dont elle accepte les remarques et les mots le temps que Tim se remette. Il est juste tombé, ça arrive à tout le monde. Il ira bien. Il ira bien parce que Matt l’a promis et que ces quelques mots là, elle s’en souvient bien.

Elle garde une main posée dans une des siennes qu’elle caresse doucement de son pouce et l’autre posée sur le front du brun. Fermant les yeux, elle finit par s’approcher de lui pour déposer un baiser sur son front pour lui faire comprendre qu’elle sera là, quoi qu’il arrive. ”Je ne m’en irai pas Tim. Je te promets que je ne repartirai pas, plus jamais.” Elle articule à peine, murmure à ses oreilles alors qu’elle s’autorise à garder ses lèvres posées sur son front quelques secondes de plus encore.

la dream team:

Je pense que même si on m'avait menacé de me couper la main à la scie rouillée, j'aurais pas lâché la paume de Charles de tout le trajet en ambulance. Même quand ses petits doigts m'avaient coupé toute circulation sanguine, même quand ses ongles de gamine avaient lacéré ma peau sans lendemain. La sirène nous rattrape, le véhicule qui prend les courbes relativement rapidement, tout ça, ça nous ramène à l'essentiel.

Tout va bien aller et si je pouvais répéter que ça, si je pouvais le lui dire que ça, c'est ce que je ferais. Elle me regarde pas, elle regarde que lui, c'est sûr, je fais pareil. Il a l'air calme le pire, c'est ça l'ironie. Parce que je les ai vus, ses rictus de stress, parce que je les ai remarqués, ses coups d'oeil voilés. Et là, allongé, endormi, malgré ses blessures et Charlie qui me brise le coeur à être recroquevillée auprès de lui, il a l'air bien, enfin. Le poids du monde envolé momentanément de ses épaules, c'est tout ce qu'il mérite, reprendre des forces, reprendre contenance. J'espère qu'on arrivera à le voir comme ça bien réveillé aussi - ça en devient ma nouvelle priorité.

Le café de l'hôpital est a mess, pas de surprise ici. Mais de toute façon, avec Charlie, c'est du thé que je lui fiche entre les mains depuis des semaines déjà. De la camomille, du gingembre, parfois du jasmin quand je me sens olé olé, mais la majorité du temps, je suis le type chiant qui fait 40 000 recherches avant de mettre quoi que ce soit dans un gobelet pour elle, ou dans une assiette. Ce coup-ci par contre, pour pallier à tous ses refus, j'ai fait dans la créativité, thé noir, miel, decaf. Elle y verra que du feu, je suis un génie me le dites pas tous en même temps.

”Je ne m’en irai pas Tim. Je te promets que je ne repartirai pas, plus jamais.” et j'écoute pas, ça. C'est à eux, c'est leur moment, c'est leur intimité et c'est leur bulle. Moi, je suis que le gars qui a jeté son dévolu sur la télévision suspendue dans un coin de la chambre où ils nous ont tous foutus en attendant que Tim se réveille. Et je cherche, désespérément, un truc qui lui changera les idées, un truc qui la fera rire, un truc qui sera si con et si inutile et si marrant que ce sera impossible de pas fixer l'écran à en devenir débiles plutôt que de devenir débiles d'attente.

C'est le générique de Mariés au premier regard qui finit par gagner, la pub télé qu'ils ont fait pour annoncer que l'émission allait reprendre en début d'année ; et où apparemment j'ai finalement été confirmé sur le casting original. « Merde, j'ai oublié d'avertir Tim qu'à partir de janvier je me métamorphose en starlette à être suivi 24/7 par des caméras. » je tente le tout pour le tout. Parce que ça, ça veut dire qu'il va se réveiller, et qu'il va revenir bosser. Ça veut dire qu'il sera encore là en janvier, et pour une infinité de mois après. Ça veut dire qu'il va prendre part au truc, à distance, mais quand même. Ça veut dire qu'à un moment, tout rentrera dans l'ordre, et c'est tout ce dont elle a besoin d'entendre, je parie.

Timothy n'avait plus aucune conscience de son corps, il voyageait dans les limbes, sentant de temps en temps qu'il essayait d'ouvrir un oeil mais sans jamais réussir à aller jusqu'au bout de son geste. Tout lui semblait si difficile à surmonter à l'heure actuelle et il ne savait pas s'il arriverait à remonter la pente désormais. Rien n'était sûr, plus rien ne l'était depuis des mois de toute manière: sa vie était un bordel monstrueux et ce cher soldat ne gérait pas très bien tous ces changements qui l'étreignaient. Ce soir-là, tout aurait dû se passer à merveille parce que Matt lui avait offert une occasion en or de se faire un salaire raisonnable en travaillant au DBD. Il aurait dû être reconnaissant, Decastel, mais en réalité, il n'avait même pas eu le temps de l'être avant de se retrouver en crise de panique face à l'affluence et l'impolitesse de la clientèle. Tout irait pu se dérouler aussi merveilleusement qu'à l'accoutumée s'il avait pu retenir sa chute mais cela n'avait pas été le cas et le traumatisme crânien avait paru être une alternative inévitable. Il était tombé dans l'inconscience sans pouvoir finir sa phrase alors que Charlie le tenait fermement contre elle et depuis lors, tout n'était que rayons lumineux, paroles flous et quelques blouses blanches qui martyrisaient ses pupilles de leur couleur trop flagrante. Tim ne savait pas vraiment où il était mais il se laissa porter par le vent, ne reprenant vraiment conscience que bien plus tard, dans le secret de sa chambre, sentant une main collée à la sienne, un baiser se déposer sur sa tempe et on lui parlait. On lui disait quelque chose d'important, quelque chose qu'il aurait dû être en mesure d'enregistrer mais son cerveau n'était pas encore totalement connecté et tout avait l'air d'aller si vite autour de lui. Le bruit de la télévision retentit effectivement juste après et ce fut le moment que Decastel choisit pour ouvrir doucement un oeil puis un autre, peu sûr de lui. Il essaya de prendre la température de son décor, son regard tombant nez à nez avec le visage inquiet de Charlie si proche de lui. Il essaya de sourire, même si c'était encore faible en vue des forces qui n'étaient pas encore totalement revenues dans ses muscles. "Hey." C'était déjà bien et il aurait aimé dire plus, essayer de mettre en mots tout ce qui se bousculait à l'intérieur mais ses yeux croisèrent la silhouette de Matt au fond de la salle et il se demandait bien ce qui avait provoqué tout ce raffut. "Pourquoi... Qu'est-ce qui s'est passé?" Il avait la voix rauque encore mais Tim sentait que ses pensées se fixaient de mieux en mieux, ses doigts réussissant à répondre à l'étreinte de ceux de la jolie blonde et bon sang, qu'est-ce qu'il lui avait fait subir encore une fois?

Je quitte tout juste le box où est alitée une patiente relevant de la géronto-psychiatrie souffrant d'une fracture du col du fémur l'ayant conduite de la maison de retraite où elle réside au services des urgences de St Vincent's lorsque j'entends un collègue ambulancier annonçant d'une voix forte : « TC d'un homme d'une trentaine d'années - » Ma main prête sa force pour assurer les mouvements pressés du brancard tandis que les secouristes informent l'équipe qui prendra le relais de l'infortuné des renseignements qu'ils ont récoltés dans l'ambulance comme sur les lieux de l'incident - origine du traumatisme, prise de traitement, hémophilie, intoxication (alcool, drogues... ?) - et qui conduiront Timothy, sous l'ordre du médecin urgentiste, vers un box normal et non de déchoquage.

La porte du box se referme momentanément sur les accompagnateurs du brun, les coupant de la prise en charge qui suivra. Mes yeux ont le temps d'assimiler le portrait de Matt, la notion de la loi des séries qui s'acharne sur les McGrath rendant mon cœur lourd quelques secondes. Ma raison demeure néanmoins bien trop focalisée sur Tim pour que mes émotions perdurent. Je lui positionne précautionneusement un collier cervical rigide et me charge de son installation dans le lit après un passage du brancard à ce dernier tandis qu'un examen neurologique et que le diamètre pupillaire du malade est réalisé par le praticien.

Je scope le patient afin que ses paramètres vitaux soient surveillés et visibles de tous en permanence puis réalise une dextro dans le but de mesurer sa glycémie. Une voie veineuse est posée, la détresse respiratoire repoussée, et l'urgentiste troque le bandeau blanc par un pansement après avoir suturé la plaie frontale et être parti en quête de lésions traumatiques associées à la chute. Je prélève le sang nécessaire au bilan biologique requis et quitte le box pour prévenir l'arrivée imminente d'un patient au service de radiologie. Les tubes de sang confiés au technicien, c'est quelques temps après, examens réalisés - dont le scanner - et résultats en attente, que Charlie et Matt sont conduits auprès de leur ami - de cœur ou pas -.

Je suis désigné pour assurer la surveillance rapprochée - toutes les dix minutes, chrono dans ma poche pour ne pas tarder - du garçon. Lorsque j'entre pour un check-up, Matt a les yeux rivés sur la télévision et la blonde s'est rapprochée du patient duquel elle tient la main comme elle couve la silhouette avec un amour altruiste. "Hey." Le jeune homme murmure à l'attention de celle que je soupçonnais être sa petite amie, tandis que je vérifie méticuleusement la perfusion et annote les derniers paramètres vitaux dans son dossier. "Pourquoi... Qu'est-ce qui s'est passé?" Le silence enveloppe le box, je n'entends plus que ma mine de crayon gratter le papier discrètement. Mes yeux se relèvent, interrogateurs et conciliants, pour réaliser que ni la fille, ni le garçon ne répondent au patient, comme je l'avais auguré. J'explique ainsi posément, intonation douce et nullement alarmiste : « Vous avez fait une mauvaise chute qui vous a causé un traumatisme à la tête. C'est pour ça que vous avez un bandage, juste ici, - je désigne la région frontale concernée sur mon propre visage - On vous a suturé la plaie. » Je marque une pause, attentif à la moindre question et désireux de ne pas aller trop vite dans la livraison d'informations pour que tout puisse être aisément, sans stresse supplémentaire inutile, assimilé. Je reprends, d'une voix calme et prévenante : « On va vous garder en observation quelques temps. On vous a fait un scanner pour être sûr de l'impact de votre chute et pour vous traiter au mieux. Celui-ci a révélé qu'en tombant, quelques lésions se sont créées quand votre cerveau a heurté la boîte crânienne. Vous saignez un peu dans votre tête et on veut garder un œil précis sur ces saignements. » J'étudie le visage de Timothy avant de croiser le portrait de Charlie, puis Matt. Je pose une main rassurante sur l'épaule du trentenaire hospitalisé et assure, empathique : « Vous avez pas d'inquiétude à avoir, vous êtes entre bonnes mains. »

Spoiler:

Matt ne parle peut être plus mais il occupe la pièce tout autant, il s’en va pour mieux revenir avec les bras chargés de tout ce qu’il aura pu trouver en chemin, il zappe les chaînes de la télévision et en analyse le programme diffusé en une seule fraction de seconde. Il fait tout alors qu’il semble ne rien faire, et c’est ça, son super pouvoir. Tout le monde se moque de lui quand il est partout en même temps et qu’il n’arrive pas à se poser et devenir un adulte responsable, mais le monde entier sait aussi apprécier quand il en est un et que ça lui vient de la manière la plus naturelle qui soit. Il sait tout faire, il prend tous les rôles. Il dit une connerie, n’importe quoi, mais elle l’écoute quand même parce qu’elle le fait toujours, même quand c’est pour raconter la même blague pour la troisième fois de la journée. Et cette fois ci elle rigole franchement ; doucement et brièvement, certes, mais elle rigole, elle sourit à l’idée de le voir suivi comme la dernière star hollywoodienne parce qu’elle sait qu’il va adorer ça, le con, et qu’ils en entendront parler pour toute la vie.

”Hey.” Ses yeux quittent Matt aussitôt, son sourire amusé se transforme en un rictus de soulagement. Elle appose son front sur celui de Tim et, pour la première fois depuis longtemps, prend enfin le temps de souffler. ”Hey.” Elle répète, effet de miroir ; rassure. Ses doigts bougent à peine dans la main de la blonde et elle répond à cette faible pression pour deux, pour trois. Parce qu’il est là, il va bien, il parle mais s’il continue elle va seulement lui dire de se taire et seulement se reposer ; mais il va bien. Il a tout l’air de quelqu’un qui va bien, aucune autre variante n’est acceptée.

Il finit par questionner avec raison sur son état mais ni elle ni Matt ne sont en mesure de répondre quoi que ce soit et les yeux bleus de la jeune femme se reposent sur ceux de l’infirmier qu’elle jurerait avoir déjà vu. Quoi qu’il en soit, elle se promet de le remercier un jour pour tant s’occuper de Tim sans jamais entrer dans leur bulle. Ses mots sont doux, justes, pédagogues et surtout, surtout, tout sauf alarmistes. Le résumé qu’il fait est utile même à la blonde, elle qui a perdu toute notion de temps et déjà oublié toutes les questions qu’on a pu lui poser et les gestes qui ont été réalisés sur Tim. Il est dommage, cependant, qu’elle ne puisse pas oublier toute cette journée avec tant de facilité. Elle reste assise aux côtés du brun, une main dans la sienne et l’autre dans ses cheveux, pendant qu’Isaac explique clairement l’état du serveur. ”Merci.” Elle a les yeux relevés vers l’infirmier, un faible sourire sur le visage alors qu’elle bat des cils en même temps qu’elle hoche faiblement la tête pour accentuer ses remerciements. Un coup d’oeil derrière elle vers Matt, toujours présent, tente de lui signifier qu’il est tout autant concerné par ces mots. ”Vraiment.” La blonde finit par statuer et assurer par la même occasion, avant que son attention ne se reporte immanquablement sur Tim. ”Tu voulais tester le service des urgences avant l’arrivée du bébé ? Ces hommes, je vous jure, vous n’êtes pas croyables.” C’est le maximum qu’elle puisse faire pour tenter de le rassurer et à défaut d’être capable de trouver des mots suffisants, elle dépose un nouveau baiser sur sa joue cette fois ci. Ses doigts s’emmêlent encore un peu plus aux siens, qu’elle ne lâchera sous aucun prétexte.

Tant d'informations qu'il n'était pas en mesure d'assimiler. Comment avait-il pu en arriver là? Tim n'avait pas contrôlé la situation, il ne s'était pas senti partir, pas à ce point là et il s'en voulait, oh oui qu'il s'en voulait parce qu'il avait inquiété Charlie, il le voyait bien. Elle avait longtemps gardé son front contre le sien, ses doigts toujours jouant avec les siens et Decastel ne put que lui faire un faible sourire, ce qui était déjà énorme dans son état. L'infirmier arriva à ce moment-là pour exposer la situation et le brun tâcha d'écouter absolument tout, même cette histoire de saignements dans le cerveau. Cela n'avait pas l'air très bon, si? Rien d'inquiétant d'après l'homme mais Tim sentait déjà un vent de panique occuper ses muscles parce qu'il était à l'hôpital et qu'il avait fait une sacrée chute, qu'il avait saigné derrière la tête et maintenant, on lui disait que c'était aussi à l'intérieur. S'il n'y avait pas eu autant de monde dans la pièce, il se serait certainement mis à pleurer, allez savoir si c'était de soulagement ou d'inquiétude, oui, il en devenait paradoxal sous le coup de l'émotion mais ses doigts se raccrochèrent d'autant plus à ceux de Charlie au moment où l'homme sembla en terminer. "Dites, je vais pas mourir, hein? Je veux dire, je vais arrêter de saigner là-haut? Je peux pas mourir maintenant, le bébé est pas encore né, il faut qu'il ait un papa... Matt, si je disparais, tu feras attention, toi, hein?" Aller chercher son nouveau patron, comme s'il pouvait devenir le garant de l'enfant si jamais quelque chose d'atroce lui arrivait, ce n'était absolument pas ce qu'il était censé faire à ce moment là pour calmer les angoisses que devaient avoir Charlie après un tel épisode. "Je voulais pas te faire peur et atterrir ici, non... Pardonne moi, ma sirène, j'ai pas été à la hauteur." Une fois de plus, à croire que cela devenait habituel avec lui mais cette fois, il n'allait pas pleurer. Tim allait garder la tête haute et affronter le mal qui le rongeait de l'intérieur parce qu'il avait un avenir avec sa nouvelle famille et qu'il ne pouvait pas laisser passer cette chance de repartir à zéro. D'être heureux.

Les dernières constantes notées sur le dossier médical de Timothy, son état jugé stable et pour l'instant non-préoccupant malgré le fait qu'il soit requis qu'il demeure en observation pour étudier l'évolution des saignements cérébraux ainsi que pallier aux éventuels symptômes qu'il pourrait développer, je laissais l'infortuné s'enquérir auprès de ses amis avant de constater que tous les deux se fiaient sur ma personne pour divulguer les dernières informations. D'un ton calme et empathique, prenant le temps de choisir soigneusement des termes clairs et justes, je dresse au garçon l'essentiel de sa prise en charge et la suite empruntée. Je demeure en suspens, marquant des pauses offrant aux trois individus tout le loisir de poser la moindre question, de réclamer des précisions, de digérer et accepter sans presse ni stresse futiles les nouvelles. Je suis patient, autant qu'eux devront se le montrer le temps que le brun se remette sur pieds et puisse regagner son quotidien après sa malheureuse chute.

”Merci.” La future mère m'adresse, sincère, son regard azuré si expressif qu'il m'en secoue le cœur. C'est si beau de voir l'amour qui étreint férocement le couple que je leur en souhaite silencieusement, secrètement, tout le bonheur du monde ; parce qu'à mon sens, se dévouer tellement à un autre devrait être immanquablement récompensé par le destin. ”Vraiment.” ”C'est normal. On est là pour ça.” J'assure, au nom de l'équipe, et promets qu'en cas de nouveau pépin, le service sera là. Même si les journées sont rudes, même si souvent on craque dans les coulisses, même si de plus en plus l'on manque de moyens et l'on s'épuise, je demeure convaincu qu'on continuera de soigner, aussi bien que possible. J'avais confiance en ma profession et en mes collègues. ”Tu voulais tester le service des urgences avant l’arrivée du bébé ? Ces hommes, je vous jure, vous n’êtes pas croyables.” Je souris timidement, reconnaissant, refermant délicatement le dossier du Decastel complété par mes soins, prêt à quitter le box pour revenir dix minutes plus tard comme la procédure le stipule. Toutefois, la voix de l'hospitalisé m'interpelle : ”Dites, je vais pas mourir, hein? Je veux dire, je vais arrêter de saigner là-haut? Je peux pas mourir maintenant, le bébé est pas encore né, il faut qu'il ait un papa... Matt, si je disparais, tu feras attention, toi, hein?” Spontanément, je jette un coup d’œil au McGrath situé à quelques pas, avant de consacrer toute mon attention au patient anxieux. ”Ne vous inquiétez pas. On vous surveille de très près, tous vos paramètres vitaux sont normaux et sont étudiés par un spécialiste, comme les résultats des examens que vous avez passés à votre arrivée ici. Tout suit son cours comme il le faut.” J'accompagnais mes paroles en orientant le scope de manière à ce que le jeune homme puisse le voir sans bouger la tête et constater par lui-même que tous les chiffres - que je lui démontrais posément du doigt - s'affichaient sans créer d'alerte. ”On vous tiendra au courant de tout. Mais l'important, c'est que vous vous reposiez.” Et que vous vous détendiez, je songe, sans le formuler, notant mentalement que si le patient développe une angoisse surpassant le justifiable par les circonstances, un calmant pourra lui être administré. ”Je voulais pas te faire peur et atterrir ici, non... Pardonne moi, ma sirène, j'ai pas été à la hauteur.” Je glisse discrètement la sonnette dans les mains du blessé, désireux de préserver au maximum l'intimité des futurs parents. ”Je reviens dans dix minutes. S'il y a quoi que ce soit, n'hésitez pas à sonner.” Je prononce doucement, à l'attention du trio.

Spoiler:

Et Tim se réveille, thank God. "Pourquoi... Qu'est-ce qui s'est passé?"

À la seconde où il parle, moi, je dégage. Je me fonds avec le mur, je compte les lignes sur le parquet, les craques dans le plafond. Je fais des paris avec moi-même pour savoir combien de fois par millénaire ils lavent les rideaux de la chambre. Avant de jeter mon dévolu sur la plante posée sur la petite table en bordure du lit où le Decastel se repose, me demandant si c'est une vraie ou une fausse, et si c'est une vraie qui s'en occupe parce que sérieux les feuilles sont d'un super beau vert, et elle a vraiment l'air en santé la p'tite.

Charles est à son chevet, elle parle, j'interviens pas, je les laisse dans leur bulle rien qu'à eux. Y'a Isy qui entre à un moment, j'en viens même plus à me surprendre que ce soit lui qui nous prenne tous forever and always en charge, tellement la coïncidence n'en est plus une, tellement c'est devenu une habitude aussi étonnante puisse-t-elle être. Et il rassure le Jensen, il explique ce qui s'est passé, j'écoute attentivement même si j'étais là que pour la finale, même si j'ai déjà entendu celle que je considère comme ma famille relater tout ce dont elle s'est souvenue dès les premiers signes de panique de Tim.

”Tu voulais tester le service des urgences avant l’arrivée du bébé ? Ces hommes, je vous jure, vous n’êtes pas croyables.” ça, c'est ma girl. Elle désamorce, elle a la voix qui se casse un peu sur la fin, j'en fais pas un cas, me raccrochant au fait que si Tim est réveillé, tout va bien aller, pour vrai. C'est tout ce qui compte. ”Je voulais pas te faire peur et atterrir ici, non... Pardonne moi, ma sirène, j'ai pas été à la hauteur.” mes lèvres se pincent, j'aime pas qu'il se prenne au coeur comme ça, je déteste qu'il se diminue à ce point quand dans les yeux de Charlie il est tout, tout et bien plus encore. ”Je reviens dans dix minutes. S'il y a quoi que ce soit, n'hésitez pas à sonner.”

« Attends, faut absolument que je te demande un truc à propos de ma soeu- » alors je débarrasse le plancher, alors je fais même pas l'effort de terminer ma phrase, quand on sait tous que je me tire pour une seule et unique raison. « J'ai rien à te demander. Juste, je voulais les laisser seuls un peu sans que ce soit suspect. » raté, but oh well. Mes épaules que j'hausse avec nonchalance avant de balayer le couloir des yeux pour repérer ce qu'Isy allait faire, à quelques secondes de constater qu'il a probablement pas envie que je reste dans ses pattes. « T'as besoin d'aide avec ton... chariot? » mais j'ose quand même, le boulet que je suis qui n'en est pas à sa dernière frasque du jour.

Les doigts épuisés de Tim se raccrochent un peu plus à elle et la blonde en a la gorge nouée que de le savoir si impuissant. Tout semblait aller parfaitement bien pour lui il y a quelques heures à peine et désormais le voilà qu’il est cloué dans un affreux lit d’hopital et qu’il est question de saignements tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de son corps. En temps normal elle aurait toutes les raisons du monde de céder à la panique mais aujourd’hui elle doit se montrer forte pour Tim, elle doit montrer la voie et elle est certaine au plus profond de son coeur qu’il saura suivre. Il est fort, il l’a déjà montré, il le montre encore maintenant, il doit seulement croire en lui. Le pouce de la jeune femme caresse doucement la paume de sa main, énième preuve qu’elle est et restera toujours à ses côtés peu importe ce qui peut se passer. Il questionne, Tim, pourtant, il cherche des réponses aux milliards de questions qui accablent son cerveau et elle ne peut pas lui en vouloir. Une fois les remerciements passés, elle ne laisse ses yeux se reposer que sur le brun et seulement lui, la source de tout son chagrin et son bonheur en même temps. ”On vous tiendra au courant de tout. Mais l'important, c'est que vous vous reposiez.” Et puisque ces paroles étaient les seules que Charlie voulait entendre, elle hoche la tête en direction de l’infirmier, comme pour approuver ces dire alors qu’elle n’a pas son mot à dire.

Le brun émet de nouveaux doutes à propos de sa capacité à être un bon père pour leur enfant mais Charlie n’a pas le temps d’y répondre de suite, coupée dans son souffle par les gestes saccadés d’un Matt se précipitant en dehors de la salle. Elle a un mince sourire sur les lèvres, nouveau remerciement muet qu’il n’a pas le temps de voir mais qui signifie beaucoup, au fond de son coeur à elle. La blonde préfère se focaliser sur ça plutôt que sur les mots si douloureux que Tim a envers lui-même alors qu’elle va faire tout son possible pour le remettre sur pied une fois encore, craignant un peu plus le jour où elle n’en sera plus capable.

Sa chaise grince sur le sol quand elle se rapproche encore un peu plus du lit, elle délaisse ses cheveux pour venir poser ses deux mains autour de ses doigts, ceux qui n’ont pas la clochette d’alarme, ceux qui n’ont pas été perfusé, ceux là qui n’ont pas eu à être piqué par trois fois à cause des ratés. Et à chaque fois elle en a été prise de chair de poule et de hauts le coeur, de savoir qu’il avait mal mais qu’il ne pouvait rien dire parce qu’il était ailleurs. La blonde finit par poser sa tête à son tour sur le coussin, assez proche de lui pour sentir ses cheveux lui chatouiller le front. Elle prend enfin le temps de prendre une grande inspiration, ses yeux perdus ailleurs au bout du lit ; vue qu’elle n’aurait jamais cru contempler aujourd’hui. ”C’est pas si inconfortable que ça en a l’air, tu sais.” Elle change de sujet, elle désamorce, elle noie le problème. Tout mais pas ça, pas maintenant, pas aujourd’hui, pas dans cette vie. Les bips sont ceux de la machine à laver ayant fini sont job mais que personne n’a encore eu le courage d’aller ouvrir, trop confortablement enfoncés dans le lit. Les draps sont deux de mamie, lavés un milliard de fois mais au moins lestés de tous microbes. La lumière tamisée est celle des rideaux, les moins chers et les moins moches qu’ils aient pu trouver pour au moins avoir de quoi s’installer. Les cris sont ceux de la rue, parce qu’ils n’ont pas encore la maison rêvée sur la plage. Et vu comme ça, tout est normal. ”Si on met des trucs cool dans tes perf, tu pourrais tricher et rester au lit toute la journée. T’aurais la belle vie.” Sa voix ne casse plus, on entend même dans ces mots qu’elle tente de sourire pour que ça ait l’air plus vrai que nature. ”Avoue que c’était le but numéro deux de l’opération “petit détour aux urgences”, hein ?” Dis le Tim, s’il te plaît. Dis n’importe quoi qui aille dans ce sens.

Il était inquiet, bien sûr qu'il l'était, ce n'était pas quelque chose qui lui était déjà arrivé jusque là. Certes, il avait déjà fait plusieurs malaises et il s'était retrouvé au sol plus d'une fois en conséquence mais jamais on était venu lui dire qu'il saignait à l'intérieur du cerveau à cause de ce genre de méfaits. Tim avait l'impression de devenir complètement fou parce qu'il avait commencé sa journée tout à fait sereinement, prenant son service au DBD avec une certaine fierté parce qu'il avait besoin de cet argent. Au final, il se retrouvait dans une chambre d'hôpital, accueillie par les sourcils d'inquiétude de Charlie, Matt les observant d'un oeil protecteur alors que l'infirmier quittait la chambre avec cette nouvelle des plus étranges. Decastel ne savait plus quoi faire, il ne savait même plus quoi dire, il avait juste envie de laisser échapper toutes les larmes de son corps et espérer s'endormir à nouveau ou bien se réveiller de ce cauchemar parce que ce ne pouvait qu'en être un, n'est-ce pas? Charlie n'avait pas besoin de tant d'angoisse et c'était sa faute si elle était là, à le regarder et à attendre certainement qu'il se relève du lit en hurlant surprise mais ce n'était pas le cas. Le pauvre Tim était accroché de partout, sa main se raccrochant à celle de la blonde alors que tout le monde quittait la pièce, le laissant en tête à tête avec elle. Toutes les excuses du monde n'allaient certainement pas suffire et il tâcha de retrouver sa respiration alors que Villanelle s'approchait encore un peu plus, sa tête sur son oreiller, essayant de trouver les mots pour détendre l'atmosphère. Rien n'allait pouvoir relaxer Tim, pas maintenant, pas alors qu'il venait de grimper dans une ambulance sans le savoir parce qu'il avait été inconscient tout le chemin et dans quel état avait-elle été, Charlie? Il n'en savait rien, il n'avait pas été là pour la soutenir et si cela se reproduisait avec le bébé? Bon sang, il allait hyper ventiler, calme toi, Decastel. "Un lit d'hôpital? J'espère qu'ils seront mieux à la maternité sinon je me charge d'aller voir le directeur et de t'offrir un matelas correct." Il n'était pas du genre à quémander avec agressivité mais dans un tel état, Timothy devait être capable de tout, il n'en savait trop rien. A l'heure actuelle, il essayait juste d'avoir les pieds sur terre, du moins à peu près car ses yeux bleutés ne pouvaient terrer la vérité et Charlie devait le voir. "Me... Droguer? Non, Charlie, j'avais pas pour but de venir là, jamais. Pour rien au monde. Et maintenant, je m'inquiète parce que je suis un gars qui s'est pété le crâne sans rien voir venir. Et si je faisais pareil quand le bébé sera là? Je suis un danger, ma sirène, un putain de danger, c'est grave. Frappe moi, déteste moi, je sais pas..." Du Tim tout craché, à chercher à ce qu'on le flagelle pour quelque chose qu'il ne pouvait clairement pas contrôler lui même. Au fond, ce n'était qu'un appel à l'aide parce qu'il avait besoin de son soutien et c'était ce que son regard laissait transparaître, malgré tout.

Et merde.
Le plan ne fonctionne pas, il s’écroule, ils se noient.

Elle parlait d’une perfusion d’eau et de sucre, il comprend de la drogue. Elle pensait alléger leur discussion avec une blague, il la prend au premier degré. Elle pensait que tout irait mieux en prenant ses mains dans les siennes mais le stress fait qu’elle ne les triture plus que de raison, provoquant l’inconfort plutôt que le réconfort. Il demande à être détesté, encore, alors qu’elle ne voit et n’aime que lui depuis longtemps déjà. ”C’est pas ce que je voulais dire … C’est pas …” Pas de la drogue. C’était un sujet oublié, enterré. Un passé qui ne devait jamais resurgir parce que s’ils arrivaient assez bien à l’oublier peut être qu’il n’aurait aucune conséquence sur la suite. Ses paupières se ferment à cause du mépris qu’elle ressent contre elle même, sa tête s’enfonce dans l’oreille alors qu’elle enrage silencieusement. Ce n’est pas le moment de se lamenter sur leur sort. Ce temps là est révolu, il l’est à tout jamais. Et même s’il elle aurait envie de crier, de pleurer, de jurer tous les dieux ; ce n’est pas le moment. Ce n’est pas ce que Tim a besoin d’entendre. ”Arrête Tim. Avec tes si. Ca te fait plus de mal qu’autre chose.” Et cette fois ci elle a perdu sa voix douce, sa voix d’enfant qu’elle utilise toujours avec Tim parce que quoi qu’il se passe elle a toujours peur de le casser. Maintenant il a simplement besoin d’entendre la vérité parce que si il continue sur cette pente là, tous les trois vont droit dans le mur. Et ce n’est pas un scénario acceptable, ça non, pas après tout ce qu’ils ont vécu et toutes les épreuves qu’ils ont surmonté. ”On est là, tous les trois, ici et maintenant. Ca c’est réel. Ca c’est notre vie. Les accidents, ça arrive tous les jours. Ils vont te soigner et tu vas rentrer chez toi ce soir. Et tout ira bien. Parce que c’est leur boulot, parce qu’ils savent ce qu’ils font, parce que tomber n’est pas une fin en soi. Son crâne se rapproche un peu plus encore de la chevelure de Tim, comme si ce geste allait pouvoir l’aider à comprendre ce qu’elle tente de lui expliquer depuis si longtemps déjà. Il est déjà tombé et il s’est toujours relevé. Toujours. Il a beau clamer le contraire, il est sans doute l’homme le plus fort qu’elle n’ait jamais rencontré, raison pour laquelle il est devenu son roc et son pilier sans jamais n’avoir cherché à obtenir ce rôle. Il l’a gagné, de la plus pure des manières. ”Tu sais que maintenant c’est fichu pour toi. Mes sentiments envers toi ne pourront plus changer et je suis désolée de t’apprendre que la colère n’a rien à voir avec tout ça.” Une main se raccroche à ses doigts et l’autre prend possession de son bras, de peur qu’il ne s’enfuit en un claquement de doigts.

Pourquoi interprétait-il toujours tout, et de la mauvaise manière par dessus le marché? Tim se sentit bête en l'espace d'un clin d'oeil puisque Charlie sembla lutter pour trouver ses mots. Bien évidemment qu'elle ne parlait pas de drogues, un sujet des plus tendus, puisqu'ils s'étaient disputés à ce propos quelques mois auparavant, mais Decastel n'avait pas réfléchi. Il avait clairement le cerveau en vrac, à croire que les saignements n'aidaient pas à ses neurones à retrouver leur stabilité d'antan et c'était de pire en pire, là haut, il avait juste la sensation de trépasser peu à peu. Reprendre son souffle, écouter les mots de Charlie et sentir le malaise parce que sa voix avait perdu toute douceur au moment où il l'entendait de nouveau. Ce simple fait le fit frémir, il ne voulait pas la fâcher, pas alors qu'il n'avait pas la force pour répondre, pour se battre avec les mêmes armes qu'elle. Il se sentit si faible à ce moment là et ô combien inutile, cela lui étreignait le coeur. "J'y peux rien, Charlie. Mon cerveau est malade, non, je suis complètement barré, je pense tout le temps, je dors plus, je mange plus, y a des si partout dans ma vie et je suis pire que ma mère, voilà." Il ne voulait pas lui suggérer un tel fait mais c'était trop tard, c'était véritablement ce qu'il pensait, qu'un jour ou l'autre, Villanelle n'aurait pas d'autres choix que de le mettre chez les fous parce qu'elle ne verrait aucune autre utilité pour lui. Tim avait excessivement peur de ce genre d'avenir mais il essayait de le taire, du moins jusque là parce que maintenant, c'était trop tard, Charlie savait. Elle allait partir en sachant quelque chose d'aussi incroyable, c'était évident. Pourtant, elle resserrait son étreinte autour de ses doigts et Tim ne savait pas comment réagir, il n'avait jamais su comment faire avec tout, de manière générale. "Le problème, c'est quand on se relève pas." C'était son souci en tout cas et il avait beau faire tous les efforts du monde, Decastel se sentait toujours aussi perdu. Pourquoi le supportait-elle encore à partir de là? Parce qu'elle l'aimait malgré tout, même si cela dépassait toute logique pour Timothy, surtout après tout ce qu'il lui avait fait subir. "Je comprends pas, Charlie... Je comprends juste pas... Pourquoi tu m'aimes? Comment t'expliques ça? Parce que moi, je me vois juste comme le type qui te fait du mal, qu'est paumé et qui sait pas ce qu'il va devenir, c'est incroyable que t'aies encore autant de foi en moi." Il ne voyait pas que c'était exactement la définition de l'amour qu'il venait d'apposer là, entre ses doigts et Tim savait que c'était un mot qui serait toujours lié à leurs deux âmes. Irrémédiablement.

Il doit se reposer. Le médecin a dit qu’il doit se reposer. Et là, tout ce qu’il fait, c’est tout sauf se reposer. Il cogite, il se tourmente, il ressasse, il se questionne et ça, tout ça, c’est tout sauf se reposer. Elle s’en veut d’avoir entamé cette affreuse discussion alors que tout ce qu’elle aurait pu et du faire c’est rester là pour lui, sa main collée dans la sienne pour lui démontrer qu’elle est toujours présente. C’est tout ce qu’elle aurait du faire mais, comme à son habitude, elle a faillit à exécuter la plus simple des tâches : l’aimer en silence.

Au fur et à mesure qu’il laisse Charlie découvrir les maux qui le tourmentent, le coeur de cette dernière se resserre. Il vit dans un état de crise perpétuelle et elle n’avait rien vu, elle qui pourtant le voit plus souvent que jamais au DBD. Les lignes imaginaires qu’elle dessine doucement du bout du doigt sur son avant bras s’arrêtent net lorsqu’il évoque sa mère. ”Est ce que tu as confiance en moi, Tim ? Est ce que tu me crois ?” Toujours accrochée à lui tel un aimant, elle se sert de ses coudes sur le lit pour se redresser et finalement oser le regarder dans les yeux. Elle aurait un milliard de questions à lui poser et dans son esprit celle-ci n’était pas en tête de liste, elle aurait largement préféré savoir ce qui le tourmentait tant au point qu’il s’en rende malade, espérant égoïstement et secrètement qu’elle n’ait rien à voir avec tout ça. ”Parce que moi j’ai confiance en toi. Et je sais que ce n’est pas le cas pour toi, que tu penses que tu ne vas pas y arriver et que tu seras comme ta mère. Mais moi je ne pense pas tout ça. Alors aie confiance en moi, s’il te plait, c’est tout ce que je te demande.” Tout, c’est exactement ce qu’elle lui demande. Elle lui demander d’oublier une vie de sévices pour plonger dans l’inconnu avec elle, une nouvelle âme innocente à leur côté. Elle lui demande d’être fort et de mettre tous ses problèmes de côté parce que c’est toujours le même refrain, parce qu’il tire sur la corde sensible qui a déjà éclaté bien trop de fois. Elle lui demande d’être fort parce qu’elle même n’est pas certaine de l’être assez, malgré toutes les apparences qu’elle laisse transparaître. Sans lui elle n’est rien et ça l’effraye que de devoir compter sur quiconque pour sa propre survie ; c’est pourtant devenu réalité aujourd’hui.

Rejetant ses cheveux d’un seul côté de son crâne et malgré l’aspect destructeur des mots du brun, elle revient encore une fois déposer un baiser sur son front, besoin irrépressif. ”Je t’aime. Je suis désolée mais je t’aime et on n’a pas le temps pour que je te fasse la liste de toutes les raisons qui m’amènent à penser ça.” Les yeux fermés, fatigués et inquiets, elle souffle ces quelques mots alors que ses lèvres peinent à se décoller de son crâne. Chaque aveu de ce genre est un nouveau crève coeur pour elle qui a raté l’occasion de passer sa vie auprès de Tim et qui au lieu de ça a choisi l’aventure, le danger et l’inconnu. Et le choix était mauvais, terriblement mauvais. Une autre vit la vie qu’elle rêverait tant d’avoir et le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne peut pas lui en vouloir d’avoir été là pour Tim quand elle même ne l’était pas. ”Tu as besoin de repos. On reparlera de tout ça plus tard, je te le promets, mais pour le moment la priorité c’est que tu prennes soin de toi.” Et là, elle pourrait le supplier. Elle pourrait se mettre à genoux et le supplier, pour une fois, de faire passer son bien être et sa santé avant celui du reste du monde, de penser à lui avant de penser aux autres. Une fois, rien qu’une seule fois. ”Fais le pour Gabriel.” Charlie sait déjà qu’il ne ferra pas une telle chose pour son propre bien et à ses yeux, la seule chose qui pourrait lui donner la force de se battre, c’est leur enfant à naître.

Il n'arrivait plus à rester là, à être inactif, au fond d'un lit inconfortable, à essayer d'utiliser les mots corrects pour ne pas paniquer Charlie. L'entourloupe ne marchait pas, forcément, puisque la moindre pensée de Tim était néfaste, le ramenant à la condition de sa mère, à cette fameuse folie qu'il pensait sincèrement avoir hérité et dont il ne pouvait pas se débarrasser. Oui, il avait confiance en Charlie mais cella n'avait rien à voir avec elle parce que c'était lui le problème, cela avait toujours été lui et son innocence, ses idées de gamins et son manque de jugeote. Il avait été abruti de A à Z et voilà la situation dans laquelle il se trouvait, avec des neurones à l'agonie, un corps qui avait du mal à rester debout et une haine envers lui même incomparable. Il écoutait Charlie, bien évidemment qu'il restait là à l'écouter, à la voir répéter avec impatience qu'elle ne le voyait pas du tout comme un fou mais plutôt comme quelqu'un qui avait souffert et avec raison. Decastel, lui, n'y croyait plus vraiment parce que ces circonstances, il les avait cherchées, il avait même couru à deux pieds joints vers elle, sentant que s'il devait avoir un but quelconque sur cette planète, c'était de se retrouver dans l'embarras, dans cette peine constante. "Tu sais bien que j'ai confiance en toi mais c'est pas ça... J'ai pas confiance en moi, juste." Et c'était invivable, aussi invivable que de l'avoir auprès d'elle et ne pas pouvoir s'oser à la toucher parce qu'il avait décrété qu'il avait avancé et qu'il était parfaitement heureux dans sa nouvelle situation. Timothy, le roi de la décision réfléchie et mature, bon à rien qui se laissait encore bercer d'illusions. Evidemment, la blonde ne lui ferait pas le plaisir de lui répondre, de catégoriser ce qu'elle ressentait pour lui puisqu'il n'y avait aucune logique là dedans, c'était juste une réalité et on ne pouvait rien y faire. De la même manière que Tim ne pouvait pas rester là à se reposer, il ne pouvait plus. "Je peux pas rester là, je peux pas..." Timothy se releva d'un bond, ignorant ses vertiges, arrachant sa perfusion sans faire attention au sang qui coula tout de suite. Tant pis s'il ne tenait pas sur ses jambes, tant pis si ce qu'il faisait n'avait pas de sens mais il ne pouvait plus respirer là, il ne pouvait même plus exister et c'était devenu trop pour lui. "C'est toi qui dois te reposer, pas moi. On s'en fout de moi. Je vais te tuer à l'usure Charlie, toi, le bébé, tout le monde parce que je fais n'importe quoi, tu le vois ça? Je suis devenu un soldat, moi, c'est débile! J'ai une copine qui va me quitter d'ici à peu près deux minutes et demi et putain, qu'elle a raison, qu'il est temps! Et bordel, qu'est-ce que tu as eu raison de choisir quelqu'un d'autre toi aussi.. Regarde moi, plus rien ne fait sens en moi depuis des mois, je peux juste plus..." Il allait tomber pour sûr mais Timothy s'y refusait car il avait décrété qu'il était plus fort que cela, même s'il tournait de l'oeil, même s'il avait mal au coeur et à tous les membres encore à peu près viables en lui. Il préférait mourir que de continuer ainsi.

Les paroles de Tim servent de déclencheur, il décrète ne plus pouvoir resté couché au fond de ce lit qui pourtant lui faisait le plus grand bien. Il s’impatiente, déjà, et au fond elle ne peut que le comprendre mais elle reste incapable d’accepter sa décision, trop inquiète à propos de sa santé. Pendant quelques secondes, elle ne sait ni quoi dire ni quoi faire. Il se lève d’un bond, débranche ses perfusions, se retrouve déjà assis sur le lit et ce n’est qu’une simple étape avant qu’il ne se retrouve sur deux pieds et qu’il, dans sa théorie, quitte l’hôpital. Mais il ne peut pas faire ça. Il est encore trop faible, choqué par la chute qu’il vient de faire.

Alors, encore une fois elle n’écoute pas réellement ses mots et agit avec instinct, contournant le lit pour l’empêcher de se relever. Sa situation la fait réagir avec plus de lenteur qu’elle ne le voudrait, mais son bras tendu empêche Tim de se relever. Elle ne met aucune force dans cette main qu’elle pose sur son torse et sur ses doigts qui frôlent à peine son tissu. Le geste est davantage une supplication muette plutôt qu’un ordre, ses yeux bleus perdus dans les siens vont de pair avec le reste. Son autre main encercle la sienne, celle qui était auparavant perfusé, celle dont le sang goutte déjà, celle qu’elle pense sauver d’une hémorragie si jamais elle la serre assez fort. Sans doute qu’elle se trouve une excuse, encore une fois, alors qu’elle écoute le discours de Tim, son coeur au bord du précipice. Malgré tout ce qu’elle a pu lui dire, tout ce qu’elle a pu faire pour lui, il ne se pense toujours pas digne du rôle de père qu’il aura bientôt et en plus de le tuer lui, ça la tue elle. Il évoque tous les problèmes qu’ils ont dû traverser, ceux qu’ils ont souvent à peine effleuré parce qu’en parler faisait trop mal et nier l’évidence était souvent bien plus aisé. Le condensé est court mais ô combien fort pour eux deux, énième raison à ses yeux pour ne pas être suffisant alors que pour Charlie ce ne sont que de nouvelles raisons pour elle que de l’aime encore plus et lui prouver qu’il mérite d’être quelqu’un.

Postée devant lui, elle l’écoute sans rien dire pendant plusieurs secondes et laisse un silence s’installer quelques secondes de plus encore. Le sang du dos de la main de Tim s’inscrit dans la paume de la blonde mais elle ignore le liquide chaud, se concentrant uniquement sur ses iris bleutés, toujours aussi perçants malgré les éclairages relatifs de la salle. ”Tu veux savoir pourquoi je t’aime ? Tu veux savoir comment je l’explique ?” Avec douceur, sa panique enfouie au fond de son âme, elle reprend les questions qu’il avait eu pour elle à peine quelques minutes auparavant. ”Promets moi que tu resteras dans ton lit le temps que je t’explique tout ça.” Elle se montre forte alors que son corps entier crie au mensonge, alors que si elle reste dans la même position une simple minute de plus son bras tendu en sa direction va se mettre à trembler de peur, de stress, de panique. Pourtant elle ne veut pas avoir à appuyer sur la clochette, elle ne veut pas avoir à appeler le premier infirmier venu ni même celui qui avait tout expliqué à Tim il y a peu. Il a dit dix minutes et le temps est bientôt écoulé, elle cherche déjà une raison qui expliquerait que sa perfusion ait sauté. Parce qu’il ne l’a pas arraché lui même, non. Elle a sauté. C’est une erreur, ce n’est pas grave. Ce n’est la faute de personne. ”C’est toi que j’ai choisi, alors s’il te plaît ne t’en va pas. Reste avec moi.” Dans tous les sens du terme, mais surtout, surtout au sans propre. Il doit se soigner, il doit aller bien. Pour toujours, parce qu’il le mérite et qu’elle l’aime.